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« Un tombeau d’exception. Comparaison des monuments funéraires de Richelieu à la Sorbonne et de...

Date post: 28-Jan-2023
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lJn tombeau d'exception Comparaison des monuments funéraires de Richelieu à Sorbonne et de Mazarin au collège des Quatre-Nations Claire Ma.zel À 1, fir, de sa vie, Richelieu indiqua dans son testament qu'il désirait que sa nièce et exécutrice testâmentâire, la duchesse d'Aigui1lon, prît soin de sa «sépulture que je veux être faite... suivant le dessein... que j'en ay arresté avec Monsieur des Noyers et le sieur Mercier, architecte ». Cette précaution êtatt rare au xvlle siècle, où, dans la majeure partie des cas, les défunts laissaient entièrement cette responsabilité à leurs héri- tiers'.Toutefois, une telle précaution resta longtemps vaine, car ce n'est que cinquante-deux ans plus tard, en t694, que le monument fut érigé dans le chceur de la chapelle de la Sorbonne, à l'emplacement que nous lui connaissons aujourd'hui' (r11.62 et 7r). Cet hommage tardrf ne doit pourtant occulter l'exceptionnalité de ce monument parmi tous ceux qui furent érigés dans le Paris du xvrr' sièc1e. Par sa forme, par son empla- cement, par les conditions de sa commande, par le rapport du sculpteur Girardon avec son ceuvre, ce tombeau n'est à nul autre pareil. La com* paraison avec le monument funéraire érigé pour l/..azarin au collège des Quatre-Nations permet de comprendre ce caractère exceptionnel. Le temps qui sépare la mort de Mazarin de 1a pose de son monument fut lui aussi très long - son monument fut posé en 1693, soit trente-deux années après sa mort. C'est pourquoi 1es histoires quasi contemporaines de ces deux monuments, âvec tous leurs rebondissements, s'éclairent mutuellement. À travers les aléas, les péripéties, les débats que suscite leur création, se découvrent deux façons très différentes de gérer la mémoire des défunts, elles-mêmes intimement liées à leur souvenir. lc^, ÿ.-c BY, rl .tu G*l"J'd** ( d''* ')) {?" J*l,ea'^ pa-}ran'. &. -*L , l1a+*^ 1* 't un* (e' de 1 n('* , '&A' {<'n'g*" /2w*, ZNE, p /4s -zae -
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lJn tombeau d'exception

Comparaison des monuments funéraires de Richelieu à

Sorbonne et de Mazarin au collège des Quatre-Nations

Claire Ma.zel

À 1, fir, de sa vie, Richelieu indiqua dans son testament qu'il désiraitque sa nièce et exécutrice testâmentâire, la duchesse d'Aigui1lon, prîtsoin de sa «sépulture que je veux être faite... suivant le dessein... que j'enay arresté avec Monsieur des Noyers et le sieur Mercier, architecte ».

Cette précaution êtatt rare au xvlle siècle, où, dans la majeure partie des

cas, les défunts laissaient entièrement cette responsabilité à leurs héri-tiers'.Toutefois, une telle précaution resta longtemps vaine, car ce n'estque cinquante-deux ans plus tard, en t694, que le monument fut érigédans le chceur de la chapelle de la Sorbonne, à l'emplacement que nouslui connaissons aujourd'hui' (r11.62 et 7r). Cet hommage tardrf ne doitpourtant occulter l'exceptionnalité de ce monument parmi tous ceuxqui furent érigés dans le Paris du xvrr' sièc1e. Par sa forme, par son empla-cement, par les conditions de sa commande, par le rapport du sculpteurGirardon avec son ceuvre, ce tombeau n'est à nul autre pareil. La com*paraison avec le monument funéraire érigé pour l/..azarin au collège des

Quatre-Nations permet de comprendre ce caractère exceptionnel. Letemps qui sépare la mort de Mazarin de 1a pose de son monument futlui aussi très long - son monument fut posé en 1693, soit trente-deuxannées après sa mort. C'est pourquoi 1es histoires quasi contemporainesde ces deux monuments, âvec tous leurs rebondissements, s'éclairentmutuellement. À travers les aléas, les péripéties, les débats que susciteleur création, se découvrent deux façons très différentes de gérer lamémoire des défunts, elles-mêmes intimement liées à leur souvenir.

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176 I CLAIRE MÂZEL

6o Bénard d'après LucotteMarbrerie : compartintents du paué

de l'église de la Sorbonne,n.d.,

gravure, Paris, musée Carnavalet(en A, 1'emplacement du monument)

La question de I'emplacement

L emplacement du monument de Richelieu dans le chæur de la cha-pelle de 1a Sorbonne est présenté comme une chose naturelle par laduchesse d'Aiguilion en r66j, quand le Bernin conteste cette position :

«M.1e cardinal avait choisi le lieu où il était, afErmait-el1e, et prenait àtémoin partie des docteurs qui étaient là présents3. . . » Or, le monumentde Richelieu jouit d'un double privilège : non seulement il est dans lechæur, mais encore il bénéficie d'une position centrale et élevée (i11. 6o).

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6t Anot]vtre. Plail t't llérnlLctn drt tar,t'au dt'RitltLlLru à l,t.\orbonnt,v0rs rf)9-5, grà\rLrre.

Palis. Ilibliorhèrlue nation.rlc dc Frrrnce

En cLoit ecclésiastrclue, f inhunration dans 1e ch<-eur liturgique est u11

prir,,i1ège qlli n'est réservé clu'aux évêqucs et cLlrés d:rns 1c-ur-ég1ise,:rupatron fbndateur, aL1 seisneltr haut justrcier et entln altx nobles à conclition clue leur sépr-rlture se trolrve clans un lier-r moins honorabie que celiecles précéde'nts.A1ns1lit-on clans ies Loi-ç etclésinstiryrcs de Franct:de Lor-ris deHér-icourt qn'«il n'y a que 1e curé cle la paroisse, 1e patron et 1e seigneurl-raut jr-rstrcrer qui aient le clroit de se fàire inhurner dar-rs 1e chceur de1'éshse paroissi;rle. Ils peuvcnt mêrne enrpôcher que d':rutres persollness'r'lassent enterrer. C)n en excepte, sllivânt la jurispruderlce des arrôts,1essentilshorrrnes qni sont et] possession rrnrnénroriale cl'avoir L1n ca\reâLl

c-1e iàmi11e d:rns 1e chceur, pollrvlr que ce ne soit point dans un lier: plusironorabie que ceiui clui reste çrour 1e pâtron oL1 pour le seigneur haut

I78 I CLÀIRE MÀZEL

6z François Girardon,Monument funéraire de Richelieu,

t675-t694, marbre, 46c- x r7o cfl1,

Paris, ég1ise de 1a Sorbonne

justicier»a. L emplacement du caveau et du monument de Richelieu dans

le chæur de la Sorbonne est donc un droit que ne manque pas de rap-peler 1a duchesse d'Aiguillon quand e11e dit « que l'ég1ise entière [est] de

la fondation de Son Eminence »s. 11 est vrai que d'autres principaux fon-dateurs jouirent de ce privilège aLI xvlle siècle :ainsi Charles de LaVieuvillefit l'acquisirion aux Minimes de la place Royale d'une chapelle du chceur

(à laquelle il renonça pour une chapelie latérale) et le maréchal de Navailles

eut son monument éievé au reveïs du retable du maître-autel dans l'églisedu noviciat des Jacobins. Mais ces deux exemples démontrent aussi que

1a position de ces monuments n'était pas aussi avantageuse que celle dumonument de Richelieu. En effet, si l'on continue à se référer au droitecclésiastique, il y a une règle à laquelle contreüent ce tombeau : « On doitmême avoir soin pâr rapport aux personnes à qui ce droit appartient, que

.TOMBEÀU D,EXCEPTION

ces sépulcres soient disposés de manière qu'ils ne causent aucun embar-ras pendant le service divin. » Avoir son tombeau dans le chceur, rnaisde surcroît en son centre et élevé hors de terre, c'est risquer de gêner ledesservant et donc contrevenir à cette loi.

