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Mémoire-Msc Marketing-Raoul-Chavialle

Date post: 05-Apr-2017
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Kedge Business School Site de Bordeaux MSc Marketing Promotion 2016 Mémoire de Recherche Appliquée Vers une nouvelle forme de co-création ; application à l’e-sport Raoul CHAVIALLE Soutenu le x janvier 2017 Sous la direction de Mr. Michaël Korchia
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Kedge Business School

Site de Bordeaux

MSc Marketing

Promotion 2016

Mémoire de Recherche Appliquée

Vers une nouvelle forme de co-création ;

application à l’e-sport

Raoul CHAVIALLE

Soutenu le x janvier 2017

Sous la direction de Mr. Michaël Korchia

Remerciements

Le mémoire universitaire ne peut pas être un exercice qui se réalise seul. Afin que ce travail

soit qualitatif, il est nécessaire de s’entourer de personnes en mesure de critiquer de manière

constructive son travail ainsi que d’autres le coproduisant au travers de leurs actions. Nous

n’avons pas la prétention de dire que ce que vous allez lire est hautement qualitatif ; bien que

nous espérions que vous y trouverez votre compte. Cependant, si les personnes qui nous ont

aidé à le faire – de différentes manières et à différentes échelles – n’avaient pas été là, il ne le

serait pas à coup sûr.

C’est pour cela que je souhaite remercier les personnes suivantes :

- Monsieur Michaël Korchia, mon tuteur de mémoire et professeur à Kedge Business

School, qui a consacré du temps afin de m’aiguiller, me conseiller et me corriger tout

au long du vaste chantier qui m’a amené à ce document final ;

- Mon école, Kedge Business School, pour m’avoir donné l’opportunité de réaliser ce

travail ;

- Le Meltdown de Dijon et de Toulouse pour avoir mis en avant sur leurs pages Facebook

respectives le sondage réalisé dans le cadre de ce mémoire ;

- Tous les joueurs ayant pris de leur temps afin de répondre à ce mémoire ;

- Anne-Laure Cerbelot qui a relu et corrigé ce travail à plusieurs reprises.

Table des matières

Cadre théorique ...................................................................................................................................... 7

I. La logique dominée par le service .............................................................................................. 7

1 - Les différents types de ressources ............................................................................................. 7

2 - La logique centrée sur les biens contre celle des services ......................................................... 9

3 - Le cœur de compétences ......................................................................................................... 10

II. La co-création ........................................................................................................................... 11

1 - La valeur de la co-création ...................................................................................................... 11

2 - Le consommateur .................................................................................................................... 14

3 - Co-production et communauté : le marketing tribal ................................................................ 15

4 - Les effets de la co-création ...................................................................................................... 16

III. L’e-sport et la co-création ..................................................................................................... 20

1 – L’équilibrage comme moteur de l’e-sport .............................................................................. 20

2 – Le consommateur co-créateur par nature ................................................................................ 21

3 – Le professionnel co-créateur par volonté ................................................................................ 22

IV. Vers une nouvelle classification de la co-création ? ............................................................. 24

1 - Le consumer generated content pour : ..................................................................................... 26

2 - L’évènementiel pour : ............................................................................................................. 27

Cadre pratique : l’analyse quantitative ................................................................................................. 29

I - La méthodologie .......................................................................................................................... 29

1 – Diffusion ................................................................................................................................ 29

2 – Structure ................................................................................................................................. 30

II – Présentation des résultats recueillis par thème ........................................................................... 32

1 – Un échantillon qualifié ........................................................................................................... 32

2 – La co-création active : analyse par canaux ............................................................................. 34

2 – Les formes de co-création active ............................................................................................ 40

3 – L’actualité ou la viabilité d’un jeu e-sport .............................................................................. 46

4 – La prise de conscience de la co-création active ...................................................................... 50

Introduction

L’industrie du jeu vidéo est aujourd’hui plus que florissante. Les licences se battent pour

obtenir, si tel est leur positionnement et que le but du jeu s’y prête, les faveurs d’une

communauté de joueurs s’attachant très spécifiquement à l’aspect compétitif. L’e-sport, dont il

est question ici, est aujourd’hui une discipline importante et un marché conséquent sur la scène

vidéoludique et/ou sportive. En effet, selon une analyse Superdata réalisée à l’occasion du

Wargaming Grand Finals (championnats du monde du jeu World of Tank), le marché européen

de l’e-sport pèse 300 millions USD et regroupe près de 23 millions de fans dont 1,4 millions de

spectateurs (un chiffre supposé doubler d’ici 2018). De plus, en Europe, les prévisions de

croissance estiment la taille de ce marché à 344 millions USD pour 2017 et 390 millions en

2018 avec une croissance moyenne annuelle de revenus générés à 14%. Afin d’illustrer ceci, il

est à noter qu’en moyenne un spectateur génère 13,3 USD de revenus brut par an.

Les revenus générés en France sur ce segment sont de plus de 22 millions USD et ne cessent de

croître à un rythme avoisinant les 10% par année, faisant rentrer notre pays dans le top 3 des

marchés européens les plus conséquents en audience et revenus ; aux côtés de l’Espagne et la

Russie (premier marché avec déjà 35 millions USD et 2 millions de spectateurs récurrents).

Des compétitions d’e-sport sont organisées partout dans le monde et surpassent (en termes de

taille) de plus en plus les événements consacrés au sport « classique ». Ces événements

mobilisent donc de nombreux amateurs passionnés et suscitent un très fort engouement ; au

point que les audiences induites soient aujourd’hui mesurées et relayées. Les joueurs

professionnels sont d’ores et déjà hautement sponsorisés grâce au placement produit des global

companies du secteur numérique. De plus, ces derniers gagnent désormais des sommes

considérables grâce à la professionnalisation de leur activité et aux prix (cash prize) censés

attirer les têtes d’affiche dans les compétitions pour promouvoir les jeux faisant office de

support. Par exemple, les meilleurs joueurs, appelés aussi « gosu » (terme coréen désignant les

stars de la discipline), de jeux en ligne multijoueur tel que League of Legend (un des plus

médiatiques de sa catégorie) gagnent en moyenne 150 000 USD par an. Enfin, l’e-sport est

aujourd’hui un véritable sujet d’actualité. Premièrement dû à l’étonnement d’un public étranger

aux jeux vidéo qui voit des moyens colossaux mis en œuvre. Et dans un second temps dû à la

vitesse de développement de cette discipline dont l’importance oblige même les états à

légiférer ; mais qu’est-ce que l’e-sport ?

L’e-sport ou sport électronique est donc la pratique dans une logique compétitive d’un jeu vidéo

sur Internet ou en réseau local (Local Area Network : « LAN »), en équipe ou seul, par le biais

de consoles de jeux ou d’ordinateurs. Malgré la désapprobation du courant hygiéniste qui ne

considère pas cette activité comme un sport (à cause de l’absence d’activité physique à

proprement parler), l’entrainement strict et l’hygiène de vie des grands noms de l’e-sport est

comparable à ceux des sportifs du plus haut niveau. De ce fait, la logique de caractériser cette

activité comme sportive a subi une forte expansion et une professionnalisation du milieu est

apparue depuis la fin des années 90.

L’e-sport correspond ainsi à la notion de compétitivité des jeux vidéo. Bien que certains jeux

soient exclusivement articulés autour d’une histoire et de sa progression – l’intérêt, au même

titre qu’un livre ou un film, résultant de l’appréciation des aspects artistiques et immersifs qui

en résulte – la notion de score (« scoring ») a toujours été présente dans cette forme de

divertissement. À tel point que même pour ces jeux où le quantitatif n’est à priori pas présent,

les joueurs s’amusent à se comparer sur leur rapidité à terminer les titres. Cet engouement

appelé « speedrun » a permis d’en faire aujourd’hui une discipline à part entière. Cependant,

dans la majeure partie des jeux vidéo, le score est explicitement mis en avant. Il est d’ailleurs

le but du jeu, donc une composante qui suscite le plaisir du joueur.

Cependant, outre l’e-sport en tant que discipline et pratique, nous nous y intéresserons en tant

que communautés donc de groupes de personnes « vivant ensemble » (sur un plan numérique

et parfois physique) pour le bien commun et individuel de leurs membres qui sont tous aussi

différents les uns que les autres. Cette pseudo-antinomie est accentuée par le fait qu’il existe

différentes typologies de joueurs : des amateurs et des professionnels, avec des comportements,

des désirs mais aussi des besoins différents.

Mais, si ces véritables communautés de marques existent, c’est bel et bien car des entreprises

produisent des items les fédérant. Ces produits, ces jeux vidéo, qui se sont retrouvés positionnés

e-sport à la naissance de la discipline, malgré eux et grâce à la volonté du public. Aujourd’hui,

un positionnement e-sport se conçoit et, de manière à créer des produits au plus près des attentes

des joueurs, une démarche de sollicitation de la part des entreprises envers ces fameuses cibles

est effectuée, allant même jusqu’à « fabriquer » les produits conjointement avec les

consommateurs. Le premier intérêt de ce sujet est de découvrir les différentes manières et

degrés de sollicitation de ces « gamers », mais aussi, éventuellement, de trouver des pistes en

fonction de la psychologie de la cible pour mener cet enpowerment du consommateur au

mieux : de créer une véritable valeur perçue et d’adapter l’offre commerciale. Ce que nous

appellerons ici « co-création » est une démarche mais aussi une technique marketing visant à

développer avec le consommateur et de manière durable son propre produit. Ce processus a de

nombreuses vertus pour les deux acteurs mais les risques sont pris unilatéralement par

l’entreprise le mettant en place. Cette notion de risque est, d’autant plus forte en e-sport, que le

jeu et ses composants doivent être « parfaitement » équilibrés pour une pratique sportive où

l’équité est de mise (nous détaillerons ce besoin). De plus, la cible (l’e-sportif) tire du plaisir

dans le fait de gagner et possède des désirs et des besoins très particuliers. Ceci pourrait paraître

logique, mais la victoire stricte est loin d’être le seul intérêt d’un jeu vidéo. Ainsi, le

consommateur aura tendance à défendre ses intérêts dans ce schéma co-créatif en fonction des

choix qu’il aura réalisé en jeu. Cela pourrait biaiser la co-création et donc l’intérêt du jeu car,

encore une fois, si ce dernier est voué à une pratique « sportive », l’équité doit être très

strictement respectée sous peine de nuire au jeu en lui-même et ainsi au plaisir que la

communauté en retire. Les techniques de discernement des entreprises de cette industrie sont

donc primordiales et il semble intéressant de les mettre en relation avec une cible autant

communautaire qu’individualiste. De nombreuses interrogations résultent de ce constat.

Pourquoi et quelles sont les démarches en termes de co-création que mettent en place les

entreprises actuellement ? Quel est l’impact de cette co-création sur les licences ? Les

communautés ? De qui est constituée une communauté e-sport et comment cela influence-t-il

la co-création ? Quelles sont les différentes formes de co-création sur ce secteur ? Nous serons

amenés à traiter tous ces sujets de manière à satisfaire la question de recherche, vectrice de ce

mémoire :

Comment réussir à satisfaire une communauté sur une licence e-sport en pratiquant la co-

création ?

Pour répondre à cette question, nous commencerons par présenter la nouvelle logique

dominante pour le marketing. Celle qui régit désormais l’attitude et les processus de

nombreuses entreprises consciencieuses et/ou soucieuses d’adapter leurs produits/services au

plus proche des besoins et désirs des consommateurs. Celle centrée non plus sur le produit, mais

sur le service. Nous évoquerons dans cette partie le nouveau paradigme de perception des

ressources en entreprise ainsi que l’avantage compétitif résultant des compétences produisant

une contribution disproportionnée sur la valeur perçue par le consommateur.

Une fois cette nouvelle logique détaillée, nous parlerons de la co-création en tant que telle. Dans

un premier temps et afin d’ancrer ce concept encore plus qu’il ne l’est dans la logique basée sur

le service, nous définirons et présenterons le système de valeur qui accompagne ce processus.

Nous aborderons ensuite le rôle du consommateur dans un schéma co-créatif, puis le rôle de la

communauté de marques. Nous conclurons cette partie en mentionnant les avantages et

inconvénients (pour chaque partie prenante) pouvant découler de ce processus.

Enfin, nous aborderons l’équilibrage sur une licence e-sport et mettrons en relation ce principe

fondamental du produit avec les processus de co-création pour redéfinir le consommateur

comme naturellement co-créateur. Nous aborderons aussi les démarches des entreprises de

manière à faire vivre l’e-sport sur leurs licences respectives grâce au système de ligues. Nous

conclurons enfin cette partie théorique avec une discussion nous amenant à repenser le modèle

existant de classification de la co-création en fonction de critères induits par les nouvelles

technologies.

Cadre théorique

I. La logique dominée par le service

Avant de parler de co-création, il convient de poser le cadre dans lequel elle s’inscrit et de

présenter le nouveau paradigme qu’est la logique dominée par le service.

Selon Cova & Ezan (2008), le fait que le mot service soit au singulier rompt avec les

« services » comme un type spécial de produit ayant la particularité d’être intangible. Le

singulier indique le processus de faire quelque chose pour et surtout avec quelqu’un. Il s’agit

de faire un marketing avec les consommateurs et non plus orienté vers ces derniers.

Le marketing est lié à un modèle d’échanges économiques, qui a une logique dominante basée

sur l’échange de « biens » globalement des « sorties » manufacturées issues de ressources

tangibles, de la valeur brute et des transactions. Depuis quelques années, de nouvelles

perspectives ont émergées et remodelées cette logique en se basant sur des ressources

intangibles, la co-création de valeur et la relation. Vargo & Lusch (2004) vont même jusqu’à

penser que ces nouvelles perspectives convergent en une forme de nouvelle logique dominante

pour le marketing. Une logique d’échange dans laquelle l’approvisionnement en service prime

sur les produits.

1 - Les différents types de ressources

Malthus (1798) conclut qu’avec cette croissance continuelle et géométrique de la population,

la société arrivera inévitablement à court de ressources. Dans un monde Malthusien, les

« ressources » sont des ressources naturelles sur lesquelles les humains comptent pour vivre.

Les ressources sont exclusivement du matériel qui est statique et qui peut être acquis pour avoir

un avantage. Au temps de Malthus, la plupart de l’activité politique et économique implique la

personne, l’organisation ou le pays en tant que tel pour se battre et acquérir ces ressources.

Depuis les 60 dernières années, les ressources ont commencé à être perçues plus simplement

comme du matériel, mais aussi comme des fonctions intangibles et dynamiques de l’ingéniosité

humaine et de son style. Ces ressources ne sont pas statiques ou fixes. Zimmermann (1951)

dirait « tout est neutre (ou au moins une résistance) jusqu’à ce que le genre humain apprenne

quoi faire avec ». Les ressources ne sont plus, elles deviennent. Cela change toute la perspective

sur ce qu’apportent ces ressources. Un espace qui sera la nouvelle dominante logique du

marketing. (Vargo & Lusch, 2004).

Constantin & Lusch (1994) définissent les « operand resources » comme des ressources sur

lesquelles une opération ou un acte est réalisé pour produire un effet. Ils mettent ce type de

ressources en opposition aux « operant ressources » employées pour agir sur les francisées

« operandes » (et certaines « operantes »). Depuis plusieurs civilisations, l’activité humaine

consistait principalement à agir sur la terre, la vie animale, les plantes, les minéraux et toutes

autres ressources naturelles. Comme ces ressources sont finies, les nations, les organisations,

les tribus et clans qui possédaient ces ressources étaient considérés comme en bonne santé.

C’était une logique dominée par les biens où les ressources operandes étaient considérées

comme primales. Une entreprise (ou nation) avait des facteurs de production (principalement

operandes) et une technologie (operante) ajoutant de la valeur à ce que l’entreprise pouvait

convertir de ses ressources operandes en sorties à prix plus faible (Vargo & Lusch, 2004).

Les consommateurs aiment la ressource. Elle devient quelque chose à capturer ou sur lequel il

peut s’exprimer. En langage marketing, il est possible de dire : on « segmente » le marché, on

« pénètre » le marché, ou on « communique » sur ce marché dans l’espoir d’attirer les

consommateurs. Le partage de ces ressources operandes et de ce marché operand était la clé du

succès.

Selon Constantin & Lusch (1994), les ressources operantes sont des ressources qui produisent

un effet. Le rôle relatif des ressources operantes prend son importance à la fin du vingtième

siècle où les hommes commencent à réaliser que les compétences et les connaissances sont le

type de ressources le plus important. Zimmermann (1951) est le premier économiste à

reconnaître le changement de la perception de ces ressources. Ce n’est pas les ressources elles-

mêmes qui sont les entrantes du système de production mais seulement les services que ces

ressources peuvent fournir. Les ressources operantes sont souvent invisibles et intangibles, elles

sont parfois le cœur des compétences ou du processus organisationnel. Elles sont dynamiques

et infinies et non pas statiques et finies comme les ressources dites operandes. Comme les

operantes produisent un effet, elles permettent aux hommes à la fois de multiplier la valeur

d’une ressource naturelle et de créer une valeur additionnelle.

La logique dominée par le service perçoit ces ressources operantes comme primales car elles

sont productrices d’effets. Ce changement de paradigme à une implication sur comment le

processus d’échange, les marchés et les consommateurs perçoivent et interagissent (Vargo &

Lusch, 2004).

2 - La logique centrée sur les biens contre celle des services

Si l’on regarde son sens traditionnel, le marketing se concentre grandement sur les ressources

operandes, les biens, comme unité de l’échange. Dans cette forme rudimentaire, les postulats

du paradigme centrés sur les biens sont :

Le but de l’activité économique est de faire et distribuer des choses qui peuvent être

vendues ;

Pour être vendues, ces choses doivent être imprégnées pendant le processus de

production et de distribution d’une utilité et d’une valeur pour le consommateur

(supérieure à l’offre concurrentielle) ;

L’entreprise devrait prendre toutes ses décisions sur des variables à un niveau qui

maximise le profit en vendant des sorties ;

Pour maximiser à la fois la production et le contrôle de l’efficience, les biens doivent

être standardisés et produits en dehors du marché ;

Le bien peut être mis en inventaire jusqu’à la demande puis être délivré au

consommateur pour un profit.

La logique et la définition même du marketing ont, depuis, beaucoup évoluées. Le marketing

de la logique centrée sur le service implique que le marketing soit une continuelle série de

processus sociaux et économiques qui se concentre principalement sur des ressources operantes,

que les entreprises utilisent constamment afin d’essayer d’offrir une meilleure proposition de

valeur que la concurrence (Vargo & Lusch, 2004).

Dans un système libre d’entreprise, la société peut évaluer son niveau de proposition de valeur

grâce aux retours qu’elle reçoit du marché en termes de performances financières. Comme

l’entreprise peut toujours faire mieux pour servir les consommateurs et améliorer ses

performances financières, la vue marketing centrée sur le service perçoit le marketing comme

un processus d’apprentissage continu et directement amélioré par les ressources operantes.

Cette dernière peut – toujours selon Vargo & Lusch (2004) – se résumer comme suit :

Identifier ou développer un cœur de compétences. Un avantage concurrentiel potentiel

est induit par la connaissance et les compétences fondamentales d’une entité

économique.

Identifier les autres entités (prospects) qui peuvent bénéficier de ces compétences.

Cultiver la relation qui implique les consommateurs à développer, customiser,

compléter la proposition de valeur pour qu’elle rencontre un besoin spécifique.

Prendre en compte les retours du marché en analysant les performances financières afin

d’apprendre à les développer mais aussi améliorer ce que l’entreprise offre aux

consommateurs.

