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Travail d'articulation et organisations-frontières dans la recherche

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http://ssi.sagepub.com/ Social Science Information http://ssi.sagepub.com/content/45/1/109 The online version of this article can be found at: DOI: 10.1177/0539018406061105 2006 45: 109 Social Science Information Fabien Milanovic urbaine française Travail d'articulation et organisations-frontières dans la recherche Published by: http://www.sagepublications.com On behalf of: Maison des Sciences de l'Homme can be found at: Social Science Information Additional services and information for http://ssi.sagepub.com/cgi/alerts Email Alerts: http://ssi.sagepub.com/subscriptions Subscriptions: http://www.sagepub.com/journalsReprints.nav Reprints: http://www.sagepub.com/journalsPermissions.nav Permissions: http://ssi.sagepub.com/content/45/1/109.refs.html Citations: What is This? - Feb 2, 2006 Version of Record >> at UNIV DE GUADALAJARA on April 14, 2013 ssi.sagepub.com Downloaded from
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 DOI: 10.1177/0539018406061105

2006 45: 109Social Science InformationFabien Milanovic

urbaine françaiseTravail d'articulation et organisations-frontières dans la recherche

  

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Studies of science

Etudes sur la science

Fabien Milanovic

Travail d’articulation et organisations-Travail d’articulation et organisations-frontieres dans la recherche urbaine francaisefrontieres dans la recherche urbaine francaise

Resume. La multiplication des sites et la differenciation des acteurs que l’onrencontre dans les sciences contemporaines posent des problemes en termes d’organisation.En s’appuyant sur une etude de cas en sciences sociales, la recherche urbaine francaise,cet article propose une analyse du travail institutionnel d’articulation qui a pour objetde permettre a la fois aux activites de production de connaissances scientifiques d’etreconnectees a d’autres activites sociales et aux chercheurs d’interagir avec d’autres typesd’acteurs. C’est ainsi a une mise en perspective des actuels modes de production dessavoirs qu’invite ce texte, qui fasse cas de leur pluralite et de leurs enjeux politiques.

Mots-cles. Activite organisationnelle – Institution publique – Organisation-frontiere –Recherche urbaine – Travail d’articulation

Abstract. The multiplication of locations and the differentiation of social actorsencountered in contemporary sciences raise organizational problems. Basing itself ona case study in the social sciences, viz. French urban research, this article offers ananalysis of the institutional articulation process that enables both the activities ofknowledge production to be linked to other social activities and the researchers tointeract with other classes of social actors. The article thus suggests a setting inperspective of the contemporary modes of knowledge production, taking into accounttheir diversity as well as their political stakes.

Key words. Articulation work – Boundary organization – Organizational activity –Public institution – Urban research

Je remercie particulierement David Pontille pour ses commentaires clarificateurs d’une version

anterieure de ce texte.

Information sur les Sciences Sociales & 2006 SAGE Publications (Londres, Thousand Oaks, CA et

New Delhi), 0539-0184

DOI: 10.1177/0539018406061105 Vol 45(1), pp. 109–138; 061105

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Au tournant des annees 1980, plusieurs etudes ethnographiques delaboratoire ont augure une ligne de recherche qui problematisaitde maniere centrale la dimension contextuelle des activites scientifi-ques (Latour et Woolgar, 1979; Knorr-Cetina, 1981; Lynch, 1985).A leur suite, des travaux ont mis en evidence la pluralite des espacesqui concourent a la production des connaissances: des aires derecherche peuvent s’etablir a la confluence de differents mondessociaux, sans se situer a l’interieur des frontieres des territoires aca-demiques (Knorr-Cetina, 1982; Gibbons et al., 1994; Gyerin, 1999;Etzkowitz, 2003).Ces evolutions suscitent d’apres discussions dans le champ

des ‘‘etudes sociales des sciences’’. Les recompositions, en cours, desespaces de production de connaissances scientifiques pointent des‘‘problemes d’extension’’ appelant, pour certains, un renouveaudans les science studies (Collins et Evans, 2002).1 Pour d’autres, cesont les relations entre ‘‘chercheurs et profanes’’ qui sont en recon-figuration (Callon et al., 2001). Enfin, ces changements ont engendredes debats relatifs au caractere novateur des actuels modes deproduction des connaissances scientifiques (Minerva, 2003). Sur cedernier point, l’une des positions defendues considere, a partir duconstat d’une plus grande porosite des frontieres delimitant les acti-vites scientifiques d’avec leur ‘‘exterieur’’, que ces dernieres sontprises dans un processus croissant et ineluctable de ‘‘contextualisa-tion’’ (Nowotny et al., 2001). En se ‘‘de-differenciant’’ ainsi d’autresactivites, les sciences contemporaines seraient sur la voie de leur‘‘desinstitutionnalisation’’.La perspective d’analyse deployee dans ce texte part d’une inter-

pretation divergente de ces evolutions: l’accroissement du nombred’acteurs et de sites dans les sciences contemporaines n’implique nila these de leur mutation capitale et sans precedent (comme pourle ‘‘mode 2’’),2 ni la cause de leur eclatement ou de leur desunifica-tion (Galison et Stump, 1996). Cette heterogeneite donne lieu a demultiples activites qui visent a combiner les espaces ou les sciencescaptent des ressources necessaires a leur institutionnalisation (pro-pices a toute sorte d’hybridation) et les espaces disciplinaires,garants d’une certaine autonomie, ou peut etre effectue un travailde certification et de transmission des connaissances elaborees parailleurs. Ces activites, en visant a gerer des relations d’interdepen-dance, sont fondamentalement de nature organisationnelle: ellesont pour objet de permettre a la fois aux activites de productionde connaissances scientifiques d’etre connectees a d’autres activites

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sociales et aux chercheurs d’interagir avec d’autres types d’acteurs.Or ces activites organisationnelles sont susceptibles non seulementde s’institutionnaliser sous diverses formes, mais aussi de participeraux processus d’institutionnalisation des sciences. C’est precisementce que ce texte propose de montrer a partir de l’etude d’un cas ensciences sociales: la recherche urbaine francaise.

Le cas de la recherche urbaine francaise

La recherche urbaine francaise contemporaine est particulierementpertinente a explorer empiriquement3 pour plusieurs raisons. Toutd’abord, si les activites organisationnelles qu’engendre l’hetero-geneisation croissante des sciences ont ete preferentiellementanalysees lorsqu’elles mettent en jeu certaines entites, comme desmouvements activistes (Epstein, 1996; Barbot, 2002), des associa-tions de malades (Rabeharisoa et Callon, 1999) ou de riverains(Wynne, 1996), ou encore, des entreprises pour les recherches lieesa l’industrie (Etzkowitz et al., 1998; Cassier et Gaudilliere, 2000),peu de travaux ont porte sur des institutions publiques specialiseesdans ces activites. Or des institutions de ce type sont largement inves-ties dans la recherche urbaine. Ensuite, cette derniere se caracterisepar une forte heterogeneite, conferant par la d’autant plus d’acuiteaux activites organisationnelles evoquees ci-dessus. Cette hetero-geneite, je propose d’en rendre compte a un triple niveau.

C’est sur l’initiative des pouvoirs publics que ce domaine deconnaissances s’est constitue, en France, au cours des ‘‘TrenteGlorieuses’’ (1946–75). Les sciences sociales etudiant l’urbain furenten effet mobilisees par les ‘‘administrateurs-planificateurs’’ afinqu’elles fournissent aux administrations publiques les connaissancesindispensables a leurs Plans (Amiot, 1986).4 Or etudier en referencea l’action est propice a des collaborations, a des echanges interdisci-plinaires, interprofessionnels et inter-institutionnels. La rechercheurbaine est issue de ces rencontres: elle renvoie a differents typesd’acteurs appeles a interagir dans des cadres extra-academiquesd’activites de production de connaissances. Car contrairement auxEtats-Unis, ou les universites comprennent en leur sein des departe-ments d’Urban Studies,5 en France la recherche urbaine ne presentepas une assise universitaire unifiee. A chaque departement corres-pond une discipline particuliere, la thematique de l’urbain apparais-sant comme une specialite a l’interieur de chaque discipline.6 Cet

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espace de production de connaissances renvoie plus a un regroupe-ment de sous-disciplines qu’a un ‘‘corps propre de theories, demethodes et de pratiques qui fasse tradition et soutienne une disci-pline avec ses propres instances de representation et de juridiction’’(Lassave, 1997: 25). Pour la France, ce regroupement de chercheurssur des thematiques definies par les pouvoirs publics s’est donc effec-tue en dehors des jeux disciplinaires et des espaces academiques.7