Uensembie des critiques et des propositions que formule le Berninlors de sa visi.te à la Sorbonne 1e 9 octobre r665 montre qu'il est sensibleà ce problème. Il remarque en effet que « ceux qui viendraient faire leursprières, au lieu de voir l'autel ne verraient que le dos de la figure de M.lecardinal»6. 11émet donc trois propositions diflérentes :la prenrière est deplacer le monument sous la coupole de 1'église, c'est-à-dire d'enlever lemonument du chceur liturgique;la deuxième est d'avancer l'autel sous lacoupole et de reculer le monument au fond du chceur architectural, à laplace de 1'autel («Le cavalier a dit que,pour faire quelque chose de bien,il faudrait mettre l'autel, conune il est dans Saint-Pierre de Rome, et qu'ilfaudrait mettre la sépulture de Son Éminence où est à présent 1'auteli r) ;

la troisième enfin est de placer ia sépulture dans l'un des bras du transept.

Quelle que soit la proposition formulée, 1e but de 1'artiste romain estd'enlever le monument de ce lieu, déterminé par Richelieu, évoqué dansson testâment, défendu par la duchesse d'Aiguillon. Le respect de la conve-nance est l'un des arguments principaux du Bernin (« que si elle préten-dait âire un ouvrage où l'on ne trouvât point à redire et qui fût au gréde tout le monde, elle serait en cela plus heureuse que personne n'a été»).

Les débats sur l'emplacement à donner au monunlent de Mazarin dansla chapelle du collège des Quatre-Nations précisent parfaitement lescontours d'une te1le inconvenance. Les prenriers plans donnés par Louis LeVau en 166z portt la chapelle placent le monument au centre de l'édifice,sous la coupole (i11. 63). À h difié."rrce de celui de Richelieu,le monumentn'est pas à proprement parler dans le chceur, mais en revanche 1e plan cen-tré de 1'édifice fait ressortir sa position. Le problème de 1'emplacement dumonument ne se pose matériellement qu'à partir de 1673,annêe pendantlaquelle doit se faire le pavement de l'édifice sous la conduite de l'archi-tecte François d'Orbay qui, depuis t67o,a succédé à Louis LeVau.JosephFoucault, 1'administrateur du col1ège des Quatre-Nations, qui, sur ia sug-gestion de François d'Orbay, décide de consulter l'Acadénrie d'architecture,est pour sa part défavorable à 1'emplacement initiâlement prévu. Nousconnaissons ses avis et arguments ainsi que tolls ceux des acadénriciensgrâce au 'Ii oisième registre contenant la suite des délibération.s concernant I' exécwtion

de laJondation du collège et académie appelés Mazarin, conservé à 1a bibiio-thèque de l'Instituts. Le 15 juillet 1675, tous se rendent dans la chapelle :

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r8o I crArRE MAZEL

63 Bernard d'après Luçotte,Marbrerie : compartiments du paüde l' Ëglise des Quatre-Nations, n.d.,gral'ure, Paris, musée Carnavalet(en À, l'emplacement initial dutombeau, rétabli en 196z).

« Ce jour, Messieurs de l'académie royâle d'architecture conviés parMonsieur Foucault, secrétafue du Conseil, se sont transpoftês au Co11ège

Mazaritpour exarniner divers modèles du tombeau de feu Morxeigneurle Cardinal }y'razarir' et voir dans quel lieu de 1a chapelle du collège, iIpourrait être le plus convenablement placê..Et après que châcun a exa-miné les modèles qui ont été représentés par Monsieur d'Orbay archi-tecte des bâtiments du Collège et considérê les dispositions de 1a

chapelle, Monsieur Foucault a dit qu'il s.'agissait particulièrement de

savoir si 1e tombeau de feu M. le Cardinal devait être construit au

milieu de 1a chapelle ou en quelque autre endroit du même lieue. »

Dans son discours,Joseph Foucault présente dans un premier temps les

erguments en faveur d'un tel emplâcement, rappelant « que l'usage était

UN TOMBEAU D,EXCEPTION

de placer 1es mausolées des Rois et des personnes illustres dans les lieuxles plus éminents des temples, et particulièrement ceux des fondateurs aumilieu du chæur de 1'ég1ise, que cela se remarquait dans les abbayes deSaint-Denis, de Saint-Germain-des-Prés, de Sainte-Geneviève et dansquantité d'autres lieux les plus célèbres du Royaume», que «Messieursde Sorbonne avaient réso1u de mettre celui de feu Monsieur le Cardinalde Richelieu dans le milieu du chæur de leur chapelle», et que «la cha-pelle dont il s'agissait n'était pas à propremenr parler une église qui dûtêtre publique mais ia chapelle particulière du fondateur dans laquelle il fal-lait honorer sa mémoire par des représentations dignes d'un si grandhomme »'o. Mais i1 présente dans un second temps une critique de cetemplacement, avançânt des arguments contraires :il modère le droit desprincipaux fondateurs (« encore qu'en France il soit assez de l'usage de pla-cer des tombeaux dans les places principales des temples et même aumilieu, néanmoins cela n'était pas visité partout, y ayantplusieurs tombeauxde grands personnages placés dans d'autres endroits»), rejette 1e modèledu monument de Richelieu (« ce n'est pas dans la nef mais dans 1e chæurde 1a chapelle de 1a maison de Sorbonne que le tombeau de Monsieur 1e

Cardinal de Richeiieu doit être placé, quoiqu'elle soir beaucoup plusgrande que celle du collège Mazarin et que d'aillsuls cette destination desMessieurs de Sorbonne ne conclut pas nécessairement qu'ils aient observé1a plus grande régularité ») et met en avant 1ui aussi la gêne créée pour 1es

fidèles assistant à l'ofiice («1a chapelle érant perite, un tombeau placé aumilieu de la nef en occuperait une grande partie, s'il était exhaussé sur descolonnes, i1 ôterait 1a vue du Maître Autel et celle du prédicateur enquelque endroit que 1a chaire pCrt être placée»).

Le 9 mars t676,les académiciens, auxquels se joignent 1es architectesClaude Perrault etJules Hardouin-Mansart, ainsi qu'Àndré Félibien (secré-taire de 1'Académie) et Charles Perrauh (contrô1eur gênêraldes Bâtimentsdu roi) remettent àJoseph Foucault leurs avis, afin que lui-même en rendecompte à Colbert". Sur les onze avis rédigés, quatre seulement sont favo-rables à 1a position centrale du monument, tandis que quatre autresmarquent une préférence pour l'emplacement à droite du maître-aute1,deux autres pour le bras droit du transept, et un dernier pour une arcadede 1a croisée. ceux qui défendent la position centrale avancent eux aussif idée que la meilleuie place doit revenir au fondateur du co1lège : « Monvéritable avis serait pour 1e mettre au milieu du grand dôme étant le lieule plus apparent,le plus magnifique et encore un coup le véritable endroitdestiné pour un fondateur"», écrit par exemple François d'Orbay. Ceux qui

I r8r

I82 I CLAIRE MÀZEL

la rejettent reprennent l'argument principal de Joseph Foucault contre unmonument qui empêcherait la vue du maître-autel : «Je croirais toujours,