3 - Le cœur de compétence

Selon Prahalad & Hamel (1990), l’avantage compétitif résulte des compétences produisant une

contribution disproportionnée sur la valeur perçue par le consommateur. Le fait que le

marketing soit centré sur le cœur de compétences le place de manière inhérente au centre de

l’intégration des fonctions et disciplines commerciales. Ainsi, « le cœur de compétence est la

communication, l’engagement, et une profonde implication de travail sur les liens

organisationnels de l’entreprise ». De plus, « le cœur de compétences est un apprentissage

collectif dans l’organisation, spécialement à propos de la manière de coordonner diverses

compétences de production ».

Les liens inter organisationnels et le système (ou réseau) de marketing vertical y sont aussi

soumis. Les chainons intermédiaires et le réseau de partenaires représentent un cœur de

compétences organisé pour gagner un avantage compétitif lorsque les fonctions marketing

concernées sont optimisées. Les entreprises ne peuvent avoir une vision et une viabilité à long

terme que si elles apprennent de ces éléments. La logique marketing dominée par le service est

« customercentric » et conduite par le marché. Ceci signifie qu’au-delà du fait d’être centrée

sur le consommateur, elle collabore avec ce dernier, apprend à ses côtés et s’adapte à des

besoins individuels et dynamiques. Cette logique implique que la valeur soit définie par le

consommateur et co-créée à ses côtés plutôt qu’amplifiée sous la forme d’une sortie (Vargo &

Lusch, 2004).

Ainsi, certaines entreprises ont réussi à quitter une stratégie « make-and-sell » pour se tourner

vers une stratégie « sense-and-respond ». Pour cela, ces dernières ont réfléchi en termes d’auto-

renforcement de « cycle de valeur » plutôt que sur une chaîne linéaire de valeurs. Dans la

logique centrée sur le service, ces entreprises sont pour la meilleure des causes dans un

processus continuel d’hypothèses et de tests. Les revenus ne sont pas quelque chose qui doit

être maximisé à tout prix, mais plutôt un outil qui facilite l’apprentissage de la connaissance du

consommateur et des manières de mieux le servir – on retrouve la notion de cycle afin

d’augmenter ces performances. De cette manière, une orientation marché et une organisation

d’apprentissage sont compatibles, si ce n’est induites, par le modèle centré sur les services.

II. La co-création

1 - La valeur de la co-création

A - Définition de la valeur

Créer de la valeur pour les consommateurs a été reconnu comme un concept clé du marketing

par Sheth & Uslay (2007). Cependant, la valeur peut être évaluée de différentes manières. Ainsi,

il peut s’agir d’une valeur que le consommateur perçoit en utilisant le produit : ce jeu vidéo me

procure de la valeur car, lorsque je l’utilise, je m’amuse plus que si je ne l’avais pas. Ceci est

la valeur en usage (value in use). Mais il peut aussi s’agir de valeur en échange (value in

exchange) : ce jeu vidéo a de la valeur car il coûte tant, ce qui correspond à mon salaire pour

30 minutes de travail. Cependant, lorsque le consommateur est impliqué dans le processus

créatif d’un produit ou service, il peut être question d’une autre valeur. Vargo & Lush (2004)

affirment que le consommateur est toujours un co-créateur de valeur. Plus encore, les

entreprises ne peuvent pas créer de la valeur mais seulement offrir une proposition de valeur.

Ainsi, la visée d’une entreprise prend toute son importance non pas comme créateur de valeur,

mais comme co-créateur de valeur. Cependant, suite à ces études, la valeur dans ce processus

de co-création n’était toujours pas définie.

En effet, dans ces travaux, la valeur en usage est plusieurs fois mentionnée. De plus, des phrases

telles que « l’entreprise ne peut pas délivrer de la valeur » ou « l’entreprise est toujours co-

créative de valeur » ne font pas que se contredire (comment est-il possible de co-créer quelque

chose qu’il est impossible de délivrer ?) ; elles contredisent le principe même de valeur en usage

et outrepassent la valeur en échange (Grönroos & Voima, 2011). Le concept de valeur en usage

semble traiter de la manière dont la valeur est vécue par les consommateurs. Cependant, cette

valeur n’est pas seulement vécue par le client, elle est aussi créée par ce dernier.

De plus, selon Grönroos & Voima (2011) :

La création de valeur du consommateur n’est pas un processus linéaire qui suit

automatiquement les activités de l’entreprise qui produit. Par exemple, rêver d’un

nouveau gameplay pour un jeu vidéo peut faire parti du processus de création de valeur

et intervenir bien avant que ce type de jeu soit commandé ou encore produit.

La valeur en usage est régie par le consommateur et accumulée au cours du temps dans

la sphère du consommateur. Ce qui veut dire que la valeur est créée par le

consommateur dans un référentiel spatial et temporel différent.

La valeur en échange n’existe pas nécessairement en un point et un moment précis.

Lors de vacances, par exemple, cette valeur intervient dans chaque choix d’achats en

tant qu’entité singulière.

Ainsi, la valeur qui englobe les activités de producteur et de consommateur n’est pas un concept

ontologiquement dualistique mais un concept qui peut être perçu et construit différemment par

différents acteurs. De cette manière et toujours selon nos deux auteurs, la « Valeur » est

nouvellement définie comme étant la valeur en usage. Cependant, dans leur définition, il est dit

que cette dernière englobe tout ce qui est créé par le consommateur pendant l’utilisation des

processus et des ressources de l’entreprise. L’usage peut être physique, virtuel et/ou mental et

même parfois tout simplement possessif. Logiquement, la création de valeur est définie comme

la création pour le consommateur de cette valeur en usage.

Ainsi, la création de valeur en tant que processus et la valeur en elle-même sont, sur un plan

scolaire, clairement définies. Ceci a son importance car cela démontre comment, au travers de

la création et de l’usage d’interactions directes avec le consommateur, les entreprises peuvent

accéder par un autre biais à la fameuse sphère de valeur du consommateur. Si cette opportunité

est habilement managée, elle peut donc influencer activement la création de valeur du

consommateur.

B - Créer de la valeur à deux

L’entreprise est un facilitateur de valeur car elle ne peut pas la distribuer. Elle opère dans une

sphère fermée et produit (design, développe, construit, distribue, etc.) des ressources qui

représentent de la valeur potentielle qui n’en deviendra réellement aux yeux du consommateur

que lors de son usage. Le consommateur est donc le seul créateur de valeur.

Il existe une opportunité pour l’entreprise de co-créer de la valeur car la sphère de valeur du

consommateur est fermée et que l’entreprise peut utiliser des points de contact déjà présents

avec le consommateur ou en créer. Ceci permettra des interactions directes ainsi qu’un accès à

cette fameuse sphère du consommateur. Si l’entreprise réussit, en tant que fournisseur de

service, à engager avec le consommateur un processus de création de valeur dans la sphère

jointe – qui résulte donc du point de contact entre la sphère fermée du consommateur et la

sphère fermée de l’entreprise – des opportunités pour la co-création avec le consommateur

existent. Il est important de comprendre que cette sphère ne peut être autre chose qu’une zone

de co-création et que le processus du consommateur et celui de l’entreprise ne seront pas

obligatoirement coordonnés ou dialogiques et ne fusionneront pas forcément. Ceci tout

simplement car le résultat peut être co-créatif ou co-destructif (Grönroos & Voima, 2011).

De plus, il existe des opportunités pour l’entreprise d’influencer la création de valeur du

consommateur. En effet, ces processus sont indépendants mais dans une sphère commune.

Ainsi, si les processus des deux parties n’évoluent pas de manière parallèle, l’entreprise,

toujours en tant que fournisseur de service, peut activement et directement influencer et changer

le cours et le résultat du processus du consommateur ou encore maîtriser son processus de

création de valeur. L’entreprise n’est pas limitée à offrir une proposition qui sera

éventuellement transformée. C’est ce qui lui permet de faire rentrer ces sphères distinctes en

contact. Son devoir pour éviter la co-destruction va plus loin (Grönroos & Voima, 2011).

Globalement, Vargo & Lusch (2004) résument ces différences de logique grâce à la notion de

ressources et valeurs étudiées précédemment de la manière qui suit :

La monnaie d’échange de l’ancienne logique est centrée sur l’acquisition d’un produit qui sert

des ressources operandes. Dans la logique centrée sur le service, les consommateurs payent

pour acquérir les bénéfices de compétences spécialisées (connaissances et compétences) ou de

services qui sont des ressources operantes. Dans la logique centrée sur le produit, ce dernier est

considéré comme une ressource operande : les marketers prennent de la matière et changent sa

forme, sa place, son temps et sa possession. Dans la nouvelle logique, ces biens sont transmis

entourés de connaissances ; ce sont des « produits intermédiaires » qui servent le consommateur

(qui est lui-même une ressource operante) dans son processus de création de valeur. Dans la

logique centrée sur les biens, le consommateur est le récipient du produit. Les marketers font

des choses pour les consommateurs. Ils les segmentent, les pénètrent, leur distribuent et leur

communiquent : le consommateur est une ressource operande. A contrario, dans la nouvelle

logique émergente, le consommateur est un coproducteur du service. Le marketing est le

processus de faire des choses en interaction avec le client. Dans l’ancienne logique, la valeur

est déterminée par le producteur et définie en termes de valeur d’échange alors que la logique

centrée sur le service place la valeur comme perçue et déterminée par le consommateur sur la

base de la valeur en usage. Cette valeur résulte des ressources operantes et les entreprises ne

peuvent au mieux que faire une proposition de valeur. Enfin, dans la logique centrée sur le

produit, la croissance économique est acquise par un surplus tangible de ressources et de biens.

La santé provient du contrôle, de la possession et de la production de ressources operandes.

Cette dernière différence avec la nouvelle logique provient du fait que, dans le paradigme de

Vargo & Lusch (2004), cette santé découle de l’application et des échanges de compétences et

connaissances spécialisées. C’est le droit futur d’usage des ressources operantes.

2 - Le consommateur

Le rôle du consommateur a évolué : initialement considéré comme « producteur », il a

désormais évolué car ce terme ne prend pas en compte toutes les facettes du consommateur

contemporain.

Le consommateur n’a plus les mêmes habitudes de consommation : les consommateurs

consomment pour définir ce qu’ils sont, ils peuvent s’opposer aux modes de consommation

habituels et créer leur propre manière de consommer. Ils sont de plus en plus créatifs, ce qui est

dû à Internet, ils créent des communautés et consomment en fonction de ce que la marque

exprime sur eux et ses valeurs. On voit aussi l’apparition de la génération C qui met ligne de

plus en plus de contenu.

Ces changements fondamentaux ont un impact à la fois sur la relation du consommateur avec

les entreprises et sur le comportement intrinsèque du consommateur.

Le consommateur est de plus en plus actif, il est créateur de la valeur à la fois sociale, culturelle

mais aussi économique pour les entreprises. Le concept de « working consummer » apparaît

alors. On peut considérer que le consommateur « travaille » pour l’entreprise.

Lorsqu’ils collaborent et co-créent, ils interagissent en donnant leur avis et en critiquant, ou

utilisent et transforment les ressources mises à disposition par l’entreprise.

Le consommateur « travaille » d’après les 3 critères (sociologique, économique et

ergonomique) de Dujarier (2006). En effet, en créant de la valeur, le consommateur tisse des

liens soit avec l’entreprise soit avec une communauté. Il permet à l’entreprise de récupérer une

valeur économique, son activité est organisée et a un impact à partir du moment où l’entreprise

prend en compte la valeur créée.

Il s’agit de travail immatériel. En ce terme, le consommateur va ajouter de la valeur à l’objet

ou au service que propose l’entreprise soit de manière culturelle (symboles, expressions,

langages) soit de manière affective. Mais ce « travail immatériel » sera produit inconsciemment

par le consommateur qu’il soit ou non engagé dans un processus de création de valeur pour

l’entreprise.

On retrouve deux façons de redistribuer la valeur : par différents niveaux de socialité.

Le travail immatériel produit de la valeur échangée au premier niveau de socialité. Mais on

retrouve dans ce premier niveau uniquement des échanges interpersonnels (entre personnes de

notre quotidien : amis, voisins). Ce n’est qu’en faisant le lien entre le premier et le second

niveau de socialité que l’entreprise pourra accéder à cette valeur et la proposer au marché. C’est

souvent grâce aux communautés que la valeur accède au second niveau et donc aux entreprises.

3 - Co-production et communauté : le marketing tribal

Cova (& Ezan (2008)) poursuit le plus fort sujet de son œuvre (la tribalisation de la société) en

nous disant que la passion partagée produit un effacement de la traditionnelle rupture

consommateur/producteur héritée de la théorie économique. Les salariés d’une entreprise

consomment ce qu’ils produisent et les consommateurs peuvent parfois se transformer en

producteurs ; que ce soit d’idées, d’accessoires ou même encore d’évènements. Le consumer

generated content induit par cette ère du web en est le meilleur exemple.

Selon Cova & Ezan (2008), la communauté d’une marque est faite de passionnés et cela tend à

réformer les processus classiques. Le directeur marketing se transforme en community

manager, les recrutements en cooptation, les frontières entre les parties prenantes de l’entreprise

s’effacent et la marque devient une plateforme virtuelle de partage (au degré maximum). « Ces

collaborateurs passionnés sont aussi des consommateurs à temps partiel alors que les

consommateurs passionnés eux deviennent des producteurs à temps partiel ». C’est parce

qu’aujourd’hui la construction de l’identité passe entre autres par la consommation et la mise

en jeu des marques cultes propres à chacun que ce schéma de passion, donc de co-création prend

autant d’ampleur et de valeur. La volonté d’activité du consommateur dans ce processus devient

donc légitime mais surtout une démarche volontaire ; d’autant plus que ce dernier estime en

savoir parfois plus sur ladite marque que la plupart des collaborateurs travaillant pour elle. Cova

& Ezan (2008) illustreront ses propos au travers d’une étude de cas d’une marque qui rentre

parfaitement dans ce modèle de passion partagée entre collaborateurs et consommateurs :

Warhammer (un jeu d’heroic fantasy mêlant modélisme et jeu de stratégie au tour par tour sur

plateau). Dans cet exemple, il est possible d’apprécier l’occultation des procédés de transaction

financière (qui caractérisent tout commerce) au profit de la passion partagée. Pour le

consommateur, le côté marchand du personnel est quasiment entièrement effacé au profit d’un

statut de consommateur passionné et le personnel apprécie tout autant les productions des

consommateurs. Cova & Ezan (2008) parlent ici de « compromission réciproque ».

De plus, Cova (1997) définit ce qu’il appelle la « valeur de lien » (linking value). Cette dernière

est la capacité de cohésion (de lien) au sein d’un groupe ; qui est de nos jours décuplée par le

digital. Lorsque Richardson (2013) parle des « produits et services qui maintiennent des

individus ensemble sous la forme de dévots enthousiastes », il utilise lui aussi ce concept mais

y ajoute une dimension spéciale : l’impact de la co-création. Ainsi, Richardson (2013) dit que,

plus la contribution dans le développement d’un produit est forte, plus cela contribue à renforcer

les liens tribaux, et meilleure est la valeur de lien.

4 - Les effets de la co-création

A - Avantages

L’entreprise bénéficie d’une vision plus fidèle des attentes des clients, et le risque de décalage

avec le marché est diminué.

Cova & Cova (2002) nous disent que le « personnel en contact » vit de manière de plus en plus

passionnée les marques et produits qu’il commercialise. Certains salariés se prennent même

d’attachement pour une marque dès leur plus jeune enfance sous la forme de consommateurs et

travaillent aujourd’hui pour elle. Le rapprochement du personnel en contact avec les produits

qu’il vend permet de répondre de manière beaucoup plus qualifiée lors des échanges avec le

client mais surtout cela crédibilise leur approche de vente en faisant passer des caractéristiques

émotionnelles issues de leur propre expérience avec le produit dans le discours avant les

traditionnels aspects commerciaux. Cette complicité permet de développer ce qui est désormais

appelée l’ « intimité client ».

De plus, nous sommes ici dans une logique de partenariat entre les parties prenantes de

l’entreprise, sur la base d’une relation gagnant-gagnant où le personnel est plus à même de

fournir des sensations au consommateur qui lui rend par sa fidélité et le bouche à oreille, deux

comportements clients extrêmement prisés des marques.

B - Menaces

La résultante négative qui est la destruction de valeur est elle-aussi possible en cas de mauvais

management. En d’autres termes, la co-création a un impact – qui dépendra de la manière dont

elle est menée – sur la création de valeur et la valeur perçue par le consommateur (Grönroos &

Voima, 2011).

a) Pour les collaborateurs

Pour les collaborateurs, ces désavantages relèvent de l’atténuation de la frontière entre vie

privée et vie professionnelle et les recouvrements qu’elle engendre mais surtout de la première

« double exploitation » mise en exergue par Cova & Ezan (2008). Cette double exploitation

vient du fait que l’on recrute désormais des passionnés pour leur efficience mais que ces

derniers ne sont rémunérés que pour leur travail classique lié au statut d’employé. Le travail

immatériel issu du statut de passionné passe complètement à la trappe. Un travail descriptif du

turnover dans les points de vente Warhammer permet aussi à Cova & Ezan (2008) de dire que

la passion s’estompe plus rapidement lorsqu’on la voit de l’intérieur. Face au quotidien, les

vendeurs semblent perdus entre être sympathique, convivial afin de véhiculer les valeurs de la

communauté et les objectifs de vente ou autres actions promotionnelles. Au fil du temps, le

vendeur passionné, qui prend volontairement et avec plaisir sur son temps libre pour animer le

réseau de passionné, commencera à demander une rétribution mais aussi à supporter de moins

en moins les remarques de la clientèle l’enviant de travailler pour cette marque. En effet, le

vendeur ne peut pas s’exprimer sur ses conditions de travail pour deux raisons. Premièrement,

pour des raisons explicites, et deuxièmement, car cela serait vu comme une trahison par sa

communauté qui ne le comprendrait pas. Différentes questions de management tribal sont ainsi

mises en exergue.

b) Pour les consommateurs

La notion de travail implique le consommateur, mais qu’attend-il en retour ?

Selon Cova & Ezan (2008), de manière générale, les consommateurs travaillent ainsi pour être

satisfaits et gratifiés personnellement. La reconnaissance sociale entre aussi beaucoup en ligne

de compte. Tant que celui-ci apprécie et acquiert une satisfaction personnelle, il considère que

la rémunération va détériorer la collaboration et la confiance entre lui et l’entreprise.

Ainsi, les working consumers ne reçoivent pas et semblent ne pas vouloir de gratification

économique. Cependant, la question de la rémunération reste tout à fait légitime du fait que le

consommateur – via son niveau d’implication – produise et crée de la valeur exploitable par les

entreprises au même titre que ses employés qui, eux, reçoivent un salaire pour cette même

activité.

Le schéma de fidélité qui s’instaure entre l’entreprise et le client (qui le dynamise) est, de par

sa nature, basé sur la temporalité. De ce fait, il nécessite des efforts des deux parties pour

« prendre en compte les besoins matériels et sociaux, de façon à créer un univers riche et

électif ». Le consommateur doit s’approprier les codes et valeurs de l’entreprise afin d’être

considéré comme un membre à part entière. Choisir, c’est renoncer et entrer dans une

communauté associe une forme d’abandon de soi relevant du registre émotionnel car cela induit

une perte de repères identitaires. De plus, bien que plus rares, certaines tentatives de

manipulation de la part des entreprises peuvent aisément piéger le client au sein de ce schéma.

