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Wulf - Esthetique de St. Thomas

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    TUDES HISTORIQUESSUR

    m l DE SAINT 11PAR

    MAURICE DE WULFDOCTEUR EN DROIT. DOCTEUR EN PHILOSOPHIE ET LETTRES

    PROFESSEUR A L'UNIVERSIT DE LOUVAIN

    LOUVAINI N S T 1 T tr S U P R I E U II I) E P H 1 1. SOPHIE

    1, RUE DES FLAMANDS, 11896

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    INTRODUCTION

    Saint Thomas d'Aquin est mort lage de quarante-huitans, dans tout l'clat d'une carrire d'enseignement et d'tude.A une poque de la vie o tant d'autres penseurs commencent peine d'crire, il laisse comme fruit de ses labeurs la matired'une trentaine de volumes in-folio ; et l'on se demande avectonnement ce qu'il faut admirer surtout chez ce prince de lascience mdivale, ou sa fcondit prodigieuse ou la pntrationde ses gniales visions.

    Il va sans dire que la vaste synthse philosophique et tho-logique qui se dveloppe si majestueuse sous la plume desaint Thomas, n'est pas la soudaine conqute d'une" intelligencesuprieure aprs un pass d'ignorance. La doctrine scolastiquen'a pas jailli un jour du cerveau d'un homme de gnie. C'estun organisme qu'on voit se dvelopper dans une progressionlente et paisible. Les gnrations de philosophes qui sesuccdent depuis le ixe jusqu' la fin du xn e sicle apportenttoutes leur contingent d'ides, et posent une une les pierres del'difice qui, au xm e sicle, se dresse dans toute son ampleur l).La scolastique n'est pas seulement redevable de sa gloire ses premiers pionniers, elle est encore tributaire de la

    i) Voir mon Histoire de la Philosophie scolastique dans les Pays-Bas et laPrincipaut de Lige. (Louvain, Uystpruysl et Paris, Alcan 180.",) p. xi et xn.

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    fi philosophie grecque. C'est surtout dans YOrganon d'Aristoteque le moyen ge apprend peu peu reflchir et raisonner,et l'on sait le respect reconnaissant de la scolastique touteentire pour le Stagyrite.

    Il serait utile et intressant de dmler dans la doctrinethomiste.ee qui d'une part constitue l'acqut de son originalit,et ce qui d'autre part est un emprunt au pass. Sans compterque cette uvre d'impartiale justice jetterait un jour nouveausur la valeur scientifique d'une foule de personnalits philoso-phiques, elle aurait pour rsultat, pensons-nous, de magnifierla grande figure de saint Thomas devant l'histoire, et de fondersa gloire sur des hases inbranlables. Nous en sommes con-vaincus, on ne pourrait rendre au thomisme de plus minentservice que de le livrer tout entier au crible de la critiquehistorique. Le jour o ce travail sera termin, bien des prjugstomberont, et l'on cessera de rpter le vieux thme sceptiqueque la doctrine scolastique est le dcalque inintelligent dupass.

    Ce travail, pour tre men bonne fin, exigerait de colos-sales analyses ; mais saint Thomas Ibi-mme y viendrait en aide.En effet, il a conscience de ce qu'il doit au pass, et il indiqueloyalement et minutieusement les sources n il puise. On peutdire qu'il professe pour-la proprit s- -\ fique un respectscrupuleux que ne connat eurela philosophie moderne. DepuisDescartes, les philos- hes. raillent Aristote et les scolastiques,tout en subissant rfoiE Influence. La Bruyre les comparefinement des enfants i, aprs s'tre repus et fortifis d'unbon lait, battent leur= nourrices. Loin de renier ses prdces-seurs, saint Thomas exalte.ler savoir, et trs souvent, commenous aurons l'occasion de le dire, il leur cde la priorit d'unepense dont lui-mme pourrait revendiquer tout l'honneur.

    ** *

    Nous avons, dans ces tudes, dtach de la synthse thomistequelques questions relatives au beau. Nous essaierons de

    ;

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    7 montrer commenl on les avait rsolues avant saint Thomas etcomment lui-mme les a comprises.

    Cet expos comparatif nous permettra de dterminer si lematre n'a fait que rpter les enseignements d'autrui, ou si, aucontraii'e, en donnant sa doctrine un cachet de nouveaut, ila contribu au progrs des ides esthtiques.

    Les limites que nous nous imposerons feront de ce travailnon un aperu complet sur ce qu'il y a d'original dans l'Esth-tique de saint Thomas, mais une monographie consacre desproblmes spciaux. Toutefois, avant de les aborder, il importede faire quelques remarques prliminaires sur la manire dontsaint Thomas tudie le beau.

    ** *Avant Baumgarten et Lessing, on n'a gure tudi, dans

    des truites spciaux aux cadres didactiques, les diversesquestions que soulve une thorie intgrale du beau. A cepoint de vue, qui est purement mthodique d'ailleurs, on peutdire que l'Esthtique mdivale est fragmentaire, tout commel'Esthtique ancienne.

    Saint Thomas parle du beau incidemment, propos d'autresmatires ; son Esthtique est noye dans sa Mtaphysique etsa Psychologie.

    Cette remarque n'est pas sans importance. Elle expliquenotamment qu'on peut se mprendre sur sa pense, si ons'attache la lettre de quelque formule isole ; pour dgagerl'entire signification de son systme esthtique, il faut selivrer une tude comparative d'un grand nombre de textes,les complter les uns par les autres et rapprocher les enseigne-ments qui s'en dgagent des conclusions fondamentales desa philosophie.

    Voici un autre procd auquel saint Thomas recourt volon-tiers dans ses tudes esthtiques, et qui pourrait induire enerreur : il suit la voie de la commentt ion. Mais cet exposde la doctrine d'autrui ne se perd pas dans de verbeuses et

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    ;

    8 striles exgses. Rien n'est plus contraire au gnie duxme sicle que ces allures des scolastiques de la dcadencedont on a pu dire qu' ils commentaient les commentairesdes commentaires . Saint Thomas n'est pas un mendiantd'ides et, sous ses commentaires, on sent vibrer la personnalitdans toute sa puissance. ,

    ** *

    Quels sont les auteurs que saint Thomas tudie?Les noms dont il se rclame de prfrence quand il s'agit

    du beau sont ceux d'Aristote, de Cicron, de saint Augustin,mais surtout de saint Denys l'Aropagite.On sait de quelle influence et de quelle autorit jouissent

    pendant le moyen cage, les traits attribus au disciple desaint Paul 1 ). Tous ceux qui se sont occups d'esthtique ont faitleurs dlices du trait des Noms divins ou plutt d'une seulepage de ce trait. C'est cette page que saint Thomas renvoiepresque invariablement le lecteur. Aussi, avec quelle minutieuseattention il la commente, et cherche pntrer la pensecomplte travers le laconisme des mots car la langue queparle saint Denys est concise et voile. quia plerumquerationibus effcacibus utitur (Dionysius) ad proposition ostcn-dendum, et multoties paucis verbis, vel ctiam uno verbo casimplicat 2).

    Plusieurs questions esthtiques que saint Thomas traiteavec une prdilection marque se rattachent directement cepassage de l'Aropagite, et comme nous les avons choisiespour en faire la matire de cette tude, nous demanderons la

    i) Ce sont : les traites de la Hirarchie cleste, de la Hirarchie ecclsia-stique, des Noms divins, de la Tholoyie mystique el une srie de lettres.Surtout la thologie et le mysticisme du moyeu ge se sont largement inspi-res de ces crits. Cfr. Mgr Darbov, (Entres

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    9 -permission de citer in extenso le texte qui les a inspires.C'est le chap. IV, $ 7 du trait des Xonis divins :Aprs avoir tabli que la bont est le premier des attributsdivins, et le principe de toutes choses ( 1 4); aprs avoirmontr que Dieu est la lumire intellectuelle et le soleil desesprits ( 5, 6); l'auteur, dans le langage mystique qu'ilaffectionne, dcrit en ces termes la beaut divine ') :

    " Nos thologiens sacrs, en clbrant l'infiniment bon, disent encorequ'il esl lu-an et la beaut mme, qu'il est la dilection et le bien-aim;et ils lui donnent tons les antres noms qui peuvent convenir labeaut pleine de charmes et mre des choses gracieuses. Or, le beauet la beaut se confondent dans cette cause qui rsume tout en sapuissante unit, et se distinguent,au contraire,chez le reste des tres,en quelque chose qui reoit et en quelque chose qui est reu.Voil pourquoi, dans le fini, nous nommons beau ce qui participe la beaut, et nous nommons beaut ce vestige imprim sur lacrature par le principe qui fait toutes choses belles. Mais l'infiniest appel beaut, parce que tous les tres, chacun sa manire,empruntent de lui leur beaut ;parce qu'il cre en eux l'harmoniedes proportions ci le resplendissement '), leur versant, comme unflot de lumire, les radieuses manations de sa beaut originaleet fconde: parce qu'il appelle tout lui (ce que les Grecs marquentbien en drivant xaXc, beau, de xaXtu, j'appelle,) et qu'en son seinil ressemble tout en tout. Et il est la fois appel beau, parcequ'il a une beaut absolue, surininente et radicalement immuable,qui ne peut commencer ni finir, qui ne peut augmenter ni dcrotre;une beaut o nulle laideur ne se mle, que nulle altrationn'atteint, parfaite sous tous les aspects, pour tous les pays aux yeux

    J ) Nous citons d'aprs la traduction te Mgr Darboy.') Nous nous cartons ici le la traduction de Mgr Darboy. Celle-ci porte:parce iju'il cre en eux l'harmonie des proportions et {es charmes blouissants.Voici le texte grec (dit Migne, Patrol. Grecque t III). To

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    i;

    de tous les hommes; parce que de lui-mme et en son essence,]) a nebeaut qui ne rsulte pas de la varit ; pane qu'il a excellemmentet avec antriorit le fonds inpuisable d'o mane tout ce qui estbeau. Effectivement, la beaut et les choses belles prexistent commedans leur cause, en la simplicit et en l'unit de cette nature siminemment riche. C'est d'elle que tous les tres oni reu la beautdont ils sont susceptibles ; c'est par elle que tous se coordonnent,sympathisent et s'allient ; c'est en elle que tous ne font qu'un. Elleest leur principe, car elle les produit, les meut et les conserve paramour pour leur beaut relative. Elle est leur fin et ils ont t conussur ce type sublime. Aussi le bon et le beau sont identiques, touteschoses aspirant avec gale force vers l'un et l'autre,et n'y ayant rienen ralit qui ne participe de l'un et de l'autre. Mme, j'oserai biendire qu'on trouve du beau et du bon jusque dans le non-tre ; aussiquand la thologie dsigne excellemment Dieu par une sublime etuniverselle ngation, cette ngation est chose bonne et belle. Le bonet le beau, essentielle unit, est donc la cause gnrale de toutes leschoses belles et bonnes... Doux ides ont frapp saint Thomas dans ce paragraphe.C'est d'abord le parallle gnral du beau et du bien et

    leur fusion intime dans l'Infini. Il faut se reporter cetendroit de saint Denys pour comprendre avec quelle ardeur leDocteur anglique a scrut les rapports du beau et du bien.S'il s'est moins empress de rapprocher le beau et le vrai,malgr les nombreux points de contact qui surgissent entreces deux notions dans son systme esthtique, le silence del'Aropagite en est, croyons-nous, la cause principale.