écritJules Hardouin-Mansart, qu'il serait indécent que ledit mausolée flrtle premier objet qui pfit frapper 1a vue, occupant plus éminemment la pius

bel1e piace de l'église et cachant 1e principal Autel où est le saint sacre-

ment13. » La question de la destination de l'édifice retient systêmatique-

ment 1es deux partis : tandis que ies uns avancent que «le corps de l'église

n'est à bien dire qu'une chapelle et n'est bien bâti que pour la sépulture

seulement»'a, 1es autres affilment que la chapelle n'est pas un mausolée

comme la chapelle desValois à Saint-Denis.André Félibien écrit :

« Si l'église du collège des Quatre Nations était un lieu seulement des-

tiné pour des sépultures, corrurre 1e tombeau desValois à Saint-Denis,on ne ferait pas de difficulté à suivre l'avis de ceux qui jugent à propos

de mettre celui de M. le cardinal Mazartn au rnilieu de la nef. Mais

coffine ce lieu n'est pas sirnplement destiné pour un mausolée, qu'il doity avoir plusieurs autels pour ie sacrifice de la messe, Que 1'on prétend

même y prêcher, il semble qu'on doit avoir d'autres vues et le consi-

dérer comrne le temple de Dieu et non pour 1e tombeau d'un hommepour lequel il n'est question que de chercher une place honorable's. »

À la suite de ces débats, on renonce à l'emplacement du milieu pourMazarin.En 1684, sa dépoui1le est trânsportée depuisVincennes, où elle

avart êtê temporairement déposée, et placée dans le caveau à droite du

maître-autel, à 1'emplacement du futur monument'6. Le monument de

Richelieu, dont 1'exemple revient à trois reprises dans le dêbat de fi75-1676 - et cela à plus forte raison qu'a été signé le n avril fi75le contrat

entre le sculpteur Girardon et la duchesse d'Aiguillon - fait office de

modèle : «Mais ce qui doit lever toutes sortes de scrupules, c'est que

Messieurs de Sorbonne, qui doivent savoir parfaitement ces sortes de

bienséances, ont réso1u de placer la sculpture de M.le Cardinal de Richelieu

dans le milieu du chæur, et 1e Sieur Girardon sculpteur en a même élevé

le modèie qu'ils ont fort approuvé », avance Charles Perrault'z.Toutefois,il est dit ailleurs que les tombeaux « sont placés en tant de manières diÊférentes que sur cela on tïouvera toujours de quoi âutoriser son avis, quel

qu'il puisse être»'8. Quant àJoseph Foucault, il avait déjà émis quelque

réserve à 1'endroit du monument de Richelieu : « Cette destination des

Messieurs de Sorbonne ne conclut pas nêcessairement qu'i1s aient observé

1a plus grande régularité. » Cette comparaison montre toute f importance

.TOMBEAU D,EXCEPTION

du privilège dont jouit 1e monument de Richelieu par râpport au monu-ment de Mazarrn, diflérence que peuvent expliquer les conditions trèsparticulières de commande de ces deux æuvres.

Commanditaires et artistes

Au xvu' siècle à Paris, 1a commande funéraire est une affa:rre privée. El1e

est passée dans la majorité des cas par un membre de la famille et, plus rare-ment, par le défunt lui-même de son vivant ou par son exécuteur testa,mentaire'e. Les commandes des monuments de Richelieu et de Mazarinsont ainsi financées grâce aux legs faits pour les collèges de la Sorbonneet des Quatre-Nations, sous la responsabilité des exécuteurs testamen-taires. Cependant l'histoire de ces deux commandes prennent un tourparticulier, qui les rend toutes deux originales.

En 1689, ce sont 1es exécuteurs de la fondation du collège Mazarin, c'est-à-dire les homrles chargés de gérer le legs fait par Mazarin à sa mort, quicommandent le monument du cardinal. Les signataires du contrat de t689sont ainsi Louvois, Coibert de Seignelay, Claude Le Pelletier et Guillaumede Lamoignon. Du côté des artistes, les signataires sont eux aussi nomb-reux : les sculpteurs Étienne Le Hongre,Jean-Baptiste Tuby et AntoineCoysevox s'engagent à exécuter le monument d'après les dessins donnéspar le premier architecteJules Hardouin-Mansart, qui n'est pas lui-mêmesignataire mais auteur des expertises intermédiaires et de 1'expertise finaledu 4 février fi93. Ce type de répartition des tâches existe depuis lesannées 16To,lorsque furent demandés à Charles Le Brun des dessins detombeaux'o. Peu de temps auparavant, en 1686 et 1688,Jules Flardouin-Mansart avait déjà donné les dessins des monuments funéraires de MichelLe Têllier dans 1'ég1ise Saint-Gervais et de Charles de Créquy auxCapucines de la placeVendôme, exécutés par les sculpteurs Pierre Mazelineet Simon Hurtrel1e". La commande du monument de Mazarin, tant ducôté des commanditaires que des artistes, revêt donc un caractère public,ce dont témoignent les débats de fi75-t676. Cela explique certainementcette forme de censure - que l'on aurait appelée au xvlle siècle le respectde la bienséance -, qui a pu s'exercer sur le lieu et la forme à donner aumonumenl.

Le monument de Richelieu est quant à lui commandé selon un modeen apparence plus courant. La duchesse d'Aiguillon, nièce et héritière ducardinal, passe plusieurs contrâts jusqu'à sa mort en 1675, qui témoignent

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I84 I CLÀIRE MAZEL

s€aç....1rç {lae::r:§â:, &I*aa*§64 Ântoine Àveline,'Tombeau du cardinal Mazarin, n.d, gravure (extraite de Piganiol de La Force,

Description de Paris, 1765, t. vrx, p. zz4), Paris, BibJiothèque historique de la ville de Paris

de sa volonté de faire ériger le monument de son oncle, même si Chantelouremarque en r66j qu'«i1 était aisé de juger qu'elle eirt bien voulu faireune grande chose mais à peu de frais »". Cette critique mérite d'être pré-cisée, la duchesse ne s'étant pas conduite en la matière de façon habituelle.Elle s'adresse d'abord à Guillaume Bertelot vers 1646, puis à Pierre II Biarden 1647 (marché de 33 ooo livres tournois), et enin à Simon Guillain en165o (marchê de lSooo livres tournois). La mort de ces sculpteurs (respec-

tivement en 1648, 1662 et 1658) ne peut expliquer vraiment le fait que 1e

monument ne fut pas exécuté. Pourquoi la duchesse, alors qu'elle avaitsigné un contrat avec le sculpteur Pierre II Biard, passe-t-elle un nouveaucontrat avec le sculpteur Simon Guillain trois ans plus tard? Fait totalementoriginal, elle fit en personne l'acquisition des marbres en 1646, trâitânt

u\ ToMBLAU D'EXe FP r rO\ | t 85

65 Jules Hardouin-Mansart (dessin),Antoine Coysevox, Etienne Le Hongre,

Jean_Baptisteruby(scurpturel_*#::,#*::,:i;i:,y^;,,;::.i ji,?;ll? j;

directement avec le marbrier, comme si el1e voulait garder la main sur1'entreprise - et peut-être est-ce de cette façon qu'e1le empêcha les sculp-teurs d'exécuter l'æuwe. De toute évidence, 1a duchesse hésitait, passant d'unsculpteur à 1'autre'3, sûre de ce qu'elle voulait entreprendre - un monumentavec figure semi-a1longée au centre du chæur, comme elle l'afÊrme hautet fort en 1665 -, mais moins sûre de la personne à qui confier cette tâche

186 I CLÀIRE MÂZEL

et du prix qu'il fallait lapayer. Dans le contrat du o avri. t675, qu'ellesigne cinq jours avant de mourir, elle commande au sculpteur François

Girardon le monument pour une somme très basse (14 5oo iivres) ,laduchesse continuant à assurer en personne la fourniture des marbres «( tous

les marbres qu'il conviendra pour lesdits ouvrages seront fournis par madite

dame audit Girardon,lesquels il fera voiturer à ses frais du lieu où ils sont

à Paris jusques à son atelier»)'+. La nouvelle duchesse d'Aiguillon signe 1e

17 juiilet 1678 un nouveâu contrat avec Girardon, qui reprend 1es termes

du contrat de 1675; entre-temps, ce dernier a exposé à ia Sorbonne ungrand modè1e du monument qu'il entend exécuter. Mais ensuite la com-manditaire ne fournit pas les marbres que le sculpteur 1ui demande à

plusieurs reprises, ni ne le pâye au fur et à mesure que I'ouvrage âvance.