Le vrai problème, mis en avant par Cova & Ezan (2008), concerne la seconde double

exploitation qui relève de la maximisation du consumer generated content. En effet, le client

devrait acheter un produit qu’il a aidé à créer (et qui est souvent plus cher !), mais en plus, ne

rien recevoir pour son apport en idée, histoire ou autre production de contenu.

c) Pour l’entreprise ou la reconnaissance comme voie de recours :

Cova & Ezan (2008) informent et mettent en garde à propos de la nécessité de reconnaissance

de ce travail immatériel ; dans quel cas, la désapprobation des consommateurs serait d’autant

plus douloureuse que la marque vie autour/grâce à une communauté, donc grâce à des biais

(sites, forums…) qui décupleraient un impact négatif. Les formes de ces rétributions ont été

encore peu pensées par les entreprises. Ainsi, si la marque ne gère pas correctement ses actifs

– dans cette logique du consommateur qui travail (consommateur et personnel) – elle risque

une perte de ses collaborateurs les plus impliqués et un effet boule de neige de médisance des

consommateurs (bad buzz). Elle doit donc veiller à ce que cette confusion des rôles ne se

transforme pas en double exploitation.

Cova & Ezan (2008) proposent une clé de lecture par la reconnaissance comme outil

d’anticipation et de gérance. L’ère digitale ainsi qu’un contexte communautaire viennent

amplifier le sentiment latent de manque de reconnaissance propre à chaque individu ; d’autant

plus que lorsqu’il s’agit de production immatérielle (ce qui est majoritairement le cas dans un

schéma co-créatif), il est très difficile de l’identifier et de l’évaluer.

Selon Hegel (1807), trois modes de reconnaissance existent et il est ici important de les

différencier : la reconnaissance de la personne par l’amour et l’affection ; la sphère publique de

reconnaissance des droits dans laquelle il est question de respect ; la « sphère du travail dans

laquelle nous recherchons l’estime que nous jugeons mériter au prorata de notre contribution

productive ». Cette dernière étant une extension modernisée par Honneth (2006) de la

« reconnaissance mutuelle » de Hegel. Selon Cova & Ezan (2008), le problème dans ce schéma

de confusion des rôles est que ces trois sphères sont entremêlées. Les liens primaires sont sur

la place publique au travers notamment des événements mis en place par les passionnés et les

liens communautaires indiscernables du travail et l’aspect marchand.

Si la reconnaissance affective est remplie par la communauté et le respect dans l’interaction

avec autrui, que devient l’estime ? Il semblerait que les interactions entre le personnel et les

consommateurs soient réellement survalorisées au sein de ce type de communauté et que cette

reconnaissance horizontale permette de nouer des liens et combler l’estime des consommateurs

comme des vendeurs. Cependant, la reconnaissance verticale, celle qui coule de l’entreprise

vers les deux autres parties prenantes, est encore dans la majeure partie des entreprises sous-

valorisée. Si elle est existante, elle n’est que toujours peu à la hauteur de l’engagement (créatif

et émotionnel) mis en jeux par les consommateurs et le personnel en contact ; alors même que

c’est un levier puissant de reconnaissance et donc de satisfaction et de fidélité pour les

consommateurs (et le personnel !).

Cependant, malgré les menaces énumérées, la question de la co-création ne se pose plus. Elle

apparaît comme nécessaire dans presque toutes les industries (à différents niveaux bien sûr et à

l’exception du luxe où l’on ne peut pas solliciter le consommateur car ce dernier achète une

création). Ainsi, selon Serge Soudoplatoff (2010) : « là où le sens était habituellement porté par

des absolus : les experts, les patrons, les chefs, les professeurs, il descend pour se nicher

maintenant dans ces interactions entre les individus, générant ainsi de nouvelles polarités, dont

le phénomène communautaire en est l'expression la plus visible ».

III. L’e-sport et la co-création

1 – L’équilibrage comme moteur de l’e-sport

Selon Newheiser (2009), en game design, l’équilibrage d’un jeu est le concept et la pratique

d’accorder les règles d’un jeu. Dans la majeure partie des cas, le but est ici de prévenir les effets

indésirables ou l’ineffectivité d’un composant du jeu. Ces deux effets néfastes sont mesurables

par comparaison avec les autres composants formant le jeu. Ainsi, un système qui n’est pas

équilibré représente, dans le meilleur des cas, une ressource (operande donc) développée,

perdue. Et, dans le pire des cas, cela peut saper l’entièreté du système de règles présent sur un

jeu en rendant impossible la performance de certains autres rôles ou tâches.

Cependant, selon Dustin (2011), un jeu équilibré n’est pas forcément synonyme d’un jeu juste.

Ceci est par exemple particulièrement le cas dans les jeux d’action pour lesquels, si les combats

étaient tous justes, le joueur ne profiterait pas de la tension et l’excitation qui sont des valeurs

perçues que tentent de délivrer ce type de jeux. Dans ce cas, l’équilibrage devient d’ailleurs le

management de l’injustice avec comme but final de s’assurer que toutes les stratégies que le jeu

a l’intention de proposer soient viables. La mesure visant à savoir si ces stratégies sont égales

les unes aux autres définit donc désormais le caractère du jeu en question.

Cependant, lorsque l’on s’intéresse à l’e-sport, il s’agit de joueurs affrontant d’autres joueurs ;

le tout dans un cadre compétitif. De ce fait, il est primordial que les joueurs aient le même

champ de possibilités d’actions. Cela ne veut pas nécessairement dire que ces derniers

choisiront le même chemin pour gagner, cela signifie qu’il est nécessaire qu’ils en aient

l’opportunité. C’est avec ce constat que Hopkin (2005) met en exergue la symétrie comme

vecteur premier d’équilibrage : donner à chaque joueur des ressources identiques. De plus, la

force brute d’approcher l’équilibrage d’un jeu, donc d’offrir une meilleure proposition de valeur

que la concurrence, résulte communément de l’analyse operante et mathématique des sessions

de jeu operande des joueurs. Avec suffisamment de données, il est possible de déceler les aires

d’inégalité et de procéder à des corrections. Par exemple, si sur un échantillonnage de plus d’un

million de parties un personnage jouable possède un taux de victoire s’écartant drastiquement

des 50%, il est facile de dire que ce personnage doit être modifié. Le langage associé qualifiera

de « up » une amélioration de ce personnage et de « nerf » un affaiblissement. Ces statistiques

sont ainsi le premier vecteur suscitant des modifications sur un jeu e-sport. Elles font partie

intégrante du processus de production constant qui caractérise le jeu vidéo et sont produites

entièrement par les consommateurs. Nous pouvons donc dire que le consommateur co-crée via

une value facilitation qui devient le produit lui-même, mais que la création de valeur liée au

processus de co-création se fera a posteriori (lors d’un patch futur qui maximisera l’équilibre

du jeu). Le processus d’amélioration d’un jeu est donc bien un auto-renforcement qui se traduit

par un cycle de valeur (stratégie « sense-and-respond »). C’est ce point précis qui a motivé la

rédaction de ce mémoire et qui amène à se poser la question « Co-créons nous quand nous

jouons ? ».

2 – Le consommateur co-créateur par nature

Si la vue marketing centrée sur le service – celle qui perçoit le marketing comme un processus

d’apprentissage continu et directement amélioré par les ressources operantes – est bien

respectée ; pouvons-nous pour autant parler de co-création lorsqu’un joueur réalise une action

aussi banale que celle de jouer (car il produit de la statistique) ?

En effet, ce processus est bel et bien customercentric : un apprentissage prend place au côté du

consommateur et l’entreprise s’adapte à ses besoins individuels et dynamiques. Cependant, le

troisième point de cette vision – l’entreprise collabore avec le consommateur – n’est pas

explicitement respecté car le consommateur n’est pas sollicité sur la base du volontariat (aucun

choix ne lui est laissé). De plus, bien qu’il soit au courant de ce genre de pratiques pour atteindre

l’équilibrage d’un jeu, il n’est pas explicitement informé de la portée du travail qu’il réalise

malgré lui. Pourtant, ce dernier perçoit bien la valeur d’un travail car, grâce à ses sessions de

jeu, la licence sur laquelle il joue, le produit, devient de plus en plus balance ce qui est profitable

pour le joueur lui-même.

A contrario et en guise d’exemple, Nike a conçu une application web sur son magasin en ligne

permettant de personnaliser intégralement ses baskets. Même si le consommateur ne connaît

pas forcément le terme de « co-création », il a conscience qu’en utilisant cette fonctionnalité il

prend explicitement part dans le processus de fabrication de sa chaussure. C’est d’ailleurs un

vecteur fort de création de valeur pour le client et donc de satisfaction.

De plus, dans la littérature étudiée, nous avons découvert que les consommateurs travaillent en

donnant leur avis et en critiquant, ou en utilisant et transformant les ressources mises à

disposition par l’entreprise pour créer une valeur transcendant la valeur en usage (Grönroos &

Voima, 2011). Dans le cas d’une licence e-sport, ce travail est bel et bien réalisé dans la sphère

jointe du consommateur et de l’entreprise ; en utilisant un support (ressource) qui est le jeu lui-

même. La différence fondamentale est que cette ressource de l’entreprise n’est plus mise à

disposition mais vendue. A cela s’ajoute le fait que, aujourd’hui, chaque entreprise utilise de

forts processus d’analyse de manière à optimiser les produits et services vendus sans pour autant

mettre explicitement à disposition des consommateurs de la value facilitation (des moyens leur

permettant explicitement de coproduire) et nous n’appelons pas cela couramment de la co-

création. Lorsque Cdiscount analyse ses performances, elle analyse bien des statistiques

produites par les consommateurs malgré eux afin de trouver un moyen de faire croître ses

performances. Cela peut se faire (ou non) en tentant d’augmenter la satisfaction client donc en

proposant un produit/service répondant plus aux besoins du client, un produit/service avec

lequel le client génèrera et percevra plus de valeur. La différence notable entre Cdiscount et une

entreprise produisant une licence e-sport (celle qui légitime cette redéfinition de la co-création)

est le fait qu’une fois un produit Cdiscount vendu, la collaboration implicite aux yeux du

consommateur s’arrête. Le consommateur ne continue pas à produire de la valeur pour

l’entreprise en utilisant le produit et aucun processus s’inscrivant dans le temps n’impacte le

produit qu’il a déjà acheté. Sur une licence e-sport, malgré l’aspect peu clair et peu volontaire

du processus, le joueur continuera à produire et profitera de cette production. Au-delà du jeu-

vidéo, il est à noter que c’est globalement le cas de tout produit logiciel. Ainsi, le numérique

révolutionne la co-création en établissant un nouveau paradigme qui serait « consommer, c’est

co-créer ».

3 – Le professionnel co-créateur par volonté

Pour une entreprise, l’e-sport peut avant tout être considéré comme une stratégie marketing.

Bien que ce ne soit pas pour l’instant un grand conducteur de revenus, c’est un grand vecteur

d’engagement et d’acquisition de clients.

En effet, les gosus (joueurs professionnels) sont de vraies idoles dans certains pays comme la

Corée ou la Chine. Le reste du monde n’en est pas encore là. Cependant, ces pro-gamers reste

un vecteur fort d’admiration et de personnification du jeu pour les communautés s’y

attelant mais aussi de visibilité et de content marketing pour les entreprises y investissant.

Nous titrons cette partie grâce au terme « par volonté » mais il est nécessaire de comprendre

que c’est un désir de la part des joueurs. En effet, n’importe quel amateur de jeux vidéo jouant

au fond de sa chambre a déjà rêvé de faire de sa passion son métier ; mieux encore, de gagner

des sommes d’argent et une notoriété grâce à ce biais presque inenvisageable avec un parcours

professionnel plus « classique ». La volonté arrivera par la suite afin d’atteindre un niveau

souhaité, mais ce n’est toujours pas la volonté qui nous intéresse ici. La volonté dont il est

question réside du côté des entreprises positionnant tel ou tel produit sur le segment e-sportif.

Foufouman (à chacun son pseudonyme !), joueur professionnel de jeu Hearthstone Trading

Card Game livre dans une interview donné au magazine numérique aAa que, « pour qu'un jeu

soit considéré comme e-sportif, il y a juste besoin de l'existence d'équipes, de compétitions, et

d'un support numérique. »

C’est donc l'impulsion de la communauté qui peut déterminer si un jeu a sa place dans l'e-sport.

Le fameux jeux vidéo Heathstone reflète assez bien ce propos car c’est un jeu de carte, au tour

par tour, en un contre un, qui est fortement représenté sur la scène e-sport. Ceci alors même

qu’il ne fait appel ni à la coordination d’équipes, ni à des réflexes cognitifs (temps de réaction,

vigilance, précision), ni à la dextérité.

Ainsi, bien que l’entreprise choisisse de designer un produit de manière à ce qu’il se prête

structurellement à la compétition, ce n'est ni le choix de l'éditeur du jeu, ni le montant des

cashprizes qui permettra la réussite d’un produit sur ce secteur. Cependant, ce fameux éditeur

peut l’y aider. Bien que le sponsoring soit en pleine expansion sur ce secteur, les entreprises

possèdent l’entièreté des droits de rediffusion des tournois officiels (créés par les entreprises

elles-mêmes) et font, pour l’instant, le choix de ne pas faire entrer la publicité dans ce type

d’événements. Elles financent ainsi les équipes, les joueurs professionnels, mais aussi les coûts

infrastructurels liés à ces compétitions. La valeur apportée par l’entreprise est pécuniaire

(avoisinant les 500 millions de dollars pour les plus grosses compétitions) et transformée par

les professionnels du monde e-sport.

Nous retombons ici dans la définition même de la co-création ; à savoir que l’entreprise ne peut

délivrer de la valeur à ses consommateurs mais elle la facilite depuis sa sphère fermée en

mettant en place des ressources (le produit) de valeur potentielle pour le consommateur qui n’en

deviendra réellement aux yeux du consommateur que lors de son usage mais aussi en créant des

points de contacts (ligues, événements) ; le tout dans une logique dominée par le service ou

l’avantage concurrentiel potentiel et induit par la connaissance et les compétences

fondamentales du public et des acteurs des compétitions.

IV. Vers une nouvelle classification de la co-création ?

L’essai de Magne & Lemoine (2015) tente de classifier les formes de co-création en fonction

de l’étape d’implication du consommateur dans le processus : un premier stade pour la

génération de concepts et d’idées (le co-innover), un second stade pour la modification et

l’amélioration des produits (collaborer) et un troisième stade concernant la distribution des

services/produits (bricoler). Nous pensons que, dans ce cas précis de production de statistiques,

au-delà du degré d’intégration du consommateur (en l’occurrence collaborer), il est nécessaire

de re-segmenter la démarche globale de co-création en fonction de la conscience du

consommateur à y prendre part ou non.

Nous diviserons ainsi la manière de co-créer en deux nouveaux sous-ensembles distincts.

- Le premier serait une co-création active où le consommateur a conscience de sa

production et de sa contribution pour la communauté, le jeu ou l’entreprise. Dans cette

manière de co-créer, le consommateur arrive volontairement dans le processus grâce à

des value facilitations explicites mises en place par l’entreprise (forums, sites ou

applications officiels) ou par la communauté (fan sites, fan apps, forums…) qui, selon

Cova & Ezan (2008), travaille pour l’entreprise. Pour ces productions, le consommateur

s’attache à une ressource qui est le contenu du jeu lui-même (son lore) car cela peut

aussi rentrer par extension dans les « ressources » de l’entreprise comme vecteur de co-

création mis en exergue par Grönroos & Voima (2011). Cependant, cette ressource a

beau être intrinsèque au jeu, le consommateur choisit de faire un dessin (fan art) et de

le publier sur Internet. Nous sommes donc bien dans une démarche volontaire. Enfin, le

consommateur peut ici prendre part à la co-création à n’importe lequel des trois stades

de Magne & Lemoine (2015).

- Une co-création passive où le consommateur co-crée « malgré lui » en produisant de la

statistique est exploitée par l’entreprise pour rendre le jeu plus efficient, plus balance.

Ici, le consommateur rentre dans un schéma co-créatif simplement en jouant, donc en

consommant le produit ressource. Ce dernier devient une value facilitation à part

entière. C’est là le fondement et l’outil de différenciation de cette classification. Il n’est

pas question ici d’éthique entrepreneuriale ou de jugement. La majorité des

consommateurs savent que ces informations sont exploitées et ce, dans tous les secteurs

industriels. Nous mettons ici le doigt sur une production du consommateur qui est de

nos jours intrinsèquement et passivement induite par le fait de consommer. Le

consommateur est ici, selon Magne & Lemoine (2015), uniquement collaborer.

La frontière de ces deux catégories est constituée de l’Alpha et de la Beta test. Ce sont

respectivement la première et seconde période d’essai d’un produit informatique (logiciel ou

jeu vidéo) avant sa publication. Il est, durant ces étapes, demandé à des personnes d’utiliser le

produit afin de réaliser des tests. Dans notre cas précis : de jouer. Si nous parlons de frontière

ici, c’est que faire partie d’une Beta ou d’une Alpha est un privilège quand il s’agit de jeux

vidéo. Premièrement, car ces joueurs sont sélectionnés sur le volet (dans les première phases

fermées) et cela contribue donc au besoin de reconnaissance propre à chaque individu (Hegel,

1807 et Honneth, 2006) qui est selon Cova & Ezan (2008) décuplé au sein d’une communauté.

De plus, ce privilège permet de découvrir du contenu exclusif en avant-première ce qui est un

fort vecteur de plaisir, de satisfaction, de valeur perçue. C’est donc une démarche volontaire

que fait le joueur en s’inscrivant sur ces phases de test. Cependant, la vision du joueur est très

orientée sur les différentes gratifications énoncées (la valeur qu’il percevra lui) et les avantages

pour l’entreprise sont relayés au second plan. Ces avantages tournent autour de la correction de

bogues et encore une fois de l’optimisation du contenu grâce aux statistiques. Nous sommes

donc ici dans une démarche volontaire pour une co-création passive car se traduisant encore

une fois par la simple consommation.

Ce que nous avons défini comme étant la co-création passive participe intrinsèquement et

explicitement (sauf aux yeux du consommateur) à la production d’un contenu e-sport toujours

plus pertinent et équilibré. Il s’agit désormais de voir quelle est la part de la co-création active

dans ce processus. Le consumer generated content est le plus fort exemple de co-création dans

l’industrie du jeu vidéo. Chaque jour une avalanche de fan art, fan site et de flux en tous genres

concernant les produits sont créés sur le web 2.0. De plus, des évènements ou autres

manifestations liés aux jeux e-sport pullulent sur le globe. Il convient désormais d’utiliser la

classification de Magne & Lemoine (2015) pour hiérarchiser ces actions, mais aussi y inclure

une autre notion qui est la nature de l’apport. Cela participe-t-il à la co-création en termes d’e-

sport et dans quelle mesure ? Cela touche-t-il les règles intrinsèques au jeu sur lequel la

compétition a lieu ? Cela se limite-t-il à du contenu alimentant ce que nous avons défini comme

lore et ce lore a-t-il une valeur en e-sport ?

Comme nous l’avons vu précédemment, l’aspect e-sport d’un jeu vidéo est constitué du jeu

joué compétitivement mais aussi de sa communauté. Selon Cova & Ezan (2008), en appartenant

à une communauté de marque, nous travaillons pour l’entreprise concernée ; si l’on rapproche

cette analyse de la définition de la logique dominée par le service et la co-création de Grönroos

& Voima (2011) comme l’exploitation des ressources de l’entreprise en guise de vecteur de

création de valeur pour le consommateur, il pourrait être possible de dire que nous co-créons

en appartenant à une communauté. Et ce car cette communauté travaille pour la marque en

« prêchant la bonne parole ». Ainsi, en passant en revue les différentes formes de participation

à une communauté de marque et en les segmentant en fonction de leur apport, nous arrivons

pour le secteur du sport électronique à cette classification (pour ce que nous avons défini comme

co-création active) :

1 - Le consumer generated content pour :

« Nourrir » le produit :

- Grâce à la critique (collaborer) qui se traduit par une participation volontaire du

consommateur sur les forums officiels ou les réseaux sociaux officiels comme

value facilitation.

