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Les ressorts de l´urbanisme europeén

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  • 8/19/2019 Les ressorts de l´urbanisme europeén

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    Les ressorts de l'urbanisme européen : d'Alberti et Thomas More à Giovannoni et MagnaghiAuthor(s): Françoise Choay, Olivier Mongin and Thierry PaquotSource: Esprit, No. 318 (10) (Octobre 2005), pp. 76-92Published by: Editions EspritStable URL: http://www.jstor.org/stable/24470113

    Accessed: 06-03-2016 01:38 UTC

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     d'Alberti et Thomas More

     à Giovannoni et Magnaghi

     Entretien avec Françoise Choay

     Après des ouvrages sur Le Corbusier et la planification urbaine au

     XIXe siècle (Le Corbusier et City Planning in the XIXth Century1),

     Françoise Choay met en avant les liens entre l'urbanisme européen et

     les modèles utopiques (l'Urbanisme, utopies et réalités2). La Règle et

     le modèle. Sur la théorie de l'architecture et de l'urbanisme3 montre

     ensuite comment deux textes fondateurs, le traité d'architecture d'Al

     berti (De re aedificatoria, 1452) et /'Utopie de Thomas More (1516),

     sous-tendent les théories d'urbanisme en Occident. Sa réflexion ne

     cessera de revenir, via Alberti et More (puis Magnaghi), sur ces deux

     matrices que sont le traité d'architecture et le projet utopique. Tout en

     publiant des travaux de référence sur la question du patrimoine (l'Allé

     gorie du patrimoine4), indissociable de son intérêt pour la réflexion de

     Gustavo Giovannoni dont elle favorise la traduction (l'Urbanisme face

     aux villes anciennes5), et sur l'évolution de l'urbanisme au XIXe siècle6,

     Françoise Choay achève avec Pierre Caye une traduction du traité

     d'architecture d'Alberti sous le titre l'Art d'édifier7 (qui est le point de

     départ de ce dossier) et fait connaître les travaux (pratiques et théo

     riques) d'Alberto Magnaghi dont elle a préfacé la traduction du Projet

     local8. Parallèlement à son activité d'enseignante, Françoise Choay a

     1. New York, Braziller, respectivement 1960 et 1965.

     2. Paris, Le Seuil, 1965, repris dans la collection « Points » en 1979.

     3. Paris, Le Seuil, 1980.

     4. Paris, Le Seuil, 1992, rééd. 1996.

     5. Paris, Le Seuil, 1998 (la première édition italienne date de 1931).

     6. Voir ses deux textes de référence sur le XIXe siècle et sur le XXe siècle dans les tomes 4 et

     5 de l'Histoire de la France urbaine au Seuil et son édition des Mémoires d'Haussmann (id.).

     7. Paris, Le Seuil, 2005.

     8. Paris-Spirmont, Pierre Mardaga, 2003.

     Octobre 2005 76 ESIRrr

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     animé la collection « Espacements » au Seuil où elle a publié Cerdd,

     Alexander, Rykwert, Augoyard... Elle publiera prochainement, toujours

     aux éditions du Seuil, une anthologie regroupant les grands textes de

     référence sur le patrimoine et un livre au titre encore provisoire (Mon

     dialisation et jeux d'espace. Sur l'édification comme compétence

     anthropologique). Esprit est particulièrement heureux de contribuer à

     faire mieux connaître une œuvre qui n'a pas grand-chose à voir avec

     une discipline dans la mesure où elle touche les fondements anthropo

     logiques de l'humanité à travers la construction et l'expérience urbaine.

     Esprit

     ESPRIT — Comment avez-vous abordé les questions relatives à l'architec

     ture, à l'urbanisme et à l'aménagement qui sont les thèmes explicites et

     récurrents de vos ouvrages ? Votre approche de la ville passe par une

     réflexion sur le corps humain et les échelles d'aménagement. Comment

     en êtes-vous venue à donner cette importance au corps ? En 1971, dans

     un article de la Nouvelle revue de psychanalyse, vous citiez déjà

     Alberti et confériez un rôle génératif à la notion d'espacement, terme

     repris pour le titre de la collection « Espacements » que vous avez diri

     gée au Seuil.

     Françoise CHOAY - Effectivement, ce que j'ai pu apporter à la

     réflexion sur l'espace de notre cadre de vie, qu'il s'agisse d'architec

     ture ou d'urbanisme et d'aménagement passe, et a été conditionné,

     par une expérience concrète. Ce ne sont ni les livres, ni les ordina

     teurs qui vous ouvrent l'espace ambiant : il faut marcher, regarder,

     toucher, sentir, rencontrer des gens, mettre en jeu son corps dans une

     confrontation vivante avec des bâtiments, des paysages et les autres.

     C'est ce que j'ai commencé par faire, grâce à une expérience pour

     moi fondamentale, bien que due au hasard, le journalisme, que j'ai pu

     pratiquer, en toute liberté, pendant quatre ou cinq ans, à temps plein,

     dans la revue L'Œil de Georges Bernier, mais avant tout à l'ancien et

     exemplaire France-Observateur, grâce au soutien également exem

     plaire de Gilles Martinet et d'Hector de Galard, et à l'intérêt qu'ils

     portaient aux problématiques de l'urbanisation.

     C'est ensuite seulement que les livres et ma formation philoso

     phique m'ont été utiles. La clé qui m'a permis de les utiliser est cette

     expérience physique, corporelle. Mais il m'a fallu du temps.

     La recherche des ouvrages de référence sur l'architecture et l'urba

     nisme, je l'ai entamée d'abord dans le champ contemporain et dans

     celui du XIXe siècle, en m'interrogeant sur les dimensions idéolo

     giques de ces pratiques spatiales à la lumière des utopies du XIXe siè

     cle et aussi à l'aide d'instruments d'analyse empruntés à la linguis

     tique structurale.

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     Le chemin menant à Alberti s'est ouvert vers 1969-1970. Dans la

     foulée du Schéma directeur de la région parisienne (22 juin 1965),

     Paul Delouvrier lançait la politique des villes nouvelles, emblémati

     sée par la métaphore du « cœur de ville ». C'est en voulant découvrir

     la généalogie de cette image que je suis remontée jusqu'à Alberti,

     dont le nom même m'était inconnu. Sur le thème « corps et espace »,

     vous citez l'article de la Revue française de psychanalyse de 1974. À

     cette date, j'étais déjà engagée depuis cinq ans dans la double et soli

     daire découverte d'Alberti d'une part, des rapports du corps et de

     l'espace, de l'autre.