L’heterogeneite de cette aire de recherches apparaıt aussi auregard des diverses entites sociales qui la composent. Au nombrede celles-ci figurent evidemment les chercheurs. Mais son intricationavec les pouvoirs publics oblige a tenir compte d’autres categoriesd’acteurs qui participent de son organisation et de son administra-tion: les responsables politiques, les administrateurs, et divers typesde ‘‘praticiens’’.8 Enfin, dernier pan d’heterogeneite de ce domaine,celui des produits ou des objets qui y circulent: car loin s’en fautde n’y rencontrer que des rapports de recherche. Indicateurs statis-tiques, donnees administratives, prospective, recherche-action, trans-ferts de savoirs, sont quelques exemples de cette diversite.La recherche urbaine francaise donne ainsi a voir un espace qui se

situe a la confluence d’activites scientifiques, politico-administrativeset professionnelles. L’heterogeneite des sites, des acteurs et desproduits qui y circulent rend saillantes les dimensions de coordina-tion et d’organisation inherentes aux activites productives de con-naissances. Il revient a des institutions publiques specialisees de s’yinvestir.9 Ces institutions ont pour cahier des charges de mobiliserun milieu de chercheurs sur des thematiques considerees commeprioritaires par les pouvoirs publics et de configurer les activites deconnaissances qui s’y rattachent (Milanovic, 2003). Ce sont doncelles qui s’investissent dans les activites organisationnelles etudieesdans ce texte. Comment s’en acquittent-elles?

Un travail institutionnel d’articulation

Pour en rendre compte, l’analyse se focalisera sur le travail d’articu-lation accompli a un niveau institutionnel. Notion elaboree parA. Strauss et ses collegues, le travail d’articulation est le travailsupplementaire qui doit etre effectue ‘‘pour que les efforts collectifsde l’equipe soient finalement plus que l’assemblage chaotique defragments epars de travail accompli’’ (Strauss et al., 1992: 191).

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Destinee a la coordination d’activites de differents groupes profes-sionnels et de plusieurs ordres de taches, l’articulation est en cesens ‘‘une dimension specifique de l’activite’’ (Grosjean et Lacoste,1999: 166). Approfondissant cette notion en la mobilisant lorsd’etudes ethnographiques realisees dans des hopitaux, Grosjean etLacoste (1999: ch. 5) proposent de distinguer trois types d’articula-tion: l’articulation structurante institutionnelle (concerne l’organisa-tion institutionnelle de la cooperation), l’articulation operationnelle(travail pour gerer les aleas de tous ordres), et l’articulation de latrajectoire (centree sur le devenir de chacun des malades). Seul lepremier type sera ici objet d’analyse. L’organisation de la coopera-tion y est saisie en amont, au niveau de la production, plus oumoins locale, de regles, de procedures, de definition de roles etd’allocation des taches dans une perspective de configuration du col-lectif mobilise dans l’accomplissement d’activites de connaissances.

Ce travail d’articulation est aborde au niveau des institutions quien sont chargees. En l’effectuant, ces institutions fournissent a la foisun objet d’action, produire des connaissances (sur l’urbain), et unensemble de regles flexibles relatif aux manieres de produire ces der-nieres (Fujimura, 1992; Moore, 1996).10 Situees a la confluence dedifferents mondes sociaux11 et de differents registres d’activites,elles elaborent et deploient des strategies et des procedures destineesa configurer les relations des differentes entites qu’elles mobilisent.Elles visent ainsi fondamentalement a organiser la cooperationentre les differents mondes sociaux mobilises. En ce sens, ce sontdes ‘‘organisations-frontieres’’ (Kelly, 2003).

Au sein de la recherche urbaine francaise, deux institutions publi-ques incitatives peuvent etre considerees comme des organisations-frontieres centrales: le Plan Urbanisme Construction et Architecture(PUCA) duministere de l’Equipement, du Logement et duTourisme,et la Mission de la Recherche (MIRe) du ministere de l’Emploi, de laSolidarite et des Affaires Sociales. Le premier est une agence d’objec-tifs cree en 1998, issue de la fusion de deux autres agences: le PlanUrbain et le Plan Construction et Architecture, sous la tutelled’une des directions centrales du ministere de l’Equipement, laDGUHC.12 Le PUCA se consacre essentiellement a la definition etmise en œuvre de ‘‘programmes finalises’’ (c’est-a-dire operationnels)de recherche ou d’experimentation. Il est concu et organise de tellesorte qu’il soit en mesure d’accroıtre la pertinence des actions quemene sa direction de tutelle, et de maniere coordonnee avec sesautres ministeres de tutelle (Recherche et Culture). Quant a laMIRe,

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cellule de recherche incitative cree en 1982 par Lucien Brams, ellea ete fortement restructuree en 1998, lors de la constitution d’unenouvelle direction centrale (la DREES)13 au sein de son ministered’appartenance. Les textes officiels produits a cette occasion definis-sent precisement la mission de la MIRe:

La mission de la recherche elabore et met en œuvre en liaison avec le ministere

charge de la recherche, les organismes de recherche ainsi que les autres directions

et services du ministere les orientations de la politique de la recherche dans le

champ des sciences de l’homme et de la societe, dans les domaines de la sante,

la solidarite et de la protection sociale.14

Ces deux institutions ont en charge tout un ensemble d’actionsincitatives dont les programmes de recherche ne sont qu’un voletparmi d’autres. Seuls ces derniers seront empiriquement analysesdans ce texte15 afin de mettre en evidence le travail d’articulationstructurante effectue par le PUCA et la MIRe au sein de la rechercheurbaine. Il ne s’agit cependant pas de livrer une etude minutieuse dechacun d’eux mais de montrer la palette d’activites organisation-nelles qui se degagent de leur travail. Dans ce dessein, je me refereraiau processus de recherche tel que decrit par Callon et al. (2001).Selon eux trois etapes sont plus particulierement propices aux‘‘rencontres entre chercheurs et profanes’’, ce qui permet de mettreen exergue ces activites organisationnelles: la premiere est consacreea la formulation des problemes de recherche, la suivante a l’organi-sation et l’orientation du ‘‘collectif de recherche’’,16 et la derniere a lamise en circulation des resultats.

Premiere etape: definir des problemes

La premiere tache a laquelle s’attelle un collectif de recherche con-siste a mettre en evidence des phenomenes inedits et a les constituercomme problemes de recherche. C’est la premiere occasion ouchercheurs et non chercheurs peuvent se rencontrer. Les institutionspubliques incitatives comme le PUCA et laMIRe reperent, dans leurdomaine de competences, des thematiques considerees commeproblematiques afin de les instruire en incitant les chercheurs a lestravailler (au cote d’eventuels programmes incitatifs). Dans cetteperspective, trois types d’activite emergent: la veille scientifique, letravail d’accumulation (primitive) de connaissances, et l’organisa-tion de rencontres entre chercheurs et non chercheurs.

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Veille scientifique

Les activites regroupees sous le terme de ‘‘veille scientifique’’ sontdestinees a permettre aux gestionnaires de recherche de se maintenirinformes et de l’actualite de la recherche, et des evolutions relativesaux domaines scientifiques qui traversent leur champ thematique. Ledirecteur de la MIRe l’exprime clairement:

En amont de ca, de ce volet central de nos activites [la conduite de programmes

incitatifs], il est bien evident qu’il faut qu’on ait une sorte d’activite de veille

scientifique sur tout ce qui peut etre produit, y compris sans notre aide, et qui

peut interesser ce vaste domaine. Ne serait-ce que pour bien voir quels sont les

fronts scientifiques, quels sont les paradigmes en evolution, quelles sont les equipes

qui montent, etc. Et eventuellement d’ailleurs, ce qui est insuffisamment fait

aujourd’hui, mais produire un certain nombre de syntheses de resultats qui

peuvent etre readressees a ce ministere au titre de la diffusion des connaissances

et des savoirs sans forcement qu’on les ait soutenus financierement d’ailleurs.