Face à cette incurie, Girardon achète de sa propre initiative un bloc de

marbre en t67g, pour la somlne de 3 oro livres, poursuit l'exécution du

monument et fait soruner la duchesse de 1ui payer son travail jusqu'à la

requête auprès du Conseil privé du roi le 5 décembre i689. Les directeurs

et légataires de 1a feue dame duchesse d'Aiguillon répondent à cette requête

en affirmant que 1e sculpteur «n'était point en droit d'acheter des marb-res et de travailler de son mouvement » et lui reprochent donc sa « témé-rité, après avoir lui-même contrevenu aux marchés, d'en demander1'exécution »'s.

Si le comportement des comrnanditaires fut original dans cette affaire,

celui de Girardon, colrune le souiigne 1a partie adverse, ne le fut pas moins.

En poursuivant son ceu\T e, contre 1a volonté de la commanditaire, le sculp-

teur s'est coffine substitué à elle, s'est comrne approprié financièrement et

moralement son æuvre. Quoiqu'il se glorifie de faire ainsi honneur à la

mémoire de Richelieu, «plus présente, plus chère et plus recommandable

à tout le reste des hommes», il témoigne aussi du rapport intime qu'il a noué

avec le monument. Ce rapport se lit parfaitement dans la suite des six

grandes planches gravées que le sculpteur commande à ses propres frais :

quâfïe planches présentent le monument sous ses quâtre aspecB les plus avan-

tageux, une cinquième offre une vue en coupe et en plan du caveau sur

lequel est posé le tombeau, une sixième présente une grande épitaphe de

I'invention de Scudéry avec le buste du cardina'l'6.I1 se 1it aussi lorsque

Girardon oblige Florent Le Comte, qui dans la première édition de son

Cabinet des singularités en t69g a attribué le dessin du monument à Charles

Le Brun, à publier son erreur dans le Mercure de France et à corriger son

texte'7 .Il se lit enfin dans l'anecdote, peut-être imaginaire, relatêe par

Dezallier d'Argenville à propos du sculpteur qui « sur 1a fin de ses jours

TOMtsEAU D,EXCEPTION

tournait dans l'église de la Sorbonne autour du plus durable monument de

sa gloire »'8. Le monument de Richelieu est donc le fruit d'une doubledéterminatron : cel1e de la duchesse d'Aiguillon à lui donner son empla-cement et sa forme, celle du sculpteur Girardon à faire en sorte qu'il fütexécuté.

Le monument,l'autel et le frdèle

La discussion de 1665 à la Sorbonne ainsi que les débats de fi75-t676dans 1a chapelle du collège des Quatre-Nations le montrent :de la réponseà la question de 1'emplacement dépend la forme du monument, ou, pourreprendre 1es termes de Chantelou, du lieu dépend la façon. Le fait quel'un des illonuments fut érigé au centre du chceur et que l'autre le fut à

droite du maître-autel déternrina non seulement leur aspect à l'un et à

l'autre, mais encore la définition des rapports entre etligie et autel, monu-ment et spectateur.

Le lieu exceptionnel du tombeau de Richelieu conduisit à f inventiond'un monument exceptionnel. Si 1'on considère tout d'abord le rapportentre 1'efligie du défunt et 1'autel, on ne peut qu'en constater i'admira-ble tension (pl. XIV). Le cardinal de Richelieu, soutenu par la Piété, s'oÊfre à Dieu au moment de rendre l'âme.Alors que déjà son corps ploie ets'abandonne à la mort, son regard s'attache fermement à l'autel, sa maindroite se pose sur le cceur, et la gauche montre, ouverte, le livre que tientla Piété. Cette double gestuelle met en scène chez ie cardinal les vertus,piété et doctrine, que les deux femmes du tombeau personnifient.Tout ens'appuyant sur de précédents modèles, le monument les dépasse. La ten-sion entre 1'effigie et l'autel est l'héritière des effigies funéraires romaines,nées du ciseau de l'Algarde, de Giuliano Finelli ou du Bernin, dans les

années 16zo-163o, ainsi que du monument pour le cceur de Bérulle quesculptaJacques Sarazin pour la chapelle de l'église des Carmélites de la rueSaint-Jacques (1653-r657)'e. Mais tandis que ce lien se joue dans le cadrerestreint des chapelies - les eflgies étant dans les chapelles romaines pla-cées sur les côtês, derrière des prie-Dieu -,le monument de Richelieu meten scène un face à face avec le maître-autel, au centre même du chceur.La représentation du défunt dans une position semi-allongée est aussil'héritière des effigies parisiennes d'Henri de Rohan-Chabot aux Célestins(commandée en 1656) et de Jacques de Souvré à Saint-Jean-de-Latran(avant fi67),sculptées par FrançoisAnguier, qui renouvela cette attitude

| ,t,

r \b I t ralHE r,t tzrr

66 Antoine Co1,5g1-.r,

Pridnt de ÿIazarin, H. Irro cnr

1.lcr.ril ,lrr llùrlulr(nt hrnér rirede Mazarin), Paris, chapellede 1'Institut

en fixant la représentation à 1'heure de 1a mort3o. Mais tandis que ces

fameuses efîgies n'âttachent pas leur regard à quelque endroit particulier,le cardinal de Richelieu meurt 1ui en contemplant l'autel, sous le regard

et en présence de Dieur'. Enfin, les figures qui. personnifient 1es vertt-ls

du défunt sont plus anciennes puisqu'on en trouve déjà dans le monurnentpour le cæur d'FIenri II de Bourbon-Condé parJacqr,res Sarazin (com-m:rndé en 1648) ou dans celui des dr-rcs de Longueville par FranÇoisAnguier (commandé en 166r). Mais dans 1e nronument de Rrchelieu, ce

sont de grandes figures en ronde-bosse, de tai11e naturelle, qui formentun gr:oupe avec l'eflgie du cardinal, et dont le rôle est tânt narratif (elles

soutiennent 1e cardinal dans 1'éprer-rve de 1a mort), didactique (e1les

personnifient ses vertus) qu'émotif (elles communiquent leur douleurcomnre leur fermeté au fidèle face à ce spectacle),'. Si 1'on considère jus-telnent le rapport aLl spectateur, on observe que le nlonurrlent ne requiert

ToMBEAU D'ExcrEPTroN I r89

pas les prières du fidèle. mais le tient pour témoin de la sainteté du défunt.Placé dans 1a nef,le spectateur, ainsi que le craignait le Bernin, ne voit « quele dos de la figure de M.1e Cardinai». S'il peut avancer dans le chceur,lemonument, par la disposition de ses figures, se refuse à la perceptionimmédiate et l'oblige à en faire le tour. La force du lien établi entre l'eÊfigie du défunt et 1'aute1 évacue toute nécessité de recourir à f interces-sion du fidèle à qui est oflerte f image d'un saint dont la mort est admirableet doit être admirée33. Cette rernarquable force du monument ne peutêtre attribuée au seul génie du scr-rlpteur qui en proposa le modèle.11y avait

dès 1665 une vraie originalité dans le projet exigé par 1a duchessed'Aguillon, qui voulait que le monument prît place au milieu du chceur,ct qu'il fùt "cn une JCtion de s'offrirà Dieu,et non pa5 en priant.qui est

une manière trop ordinaire »:a.