    La seconde ide que saint Thomas va reprendre jaillit d'unephrase incidente ainsi conue: - Mais l'infini est appel beaut,parce que tous les tres, chacun sa manire, empruntent delui leur beaut, parce qu'il cre en eux l'harmonie desproportiom et le resplendissement . * ')

    i) Nous avons cit le texte grec dans la note prcdente. Voici la traductionlatine insre en tte du Commentaire des Xoms divins, attribu saint Tho-mas "Supcrsubstantiale vero pulchnim pulchritudo quidem dcitnr, proptertraditain al> ipso omnibus existcnlibus juxla proprietatem uniuscujusquepulchritudinem et niait universorum coiisonatiiicc et caritatis causa.

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    11 C'est autour de ce texte, dont l'importance est capitale, que

    saint Thomas fait pivoter pour ainsi dire toute sa thorie dubeau objectif.

    - Sicut accipipotest ex verbis Dionysii (de div. nom. cap. IV.p. 1. lect. 5 et 0) ait rationem pulcri sive decori conewrit etclaritas et proportio '). La proportion et la splendeurdeviennent pour saint Thomas les lments objectifs de labeaut. Kn divers passages, il ajoute une troisime conditionaux deux premires : l'intgrit (iniegritas *) qu'il appelle aussila grandeur (magniludo :i). 11 nous dit lui-mme dans quelendroit de l'Ethique d'Aristote (Chap. VI, 1. IV), il a trouvcette ide (pie la grandeur rsultant de l'intgrit de l'tre estun attribut de la beaut - dicit (Philosophus) quod pulcritndonon est nisi in magna corpore ; unde pavri homines possunldici commensurati et formosi, sed non pulchfi. *)Nous nous proposons de suivre le Docteur anglique dans

    les dveloppements qu'il a donns ces deux thses esth-tiques greffes sur le texte de saint Denys : l'une vise lesrapports gnraux du beau et du bien ; l'autre est la thoriedu resplendissement du beau que saint Thomas mne toujoursde front avec celle de la proportio dbita, et quelquefois avecla doctrine aristotlicienne de la magnitudo ou de l'intgrit.

    C'est cette dernire thorie que nous tudierons d'abord.Saint Thomas a fait sienne la doctrine de la claritas pulcri ;mais il l'interprte dans un sens que n'a point souponn celuidont il se rclame; il la met en connexion troite avec cequ'il a crit de plus original en esthtique et lui donne ainsile cachet de la personnalit.

    ') S Theol., 2* 2", q. 145, a. 2. c. Cfr. ibid., q. 142, a. i et q. ISO a. 2 ad. 3. 1. q. 39, a. S. c. In l I Sentent., Li^t. sxxi q. 2. a. 1 etc., etc.n S. Theol. i', q. 39, a. & c:

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    CHAPITRE PREMIER

    LE RESPLENDISSEMENT DU HEAO.

    Ce n'est pas dans les traits de saint Denys que nous 030nsapparatre ponr la premire fois la thorie de la etoj*^* puCondense dans une formule concise,

    que saint J****lire aussi bien dans les crits de Cicron que dan. ceu* desaint Augustin, cette thorie a une histoire plus eu.. ssculaire Elle apparat au berceau mme ^* V* ^grecque, pour traduire un sentiment esthtique prof ndenlentLr dans l'esprit populaire; les gnrations la eg en t. xgnrations.et de Socrate saint Thomas elle peut i ex qoeipour elle une tradition continue. ;,iLi Ue

    Ce n'est pas dire quelle se r;tr,,v epartou idon , 00.

    Elle est emporte par le moov ^%*les ides; elle s -,aux systmes gnraux, et suit** ^^f^^^ttransformation qui travaille l'esthtique pendant 1 antiquitles premiers sicles du moyen g? n wtoire

    Si nous nous en tenons aux grandes, lignes de son 1 o ,la thorie de l'clat du beau revt dans la philosophie grecquedeux acceptions principales que nous P^ lsCl'01^ e "Saint Thomas en proposa une troisime,

    plus comprehen^iveplus profonde, celle qui vint donner au problme , es kune solution dcisive, et dont les iniluenecs dominent toutel'estlitique moderne.

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    Les thories anciennes.Au dbut du chapitre 10 du livre III de ses Mmorables,Xnophon met en scne Socrate et le peintre Parrhasius.Pench sur l'paule de l'artiste, le philosophe regarde d'un

    il ironique le portrait qu'il achve, et, faisant allusion lathorie courante de l'antiquit sur la nature de l'art, il l'inter-rompt avec le sourire complaisant de l'homme sr de lui-mme. Vous dites, mon cher Parrhasius, que l'art n'est qu'uneimitation. Mais quoi ! ce qu'il y a de plus attrayant, dplusravissant, de plus aimable, de plus dsirable, de plus sduisant,l'expression morale de l'me, vous ne l'imitez point ? Ou bienest-elle inimitable ?

    Mais le moyen, Socrate, de l'imiter ? rpond l'artisteembarass? Car peut-on bien imiter ce qui ne possde niproportion ni couleur ? Z ^i-i ffuit/urpta* ur,n ycax... eyd.La propor :! n et la couleur ne sont pas seulement aux yeuxde Parrhasius les conditions de l'imitabilit des choses, maisultrieurement et surtout les lments de leur beaut. La phi-losophie grecque ne fait que traduire cette conviction artistiqueet populaire quand elle dfinit dans ses thories esthtiques lerle de la proportion et de la couleur.En ce qui concerne la proportion des parties, et l'ordre quien rsulte, on sait la valeur esthtique prpondrante quePlaton et Aristotc lui accordent. L'analyse mtaphysique duconcept d'ordre rsume, peut-on dire, toute leur thorie surla nature du beau.

    La mesure et la proportion, dit le Philbe, sont leslments de la beaut > et elles trouvent dans la figuregomtrique leur manifestt ion la plus claire. Pourque dans sesentrailles les plus profondes, le inonde matriel porte l'empreintede la beaut, Platon rduit les atomes irrductibles de l'air,

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    14 du feu, de l'eau et de la terre des figures planes et rgulires.Les trois premiers corps ont pour forme gnratrice communeun triangle rectangle scalne dont l'hypotnuse a le double duplus petit ct. Cette thorie cosmologique a son fondementdans une conception a jiriori, car Platon nous avertit lui-mmequ'il choisit ces rapports parce qu'ils sont les plus harmonieux;partant les plus beaux ').

    Aristote a repris les vues de son matre sur le beau objectif;il s'est born insister sur la grandeur comme un autrelment de la beaut qu'il faut ajouter l'ordre, ri yip v.txlhvh (iye9t vm -;ei (Pot. vu). Le beau consiste dans l'ordreuni la grandeur.

    On peut dire quei'aiitiquit,lemoyenge,etrpoquemoderneont recueilli ces enseignements sur la signification esthtiquede l'ordre; aujourd'hui encore ils retentissent travers lessicles comme la voix sonore de la vrit.Nous devons tudier plus attentivement l'autre condition

    dont Parrhasius nous parle, savoir la couleur.Et d'abord, dans la conception grecque, la couleur est-elle

    essentielle la beaut, au mme titre que la proportion ?Platon ne parle pas de la couleur comme d'une condition

    indispensable au beau. S'il insiste sur la beaut d'une couleuruniforme le blanc uni, par exemple *), c'est qu'il y dcouvreune image trs apprciable de Yunil une entit qui, con-formment la mtaphysique platonicienne, habite les sphresdu monde suprasensible.

    Cependant, quand Parrhasius nous dit qu'une toile est bellepar les nuances de ses couleurs autant que par les proportionsde l'objet qu'elle reprsente, il n'en exprime pas moins unsentiment universel, puisque deux sicles plus tard, nousretrouvons dans la bouche des stociens et des clectiques cette

    i) Tinte, XX el suiv.) Kaut reprendra cette ide.

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    15 mme association de la proportion et du coloris. C'est Cicronqui nous apprendra la porte exacte de la formule que nousavons rencontre chez Xnophon.

    L'il humain a horreur des tnbres; il est fait pour lalumire et la lumire lui plait Ceux qui ont visit la grottede Ilan se rappellent comme un des plus charmants pisodes decette excursion dans les souterrains le saisissant effet du jourau sortir de la Lesse. Aprs avoir march dans une demi-obscurit pendant trois heures, le voyageur brusquement, aucoude de la rivire, dans l'encadrement noir de la roche, voitruisseler un rayon de lumire, tincelant comme une pierrerie,mais si doux et si limpide que la vue s'y arrte repose etravie.

    Aprs le simple jeu de lumire, que dire de la couleur ? Ilsufft d'avoir vu quelques toiles de Rubens ou de Michel-Angepour avoir got le plaisir des carnations' vivantes ou descoloris moelleux.

    Or, Cicron le dit trs bien c'est l'ide de charme,de dlectation (suavits coloris) que traduit cet apophtegmegrec : la beaut consiste dans la proportion et la couleur. Et, ut eorporis est qudam apta figura membrorwn, cumcoloris quadam suavitate, caque dicitur pidchritudo ; sic inanimo, opinionumque judiciorumque qubiliias et Constantin,cum firmitate quadam et stabilifate rirtutem sabsequensaut virtutis vim ipsam conlinens, putchritudo vocatur * ').Pour comprendre Cicron, songez l'clat de ces teintspanouis et empourprs sous lesquels on sent couler, commeune sve de sant, les chaudes effluves du sang. Ce colorisbrillant dpos sur des membres bien proportions constituela beaut du corps humain et, on peut dire, du corps engnral.

    ') Cicron, Tusadanes, !.. IV, o. 13. Cicron reprend ici la penser familireaux Stociens mie la sant le l'aine est semblable celle du corps. Cfr.Stoue. Ecloj. Ethic. p. HVS.

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    16 Notons que la thse du philosophe romain ne se rapporte

    qu'au monde sensible. Nous ne retrouvons point le chas-nie dede la couleur dans la beaut spirituelle que Cicron met enparallle avec la beaut corporelle. videmment, il s'agit icide couleurs que nos yeux voient et dont le chatoiement nousplat (suavilas coloris). En d'autres termes, la couleur est cetaccident extrinsque qui court la surface des choses. Ni pourParrhasius ni pour Cicron il n'est question de quelque dter-mination intrinsque, dont la couleur serait en quelque sortel'emblme.

    Chez saint Augustin, qui s'inspire de la mme pensestocienne, la formule dont nous poursuivons l'histoire paratnon moins restreinte au sens littral. Omnis enim corporispulchritudo est partium congrueniia cum quadam colorissuaritate *. Toute la beaut des corps consiste dans l'ordon-nancement des parties relev par un certain charme de lacouleur. Et un peu plus loin, en parlant du resplendissementdont brillera le corps humain au glorieux jour de la rsurrec-tion, il ajoute. Coloris porro suavitas quanta erit, ubijuslifulgebunt sicut sol in regnfi Patris sui * ').

    Bref, quand la philosophie ancienne parle de la couleurcomme d'un lment du beau, elle vise le charme que nousprouvons regarder des choses colories.