     Espacements : Histoire de l'espace urbain en France est en réalité le

     titre de mon premier travail sur les échelles spatiales d'aménage

     ment. Illustré par de magnifiques photos de Jean-Louis Bloch-Lainé,

     l'ouvrage fut édité hors commerce en 1969 par l'Immobilière de

     construction ; scanné, réduit à un petit format et muni d'une nouvelle

     introduction, il a été réédité en 2004 par Skira. C'est ce titre qui

     m'avait ensuite inspiré celui de la collection du Seuil. J'entendais

     ainsi la focaliser sur l'activité concrète qui nous fait vivre et structu

     rer notre milieu spatial : activité qu'illustrent à deux niveaux diffé

     rents les livres respectifs, Pas à pas et Expérience de l'Orégon, de

     Jean-François Augoyard et de Christopher Alexander.

     Quant à Alberti, j'ai tenté pour la première fois de le situer histori

     quement sur l'horizon de la culture ouest-européenne en 1973, dans

     « Figures d'un discours méconnu » : cet article, publié grâce à l'appui

     de Jacques Derrida, par la revue Critique est en fait une première

     esquisse de la Règle et le modèle.

     L'article de la Nouvelle revue de psychanalyse a eu pour moi le seul

     mérite de me confronter au Traité de Piero Averlino, dit Filarete, sans

     doute le seul parmi les contemporains d'Alberti à avoir compris le

     rôle que ce dernier confère au dialogue et au corps. En effet, Filarete

     écrit son propre Traité sous la forme d'un dialogue entre un architecte

     qui s'exprime à la première personne et son client princier. Davan

     tage, au cours de leur échange, et pour le faciliter, il lui enseigne

     cette activité essentiellement corporelle, le dessin. Et encore - ce fut

     le sujet de mon intervention dans le séminaire de Roland Barthes sur

     le labyrinthe en 1978-1979 - il montre pourquoi Dédale est alors

     considéré comme le patron des architectes : impossible de s'engager

     dans le labyrinthe en faisant abstraction de son corps.

     Après Alberti et Filarete, personne n'a su dire comment et pour

     quoi la vocation de l'architecte passe nécessairement par la média

     tion de son propre corps et par la pratique d'un dialogue, sauf Paul

     Valéry. Rappelez-vous Eupalinos et la prière que l'architecte adresse

     à son corps. Je me suis amusée récemment à mettre en parallèle les

     formules énoncées par le théoricien du Quattrocento et celles du

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     poète mort en 1945 : les coïncidences sont impressionnantes.

     Ensemble, elles disent et l'actualité d'Alberti et celle - trop mécon

     nue aujourd'hui - des Considérations sur le monde actuel de Valéry,

     parmi lesquelles Eupalinos s'inscrit en toute légitimité.

     SOCRATE

     Il est donc raisonnable de penser que les créations de l'homme sont

     faites, ou bien en vue de son corps, et c'est là le principe que l'on nomme

     utilité, ou bien en vue de son âme, et c'est là ce qu'il recherche sous le nom

     de beauté. Mais, d'autre part, celui qui construit ou qui crée, ayant affaire

     au reste du monde et au mouvement de la nature, qui tendent perpétuelle

     ment à dissoudre, à corrompre, ou à renverser ce qu'il fait ; il doit recon

     naître un troisième principe, qu'il essaye de communiquer à ses œuvres, et

     qui exprime la résistance qu'il veut qu'elles opposent à leur destin de périr.

     Il recherche donc la solidité ou la durée.

     PHÈDRE

     Voilà bien les grands caractères d'une œuvre complète.

     SOCRATE

     La seule architecture les exige, et les porte au point le plus haut.

     PHÈDRE

     Je la regarde comme le plus complet des arts.

     SOCRATE

     Ainsi, le corps nous contraint de désirer ce qui est utile ou simplement

     commode ; et l'âme nous demande le beau ; mais le reste du monde, et ses

     lois comme ses hasards, nous oblige à considérer en tout ouvrage, la ques

     tion de la solidité.

     Extrait de Paul Valéry, Eupalinos ou l'architecte,

     Paris, Gallimard, coll. « Poésie/Gallimard », 1970, p. 81-82.

     Relire Alberti aujourd'hui

     Mais votre réflexion sur le statut contemporain du corps humain, com

     ment rencontre-t-elle le propos d'Alberti dans son De re aedificatoria

     qui appartient au contexte historique de la Renaissance ?

     Évidemment, on ne peut pas ne pas s'interroger sur ma lecture

     d'Alberti, en particulier compte tenu de tout ce qui chez lui est

     devenu anachronique et ne nous concerne plus aujourd'hui, comme

     sa physique ou encore son approche pré-vésalienne du corps. Mais il

     importe de garder à l'esprit deux circonstances. D'une part, Alberti,

     comme nous-mêmes à présent, vit une révolution culturelle qui

     consacre son appartenance à deux mondes : le monde médiéval dont

     il a assimilé l'ensemble des traditions et le monde nouveau de la

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     Renaissance qui met le premier en question. Ensuite, cette Renais

     sance, cette révolution épistémologique du Quattrocento, dont Alberti

     a été l'un des inventeurs, peut être définie par le déplacement d'at

     tention qu'elle opère du créateur divin vers la créature, et par la prise

     de distance à l'égard de tout ce qui allait de soi quant au statut et aux

     activités de cette créature, désormais transformés en objets de

     réflexion. C'est ainsi que pour la première fois dans l'histoire — et

     peut-être bien jusqu'aujourd'hui la seule - Alberti, analysant la pra

     tique du bâtisseur, s'interroge sur sa signification. En outre, même si

     Alberti continue, conformément à la tradition médiévale, de penser le

     corps humain selon la physique des humeurs, dans le même temps, ce

     corps devient pour lui (Burkhardt l'a précocement mis en évidence

     dans la Civilisation de la Renaissance) le vecteur d'une notion jus

     qu'alors non avenue, celle d'individualité.