Dans le monument de Mazarin, le lien entre I'etlgie et le maître-autelest distendu. Le cardinal regarde vers le centre du chæur, sans fixer véri-tablement l'autel (i11. 66). En outre,le choir du priant, quoique le cisear-r

de Coysevox 1ui ait admirablement donné vie, supprime l'évocation de

I'hora mortis, et témoigne d'un goût plus traditionnel.Alors que dans ses

deux dessins précédents pour les monuments de Michel Le Tellier et de

Charles de Créquy,Jules Flardouin-Mansart avait représenté 1es défunts enposition semi-allongée, remettant leur âme à Dieu au moment de mou-rir, il donne pour Mazarin le dessin d'un priant, corrune déjà 1l le proposaiten t676 (" sa représentation ou stJtue sera élevée en forme de priant etaccompagnée de ses attributs, ses vertus, ses armes et ses emplois3i») . Lerapport âu spectateur, comme 1e craignaient les membres de l'Académied'architecture, souffre de 1'emplacement du monument. « Quant à lachapelle à main droite, opposée à la porte qui conduit à l'église dans lecollège, à côté du grand autel, ce n'est point encore mon avis qu'ily soitplacé, étant 1'endroit le plus reculé et caché de 1'église d'où il ne serait vr,r

que de ceux du collège et des écoliers lorsqu'ils seraient auprès de l'au-tel. 11 serait même dif{icile d'y a11er lorsque 1'on fait ce saint sacrifice de

la messe, qui est 1e temps et l'heure que les portes sont toutes ouvertes etle plus commode pour voir l'église dans sa beauté36», notaitJules Hardouin-Mansart. favorable à la croisée de droite. Le rnonument qui ainsi ne peutêtre vu que pâr les « écoliers de dedans » et non point par les « étrangersde dehors» (selon les mots de Francois LeVau) compense ce défaut parune lisibiiité parfaite : dessiné pour un point de vue frontal, il laisse immé-diatement percevoir toutes ses figures - le cardinal, l'ange qr-ri tient ses

armes, les trois vertus (la Prudence, la Paix et la Fidélité) - en un ensemble

I9O I CLAIRE MAZEL

rationnellement ordonné (i11. 64 et 65). Âlors que le monument de

Richelieu tient le discours de la sainteté, celui de Mazarin développe celuidu bon gouvernement : les grandes vertus de bronze sont celles néces-

saires au Principal ministre (tandis que les vertus de marbre, placées sous

le cintre de l'arcade, personnifient la vigilance et la charité) ; leurs attri-buts (1'orbe terrestre, le gouvernail pour la Prudence, la torche renversée,

la corne d'abondance, les trophées d'armes pour ia Paix, la couronne royale,

le bouclier fleurdelisé pour 1a Fidéhté) résument les effets de son gouver-nement;le faisceau de verges entourant une hache que porte l'ange se

veut à la fois l'emblème de 1a concorde et le rappel des armes cardinalices3T;

l'épitaphe enfin, gravée en lettres d'or sur une table de marbre noir, metl'accent sur ses ceuvres de pacificateur, d'adrninistrateur et de conseiller38.

Le spectateur du monument de Mazarin n'est donc pas ignoré, mais au

contraire pris en compte, le souci de la bienséaîce ayarfi ainsi gouvernê tantle lieu que la forme de l'æuvre.

Dewx hommes, dewx mémoires

L exceptionnalité du monument de Richelieu tient-elle à ce que fitRichelieu lui-même pour assurer l'édification de son monument? Si l'onconsidère qu'il fallut la tênacitê de François Girardon pour que ce monu-ment flrt enfin érigé, il faudrait répondre par la négative. On peut toute-fois remarquer qu'en 164z,lorsque Richelieu mourllt, le gros ceuvre de la

chapelle de la Sorbonne, coffrrnencé en 1636 d'après les dessins deJacquesLemercier, était sur le point d'être achevé. Richelieu spécifia dans son

testament que 1es deux tiers du revenu qu'il laisserait seraient consacrés

pendant trois ans à ses legs, à I'achat des terrains nécessaires au col1ège et« à la dépense des bâtiments que j'ai ordonné être faits et achevés, savoir de

1'église de Sorbonne de Paris, ornements et ameublements d'icel1e, et

sépulture que je veux être faite en ladite église suivant le dessin qui en

sera arrêté par rîa nièce d'Aiguillon et Monsieur de Noyers du col1ège

de Sorbonne, suivant le dessin que j 'en ai arrètê avec Monsieur de Noyerset le Sieur Le Mercier architecte. ..3e ». En revanche, lorsque Mazarin sen-

tit la mort approcher, il fonda dans son testament des 3 et 7 rîars 16û lecollège des Quatre-Nations, mais les plans n'en furent donnés qu'au zr jan-vier de l'année t66z par Louis LeVau. Cependant, même si Richelieu se

soucia plus tôt de son lieu d'inhumation, cette anticipation ne peut expli-quer à el1e seule les genèses si difiêrentes des deux monuments.

uN ToMBEÀu D'EXCEPTTON I rgl

67 Jacques Lavalé d'après

Jean-Lubin Vau zel7e, Tb mb e au

ilu carrlinal de Richelieu au musée

des monumen t s -frat t çais.

n.d.. gravure, Paris.

musée Carnavalet

Dans sa requête de 1689 auprès du Conseil privé du roi, Girardonn'hésite pas à affirmer qu'il faut rendre hommage au grand homme quefut Richelieu :

«Le suppliant ne doute point que MM. les comr:rrissaires n'aient quelqueressentiment du peu de soin que l'on a eu de satisfaire 1es mânes deM. de Richelieu... Certainement ils ne verront point sans quelquesorte de dépit que I'on ait négligé 1es cendres et 1es précieux restes

d'un si grand homme pendant plus de quarânte-sept ans et que l'on les

ait laissés sans nom, sans titre et sans leur faire honneur; et à vrai direcet oubli et cette négligence est d'autant plus honteuse aux héritiers ducardinal de Richelieu que sa mémoire est plus présente, plus chère etplus recommandable à tout 1e reste des hommes. »

I92 I CLAIRE MAZEL

68 Charles Maurand, Remise des restes du mrtlinal Rithelieu, 1866, grâl,ure,Paris, musée Carnavalet

Au-delà du tour rhétorique de ces afïrmations,leur formulation seraitimpossible si la mémoire de Richelieu n'était alors devenue plus recom-mandable.Ainsi, Charles Perrault inaugure-t-il1e plemier tome des Hommes

illustres qui ont pdru en France pendant le xw( siècle, en t6g6,par le portraitde Richelieu : « Quel honneur ce grand homme n'a-t-il point fait à 1a

France, lui qui n'a point eu d'autre vue que 1a gloire de son prince et ce1le

de sa patrie+o ? » En revanche, à Mazarin il n'est fait nul1e part al1usion, nien t696, ni en rToo dans le deuxième tome. Ce discrédit apparaît plusvisiblement encore dans le Dialogue des cardinaux de Richelieu et Mazarin,querédige Fénelon,précepteur du duc de Bourgogne de 1689 à t6g7.Dans ce

dialogue, Fénelon fait reprocher par Richelieu àMazarin son indignité :