    Ces remarques paratront banales peut-tre devant la clartdes textes et l'vidence de la pense. Il convenait cependant debien fixer la signification de cette premire thse esthtique ;car la philosophie grecque elle-mme, son dclin, assignera la lumire et la couleur un rle diffrent dans la thoriedu beau.

    Cette innovation est l'uvre de la philosophie no-platoni-cienne, la grande hritire de l'esprit grec l'poque dedcadence. La thorie du beau, telle qu'elle se profile dans les

    ') De civil. Dei, XXR, 19.

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    17 Ennades de Plotin, marque une importante volution dans lemouvement des ides esthtiques ').

    Ds le dbut de son trait sur le Beau (Ennade 1, 1.V1, S 1),Plotin veut 1 >riser avec les cadres traditionnels; il prend desallures aggressives et fait le procs la formule stocienne dela beaut : Est-ce comme tous le rptent, la proportiondes pa>-/ies, relativement les unes aux autres et relativement l'ensemble, jointe la grce des couleurs, qui constitue labeaut quand elle s'adresse la vue? - Non. rpond le nova-teur. Dans ce cas, la beaut des corps en gnral consistantdans la symtrie et la juste proportion de leurs parties, ellene saurait se trouver dans rien de simple, elle ne peut nces-sairement apparatre que dans le compos *).Nous regrettons de ne pouvoir suivre Plotin dans le dve-

    loppement de ce rquisitoire. Il se rsume assez exactementdans cette pense de Hegel qu'il ne faut pas se borner observer la forme du beau, mais qu'il faut pntrer soncontenu mme. Plotin voit large; pour lui le domaine dubeau est vaste comme celui de l'tre. Tout tre, dit-il, areu en partage l'attribut de la beaut dans la mesure mmeo il a reu la ralit. Le beau est un transcendantal ; leprincipe de l'tre est en mme temps le principe de sa beaut.

    Aprs ces critiques, Plotin s'lvera, semble-t-il, contrele second terme de la formule stocienne : la grce des cou-leurs.. Il n'en fait rien. Bien au contraire, la lumire et lacouleur occupent une place prpondrante dans sa conceptionesthtique, mais il en parle dans un sens que n'auraient saisini Parrhasius ni Cicron.Pour le comprendre, il faut rappeler les grandes lignes de

    sa mtaphysique, car la thorie que nous devons exposer enest une troite dpendance.

    ') On peut dire que toute la philosophie no-platonicienne se rsume dansPlotin. Ses successeurs n'ont fait que des compilations mthodiques desEnnades.!) Nous citons d'aprs la traduction des En ne'adespar M. Douillet (Paris,18."7).

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    18 Au sommet du panthisme no-platonicien trne uneessence vide comme une abstraction, appele tantt l'Un, le

    Premier, tantt le Bien. Son inaltrable puissance gnratricedonne naissance au monde intelligible comme au monde sen-sible. Les choses dcoulent les unes des autres suivant unprocessus de dchance dont le fonctionnement est un dessingularits du systme alexandrin ; en vertu de ce processusle principe engendr est toujours infrieur au principe gn-

    \ rateur. De l'essence suprme {l'Un, le Bien) jaillit d'abordYIntelligence (vo;) et de celle-ci drive Ydme du monde.Lame du monde n'est pas seulement le principe de la forepropre chaque substance naturelle, elle donne aussi naissance la matire, le non-tre, que Plotin identifie avec le mal et

    / le laid : les choses sensibles rsultent ainsi d'un alliage, dans.il lequel une activit de l'me du monde, la forme (tfoz) vient compntrer, vaincre la matire'). Ainsi le monde phnomnal

    n'est qu'un jet momentan de la vie unique qui s'chappe entiots intarrissables du sein de l'essence souveraine, et descend,par cascades, tous les chelons de la ralit.

    A cette hirarchie de l'tre correspond adquatement unehirarchie de la beaut : Tout ce qui est, est bon et beaudans la mesure o il est; l'optimisme esthtique est pour Plotinle corollaire de l'optimisme mtaphysique.

    Or, pour expliquer la marche descendante du Bier* Plotins'est empar d'une comparaison dont Platon r l'auteur. Lesixime livre de la Rpublique nous apprend (^l'ide duBien occupe dans le monde intelligible la place q le soleiloccupe dans le monde visible. L'un claire Ie monde desessences comme l'autre claire celui des phnomnes,."Plotinexplique la diffusion panthistique du Bien en la comparant la diffusion de la lumire. L'Un, le Bien, sans rien perdre de

    i Pour Plotin, comme pour Platon.le non-tre ou la matire est le lieu vide,rceptacle des choses. Cfr. Zelleb, Die Philosophie lier Griechen in ihreryeschkhtlichen EtitmUMwtg, 3, p. 544 et suiv.

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    19 son immutabilit, claire, resplendit. Il devient l'intelligence(>o-j;) ; les ides exemplaires sont les rayons le ce phare centrale1 les existences phmres n'en sontque le reflet. De, mme quel'image d'un objet disparat dans un miroir ds que l'objet seretire, de mme les choses sensibles s'vanouiraient si ellestaient soustraites un instant l'influence des ides qui lesclairent ').

    L'ide de lumire a hant le cerveau de Plotin, et, chosetrange, le philosophe alexandrin ne lui donne pas seulementla valeur d'une comparaison ; un moment donn, grce une transposition, il l'identifie avec le bien. Le bien, l'tre n'estplus seulement semblable la lumire, il est la lumire mme.

    Et puisque tout tre est beau en tant qu'tre, les notions :tre, beau, bien, lumire sont convertibles.

    On comprend ds lors le rle que la lumire joue dansl'esthtique de Plotin. Elle vise une ralit purement objective,ce qui se conoit aisment dans un systme o l'esthtiqueest un membre de la mtaphysique. Tout brille dans lemonde intelligible et, en couvrant de splendeur ceux qui lecontemplent, les fait pa'ru.tre beaux eux-mmes. Ainsi, deshommes qui ont gravi une haute montagne brillent tout c( > au sommet, de la couleur dore reflte par le sol. Or,i : oaleur qui revt le monde intelligible c'est la beaut quis'y panouit dans sa fleur, ou plutt, toid est couleur, toid estbeaut dans ses profondeurs les plus intimes *).Conformment cette pense fondamentale, dans le mondesensible les corps qui ont le plus de lumire ont aussi le plusde beaut"... la beaut de la couleur, quoique simple par saforme, soumet son empire les tnbres de la matire, par laprsence de la lumire, qui est une chose incorporelle, uneraison, une forme.

    ') Cette ide est familire Plotin. V. p. es., Ennncte I, S H; III, 6, 7et 13, etc.

    ') Enn. V,&10.

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    Q

    A

    - 20 Le plus beau corps est le feu. Voil encore pourquoi le

    feu est suprieur en beaut tous les autres corps : c'est qu'iljoue l'gard des autres lments le rle de forme ; il occupeles rgions les plus leves ; il est le plus subtil des corps,parce qu'il est celui qui se rapproche le plus des tres incor-porels; c'est encore le seul qui, sans se laisser pntrer par lesautres corps, les pntre tous ; il leur communique la chaleursans se refroidir ; il possde la couleur par son essence mme,et c'est lui qui la communique aux autres; il brille, il resplenditparce qu'il est une forme. Le corps o il ne domine pas,n'offrant qu'une teinte dcolore, n'est plus beau, parce qu'ilne participe pas toute la forme de la couleur ').

    Nous verrons plus loin combien cette ide est outre,quand nous tudierons avec saint Thomas les lois psycholo-giques de la perception du beau.

    Rsumons-nous et concluons. A la diffrence des doctrinesprofesses jusque-l par les coles esthtiques de la Grce :

    1) la lumire et la couleur ne sont pas seulement celles quevoient les yeux du corps dans le monde sensible. Au-dessusd'elles Plotin admet une lumire et une couleur intelligibles couvrant de splendeur ceux qui la contemplent.

    2) la lumire n'est pas cet accident extrinsque qui s'tend la surface des choses sans atteindre leur fonds constitutif.Elle est la substance mme. Ce n'est pas le Beau comme telqui s'illumine ; c'est le Bien, en un mot c'est l'Etre dans larayonnante ditfusion de lui-mme.

    Plotin n'a pas t le familier des scolastiques.Mais on croitcommunment qu'ils ont connu les spculations alexandrinespar l'intermdiaire de saint Denys l'Aropagite.

    Il est certain que les doctrines alexandrines se sont infil-') I. 6. 3.

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    21 tres dans plus d'un ouvrage de la littrature patristique.Tmoin ce texte de saint Basile qu'on peut rapprocher dupassage des Ennades cit plus haut : - Si c'est la proportiondes pari les relativement les unes aux autres, jointe la grcedes couleurs qui constitue la beaut dans le corps, commentretrouver l'essence de la beaut dans la lumire, qui est simplede sa nature et compose de parties semblables ? ')

    Les traits que le moyen ge- a vnrs sous le nom desaint Denys sont-ils l'uvre du glorieux disciple de saint Paul,membre de l'Aropage, ou ne sont-ils qu'une compilationalexandrine adapte au christianisme par quelque disciple dePlotin ou de Proclus? La controverse est sculaire, et bien quela critique moderne soit presque unanime attribuer les traitsen question quelque Pseudo-Denys, on peut se demander sicette attribution est dfinitive et premptoire.

    Quoiqu'il en soit, ceux qui revendiquent pour saint Denysla proprit de ces ouvrages *) comme ceux qui la lui con-testent sont d'accord pour affirmer la ressemblance indniableentre les doctrines qu'ils contiennent et les thories desno-platoniciens.Nous l'avons vu, saint Denys parle de la lumire du beau.

    Au chapitre 4 7 des Noms divins, il rappelle expressmentune formule qui nous est familire - que le beau rside dansle resplendissement et la proportion des parties . Mais dansquel sens saint Denys parle-t-il de la valeur esthtique de lalumire? Entend-il par l avec les stociens le plaisir de l'il la vue des couleurs, ou plutt s'agit-il chez lui, comme chezles alexandrins, d'une signification la fois plus vaste et plusprofonde? Ce qui nous porterait adopter cette secondemanire de voir c'est que dans les Noms divins le beau estsynonyme de bien et que son extension est large comme cellede l'tre. * Aussi le bon et le beau sont identiques, toutes

    ') Hexamron, IL 7. T. I. p. 19-20 diL Garnier.) Mgr Darboy, op. cit. Inlroduct p. xx.

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    V

    A

    choses aspir.-int avec gale force vers l'un etl'autre, et n'y

    ayant rien en ralit qui ne participe de l'un et de l'autre. La lumire sur laquelle saint Denys s'tend avec une prolixittoute alexandrine ') est l'image de la bont. - Car la lumirevient du bon, et elle est une figure de la bont ; et le bonpourrait se nommer lumire, l'archtype pouvant tre dsignpar son image *).

    Mais qu'importe tout cela dans la question qui nous occupe,puisque la thorie de la clart ou de la lumire du beau reoitdans l'esthtique thomiste un sens profondment diffrent decelui que lui donne l'antiquit. Saint Thomas reprend uneformule, un mot, claritas pulcri, mais ce mot se transformesous sa plume, il traduit des ides nouvelles. Aprs le travailprliminaire que nous venons de faire, il ne sera pas difficilede montrer la supriorit du docteur anglique sur la philoso-phie ancienne.