- Grâce à la proposition d’idée (co-innnover) qui se traduit par une participation

volontaire du consommateur sur les forums officiels ou les réseaux sociaux

officiels comme value facilitation.

Selon Fenlon (2012), « la tendance est de considérer le feedback comme l’équivalent d’une

réunion de conception. ». A cela, Soudoplatoff (2010) ajoute le fait que les forums sont des

lieux hors du commun en termes de création d’idée et que ces viviers sont généralement très

bien autorégulés. L’a priori selon lequel « sur Internet seuls les hargneux parlent » (citation

issue du même document) est loin d’être véridique. Il suffirait de savoir distinguer les tendances

lourdes des signaux faibles et des verbatims pour pouvoir pleinement exploiter le contenu de

ces espaces véritables et explicitement partagés entre les fameuses sphères consommateurs et

entreprise.

Afin de co-créer en terme de produit, d’avoir une chance d’avoir un impact sur les mécaniques

de jeu, la direction artistique ou tout autre aspect du produit en question, il convient (dans la

majorité des cas) d’utiliser les canaux officiels de l’entreprise. Dans les deux cas énumérés, les

consommateurs tissent des liens soit avec l’entreprise soit avec la communauté. Si l’entreprise

réussit à capter la valeur créée, si elle prend en compte les critiques, remarques et idées

formulées par les clients, ces acteurs entrent dans un schéma co-créatif et peuvent profiter des

bénéfices déjà cités, induits par ce processus (ou en pâtir).

« Nourrir » la communauté : tous canaux

- Grâce au divertissement (fan art, fan story) qui se traduit par la participation du

consommateur à la création artistique dans une optique de divertissement de la

communauté.

- Grâce à l’actualité qui se traduit par le suivi et la critique des différents matchs

des ligues ou des différentes nouveautés issues des patchs additionnels et

réguliers de contenus mais aussi des produits transverses issus du

merchandising.

Le consumer generated content qui a pour but le divertissement ou l’actualité (à différencier ici

du divertissement ? Même s’il s’agit de jeu vidéo, regarde-t-on les médias pour se divertir ?)

ont une vertu marketing directement induite par le modèle du content marketing. Ce type

d’apport n’est pas pris en compte par Magne & Lemoine (2015) et ne peut donc pas être classé

dans une des trois catégories. Il sévit sur tous les canaux dont certains, très propres au sujet (le

streaming avec la plateforme Twich notamment), sont parfois des structures professionnelles

avec de véritables chaînes télévisuelles (0’Gaming, Millenium, etc.). La value facilitation est,

nous le répétons, procurée par la communauté (parfois des professionnels au sens où ces

derniers se rémunèrent) qui « travaille » pour l’entreprise et parfois par l’entreprise elle-même.

La ressource est intrinsèque au jeu puisqu’il s’agit de son contenu. En effet, les productions des

consommateurs sont directement issues des éléments tirés du jeu. Par exemple, lorsque l’on

réalise un cosplay, on se déguise en un personnage du jeu. Pour autant, lorsqu’il s’agit d’un fan

art, il est aussi question d’une représentation présente dans le produit. Et lorsque l’on commente

un match cette affirmation est aussi vraie et participe aussi à la visibilité du produit.

2 - L’évènementiel pour :

« Nourrir » la communauté :

- Grâce à l’organisation (bricoler) d’événements, de rassemblements de fans

(« cons ») ou de compétitions.

- Grâce à la participation : aux cons, aux compétitions officielles ou non et aux

rassemblements.

En effet, participer à un événement rentre aussi dans un schéma co-créatif car cela engendre de

la création de valeur pour l’utilisateur qui se traduit par un sentiment d’appartenance à une

communauté de marque. Là encore, cet apport n’est pas pris en compte par Magne & Lemoine

(2015) alors que Cova & Ezan (2008) mettent, eux, explicitement en relation le tribalisme, le

tribal marketing et la co-création. Carù & Cova (2006) appellent quant à eux ces événements

des « brand fests ». Ces fêtes de marque sont des événements traduisant une expérience festive

de la marque au consommateur et participent au marketing expérientiel défini par les mêmes

auteurs en tant que contexte expérientiel. Afin d’être efficient, de « faire vivre l’expérience d’un

autre soi », ces contextes doivent être thématisés, sécurisés et « enclavés » pour contraster avec

le stress vécu dans la vie quotidienne. En s’impliquant (se déguisant, participant aux activités

de bon cœur, etc.), les consommateurs sont dans un processus complet de co-création sur un le

plan marketing communautaire et expérientiel et vivent un véritable « spectacle interactif » qui

élève la relation entre l’individu, la communauté et la marque.

Cette nouvelle classification tente donc d’enrichir la co-création d’une dimension

consciencieuse ; ce parce que les nouveaux processus d’enrichissement des produits

numériques se basent sur un travail réalisé en partie par le consommateur mais aussi car l’e-

sport, c’est la co-création. En effet, l’e-sport est une discipline (sportive ou non, ce n’est

finalement pas la question) et une discipline rassemble des participants donc des

consommateurs. Si un produit e-sport peut être créé de toutes pièces sans aucune sollicitation

des consommateurs, l’e-sport quant à lui ne peut exister sans ses acteurs qui sont les joueurs.

La distinction plus fine qu’est l’évènementiel et le consumer generated content n’est que

l’application logique des travaux sur la tribalisation de la société réalisés par Cova & Carù

(2006) ou Cova seul (2008). Un bilan graphique de cette nouvelle classification vous est

présenté en annexe (1).

Il convient désormais de confronter ce cheminement, ces « découvertes », aux consommateurs

d’e-sport ainsi qu’aux témoignages de professionnels du secteur.

Cadre pratique : l’analyse quantitative

I - La méthodologie

1 – Diffusion

Pour la pertinence des résultats, il était nécessaire de diffuser ce sondage uniquement auprès

d’un public qualifié et de réussir à recueillir un échantillon suffisamment conséquent afin qu’il

soit statistiquement exploitable. En effet, les véritables e-sportifs, les joueurs de licence e-sport,

représentent un segment conséquent sur le marché du jeu vidéo et pourtant, il n’est pas chose

aisée que de drainer suffisamment de réponses pour une analyse. De manière à réussir cela,

nous avons utilisé de nombreux canaux de diffusion et quelques techniques liées à ces canaux :

Nous avons publié sur les pages Facebook de nombreuses entités. Des posts ont été fait

sur le mur de trois associations e-sport et dix-huit pages francophones des vingt-cinq

Meltdown existant. Le Meltdown est une chaîne de bars orientée autour de l’e-sport

présente dans de nombreuses villes en France et à l’international (Londres, Bruxelles,

Budapest…). Lorsque vous postez sur une page Facebook, en général, la publication

n’apparaît pas directement aux yeux de tous sur le fil d’actualité de cette page. Elle

figure dans un petit encart (« publication des visiteurs ») en bas à droite du fil d’actualité

de la page et est de ce fait très difficilement visible par les visiteurs. Les administrateurs

des pages Facebook des Meltdown de Dijon et de Toulouse ont gentiment relayé ma

publication directement sur le contenu central de leurs pages respectives la rendant

facilement visible par leur auditoire.

Nous avons aussi, tous les trois jours pendant deux semaines, publié sur Twitter avec

les hashtags « #esport » et « #jeuxvideo » afin de tenter de d’inciter plus de joueurs à

répondre à ce sondage.

Nous avons utilisé le bouche à oreille en sollicitant les profils qualifiés de notre

entourage pour répondre et relayer cette étude.

Nous nous sommes connectés sur deux licences e-sport (Overwatch et Heroes of the

Storm) et avons demandé directement à nos « contacts » (camarades récurrents de jeu)

de prendre un peu de leur temps pour répondre.

Enfin, nous avons réalisé un article sur Linkedin incitant les personnes qualifiées à y

répondre.

Les résultats1 de ce questionnaire sont disponibles sur Internet. Le questionnaire étant resté

ouvert, de nouvelles personnes y ont depuis répondu et les chiffres visibles en ligne diffèrent

très légèrement de ceux présentés ici. Cependant, afin de traiter ces données nous utiliserons la

notion simple de pourcentage. Les résultats restent sensiblement les mêmes.

2 – Structure

Etant donné le profil de la cible que nous avons dressé grâce aux travaux de différents auteurs

(présents en annexe) et du fait de la réticence générale à répondre à ce type de document, nous

avons voulu un questionnaire court. Ce dernier est composé de 17 questions succinctes et

n’étant pas classées de manière explicite dans des catégories ; ce toujours pour palier un effet

de longueur et une perception trop académique par les personnes questionnées.

Pourtant l’enchaînement de ces questions suit bel et bien une logique. Plus encore, cette logique

est une des pierres angulaires du questionnaire car nous essayons de faire prendre conscience

au joueur – plutôt de déterminer si le joueur acquiert individuellement le sentiment – que

lorsqu’il joue, il fournit une forme de travail pour l’entreprise.

Ainsi, les deux premières questions permettent de filtrer les sondés afin de savoir s’ils sont

qualifiés pour répondre ; tout simplement s’assurer qu’ils soient amateurs d’e-sport.

La troisième question « Avez-vous déjà été amené à co-créer au côté d'une entreprise ? »

intervient de manière brute comme point de départ de l’éventuelle prise de conscience du travail

fourni en jouant. Afin d’aiguiller les sondés, nous avons explicitement mis en avant la définition

de la co-création de Prahalad (2000) car elle nous a paru être la plus simple et explicative :

« La co-création consiste, pour une entreprise, à développer des produits ou services en

collaboration active avec ses clients et ce, de façon durable ». Cette définition qualifie donc la

1 http://www.askabox.fr/resultats.php?s=102039&r=SBCnefKq9ga

co-création appliquée à l’entreprise mais ne donne aucune clé quant à la manière dont elle peut

se traduire chez le consommateur.

Les 9 neuf questions suivantes sont donc orientées sur les différentes actions s’inscrivant dans

un schéma co-créatif que le sondé aurait pu avoir et parallèlement sur ce qui, pour le

consommateur, rend un jeu vidéo viable en compétition et ce afin de savoir si le consommateur

a le sentiment que son action influe sur la viabilité d’une licence en e-sport. Ces questions sont

censées être graduellement de plus en plus explicites. Certaines d’entre elles sont des questions

ouvertes, apportant une part de qualitatif à cette étude. A cela s’ajoute le fait qu’il soit possible

de lire les résultats au cas par cas pour chaque individu et donc de retracer le parcours de réponse

pour chaque personne. Le nombre de réponses collectées n’étant pas suffisamment conséquent

(36 questionnaires remplis en moyenne à 89%), la covariance mathématique est peu

représentative et un schéma privilégiant le « tant de personnes ayant répondu cela ont répondu

ceci » s’impose comme plus pertinent et faisable grâce à cette forme de questionnaire.

La quatorzième question : « Pouvez-vous désormais dire que vous avez co-créé aux côtés d'une

entreprise produisant un jeu vidéo e-sport ? » est censée être le point de rupture poussant le

consommateur à la réflexion. Grâce notamment au mot « désormais », l’individu sera

logiquement amené à prendre du recul à propos de la structure même du questionnaire et sur la

question de savoir si effectivement ses actions influent sur la viabilité du jeu et/ou

correspondent à la définition de Prahalad (2000). Pour cela, le sondé pourra librement revenir

et consulter l’entièreté de ses réponses précédentes. Ceci pose effectivement le risque de

modification des réponses antérieures afin d’atteindre une forme de cohérence. Nous estimons

et espérons que ce genre de cas soit négligeable pour la viabilité des résultats de l’étude.

Enfin, les trois dernières questions permettent un ciblage en fonction de l’âge, des catégories

sociaux-professionnelles et du sexe.

II – Présentation des résultats recueillis par thème

1 – Un échantillon qualifié

Si 97% des sondés affirment en premier lieu avoir déjà joué à une licence e-sport, il était

nécessaire de corréler nos définitions de ce qu’était un titre e-sport. À titre informatif, nous

avons donc posé la question des noms des licences auxquelles ces joueurs jouent actuellement

(annexe (2)). Si près d’un tiers des sondés n’ont pas souhaité répondre à cette question, les

résultats restent globalement conformes à nos attentes et représentatifs du marché e-sport actuel.

En effet, le titre Overwatch arrive en tête avec 22% de quote-part et est le dernier jeu AAA2 de

l’éditeur Activision Blizzard possédant déjà de nombreux titres positionnés historiquement sur

le même segment de marché et présents dans cette liste (Starcraft, World of Warcraft et

Hearthstone). Si ce titre est aussi représenté c’est qu’il est sorti peu avant la date d’envoi des

formulaires mais a surtout battu tous les records de vente avec 15 millions de titre vendus deux

semaines après son lancement (conférence dédiée aux résultats du second semestre d’Activision

Blizzard) détrônant même le titre League of Legend dans les cyber-cafés coréens (terre sainte

de l’e-sport) jusqu’alors premier jeu (en terme d’utilisation) depuis une dizaine d’années.

League of Legend arrive d’ailleurs en troisième position avec 11% de quote-part. Le second jeu

le plus représenté dans notre échantillon est Counter Strike et est aussi un titre phare depuis

quelques années sur la scène e-sport. C’est par ailleurs le titre générant le plus d’argent sur ce

segment grâce à un système de micro-transaction très soigné et ayant misé sur une étonnante

largeur de gamme. C’est par exemple le seul titre où il vous est proposé d’acheter des outils

cosmétiques (donc des items virtuels) coûtant plus de mille euros !

Le reste des titres cités appartiennent tous et sans exception à la scène e-sport, ce qui vient donc

confirmer la qualification de notre échantillonnage et une adéquation avec la définition d’un

titre e-sport. La diversité et l’hétérogénéité des titres cités (jeux de combat, de cartes, MOBA3,

FPS4, RTS5, MMORPG6, TPS7) est elle aussi appréciable. Nous remarquons aussi qu’en

2 Terme de classification utilisé pour les jeux vidéo avec les budgets de développement et de promotion les plus

élevés ou de bonnes évaluations de la part de critiques professionnels 3 Multiplayer Online Battle Arena (arène de bataille en ligne multijoueur) 4 First Person Shooter (jeu de tir à la première personne) 5 Real Time Strategy (jeu de stratégie en temps réel) 6 Massive Multiplayer Online RolePlaying Game (jeu de rôle en ligne massivement multijoueur) 7 Third Person Shooter (jeu de tir à la troisième personne)

moyenne 1,22 jeu est cité (en prenant l’absence de réponse comme étant en valeur égale à un

jeu afin de ne pas biaiser le résultat).

Nous avons, dans un deuxième temps, cherché à savoir si les personnes interviewées

correspondaient au critère d’échantillonnage simple qui est avoir pratiqué le jeu dans une

optique e-sportive en d’autres termes, si ces personnes sont des e-sportifs. Pour cela, nous nous

sommes appuyés sur différents travaux académiques de Mora et Héas (2002), Bartle (2004),

Yee (2006), Markey & Markey (2010), Tyree & McLaughlin (2012), Bean (2014) et

McLaughlin, Feng & Whitlock (2015) traitant de la taxonomie des joueurs de jeux vidéo. Ces

derniers, bien que très intéressants, ne pouvaient s’articuler correctement avec la première partie

de ce mémoire et ne présentaient finalement qu’un intérêt de ciblage pour l’enquête de terrain.

Nous avons donc choisi de vous les restituer en annexe (3).

Grâce à ces informations, nous avons mis en place une question filtre avec différents choix de

réponse et plusieurs choix possibles et pondérés (annexe (4)). Cette question interroge le sujet

sur ce qui lui plaît dans les jeux vidéo. Sur sept critères diverses, trois ont trait à l’e-sport et ont

été répartis aléatoirement. La réponse « L’e-sport » étant la plus pure possible, nous avons

choisi de lui attribuer une valeur de 5 points. Vient ensuite les réponses « Gagner » et

« Affronter d’autres joueurs » avec 4 points chacune. Cette échelle de score a été choisie afin

de favoriser légèrement une personne s’intéressant à la scène e-sport sans pour autant trop

écarter son score d’une autre personne jouant dans une logique e-sport et possédant un profil et

les motivations d’un e-sportif sans ressentir un intéressement pour l’actualité de la discipline.

Les quatre autres réponses ne rapportent aucun point. Le score maximum atteignable par sujet

est donc de 13 points.

Nous remarquons que le score moyen est de 9,86 (plus de 75% du score maximal atteignable)

et possède un écart type de 3,68. Ce dernier est plutôt élevé en termes de score maximum mais

faible lorsque l’on prend en compte que seulement trois réponses peuvent rapporter des points

et que ces points s’engrangent au minimum par tranche de 4. De plus, un sujet coche en

moyenne 3,56 réponses, la réponse « Autre » n’a obtenu que 3% de quote-part (ceci prouve la

pertinence des autres réponses proposées), les trois réponses arrivant en tête sont les trois

réponses affiliées à l’e-sport (avec une quote-part moyenne de plus de 75%) et l’e-sport a la

quote-part la plus faible de ces trois dernières avec 61% (22% de moins que les deux autres).

Grâce à toutes ces informations nous concluons qu’à défaut d’être de forte taille, l’échantillon

sur lequel nous avons travaillé est hautement qualifié mais aussi relativement représentatif car

possédant une vaste diversité de réponse. Cet échantillon possède un sous-segment légèrement

inférieur en nombre et plus impliqué car s’attachant à l’e-sport comme une discipline ; mais la

quasi-totalité des répondants possède un profil éligible à cette étude (un seul joueur a obtenu

un score de 0 point et ses réponses ont donc étés retirées de tous les résultats qui vont maintenant

vous être présentés).

2 – La co-création active : analyse par canaux

À ce stade du questionnaire, lorsque l’on demande à l’échantillon s’il a déjà été amené à cocréer

aux côtés d’une entreprise, la réponse est sans appel (voir l’annexe (5)). En effet, près des trois

quarts (71%) des e-sportifs répondent par la négative. Le dernier quart se décompose presque

équitablement entre des joueurs ayant répondant « oui » et « je ne sais pas ». Ces deux derniers

types de répondants se caractérisent par des moyennes de score (nous faisons référence à la

question précédente) plus élevées que la moyenne totale de l’échantillon (pour rappel : 9,86).

Nous sommes ici, respectivement, a 11 et 12. Etant donné que de nombreux joueurs ayant

répondu « non » possèdent un score au moins équivalent à ces deux derniers ; il nous est

impossible de dire que les plus aguerris d’e-sport co-créent plus. Cependant, il est notable que

les plus faibles sont fortement sous-représentés dans ces catégories et nous nous risquerons à

dire que les personnes étant le moins intéressées par l’e-sport estiment, d’après la définition de

Prahalad (2000), n’avoir pas été amené à co-créer au côté d’une entreprise.