     Cela signifîe-t-il que le corps humain est pris comme V« unité de

     mesure » par excellence de l'architecture ?

     Non. Et c'est ce qui distingue l'organicisme d'Alberti de l'anthro

     pocentrisme et de l'anthropomorphisme de ses contemporains Filare

     te et Francesco de Giorgio Martini comme des trattatistes du XVIe siè

     cle (Francesco de Giorgio va jusqu'à dessiner dans son traité des

     édifices anthropomorphes avec bras, jambes, tête, etc.).

     La règle d'Alberti (le De re aedificatoria n'est pas illustré et ne pro

     pose jamais de modèle ni de typologie) est qu'un bâtiment doit pré

     senter un rapport organique entre sa totalité et ses parties qu'il consi

     dère comme les membres d'un corps. Un tel rapport caractérise tous

     les vivants produits par la nature et, à cet égard, l'homme ne jouit

     d'aucun privilège qui le différencierait des autres animaux. De fait,

     lorsqu'Alberti évoque la relation à la fois fonctionnelle et harmo

     nieuse entre le tout et les parties, l'animal paradigmatique, celui dont

     il analyse le plus volontiers la morphologie, est le cheval.

     L'énonciation de règles codifiées selon un système de proportions

     numériques tirées du corps humain intervient uniquement dans la

     troisième partie du De re aedificatoria, et pour l'essentiel au livre VII,

     lorsqu'Alberti reprend les règles canoniques des ordres vitruviens.

     Mais il s'agit là d'un développement en quelque sorte archéologique

     et que je considère comme adventice.

     Dans ce contexte de la Renaissance, comment Alberti aborde-t-il la

     ville ?

     La ville est centrale chez Alberti et pour deux raisons. Première

     ment, quelle que soit leur échelle, les différentes modalités d'inves

     tissement de l'espace sont pour lui de même nature. Nous dirions

     aujourd'hui qu'architecture et urbanisme ou aménagement relèvent

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     d'une même activité. Autrement dit encore, il affirme que « La cité

     est une très grande maison et inversement la maison elle-même est

     une toute petite cité dont les membres, à leur tour, peuvent être

     considérés comme de petits logis », selon une formule que Cerdâ, le

     premier théoricien de l'urbanisme, reprendra ou réinventera (difficile

     de savoir) quatre cents ans plus tard (Teoria general de la urbaniza

     ciôn, Madrid, 1867).

     Deuxièmement, pour Alberti, la vocation du bâtir est d'étayer l'ins

     titutionnalisation des sociétés humaines. Il le dit clairement dès le

     Prologue du De re aedificatoria. De ce fait, il s'intéresse à la fois à la

     conception de la demeure qui sert à l'institutionnalisation de la

     famille et à la conception de la ville qui étaie l'institution du poli

     tique.

     Un des aspects les plus intéressants des règles d'Alberti concer

     nant l'édification de la ville réside dans le traitement du contexte du

     bâti préexistant (là Filarete n'est plus d'accord et raserait volontiers

     tout ce qui appartient au « vieux style »). La démarche d'Alberti est

     ici encore d'une actualité étonnante. Ce grand novateur conjure en

     effet les bâtisseurs de s'inscrire dans le contexte urbain préexistant,

     de ne détruire qu'en cas de véritable impossibilité. Car, quatre cents

     ans avant Ruskin, et presque dans les mêmes termes, il dit le rôle

     mémorial de l'espace édifié qui assure, tout à la fois, la continuité des

     institutions humaines et leur nécessaire transformation. Ce qui est

     reconstruit pour remplacer un bâti trop vétusté ou anachronique doit

     pouvoir être intégré dans le bâti existant afin de poursuivre, d'une

     nouvelle manière, le même rôle sociétal et mémorial. Alberti ne le dit

     pas dans les termes qui seraient les nôtres à présent. Mais sa lecture

     répétée m'a permis de comprendre cette dimension symbolique spéci

     fique du milieu édifié qui redouble la parole et soutient le procès

     d'institutionnalisation des sociétés.

     Dans la Règle et le modèle, ouvrage de référence sur le paradigme

     urbanistique de notre monde européen, Thomas More et Alberti sont

     convoqués l'un et Vautre. Quelle peut être la matrice commune de leurs

     deux œuvres à première vue antithétiques ? Autrement dit, l'utopie a-t

     elle un sens pour Alberti ?

     L'utopie n'a aucun sens pour Alberti, ni d'ailleurs pour aucun de

     ses contemporains. (La Sforzinda de Filarete, souvent et à contresens

     ainsi désignée, est une ville idéale, au sens d'un exemple concret,

     construit progressivement sous les yeux du lecteur, dans un lieu bien

     précis où elle s'insère harmonieusement, et au fil d'un dialogue entre

     l'architecte et son prince.) L'utopie est à la fois un genre littéraire et

     une manière, propre à notre culture, d'aborder l'espace, qui a été in

     ventée par Thomas More. Je l'ai démontré dans la Règle et le modèle.

     81

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     Mais, le terme forgé par More n'a cessé d'être galvaudé depuis le

     XVIIe siècle et il est devenu aujourd'hui un fourre-tout qui n'a plus

     aucun sens fixe. Je l'ai également montré.

     Le dénominateur commun à la démarche d'Alberti et à celle de

     More réside dans le rôle régalien dévolu à l'espace édifié qui, chez

     l'un comme chez l'autre, étaie le procès d'institutionnalisation des

     sociétés concernées. On pourrait même ajouter que, dans l'un et

     l'autre cas, Dieu est absent : Dieu n'apparaît qu'au pluriel sous la

     plume du membre de la curie romaine qui écrit le De re aedifîcatoria,

     et dans YUtopie du futur saint, c'est un homme (Utopus) qui conçoit

     les lois et l'espace d'Utopia.

     Mais dès lors que l'on considère les modalités de génération et de

     fonctionnement de l'espace édifié, un abîme sépare les deux œuvres.