    II.

    La thorie thomiste.On peut dire que la thorie du resplendissement du beau

    est une clef de vote de l'esthtique thomiste. Vers elle toutconverge, et, pour la bien comprendre, il est ncesssaire derappeler brivement les principes fondamentaux dont elle estsolidaire. D'autre part, comme nous voulons tablir, en fixantla filiation des ides, la valeur d'originalit qui revient aumatre de la scolastique, force nous est d'tudier la significationhistorique de ces principes fondamentaux.

    i) Les termes Sylaw, E7tXs|Mtv reviennent chaque page sous la plume desaint Denys. C'est l'emploi frquent du mot ^oia qui a fait dire Creuzer(dans son" dition depulcro de Plotin p. Si-, note) que saint Denys est leginge de Plotin.

    *) ,Yom divins, CM. TV t.

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    23 * *

    Le bilan de l'esthtique ancienne est facile dresser. Nousl'avons dj dit ') , considrer dans leur ensemble sesrsultats gnraux, la pense grecque semble concentrer soneffort a lucider les notions d'ordre (Platon, Aristote), etde ralit (Plotin et le No-Platonisme), c'est--dire ce quiconstitue la beaut dans les choses. L'art grec lui-mme donneraison ces conclusions de l'bistoire de la philosophie ; car,dans la splendeur classique du sicle de Pricls, il se meutpresque tout entier dans un cycle de crations impersonnelleset objectives. !) Le Partbnon traduit adquatement la formuleplatonicienne de la rgularit gomtrique, et le trianglequilatral semble en avoir t le gnrateur 3).

    Mais ce n'est pas puiser l'analyse du beau que de la rduire une tude de problmes purement objectifs. De l'aveu detous, ces proprits de la chose que nous appelons bellescorrespond chez le sujet une srie de phnomnes psychiquesqu'on rsume sous le terme gnral 'impression. Le beau faitimpression sur celui qui le contemple, nous percevons le beau,et cette perception devient la source d'une jouissance. Dans lesmes d'artistes, cette jouissance tient de l'enivrement ; mmechez les moins bien partags elle est une vibration caractris-tique de l'tre.En d'autres termes, l'esthtique n'appartient pas tout entirea la mtaphysique, elle remplit aussi un chapitre de psycho-

    ') V. p. 13.'-') " Selon les ides gnralement admises aujourd'hui, l'esprit antique est

    essentiellement objectif; dans l'esprit moderne, au contraire, ce sont lestendances subjectives, sentimentales qui dominent. Si celte opinion est fon-de.et tout le prouve.les arts que nous avons dsigns comme objectifs appar-tiendront plus spcialement l'Hellnisme, tandis que les arts subjectifs,seront propres la civilisation moderne. Des deux arts purement objectifssculpture et danse, le dernier a presque cess d'tre un art ; dans l'antiquitau contraire, l'orchestique marc liait de pair avec la sculpture. (GevaertLa Musique chez les Grecs, 1. 1, p. 121.:) Cloquet. Essais sur les principes au beau en a rchiteciure.Gand 1S91-, p.20.

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    ; .. .

    24 Il serait excessif de dire que la ligne des grands penseursde l'antiquit ont mconnu totalement cet aspect impressif

    et motionnel de la science du beau. On se refuserait croire,par exemple, que Platon un fervent de l'art pendant sajeunesse, dou d'une si puissante organisation potique sesoit mpris, comme philosophe, sur les procds dont il usaiten artiste. De mme, on ne saurait admettre qu'Aristote, leplus grand psychologue de l'antiquit, ait nglig un lmentqui rvle l'analyse la plus sommaire de la beaut.La vrit est que la philosophie ancienne n'a pas accord

    . l'impression esthtique l'importance qu'elle mrite ; elle n'aI nettement dtermin ni les caractres propres de la perception

    ni ceux du plaisir du beau. Platon nous dit de nombreux/ passages que le beau inspire l'amour, tout comme le bien :i mais il ne se prononce pas sur la nature de cet amour. Dans/ le Premier Hippias, consacr l'tude du beau, il met succes-

    sivement dans la bouche d'Hippias les opinions gnralementreues sur la beaut, pour donner Socrate l'occasion de lesrfuter. Et tour--tour Socrate dmontre que la beaut n'estni une belle femme, ni un beau mtal, comme l'or, ni une choseutile: Les interlocuteurs se demandent enfin si le beau ne rsidepas dans le plaisir. Le moment semblait propice pour scruterla nature du plaisir esthtique. Au lieu de cela, Platon tranglela discussion et le Premier Hippias se perd dans des conclu-sions ngatives.En dfinissant le beau : - ce qui est dsirable pour lui-mme _,et en mme temps digne d'loges, ou, ce qui tant bon esiagrable en tant que bon * '), Aristote ne fait que rpterPlaton sans apporter aucune lumire nouvelle ; mais on peutdire que le stagj-rite est sur la voie d'une solution quand il dit qu'un bel tre ne doit tre ni exclusivement petit, ni dme-surment grand, car alors on ne pourrait avoir une vue

    ') Ulttor, 1, 0. KaX* fxv o'jv laxtv, 5 v ot 'jt& aipsxv ov, ^aivtov ^, \ S ivyiov v, f,?j f,, ti YiOdv.

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    25 d'ensemble, el le tout chapperai! au regard '). CependantAristote non plus ne prcise ni la nature le cette perceptionni ses attaches avec l'motion propre au beau. La pense de cetexte est incomplte, et sa place incidente montre assez que sonauteur ne lui a pas accord grande importance.

    Le mme vague se traduit dans la formule qui, pour la grandemoiti des coles esthtiques en Grce et en Italie, rsume lathorie de la lumire et de l'clat du heau *). Le beau charme,dlecte (suavtas dit Cicron) ; mais quel est ce charme, enquoi consiste cette dlectation l Un fruit savoureux nous faitplaisir ; une vrit vivement perue nous satisfait ; une bonneaction donne l'tre des joies intimes et pntrantes. Le plaisirdu beau est-il comparable tout cela ?A cette question l'antiquit classique n'a pas de rponseprcise et complte.En vain la chercherait-on dans les enthousiasmes mystiques

    des alexandrins. L'homme, disent-ils, a soif de s'unir labeaut, parce qu'il a soif de s'unir l'tre. Mais ces lans del'me ne se terminent pas une contemplation intellectuelleproprement dite. La vue mystique ries? que le prliminairede la jouissance de possession des facults apptitives. PourPlotin, comme r ur Jean Scot Erigne, comme pour Ruys-hroeck, le ter: . .-' e toute opration humaine est l'union dusuprasensible avec la volont par l'amour. Ajoutez-y que lemysticisme alexandrin est nettement panthiste et l'on com-prendra que la thorie de la suspension de la personnalithumaine dans le sein de l'Infini n'a rien de commun avecla vraie psychologie du beau.

    ** *Nous avons dmontr ailleurs que l'avnement des tudes

    psychologiques en Occident date de la fin du xue et surtout du') Potique, VII, 4.*) V. p. 15.

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    M

    26 xin e sicle. C'est la gloire de la scolastique du xiiT sicle, et enpremier lieu, de saint Thomas d'Aquin, d'avoir accord uneattention gale au double ordre de questions objectives et subjec-tives qu'une esthtique intgrale doit embrasser. Ce double pointde vue est nettement indiqu dans cette formule de la SommeThologique que tout le monde connat et dont il ne nousappartient pas ici d'tudier la gense : Pulcrum respicit vimcognoscitivam ; pulcram enim dicutur qu visa placent : unde

    ' pulcrum in dbita proportione consista ').Le phnomne psychologique essentiel, primordial, est un

    j acte de connaissance (qu visa placent), et, nous croyons) pouvoir l'ajouter un acte de connaissance intellectuelle.i Ce n'est pas dire que, dans l'abandon spontan de l'tre qui

    y se laisse aller sans souci l'imprgnante jouissance de la.belle nature ou de l'uvre d'art, la conscience nous avertissede ce travail de l'intelligence ; on peut connatre le beau sanspercevoir la raison, je dirais le mcanisme de cette connais-sance. Seule, la rflexion nous apprend pourquoi l'initiationaux impressions esthtiques relve de la plus haute de nosfacults et constitue un des glorieux privilges de l'homme.

    Saint Thomas tudie avec un soin non moins scrupuleuxle second phnomne qu'on retrouve dans toute impression dubeau : la jouissance caractristique, qu'on appelle parfois 1 epi-phnoinne esthtique (qua? \isa 2jlaccnt) ; et nous verrons dansune autre tude ?) avec quelle justesse il a su l'isoler de toutsentiment similaire.

    Ce que nous voulons souligner ici. comme une thse capi-tale de la doctrine thomiste, c'est la dpendance rigoureuse,la subordination absolue des lments objectifs de la beautvis--vis de ce phnomne psychologique que nous venons de

    ') S. Thcol. 1" h. V. art 4. Cf. cet autre passage... ad rationet pidcri perti-uet quod in ejus aspedu scit cognilionis quietetur appetittts l a 2', p. 27 a, 1ad 3m.

    -') Dans la seconde partie de ce travail o nous tudierons les rapports dubien et du beau.

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    -- -.-- 1 I 1 -.. 27

    dcomposer. Absorbs dans la phase objective du problme,les anciens avaient identifi le beau soit avec l'ordre et l'har-monie, soit avec l'tre et la ralit. Plus intgral dans sadfinition, saint Thomas enseigne que l'ordre, l'harmoniedoivent tre proportionns aux facults de l'homme, demanire engendrer chez celui qui les connat la jouissancede la contemplation dsintresse.

    Le plus beau corps est le feu, avait dit Plotin '), parce quele feu possde la couleur par son essence mme qu'il brilleet qu'il resplendit. Plus un tre est lumineux, plus il est beau.Or, qui ne voit la fausset de cette esthtique ? D'aprs cela,le soleil fix en plein midi serait l'incarnation de la beautdans la nature physique. Mais il nous blesse, il nous aveugle.Ecccellenti sensibilium corrumpunt sensum *) dit saint Thomas,en rappelant une pense du de anima d'Aristote. Seul, leresplendissement de l'aurole lumineuse dont s'entoure le corpsdu Christ ressuscit a le privilge miraculeux de ne pas blouirnotre regard ; suivant l'Apocalypse, elle scintille la foisdouce et clatante, comme une pierre prcieuse 3).

    N'en est-il pas de mme dans l'ordre intelligible ? Uneuvre d'art peut tre si complexe, si riche en proportions quel'esprit essaierait vainement de les treindre dans une mmeunit. Les galeries de tableaux du muse de Versailles sontremplies de sujets d'histoire, dont les dtails prolixes nemettent en relief aucune ide d'ensemble, et qui engendrentdans l'esprit la douloureuse impression de l'impuissance et dela dsorientation. Car l'excs dans l'ordonnancement et dansla mise en uvre des moyens est un vice esthtique au mmedegr que la pauvret de la conception.

    Certes, la varit stimule l'activit contemplative de l'intel-ligence, mais elle est soumise des limites qui drivent de la) V. p. h. p. 20.*) In lib. IV Sent., dist. 4-9, q. 2, a. 6, *>.3) " Comparatur claritati jaspdis, quae vistuu dcinulcet et delectet In

    lib. III Sent., disL 16. q. 2, a. 1, ad 4m.