A – Les forums

Lorsque l’on demande à l’échantillon s’il a déjà été amené à publier à propos des jeux vidéo la

réponse est elle aussi presque unanime (annexe (6)8). Seulement 9% des interviewés affirment

avoir jamais été amenés à publier quoi que ce soit à ce sujet. Pour les autres, les canaux sont

variés avec une moyenne de 2,63 canaux déjà utilisés par répondants. Les forums représentent,

sans surprise, le biais le plus populaire pour la publication : 77% des interviewés y ont déjà eu

recours. Les forums de site de jeux vidéo sont parmi les plus dynamiques du net. Les joueurs

se retrouvent sur ces plateformes pour de très nombreuses raisons, en témoignent les résultats

qui placent les forums en tête de quote-part sur chacun des splits de but de publication : critiquer

(33%), discuter (34%), donner des idées (32%), faire passer le temps (38%), obtenir des

renseignements (31%) et montrer quelque chose (31%). Les forums ont donc des intérêts

8 Les tableaux croisés dynamiques et leurs résultats ne figurent pas en annexe sous forme graphique mais sont

disponibles à la demande

multiples et leur mention en tant que réponse est suivie par la plus forte moyenne du nombre

de réponse de but de publication. Il est à noter que ces derniers sont relativement populaires

pour leurs aspects récréatifs. Les seuls autres canaux les challengeant étant les sites officiels ou

de fan avec eux aussi 38% de quote-part pour « faire passer le temps ». Cependant, la réponse

« faire passer le temps » n’est jamais ressortie seule. De cette manière nous déterminons que

c’est un bénéfice associé à des buts, des actions. Si un joueur va sur un forum, il le fera pour

discuter, cocréer (regroupement de « critiquer », « donner des idées » et « montrer quelque

chose ») ou obtenir des renseignements et la nature du canal rendra cette action récréative ; d’où

la popularité des forums.

La largeur de champ d’action des forums impacte aussi les destinataires des publications sur ce

type de canal. En effet, les quotes-parts de ce split, bien que n’arrivant pas en tête à chaque

possibilité de réponse, sont des plus élevées pour les forums. Nous remarquons l’aspect

communautaire de ce canal avec 37% de quote-part pour les interviewés souhaitant s’adresser

à d’autres joueurs (canal maître de cette catégorie). Nous parlons ici de communautarisme car

lorsque les interviewés souhaitent toucher les internautes (dans leur généralité), les forums

arrivent avant dernier (avec tout de même 22% de quote-part). Ceci paraît logique étant donné

qu’un forum est hébergé sur un fan site/site officiel la plupart du temps dédié à un jeu. Les

réseaux sociaux se montrent donc bien plus performants sur ce type de destinataire avec 38%

de quote-part (premier de cette catégorie). Le forum performe aussi lorsqu’il s’agit de s’adresser

aux développeurs et nous rentrons ici dans de la co-création explicite. Une co-création

cependant relativement péremptoire car, lorsque l’échantillon s’adresse à ces derniers, c’est

avant tout pour « montrer quelque chose » (33% de quote-part et premier de sa catégorie) même

si « donner des idées » arrive aussi en tête de sa catégorie pour les développeurs avec 22% de

quote-part. On remarquera aussi la bonne position de ce canal lorsqu’il s’agit de s’adresser aux

entreprises – principalement pour les critiquer (23% et premier) ou donner des idées (22% et

premier) – mais aussi au service-client (synonyme d’efficacité de ce canal).

Cependant, ceci pourrait paraître étonnant car à la question « Pensez-vous que les entreprises

tiennent compte de ces publications ? » les forums obtiennent un ratio oui/non négatif. Nous

remarquons que pour cette même question avec un split en fonction du but de la publication

« Donner des idées » obtient un ratio fortement positif et vient compenser ce manque de

confiance dans la prise en compte des publications par l’entreprise.

Nous conclurons donc que les forums sont les canaux de prédilection des joueurs pour

s’exprimer sur de nombreux sujets auprès de multiples destinataires de la sphère

consommateur/entreprise et pas au-delà. La perception de l’impact du forum dans la co-création

reste relativement pessimiste mais les joueurs continuent d’affectionner ce biais grâce à son

aspect récréatif, communautaire et probablement défouloir. En effet, ce n’est pas parce qu’on

pense que les entreprises tiennent peu compte des publications sur ce type de canal que cela

signifie qu’elles ne les lisent pas (nous vous rappelons que « critiquer » arrive en tête).

B – Les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux arrivent en seconde position, donc derrière les forums, en termes de canaux

les plus plébiscités pour publier à propos de l’e-sport (annexe (6)). C’est 27% des joueurs qui

reconnaissent avoir déjà publié sur ce type de plateforme. Contrairement aux forums, ce canal

se caractérise par l’ouverture de son environnement. En effet, les possibilités induites par les

réseaux sociaux ne se limitent pas à la création de compte et la publication. Premièrement car

nous parlons des réseaux sociaux en général et que chaque plateforme se base sur des

fonctionnalités et une technologie qui lui est propre mais aussi car comme le nom l’indique, ces

espaces sont construits afin de faciliter la mise en relation des internautes. Ceci augmente ainsi

facilement et considérablement le champ de diffusion des contenus publiés ne les limitant pas

à un visionnage de l’audience de tel ou tel site ; le référencement étant dérisoire comparé à la

diffusion des réseaux sociaux basée sur le ciblage et la relation. Ces outils obtiennent des

quotes-parts fortes pour ce qui est de critiquer (23%), discuter (23%), donner des idées (23%),

montrer (25%) et obtenir des renseignements (24%). Il est intéressant de noter que l’échantillon

n’utilise pas les réseaux sociaux afin de passer le temps lorsqu’il s’agit d’e-sport : 1% de quote-

part sur le split « Réseaux sociaux » et 6% sur le split « Passer le temps ».

Lorsque les joueurs utilisent les réseaux sociaux, c’est avant tout pour s’adresser à une cible

large : des internautes (première quote-part sur le split « Internautes » avec 38%) et des joueurs

(première quote-part sur la split « Réseaux sociaux » avec 39%). Lorsque les internautes sont

la cible de la publication, c’est avant tout pour montrer quelque chose (29% de quote-part sur

le split « Internautes ») ou pour discuter (20%). Les joueurs sont eux aussi ciblés pour discuter.

Nous remarquons aussi que 80% de la quote-part du « Autre » en termes de but de publication

est attribuée aux internautes.

L’entreprise est, elle aussi, dans la moyenne haute mais avec conscience que les développeurs

ne sont pas un interlocuteur sur ce type de canal. Etrangement, le service-client obtient lui aussi

des quotes-parts relativement faibles alors qu’en général, dans la globalité des secteurs

d’activité, il se démocratise sur ce type de médias et que de plus en plus de client ont recours à

ce biais afin de faire remonter des requêtes concernant l’après-vente.

Nous pouvons donc dire que les joueurs publient sur les réseaux sociaux à propos d’e-sport afin

de s’adresser à la communauté du jeu mais aussi et surtout pour toucher un public plus large.

Si la co-création est moins présente (mais pas inexistante) sous sa forme pure – à savoir faire

des remarques à propos du produit – elle n’en est pas moins utile et intense. Les réseaux sociaux

sont le fer de lance de la communication de la communauté qui utilise ce biais dans une logique

d’évangélisation et participe de fait activement au marketing des jeux-vidéo e-sport. De plus,

la co-création dite pure est perçue ici comme beaucoup plus efficace. En effet, les réseaux

sociaux sont le seul media de masse (nous ne comptons pas les blogs plus marginaux) où les

joueurs ont la perception d’être entendus et où ils estiment que leur publication est prise en

compte. En d’autres termes, c’est le seul ratio oui/non positif pour la question « Pensez-vous

que les entreprises tiennent compte de ces publications ? ». Ces publications étant facilement

diffusables et relayables, cette place publique devient un moyen de pression efficace afin de se

faire entendre par les éditeurs de jeux e-sport. Cependant, lorsque cette démarche n’est pas

impulsée par les entreprises, pouvons-nous parler de co-création ? Ici encore, même si

l’entreprise se voit obligée de procéder à des modifications sur son produit sans avoir sollicité

l’avis de ses consommateurs, toutes les conditions de la logique dominée par le service et les

définitions des conditions de co-création sont respectées pour qu’on puisse inscrire cet exemple

dans un processus co-créatif.

C – Les sites web

Les sites webs, officiels ou de fan, possèdent les seconde plus fortes quotes-parts sur les buts

de publication et égalisent même les forums lorsqu’il s’agit de passer le temps. En effet, si les

possibilités d’action ne sont pas infinies sur les sites officiels où la quasi-totalité du contenu est

modéré par l’entreprise, les fan sites s’apparentent plus à des wikis. Leur fonctionnement est

très souvent basé sur la contribution de la communauté et les chroniqueurs ou autres webmasters

sont souvent des joueurs aguerris et passionnés par le jeu en question. Contrairement aux

forums ou aux réseaux sociaux, l’entreprise n’est pas présente sur les sites de fan ce qui explique

probablement que ces quotes-parts ne se retrouvent qu’en deuxième position sur un terme aussi

générique. En effet, il est difficile de mettre tous les sites dans le même panier et un distinguo

aurait sûrement pu être intéressant afin d’étudier la perception des sites « professionnels »,

reconnus et modérés par de véritables équipes organisées, des sites vitrines des licences e-sport,

des sites ouverts et communautaires s’apparentant plus à ce que nous appelons ici des blogs.

Cette distinction aurait aussi pu permettre de mettre en relation l’impact de telle ou telle

catégorie de site sur le processus de co-création. Si l’on se cantonne à cette généralité, nous

observons que les joueurs publient sur des sites en s’adressant majoritairement aux autres

joueurs (44% de quote-part sur le split « Sites »), aux entreprises (37%) mais aussi aux

internautes (24% sur le split « Internautes ») et logiquement aux service-client (33% sur le split

« Service-client »).

En termes de prise en considération des publications, les sites possèdent un ratio oui/non

parfaitement nul. Les réponses des interviewés ne permettent de mettre en avant que peu de

choses sur ce type de canal.

Ainsi, mise à part une forte mention de l’utilisation des sites pour publier à propos de l’e-sport

qui illustre la notoriété de ce genre de média sur ce secteur d’activité, les sites n’excellent pas

spécifiquement dans telle ou telle catégorie. Ils sont cependant un vecteur de co-création pure

grâce au champ d’action de publication qu’ils permettent ; mais aussi car, dès qu’ils atteignent

une certaine audience moyenne, ils sont fortement surveillés par les entreprises du secteur et

ceci pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les sites les plus célèbres (tel que Millenium) sont des

sites d’équipes e-sport (comme nous l’avons vu ce sont des acteurs co-créatif indispensables),

car les sites utilisent le content marketing afin d’augmenter leur SEO9 et donnent donc une forte

visibilité aux licences. De plus, (et par extension) car ce sont de véritables prescripteurs pour

les éditeurs de jeux vidéo. Enfin car cette position de prescripteur intervient la plupart du temps

sur des sites ne se dédiant pas entièrement à une seule licence et touche donc une cible

représentant les meilleurs prospects possibles.

C – Les blogs et les magazines

Bien que ces deux derniers types de canaux soient, comparativement aux autres et en termes

d’audience, marginaux ; ils ne sont pas pour autant négligeables. Dans un premier temps, car

ils existent (ce qui signifie qu’ils engrangent les revenus et fréquentations nécessaires à leur

survie) et dans un second temps car, pour subsister, ils ont abordé un positionnement

ultraspécialisé et se voulant, de manière générale, plus qualitatif. Nous comprenons aisément

qu’ils ne soient cités que par 8% de l’échantillon. Il est à noter que le magazine n’a été cité que

deux fois et à chaque fois par une personne ayant cité parallèlement le blog. En extrapolant,

nous pourrions dire que cela reflète l’appétence et une forte implication de ces deux personnes

pour ce standing de canal. En effet, publier à propos de l’e-sport dans un magazine n’est pas

une action dont chacun peut se targuer.

9 Référencement gratuit

Nous remarquons aussi que ces deux canaux ont en commun les plus faibles quotes-parts pour

« Critiquer » et « Discuter », en termes de but de la publication, sur leurs splits respectifs. Si le

fait de discuter apparaît comme logique au vu de la rigidité de ces formats (comprendre ici

moins d’interactivité), la sous-représentation des critiques et de l’aspect péjoratif leur étant

associés laissent sous-entendre une démarche de publication plus neutre reflétant bien la volonté

informative de ces canaux. Cela se confirme avec les bonnes quotes-parts de « Montrer quelque

chose » et « Donner des idées ».

Mis à part les blogs qui ciblent les internautes avec 14% de quote-part sur le split du canal

(seconde quote-part pour cette répartition), ces canaux ne se démarquent pas spécialement en

termes de destinataire. Il est intéressant aussi de noter que le ratio oui/non est, comme nous

l’avons évoqué auparavant, positif pour les blogs. Celui des magazines est fortement négatif

mais avec seulement deux réponses collectées cette statistique est relativement hasardeuse.

Outre les publications, nous avons défini la co-création active au travers de la participation à

différents événements susceptibles de maximiser le sentiment d’appartenance à une

communauté de marque, mais aussi faisant profiter l’individu d’une expérience de marque

élevant sa relation avec la dite enseigne. L’annexe (7), qui reflète les résultats obtenus à la

question « Avez-vous déjà participé à un événement lié au jeux vidéo ? », nous permet de

constater que près de 71% de l’échantillon a déjà été immergé dans de tel brand fests. Bien que

ces événements ne soient pas toujours organisés par les marques, que le sentiment

d’appartenance à une marque ne soit pas explicitement perçu et que, de manière générale, le

processus de co-création ne soit pas explicitement perçu par le consommateur (au même titre

d’ailleurs que les publications), la co-création peut être considérée comme active car elle diffère

de la simple utilisation du produit. En effet, une grande partie des interrogés ont fait le choix de

s’inscrire, de se rendre à ce genre d’événements mais aussi de publier sur tel ou tel canal ; ce,

que la publication soit bénéfique pour la marque – nous parlons ici de co-création – ou prenne

la forme d’une critique – co-destruction en termes de communication (résultante d’un schéma

co-créatif) et co-création en termes de production et de son amélioration. Une publication

« neutre » en termes d’intentions de l’internaute pourrait s’apparenter à de la co-création car

elle participe au référencement de la marque.

Nous pouvons donc conclure que l’échantillon participe activement à la création du produit du

qu’il consomme : 4% n’ont jamais publié et 29% n’ont jamais participé à des événements

affiliés. Cette participation se fait grâce à des actions prises individuellement et ayant bien-sûr,

de par leur nature et la capacité de l’entreprise à les capter, une portée plus ou moins intense.

De plus, nous remarquerons encore une fois la qualification de l’échantillon avec plus de la

moitié des sujets ayant déjà pris part à des compétitions de jeux vidéo ; événement directement

affilié à l’e-sport.

2 – Les formes de co-création active

Le questionnaire évolue ensuite, et de manière volontaire, vers une réflexion, une remémoration

d’éventuels actes co-créatifs liés à l’e-sport et que le joueur aurait pu croiser au cours de sa vie.

Nous qualifions avant tout la manière de « volontaire » car les deux questions suivantes (annexe

(8)) ne sont pas obligatoires pour valider le questionnaire. Nous nous attachons ici à savoir ce

que l’échantillon considère comme co-création, notamment après cette série de questions sur

les publications ou la participation à des événements, dans un questionnaire et pour une question

comportant explicitement la co-création en formulation.

Nous remarquons tout d’abord que le taux de réponse diminue drastiquement ; et ce sans pour

autant savoir s’il s’agit de l’aspect optionnel de la question ou de la question en elle-même. En

effet, pour la question « Vous rappelez-vous d’une action de co-création sur une licence e-

sport ? » le taux d’abstention avoisine les deux-tiers (si l’on écarte la réponse « non » proposée).

Cependant, pour la question « Qu’avez-vous pensez de cette opération ? » il se maintient. Etant

donné que, pour répondre à la seconde, il est nécessaire d’avoir répondu à la première et au vu

du taux d’abandon de 23% des répondants sur la seconde question (8% de l’échantillon), en

regardant dans le détail les réponses et en extrapolant légèrement, nous pouvons dire que les

personnes ayant choisi de répondre sont entrées dans une démarche qualitative et se sont, en

grande partie, donné la peine de répondre à la seconde question.

Dans les différentes parties à suivre, nous nous sommes appuyés sur les différents exemples de

co-création mentionnés par les consommateurs et nous avons fait des recherches approfondies

afin d’éclaircir et de mieux comprendre la portée co-créative de ces exemples et leurs impacts

sur le marketing.

A – La co-création superficielle

Plus de 30% de l’échantillon ayant souhaité répondre mentionne un acte de co-création attrayant

au contenu cosmétique du jeu. Le mot « cosmétique » est même explicitement cité à deux

reprises. Deux exemples sont ici mis en avant par les interviewés :

- Deux sujets nous parlent d’un item sur le jeu Heroes of the Storm développé grâce à la

charte graphique des vainqueurs du championnat du monde de ce jeu et ce, en partie

pour récompenser les vainqueurs du championnat. La récompense prend la forme d’une

gratification sociale – seules les équipes gagnantes se voient développer et introduire en

jeu des items à leurs couleurs – et pécuniaire – l’équipe en question touchera un

pourcentage sur la vente de cet item à la communauté (un item souvent disponible à

l’achat sur une période limitée). Le consommateur n’est donc pas, en général, impliqué

dans le processus de ce type de co-création mais peut en bénéficier s’il passe à la caisse.

Nous pouvons cependant parler de co-création car un élément décoratif du jeu est créé

en fonction d’acteurs extérieurs à l’entreprise (s’ils gagnent et ces compétitions sont

ouvertes), avec ces acteurs (leur charte graphique n’ayant pas été créée par l’éditeur) et

grâce à la value facilitation de l’éditeur qui fournit les moyens – de la compétition à la

création du produit et son implémentation en jeu – pour que cette action soit réalisée.

Le même genre d’action est évoqué par un interviewé à propos des jeux Smite et League

of Legend.

- Encore sur le jeu Heroes of the Storm, une personne évoque un skin (une apparence de

personnage) créé à la demande de la communauté sur les forums officiels du jeu. Cette

action n’a été faite qu’une seule fois depuis la sortie du jeu et le directeur artistique s’est

exprimé en personne pour annoncer la création de ce produit (le skin étant achetable en

jeu) en disant que l’équipe de développement avait trouvé cette idée vraiment « cool »

et qu’elle correspondait parfaitement au personnage. Nous sommes, avec cet exemple,

dans la forme la plus épurée de co-création qu’il soit et dans un système dominé par le

service où l’entreprise a su écouter et analyser une demande collectée au préalable sur

des outils mis en place par elle-même. Cet exemple semble se reproduire sur plusieurs

licences e-sport car deux autres joueurs nous témoignent « Un skin développé grâce à

l’idée d’un joueur sur un forum » (ce joueur n’a pas souhaité renseigné le jeu auquel il

jouait il est donc impossible de savoir s’il parle du même exemple) et « Le contenu

cosmétique est le plus souvent issu de l’idée de certains joueurs de la communauté ».

L’avantage du travail de co-création sur cet aspect du jeu est multiple. Premièrement, il permet

de rapprocher l’entreprise de son consommateur en lui faisant passer le message que son avis

est pris en compte, qu’il est écouté, qu’il a du pouvoir sur son produit. Sur le split

« Cosmétique », un quart des interviewés associe un exemple de co-création d’ordre cosmétique

a un renforcement de la relation entreprise-joueur. De plus, un autre quart des joueurs de

l’échantillon ayant cité un exemple relatif à cet aspect a évoqué une mesure bénéfique car elle

donne du pouvoir au consommateur lors de la réponse à la question suivante. Cet empowerment

va flatter le consommateur et augmenter sa fidélité car il se sentira plus impliqué. De plus, ce

processus va permettre d’orienter artistiquement le jeu de manière à ce qu’il répondre/coïncide

plus aux attentes et désirs des joueurs. De manière générale, la co-création étant bien perçue

par la communauté car elle tend à refléter un pas de l’entreprise vers ses consommateurs, elle

est appréciée sans aucune explication (38% de quote-part sur le split « Cosmétique »).