     Alberti conçoit l'édification comme un processus ou un projet, ouvert,

     dont les deux contraintes indépassables sont l'intégration dans le

     monde naturel (géologique, climatique, végétal, animal...) et la prise

     en compte de la demande spécifique de l'animal parlant, du zoon

     politikon d'Aristote qu'il connaît par Thomas d'Aquin, mais aussi

     plus directement, en particulier par le truchement de Cicéron : cette

     véritable aventure, appelée à se dérouler dans le temps de l'histoire,

     sur un horizon imprévisible, rendra les hommes toujours plus et

     mieux humains. L'apport fondamental d'Alberti à notre culture est

     d'avoir, à l'issue de sa méditation sur le sens de l'habiter et du bâtir,

     conféré aux disciplines de l'espace, libérées de toute allégeance

     d'ordre religieux ou traditionnel, une autonomie et une légitimité ins

     tauratrices.

     More, de son côté, servi par sa lecture de Platon (Critias et les

     Lois), découvre le conditionnement des sociétés humaines par le

     façonnement de l'espace, qui acquiert ainsi une dimension orthopédi

     que : je ne connais pas meilleure illustration de cette vocation norma

     lisatrice et institutionnalisante attribuée à l'espace, que la descrip

     tion par Claude Lévi-Strauss du village bororo, lorsque l'ethnologue

     montre comment la position d'une case dans le cadre du village étaie

     et solidarise à la fois la vision du monde et le rôle économique de ses

     habitants, au même titre que leurs fonctions dans l'accomplissement

     des rites tribaux et les règles de mariage auxquelles ils sont soumis.

     Le modèle spatial qui sous-tend ainsi toutes les conduites sociales

     des Utopiens n'est pas seulement figé dans le temps (comme la struc

     ture homéostatique du village bororo), mais les habitants d'Utopia

     n'ont, pas plus que les Bororos au plan de leur village, participé à son

     élaboration : la différence tient au fait qu'au lieu d'être un legs de la

     tradition, ce modèle leur a été imposé par un sage qui a mis en place

     sur l'île d'Utop ie la grille d'un schéma technique abstrait. Car voici

     le mot-clé lâché : technique. Soyons précis. D'une part, il ne s'agit

     82

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     pas, en ce début du XVIe siècle, de techniques sophistiquées, mais

     bien cependant d'un asservissement instrumental de la nature.

     D'autre part, ce constat ne veut pas dire que la technique n'ait pas de

     rôle chez Alberti. Bien au contraire, ce dernier fut un grand techni

     cien dont Léonard de Vinci s'est largement inspiré dans ses

     recherches sur l'hydraulique et la construction des ponts. Mais, pour

     Alberti, la technique se déploie dans le champ de la nécessité, elle

     est asservie aux lois de la nature. L'édification du milieu humain ne

     s'achève qu'à un autre niveau, par l'intervention spécifique de la

     demande humaine, elle n'est pensable que dans le temps et à travers

     l'échange de la parole.

     Vous devez commencer à comprendre pourquoi, sans méconnaître

     le génie de More, mon cœur me porte vers Alberti. Il a souvent été

     taxé de pessimisme par l'historiographie contemporaine. J'admire au

     contraire sa foi dans l'homme auquel le temps et l'histoire permettent

     d'assumer toujours plus pleinement son humanité au sein de commu

     nautés instituées. En réalité, le vrai pessimiste est More. En effet,

     selon lui, les sociétés humaines sont impuissantes à s'autogérer. Elles

     requièrent un guide investi du pouvoir transcendant d'un savoir et

     d'un savoir-faire. Quelles que soient les valeurs régnant en Utopie

     (égalité, frugalité, travail, amour réciproque), leur mise en œuvre

     n'est garantie que par un dispositif spatial : porte ouverte à toutes les

     instrumentalisations.

     Quelques bémols cependant. Il ne faut jamais oublier que si, dans

     l'Utopie, More délègue de tels pouvoirs à un instrument spatial, son

     ouvrage n'a pas d'autre finalité que critique et théorique. Comme

     Louis Marin l'a souligné autrefois, le chancelier d'Henri VIII est un

     homme du texte, il n'a jamais entendu réaliser son utopie. Il s'agissait

     seulement pour lui d'une critique réaliste et féroce de l'Angleterre

     (on oublie trop que l'utopie plonge ses racines dans la réalité la plus

     rugueuse). Néanmoins, More livre à la culture ouest-européenne une

     conception instrumentale de l'espace et une hypothèse de travail dont

     l'application concrète s'imposera le moment venu, dès le début de la

     révolution industrielle, lorsque la technoscience aura acquis un

     savoir et des pouvoirs délivrant un nouveau mode d'asservissement

     de la nature.

     Mais qu'en est-il du destin de l'œuvre d'Alberti ?

     Parlons-nous de son œuvre en général ou du De re aedificatoria ?

     En fait, les deux ne sont pas séparables. Voici quelques repères sché

     matiques.

     • Globalement, depuis Quattrocento, Alberti a toujours été considéré

     comme un uomo universalis, une figure majeure de la première

     Renaissance italienne et l'un de ses créateurs.

     83

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    10/18

     Les ressorts de l'urbanisme européen

     • Tout se tient dans l'œuvre d'Alberti, et en particulier le livre De la

     famille et le Momus, indissociables du De re aedifîcatoria.

     • Le De re aedifîcatoria est le premier traité « instaurateur » de la

     culture post-médiévale, il est à l'origine d'une longue généalogie

     d'ouvrages et cependant, s'il a été régulièrement utilisé et pillé,

     aucun des trattatistes qui ont succédé à Alberti n'a perçu et déve

     loppé la dimension anthropologique qui innerve l'ouvrage entier.

     • En France, le De re aedifîcatoria n'a connu qu'une seule traduction

     avant la nôtre, celle publiée par Jean Martin en 1553. Mais après la

     première édition latine de 1485, Geoffroy Tory avait publié à Paris en

     1512 sa magnifique édition de référence, qui organise le texte en cha

     pitres et introduit les paragraphes, et il ne faut pas oublier que jus

     qu'au XVIIIe siècle au moins, tout le public concerné lisait le latin.