Donc de la veille scientifique, pour aller vite. (Directeur de la MIRe)

Ces activites contribuent a alimenter les reflexions des gestion-naires de recherche qui peuvent mobiliser les enseignements qu’ilsen tirent dans leurs actions d’incitation. Ainsi pour Mme F.,17 encharge d’un programme sur l’acces au logement des plus defavorisesau PUCA:

Donc c’est comme ca que l’on a dit qu’on est parti des resultats du programme sur

les defavorises, mais en fait, quant il se produit des resultats et, de toute facon, on

est en veille, a regarder ce qui se passe, les evolutions autour de nous, on a des idees

sur des phenomenes qui emergent. Apres le probleme est de savoir comment on les

transforme en objet de recherche et comment ils sont definis dans le cadre d’un

appel d’offres. (Mme F., chargee de mission, PUCA)

Mais cette veille scientifique peut s’inscrire dans une relationbilaterale ou ce ne sont pas exclusivement les administrateurs quidemarchent aupres des chercheurs. Ces derniers prennent parfoisl’initiative de proposer d’eux-memes des sujets, qu’ils considerentcomme emergents, a un charge de mission. Ils peuvent alors luidemander un financement afin de se livrer a un travail d’enquete:

Cela vient aussi des demandes, parce qu’il y a des gens qui arrivent et qui disent:

‘‘moi j’aimerais faire une recherche’’, enfin qui savent que l’on travaille sur le sujet,

qui travaillent sur le sujet, donc ils viennent . . . Enfin c’est ce que l’on appelle de la

veille scientifique ici, c’est-a-dire que l’on a un theme dont on pressent qu’il est

important, et bon, on permet a un certain nombre de recherches d’etre financees.

(Mme D., chargee de mission, PUCA)

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Cette attention n’est cependant pas exclusivement manifesteeaupres des chercheurs: les ‘‘actions vers les professionnels’’ et les‘‘actions internationales’’ sont aussi concernees. Elles sont destineesa suivre les evolutions des milieux de praticiens (investis dansl’ingenierie ou l’innovation architecturale par exemple), et cellesqui interviennent a un niveau international, afin de pouvoir, si neces-saire, engager des analyses specifiques. Des groupes de travail sontcomposes a cet effet, ou des representants des differents milieuxconcernes echangent sur des sujets emergents.Ces activites institutionnelles de veille scientifique, ou administra-

teurs, praticiens et chercheurs cooperent, se sont developpees des l’ap-parition d’une fonction specialisee de ‘‘gestionnaire de recherches’’au sein des administrations publiques centrales (Milanovic, 2003).Mais elles sont loin d’etre les seules a ce stade premier d’accumula-tion de connaissances en vue d’elaborer un objet de recherches.

Un travail d’accumulation primitive des connaissances

Une recente livraison de laRevue Internationale des Sciences Sociales(2003) mettait en evidence a quel point les donnees statistiques issuesdes enquetes que les administrations publiques centrales menentsont un objet d’attention politique particulier en Europe. Prenantacte que la France est un espace ou sont produites ‘‘de nombreusesenquetes interessant les sciences sociales’’, mais que ‘‘cette produc-tion s’est developpee essentiellement au sein du monde administratifde facon exterieure a la recherche’’, Claude Allegre, ministre del’Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie, envoiea Roxane Silberman le 14 janvier 1999 une lettre de mission.18 Il luiconfie le soin de realiser une enquete et d’enoncer une liste de propo-sitions destinees a reamenager les liens entre les administrations, lesdonnees qu’elles produisent et la recherche en sciences sociales(CentreNational de laRechercheScientifique –CNRSet universites).C’est qu’en quelques decennies, de peu d’enquetes administratives

on est passe a plus d’une centaine dont plusieurs recensements.Or les chercheurs, dans le meilleur des cas, ont acces avec difficultea ces donnees, temoignant d’un ‘‘retard’’ de ‘‘plus de vingt ans’’(Silberman, 1999: 3) au regard d’autres pays europeens et desEtats-Unis d’Amerique du Nord, equipes depuis longtemps de‘‘Data Archives’’ a la disposition des chercheurs en sciences sociales.Constatant, cependant, a quel point les chercheurs sont ‘‘dependants

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des donnees produites par la statistique publique ou generees parl’activite administrative ou economique’’ (Silberman, 1999: 9), lerapport plaide pour la mise en œuvre d’une veritable ‘‘politique pub-lique de donnees en France’’.

Cette politique devra porter sur chacun des aspects du rapport queles chercheurs entretiennent avec ces donnees: ‘‘leur place dans laproduction de ces donnees, la regulation de l’acces a celles produitespar d’autres, et la formation aux methodes d’analyse de cesdonnees’’ (Silberman, 1999: 9). Il s’agit de reorganiser les cadresinstitutionnels de production et d’acces des donnees administratives.La question des modalites concernant leur acces par les chercheurss’inscrit alors a l’ordre du jour des agendas des institutions incita-tives. Il en resulte, pour la MIRe, un accord-cadre signe entre sadirection de tutelle, la DREES, et le CNRS (departement desSciences Humaines et Sociales – SHS), le 23 juin 2000. Cette conven-tion, conclue pour une duree de cinq ans, definit les procedures decooperation entre les deux institutions: ‘‘La DREES s’engage afaciliter l’acces des chercheurs des unites reconnues par le CNRSaux donnees statistiques qu’elle produit, a des fins exclusives derecherche scientifique’’ (Accord-Cadre 2000: 3). Cependant, l’accordvise plus qu’a simplement offrir un acces simplifie et elargi desdonnees administratives aux chercheurs. Il concerne aussi la miseen place de procedures operationnelles dont l’objet est d’ajuster letravail des chercheurs et celui des administrations, d’organiser leurcooperation.

En effet, en echange de cet acces, les chercheurs – outre le faitqu’ils auront une demande a remplir en bonne et due forme oudevront etre precises l’objectif et le programme des investigationsenvisagees, les methodes utilisees et les resultats attendus – ‘‘devrontregulierement informer la DREES de l’avancement de leurs travaux,des methodes mises en œuvre et des resultats obtenus’’ (Accord-Cadre 2000: 3). Bien qu’il soit reaffirme que la libre orientation deleurs recherches sera toujours d’actualite.

Les premisses de la politique publique de donnees qui se donnent avoir a partir de 2000 dans la foulee du rapport Silberman, avecnotamment la creation du ‘‘Comite de concertation pour les donneesen sciences humaines et sociales’’,19 suscitent la mise en place deprocedures autour desquelles les administrations publiques, leschercheurs et leurs institutions cooperent. Dans ce mouvement, lesdonnees statistiques et d’enquetes quantitatives sont appelees ajouer un role ‘‘d’objet-frontiere’’ (Star et Griesemer, 1989).20 Les

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institutions publiques incitatives contribuent ainsi a la formulationde problemes par ce travail d’accumulation de connaissances. Ensus de la veille scientifique, c’est-a-dire de leur contribution a l’emer-gence de nouvelles thematiques de recherche qui tiennent compte despreoccupations des administrations publiques, elles assurent aussiun role actif dans ce travail en articulant les donnees administrativesaux enquetes des chercheurs. Mais ce n’est pas tout. Objet-frontiereet procedures ne sont pas les seuls outils mobilises par les institutionsincitatives pour accomplir leurs activites connexionnistes. D’autresactions sont consacrees a des rencontres entre chercheurs et profaneset contribuent a definir des zones d’ignorance susceptibles d’etreexplorees dans des activites ulterieures.

Les interfaces chercheurs–profanes

Sur ce point, il est frequent, dans les activites institutionnelles pre-paratoires a un programme public incitatif, qu’un seminaire (pou-vant contenir plusieurs seances) soit mis en place afin de mieuxidentifier l’objet de l’appel d’offres, ses objectifs, etc. Ces espaces derencontre constituent des occasions ou chercheurs et profanes colla-borent a l’identification de thematiques de recherches a explorer.Cependant, d’autres moments consacres a de telles rencontres exis-tent, sans pour autant etre directement rattaches a un programme.C’est le cas pour le PUCA. Son installation en 1998 a suscite

nombre de reflexions, de documents et de debats portant sur lesmodalites de son organisation. Cette derniere accorde aux ‘‘pro-grammes finalises’’ une place centrale (sur le plan budgetaire) maisnon exclusive. Dans les documents de presentation des actions duPUCA, aux cotes de ces programmes ‘‘finalises’’ figurent d’autresactions permettant de pallier les insuffisances et les limites de la pro-cedure de l’appel d’offres. Il en est ainsi des ‘‘ateliers thematiques’’,dont l’ambition consiste a ‘‘focaliser sur des themes identifies l’ac-tion globale de la recherche’’.21 Il s’agit d’eviter les ‘‘contradictionsinternes’’ entre plusieurs programmes, malgre une problematiquegenerale censee etre federatrice, de permettre des ‘‘complementaritesaux differentes echelles’’ des programmes et travaux engages, etenfin de developper des ‘‘cooperations scientifiques’’ et institution-nelles, tout un ensemble d’acteurs etant differemment concernes etimpliques au regard de problematiques de recherche traitees par lePUCA.