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    28 faiblesse de nos facults. Mconnatre ces limites c'est ne teniraucun compte du sujet, et, coup sr, c'est difier une esth-tique inaccessible aux humains.Nous pouvons rsumer ainsi ce que nous venons de dire :

    tandis que la perfection est un concept absolu, la beaut estune notion relative, impliquant, comme le vrai et le bien, desattaches entre un objet et le sujet mis en contact avec lui.

    Or, c'est cette doctrine capitale que saint Thomas rsumedans la notion de la claritas pidcri.On peut dfinir le resplendissement du beau : une propritdes choses, en vertu de laquelle les lments objectifs de leur,beaut, savoir l'ordre, l'harmonie, la proportion se mani-festent avec nettet et provoquent dans l'intelligence unecontemplation facile et plnire.

    Cette pense, disons-nous, est une conqute de l'esthtiquethomiste. Elle enchrit la fois sur la thorie traditionnelleet plusieurs fois sculaire en Grce que nous avons tudiechez Cicron et sur la doctrine no-platonicienne inauguredans les coles d'Alexandrie et reprise par saint Denys l'Aro-pagite. Plus haut nous avons, dfini quelle est, suivant cesdeux thses, la valeur esthtique de la lumire ; en mmetemps que nous achverons de prciser l'enseignement de saintThomas et de dgager la pense originale qu'il dcle, nousmontrerons la diffrence qui le spare de ses devanciers.

    1) Il ne s'agit point ici, comme pour Xnophon et Cicrond'un simple phnomne motif, savoir le charme que nousprouvons voir des choses lumineuses. Ce n'est pas que lesaint docteur mconnaisse l'attrait de l'il pour la lumire.Rien n'est plus reposant, dit-il, que le scintillement des toilesaux mille nuances, dans un ciel azur. Pulchritudo antemclestium corpo)-um prcipue consista in luce ').

    ') lu lib. IV Sent, Dist. iS, q. % a 3. c

    ;

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    29 Mais les priphrases dont il se sert montrent bien ladiffrence qu'il tablit entre le charme de la lumire, suavitas

    coluris et la clart, le resplendissement, la splendeur du beau,claritas, resplendentia, splendoi' '). Qui dit clart dit plus quelumire ; la clart est la lumire, la couleur rendue visible ;lumen apparens *), color nilidus 3), lumen manifestons *).

    Il dit dans le mme sens : Si quelqu'un est revtu d'honneursou comble d'loges cause de l'excellence de ses mrites, cesmarques d'estime le signalent l'attention de ses concitoyens.Ex hoc quod aliquis honoratur vel laudatur, redditur clarusin oculis aliorum. 5).

    ') Claritas est le terme le plus frquent; splendor revient de nombreuxpassages (In lib. I Sent. dist. III) resplendentia appartient l'opuscule dePu]CTO.

    -) " (Intemperantia) maxime rpugnt ejus (hominis) claritati, vel puleri-tudiui, quantum seilicet in delectationibus cirea quas est intemperantia,luimis apparei de lumine rationis, ex qua est tota claritas et pulcritudoveritatis. S. Theol. 2a 2*, q. 142, art. 4.

    :

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    30 -La clart est donc au beau ce que l'vidence est au vrai;

    elle est la manifestation de l'objet au sujet, une manire. d trede la ebose qui attire l'attention de l'intelligence, sollicite sontravail contemplatif, impose pour ainsi dire son regardl'ordre, la varit, l'unit des uvres de la nature et de 1 art ).

    S'inspirant des mmes doctrines, le beau tant appelbeau dit saint Franois de Sales, parce que sa connaissance

    V dlecte, il faut que, outre l'union et la distinction 1 ink-grite,l'ordre et la connivence le ses parties, il ait beaucoup desplendeur et de clart, afin qu'il soit connaissable et vzstble ; lesvoix pour tre belles doivent tre claires et nettes les discoursintelligibles, les couleurs clatantes et resplendissantes -

    2) La clart du beau ne s'applique pas seulement au mondematriel, mais encore au monde suprasensible _ _

    Dans son acception propre et primitive la lumire est uneproprit des corps, et c'est dans ce sens que Ciccron parledes carnations qui recouvrent le corps humam Saint Thomastranspose volontiers dans l'ordre intellectuel, des pressionsqui se rapportent au fonctionnement de la facult visuelleorganique Nomen visionis extenditur ad cognitionan sensuetirJligenti propter dignitaiem visus*). La significationtymologique des mots disparat alors sous sa plume pourtraduire des conceptions plus larges.

    Voici comment lui-mme s'exprime sur la porte gnralede la claritas. A .Pour revtir les attributs de la beaut, toute chose doitraliser cette double condition : la dbita proporUc, e laclaritas. Ad rationem pidcri, sire deevn concurrttet clarUaset dbita proporlio*). Suivent des applications. Dans 1 ordre

    notitiam veniat. Opusc. de pidcro et bovo ed.L Uccelll, p. *') Trait de l'amour de Dieu, eh. 1.3) S. Theol. 1= q. 67, a. 1. c et 1 2-, q. 67, a. =. ad. 3.t) S. Tlieol. 2* 2* q. 145 a. 2.

    A

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    31 matriel, il emprunte saint Denys l'exemple strotypque l'on rptait dans toutes les coles de la frce etde l'Italie. Unde pulcriludo corpors in hoc consista quodhomo habeat n\embra corpors benc proportionata cum quadatndebiti coloris claritate.

    Mais il ajoute aussitt : El similiter pulcriludo spirilwdisin hoc consista quod conversatio hominis sire ac/io ejus silbene proportionata secundum spirilualem ra/ionis claritateni.L'ordre dans le domaine de la vie intelligente, c'est la subor-dination des paroles et des actes aux exigences de la natureraisonnable, et pour qu'un langage soi^ beau, pour qu'uneconduite soit belle, il faut que cette subordination clate resplendisse dans toute sa plnitude ').

    3) La claritas est une dtermination intrinsque qui affecte leslments de l'tre et les rend capables de provoquer une contem-plation esthtique. Dj Plotin, en tablissant une troite corr-lation entre la lumire et la ralit, tait arriv une doctrineanalogue. 11 enseigne que la lumire ne rgne pas seulement surle domaine de la ralit sensible, mais qu'elle est aussi la sou-veraine du monde suprasensible. Comme saint Denys. dansles Noms divins, formule les mmes doctrines, on seraitpeut-tre tent d'en conclure qur . nar son intermdiaire, saintThomas est le continuateur d'ui t alignement dont les originesremontent l'ccje d'Alexandrie Et en etfet, il n'a pas manqu

    ') Ailleurs le > ur anglique laisse entendre mieux encore, que ces casparticuliers n'ont -une valeur exemplative et dpendent au mme titre d'unconcept gnra! de la claritas. Aprs avoir rappel le mme exemple de labeaut du corps humain, il crit : " Unde proporlionaliter est in cleris acci-piendtini.qiiodunumquoduuediciturpiilcrum secundum quodbabetclaritatemsui generis. vel spiritulem. vel corporalem, et secundum quod est in dbitaproportione constitutum .. Comteid. des Xoms divins, t. XXIV, diL Vives,p. 410. Ctr. Opuscule de pidcro (dit. Uccelli). p. 35: " Sicut ad pulcritudinemcorpors requiritur quod sit proportio dbita membrorum, et quod colorsupersplendeat eis. quorum si altra deesset. non esst pulcrura corpus, itaad ralionem universalis pulcritudinis exgitur proportio aliqualium ad iuvi-cem. vel partium, vel pri ncipiorum, vel quorumeumque quibus supersplendeatclaritas forma?. ,

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    - *

    32 d'auteurs qui ont fait de saint Thomas le tributaire du no-PlSte; aucun systme philosophique n'est plus loignde la synthse thomiste que le panthisme mystique de 1 coled'Atandrie. Au point de vue spcial qui nous occupe suffi a de rappeler que la thorie de la lumire a pour PlotmS3pS Panent ******** ')*^f '*

    H v en la mystrieuse corrlationde Yobjet au sujet qui far

    S on d phnomne complexe de la beaut. Sont 1 bornas

    :trrd^Z2 du maure il faut en chercher la cause ou dans sonumli u ce qui est plus plausible - dans les procdsS Les d'un ge qui avait plus de souci d'crire selonaie que de revendiquer les droits et

    les honneurs de a4 * propre ittraire et scientifique. 11 est certain que e texte

    oe aint Denys ne soulve pas les points de vueP***que nous avons souligns dans la doctrine de saint Thomasle chapitre IV I des Noms divins prsente dans un styleobsuP e doctrine tronque. Elle prte le flanc a desommentaires contradictoires. Sans relever ces jeunes e en^abandonnant aux inspirations de son gnie saint Thomas, on Pit l'Aropagite et prsent une esthtique intgra e,^out comme Jean Scot rigne, qui se rclame du mme texte,a fait retour aux paraphrases du panthisme mystique.*

    Nous pouvons conclure du travail comparatif que non,venons de faire la supriorit des vues de saint ThomasFUe est bien sienne aussi, la thorie de la clart du beau, sion la rapproche des grands principes de sa philosophie :

    ) M. Bosanquet, par exemple, dans son .4 History of JSstUetic (London1892)

    P'eJ s'ous avons dmontr cette thse plus haut, p. 20.

    f

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    33 -d'troites harmonies se dcouvrent alors et il est impossible .de ne point reconnatre dans cette uvre d'quilibre et decoordination la touche d'un esprit original et indpendant.Nous nous bornerons signaler l'intime corrlation qui

    existe entre la clart du beau et la cause formelle des tres.On sait que la notion de forme constitue une des pierres

    angulaires de la synthse aristotlicienne et scolastique.La forme est l'lment constitutif de la ralit substantielle

    ou accidentelle des choses; elle fait que les choses sont cequ'elles sont. Principe de la dtermination intrinsque,la forme substantielle rend compte de la ralit foncire destres et leur assigne une place dans les genres et les espces.Principe des modifications ultrieures qui affectent lasubstance sans l'altrer, la forme accidentelle rend comptedes nombreuses manires d'tre que les choses revtent sousl'action de la nature ou grce au travail de l'art.

    Il n'est pas de notion mtaphysique qui n'ait quelque attacheavec cette thorie. Pour ne parler que de l'unit des choses,c'est la forme qui en est le fondement. Grce la causeformelle les divers lments de l'tre convergent et s'allientdans un ensemble merveilleux, qui constitue la fois la ralitet la perfection des choses. Plus loin nous retrouverons uneapplication directe de cette ide.

    Nombreuses aussi sont les doctrines psychologiques etesthtiques que saint Thomas rattache la notion de la causeformelle.