     • À partir essentiellement de l'entre-deux-guerres, les développe

     ments de disciplines telles que la philologie, l'histoire, la linguistique,

     l'épistémologie... ont permis une réédition scientifique de l'ensemble

     de l'œuvre albertienne qui a fait l'objet d'une véritable restauration

     archéologique. Dans le même temps, toutefois, ces textes, et bien sûr

     le De re aedifîcatoria, ont été soumis à ce que Michel de Certeau a

     nommé une opération historique : ils ont été lus à la lumière des pro

     blématiques actuelles. C'est ainsi, dans la perspective de la mondia

     lisation, de ses conséquences sur notre environnement, des menaces

     qu'elle fait peser sur notre espèce, que la vocation anthropogénétique

     attribuée par Alberti à l'édification de notre cadre spatial m'est appa

     rue d'une extraordinaire pertinence. Rétrospectivement, parmi l'en

     semble de la littérature consacrée à l'espace bâti et aux pratiques

     impliquées dans son aménagement, le seul auteur, on l'a vu, chez qui

     j'ai retrouvé cette approche singulière, est Ruskin. On pourrait, à un

     moindre degré, y ajouter le Viollet-le-Duc des Entretiens, qui cherche

     pour le bâtisseur de son époque des règles universelles, analogues à

     celles d'Alberti. Et ce n'est pas un hasard si Ruskin et Viollet entre

     prennent cette réflexion, comme nous aujourd'hui, dans le contexte

     d'une révolution technique qui est aussi une révolution culturelle.

     La ville des réseaux et Γaccueil des corps

     L'autre dimension qui retient votre attention aujourd'hui, non sans

     contraste avec votre intérêt pour le corps, est le développement hégémo

     nique des réseaux techniques d'infrastructure. Mais à quel moment la

     préoccupation de ce type de réseaux contribue-t-elle à la négation du

     corps ? Est-ce déjà le cas avec Cerdd et Haussmann ?

     En matière d'aménagement, les premiers réseaux techniques d'in

     frastructure modernes apparaissent, grosso modo, à partir des

     premières décennies du XIXe siècle sous l'impact de la révolution

     84

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    11/18

     Les ressorts de l'urbanisme européen

     industrielle. Certes, leur implantation retentit alors sur l'exercice de

     la corporéité, mais sans la mettre en question et essentiellement chez

     les citadins. L'exemple du Paris haussmannien est probant. Le Préfet

     conçoit et réalise un ensemble totalement innovant de réseaux souter

     rains et terrestres, connectés entre eux et qui permettent à la ville,

     anachronique et paralysée, de répondre efficacement aux exigences

     de l'ère industrielle. Mais cette métamorphose n'exclut en aucune

     façon le souci des espaces et l'échelle de proximité. Voyez le traite

     ment de l'espace public : jardins, squares et trottoirs : la rue avec ce

     merveilleux mobilier urbain qu'à défaut d'en poursuivre la création,

     nos édiles n'ont même pas su préserver. Concrètement, les perce

     ments du Paris haussmannien représentent 20 des « grands tra

     vaux » et le travail de couture 80 . Le déploiement de la technique

     et des réseaux n'est alors nullement hégémonique : il est compris

     comme une nécessité instrumentale et compatible avec la coexistence

     d'espaces anciens et nouveaux, destinés à accueillir les corps et les

     relations sociales.

     Cependant, Cerdâ est fortement préoccupé par l'expansion des villes et il

     explique que les transports en commun et les communications vont l'em

     porter. N'est-ce pas le signe de la prévalence des réseaux sur les corps ?

     Ce chantre de la technique, qui croit à une science de l'urbanisme,

     n'a pas laissé, lui aussi, de se pencher sur les échelles de proximité.

     Les urbes, ces unités de voisinage, toutes différentes, appelées à

     constituer la ville indéfiniment développable, ont pour destination

     l'accueil des corps dans la quotidienneté des rapports humains. Rap

     pelez-vous l'adage de Cerdâ : « L'homme se meut et l'homme demeu

     re » qui résume pour lui la double polarité de l'activité humaine et de

     la tâche de l'aménageur.

     De fait, en dépit de la sophistication croissante des réseaux et des

     avancées techniques qui ne cessent de se multiplier à la fin du

     XIXe siècle et à mesure qu'on progresse dans le XXe siècle, les

     échelles de proximité et la présence active du corps continuent d'être

     partie intégrante du travail accompli par la majorité des grands prati

     ciens et théoriciens de l'urbanisme. Pour rester en Europe, il suffit, à

     la suite de Haussmann, d'évoquer Otto Wagner, Stubben, les disciples

     de Sitte. Au XXe siècle, pensons à Prost et à son magistral maniement

     des échelles d'aménagement, en particulier au Maroc. Pensons aussi

     aux villes nouvelles issues en Grande-Bretagne de la garden-city

     d'Ebenezer Howard. Ou encore - c'est peut-être un des meilleurs

     exemples - au double travail théorique et pratique accompli en Italie

     par Gustavo Giovannoni9, l'inventeur du terme « patrimoine urbain »,

     9. Gustavo Giovannoni, Vecchie città ed edilizia nuova, Turin, 1931, trad. fr. la Ville ancienne

     face à l'urbanisme, Paris, Points-Seuil, 1998.

     85

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     le premier à avoir démontré pourquoi, à quelles conditions et com

     ment les ensembles urbains anciens peuvent et devraient, au lieu

     d'être muséifiés, être utilisés et intégrés dans la vie contemporaine. Il

     est aussi le premier à avoir raisonné en termes de compatibilité entre

     l'aménagement par réseaux, dont il fut l'un des premiers théoriciens,

     et ce qu'on pourrait appeler l'aménagement contextuel. J'évoque son

     œuvre d'autant plus volontiers qu'il fut, en son temps, l'un des cri

     tiques les plus lucides de Le Corbusier, dont vous vous êtes peut-être

     étonné que je n'aie pas mentionné le nom, trop souvent pris, à la suite

     d'une série de contresens, pour un symbole de la modernité. Une

     modernité purement incantatoire, dont Giovannoni a dénoncé, entre

     autres, la façon dont elle cache son archaïsme derrière l'apologie

     inconditionnelle d'un réseau unique, celui de la voirie automobile.

     Et pourtant, vous dites qu'à l'heure actuelle, l'espace traditionnel, lieu

     d'implication du corps par excellence, est en voie d'effacement.