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Ces ateliers sont susceptibles d’etre frequentes autant par deschercheurs (des membres du conseil scientifique du PUCA y sontsystematiquement detaches) que par des responsables d’autres insti-tutions (ministere de la Recherche, Delegation a l’amenagement duterritoire et a l’action regionale – DATAR, ministeres des AffairesSociales, de la Culture . . .) et des praticiens (cadres d’entrepriseset architectes par exemple). L’enjeu de telles interfaces, outre celuide coordination, consiste a etablir par les travaux, debats et refle-xions qu’elles suscitent, la pertinence de thematiques de recherchea approfondir,22 a circonscrire des problematiques de rechercheemergentes,23 et plus generalement, a decloisonner les approches etles themes des programmes finalises conduits par le PUCA.24 Cesateliers s’organisent tous autour de seminaires reguliers: ‘‘La for-mule du seminaire permanent, degageant progressivement des ques-tionnements specifiques, et reinterrogeant par la suite tant lesprogrammes finalises que le monde de la recherche semble la plusadequate pour le lancement meme de ces ateliers’’.25

La MIRe elle aussi a recemment cherche a diversifier les proce-dures de mobilisation des chercheurs en organisant des rencontresentre ces derniers et des profanes. On a vu sur ce point que le rapportSilberman a suscite des rapprochements entre administration etrecherche. Et ce d’autant plus pour la MIRe que son ministere detutelle est l’une des composantes du comite interministeriel installea la suite de ce rapport. La tache de ce comite consiste a ‘‘propose[r]les orientations de la politique publique de donnees pour larecherche en sciences humaines et sociales’’.26 De plus, des semi-naires similaires a ceux du PUCA sont organises a la MIRe, sansqu’ils soient consideres comme un prealable a l’elaboration d’unappel d’offres.

La preparation du programme ‘‘prevention’’, objet de discussiondu Conseil scientifique de la MIRe du 29 novembre 2000, offre uncas exemplaire de cette evolution. Apres avoir constate que ‘‘lelancement d’emblee d’un appel d’offres ne parait pas une solutionjudicieuse’’, les membres de ce Conseil considerent qu’il serait pre-ferable de ‘‘faire d’abord le point des acquis par domaines et par dis-ciplines, et confronter ces donnees a ce qu’en disent les praticiens etgestionnaires concernes par ces diverses actions de prevention’’.27

Ceci dans la perspective de constituer une ‘‘forte valeur ajoutee’’aux axes de recherche elabores par la suite. Mais au fil des dis-cussions, l’objectif poursuivi se transforme progressivement. Il nes’agit alors plus, pour ces seminaires, de constituer un prealable a

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l’appel d’offres mais d’engager un travail reflexif sur l’administra-tion: ‘‘cette facon d’aider l’administration a se questionner sur sespratiques, avec le concours des chercheurs, pourrait constituer unealternative a l’appel d’offres classique’’.28 Prenant acte des insuffi-sances de la procedure de l’appel d’offres, la MIRe – mais le mouve-ment est plus general et concerne aussi le PUCA – dans sa quete dediversification des modes de mobilisation de la recherche en sciencessociales, en vient ainsi progressivement a recourir a la mise en placed’interfaces entre chercheurs et profanes comme un moyen, parmid’autres, de s’acquitter de ses taches d’incitation.A cette premiere etape du processus de production des connais-

sances sur les villes, pour participer a la formulation d’un problemede recherche qui preoccupe les pouvoirs publics et qui puissesimultanement etre l’objet d’un traitement scientifique, PUCA etMIRe s’investissent dans un travail d’articulation. Celui-ci consistea instaurer un role de ‘‘veille scientifique’’ destine a ajuster lespreoccupations des pouvoirs publics et des praticiens aux thema-tiques de recherche emergentes; a mettre en place des proceduresafin de developper des liens entre les activites de production dedonnees administratives et les enquetes des chercheurs; a etablirdes interfaces pour que praticiens, administrateurs et chercheursechangent leurs questionnements, coordonnent leurs actions etcomposent ensemble la pertinence des thematiques de recherche aexplorer. La Figure 1 le recapitule.Une fois le probleme formule, reste a le traiter, a l’explorer. Cette

operation constitue le deuxieme moment du processus de productionde connaissances.

Deuxieme etape: organiser le collectif

La procedure originellement employee par les institutions incitativesde recherche sur les villes consistait a associer les chercheurs al’elaboration des questions de recherche sur lesquelles portait unprogramme, et a leur confier le soin de mener les enquetes empiri-ques permettant d’y repondre. Cette facon de proceder reposaitsur l’hypothese, emise par les institutions specialisees, qu’un milieude chercheurs existait deja sur les questions soulevees par ce pro-gramme, et que l’enjeu de ce dernier consistait simplement aamener ce milieu a se mobiliser sur les thematiques souhaitees. Or,des la fin des annees 1970, ces pratiques etaient deja denoncees par

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un certain nombre de chercheurs qui consideraient que ce mode demobilisation relevait plus d’une ‘‘economie de cueillette’’, pour ledire comme Michel Marie, que d’une veritable politique derecherche incitative digne de ce nom.29 Le principal reproche adresseaux institutions incitatives portait sur le peu de souci qu’ellestemoignaient envers les modalites de structuration des milieux derecherche mobilises. Depuis, les institutions incitatives concerneesse sont montrees bien plus attentives a ces phenomenes.

Constituer-structurer un milieu de chercheurs

Pour decliner les differentes modalites de structuration des milieuxde recherche par les institutions incitatives, je propose, pour com-mencer, de recourir au cas de la MIRe. Celle-ci offre un remarquableexemple de ce a quoi est confrontee une institution incitative quis’adresse a un milieu de recherche plus evanescent qu’effectivementconstitue. La MIRe a ete creee pour inciter les chercheurs a produiredes travaux dans le domaine du social (Chopart, 1996). Or a cetteepoque et en France, cette thematique est peu travaillee:

Les programmes de recherche de la MIRe etaient caracterises d’une part par des

champs peu structures: pas de reseaux d’equipes, pas d’equipe sur la protection

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FIGURE 1

Travail d’articulation et processus de production de connaissances: premiere etape

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sociale. Il n’y avait presque personne. Sur sante publique, pareil. Le social, le tra-

vail social, il y avait bien quelques travaux de l’ecole bourdieusienne, mais enfin il y

avait tres tres peu d’investissement dans ce secteur-la [. . .]. Moi je dirai bien que

cette periode de ces dix annees, on peut en faire un bilan en disant que cela a

ete un moment de structuration de milieu de recherche, donc de deplacement de

chercheurs de differentes disciplines vers les questions sanitaires et sociales.

(Mr J., charge de mission, MIRe)

C’est effectivement a tout un travail de structuration que la MIRedoit se consacrer pour contribuer a former un milieu de chercheursou elle pourra trouver ses futurs interlocuteurs et contractants:30

Il y a beaucoup de travail immateriel la-dedans, beaucoup de travail d’inter-

connaissances, de mise en relation de gens [. . .]. Cela fait partie de notre boulot,

ca, un boulot invisible mais important [. . .]. En ce qui nous concerne, nous, on

a eu une preoccupation parce que c’etait un milieu de recherches emergent, et

comme c’etait un milieu de recherches emergent, il etait mal, ou peu legitime

dans la recherche a statut [academique]. On a eu une action tres volontaire de

visibilisation de ce milieu-la. D’ou le coup de l’annuaire . . . , alors c’est la ou

on est un petit peu dans l’incapacite d’analyse de l’impact reel de ca, parce que

l’on a ete un peu au fond des militants de la recherche en sciences sociales sur

les questions sociales depuis le debut des annees 80. Militant je veux dire dans le

sens ou l’on etait persuade que c’etait un centre de preoccupation qui allait emer-

ger, que les questions de la sociologie du travail par exemple, qui etaient tres au

centre des debats en debut de periode, allaient laisser progressivement place a

des questions de la gestion sociale du traitement social du chomage, de la nouvelle

question sociale etc. (Mr J., charge de mission, MIRe)