« Aussi, assure-t-il, votre rom demeure avili et odieux; au contraire, onm'âssure que 1e mien croît tous les jours en gloire dans la nation fran-Çaise+'. » Cette différence entre les mémoires des deux hommes éclaired'un jour nouveau les deux monuments, dont l'un fut posé en 1693 et1'autre en t694, et 1es aléas de leur genèse. Si somptueux que le monu-ment de Mazarrn paraisse, avec le beau priant de marbre blanc du cardi-nal, ses magnifiques statues allégoriques de bronze et ses marbres variés, i1

n'est que 1a version dégradée du projet initialement prévu. Linconvenancequi a pu paraître à placer 1e monument au centre de 1a chapelle en fi75-t676 ne tenait pas seulement aux règles que formulèrent 1es académiciens,règles somme tollte assez variables, mais aussi à 1a ditficulté de gérer lamémoire peu glorieuse de ce Principal nrinistre. En comparaison, le nonu-ment de Richelieu semble le fruit du sort heureux de sa mémoire durantle second xvtt siècle. qtri per-mit que f,ut reÇue sans critiquc une ceuvre si

exceptionnelle.Lhistoire mêrne de la réception de ces deur monuments marque enfin

cette ditlérence. Celui de Mazarin, selon un parcours qu'on qualifiera declassique, fut porté eî 17g4 au dépôt des Petits-Augustins, en r834 dansles Galeries historiques deVersailles, en r85o au Louvre et fut enfin replacédans son lieu d'origine en ry6z,le musée du Louvre l'ayant échangécontre le Vttltaire de Pigalle. Le nronurnent de Richelieu, en revanche,connut une histoire pleine de rebondissements, à 1'épreuve des passionsfrançaises. En rTgr,Alexandre Lenoir, contre 1es révolutionnaires qui vou-larent le détruire, mit sa vie en péril pour 1e sauver i puis il ir-ri accorda laprernière place dans son musée des Monuments francais (i11.67).Il figureai.nsi au centre du frontispice de 1a principale édition du catalogr-re dr-r

musée, en cinq volumes de i8or à 18o6. En r8z3,Armand-Emmanuel deRichelieu parvint à 1e faire replacer à la Sorbonne et fir rétablir 1e culteen r825. En r866, une grande cérémonie fut célébrée à 1'occasion de f in-humation de la tête dr.r cardinal qui r,,enart d'être rerrouvée (i11.68). Comme1e montre f illustration,le petit cotfret contenant la tête fut posé à côté dutonbeau, qui se trouva donc au centre de 1a cérémonie, aspergé d'ear-r

bénite, sous les regards respectueux des laïcs et des clercs. En t97t enfin,il fut replacé exactement dans son lieu d'origine, au milieu du chær,rr.

Ar-r centre des débats de fi76, se trouvait la cluestion de 1a destinationde 1'édifice. La nrodération que recomnrandèrent plusieurs membres del'Académie d'architecture en (t76 conserva la chapelle du collège des

Quatre-Nations dans sa fonction d'église, dans laquelle pouvaient êtrecé1ébrées des cérémonies ordinaires,,,l'église du collège des Quatre Nationsn'étant point particulièrenrent destinée pour n'être seulement qr,re lasépu1tr-rre de M. le Cardinal Mazarin »a'. En revanche, 1a pose du tombeaude Ricireiieu au milieu du chceur de la Sorbonne en 1694 déterminacette chapelle autrement. Pil ce monument, elle parut « n'avoir été bâtie,selon l'expression deJules Hardouin-Mânsar:t, que pour 1e seul mausoléedu cardinal »a3.

I r'.,1

ro4 | cLATRE MÀZEL

Annexes

Le monument -ftLnéraire de Richelieu

Par sorr testament du z3 rnai t64z (Tëstan'tent du Monsieur le Cardinal dc Richclieu,Blbliothèquehistorique de ia vi1le de Paris, in 4" 13oo16), Ie cardinal de Richelieu conhe à sa nièce et

exécutrice testaû1entâire (Madeleine deVignerot, dame de Conrba-1et. duchesse d'Aigr-ri11on

en 1638,iégataire de son oncle et détentrrce de ses papiers),le soin de réaLisation de sa «sépu1-

ture que je veux être faite... suivant 1e dessein... que j'en ay arresté avec Monsieul des

Noyers et le sieur Mercier, architecte r.

Par le contrat du 16 mars 1646 (Àrch. nât., Min. centr.. CXII,47;pubiié par Roger-Àrnrand-Weigert, u l)eux r-narchés inédits pour le tombear,r de Richelieu » , dans Bulletin de ld

Société Poussin,n" r,jr,rin rg47,p.67-7t),h dr-rchesse d'Aiguillon pàsse comû1ànde auprès de

Girolanro Sarti, originaire de Carrare, de piusieurs blocs de marbres, selol un détai1 rédigé

parJacques Lemercier, d'après un grand modèle réa1isé par Guillar:rne Bertelot (d'après undessin de Lernercier) : quatre blocs por,rr qr,ratre ûgures du piédesta1, tr-ois blocs pour le priant,

et plr-rsieurs autres b1ocs. Cependant, Guillaume Bertelot meurt en 1648. Dans son inventaire

après décès (pr-rb1ié parJean Coural, «Notes sur Guillaunre Berthelot», dans Rerac des arts,

r958,VI, p.276),figure un «Mode1 du tombeau de ièu Monsieur 1e cardinal de Richelieu».Par le contrat du 15 jr-ri11et 1647 (Arch. nat., Min. centr., CXII, 5o;pr-rblié par Pierre

Chaleix, «Lactivité de Pierre Il Biard,r, drns Billerin de la Sodété dc l'histoire de I'axJrançais,

1g73,p.93-r2o), Pierre II Biard s'engage pour'1a somrrle de 33 ooo livres à faire 1a statr-re de

marbre blanc du cardinal de Richelieu, ainsi que d'autles trâvâux (uneVierge à 1'enfant, des

inscriptions sur 1e piédestal de la statue équestre de 1a place Royale). Pour une raison inconnue,1e contrat ne fut pas honolé.

Le sculpteur Francesco Bordoni fut aussi sollicité, corrrnle en ténoigne l'rnventaire après

décès de son Êls Pierre tsordoni (Arch. nat., Min. centr.. CXII, 3-35^ zz {ér,rier 1659), dans lequel

figure un «modelle de sépulture pour leu M. 1e cardinal de Richelieu».Bordonr lneurt clr

fi51.Par le contrat du 6 septembre 165o (Arch. nâr.. Min. centr., CXII, 56;publié par'Weigert,

ry47),\a duchesse d'Aiguillon commande au sculpteur Simon Guiliain l'exécution du rnonu-ment d'âprès un devis étabL le to octobre 1649.1e tout poul 7i ooo livres. Le monument, pourdes raisons inconnues, n'est pas exécuté. Simon Guillain ûrellrt en r658.

En 1657, le Bernin envoie un premier dessin à la duchesse d'Argurllon (note de M. Laurain-

Portemer,«MazarinetBernin.Àpropot dtlètnpsqtridécotLurelauérité»,dar:sCazettedesbeaux-arts, LXXIV 1969,p. 196, n. rr).

En r665, pendant 1e séjour du Bernin en France, 1a duchesse d'Arguiilon sollicite son avis

(Pau1 Fréart de Chantelou, Joumal de uol,ags dt Caualier Bernin en France [1665], éd. par MilovanStaniô, Paris, 2oor,p.239-2+r, vendredi g octobre r665).