    Suivant les sages enscignementsdelaeritriologiescol&stique,la connaissance humaine atteint la ralit extrieure, parce quecelle-ci travaille sur nos facults cognitives et constitue la foisl'excitant et le terme de leur acte. Nous ne pouvons connatreles choses que dans la mesure o elles sont, unumquodquecognoscibilc est secundum quod est aclu. Saint Thomas endduit cette consquence, que la forme, principe de Yactuationou de la ralit des choses, est aussi le principe de leur intelli- .gibilit. Lgitime est l'application qu'il en fait l'impression

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    - 34

    esthtique : Puisque la perception du beau rside dans un acteintellectuel, c'est la forme des choses qui se trouve tre sonobjet. Et quia cognitio fit per assimilationem, assimilalioautem respicit formant, pulcrum proprie pertinet ml rafionemcaus formcilis ').On comprendra maintenant pourquoi la forme aussi estdoue de cette mystrieuse proprit d'veiller en nous lacontemplation et le charme de la beaut; pourquoi, en d'autrestermes, saint Thomas fait de la claritas pultri un attribut de lacause formelle des choses *).

    Dans la nature ou dans l'art, les tres ne sont beaux qu' lacondition de se tenir.

    Pour faire uvre belle, il ne sufft pas un artiste demultiplier les parties d'un difice, de compliquer les dtailsd'une toile, d'embarrasser plaisir les intrigues d'un drame,ces parties, ces dtails, ces intrigues doivent rayonner autourd'une ide une, qu'elles mettent en relief par leur combinaison.Or, cette unit, c'est la forme qui la ralise. Pulcrum congregatomnia, et hoc habet ex parte forma- cujtts resplendeniia facitpulcrum... Secundum autem qnnd (forma) resplendt superpartes materi, sic est pulcrum liabois rafionem congre-gayui 3).

    Plus la forme, principe d'unit et d'ordre se dgage dansune uvre, plus elle resplendit-, plus aussi la connaissancecontemplative en devient saisissante, aise, esthtique.Cette thorie ne souffre pas d'exceptions, qu'il s'agisse de laconstitution physique des choses, comme dans les uvres dela nature et de l'art plastique, ou de la constitution mtaphy-sique des tres, comme dans l'ordonnancement des puissanceset des facults, ou enfin de l'activit dpense dans le domainematriel ou moral ; et l'on peut prsenter cette formule de

    >) S. Tlteol. l*. q. V, art, t.c.) Comi.iciif.iii lib. (h nom. div diL Vives, t. XXIX, p. iW. Forma...a qua

    dpende! propria ratio rei pertinet ad claritateiu.?) Ojiusc. depulcro et bono, dit Uccelli, p. '29.

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    - 35 l'opuscule de puhro et hono comme l'expression fidle de lapense thomiste: Ratio pulcri in universali consista in resplen-deiitia fon

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    tablir une harmonie entre l'objet et le sujet, faire resplendir-la forme des choses devant l'intelligence appele l'admirer.La gense de l'idal artistique est rgie toute entire et chacun de ses stades par ce principe fondamental. Par idal dansl'art, nous n'entendons pas avec un grand nombre d'esth-ticiens je ne sais quel type minemment parfait des chosesqui, par dfinition mme, s'lve et s'pure au fur et mesurequ'on croit l'atteindre l), mais une ide quelconque que l'artisteessaie de traduire dans son uvre. C'est faire comprendrecette ide, la rendre resplendissante aux yeux du spectateurque l'artiste dpense tous ses efforts.

    D'aucunes fois, il fait appel au contraste; comme Rembrandtdans ses portraits, il entourera son sujet d'une pnombreafin que tous les rayons de lumire se concentrent sur lafigure qu'il s'agit de mettre en relief. Si, dans l'apprciationd'une uvre artistique, nous nous arrtons avec tant decomplaisance k des dtails qui, pris en eux-mmes et isolsde l'ensemble, seraient des hors-d'uvre , voire mme deslaideurs, c'est qu'ils nous servent de repoussoir, et nousaident mieux comprendre la valeur des lments auxquelsils sont opposs. A ce point de vue le docteur anglique, repre-nant une pense familire saint Augustin, ne craint pasd'assigner au mal une place dans la perception esthtique.vdumonde. Malum nihil aliud est nisi bonum imperfection. Siaulem nullum bonum essct in aliquo diminution, omnia bonaqualia essent, et sic pidcritudo nnircrsi dcpcriret qiue exgradibus bonifatis colligitur i).

    La mme thorie de l'expression et du resplendissementguide l'artiste quand, dans l'laboration de son idal, il imiteles proportions et l'ordonnancement d'une chose naturelle.Il s'empare de ces proportions, il les corrige, les exagre et lesattnue afin de faire ressortir mieux que la nature un caractre-

    i) L'idal tel que l'a dfini Cicron.') In Illib. Sent, disk q. 1, a. 1.

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    ... i*_

    37 dominateur des choses. Dans le premier chapitre de saPhilosophie de l'art, Taine a su donner de ce travailpsychique o s'enfantent les chefs-d'uvre, une analyseremarquable de justesse et de clart. L'artiste, en modifiantles rapports des parties, les modifie dans le mme sens, avecintention, de faon rendre sensible un caractre essentiel del'objet, et par suite l'ide principale qu'il s'en fait... Le carac-tre essentiel d'un lion, celui qui le range sa place dans lesclassifications de l'histoire naturelle, c'est d'tre un grandcarnassier. Vous allez voir que presque tous les traits, soit duphysique, soit du moral, drivent de ce caractre comme d'unesource. Au physique d'abord, les dents en ciseaux, unemchoire construite pour broyer et dchirer ; il le faut bienpuisque tant carnassier, il se nourrit de chair et de proiesvivantes. Pour manuvrer ces redoutables tenailles, il a besoinde muscles normes, et pour loger ces muscles, de fossestemporalesproportionnes. Ajoutez aux pieds d'autres tenailles,des griffes terribles, rtractiles, la marche agile sur les extr-mits des doigts, une dtente de cuisses terrible qui le lancecomme un ressort, des yeux qui voient clair la nuit, parce quela nuit est le meilleur temps de la chasse. Un naturaliste,qui me montrait son squelette, mdisait: Ces' :ne mchoiremonte sur quatre pattes, s D'3 plus, toutes K s particularitsmorales sont l'unisson : d'abyrd l'instinct sanguinaire, lebesoin de viande frache, 1 , pugnance pour tout autre aliment ;ensuite la force et la fi^fe i mise par laquelle il concentreune masse norme de forces -i s le court moment de l'attaqueou de la dfense; par contas-coup les habitudes somnolentes,l'inertie grave et sombre dans les- moments vides, les longsbillements aprs l'emportement de la chasse. Tous ces traitsdrivent de son caractre de carnassier, et c'est pour celaque nous l'avons appel le caractre essentiel ]).A quoi tend cet lagage calcul et savant, sinon donner

    >) Taine, Philosophie de l'art, Paris 1S90, 1 1, pp. 37 et 38.

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    - 38 au spectateur une impression plus vive de l'objet, faireresplendir sa forme -> ?On pourrait pousse, plus loin l'analyse de Taine, carl'artiste ne doit pas ncessairement donner du relief uncaractre essentiel de l'tre, il peut s'attacher une impressionaccessoire, accidentelle. Toute reprsentation d'un lion nedoit pas nous faire songer une mchoire monte sur quatrepattes. De quel droit, par exemple, dfendrait-on l'artistede dpeindre un carnassier pour nous donner l'impression dela grce des formes? Le procd d'altration des rapportsnaturels restera le mme, mais les moyens employs serontdiffrents.

    Sully Prud'homme donne cet exemple qui fera comprendrecette domination d'un caractre accidentel des tres. Unvrai statuaire peut faire un chef-d'uvre' du buste d'un bossu,s'il a pntr et exprim par le concert des formes, l'in-time solidarit vitale qui fait influer la gibbosit sur l'anglefacial et sur les traits mme du visage, car les bossus les plusdiffrents se ressemblent par le rayonnement de leur communcaractre; ils ont la bosse partout. A ce point de vue, il y aun beau bossu pour le sculpteur, comme il y a n beau cas debosse pour le naturaliste qui admire la coordination descaractres. ')

    Il nous semble que l'on peut traduire cettedouble pense

    par cette autre dfinition de l'opuscule de pula

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    39 reproductions, l'artiste corrige la nature soit pour rendredominateur un caractre qu'elle ne lui fournit qu' l'tat domi-nant (splendor forma? substantialis), soit pour traduire desimpressions secondaires, accessoires, qui ne sont ni de l'es-sence, ni de la nature des choses (splendor forme acciden-talis).

    Si cette interprtation tait exacte, les thories modernessur l'idal dans l'art, mises en honneur par Schelling etHegel, et reprises par Taine, ne seraient que la paraphrase etle dveloppement d'un texte de saint Thomas d'Aquin.

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    CHAPITRE DEUXIME

    LE BEAU ET LE BIEN.Nous venons de voir comment saint Thomas, reprenant un

    texte favori de saint Denys l'Aropagite, a su difier sur leresplendissement du beau une thorie neuve qui surpasse enprofondeur et en justesse tout ce que l'antiquit a produit encette matire.Une autre question, celle des rapports du beau et du bien

    rapproche saint Thomas de l'Aropagite ; en effet , c'estl'tude des uvres de saint Denys qui a suggr au Docteuranglique le thme de trs nombreuses dissertations. Le 7du chap. iv du trait des Noms divins, que nous avons ant-rieurement reproduit, concerne ce sujet.

    Fidles notre mthode historique et critique, nous expose-rons la doctrine de saint Thomas sur les rapports du beau et dubien, en la comparant aux thories mises par ses prdces-seurs. Un semblable examen peut seul faire rendre chacunce qui lui revient. Il dmontrera que le Docteur anglique n'estpas un banal continuateur du pass, mais un novateur de gnie,faisant poque dans l'histoire des ides.

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    Les thories anciennes.

    La prdilection que saint Thomas et ses contemporains mon-trent pour l'tude compare du beau et du bien n'apparat passeulement dans les textes de saint Denys auxquels les scolas-tiques se rfrent directement ; elle s'accuse plus forte encoredans l'esthtique grecque, dont saint Denys lui-mme esttributaire.

    Chose remarquable, travers les divergences considrablesqui les sparent, les nombreuses coles de l'antiquit ontsouscrit, sur ce point de leur esthtique, une mme doctrine :douze sicles ont admis la thse de Tidentit absolue du beauet du bien.

    Longtemps avant que les philosophes aient crit, le peupleo-rec avait profondment la conscience de cette identit. Et lesentiment populaire a son importance dans l'histoire des idesesthtiques; car chez les Grecs, l'art n'a jamais t un luxe, leprivilge d'une coterie, mais un vrai patrimoine social, donttous jouissaient grce aux aptitudes merveilleuses de la race.Un Grec ne peut se reprsenter le vice que sous des dehorsrepoussants. Thersite, la personnification du lche chez Homre,est aussi l'incarnation de la laideur. Au contraire, la vertuapparat sous les traits dlicats et gracieux de l'adolescence.Beau et bon sont insparablement rivs dans la langue"recque (/.a).; *r/3.B6$ et Socrate, pour consacrer cette unionindissoluble des deux ides, a cr le substantif /.s.T.oxayaBia.

    La bont que le sentiment populaire identifie avec le beauest la bont morale, la perfection de l'activit libre de l'homme.C'est aussi la signification habituelle que lui donnent lesphilosophes.Toutefois l'esthtique grecque a largi cette conception,en enseignant la confusion du beau et du bien en gnral.