Parallèlement, tous les apports pour les parties prenantes du processus de co-création énumérés

précédemment se font sans influer sur la mécanique du jeu. Créer une nouvelle apparence pour

un personnage ne va pas changer la façon de jouer ce personnage. Le consommateur n’est

volontairement pas directement associé au processus de création du gameplay design qui reste

entièrement sous-contrôle de l’entreprise. Nous sommes ici (dans l’application à l’e-sport) dans

une co-création que nous pouvons qualifier de superficielle. Premièrement car bien que le

joueur bénéficie d’un contenu adapté à ses besoins et ses désirs, ce contenu ne touche que

partiellement le produit. Cela n’affecte que sa mise en forme. Dans un second temps, car le

joueur ayant contribué à la création de contenu cosmétique ne se verra bien sûr pas rémunéré

et devra, dans la quasi-totalité des cas, l’acheter par la suite pour en bénéficier. Nous sommes

ici dans la double exploitation évoquée dans la partie théorique ; mais cette dernière n’est pas

perçue et ce processus est, au contraire, fortement apprécié par les communautés. Nous ne

remettons absolument pas en cause ce processus car il nous paraît comme bien meilleur pour le

consommateur que l’absence de co-création. D’autant plus que personne ne force le

consommateur à acheter le fameux item co-créé. Nous relevons juste, comme Comme & Ezan

(2008), que le système de gratification du consommateur peut et devrait être amélioré ou

repensé.

B – La co-création substantielle

Mis à part l’aspect cosmétique cité par de nombreux joueurs, les autres aspects cités sont

minoritaires. Ils n’en restent pas moins intéressants et apporteurs de valeur pour ce mémoire.

Nous avons donc 9% des joueurs (2 personnes…) ayant répondu à cette question qui ont cité

une mesure co-créative attrayant au contenu. La première le cite de manière générique alors

que la seconde évoque un système de vote (« Payers had to vote for new content/updates »).

Grâce à la première question de ce sondage, nous avons pu relier ce joueur au jeu Counter Strike

GO. Nous avons appris que, sur cette licence très présente sur la scène e-sport, la communauté

est parfois sollicitée afin de donner des idées sur ce qu’ils aimeraient voir être implanté dans le

jeu mais aussi pour prioriser ce contenu dans les mises à jour. Par opposition à la co-création

touchant uniquement à l’aspect cosmétique, celle-ci affecte en plus le gameplay, mais aussi le

contenu du jeu dans sa globalité (d’où les guillemets à ce titre de partie). Par exemple, lorsque

les joueurs ont voté pour la création d’une nouvelle carte pour le jeu Counter Strike GO, ils ont

choisi des éléments de level design attrayant directement au gameplay et des éléments

thématiques attrayant directement au cosmétique :

« Nous avons une idée et nous souhaiterions voir implanté en jeu une carte qui tiendrait place

dans la jungle, où la végétation offrirait de bons endroits pour tirer en couverture (Counter

Strike est un FPS) et où il serait possible de monter aux arbres afin d’avoir des positions de

sniping (utilisation d’armes de tir à la lunette) en contre-plongée. »

Dans cet exemple, le joueur co-crée le contenu comme un tout et la portée de sa volonté touche

à l’aspect cosmétique comme substance pour créer de nouvelles possibilités de gameplay. Nous

définissons ainsi cette forme de co-création comme substantielle par opposition à la co-création

superficielle évoquée précédemment (le contenu n’ayant pas d’autre impacte que le

cosmétique). Certains jeux tel que Minecraft placent d’ailleurs le client en co-créateur complet

de contenu. Le jeu ne fournissant, à la manière de Lego, que les briques virtuelles (et un

framework) pour que les joueurs se créent leurs propres jeux.

La portée de la co-création substantielle impactant de manière beaucoup plus lourde le jeu, elle

doit être parfaitement maitrisée. Bien que tout soit corrigeable sur un jeu vidéo et le fait que la

communauté d’une licence peut critiquer de manière virulente une mise à jour de contenus

qu’elle a pourtant aidé à créer, cette communauté ne partira pas si l’entreprise s’est

effectivement basée sur ses souhaits et que l’éditeur rebondit vite pour améliorer la situation.

Ceci est une supposition et n’est pas fondé mais les phrases citées par les joueurs laissent

présumer cela : c’est « toujours une bonne idée d’impliquer les joueurs ». Un autre risque induit

par ce type de processus serait que le client se conforte dans sa place de commanditaire et qu’il

ne retrouve plus, dénature, ce qu’il était venu chercher à la base sur ce jeu ; car cela résultait de

la patte créative de l’éditeur. De manière générale la co-création substantielle ne nuira pas à une

licence e-sport et aura l’avantage d’être, presque tout le temps, gratuite. Une licence e-sport

fonctionnant entre autres et majoritairement grâce à la typicité de son gameplay et sa

communauté, il est en effet difficile de diviser les joueurs avec ces ajouts de type mise à jour.

L’argent se fera sur le contenu purement cosmétique, ou sur la vente de gros patchs de type

extension (les garantes arbitraires de cette fameuse patte de l’entreprise pour laquelle les joueurs

paient).

C – L’e-sport

L’aspect compétitif a lui aussi été cité par deux joueurs (9% des répondants à cette question) et

a déjà été en partie évoqué car une des vocations de la co-création superficielle est de lier la

scène e-sport d’une licence au jeu en lui-même grâce à l’implantation de contenu cosmétique.

Ici nous parlons de co-création directement sur l’e-sport comme événement. Un des joueurs

interrogé fait mention des premiers championnats du monde du jeu Overwatch où les équipes

nationales étaient en partie élues par les joueurs. En effet, les consommateurs (il était nécessaire

d’avoir un compte actif) pouvaient voter (un vote par compte) dans une large liste du top 500

des meilleurs joueurs de chaque pays afin d’élire 6 personnes constituant l’équipe de chaque

pays. Dans cet exemple, le processus de co-création est encore une fois respecté. Cependant,

les consommateurs ne participent pas au développement du jeu en lui-même mais au

développement du marketing, de la communication et de l’évènementiel qui entourent le jeu et

que le joueur consomme gratuitement aussi volontiers. La gratuité reste cependant partielle car

il est nécessaire d’avoir un compte afin de pouvoir regarder l’événement en live. Les

enregistrements de ce genre d’événements sont souvent disponibles quelques jours après sur

des plateformes telles que Youtube (compte de l’entreprise donc vecteur de content marketing

ou fan account). Le consommateur ne paye donc pas de frais additionnels pour pouvoir accéder

à ce contenu. En revanche, les coûts dantesques induits par ce type d’événement laissent

présumer que des budgets y sont consacrés et que, donc, une partie des revenus engendrés grâce

aux achats du consommateur y est allouée. Le consommateur achète encore ici le résultat partiel

de sa co-création. Contrairement à la co-création brute, cette co-création prend plutôt la forme

d’une sollicitation. L’événement pourrait avoir lieu sans l’action du consommateur, mais il

n’aurait probablement pas un impact aussi efficace qu’avec cette forme de processus. En effet,

les deux répondants associent cette co-création de compétition à un empowerment du

consommateur, à une contribution pour l’amélioration de l’image de l’entreprise mais aussi au

renforcement du lien entre l’éditeur et les joueurs.

Deux autres joueurs ayant répondu au sondage iront même plus loin en contrecarrant la question

« Vous rappelez-vous d’une action de co-création sur une licence e-sport ? ». Les deux réponses

obtenues (la seconde étant plus rudimentaire) sont :

« Selon la définition donnée10, l'e-sport est de la co-création, car c'est de l'e-sport grâce à la

communauté »

10 Le joueur fait référence à la définition de Prahalad (2000) du questionnaire

« esport = cocréation ? »

Nous n’avons volontairement pas inclus ces réponses dans la catégorie de l’exemple du dessus

car c’est un changement total de paradigme. En effet, dans notre premier exemple nous traitons

de la co-création comme la participation du consommateur dans le processus de création d’une

compétition e-sport. Le joueur aide ici l’entreprise à concevoir l’e-sport sur une licence. Ici, le

postulat de base est que si l’e-sport est la pratique compétitive d’un jeux vidéo, il est

indissociable des joueurs consommateurs et est donc naturellement co-créatif. Nous retiendrons

cette réponse pour englober le premier exemple de co-création d’une compétition et définir l’e-

sport comme la troisième forme de co-création sur une licence e-sport (au côté de la co-création

superficielle et de la co-création substantielle).

Ainsi, si nous regroupons les quotes-parts associées à ces deux ensembles, nous remarquons

que sur ce split, 60% des joueurs estiment que ce type de co-création bénéficie à l’empowerment

du consommateur, 20% à l’image de l’entreprise et 20% à renforcer le lien entre l’entreprise et

les joueurs : « très bonne idée car cela renforce l’immersion dans le jeu et incite les joueurs à

entrer dans la compétition ».

En résumé, sur le secteur de l’e-sport sont présentes trois formes de co-création active. Les

deux premières attraient directement au produit et à son contenu. Il s’agit de la co-création

superficielle qui lie la sphère de l’entreprise et celle du consommateur afin de créer du contenu

cosmétique pour le jeu. Cette forme de co-création est fortement rémunératrice pour

l’entreprise, d’autant plus lorsqu’elle adopte une forme free to play (jeu gratuit). Comme toute

forme de co-création, si elle est bien menée, elle devient un fort vecteur de satisfaction client,

d’amélioration de l’image de l’entreprise et de rapprochement entre l’entreprise et son

consommateur. La co-création substantielle, quant à elle, touche à l’ensemble du contenu du

jeu dont la spécificité de ce nouvel art : le gameplay. Cette forme de co-création active est tout

aussi bénéfique pour les deux parties et a l’avantage dans la plupart des cas de ne pas ré-

impacter financièrement le consommateur. Enfin, la troisième forme de co-création est

représentée par l’e-sport en lui-même. En effet, sans les consommateurs l’e-sport n’existerait

pas. Cette forme de co-création n’est pas encore source de revenus directs pour l’entreprise.

Depuis la loi République Numérique du gouvernement Hollande parue en janvier 2016

construisant un cadre légal à l’e-sport et les nombreux investissements des médias classiques

sur ce segment de marché, l’e-sport, grâce à la publicité, est en passe de devenir un fort secteur

réménurérateur du divertissement. Un bilan graphique de cette nouvelle classification vous est

présenté en annexe (9).

3 – L’actualité ou la viabilité d’un jeu e-sport

Nous poursuivons ensuite notre questionnaire en interrogeant les joueurs sur les différents

critères qu’ils estiment primordiaux afin qu’une licence soit viable sur la scène e-sport. De

manière à saisir le plus grand spectre de réponse, nous avons forcé la réflexion des interviewés

en créant deux questions distinctes. La première s’intéresse de manière transparente à

l’énumération de ces critères (« Quels sont les critères premiers pour qu’un jeu soit viable en e-

sport ? ») alors que la seconde demande aux joueurs de se mettre à la place de l’entreprise afin

de savoir « Comment une entreprise peut rendre son jeux vidéo viable en e-sport ? », selon eux.

Ces deux questions sont de facto relativement similaires. Grâce à cette astuce, nous espérions

que les joueurs n’ayant pas spontanément penser à certains critères lors de la première réponse

puissent approfondir leur réflexion et la compléter lors de la seconde. Les joueurs sont plutôt

loquaces à ce propos et nous obtenons une moyenne de 1,43 réponses par interviewé pour la

première question et 1,26 pour la seconde. Comme anticipé, les réponses sont relativement

similaires pour les deux questions et nous permettent de catégoriser les critères énumérés en

trois sous-ensembles (voir l’annexe (10)).

A – La discipline

Le développement de l’e-sport en tant que discipline, est naturellement une catégorie de réponse

évoquée par l’échantillon. En regroupant les différents critères y attrayant, nous arrivons à 34%

de quote-part de réponse pour cette catégorie sur la première question et 14% sur la seconde

faisant arriver cet ensemble en seconde position en termes de quote-part pour ces deux

questions.

Ainsi, pour les critères cités, afin qu’un jeu soit viable en e-sport, nous avons regroupé dans la

discipline l’aspect communautaire et la masse critique (cités par 14% des joueurs),

l’organisation d’événements et de compétitions – 14% à la première question et seul critère de

la discipline cité à la seconde avec aussi 14% de mentions par l’échantillon – et la nécessité

d’avoir des joueurs professionnels connus sur la licence (6%). En effet, il semble important

pour les joueurs interviewés que l’entreprise se donne la peine d’animer et faire vivre la

discipline. Si certains jeux se sont retrouvés malgré eux sur la scène e-sport aux débuts de la

discipline, et ce grâce à la volonté des fans, la lutte concurrentielle sur ce marché rend l’accès

à ce positionnement désormais impossible sans la mise en œuvre de moyens par l’éditeur. Afin

de pénétrer ce segment de marché du jeux vidéo, il est tout d’abord nécessaire d’atteindre une

certaine masse critique de joueur. Certains penseront qu’atteindre cette masse critique est déjà

signe d’une pénétration réussie sur ce marché. Or la simple vente de boîte, aussi bénéfique soit-

elle pour l’entreprise, n’assure en rien la pérennité du jeu sur la scène e-sport. Dans ces business

models où la durée de vie du produit s’étend sur plusieurs années, la vente du jeu n’est qu’une

première étape. Il est nécessaire pour les éditeurs de maintenir leurs jeux timbrés e-sport la tête

hors de l’eau en créant une place pérenne pour le produit dans cette actualité. Nous parlons ainsi

de masse critique active de joueurs qui rendront la compétition dense sur le leaderboard11.

Grâce aux réponses collectées avec le questionnaire, nous confirmons qu’une des volontés des

joueurs soit le fait de faire partie d’une communauté et il est nécessaire que cette communauté

se porte bien. Le reflet de la santé de cette communauté se traduira par l’actualité grâce à un

calendrier de compétition. Cette compétition peut se tenir en jeu grâce à un système de saison

volé au sport traditionnel et exploité par la majeure partie des licences. Une durée de saison est

définie par l’entreprise et permet de réinitialiser ce fameux Leaderboard pour le sauvegarder

comme une vitrine, un classement d’une période révolue et ainsi ancrer le prestige des joueurs

aux meilleures places de ce classement sur le jeu. Mais la compétition intervient aussi dans le

monde réel avec un système de ligue et des championnats récurrents créés et organisés par

l’entreprise pour faire vivre cette compétition en dehors du jeu. Ceci décuplera ainsi le

sentiment d’appartenance à la communauté perçu par les joueurs de la licence (marketing

expérientiel) et permettra un relai et une vision sur cette scène globale grâce aux médias

spécialisés du secteur (content marketing).

Naturellement, faire vivre cette forme de co-création se traduit aussi par la présence d’équipes

et de joueurs professionnels sur le jeu. Comme nous vous l’avons dit, la concurrence sur ce

segment de marché est rude et les joueurs professionnels ont de multiples possibilités de terrains

(de licences) pour exercer leurs compétences ; le tout avec évidement un temps restreint étant

donné l’entraînement rigoureux qu’il est nécessaire d’avoir pour atteindre les sommets

compétitifs sur un jeu. L’entreprise doit donc, pour impulser cette forme de co-création active,

appâter ces fameux joueurs grâce à ce que nous appellerons la « forme ».

B – La « forme »

Si la discipline est la matière première, les éléments représentant le carcan pour une actualité e-

sport la forme sera son prisme transformant. Cette catégorie est citée de différentes manières

par 14% de l’échantillon à la première question et 15% à la seconde. Nous avons inclus dans

11 Tous les jeux e-sport mettent à disposition de leurs joueurs un tableau actualisé en temps réel permettant de

voir les meilleurs joueurs actuels

ce sous-ensemble l’accessibilité pour tous (11% de quote-part sur la première question), le

temps de partie qui ne doit pas être trop long pour la rediffusion (cité par un seul joueur toujours

sur cette question), les cash prize en compétition (11% sur la seconde question), la publicité

(6%) et enfin le fait de donner la parole aux joueurs (9%).

La forme a trait au produit mais aussi à l’e-sport. Nous l’avons d’ailleurs vu comme l’ensemble

des éléments permettant de relier ces deux choses. Les prix reversés aux gagnants lors des

compétitions sont le premier levier permettant l’arrivée des joueurs professionnels et

s’apparente à la catégorie discipline. C’est la rémunération variable du joueur, la prime qui fait

rêver tous les joueurs casuals et que les professionnels souhaitent décrocher à l’issue de la

compétition : préférez-vous investir du temps et vous entraîner pendant des mois afin d’avoir

une chance de gagner les 28 millions d’USD de la dernière coupe de monde du jeu Dota 2 ou

les 1 millions d’USD de la première coupe du monde Overwatch ? L’accessibilité à tous les

types de joueurs représente ce second levier et se confond avec notre troisième catégorie qui

est le produit. Par différents types de joueurs nous entendons la fréquence de jeu et la

différenciation, déjà évoquées auparavant, entre les casuals gamers et les PGM. Il n’est ici

qu’une question de temps de jeu. En effet, le streaming est une des rentrées d’argent

relativement stables des joueurs professionnels et ces revenus sont décuplés par le facteur

audience. Le célèbre dicton « hard to master, easy to play » qualifiant les jeux e-sport définit

parfaitement la nécessité qu’ont ces licences d’offrir un gameplay facile à maitriser et grand

publique mais différenciant à haut niveau grâce aux capacités cognitives de chacun afin de

permettre une large audience sur le jeu, donc une masse critique convenable pour la compétition

et pour consommer le streaming des joueurs professionnels. Ce streaming offre la possibilité à

quiconque le souhaitant de suivre en live une session de jeu et de faire des dons aux joueurs.

Les joueurs professionnels, et de surcroit connus, bénéficient naturellement d’un auditorat plus

élevé que les joueurs « normaux ».

De plus, nous faisons rentrer dans la catégorie « forme » la publicité et la communication car

elles permettent de faire connaître le produit auprès des marchés et assure donc une forme de

liaison entre ces deux entités ; mais aussi la réponse de certains joueurs qui est « donner la

parole aux joueurs » qui aurait surement été une voie d’exploration très intéressante lors d’un

entretien qualitatif et qui sonne à nos oreilles comme étant de la co-création : elle aussi

passerelle entre le produit et sa communauté. Au travers de cette liaison entre la communauté

et le produit, Toutes ces formes d’actions ont pour finalité d’assurer l’actualité du jeu sur cette

scène et donc de maximiser les revenus de l’entreprise et la durée de vie du produit.

C – Le produit

Les critères et les mesures devant être prises par l’entreprise afin qu’un jeu soit viable en e-

sport concernant le produit représentent la plus grosse part citée par l’échantillon avec 94% de

quote-part pour la première question et l’intégralité des joueurs ayant cité une action de

l’entreprise y faisant référence pour la seconde question. Nous retrouvons sans surprise dans

cette catégorie un des thèmes phares de ce mémoire qui est l’équilibrage avec 57% de quote-

part sur la totalité de l’échantillon pour la première question et 37% pour la seconde le plaçant

comme le critère le plus cité par les joueurs interrogés. Figure aussi dans cette catégorie produit

pour les critères de viabilités l’ajout de contenu (3%), l’amusement résultant de la mécanique

du jeu (26% et seconde plus haute quote-part) et l’absence de bug (9%). Pour les mesures

permettant à l’entreprise de rendre son jeu viable sur ce secteur, nous avons l’analyse statistique

en vue d’un équilibrage (11%), l’équilibrage sans aucune mention d’analyse statistique (34%

et première quote-part de cette seconde question), la correction de bug (17%), les mécaniques

de jeu (9%) et l’ajout de contenu (14%).