Tout en etant engagee dans de classiques actions d’incitation a larecherche par le moyen du contrat de recherche ou de la recherche-action, et c’est la l’interet de ce detour historique, la MIRe s’investitparallelement dans des activites qui visent a constituer le milieuauquel elle s’adresse. Elle contribue a sa mise en forme, le rend visi-ble (avec l’annuaire des recherches en sciences sociales sur le socialqu’elle publie), et y agence les ressources en participant a son orga-nisation et sa structuration.31 Il s’agit, pour elle, d’operer la mise enplace d’‘‘agencements organisationnels’’ (Girin, 2001), c’est-a-dired’œuvrer a ‘‘la combinaison de ressources heterogenes capables derealiser une certaine performance’’ (Girin, 2001: 171). Ce travailconsiste a regrouper des chercheurs sur une thematique au roled’objet-frontiere, et instituer des procedures de fonctionnement etde financement afin que des recherches y soient effectuees. De telsagencements sont susceptibles de revetir une forme institutionnellereconnue (par les pouvoirs publics), financee comme telle, et inde-pendante d’un programme incitatif de recherche particulier.32

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Mais ce travail d’agencement, de mise en forme, ne s’acheve pasune fois un milieu de chercheurs constitue: il se prolonge par uneactivite connexionniste qui vise a developper les echanges entrechercheurs investis dans le cadre d’un programme incitatif, ou surdes thematiques communes, a une echelle nationale, voire inter-nationale. Ainsi pour le PUCA:

Par exemple ca [il montre des petits fascicules resumant les interventions et debats

de seminaires], ca c’est diffuse a tous ceux qui en font la demande, et les chercheurs

qui sont venus aux reunions l’ont eu. Bon, ensuite, je vous dis, a l’occasion de cette

rencontre, il y a des mises en relation de chercheurs qui, peut etre, ne se connais-

saient pas avant . . . et debut de reseaux et de discussions [. . .]. Les chercheurs nous

disent ‘‘tiens oui, moi j’ai des contacts’’, les chercheurs sont souvent eux-memes

tete de reseau, donc on noue des contacts avec Untel et Untel. (Mr P., charge

de mission, PUCA)

Ces reseaux d’interconnaissances sont evidemment instables: ilssont susceptibles de perdurer ou de disparaıtre une fois acheveesles actions incitatives qui les ont initiees. Les gestionnaires derecherche peuvent s’en detacher et laisser l’initiative de leur perenni-sation a leurs protagonistes. Mais ils peuvent aussi, en accord avecleur institution, se montrer plus ambitieux et manifester une volontede structuration qui depasse ce simple travail de ‘‘mise en contact’’.

Participer a la constitution d’un milieu de chercheurs sur unethematique de recherche particuliere (au statut d’objet-frontiere),mettre en forme ce milieu et le rendre visible, instituer des agence-ments organisationnels: autant d’activites organisationnelles accom-plies par les institutions gestionnaires de recherches incitatives afinde configurer le collectif de recherche mobilise par l’urbain. Ils’agit de faire en sorte que les activites qui ont lieu dans ce collectifsoient pertinentes pour chacune de ses composantes. Mais ce n’estpas tout.

Une pluralite d’outils de structuration

Le rapport Silberman et la politique de donnees qui lui succede ontnon seulement facilite un acces des chercheurs aux donnees pro-duites par les administrations publiques, mais leur ont aussi accordeune place dans la production de ces donnees. L’installation du‘‘Comite de concertation pour les donnees en sciences humaines etsociales’’, dont les missions visent a participer a la definition etmise en œuvre de cette politique de donnees, indique le souci

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Page 17: Travail d'articulation et organisations-frontières dans la recherche

politico-institutionnel de mettre en place les structures destineesa organiser ce renouvellement des pratiques administratives. Deplus, les recentes orientations de la MIRe33 confirment ce rappro-chement entre administrations centrales d’Etat et recherche ensciences sociales. Enfin, on va le voir, la distribution d’allocationsde recherche a des doctorants et la contribution a la mise en placede nouvelles filieres universitaires participent, elles aussi, des possi-bilites pour les administrations d’instutuer les collectifs de recherchea mobiliser dans leurs actions incitatives.Sur le point des filieres de formations universitaires, concourir a

leur creation est un autre moyen que celui des structurations dereseau dont disposent les institutions incitatives pour etablir ungroupe de chercheurs sur une thematique objet-frontiere. Ainsi lePUCA a-t-il pour objectif ‘‘de favoriser la mise en place d’une for-mation capable d’orienter des jeunes chercheurs vers l’economieimmobiliere’’.34 Sur ce point,

L’universite de Marne la Vallee s’engagera (durant cinq ans) a mettre au concours

deux postes fleches de maıtre de conferences en economie immobiliere, de fournir

des locaux pour le reseau et l’installation d’un laboratoire d’economie immobiliere

et de mettre en place dans un avenir proche une formation de second cycle ou un

mastere oriente vers l’economie immobiliere, filiere de base indispensable a la con-

stitution d’un vivier de futurs chercheurs. Le PUCA sera partenaire de cette

action.35

La MIRe temoigne de preoccupations de meme nature: ledeveloppement d’un groupement de chercheurs sur une thematiquequi lui apparaıt essentielle, le droit social (droit social de la famille,droit de la protection sociale, de l’aide et de l’action sociale).Participant deja a un Groupement d’Interet Public (GIP) ‘‘missionde recherche droit et justice’’, elle se propose en plus de s’associerau developpement de ce ‘‘courant de recherche’’:

Si l’on veut developper un courant de recherche sur ce segment du droit, en evitant

la coupure entre droit public et droit prive [. . .] il serait necessaire de travailler avec

les quelques juristes qui ont investi ce domaine pour construire avec eux un dis-

positif de renforcement de la formation doctorale et de la recherche juridique

dans le domaine, qui pourrait notamment passer par un soutien a des doctorants

et des post-doctorants.36

Effectivement, le soutien a des doctorants et jeunes chercheurs estaussi l’un des moyens envisages par la MIRe pour disposer d’unemanne de chercheurs:

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La seconde [modalite de mobilisation de la recherche autrement que par le contrat]

serait de construire un dispositif de soutien a des doctorants et post-doctorants [. . .].

Dans le cadre du groupe de travail precite [en vue de la creation d’un comite inter-

ministeriel de concertation pour les donnees en sciences humaines et sociales] nous

avons insiste aupres du ministere de la Recherche pour que les services statistiques,

d’etude et de recherche des administrations puissent disposer d’un dispositif de

type CIFRE [conventions industrielles de formation par la recherche]; sans traduc-

tion concrete a ce jour. Faute egalement de pouvoir disposer d’allocations de

recherche flechees, on pourrait cependant envisager de cibler une partie des

programmes sur des doctorants et post-doctorants.37

A noter au passage que la MIRe, dans la suite de ce document,enonce des pistes lui permettant ‘‘de contribuer – modestement – ala structuration de la recherche’’. Comme pour le PUCA, c’est a laparticipation de differentes formes de groupements de recherchequ’il est fait allusion (a des groupements d’interet scientifique –GIS, mais aussi a des axes de recherche dans certaines Maisonsdes Sciences de l’Homme).

En fin de compte, c’est toute une palette de possibilites qui s’offreaux organisations-frontieres dont le projet est de constituer-structurer un milieu de chercheurs sans recourir exclusivement auxpratiques des programmes incitatifs de recherche. On a vu en effetque PUCA et MIRe contribuent a la constitution d’un milieu derecherche, a sa mise en forme, a la structuration de groupementsde chercheurs sur des thematiques pertinentes pour les pouvoirspublics (aussi bien en reference aux politiques publiques qu’aux evo-lutions des milieux des praticiens). Les moyens a leur dispositionpour accomplir cette tache relevent de la participation a la creationde nouvelles filieres de formation universitaire, de l’orientationthematique de jeunes chercheurs par l’attribution d’allocations derecherche ou equivalent. Ils peuvent aussi jouer un role effectifdans l’acces des chercheurs a des donnees administratives. Dotesd’un tel portefeuille d’activites, PUCA et MIRe etablissent, organi-sent et orientent le collectif qu’elles mobilisent.