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    42 Socrate - le premier esthticien grec- en.fournit djla preuve. Il nous apprend, dans les Mmorablesr de Xno-phon et dans le Banquet de Platon, que la beaut deschoses rside dans l'adaptation de leur structure a leur desti-nation naturelle. Mon nez camus, dit-il, et mes grosses lvresne le cdent pas en beaut ceux du jeune Kratobyle, parce

    S qu'ils servent mieux que chez lui, flairer et brasser.I k fallait prendre la lettre ces dclarations, on en pourraipeut-tre conclure que le philosophe athnien est le fondateur

    de l'esthtique utilitaire. 11 aurait ainsi admis avec Guyauque la plus belle route est la chausse urne sur aque 1 ,1avoiture glisse sans secousses et sans obstacles '). Mais il fautfaire la part de Yironie que Socrate manie avec tant de vervedans ses interviews philosophiques.

    Platon, son disciple, a repris la thse del'identit du beau

    et du bien pour lui donner un fondement mtaphysique, Onne pourrait saisir la porte exacte de sa pense, ^J*abstraction de l'conomie gnrale de son idaline. Toute a.dialectique, platonicienne, - c'est-a-dire 1 tude de cemonde idal qui correspond aux reprsentations umversede notre entendement - converge vers l'ide du ^; ^du bien est l'essence suzeraine, dont l'inaccessible ralit n estpas seulement indpendante de toute la

    nature phnomnale,Cis constitue la cluse formelle et finale de tout*.les.*.subordonnes. Or le beau n'est qu'un aspect, une manireZ du bien ainsi dfini. - Si nous ne pouvons sais, le biensou une seule ide, dit le PkUbe, saisissons-le sous tro*des la beaut, la proportion, la vent. - En rapprochade ces textes la notion du beau en lui-mme telle quelle esfine en de nombreux passages de Platon % on peut dire que

    fc heau est le bien, en tant qu'il constituel'ordre, c est-a-dire

    l'unit par la proportion et l'harmonie.

    \

    )

    ) Guvao. Les promues de VEs,htiq ue coOemporaine. Paris 188*. p. 15.2) Voir p. h. p. 13.

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    43 Ces raisonnements se rattachent aux principes fondamentaux

    de la spculation platonicienne.Dans ses applications cependant, le chef de l'Acadmie se

    conforme volontiers au jugement populaire, et c'est avant tout l'ordre moral qu'il emprunte ses exemples. La vertu estdfinie : la "beaut de l'me ; le vice, sa laideur. 11 faut renoncer relater tous les passages o apparaissent les variantes dece thme.

    Aristote ne tient pas un autre langage. Le stagyrite, qui afix avec tant de nettet la notion d'tre en mtaphysique, cellede bien en morale, celle de vrai en psychologie, n'a pas plusque. ses devanciers ou ses successeurs dfini les diffrences dubien et du beau ').La Mtaphysique ne contient ce sujet qu'une promesse,

    et c'est sans doute sur la foi de cette promesse, que DiogneLarce attribue Aristote un trait sur le beau qui seraitperdu.On aurait tort de voir une solution de la question qui nousoccupe dans ce texte souvent cit (Mtaphysique, xm, 3.) : Le bien et le beau diffrent l'un de l'autre en ce que le pre-mier rside toujours dans l'action k h frpei, tan.. ; ue lebeau se trouve aussi dans les tres immobiles h wr^oii. Peut-on en conclure que Yimmobil't, est la caractristique dubeau, Xactivit celle du bien? .rs

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    44 bonne et belle. Jusqu'ici il ne s'agit ni d'une diffrence intrin-sque entre le bien et le beau ni de la comprhension respec-tive de ces deux concepts. Aristote n'a fait ici que dlimiterYextension propre chacun d'eux. Son raisonnement revient dire : puisque le concept de bont implique une tendance,une action d'un tre vers son terme naturel, ce conceptH n'apparat pas, aussi longtemps qu'on ne considre les tresque suivant leur ordonnancement, leur immobilit ; ds lorsla spbre des rapports entre le bien et le beau se borne l'acti-vit des tres en gnral, de l'homme en particulier. AinsiAristote, au lieu de rsoudre la question, ne fait qu'en pr-ciser la porte ; il ne songe pas mettre en doute la rponseque ses contemporains sont unanimes lui donner.Dans d'autres passages o il les met en parallle, le stagyrite

    ne parvient pas davantage saisir entre le beau et l'utile desdiffrences caractristiques '). Ajoutez que lorsqu'il dfinit lebeau : le bien qui plat parce que c'est le bien 2), il intro-duit expressment la notion de vertu et ne fait que reprendresous une autre forme l'apophtegme socratique.

    Aprs, la mort d'Aristote, l'orientation de la philosophiegrecque change. Au lieu de reprendre et de dvelopper lapuissante synthse du stagyrite, les coles des derniers siclespaens se perdent dans des questions fragmentaires, o la moraleoccupe la place principale. C'est assez dire que l'picurisme,le stocisme, voire mme le scepticisme et l'clectisme de toutenuance ne sont que trop disposs accentuer l'identification dubeau et du bien. Pour ne parler que des stociens, ils traduisentla convertibilit des deux ides en une formule qui rsume, leurthique comme leur esthtique : Le bien est dsirable, ledsirable est aimable, l'aimable est digne d'loge; et ce qui est

    i) Rhtorique, I, 7.') y.aXv (j.v ov Ttv, o i'v Si ctt aipeiv ov } naivexv fj, f) o v yaOv v

    TjiS i,

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    45 digne d'loge est beau '). Chez les stociens, comme chezCicron *), le bien dont il s'agit est avant tout le bien moral,dont la civilisation grecque a si vivement mis en relief lavaleur esthtique.

    11 est peine' ncessaire de rappeler que la magistrale, syn-thse no-platonicienne, dont nous avons t amens exposerplus haut les principes inspirateurs, contient l'expression laplus absolue de la /.toxuyaBa socratique 3). A tous les stades del'volution panthistique, l'tre, le Bien, le Beau sont desnotions convertibles. Si l'on songe que le souille mystique planesur toutes les spculations alexandrines et que, d'aprs elles,le terme de la destine humaine est la fusion extatique del'me dans le bien et le beau absolus, on comprendra pourquoiPlotin cherche dans la vie morale les applications les pluscaractrises de ses thses esthtiques. * La beaut de l'meest la vertu, et plus que les autres choses, l'me est belle dansle sens plnier du mot *).

    Avec plus de droits que Platon et Aristote, Plotin peutfournir l'explicaiion philosophique de ces assimilations outran-cires. Car ses yeux, le beau est un transcendantal ; commele bien, il se mesure au degr de ralit qui revient chaquechose. Plotin ne veut pas resserrer le beau objectif dansles cadres trop troits pour lui del proportion des parties .Aux critiques acerbes qu'il dirige ce sujet contre ses prd-cesseurs 5), il pourrait ajouter que leurs principes s'opposent l'assimilation du bien et du beau. Car si le beau est l'ordre,la proportion, il y a donc des choses qui, faute de complexitsuffisante, faute de parties proportionner, n'ont pas reu en

    ') Plutarque, de stoicorum repugnantiis 13. Cfr. Bkxard. L' Esthtiqued'Aristote et de ses successeurs, p. 223. (Paris, 1SS9).

    ;) B.vard, op cit. p. 261.3) v. p. a') y.XXo jxv O'jv

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    - 46 partage les attributs de la beaut. Elles sont bonnes nanmoinscar Platon comme Aristote s'accorde avec Plotin poure^les limites du bien aussi loin que celles de l'tre. En daubestermes, toutes les choses belles ^^^J*^tre est bon. Mais l'inverse n'est pas vrai : le bien et te sondes notions transcendantales, tandis qu'il nen peut ete ainside la beaut, du moment que l'on fait rsulter ceUe-ci dePharmonie constitutionnelle, reliant entre eux

    des lment,distincts et multiples.

    Les premiers reprsentants de la pense chrtienne hritent^sans les contredire, des jugements de l'antiquit. Saint Paulraduit le sentiment populaire, en opposant le beau|-H-mai M*)') Clment d'Alexandrie, saint Augustin saintJean Damascne souscrivent au nom de la philosophie a 1 iden-tit du beau et du bien *). rwn-Quant saint Denys, nous avons dit plus haut qu his o-rien dcouvre entre sa philosophie et le systme de Plotm d^ndniables ressemblances. Si l'on supprime la filiation panthis-ioue e l'tre que le philosophe chrtien bannit impitoyable-S t sa mtlphysiq-, on peut dire que~^riginales des Ennades se retrouvent dans le trait des nomsS Aux yeux de l'Aropagite, la bont est l'attribut divinsuprme et les divers

    tres qui composent la hirarchie clesteXies'tre sont des participations cres de la bout souve-raine 11 ne faut donc pas s'tonner que saint Denys crive\Tuss le bon et le beau sont identiques, toutes choses aspi-ra avec gale force vers l'un et l'autre, et n'y ayant rien enralit qui ne participe de l'un et l'autre ).*

    Nous croyons pouvoir conclure de ce rapide expos que

    % SStSt- Sdition ftM e Hotin (1814) p. * etx fournit abondamment la dmonstration de ce fait

    3 V. p. 10.

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    47 l'identit de la beaut et de la bont, de la bont moralenotamment, est affirme sans restriction par toutes les colesphilosophiques de l'poque grecque et patristique. Dans letravail historique que nous poursuivons, il importe d'tablirce fait toute vidence. Le lecteur comprendra sans peine lancessit de cette dmonstration ; grce elle nous sauronsquelles ides saint Thomas a pu puiser chez les grands repr-sentants de la pense grecque, quelles ides surtout il aempruntes au trait des noms divins, dont il a fait en matireesthtique son manuel favori.

    Quand nous rapprocherons la doctrine de saint Thomas dela thse grecque, nous analyserons les causes de cette confusionentre la bont des choses et leur beaut, qui perdura pendantplus d'un millier d'annes; alors aussi nousen ferons la critique.Mais avant d'abandonner l'antiquit, il ne sera pas sansintrt, pensons-nous, de signaler la connexion qui, pour sesesthticiens, existe entre la thorie du bien et du beau d'unepart, et l'intressante doctrine des rapports de la morale et del'art d'autre part.

    * *L'antiquit a des solutions catgoriques sur la question

    toujours brlante de l'art et de la morale. A-t-elle confondula science du bien avec la science du beau ?

    Pour comprendre la porte des thories anciennes, fixonsau pralable, dans le problme des rapports de l'art et de lamorale, deux points de vue distincts. On peut se demander :

    1 . Quelle est la valeur esthtique de la moralit dans Fart ?Les exigences du beau obligent-elles l'artiste traduire dansson uvre un caractre de moralit positive ; ou bien est-illoisible l'artiste de choisir des sujets qui, au point de vuemoral, sont indiffrents?

    Si l'on se range la premire opinion, il faut que le spectateuremporte d'une uvre d'art une incitation la vertu, pour quel'uvre ralise les conditions essentielles de la beaut.