     Absolument. Nous sommes désormais confrontés à une probléma

     tique radicalement différente, à une rupture qualitative, due à une

     hégémonie, jusqu'alors impensable, de la technique et, en particulier

     en amont, de ses réseaux immatériels, non seulement sur notre cadre

     de vie, mais sur l'ensemble de nos pratiques et conduites. La révolu

     tion électronico-télématique amorcée à partir des années 1960-1970

     est sans commune mesure, dans son impact et ses conséquences, avec

     la révolution industrielle et sa préfiguration des réseaux actuels.

     Bien sûr, je ne nie pas que la mécanisation ait changé le rapport de

     notre corps au monde. Je n'oublie pas que Freud a, le premier, en

     1929, évoqué une « prothétisation » de l'espèce humaine, autrement

     dit, la croissante dépendance des corps et des conduites humaines à

     l'égard des prothèses élaborées au cours de l'ère industrielle. Marc

     Desportes en livre l'illustration concrète dans Paysages en mouve

     ment, le bel ouvrage qu'il vient de consacrer à l'évolution des moyens

     de transport du XVIIIe au XXe siècle et à leur retentissement sur notre

     perception de l'environnement. Cependant, Desportes montre bien

     comment, jusqu'au début de l'ère électronique, le corps humain

     conserve une part d'autonomie pour l'appropriation de ces « paysages

     de la technique » donnés à vivre et à voir. Car c'est moins la nature

     des performances réalisées par la technique qui définit le saut

     accompli entre l'ère industrielle et l'ère électronique que la présente

     hégémonie de la technique.

     Jean-Claude Michéa le démontre dans un autre domaine, celui de

     l'économie, où le capitalisme de l'ère industrielle laissait au déploie

     ment des valeurs sociétales traditionnelles un espace aujourd'hui éli

     miné par la collusion du nouveau capitalisme et des techniques de

     médiatisation. Parenthèse : la focalisation induite par notre préalable

     86

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     mise en scène du corps ne doit, bien entendu, pas occulter les pou

     voirs sans précédents qu'exercent aujourd'hui — rétroactivement

     l'ensemble de nos pratiques mentales, économiques, sociales sur l'in

     novation technique.

     Mais revenons à l'urbanisme de réseaux, qui réalise enfin ce que

     Cerdâ appelait la « communication généralisée », en nous libérant de

     plus en plus complètement des ancestrales contraintes temporelles et

     spatiales ou locales. La grille des réseaux techniques déployés au

     service de notre vie quotidienne permet à présent de construire de

     l'habitat et des réceptacles de travail et de loisir n'importe où, à

     volonté, à condition de s'y brancher. On continue à parler de ville, et

     en particulier la ville européenne qui, il faut le rappeler, n'a rien d'un

     universel culturel. La ville issue de la civilisation gréco-romaine était

     une entité discrète, enracinée dans des lieux. Par un abus de langage,

     tantôt involontaire, tantôt conscient et pervers, on continue d'utiliser

     ce vocable, désormais privé de réfèrent, on tente de le rajeunir par

     des qualifications médiatiques (« ville émergente » et autre « méta

     pole ») ou en l'intégrant dans de nouveaux syntagmes, tel le particu

     lièrement absurde « faire de la ville ».

     En réalité, il s'agit d'agglomérations, de magmas, plus ou moins

     denses ou étendus, privés de cette qualité de support symbolique qui

     solidarisait les membres des communautés humaines entre eux et

     avec les lieux par la médiation de leurs corps.

     La conception par le virtuel

     Ne peut-on pas vous taxer de passéisme face à ces transformations qui

     nous dotent de libertés jusqu'alors inconcevables ? Ne réagissez-vous

     pas, à votre tour, comme tous ceux qui, confrontés aux deux précédentes

     révolutions culturelles accomplies par l'Europe de l'Ouest, en dénon

     çaient les dimensions perturbantes, l'inconfort intellectuel et les incon

     vénients temporaires, et tentaient d'endiguer l'inéluctable ?

     Non. Je suis simplement lucide. Ce ne sont pas les avancées de la

     technique en soi qui me font réagir. J'ai, par exemple, été l'une des

     premières à saluer le livre visionnaire de Melvin Webber, The Non

     Place Urban Realm10, qui annonçait le rôle décisif qu'allaient jouer

     les réseaux informatiques en urbanisme, le désenclavement qu'ils

     allaient permettre ainsi que le développement du télétravail. Mais,

     une fois ces prédictions réalisées, je ne suis plus d'accord avec Web

     ber quand il affirme que les communautés d'internautes vont pouvoir

     se substituer aux communautés locales ni quand il postule une équi

     10. Melvin Webber, The Non-Place Urban Realm, 1964 (trad. fr. 32 ans plus tard sous le

     titre l'Urbain sans lieu ni bornes, La Tour-d'Aigues, L'Aube, 19 ).

     87

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     valence entre l'intersubjectivité corporelle, cette dimension anthro

     pologique constitutive des sociétés humaines, et une intersubjectivité

     fondée sur la communication électronique : le corps, dans sa pré

     sence réelle, est exclu de la toile.

     En ce qui concerne les pratiques - professionnelles et habitantes —

     de l'espace, la mondialisation signifie, comme dans les autres champs

     d'activité mondialisés, uniformisation et normalisation, autrement dit

     dédifférenciation. Or c'est par la différenciation, l'élaboration des dif

     férences qui constituent l'identité et la richesse des cultures et des

     sociétés, que se poursuit l'anthropogénèse. Lévi-Strauss l'a pointé

     autrefois dans des formules inoubliables. Mise à part la disparité des

     économies, la béance toujours plus profonde entre richesse et pau

     vreté, la mondialisation poursuit son processus de déshumanisation

     par appauvrissement, affectant sans distinction l'identité des espaces

     ou celle des langues qu'il s'agisse de leur nombre, de leurs structures

     et de leurs lexiques.