A cette etape du processus de production des connaissances, cesactivites s’inscrivent dans un travail d’articulation dont l’objet estde mettre en place les cadres et les procedures requis pour l’organi-sation de la cooperation des differents mondes impliques. C’est le caspour le droit social qui compose les preoccupations des administra-teurs et celles des chercheurs avec la promulgation de ‘‘courant derecherche’’, ou encore, du reseau ‘‘socio-economie de l’habitat’’qui implique administrateurs et chercheurs tout en interessant lesgestionnaires de l’habitat. Ce travail d’articulation œuvre aussi a

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la mise en coherence des differents ordres de taches que ces activitescomprennent. Par exemple, flecher des allocations de recherche etsoutenir financierement des jeunes chercheurs comme prealable aulancement d’appel d’offres sur des themes de recherche delaisses, ouencore, tenir compte de l’actualite de la recherche avant de lancerde grandes enquetes administratives (productrices de donnees).La Figure 2 resume les activites auquel ce travail d’articulationdonne lieu.

Troisieme etape: transporter

La troisieme et derniere etape consiste a mettre en circulation lesenseignements et resultats des activites incitatives menees par lesinstitutions specialisees. Il s’agit d’organiser le ‘‘retour sur lemonde’’ des connaissances produites, en les adaptant aux specificiteslocales des situations ou elles seront transportees (Callon et al.,2001). Quels sont les espaces de circulation pour ces connaissances?Formuler un probleme et organiser le collectif qui s’efforcera de

le resoudre impliquent la mise en place d’espaces de rencontres, dedebats, entre chercheurs et profanes (administrateurs, responsables

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FIGURE 2

Travail d’articulation et processus de production de connaissances: deuxieme etape

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Page 20: Travail d'articulation et organisations-frontières dans la recherche

politiques, praticiens). Ces interfaces sont plus ou moins formalisees,plus ou moins stabilisees, dotees parfois d’une reconnaissance insti-tutionnelle. Le PUCA et la MIRe sont largement investis dans detels lieux, ou se rencontrent une multitude de partenaires. Ils repre-sentent des occasions de mise en circulation des connaissancesacquises par ces deux institutions incitatives, sans pour autant etredirectement rattaches a un programme de recherche particulier.

Comprenant dans son champ de competences les metiers lies auxbatiments, aux travaux publics et a l’habitat, le PUCA se presente,dans le document qui expose son budget pour 1999 (date du15 mars 1999), comme le ‘‘lieu privilegie pour mener ces analyses[liees a l’apparition de nouveaux metiers, reglements, competences]de maniere ouverte, et pour initier les debats qui vont immanquable-ment en resulter’’ (p. 3). La liste des partenaires qui suit, outrela DGUHC et la DAPA,38 mentionne les ‘‘professionnels del’urbanisme’’, les maıtres d’ouvrage prives et publics (l’ANAH,l’UNFOHLM),39 les entreprises de batiments et travaux publics etleurs organisations professionnelles, ainsi que differents represen-tants de metiers lies a la maıtrise d’œuvre. Sans chercher a les iden-tifier exhaustivement, c’est tout un ensemble d’interfaces de cettenature qui sont gerees par le PUCA, avec comme objectif d’effectuerdes mises au point sur une question particuliere, de dresser un etatdes savoirs dans un domaine singulier. Elles constituent autantd’espaces de mise en circulation des connaissances du PUCA quiproviennent pour partie de ses activites incitatives.40

La MIRe aussi est institutionnellement liee a d’autres partenairesavec lesquels elle echange regulierement (DREES, Institut Nationalde la Sante et de la Recherche Medicale – INSERM, InstitutNational d’Etudes Demographiques – INED, Institut National dela Statistique et des Etudes Economiques – INSEE . . .), ce qui luioffre de nombreuses opportunites pour communiquer les enseigne-ments issus des activites qu’elle conduit. De plus, sa recente volontede diversifier les modes de mobilisation de la recherche l’a amene, onl’a vu, a s’investir dans des activites communicationnelles. Ainsi,dans un document presentant ses propositions d’orientation amoyen terme peut-on lire que ‘‘les programmes organises sousforme de seminaires, avec publications a la cle, sont a developper’’.41

Et plus generalement, ‘‘Il s’agirait de rechercher de nouveaux parte-nariats avec des organismes scientifiques et d’autres institutions,par exemple pour soutenir et co-financer des bourses, des reseaux

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Page 21: Travail d'articulation et organisations-frontières dans la recherche

internationaux, ou encore contribuer a la structuration de poles derecherche’’.42

Ce que confirment ses dernieres orientations relatives a desactivites d’echange sur des thematiques particulieres. Le docu-ment ‘‘propositions d’orientations de la MIRe pour 2002’’ date du25 fevrier 2001, stipule qu’il conviendrait de ‘‘developper les semi-naires permettant une confrontation des approches des chercheurs,des administratifs et des professionnels’’ (p. 5), avec commeprecision un peu plus loin que ‘‘L’interet majeur de ces seminaires,outre la production d’etats de l’art synthetiques dans un delaiassez court, est de favoriser un dialogue et des echanges soutenusentre chercheurs, administratifs et professionnels’’ (p. 5).PUCA etMIRe ont ainsi developpe des instances consacrees a des

echanges inter-categoriels et inter-institutionnels qui constituentautant de potentiels espaces de circulation des resultats de leursactivites. Mais d’autres espaces permettent aussi le transport deces derniers. Chacune de ces institutions possede sa propre revue dif-fusee en grand nombre et a une multitude d’acteurs: Les Annales dela Recherche Urbaine pour le PUCA, Les Cahiers de la MIRe pourcette derniere. Elles offrent un espace de diffusion des resultats quiproviennent de leurs actions d’incitation. Enfin, des maisons d’edi-tion ont comme politique editoriale d’accueillir des textes qui fontetat de recherches ou de savoirs elabores dans le cadre d’activitesincitatives.43

De plus, les gestionnaires de recherche eux-memes peuvents’investir dans la ‘‘valorisation’’ des activites qu’ils menent en expo-sant leurs resultats lors de seminaires internes a leur administrationou organises en concertation avec d’autres ministeres ou institu-tions.44 Par ailleurs, les enseignants-chercheurs qui cooperent avecdes institutions incitatives sont aussi susceptibles de transmettreles produits qui en resultent a leurs auditoires (cours, seminaires,conferences), d’autant plus si des accords ont ete realises dansce sens (comme pour l’universite de Marne la Vallee, ou avecdes ecoles professionnelles pour les formations professionnelle etpermanente).A cette derniere etape du processus productif de connaissances,

PUCA et MIRe organisent le transport des produits qui resultentde leurs activites au sein des mondes sociaux concernes. A l’aidede differents objets-frontieres comme des collections dans desmaisons d’edition,45 par l’etablissement d’interfaces, lors de reunionsde travail impliquant une pluralite d’institutions, il s’agit de faire en

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sorte que ces produits deviennent des ressources pour les actionspropres a chacun des mondes sociaux mobilises. Par exemple, lesactivites incitatives relatives aux themes de l’habitat peuvent par-ticiper a l’elaboration d’un referentiel commun mobilise lors de ladefinition de nouvelles politiques publiques a mettre en œuvre dansle domaine du logement; ou bien peuvent informer les maıtres d’ouv-rage publics et prives des evolutions dans les modalites d’acces a lapropriete immobiliere.

La Figure 3 propose un recapitulatif du travail d’articulationeffectue par ces organisations-frontieres.

L’analyse empirique des prerogatives des institutions publiquesincitatives francaises relatives a l’administration de recherches achacune des etapes du processus productif de connaissances donnea voir un large portefeuille d’activites. Celui-ci s’est progressivementconstitue depuis l’avenement de la recherche urbaine, au cours desannees 1960 (Milanovic, 2003; 2005). Plus precisement, les institu-tions incitatives publiques nationales de recherche qui œuvrentdans le domaine de l’urbain se livrent a un travail d’articulationqui vise a permettre a la diversite des acteurs en presence d’interagirde maniere coordonnee autour d’activites destinees a l’elaborationde connaissances. Dans ce dessein, ces organisations investissentdans des objets-frontieres avec lesquels les representants des diffe-rents mondes sociaux impliques cooperent (comme pour les donneesadministratives), mettent en place des interfaces qui constituent

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FIGURE 3

Travail d’articulation et processus de production de connaissances: troisieme etape

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Page 23: Travail d'articulation et organisations-frontières dans la recherche

des lieux ou ces derniers se rencontrent pour echanger (comme lesseminaires de divers types), ont recours a des procedures destineesa regler les modalites d’interaction des acteurs en presence (commedans le protocole d’accord entre le CNRS et la MIRe). C’est par cesactivites organisationnelles qu’est effectue un travail d’articulationqui est tout a la fois un ‘‘travail de planification, d’organisation,de suivi, d’evaluation, d’ajustement et de coordination d’activites’’(Fujimura, 1996: 186). C’est par lui qu’une pertinence plurielle estconferee aux connaissances elaborees dans ces cadres.46 Analyseici a un seul niveau, celui de l’organisation institutionnelle de lacooperation, ce travail consacre les institutions incitatives etudieescomme organisations-frontieres. A ce titre, elles sont a prendre encompte en tant que composante du collectif de recherche mobilisepar, et dans, la recherche urbaine.