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    .. k*A - ,.,

    48 Si l'on adopte la seconde, l'impression reue de 1 uvre d'art

    peut tre absolument trangre l'ide morale, la moralitdu sujet reprsent n'est pas un lment essentiel de l'art,et l'artiste a le droit de chercher dans les sphres directementindpendantes de la moralit le thme de ses inspirations.Dans la seconde hypothse, une question ultrieure se pose:

    \ Si toutefois le sujet librement choisi intresse la morale, cettecirconstance n'exerce-t-elle aucune influence sur la valeuresthtique de l'uvre l Une production immorale est-elle dece chef moins belle, et le vice de fond est-il, comme le vicede forme, une infraction aux lois de la prosodie artistique ?D'autre part, la moralit positive d'une conception artistiqueconfre-t-elle l'uvre une supriorit esthtique ?On le voit, tous ces problmes relvent de la science du beauet non de la morale. Mais il est une autre catgorie deproblmes dont la porte est diffrente : ils ont pour objetla mission de l'art.

    2. Quelle est la mission morale de l'art ? telle est la secondequestion que l'on peut se poser. Quelle place l'art occupe-t-ildans l'conomie d'une vie bien ordonne, o tout doit convergervers la fin dernire, dans l'conomie d'un gouvernement idalqui doit s'emparer de toutes les nergies sociales pour en fairebnficier la communaut l Cette question ne ressortit pas l'Esthtique, mais l'Ethique.

    La philosophie grecque s'est prononce ouvertement sur, la mission de l'art. L'art ne doit pas tre une indiffrente

    distraction, il doit tre un enseignement, il doit moraliser lesfoules. La posie, dit Platon dans les Lois, (n, G53; vu, 800),le chant, la danse doivent traduire des situations morales,engendrer chez le peuple la conviction que la vertu seule rendheureux, que le vice trane le malheur sa suite. Pourempcher que l'art ne devienne l'instrument de la corruptionmorale, Platon proscrit toute innovation artistique. Il prendl'Egypte pour modle, l'Egypte o, depuis dix mille ans, les

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    L

    49 ouvrages de peinture et de sculpture n'ont point chang,rflfYPte o les mlodies sacres se sont conserves intactesdepuis le jour o Isis les enseigna aux prtres de son culte ').Entre les mains le l'tat, l'art est une force civilisatrice etducatrice. Aussi, dans la constitution organique de songouvernement idal, Platon veut que les guerriers eux-mmes et les gardiens de la cit soient familiariss avec lamusique, comme ils le sont avec la gymnastique *).

    La pense d'Aristote se dveloppe dans le mme sens, quandil demande la tragdie de dpeindre les hommes meilleursqu'ils ne sont, et qu'il veut, par sa thorie clbre de la purga-tion ou de la purification (/.aGa&ffi;), touffer dans l'me duspectateur les passions dsordonnes dont l'action dramatiquelui montre les suites funestes. Le thtre aristotlicien est unthtre utilitaire en tout semblable celui qu'AlexandreDumas a si loquemment dfendu et si puissamment mis enpratique. Le thtre n'est pas le but, ce n'est que le moyen,crit l'auteur de La Femme de Claude. C'est un art civilisateurau premier chef, dont la porte est incalculable quand il apour base la vrit, pour but la morale, pour auditoire lemonde entier... Par la comdie, par la tragdie, par le dram^j

    . par la bouffonnerie, dans la forme qui, rous conviendra mieux, inaugurons donc le thtre utile, au -;isque d'entendrecrier les aptres de Y(ni pour Tari, troi r . lot^absolument videsde sens. Toute littrature qui n'a pa^'ln '-?, la perfectibilit,la mobilisation, l'idal, l'utile en un me! ?st une littraturerachitique et malsaine, ne morte " 3). , tLes successeurs d'Aristote ne se sont pas '.dpartis d'unedoctrine si nettement codifie par les deux plils grands repr-sentants de la philosophie, et nous en retrouvons les traces

    i) Fouille. La Philosophie de Platon. T. n. p. 25.'-) Time, 18. C.3) Prface du Fils naturel. Thtre complet d'Alexandre Dumas, t. IIL

    p. 25 (Calman-Lvy, Paris).

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    dans les coles morales des derniers sicles et chez les philo-sophes d'Alexandrie.La philosophie grecque a-t-elle tranch avec la mme

    hardiesse l'autre prohlme que soulve une tude compltedes rapports de l'art et de la morale? A-t-elle dtermin l'in-fluence estlitique de la moralit ?En ralit ni Platon, ni Aristote, ni Plotin n'ont fait la

    distinction du problme esthtique et du problme thique. Enrsolvant le second, ils ne se sont pas, croyons-nous, dsin-tresss compltement du premier : pour l'un et l'autre ils ontdes conclusions identiques. Il ne faut pas s'en tonner. Sil'art doit exprimer le beau et si le beau est identique au bien,l'artiste rendra son oeuvre belle en la rendant bonne. Et puis-que, aux yeux des Grecs, l'identit du bien et du beau se raliseprincipalement dans l'ordre moral, les lois esthtiques exigentque l'uvre d'art soit un instrument de perfectionnementmoral. Ds lors la philosophie enlve l'art toute indpen-dance, elle restreint son domaine, elle le met au service de lamorale. C'est la consquence logique de la confusion entre lebien et le beau. Elle a entach l'Esthtique grecque d'un vicecongnital que celle-ci a conserv travers toutes les phasesde son volution.

    ** *

    Telle tait la doctrine des anciens sur les rapport du bien etdu beau, lorsque les scolastiques en prirent connaissance.Les grands penseurs du moyen ge ont su largir les cadres

    du problme, ils l'ont rattach aux principes d'une esthtiqueplus rationnelle, ils ont pu prciser ainsi en quoi les anciensavaient raison, en quoi ils s'taient fourvoys : l'honneur dece travail de transformation revient principalement saintThomas d'Aquin.

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    51 -II.

    La Thorie thomiste.Un enfant tombe l'eau et va fatalement se noyer, quand

    un courageux passant se jette son secours et, au pril de sapropre vie, russit le sauver. Cet homme a fait une bonneaction. Exposer sa vie pour conserver celle de son prochainest une des plus hautes formes de la moralit.Mais nous ne disons pas seulement de ce courageux sauve-teur qu'il a fait une bonne action ; nous ajoutons, sans devoirfaire violence ni notre conviction ni notre langage, que cedvoilment est beau, admirable.

    11 s'agit de savoir en quoi consiste la beaut morale de cetacte.

    Les tmoins du sauvetage n'ont pas song en -admirer lescirconstances matrielles. Le fait de voir un homme se lancer l'eau n'a en lui-mme rien d'esthtique; bien plus, les condi-tions tragiques du sauvetage peuvent en rendre le spectaclephysique dplaisant, mme horrible. Nous n'apprcions labeaut de cette conduite que lorsque nous en mesurons lect moral, le ct hroque, lorsque nous songeons l'idequi l'a inspire et au but qu'elle doit atteindre. Or, c'est l,semble-t-il, le rapport d'un acte vis--vis d'une fin, rapportqui constitue la bont morale. Ds lors l'acte n'est-il pas bonet beau sous le mme point de vue, et ne faut-il pas se rallier la thse universellement accepte chez les esthticiens grecs ?

    Nullement. Il y a l un mlange d'ides dlicates et tnuesque saint Thomas a t le premier, croyons-nous, clairciret que nous essayerons d'lucider en le prenant pour guide.Un commentaire anticip de la pense du grand docteur nousmettra sur la voie de la solution.

    Remarquez d'abord ce fait suggestif : quand on dit d'unacte de sauvetage qu'il est la fois bon et beau , on ne le met >

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    point en rapport avec la mme personne : l'acte est bon pourle sauveteur ; il est beau jmui- les spectateurs. Qu'est-ce dire ?Le hros emportera certes du thtre de ce drame la con-science du bien ralis ; il se sentira magnifi par le mrite.Quelle que soit sa modestie ou son abngation, il ne pourrase soustraire l'influence bienfaisante du devoir accompli.Mais pourquoi ne se surprend-il jamais admirer lui-mme

    le caractre purement esthtique de sa conduite ? En effet,ce n'est pas lui-mme qui a ressenti l'impression de la beaut ;c'est la foule des spectateurs. Pourquoi le sauveteur ne peut-ilddoubler sa personnalit, s'objectiver pour ainsi dire, sejoindre ses admirateurs pour admirer avec eux le ctesthtique de sa propre conduite? Il ne s'agit point ici d'unsentiment de sotte vanit ou mme de lgitime fiert, avantpour principe et pour terme l'amour de soi-mme. Il s'agit dela jouissance dsintresse qu'ont prouve les tmoins dusauvetage, jouissance qui chez eux est certes indpendantede tout sentiment de vanit ou d'orgueil..

    L'analyse de cette double impression met nu la diffrenceentre la bont morale et la beaut morale. La bont moralese rapporte la satisfaction d'une tendance, l'assouvissementdu besoin irrsistible qui pousse l'homme vers ce qui le perfec-tionne, l'acheminement de la nature vers le terme finalauquel convergent nos actions. La beaut morale, au contraire,comme toute beaut, rsulte d'un acte de connaissance contem-plative et du charme que nous prouvons saisir la propor-tion, l'harmonie, l'ordre des choses.

    L'bomme qui a sauv la vie son prochain ressent vivementla moralit de son acte, sa conscience s'y complat, sa volonty adhre.Tant qu'il se rjouit dans cette possession, un acte de per-ception esthtique reste impossible, et comme il s'agit de sonintrt, il en fait difficilement abstraction.Au contraire, les tmoins d'un sauvetage ne doivent pas selivrer ce travail de ddoublement psychique, et l'on comprend

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    . _. --JJBBatmimmmm~ - .. . - *!* ... i.l .f

    - 53 que la moralit d'un acte auquel ils ont assiste provoquechez eux non point la jouissance intresse du bien, mais lacontemplation dsintresse du beau.En rsum : pour saisir en quoi diffrent le beau et le bienmoral, il faut tudier non point la ralit objective, iais sur-tout le rapport de cette ralit avec les facults du sujet mis encontact arec elle.

    *# *

    Toute la doctrine de saint Thomas est contenue dans cetteformule, et pour s'en convaincre il sufft de suivre le savantdocteur dans ses profondes dissertations. Le beau et le bien,dit-il, ne diierent point dans l'ordre objectif, car l'un et l'autreont un fondement commun, la forme des choses . Pulcrum etbonum in subjecto quidem sunt idem, quia super eamdem remfundantur, scilicit super formant ').

    Considrez par la pense quoi se rduisent les notions dubeau et du bien, aprs en avoir limin tout lment subjectif.Du beau, il reste le concept de parties multiples ordonnes entreelles, en d'autres termes, le concept d'une ralit. Il en est demme du bien. Car le bien se confond avec l'tre ; par dfi-nition il est l'tre, en tant qu'il rpond l'inclination naturellede la crature, bonum est quod omnia appelant. Supprimezcette tendance d'une crature vers une chose, celle-ci n'a plusles attributs de la bont ; elle est une simple ralit.

    Ainsi la notion purement objective du beau et du bien reposesur la ralit, ou sur la forme (super formam) principe etmesure de la ralit, ou finalement sur la perfection des choses,qui son tour se mesure sur leur degr d'tre *).La thorie de saint Thomas est gnrale, elle s'applique

    l'ordre moral comme l'ordre physique.L'adaptation d'un moyen sa fin, d'une action au terme de

    notre nature raisonnable est une harmonie, une perfectioni) S. Tlicol I, q. V, art. 5, 1 et c) V. p. 33.

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    54 objective au mme


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