En 1675 (contrat du rz avril 1675, bibliothèque Doucet, publié par Pierre Francastel,

Cirardon, i9z8,p.4B-5o, j4-JJ, 75,n" 37), est signé un contrat entre Ia duchesse et Frànçois

Girardon (qui sera peut-être aidé par Robert Le Lorrain et Eustache Nourrisson).Tandisque ia duchesse d'Àigui11on doit 1ui fournir' 1es marbres, le sculpteur doit recevoir pour 1e

modè1e, son travail et 1es frais divers 1a sonlme de r,1 5oo livres, somme extrêmement basse

pour 1'ampleur des or-rvrages commandés, et en comparaison des 75 ooo livres dr-r contratpassé avec Simon Guillain.Déjà en r66J,1e journal de Chantelou signale qu'i1 «était aisé de

juger qu'eIle erlt bien voulu faire une grande chose mais à peu de frais »- La duchesse meurt

'J TOMBEÀU D,EXCEPTION

cinq jours plus tard. À partir de cette date, Girardon possède un petit modèle en terre cuitedans son atelier, auquel 1e contrat fait allusion.

En fi77, un modèle de plâtre est exposé pendant piusieurs jours dans le chceur de laSorbonne,afin de prendre les avis de «plusieurs personnes entendues au fait de sculpture»,en vue d'un deuxième contrât signé entre 1e sculpteur et Marie-Madeleine-Thérèse deVignerot, nièce, héritière et légataire universelle de la duchesse d'Aiguillon (contrat du3 féwier 1677, bibliothèque Doucet, publié par Francasrel, rgz8). ce conrrar prévoit la dimi-nution de toutes 1es ûgures, afin de pouvoir faire usage d'un grand bloc de marbre fourni depuispeu par 1a nouvelie duchesse d'Âiguillon, et de deux petits blocs de marbre que la duchessedéfunte avait dé.1à fournis à Girardon.

En 1678 (contrat du r7 juillet 1678;pubhé par M.-E. de Sainte-Beuve, uÀ propos d'un mar-ché pour 1e tombeau de Richelieu»,dans Bulletin de la Société de I'histoire de I'artÿançais,1926,p. r49-rJj), un nouveau contrar est signé entre la nouvelle duchesse d'Àigui11on etGirardon. Elle 1ui fournit donc un bloc de marbre d'une valeur de 45oo livres pour qu'i1 ysculpte le cardinal, 1a Piété et 1es deux putti,hti promet 1a somme de 145oo livres pour sonouvrage, et s'engage à 1ui fournir les marbres nécessaires à l'achèvement dans un délai d'unan. Girardon s'engage quânt à 1ui à achever l'ouvrage dans un délai de deux ans et demi.

Le z9 novembre fi79, Girardon se porte acquéreur d'un bloc de marbre de 86 piedscubes, pour 1a somme de 3 oro livres, atn de pouvoir àvancer son ouvràge.

Le r8 décembrc t682, Girardon fait sommer la duchesse de lui fournir 1es marbres néces-saires pour achever 1'ouvrage et de 1ui payer 1e premier quart des 14 5oo livres, compte tenude l'exécution de ia moitié du travail (arrêt du conseil du z6 avril r69o,Arch. îat.,v6 22r,publié parJules Guiffrey, «Le tombeau du cardinal de Richelieu par Francois Girardon»,dens Nouuelles Archiues de l'artJrançak,3' série, t. v, r889, p. z9r-3oo;1es indications suivantessônt données dans ce même arrêt).

Les 6 et r8 avril 1689, Girardon fait sommer 1a duchesse de 1ui fournir 4o pieds cubes demarbre et de lui payer 1a moitié des r45oo livres (le premier quart n'ayanr toujours pas étépayé),1'ouvrage étant aux trois quarts achevé.

Par la requête du 13 mai 1689, Girardon se pourvoit auprès du pariement pour que 1uisoientpayéesTesTz5olivres,leprixdublocacheté ent6Tg,etqueluisoientfournisles4opieds cubes de marbre nécessaires à l'achèvement de l'ouvrage. Il déduit de l'ensemble4z3o livres, «prix de quelques figures et morceaux de sculpture que ladite dame d'Aiguillona vendu âu suppliânt» (probablement des pièces venant enrichir la collection de sculpturesde Girardon).

Le 7 juillet 1689, 1a duchesse d'Aiguillon esr condamnée à payer les 5 88o livres (soit 1'ad-dition des 7 z5o l.pour 1e travail et des 3 oro 1. pour le bloc, moins les 4 38o 1. pour les mor-ceaux de sculpture donnés par la duchesse d'Aiguillon) qu'elle doit ar-r sculpteur, ainsi quer 5oo livres de dommages et intérêts; elle doit enfin lui fournir le marbre.

Le 5 décembre 1689, Girardon, n'ayant toujours rien obtenu, fait une requête auprès duroi en son Conseil. Cette requête est communiquée 1e lendemain à 1a duchesse d'Aiguillonet quatre sornmations de payer lui sont faites :les 6,7,g décembre 1689 et le r4 février 169o.

Le 6 mars r69o, les directeurs et 1égatâires de l'ancienne duchesse d'Aiguillon font unerequête auprès du roi afin queJean-BaptisteTüby procède à la visite des ouvrages «pourconnoistre s'ils ne sont pas aux termes des traitez et à plus des trois quarts de leur perfection».

Le 13 avril 169o, Girardon consent à cette expertise.Le z6 avr17 169o,1e Conseil privé ordonne la visite et l'expertise des ouvrages de sculp-

ture faits par François Girardon.

l'ss

196 I .LAIRE MAZEL

En t694,1e monunrent est enfin placé dans la chapelle, co1rlûre f indiquent le guide de

Gerrnain Ilrice et 1'rnscription sur le monument.En rTgr,Alexandre Lenoir sauve le monument (au péi il cle sa vie) et 1e fâit transporter au

dépôt des Petits Augustins. Lceuvre Iigure au rnusée des Monuments franç:ris sous le no r74

(Alexarrdre Lenoir, Musée des MorLumerLts Jrançals, tSor-t8o6, t. v, p. (tt-66,n" ryl)-En 1793,le caveau fut proiàné et 1a tête dr.r cardinal fut coupée, exposée et emportée.

En 1823, le monument est replacé dans 1a chapeile de la Sor-bonne, mais dans le croisillon

sud. La chapelle est rendue au culte en IB2J, pal 1'action d'Armand-Emmanuel de RicheLieu,

alors ministre des Affaires étrangères.

En t866,la tête retrouvée du cardinal fait 1'objet d'une grande cérétnonie d'inhunration.

En r97r,1e monument est rerris à sa place d'origine, datts le chr:eur, face à 1'autel.

Le ntonument.funéraire de Mazarin

En 1656, ayant dé.1à f intention de ionder un co1lège, Mazarin derlande à son agent rotrtain.

Elpidio Benedetti, d'obtenir des dessins du Bernin por,u 1a constructlon de sot.t totnbeau.

Quand 1e Bernin demande cles renseignements sü le site et l'égLise, Mazarin répond que, ces

âspects 1r'aya1lt pas été encore réglés. i1 1ui laisse toute libelté. Ce qui donne l'occasion atr

Bernin, en mai r6i7. de se désengager du plojet, ne pouvànt lrar,ailler', dit-il, qu'avec des

cortraintes précises.

En novelnbre 1657, Elpidio Benederti em.oie quâtre dessrns à Mazar in . de 1'altiste rontain

le plus singulier et d'un talent que même le Ber-nin pourlait envieL». Hilarv B:llon lnontre

de manière convaincante qlle ces dessins, dont tlois sont consel'vés àTurin, sont de 1a nainmênre de Benedetti (Louis Le litu. )Iazdrirt's College. Colben lç Rci,ertge, Princeton, r999). Ces

projers n'rurent pa' dc \urte.