Conclusion

Dans ses recherches sur l’institutionnalisation des sciences, T. Lenoira montre que les disciplines scientifiques prennent en charge les acti-vites organisationnelles qu’implique la differenciation des acteurset des sites dans les sciences contemporaines. Pour lui, les sciencess’institutionnalisent sous forme de disciplines par la mise en œuvred’un travail qui presente deux dimensions. La premiere vise a tenircompte, dans ce mouvement d’institutionnalisation, d’une perti-nence qui ne soit pas qu’exclusivement scientifique (elle peut etresociale, economique, politique, etc.). La seconde vise a fournir auxchercheurs les ressources qu’ils convoitent afin de resoudre theori-quement ou techniquement leurs problemes de recherche (Lenoir,1997).Le cas de la recherche urbaine met cependant en evidence que des

organisations-frontieres, ici des institutions publiques incitatives,peuvent (s’)investir elles aussi dans ce travail et s’acquitter desactivites organisationnelles que celui-ci recouvre. En ce sens, ces acti-vites sont susceptibles non seulement de s’institutionnaliser sousdiverses formes (dans des disciplines, dans des institutions publiqueset plus generalement dans des organisations-frontieres), mais ausside participer aux processus d’institutionnalisation des sciences.Apparaissent ici les limites de la these du mode 2 pour qui les

developpements actuels des sciences seraient marques par une‘‘desinstitutionnalisation’’ (Nowotny et al., 2001). Il me semble

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Page 24: Travail d'articulation et organisations-frontières dans la recherche

plus heuristique d’elaborer une perspective d’analyse qui tiennecompte de l’heterogeneite des acteurs, des institutions, des sites,des ressources et des activites qu’engagent les sciences. Les tenantsde la these du mode 2 negligent la stabilite institutionnelle quesuppose l’accomplissement d’activites scientifiques. Car produiredes connaissances scientifiques implique que des personnes aientete formees afin de disposer des competences requises pour etrechercheur (d’ou l’importance des disciplines) et que des espaces decertification soient en place afin d’evaluer scientifiquement lesrecherches effectuees. Mais c’est aussi parce que les sciences interes-sent d’autres acteurs (economiques, associatifs, politiques, etc.)qu’elles parviennent a se procurer les ressources necessaires a leurdeveloppement. Il s’agit donc moins d’apprecier les evolutions dessciences en fonction de categories binaires antagonistes (du typeautonomie/heteronomie) qu’en etant attentif a la diversite desespaces ou les sciences s’accomplissent. Certains de ces sites sontplutot autonomes (comme ceux lies a la formation dans les disci-plines ou ceux impliques dans les activites de certification), alorsque d’autres sont plutot heteronomes (comme la recherche effectueedans les secteurs de Recherche et Developpement, ou ceux en etroiteliaison avec les pouvoirs publics).47

D’ou une perspective d’analyse qui se donne pour ambitiond’etudier les modalites d’articulation de ces differents espaces sansexclure aucun des elements qui y sont impliques. La notion de‘‘regime de production’’ de connaissances est sur ce point pertinentepuisqu’elle releve d’une approche dans laquelle les sciences sontfaites d’un vaste ensemble de relations qui impliquent des produc-tions de tous ordres, des pratiques, des valeurs et des normes, desinstitutions, des modes d’insertion politique, des realites economi-ques et juridiques, etc. (Pestre, 2003: 34). C’est alors par une com-binaison singuliere de ces differents elements que se particulariseun regime de production des connaissances. Et c’est parce quedifferentes combinaisons sont possibles qu’il existe une pluralite deregimes.

Dans ce texte, j’ai voulu mettre en evidence que les organisations-frontieres sont l’une des composantes des collectifs impliques dans laproduction de connaissances. A ce titre, elles sont l’un des elementsqui participent de la singularisation des regimes. Le corollaire decette assertion est que la diversite des modalites par lesquelles cesorganisations s’acquittent de leur cahier des charges est susceptiblede participer d’une pluralite des regimes de connaissance.

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Page 25: Travail d'articulation et organisations-frontières dans la recherche

Cette notion d’organisation-frontiere peut ainsi equiper uneanalyse des evolutions des manieres contemporaines de produiredes connaissances scientifiques qui soit moins evolutionniste etdeterministe que celle du mode 2 et fasse davantage cas des enjeuxet des pratiques politiques au sein desquels ces evolutions prennentplace.

Fabien Milanovic est chercheur dans une equipe de recherches de l’INSERM

(U 558) specialisee dans l’etude interdisciplinaire des relations entre genomique

humaine et sante publique. Son vecteur principal de recherches concerne les

configurations chercheurs/non chercheurs dans les activites de production de con-

naissances scientifiques. Apres avoir effectue sa these au Centre d’Etudes des

Rationalites et des Savoirs (CERS, UMR CIRUS-CNRS 5193) sur un domaine

de recherches particulierement investi par les pouvoirs publics, la recherche

urbaine, et donc pertinent pour ce questionnement, il etudie desormais la

recherche biomedicale. Celle-ci, notamment au travers des banques de collections

d’echantillons biologiques, s’avere pertinente pour explorer les evolutions des

pratiques de recherche qui nouent differents types d’acteurs. Ce sont les regimes

de production de connaissances qui y co-existent que ses recherches pointent,

ainsi que les enjeux de sante publiques afferents. Adresse de l’auteur: Faculte de

medecine, Inserm U 558 (Epidemiologie et analyses en sante publique: risques,

maladies chroniques et handicaps), 37 allees Jules Guesde, F-31073 Toulouse

Cedex II, France. [email: [email protected]]

Notes

1. Depuis la publication de l’article de Collins et Evans, un debat s’est instaure

dans la revue Social Studies of Science. Il y est question de la pertinence d’une

‘‘troisieme vague’’ dans les etudes sur les sciences afin de rendre compte du recours

croissant a l’expertise et a l’experience des chercheurs dans une perspective de

contribution a la resolution d’une multitude de problemes.

2. Voir Pestre (1997, 2003), Weingart (1997) et Shinn (2002) pour des commen-

taires critiques de la these du ‘‘mode 2’’.

3. Les materiaux empiriques mobilises dans la suite du texte proviennent d’une

recherche sociologique effectuee dans le cadre d’une these de doctorat (Milanovic,

2003). Concernant les institutions incitatives, les enquetes ont consiste en entretiens

(N ¼ 20) aupres de gestionnaires de recherche et de responsables de services de

recherche, et a recueillir toutes sortes de documents informant l’activite de recherche

qui y etait menee (bilans d’activites, comptes-rendus de reunion, notes de service,

previsions budgetaires, documents d’auto-presentation, rapports d’etude, projets

de programme, journal d’information). En annexe figure la liste des documents

employes dans ce texte.

4. Les Plans concernes sont ceux qui portaient sur la reconstruction du pays, sur

les logements, sur les amenagements urbains, et plus generalement sur les pheno-

menes lies a l’urbanisation.

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5. Qui sont autant de lieux de rapprochement de disciplines qui ont en commun

un meme objet (l’urbain) et qui sont susceptibles d’intervenir sur la ville en parta-

geant une demarche commune.

6. C’est de cette facon qu’est presente l’expose de ‘‘l’etat des savoirs sur la ville et

l’urbain’’ dans un ouvrage collectif (Paquot et al., 2000): il s’agit de faire parler

chaque discipline convoquee sur la ville (geographie, sociologie, anthropologie,

demographie, histoire, economie, droit, philosophie, architecture et urbanisme,

litterature), les unes a la suite des autres, de maniere monodisciplinaire.

7. Il faut rappeler que les travaux menes par les chercheurs dans ce cadre sont

ensuite convertis en articles ou ouvrages, c’est-a-dire qu’ils sont evalues et certifies

par leurs pairs. Cette articulation entre espaces academiques et pouvoirs publics

est fondamentale. Voir Lassave (1997) pour une analyse documentee et minutieuse

de cette ‘‘configuration intellectuelle de nature etatique’’ qui participe de la forma-

tion et de la carriere de nombre de chercheurs en sciences sociales.