     Penchons-nous brièvement sur l'activité des architectes dont la

     tâche tend à se résumer dans la production d'objets techniques para

     chutables et branchables sur les systèmes réticulaires. Ne nous appe

     santissons pas sur le fait que cette activité n'a plus rien à voir avec la

     pratique anthropogénétique telle que la définissait Alberti : à l'op

     posé des objets techniques, dont le statut est instrumental, les édi

     fices, selon Alberti, sont le fruit d'un incontournable dialogue, non

     d'un conditionnement médiatique comme c'est le cas de tous les pro

     duits offerts sur le marché mondial. Je me bornerai à deux traits

     significatifs. Jamais, nous dit-on, les architectes n'ont disposé d'au

     tant de liberté de conception et d'innovation, et donc de différencia

     tion, grâce à la CAO et à l'lAO (entendez conception assistée par ordi

     nateur et infographie idem). En réalité, si les outils informatiques — et

     en particulier les algorithmes, bien souvent empruntés à des

     domaines comme l'aéronautique - sont, en tant qu'outils, d'un usage

     légitime, synonyme d'économie (de temps et d'argent), leur demander

     de remplacer la réflexion sur le terrain et dans le temps aboutit à la

     production de formes et d'ensembles désespérément banals, pauvres

     ou arbitraires.

     Davantage, si l'on observe la production des vedettes, les Kool

     haas, Fuksas, Nouvel, etc., on s'aperçoit qu'ils tendent à sacrifier la

     valeur d'usage de la commande à sa valeur formelle, autrement dit à

     ce qu'ils considèrent leur rôle de créateurs. Ainsi l'architecture

     devient, comme l'« art » contemporain — « installations » et « événe

     ments » — une activité ludique (souvent même revendiquée comme

     telle), un jeu, par ailleurs aussi spéculatif que celui qui se joue sur le

     marché de l'art, et qui ne peut fonctionner que par médias et ingé

     nieurs interposés. Le paradigme de cette situation est offert par le

     88

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     Musée de Bilbao, une bâtisse conçue à l'encontre des prototypes et

     images reçus, pour surprendre ou même scandaliser : totalement

     inopérante en tant que musée, grâce à une « communication » bien

     pensée et programmée, elle attire les gogos du monde entier. C'est

     « l'effet Bilbao ». Et, effectivement, comme prévu, cette « œuvre » a

     redynamisé l'économie locale expirante au moyen du « tourisme

     culturel ». À noter que ça ne marche pas toujours, mais donne tou

     jours lieu, de la part des États ou des municipalités, à des dépenses

     exorbitantes. En matière de style communicationnel, on pourra se

     reporter également à l'article du New Yorker, paru le 14 mars dernier,

     sur l'autopromotion de Rem Koolhaas.

     J'allais oublier l'entremise des ingénieurs. Car il n'est pas une de

     ces vedettes qui soit capable de faire tenir debout le fruit de leur bon

     plaisir, issu ou non de leur collaboration avec l'ordinateur. Certes,

     l'électronique règne aussi dans l'arsenal des ingénieurs. Mais ceux-ci

     ne peuvent en permanence habiter le virtuel. Ils sont tenus à un mini

     mum de contact avec le réel dans la mise en œuvre in situ, et ils sont

     seuls à pouvoir justifier rationnellement la solution adoptée. C'est

     pourquoi, en dépit des routines que multiplie leur nouvel outillage,

     les ingénieurs n'en demeurent pas moins aujourd'hui, en particulier

     dans la conception/réalisation des grands équipements viaires, les

     seuls authentiques créateurs de formes et artistes au sens non « bran

     ché » du terme.

     Mais il suffit sur les stars. Pour mon propos, le fait significatif est

     que la profession d'architecte est en plein naufrage et emblématique

     d'une situation générale : la soumission non assumée des sociétés

     actuelles à des instruments et le procès de désinstitutionnalisation

     qui en résulte, paradoxalement assorti de la perte de cette condition

     animale qui assurait leur arrimage au monde. Au reste, tout cela fut

     annoncé il y a un demi-siècle, en termes d'« obsolescence de

     l'homme » par un auteur quasi inconnu chez nous, Gunther Anders...

     Grand esprit s'il en fut11, mais ne sombrez-vous pas comme lui dans un

     pessimisme sans issue ?

     Nullement. Anders lui-même ne disait-il pas qu'il fallait, en dres

     sant l'état des lieux, forcer sur le noir pour déclencher la prise de

     conscience ? Il me paraît capital de décrire de façon peut-être carica

     turale les dangers et, au premier chef, la déshumanisation qui nous

     menacent, non pour apporter une note rhétorique à la morosité

     ambiante, mais pour susciter une prise de conscience et en vue d'un

     combat. Dans le domaine du cadre bâti, comme dans d'autres,

     l'inéluctable n'est pas encore installé. Le développement de l'infor

     11. Voir le numéro d'Esprit, « Gflnther Anders. Le surarmement et les trois guerres mon

     diales », mai 2003.

     89

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     matique, auquel nul ne songe évidemment à renoncer, n'est pas

     incompatible avec la poursuite d'un aménagement à vocation anthro

     pogénétique. Mais cette compatibilité ne sera réalisable qu'à deux

     conditions.

     La première est le sauvetage d'une profession et d'un ensemble de

     métiers annexes naufragés. Ce sauvetage n'est envisageable qu'à l'is

     sue d'une révolution pédagogique (sans rapport avec les successives

     et prétendues réformes de l'enseignement). La formation des prati

     ciens de l'espace est aujourd'hui coincée entre informatique et com

     munication (voir la remarquable thèse de Christian Sallenave, soute

     nue en 2003 à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines).

     D'urgence, il faut, dans les écoles, rendre au corps humain ses droits

     et sa dignité légitimes, l'ordinateur suivra, nécessairement, l'essen

     tiel étant de ne plus laisser croire qu'il soit capable de « concep

     tion ». Autrement dit, il faut réapprendre aux futurs architectes et

     aménageurs l'usage de leur corps dans l'exploration cénesthésique et

     kinesthésique des lieux par le toucher et l'odorat, par la marche et,

     bien sûr, par la conjugaison de l'observation visuelle et du dessin,

     c'est-à-dire de l'œil, de la main, du papier et du crayon. Mais il faut

     leur réapprendre aussi, et peut-être avant tout, l'expérience de la

     durée, par l'exercice de leur mémoire organique, corporelle, aujour

     d'hui bannie d'un enseignement qui promeut l'amnésie, érigeant en

     dogme le mythe de la table rase et des commencements absolus. À

     quelques brillantes exceptions près, qui confirment la règle, les

     futurs praticiens de l'espace n'apprennent plus l'histoire de leurs dis

     ciplines (celle qui précède le XXe siècle), ni directement, ni dans les

     livres, la lecture n'ayant plus cours dans les écoles, sauf à considérer

     comme telle le surf sur internet et les pots-pourris de collages offerts

     en pâture aux étudiants.