En effet, la production d’actualité qui permettra à un jeu e-sport de vivre dans le temps passe

aussi par l’aspect produit. La modification de ce produit – sous la forme de patchs, mises à jour

– permet une émulsion quasi-constante des joueurs en leur faisant redécouvrir le jeu sous

différentes coutures. L’ajout de contenu, cité de manière explicite, n’obtient que 3% de quote-

part à la première question et 14% à la seconde question mais touche en réalité toutes les autres

mesures citées. Lorsque des bugs sont corrigés ou des modifications effectuées en vue d’un

équilibrage, cela affecte les règles du jeu et donc l’environnement compétitif. Les joueurs

parleront communément de Meta (par opposition aux phases Alpha et Beta de création du jeu)

pour définir cet environnement en constante évolution. La Meta régit les championnats car son

statut réduit les choix de stratégies adaptables ou de personnages sélectionnables. L’équilibrage

parfait est impossible à atteindre et à haut niveau, chaque infimes critères devient différenciant.

Si une trentaine de personnages composent un jeu et qu’un personnage X en saison 1 est

considéré comme faible (« low tiers »), les développeurs peuvent prendre en main cette

situation en effectuant des modifications sur le personnage entre deux saisons. Ce même

personnage X peut devenir « top tiers » (ou non) et verra son taux de sélection en compétition

drastiquement augmenté. Le produit e-sport est ainsi constamment en renouvellement et fournit

une actualité Meta, une matière récurrente pour le divertissement du consommateur. Il est

intéressant de noter que lorsqu’on demande aux joueurs comment une entreprise peut parvenir

à atteindre ce but, la mention de l’analyse statistique n’est pas prépondérante. Ceci peut être

issue d’une ignorance, d’un oubli « simple » ou bien d’un oubli « évident » aux yeux du joueur

lorsqu’il mentionne l’équilibrage à la seconde question. Enfin, cette actualité permet d’achever,

ou de maximiser l’amusement résultant de la mécanique de jeu cité par les joueurs.

4 – La prise de conscience de la co-création active

91% des joueurs questionnés affirment avoir déjà joué sur une Alpha, une Beta, ou des serveurs

de test. Ces derniers sont des serveurs parallèles mis en place pour tester le contenu des patchs

et mises à jour à venir. Le test se fait bien évidement grâce aux feedbacks de la communauté,

mais aussi et surtout grâce à cette fameuse analyse statistique des sessions de jeu. Ces trois

environnements de test représentent un privilège pour le joueur car ils permettent la découverte

du contenu en avant-première et de manière plus ou moins restreinte en fonction de la phase.

La plupart des Alphas sont uniquement testées en interne ou de manière très restreinte pour ne

pas décevoir le marché en cas d’avortement du projet mais aussi car la phase, longue et

coûteuse, de design graphique arrive après ce POC12. Les joueurs ne sachant pas cela seraient

déçus du produit (communication négative en amont) et fourniraient des critiques là où elles ne

sont pas attendues car résultant de paramètres allant changer. Les phases Betas sont

généralement plus ouvertes mais font tout de même preuve d’une certaine sélection. Le cas

opposé est appelé Beta public. Enfin, les serveurs de tests sont généralement ouverts à tous

(sous condition d’avoir acheté le jeu pour les licences payantes). Au vu de l’ouverture de ces

phases, du bénéfice consommateur couplé à la qualification de l’échantillon, cela démontre que

ce résultat de neuf joueurs sur dix ayant déjà joué sur ce type d’environnement n’est pas

surprenant (voir l’annexe (11)).

Ce qui est cependant révélateur est, qu’à la suite de ce questionnaire, 40% des joueurs

interviewés estiment avoir déjà co-créé au côté d’une entreprise produisant un jeu e-sport. Bien

que cette dernière question soit légèrement tendancieuse – elle peut pousser le sujet à se dire

« Je suis sensé répondre oui ? » – les 60% restant sont partagés entre la réponse « Non » (31%)

et « Pourquoi désormais ? » (29%) laisse présumé de la franchise de l’échantillon. Nous ne

pouvions anticiper le fait que l’équilibrage soit cité par l’intégralité de l’échantillon pour ce qui

est de la viabilité d’une licence ou des moyens pour la mettre en place. Ceci est une aubaine.

Nous remarquons aussi que tous les joueurs ayant mentionné les statistiques en vue d’un

12 Proof of Concept : la mise en avant de la viabilité du projet

équilibrage à cette fameuse question ont par hasard prétendu au début de ce questionnaire

n’avoir jamais co-créé et, suite à cet exercice et cette question sur les environnements de test

(connus pour la production statistique), ont tous sans exception estimé être finalement rentrés

dans un processus co-créatif avec un éditeur e-sport.

Nous pouvons donc dire que certains joueurs ont été plus réceptifs à la tournure de ce

questionnaire que d’autres. Si nous nous intéressons aux chiffres, nous relevons que 41% des

joueurs ayant déjà publié à propos des jeux vidéo réalisent au terme de ce questionnaire avoir

co-créer (plus grosse quote-part sur le split des personnes ayant publié). Les joueurs les plus

qualifiés, ceux ayant vécu la co-création, se rendent ainsi compte que leur action a pu d’une

certaine manière profiter à l’entreprise. Naturellement, pour qu’il y ait profit, il faut que

l’entreprise sache capter la production du consommateur. C’est ainsi que 47% des joueurs

pensant que ces publications sont prises en compte par les entreprises (encore la plus grosse

part) finissent par répondre « Oui » à la fin de ce questionnaire.

Pour conclure et si l’on élargit ce champ de vision, nous passons de 17% de « Oui » à la question

du début de ce questionnaire aiguillée par la définition de Prahalad (2000) « Avez-vous déjà été

amené à co-créer au côté d’une entreprise ? » à 41% suite à ce questionnaire. Si nous estimons

que les joueurs ayant répondu anonymement à ce questionnaire sont honnêtes, ce que nous

voulons croire, nous pouvons dire que les différentes questions ont affectées la manière de

percevoir la co-création pour un quart des joueurs (24% est la différence entre les deux

questions). C’est 34% des joueurs ayant répondu « Non » en début de ce questionnaire mais

surtout 71% des interviewés ayant répondu « Je ne sais pas ».

Enfin, nous avons profité de ce sondage pour challenger la taxonomie de l’e-sportif de Mora et

Héas (2002) (voir l’annexe (12)). Nous confirmons la prédominance des hommes sur ce type

de secteur avec seulement 3% d’écart entre nos résultats. De plus, l’âge moyen de nos joueurs

e-sportif (sans restriction de participation à des compétitions) est de 23,9 ans, ce qui nous situe

donc logiquement entre la trentaine (pour le joueur classique) annoncée par l’ESA en 2012 et

les 19 ans cité par Mora et Héas (2002) après des mesures effectuées lors de compétitions. Il

est donc aussi logique que nos joueurs ne soient pas au trois quarts des étudiants (tout de même

40% des interviewés) mais bel et bien salariés pour la plus grosse partie (51%) confirmant

logiquement le devenir de « l’homme jeune, célibataire, de condition sociale aisée, habitant en

ville » mis en avant par Héas (2002).

Conclusion

Dans ce paradigme de production désormais régit par des ressources operantes, où les

compétences et les connaissances possèdent une place de choix et où les entrantes du système

ne sont plus les ressources mais seulement les services que ces ressources peuvent fournir, les

principaux leitmotivs des entreprises se tournent vers l’analyse. En effet, l’avantage

concurrentiel potentiel est induit par la connaissance et les compétences fondamentales d’une

entité économique et cela passe par l’étude de différentes composantes : son propre cœur de

compétences, les autres entités qui peuvent bénéficier de ces compétences (le marché) mais

aussi ses performances financières afin d’apprendre à les améliorer mais aussi améliorer ce que

l’entreprise offre aux consommateurs ; cette dernière inscrivant d’ailleurs l’entreprise dans un

schéma cyclique et continuel d’analyse.

Si cette démarche est aujourd’hui appliquée par la grande majorité des entreprises, le dernier

pilier de la logique dominée par le service qui est de « cultiver la relation qui implique les

consommateurs à développer, customiser, compléter la proposition de valeur pour qu’elle

rencontre un besoin spécifique » reste encore de nos jours différenciant. Ceci en partie car

l’entreprise opère dans une sphère fermée et doit mettre en place des points de contacts pour

créer des espaces de liaison entre sa sphère et la sphère consommateur. Les enjeux de ce

processus sont énormes. L’entreprise bénéficie d’une vision plus fidèle des attentes des clients,

et le risque de décalage avec le marché est diminué, mais surtout cela permet au consommateur

de se créer de la valeur. Chose que lui seul est à même de pouvoir faire. En effet, l’entreprise

est un facilitateur de valeur et ne peut pas la distribuer. Elle produit (design, développe,

construit, distribue, etc.) des ressources qui représentent de la valeur potentielle qui n’en

deviendra réellement aux yeux du consommateur que lors de son usage. Avec le consommateur,

elle peut de plus créer de la valeur qui intervient bien avant que le produit soit fabriqué. Ce

processus de co-création et la création de valeur « classique » n’est donc pas un processus

linéaire qui suit automatiquement les activités de l’entreprise qui produit.

A la lecture de ce mémoire, vous aurez compris que les logiciels qui sont, grâce à leur nature

dématérialisée (donc constamment entre les mains à la fois de l’entreprise et des

consommateurs), sont de formidables terrains de co-création. En effet, sur ces produits le

schéma cyclique d’analyse et d’action est omniprésent et se déroule en temps réel. Nous nous

sommes ici attachés à une niche de ces logiciels ; les jeux vidéo possédant un positionnement

e-sport qui permettent aux joueurs de s’affronter dans un contexte compétitif.

Afin que ces licences atteignent le positionnement compétitif souhaité, l’équilibrage des règles

du jeu est primordial. Un système qui n’est pas équilibré représente, dans le meilleur des cas,

une ressource développée (operande) perdue ; dans le pire des cas, cela peut saper l’entièreté

du système de règles présent sur un jeu et en rendre impossible la performance de certains autres

rôles ou tâches. La « customercentricité » de cet équilibrage inscrit le processus perpétuel de

production sur ces licences en plein dans la co-création. Le produit est constamment renforcé

grâce à l’analyse des sessions de jeu des joueurs mais aussi grâce aux différents points de

contacts entre les sphères consommateur et entreprise.

Dans le premier cas, la co-création est passive. L’équilibrage se fait pour les joueurs (pour un

bénéfice naturel de l’entreprise) et malgré l’approbation des joueurs qui n’ont pas

nécessairement conscience que, lorsqu’ils jouent, il coproduisent et optimisent la licence. Le

produit devient d’ailleurs le point de contact entre les deux sphères et différencie ce secteur des

autres secteurs classiques analysant leur marché.

Le second cas est un peu plus complexe. En effet, la co-création est ici active et se fait sur la

base du volontariat grâce à différents canaux. Les forums représentent le canal le plus populaire

pour ce type de processus car ils possèdent des aspects récréatifs, communautaires et défouloirs.

Ils permettent de s’exprimer sur de multiples sujets auprès de multiples destinataires de la

sphère consommateur/entreprise. Les réseaux sociaux, quant à eux, permettent de s’adresser à

un public plus large. Ces plateformes sont efficaces pour la diffusion de la communauté qui

utilise ce biais dans une logique d’évangélisation et participe de fait activement au marketing

des jeux-vidéo e-sport. De plus, la volonté des consommateurs sur ce type de canal est perçue

comme mieux pris en compte. Les sites webs ne se démarquent pas pour une action

consommateur spécifique. En revanche, il est à noter que ce sont majoritairement des sites

d’équipes e-sport, que ces plateformes donnent une forte visibilité aux licences et sont de

véritables prescripteurs pour les éditeurs de jeux vidéo. Les blogs et magazines sont, eux, moins

populaires et se positionnent comme un canal très qualitatif et spécialisé. Tous ces canaux

recèlent de consumer generated content inspirant une démarche de content marketing.

Ces différents canaux permettent deux formes de co-création active. La première est qualifiée

de superficielle. Non pas parce qu’elle ne procure pas des bienfaits importants auprès des

différentes parties, au contraire, mais parce qu’elle n’attrait qu’au contenu cosmétique de la

licence sans laisser le consommateur avoir un effet sur les mécaniques du jeu. Cette typologie

de co-création va transmettre un sentiment d’empowerment au consommateur et va ainsi

accroître sa fidélité et sa satisfaction sans pour autant l’impliquer dans le gameplay design qui

reste entièrement sous-contrôle de l’entreprise.

La seconde co-création active est, par opposition, qualifiée de substantielle. Elle englobe

l’entièreté des aspects du jeu y compris la partie cosmétique. Cette co-création permet de

décupler les différents avantages cités précédemment mais implique aussi des risques plus

importants pour l’entreprise et pour les joueurs. En effet, elle doit être parfaitement maitrisée

afin que les joueurs ne dénaturent pas ce qu’ils étaient venus chercher initialement sur la licence.

La co-création active se traduit aussi par l’évènementiel. Les joueurs choisissent explicitement

de se rendre à tel ou tel événement. Au-delà de cet aspect évènementiel e-sport, figure l’e-sport

en tant que discipline : la co-création à l’état pure et véritable fer de lance du marketing des

éditeurs. Car, si l’e-sport est la pratique compétitive d’un jeu vidéo, il est indissociable des

joueurs consommateurs et est donc naturellement co-créatif. Ce cas précis de co-création

n’attrait pas directement au produit en tant que tel, mais à sa pénétration sur le marché et à

l’accroissement de son cycle de vie. C’est donc l'impulsion de la communauté qui peut

déterminer si un jeu a sa place dans l'e-sport mais l’entreprise peut, grâce aux autres formes de

co-création (notamment l’équilibrage), faire naitre et vivre cet aspect du jeu. En effet,

l’entreprise assure ici la liaison entre le produit, sa communauté et la discipline. Si elle peut

profiter des consommateurs pour véhiculer des valeurs et assurer une partie de la

communication, elle ne peut se reposer sur ses acquis et doit mettre en place une actualité pour

nourrir cette communauté. Cette actualité se traduit par l’implémentation de ligues, d’équipes

professionnelles, de cash prizes, de saisons mais aussi de contenus pour le jeu qui viendront

changer la Meta. Dans ce cas de figure, le marketing prend une forme expérientielle et tribale

et sera source de satisfaction pour la communauté.

Enfin, les phases Alpha et Beta d’un jeu, mais aussi les environnements de test, représentent la

zone frontalière entre la co-création dite active et la co-création passive. En effet, le joueur fait

ici la démarche volontaire d’aller sur ce type d’environnement mais sa motivation tient plus de

l’engouement pour du contenu en avant-première ou de la reconnaissance, que de la volonté

d’aider l’entreprise à créer son produit.

Ces multiples formes de co-création que nous avons définies présentent les même avantages et

inconvénients que ceux énoncés par nos pères sur le processus co-créatif. Le co-création

bénéficie aux différentes parties, à l’entreprise mais aussi au consommateur et la question de la

double exploitation reste toujours d’actualité. Pourquoi un consommateur qui participe à la

création d’un produit ou au développement de l’entreprise – qui travaille donc pour l’entreprise

– devrait avoir à payer ce qu’il aide à produire ?

Cependant, le sujet d’étude ainsi que l’actualité nous amènent à nous poser des questions

supplémentaires sur l’avenir de la discipline e-sport.

En effet, le sport traditionnel appartient à la ligue qui vend des droits à des sociétés de

rediffusion (le sport n’est pas la propriété de l’éditeur comme en e-sport). Ces sociétés de

rediffusion font les intermédiaires en revendant ensuite les droits aux médias souhaitant diffuser

la programmation (ils vendent aussi de la publicité). Dans ce système, plus la ligue se donne de

mal pour travailler et produire du sport de qualité, plus la demande sera forte. Les équipes de

sport « traditionnelles » se rémunèrent donc grâce au contrôle et à la vente de droits télévisuels.

Cependant, ceci n’est pas le cas en e-sport où la seule rentrée d’argent contrôlable provient du

sponsoring. Dans cette démarche de sponsoring, la notion de retour sur investissement de la

marque par rapport à la visibilité produite pour cette marque est bien sûr primordiale. Le tout

se déroulant dans un système de ligue organisé par l’entreprise produisant le jeux vidéo

extrêmement sévère en termes d’articulation de l’activation du sponsoring.

Romain Bigeard (2016) confie dans une interview que le problème auquel fait face actuellement

l’e-sport est que le budget sponsoring des entreprises concernées n’est pas extensible alors que

l’e-sport est un monde en pleine expansion (voir explosion), que le reach sur le net est environ

cinq fois moins bien monétisé qu’un reach télévisuel et que les sponsors mettent une pression

lourde sur les joueurs et équipes afin de maximiser ce ROI (pour l’Europe il faut aussi rajouter

les problèmes dus à la démographie et au multilinguisme pour la rediffusion).

L’e-sport est donc dans une passe de forte démocratisation et l’arrivée depuis janvier 2016

d’investisseurs métamorphose complètement ce petit écosystème présent jusqu’alors sur une

base spéculative. La législation, malgré quelques lois primaires, reste en retard et les entreprises

de jeux vidéo ont créé elles-mêmes, au début de la discipline, un carcan législatif afin de

protéger leurs licences. Cependant, cette auto-législation qui était révolutionnaire il y a trois

années est désormais bloquante. Soit l’e-sport reste du marketing pour promouvoir une licence :

si tel joueur célèbre choisit de jouer un tournoi avec cette apparence pour son personnage,

combien de joueurs vont acheter cette apparence en jeu avec de l’argent réel (la quasi-totalité

des licences sont sur du freemium). Dans ce système l’entreprise prend en charge le marketing

et perd de l’argent (coûts des joueurs et tout l’évènementiel monumental) directement pour

travailler son consommateur et ajouter de la valeur perçue par ce dernier sur son produit. Très

récemment (novembre 2016), la société Blizzard Entertainment vient d’annoncer une refonte

de sa ligue pour les jeux Heroes of the Storm et Overwatch en mentionnant que les huit

meilleures équipes de chaque continent seront sous contrat avec l’entreprise (salaire donc à la

clé). Ceci est en partie possible grâce à la création d’une nouveau CDD « joueur de jeu vidéo »

(issu projet de loi République Numérique et entrée en vigueur début décembre 2016).

Soit l’e-sport devient autonome, devient un sport et se doit d’être rentable pour faire vivre les

équipes et perdurer. Les entreprises de jeux vidéo engrangeant de l’argent grâce à la rediffusion

de l’e-sport se doivent de redistribuer une partie de cet argent aux différents acteurs produisant

la discipline conjointement. Cependant le ROI de l’e-sport reste très compliqué à évaluer et

donc à redistribuer. Les sociétés se doivent donc d’arrêter de « protéger les viewers » et

d’introduire la publicité dans le schéma de rediffusion (et rendre l’activation des sponsors

possible). Pour information, l’entreprise RIOT Company préfère mettre un écran figé avec une

« musique d’ascenseur » entre les matchs plutôt que de la publicité. En résumé, les entreprises

doivent monétiser l’e-sport et faire payer des droits de rediffusion aux médias ou créer leurs

propres medias. Ainsi, il faut que cette double-exploitation cesse et que les équipes gagnent de

l’argent pour rester compétitives dans un mercato de plus en plus intense ; tout simplement car

ce sont ces équipes qui coproduisent au plus haut niveau l’e-sport en tant que marketing,

communication et produit.

Nous sommes donc actuellement dans un moment charnière pour la discipline d’autant plus que

ces fameux investisseurs s’attendent aussi à une clarification de ce système permettant un ROI.

Comment sera impacté le consommateur ? Quel rôle jouera-t-il demain dans la production du

produit ou dans la production de l’e-sport ?