8. Ce terme est a prendre dans un sens generique: il concerne aussi bien les pro-

fessionnels de l’urbanisme, de la ville et du developpement local (urbanistes, archi-

tectes, ingenieurs, techniciens, chefs de projet, etc.) que des associations d’usagers,

ou qui interviennent dans le domaine du cadre de vie, de l’environnement, etc.

9. L’investissement d’institutions publiques dans l’organisation de la recherche

urbaine a contribue historiquement a institutionnaliser ce domaine de connaissances.

Voir Milanovic (2005) pour une analyse documentee et une mise en perspective

historique.

10. Bien qu’il faille preciser d’emblee que, meme si un certain nombre d’elements

traites dans ce texte afferent aux ‘‘contenus cognitifs’’ des connaissances elaborees,

l’analyse qui suit ne vise pas a rendre compte de la structuration de ceux-ci, une

telle perspective necessitant a elle seule un autre texte.

11. Sur cette perspective en termes de ‘‘monde social’’, voir l’article seminal

d’A. Strauss (1992).

12. Direction Generale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction.

13. Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques.

14. Arrete paru au Journal Officiel du 24 fevrier 1999, article 3.

15. Les programmes incitatifs donnent lieu a un travail d’articulation de type

operationnel et de trajectoire qui a ete etudie par ailleurs (Milanovic, 2000, 2003).

16. Cette notion designe ‘‘l’ensemble des elements qui participent a la fabrication

des savoirs’’ (Callon et al., 2001: 85).

17. L’anonymat ayant ete garanti aux personnes interviewees, les initiales indi-

quees sont fictives.

18. Lettre d’ou les precedentes citations sont extraites.

19. Comite installe le 12 fevrier 2001 par le decret no 2001–139, sous la tutelle des

ministres charges de l’economie, de l’emploi, de l’education nationale et de la

recherche.

20. Les objets-frontieres sont des objets autour desquels cooperent plusieurs cate-

gories d’acteurs. Suffisamment flexibles pour donner lieu a des appropriations

diverses, ils sont aussi suffisamment robustes pour generer de la coherence entre

les differentes parties qui les emploient.

21. In Premier Plan. Journal d’information du PUCA, ministere de l’Equipement,

des Transports et du Logement, juin 2000, no 3, p. 18. Les citations qui suivent en

sont aussi extraites.

Milanovic Etudes sur la science 133

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22. ‘‘ici aussi, l’atelier peut avoir forme de seminaire, procedant, si necessaire, a

quelques recherches specifiques’’, Premier Plan. Journal d’information du PUCA, p. 19.

23. Par exemple, ‘‘on se souciera d’identifier les processus createurs de nouvelles

technologies, les domaines dans lesquels on peut les attendre, leurs effets sur les pra-

tiques transversales ou quotidiennes, criteres directeurs de la societe sur lesquels ils

influeront ’’, Premier Plan. Journal d’information du PUCA, p. 20.

24. ‘‘Cet atelier aura pour delicate mission de depasser les cesures traditionnelles

entre les services de l’habitat et les services de l’habiter, entre les services des presta-

taires et les services inherents aux batiments’’, Premier Plan. Journal d’information

du PUCA, p. 20.

25. In PUCA, programme pluriannuel de recherche et d’experimentation 2001–5,

juillet 2000, page 55.

26. In Comite de concertation pour les donnees en sciences humaines et sociales,

presente sur le site du ministere de la Recherche a l’adresse suivante: http://www.

recherche.gouv.fr/comite/shumaines.htm

27. In MIRe: Compte-rendu de la reunion du conseil scientifique du 29 novembre

2000, page 2.

28. In PUCA: programme pluriannuel de recherche et d’experimentation 2001–5,

juillet 2000, p. 3.

29. M. Marie est l’une des figures de la recherche urbaine incitative. Voir son

ouvrage publie en 1989 pour le temoignage de son experience en tant que chercheur

et acteur de cette politique de recherche incitative.

30. Pour des temoignages et des analyses documentees sur ce sujet, voir le numero

special ‘‘Enjeux scientifiques et developpements de la recherche sociale’’ publie par

La vie sociale (revue du CEDIAS), nos 2–3, 1996.

31. La MIRe est par ailleurs membre des conseils qui president aux destinees de

l’INSERM et de l’INED.

32. On vient de voir le cas des recherches sur le social, d’autres exemples auraient

pu etre exposes, comme celui du ‘‘reseau de socio-economie de l’habitat’’ du PUCA.

Constitue en 1991 sur initiative politique, finance pour l’essentiel par le ministere de

la Recherche (via le BCRD), mais administre initialement au sein du PUCA, c’est

pour explorer une thematique preoccupant la puissance publique et delaissee par

la recherche que ce regroupement formel de chercheurs a ete etabli (devenu Groupe-

ment de Recherche en 1994, il est depuis 1999 un Groupement d’Interet Scientifique).

Cet agencement organisationnel, qui se situe aux interstices des institutions incita-

tives et academiques, visait a offrir une structure souple aux chercheurs afin qu’ils

puissent developper des recherches sur les thematiques indiquees et financees par

le ministere du Logement.

33. ‘‘Plusieurs chercheurs et equipes de recherche sont desormais mobilises dans

les programmes d’etudes des sous-directions de la DREES (etudes approfondies,

exploitations secondes de donnees statistiques, participation a des groupes de travail,

a la preparation de nouvelles enquetes . . .)’’ in MIRe: elements de bilan et proposi-

tions d’orientations de moyen terme, note interne redigee par le directeur de la

MIRe, datee du 22 novembre 2000, p. 3.

34. In Budget du PUCA pour 1999, presentation globale, document interne du

PUCA, 15 mars 1999, p. 13.

35. In Budget du PUCA pour 1999, presentation globale, document interne du

PUCA, 15 mars 1999, p. 13.

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Page 28: Travail d'articulation et organisations-frontières dans la recherche

36. MIRe: elements de bilan et propositions d’orientations de moyen terme,

22 novembre 2000, p. 4.

37. MIRe: elements de bilan et propositions d’orientations de moyen terme,

22 novembre 2000, p. 5.

38. Direction de l’Architecture et du Patrimoine.

39. ANAH: Agence Nationale pour l’Amelioration de l’Habitat; UNFOHLM:

Union Nationale des Federations d’Organismes d’Habitations a Loyer Modere.

40. On trouve nombre d’exemples de tels espaces dans le programme pluriannuel

de recherche et d’experimentation du PUCA pour 2001–5, document deja cite.

41. In MIRe: elements de bilan et propositions d’orientations de moyen terme,

22 novembre 2000, p. 6.

42. In MIRe: elements de bilan et propositions d’orientations de moyen terme,

22 novembre 2000, p. 6.

43. Comme exemple, les editions du Seuil se sont engagees avec la MIRe et le

PUCA dans un projet de collection (intitule ‘‘textuel’’) destinee a publier des travaux

de recherche finances par ces deux institutions.

44. ‘‘on a convenu avec lui [un chercheur] le 4 juin de faire une rencontre avec les

elus de l’AMGDF [Association des Maires de Grandes Villes de France], on va leur

presenter, la encore, deux recherches du programme. Ca, c’est des petits exemples, et

puis il s’en cree comme ca tous les jours’’ (Mme E., chargee de mission, PUCA).

45. Par exemple la collection ‘‘Villes et territoires’’ des Presses Universitaires du

Mirail.

46. Cette notion de pertinence plurielle signifie que les connaissances produites

sont pertinentes pour chacun des mondes mobilises: elles participent de l’elaboration

de referentiels d’actions publiques (pertinence politico-administrative), elles docu-

mentent et permettent de rendre compte de certains phenomenes (pertinence scienti-

fique), elles accroissent l’efficience des actions d’intervention sur le reel (pertinence

pratique).

47. Ces analyses font echo a celles de Galison (1997) pour qui les sciences sont

constituees de ‘‘micro-cultures’’ intercalees les unes par rapport aux autres. Pour

cet auteur, des changements dans l’une de ces micro-cultures n’ont pas necessaire-

ment d’incidences sur les autres. Il y aurait certes des ‘‘coordinations locales

malgre des differences globales’’, c’est ce que l’auteur qualifie de ‘‘zone de transac-

tion’’ (1997: 138), mais sans possibilite d’une integration de niveau superieur qui

concernerait l’ensemble des parties.

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Budget du PUCA pour 1999, presentation globale, document interne du PUCA,

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