     À noter que cette relégation de la mémoire est la même, ou plutôt

     une conséquence particulière de celle que promeut le ministère de

     l'Éducation nationale dans nos écoles primaires et secondaires et

     qu'ont dénoncée, avec la même vigueur, des auteurs aussi différents

     que François Lurçat, Jean-Claude Michéa ou, plus récemment, Jean

     Paul Brighelli (la Fabrique du crétin). Incidemment, et pour demeurer

     dans le domaine des arts de l'espace et de l'histoire, la France est

     pratiquement le seul pays européen où l'histoire de l'art en général et

     l'histoire de l'architecture en particulier ne sont enseignées ni au

     niveau primaire, ni au niveau secondaire. Nous ne disposons d'aucun

     de ces manuels pédagogiques tout à la fois attrayants et méticuleuse

     ment précis et informés, dont les Italiens ont le secret et qu'il nous

     suffirait de prendre pour modèles.

     J'en viens à ma deuxième condition, cette fois, essentiellement

     politique. Il s'agit, à mesure que la mondialisation poursuit la norma

     90

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  • 8/19/2019 Les ressorts de l´urbanisme europeén

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     lisation de notre espace aménagé, de renouer avec la dimension

     humaine, consubstantielle au politique. Puisqu'aussi bien ni un

     hypothétique gouvernement mondial, ni la gestion de « villes million

     naires » ne relèvent de cette belle qualification. En d'autres termes, il

     faut redécouvrir à présent une échelle du politique et une entité spa

     tiale à quoi elle corresponde et qu'il nous reviendra de réinventer.

     Des signes d'un tel avènement commencent à apparaître, notamment

     dans la gestion de certaines petites communes plus ou moins rurales,

     comme dans le travail des élus de certaines banlieues difficiles, mais

     aussi dans l'action d'associations de quartier, je pense ici à la dyna

     mique lancée par Bogazzi à la Goutte d'or.

     N'est-ce pas une telle démarche que promeut Alberto Magnaghi avec

     son « projet local », cette utopie concrète que vous avez contribué à faire

     connaître ?

     Effectivement. Son action et ses écrits montrent que la réappro

     priation solidaire des lieux et du politique passe par le terrain. Dans

     son travail de « planificateur », le grand universitaire n'a jamais ces

     sé d'intervenir localement, en personne, sur ce qu'il nomme - c'est

     déjà tout un programme - le patrimoine territorial. Les stratégies,

     auxquelles il associe les élus locaux, donnent la parole aux « sans

     voix », dénoncent les communautarismes locaux au profit de commu

     nautés « créoles », démystifient la notion de consensus, n'accueillent

     la mondialisation et ses outils que « par le bas ».

     Un mot seulement à propos de l'utilisation par Magnaghi du terme

     d'utopie. Il mise sur les connotations, généreuses et ouvertes à l'in

     vention, que le langage commun associe à l'utopie. Cependant, sa

     référence au modèle moréen appelle deux remarques. D'une part, la

     démarche préconisée par Magnaghi n'est pas fondée sur une critique

     systématique du contexte institutionnel où elle opère. D'autre part, si

     l'espace édifié et à édifier conserve sa vocation orthopédique fonda

     mentale, le projet n'est pas formalisé, et voilà qui est magnifique,

     c'est une œuvre collective en devenir.

     Mais alors, pourquoi Magnaghi est-il quasiment inconnu en France ?

     Pourquoi la réflexion des urbanistes italiens a-t-elle si peu d'écho en

     France ?

     Votre question exigerait une longue analyse. Je me bornerai très

     schématiquement à deux raisons. D'une part, l'Italie est devenue un

     État moderne il y a moins d'un siècle et demi. L'identité des régions

     et des traditions qui y sont enracinées est demeurée très prégnante et

     porteuse d'autonomie. D'autre part, les Italiens ne sont pas corsetés

     par la chape administrative et le juridisme qui caractérisent notre

     pays.

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     Les ressorts de l'urbanisme européen

     Ce dernier constat me reconduit, tout naturellement, à la question

     de la mémoire et du patrimoine bâti. Dans ce domaine, le rôle de la

     Révolution française est loin d'avoir été positif : dès lors que la pré

     servation et la gestion de ce patrimoine étaient remises entre les

     seules mains de l'administration d'État, collectivités locales et

     citoyens devenaient en la matière des assistés, condamnés à l'incom

     pétence et à l'indifférence. L'exacte antithèse de cette situation est

     celle des Anglais chez qui, du XVIe au XXe siècle (où fut créé le Natio

     nal Trust), ce sont les associations de citoyens qui ont pris en main et

     géré le destin de leur patrimoine.

     Aujourd'hui, en France, l'État se désengage sur tous les fronts

     (juridique, technique, pédagogique et, bien entendu, économique) de

     la gestion de cet héritage bâti qui étaie notre mémoire et notre iden

     tité en même temps qu'il conditionne l'invention et la construction de

     notre avenir. C'est bien pourquoi la réappropriation du patrimoine

     bâti, en particulier le plus modeste, devrait être une priorité absolue

     pour les régions et les collectivités locales. Priorité qui n'aura de sens

     qu'à mener de front un ensemble de luttes et de combats. Combat

     contre l'industrie culturelle et les labellisations du patrimoine pro

     mues par l'Unesco (voir le cas de Firminy) ; combat - à ne pas

     confondre avec le précédent — contre la fétichisation archéologique

     du patrimoine bâti, trop souvent encouragé par le corps des archi

     tectes des monuments historiques ; lutte en faveur des projets d'utili

     sation, d'intégration et de désacralisation des édifices et des

     ensembles patrimoniaux ; engagement pour le développement des for

     mations artisanales (nous avons un modèle que l'Europe entière nous

     envie, les « compagnons du devoir ») ; soutien aux entreprises de

     construction et autres, spécialisées dans la restauration du patri

     moine et aujourd'hui menacées de disparition par le retrait de l'État

     et... ceci n'est pas une autre histoire. C'est la même, mais nous avons

     déjà été trop longs. Il faudra continuer une prochaine fois.

     Propos recueillis par Olivier Mongin et Thierry Paquot

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