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Annexes

1°) Nouvelle classification de la co-création

2°) Les jeux pratiqués par l’échantillon

Jeu joué Ranking QP

Sans réponse 11 1 31%

Call of Duty 2 5 6%

Heroes of the Storm 1 10 3%

Counter Strike 6 3 17%

League of Legend 4 4 11%

FIFA 2 5 6%

Rocket League 1 10 3%

Overwatch 8 2 22%

Starcraft 1 10 3%

Street Fighter 2 5 6%

World of Warcraft 2 5 6%

Hearthstone 2 5 6%

Halo 1 10 3%

DOTA 1 10 3%

TOTAL de répondants 36 MOYENNE 8,73%

TOTAL de réponses 44 MOYENNE 1,22

Sans réponse25%

Call of Duty4%

Heroes of the Storm

2%

Counter Strike14%League of Legend

9%

FIFA5%

Rocket League2%

Overwatch18%

Starcraft2%

Street Fighter5%

World of Warcraft5%

Hearthstone5%

Halo2%

DOTA2%

JEUX AUQUELS LES INTERVIEWÉS JOUENT

3°) La taxonomie des joueurs de jeux vidéo

Le jeu vidéo comme sport

L’entraînement sur les jeux vidéo

Les jeux vidéo peuvent être une analogie directe des jeux physiques, mais ils ont souvent un

contenu qui les distingue. Par exemple, le poker en ligne est le même jeu que celui sur table,

mais il ne reflète pas les interactions personnelles et faciales du poker physique. D’un autre

côté, les jeux vidéo peuvent comporter un aspect plus social que ceux physiques en permettant

un contact avec un nombre très large de joueur venant de tout pays (McLaughlin, Feng &

Whitlock, 2015).

Cependant, l’entraînement est un terme relativement nouveau pour qualifier les jeux vidéo.

Pourtant, nous pouvons parler d’entraînement dès la naissance de l’histoire du jeu (même

physique). Ce dernier inclut l’entraînement à la guerre, à l’âge adulte et aux compétences mises

en application lors de la vie professionnelle. Les éléments d’un jeu vidéo ont tendance à motiver

et sont de plus un moyen facile d’observer sa progression. Cet entraînement a même depuis

quelques années été poussé encore plus loin. Il consiste désormais à améliorer sa santé (de la

même manière qu’un sport) et ses compétences cognitives, qui sont divisibles en deux

catégories : fluide (procédurale) et cristallisé (connaissances déclaratives). L’entraînement peut

être appliqué à ces deux catégories. Les compétences fluides (compétences spatiales, fonctions

exécutives et vitesse de procédure) induisent un vieillissement plus tardif que les compétences

cristallisées et sont par ailleurs plus utilisables dans la vie quotidienne ; conduire ou manager

par exemple (McLaughlin, Feng et Whitlock, 2015).

Mora et Héas (2002) s’entendent sur ce fait puisqu’ils regrouperont sous le terme d’

« habileté ». De plus, ils traiteront de l’état de fatigue des joueurs après cette pratique,

commenteront les attentions ergonomiques pour la performance (l’importance d’un matériel de

compétition : souris, clavier…), le langage associé à l’e-sport qui est une caractéristique

communautaire selon Cova & Cova (2002) mais aussi le dopage pour édifier un comparable

entre l’e-sport et le sport dit classique.

Il est à prendre en compte que les joueurs qui s’entraînent concernent seulement un sous-

ensemble de notre cible principale qui est l’amateur d’e-sport. Ainsi, l’amateur de football

pourra suivre l’actualité de football et y jouer mais ne s’entrainera pas automatiquement.

Cependant, le joueur qui ne s’entrainera pas développera tout de même ses compétences

cognitives ; notamment grâce à la récurrence du jeu qui est elle-même induite par la facilité

d’accès. Ainsi, le seul équipement nécessaire pour jouer est sa console ou son ordinateur et

éventuellement un dispositif audio. L’intensité de l’entraînement ainsi que l’aspect sanitaire

semble être les composantes qui séparent le « PGM » (de pro-gamer ; « joueur professionnel »)

du « casual » (de casual gamer ; « joueur occasionnel » en comparaison aux professionnels :

classique).

Le degré de sportivité

Mora et Héas (2002) tentent de répondre à une question de Aarseth lors d’une conférence à

Bristol en 2001 : « Les jeux vidéo, sont-ils de l’art, sont-ils des fictions, sont-ils une activité

sociale ou bien s’apparentent-ils au sport ? ». Ils s’intéressent notamment au degré de sportivité

induit par les jeux vidéo. Premièrement en définissant le sport au-delà de l’énergie dépensée

dans sa pratique. En effet, le sport est ici autant caractérisé par le mouvement que par la

compétition et les institutions, par le physique que le social. Le curling aux jeux olympiques ou

les échecs en termes de reconnaissance sportive légale sont abordés pour illustrer cet état des

lieux. De plus, les auteurs observent que les jeux vidéo sont bel et bien ancrés dans le réel et ne

signifient pas automatiquement une négation du corps.

Jolivalt définit en 1994 les jeux vidéo comme « un environnement informatique qui reproduit

sur un écran un jeu dont les règles ont été programmées » et de ce fait, ce type de produit couvre

un large ensemble de pratique ; dont la compétition qui se démocratise fortement avec

l’apparition des jeux en réseau. Deux logiques s’imposent donc dans ce genre de produits

culturels : la première axée sur la compétition (celle qui nous intéresse ici) et la seconde sur le

jeu de rôle.

La cible e-sport

Le « joueur moyen »

L’association ESA (Entertainment Software Association) nous indique que 49% des américains

possèdent au moins un jeu vidéo. L’âge moyen du joueur est de 30 ans et joue en moyenne

depuis 12 ans. De plus, les hommes comptent pour 53% de la population des joueurs et les

personnes jouant en ligne représentent 15% de cette part totale aux Etats-Unis. Pour finir, ces

personnes passent plus de temps sur les jeux vidéo que sur leurs autres passe-temps (ESA,

2012). Mis à part cette dernière affirmation qui pourrait être constante, ces chiffres sont

probablement à revoir à la hausse de manière forte car ils datent de 2012 et que le marché du

jeu mobile s’est très fortement intensifié depuis.

Mora et Héas (2002) rajoutent à cela le fait que l’e-sportif est à 97,8% un homme ; en ajoutant

qu’étant donné que l’e-sport est la frontière du sport et de l’informatique - selon Breton (1990)

deux mondes masculins - cela n’est que peu surprenant. Cette cible a un âge moyen de 19 ans

(quatre années en guise d’écart type) et sont à 76,2% étudiants. Les auteurs confirment ainsi

« l’homme jeune, célibataire, de condition sociale aisée, habitant en ville » mis en avant par

Héas la même année.

La taxonomie des joueurs

Tyree & McLaughlin (2012) disent que les jeux transmettent un désir fort d’accomplissement

et d’interaction. Certains auteurs sont allés plus loin sur le secteur des jeux électroniques.

L’impact des jeux vidéo est différent en fonction des caractéristiques de la personnalité (Markey

& Markey, 2010). Ce fait est utilisé comme centre névralgique pour expliquer les

comportements et les croyances des joueurs. Il existe probablement un facteur motivation au

fait de jouer et il semblerait que le fait qu’il soit induit par les valeurs intrinsèques du joueur

n’est que la partie émergée de l’iceberg pour comprendre et décrire ce qui pousse le joueur dans

le monde virtuel des jeux vidéo. Si le sujet personnalité des joueurs nécessite plus de recherche

(d’où l’étude qualitative ciblée sur une catégorie bien particulière), un premier aperçu des

profils nous est fournie par Bartle (2004). Ce dernier propose une taxonomie expliquant

pourquoi les joueurs penchent vers un profil « Achiever », « Socializer », « Explorer » ou

« Killer ». Ces quatre types reposent sur l’orientation de la manière de jouer de l’individu. Il

semblerait aussi qu’un individu puisse emprunter plusieurs de ces différents profils types mais

qu’il soit obligatoirement significativement élevé dans au moins une catégorie et

significativement faible dans au moins une autre.

Le premier francisé ici « acheveur » préfèrera arriver à la fin du jeu et débloquer tout le contenu

relatif à l’évolution d’un personnage ou d’un compte. Il aimera atteindre le niveau maximum et

réaliser tout ce qui est relatif à l’achèvement du jeu. Le reste étant relégué au second plan.

Le joueur « socialeur » (pour éviter tout amalgame…) joue pour les vertus sociales du jeu ; afin

d’interagir avec les autres joueurs.

L’« explorateur » quant à lui prend plaisir à découvrir l’environnement du jeu à la recherche

d’expérience et de contenu inédit. Ce joueur s’attache plus particulièrement à l’histoire qui

repose derrière un jeu (couramment appelée « lore »).

Le dernier que nous appellerons « tueur » est donc voué à tuer virtuellement les autres joueurs,

à s’imposer aux autres pour créer de la détresse. Plus la détresse causée est grande et plus ce

type de joueur en tirera de l’amusement.

Yee (2006) poursuit et tente de vérifier les recherches de Bartle. Pour cela il sonde près de 3000

participants provenant d’un jeu en ligne massivement multijoueur (MMORPG). 10 facteurs

ressortent de cette étude et représentent à eux seuls 60% de la variance. Yee les regroupera en

trois ensembles : l’immersion, l’achèvement et le social. Bien qu’il existe des similarités,

notamment à propos des deux dernières catégories, la plupart de ces 10 composants ne coïncide

pas clairement avec la proposition de Bartle. Yee conclut que de plus amples recherches basées

sur le Big Five Inventory (BFI) – un outil de recherche comportant 44 points sur la personnalité

évalués sur une échelle de Likert – sont nécessaires pour déterminer les composantes qui

poussent un joueur à jouer.

La sociologie de l’e-sportif

La catégorie « tueur » de Bartle (2004) correspond sans trop nous avancer à notre de cible du

sportif électronique. Cependant, le plaisir ne vient pas seulement du fait de voir les autres

souffrir, mais plutôt du fait de gagner. Ainsi, d’après l’étude de Mora et Héas (2002) : pour 92,9

% des joueurs, la victoire entre au minimum à 50 % dans la part de plaisir du jeu, et ils sont

37,3 % à retirer « la totalité » de ce plaisir dans le succès. Cette victoire passe

(malheureusement) par la défaite des adversaires. Le dopage déjà abordé vient d’ailleurs

témoigner de cette volonté de victoire. En effet, on se dope pour gagner.

Bean (2014) ira plus loin en se basant sur une étude quantitative basé sur le jeu World of

Warcraft (WOW). Ce jeu étant un MMORPG, il vous est demandé de créer votre avatar qui

sera le personnage que vous incarnerez et ferez évoluer tout au long du jeu. Différents choix

sont réalisés par le joueur lors de la création de son personnage (race, classe et de nombreuses

fonctionnalités d’apparence) et ce comprenant que chaque classe a un but spécifique dans le

jeu. Les « tanks » absorberont les dommages, les « heals » (soigneurs) soigneront les

dommages et les « dammages » feront des dommages ; le tout dans une optique de jeu contre

l’environnement (« PVE » : Player Versus Environment), jeux de rôle (« RP » : Role Play) ou

contre d’autres joueurs (« PVP » : Player Versus Player) qui est déterminé par le serveur sur

lequel vous créez votre personnage. Dans son analyse quantitative, Bean part du postulat que

lorsqu’un joueur personnalise et oriente son personnage, il le fait en fonction de ses goûts et

donc de sa propre personnalité. Les critères sélectionnés et établis sont l’extraversion,

l’agréabilité, la conscience, le neurotisme (l’émotivité) et l’ouverture. De plus, ces joueurs sont

peu ouverts, trouvent peu d’intérêt aux nouveautés en style de jeu ou dans le jeu lui-même et

sont très communautaires.

4°) Mesure de la qualification de l’échantillon

Qu'est ce qui vous plaît dans les jeux vidéo ? Ranking QP

Gagner 30 1 83%

L'histoire 18 4 50%

Affronter d'autres joueurs 30 1 83%

Débloquer tout le contenu 13 6 36%

L'e-sport 22 3 61%

Intéragir avec les autres joueurs 14 5 39%

Autre 1 7 3%

TOTAL de répondants 36 MOYENNE 50,79%

TOTAL de réponses 128 MOYENNE 3,56

Résultats de la pondération et exemple de la technique sur quatre joueurs :

Pondération

Résultats

Joueur 1 Joueur 2 Joueur 3 Joueur 4

L'e-sport 5 x x

Gagner 4 x x x x

Affronter d'autres joueurs 4 x x

Interagir avec les autres joueurs

0 x x

Débloquer tout le contenu 0 x x

L'histoire 0 x x

Autre 0 x x

TOTAL par

joueur 4 13 13 4

MOYENNE 9,86

Ecart type 3,68

83%50%

83%36%

61%39%

3%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%

Gagner

Affronter d'autres joueurs

L'e-sport

Autre

Qu'est ce qui vous plaît dans les jeux vidéo ?

5°) La participation co-créative perçue par les joueurs

Avez-vous déjà été amené à cocréer au côté d'une entreprise ?

Ranking QP

Oui 6 2 17%

Non 25 1 71%

Je ne sais pas 4 3 11%

TOTAL de répondants 35 MOYENNE 33,33%

17%

71%

11%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

Oui Non Je ne sais pas

Avez-vous déjà été amené à cocréer au côté d'une entreprise ?

6°) Les publications et leur perception dans le schéma co-créatif

Avez-vous déjà publié à propos des jeux vidéo ? Ranking QP

Oui, sur un forum officiel ou de fan 27 1 77%

Oui, sur un site officiel ou de fan 22 3 63%

Oui, sur les réseaux sociaux 23 2 66%

Oui, dans un magazine 2 6 6%

Oui, sur un blog 7 4 20%

Non, jamais 3 5 9%

TOTAL de répondants 35 MOYENNE 40,00%

TOTAL de réponses 84 MOYENNE 2,40

Oui, sur un forum officiel ou de fan

32%

Oui, sur un site officiel ou de fan

26%

Oui, sur les réseaux sociaux

27%

Oui, dans un magazine

3%

Oui, sur un blog8%

Non, jamais4%

AVEZ-VOUS DÉJÀ PUBLIÉ À PROPOS DES JEUX VIDÉO ?

Si "oui" quel était le but de votre publication ? Ranking QP

Discuter 24 1 69%

Montrer quelque chose 22 2 63%

Critiquer 22 2 63%

Donner des idées 19 5 54%

Faire passer le temps 3 7 9%

Obtenir des renseignements 20 4 57%

Autre 5 6 14%

TOTAL de répondants 35 MOYENNE 52,38%

TOTAL de réponses 115 MOYENNE 3,29

69%

63%

63%

54%

9%

57%

14%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%

Discuter

Montrer quelque chose

Critiquer

Donner des idées

Faire passer le temps

Obtenir des renseignements

Autre

Si "oui" quel était le but de votre publication ?

Si "oui" qui était le(s) destinataire(s) ? Ranking QP

Entreprise (ou nom d'entreprise) 17 2 49%

Communauté de joueurs 21 1 60%

Internautes 3 3 9%

Développeur 3 3 9%

Service client 2 5 6%

Autre 2 5 6%

TOTAL de répondants 35 MOYENNE 22,86%

TOTAL de réponses 48 MOYENNE 1,37

Pensez-vous que les entreprises tiennent compte de ces publications ?

Ranking QP

Oui 15 1 43%

Non 13 2 37%

Dans quel but ? 1 3 3%

TOTAL de répondants 35 MOYENNE 27,62%

Entreprise36%

Communauté de joueurs

44%

Internautes6%

Développeurs6%

Service client4%

Autre4%

SI "OUI" QUI ÉTAIT LE(S) DESTINATAIRE(S) ?

7°) La participation aux événements e-sport

Avez-vous déjà participé à un event dedié au jeu vidéo ?

Ranking QP

Oui, une compétition 19 1 54%

Oui, un rassemblement de fans 12 2 34%

Jamais 10 3 29%

Autre 1 4 3%

TOTAL de répondants 35 MOYENNE 30,00%

TOTAL de réponses 42 MOYENNE 1,20

54%

34%

29%

3%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%

Oui, une compétition

Oui, un rassemblement de fans

Jamais

Autre

Avez-vous déjà participé à un event dedié au jeu vidéo ?

8°) La co-création citée par l’échantillon

Vous rappelez-vous d'une action de co-création sur une licence e-sport ?

Ranking QP

Oui, relative à l'aspect cosmétique 7 2 20%

Oui, relative au contenu 1 5 3%

Oui, relative aux produits dérivés 1 5 3%

Oui, relative aux tournois 2 3 6%

"L'e-sport c'est la co-création" 2 3 6%

Non 9 1 26%

TOTAL de répondants 35 MOYENNE 10,48%

TOTAL de réponses 22 MOYENNE 0,63

0%

10%

20%

30%

Oui, relative à l'aspectcosmétique

Oui, relative au contenu

Oui, relative aux produitsdérivés

Oui, relative aux tournois

"L'e-sport c'est la co-création"

Non

Vous rappelez-vous d'une action de co-création sur une licence e-sport ?

Qu'avez-vous pensé de cette opération ? Ranking QP

Avis positif sans explication 4 1 11%

Avis positif car empowerment de la communauté

3 2 9%

Avis positif car renforce le lien entre le jeu et les joueurs

2 3 6%

Avis positif car amélioration de l'image de l'entreprise

1 4 3%

TOTAL d'avis positifs 10 100%

TOTAL de répondants 35 MOYENNE 7%

TOTAL de réponses 10 MOYENNE 0,29

0%

5%

10%

15%

Avis positif sansexplication

Avis positif carempowerment de la

communauté

Avis positif car renforcele lien entre le jeu et les

joueurs

Avis positif caramélioration de l'image

de l'entreprise

Qu'avez-vous pensé de cette opération ?

9°) Les différentes formes de co-création active

10°) Les critères de viabilité d’un jeu en e-sport

Quel sont les critères premiers pour qu'un jeu soit viable en e-sport ?

Ranking QP

Le produit

L'équilibrage 20 1 57%

L'ajout de contenu 1 8 3%

L'amusement sur le jeu (mécanique amusante)

9 2 26%

L'absence de bug 3 6 9%

La "forme"

L'accessibilité pour tous (casuals et Pros)

4 5 11%

Le temps de partie pas trop long pour pouvoir être rediffusées

1 8 3%

La discipline

L'aspect communautaire (et la masse critique)

5 3 14%

L'organisation d'événements (compétitions)

5 3 14%

Les joueurs "tête d'affiche" 2 7 6%

TOTAL de répondants 35 MOYENNE 17,55%

TOTAL de réponses 50 MOYENNE 1,43

11°) La prise de conscience de la co-création active

Avez-vous déjà joué sur une Alpha, une Beta ou un serveur de test ?

Ranking QP

Oui 32 1 91%

Jamais 2 2 6%

TOTAL de répondants 35 MOYENNE 48,57%

TOTAL de réponses 34 MOYENNE 0,97

40%

31%29%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

Oui Non Pourquoi désormais ?

Pouvez-vous désormais dire que vous avez cocréer aux côtés d'une entreprise produisant un jeu vidéo e-sport ?

12°) Taxonomie des joueurs ayant répondus à ce questionnaire

Je suis : Ranking QP

Un homme 33 1 94%

Une femme 2 2 6%

TOTAL de répondants 35 MOYENNE 50,00%

Salarié51%

Étudiant40%

En recherche d'emploi

6%

Sans activité professionnelle…

QUELLE EST VOTRE SITUATION PROFESSIONNELLE ?

Entre 16 et 20 ans20%

Entre 21 et 25 ans43%

Entre 26 et 30 ans31%

Entre 31 et 35 ans…

QUELLE ÂGE AVEZ-VOUS ?


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