Dès ses premiers p1ans, en 166:,, LeVau conçoit i'ég1ise, de plan centré, comme L1n vâste

mausolée, 1e rlonument de Mazarin étant placé au centre, sous 1a coupole.

En 1664, 1e duc Mazarin demande au Conseil de la fondation du co11ège Mazarin, dontil fait partie,1a pernrission de faire ériger deux monuntents : 1'un pour 1e cardinal,1'autre

pollr son père. le marécha1 de La Meilleraye (Arch. nat-, MM 46i, {D 88 vo, z8 {évrier r664).

En 1667, 1es premières critiques quant à i'emplacement du monurnent émanent de Gotuont,

Colbert prenânt alors 1a défense du plan de LeVar-r, avec f idée d'é1ever le monument sur

des colonnes.En t673,le z janvier, François d'Orbay (qur a succédé à LcVau à 1a mort de ce dernier

en r670), consulté par le Conseii, propose de présenter bientôt diflérents modèles (brblio-

thèqr-re de 1'Institut, Ms 368, Tioisième registre con.terulnt la suite des délibérations concernant I'exé-

cution de la Jonddtion du collège et académie appelés Maz arin, folios 2 vo , 9 ro , t r v" , 1e conte nu

de ce manuscrit concernant 1e monument de Mazarin a été partieilement publié par Henry

Lemonnier, «La chapelle du co1lège Mazarin aLr xvtte sièc1e», dtnsJournal des souants,ltt't-

vier rgr-5, p.t-r7;Ëvrier r9r5, p.49-i8).Le z4 fevrier de la rnême année, il observe que 1e

pâvement de 1a chapelle ne polrrrâ commencer tant que 1'emplacement du nronurnent ne

sera pas fixé. Le z6 août, François d'Orbay déc1are avoir dessiné les différents moclèles et

demande de convenir du lieu où i1 sera placé, à savoir s'i1 sera élevé sur quatre colonnes au

mllieu cle la chapelle du co11ège, ou s'il sera placé à main droite du gr:and autel, en vue de

l'entrée du co1lège par 1a plemière cour, il propose alors de consulter:l'Académie d'archi-

tectlrre, nouvellement fondée et dont il est membre. Le 3 septen'rbre, il estine le coût du

r ToMBEAU r)'TXCEPTTON I r97

«1nâuso1ée de rnarbre et de bronze, suivant le dessin arrêté», à z5 ooo livres (Ms 368,lo1ioszo v",zz). Dès cette année,Joseph For-rcar-rlt, l'adnrinistrater-rr du co11ège, observe que ule mau-so1ée estant placé sous 1e dôrne, i1 occuperait tout 1e passage et otlusqr-rerait 1e maître autel».C'est pourquoi il recommande que le mausolée soit placé face à l'entrée du coliège (à

droite du rnaître-aute1).

En 1675,le r-5 -juil1et, 1es nrembres de i'Àcadéniie d'architecture, à Ia demande cleJosephFoucault, se rendent au co11ège des Quatre-Nations «pour délibérer sur 1a sépulture du car-dinal Mazarinr. Les académiciens examinent alors les diIlérents modèles clu monument des-sinés par François d'Orbay : d'après 1e rapport de t676 (voir plus ba$, d'Orbay avait prévusoit un n-ronutnent à deux ou trois piecls du so1 seulerlent, orl le cardinal est leprésenté cou-ché sur une manière de ton'rbear,r, soit un priant tourné vers 1e maître autel et placé sr,rr unentablerletrt porté par des colonnes «fort é1oienées l'urre de 1'autre» (aûn de ménaser 1a

r.,isibilité du rnaître-aute1). Puis chacun considère les dispositions de la chapelle ailn de savoir«si le tombeau de ieu M. le Cardinal devait ôtre construit ar-r milieu de la chapelle ou enqueique autle cndroit du même Leu» (Compte rendu du 15 jr-ri11et r67j,Ms 368,F r48 vo

et suiv.). Le même jor-rr, les nrembres préserlts remettent 1e débat nau premier jour, Iorsque1a cornpagrrie sera complète» (Henry Lemonnier, I\'ttcès-uerbattx de I'Atddénie rL\/dle d'û1-'h -

trctLLre) 1621-1693, t. I, Paris, r9rr, p. ro4-to5).En t676, 1e 9 rnars,Joseph Foucault se présente à 1'Acadénrie : « La con'rpagnie 1ui a fait làire

lecture des sentiments que chacun de ses sujets 1ui a donnés par écrir» (ibid.,p. rrz).I1s figu-rent âLr registre des délibérations (bibliothèque de 1'Institut, Ms 368, folios r54-r79), avec

aussi les avis de Claude et Charles Perrault, qur ne faisaienr pas parrie de l'Académie, ct de

Jules Hardouin-Mansart qui, bien qu'i1 ne frit point encore agrégé dans 1e corps de 1'Àcadérie,lors de 1a visite, « est néanrroins parlàitemcnt instruit des choses clui regaldent 1a question ploposée ». À la suite de cette lecture,Joscph Foucault déclare qu'i1 fera un rapport à Colbert detoutes 1es clé1ibérations et ditlérents ards.

Après 1676 toutefois, la décision demeure en suspens. Depuis 1673, et encore en r676-1678,François d'Orbay et 1es sculptellrs tlavaillant sur le chantier ont toutes 1es peines du mondeà obtenir 1e paietnent de ler-rrs or,lvr:lges, la comn'rission, en ràison de diffrcr-rltés financrères,retardant et diminuant leur salaire.

En septembre r684, 1a dépoui11e de Mazarin est transportée depuis Vincennes jusqu'aucave:ru qr.ri se trouve à l'emplacement du futur lnonLlment (dans 1a chapelle à droite dr-r lnaî-tre-autel), ce qui signrfie qu'à cette date 1'ernplacement en a été définitiven-rent arrêté.

En 1688,1e co11ège est enlln olrvert.lJn an après 1'ouverture du co11ège, par le contrat signé 1es 7 avr17,z7 mai et rt juin t689

(Arch. nat.. Min. centr., LXXV 3_58;pub1ié par Emmanuel de Grouchy, «Le tombeau deMaz:rrin par Le Hongre, Coyser.,ox etTuby», dans Àroaue//e.ç Archiues de I'art-fran.çdis, 3. série,t. vIII, I892, p.6g-ll),les exécuteurs de 1a fondation du co11ège Mazarirr (Louvois, Coibertde Seiqnelav, Claude Le Pelletier et Guillaume c1e Lamoignon) cornrnandent aux sculpteursEtier-ine Le Honere, Antoine C)o1,sevox et Je an-Baptiste Tuby 1'exécution du nonumentselon 1es dessrns, pian et élévation de Jules Hardouin-Mansart. Le tout doit être exécuté dansun délai de tlois ans! pour 1a somme de 4oooo livres, cette solrme colnprenant tous 1es maté-riaur, à 1'erception des deux colonnes de marbre de Rance données par ie roi. Les marbrcsqr-re les sculplcurs prirent en mai 1689 dans 1es nagasins de Louis XIV leur coûtèrent48:9 lir.res (Cotilptes des ltâtiments du Roi sotrs le règrc de Louis XIV, éd.parJules Gr-rif1i-ey,

Paris, r88r-r9ot, t. Itt, col.238). r ooo livres furent ajoutées à échéance pour le paien'rent decluatrc consoles de bronze doré non comprises au devis, soit un coût total de 4r ooo livres.

I98 I CLAIRE MAZEL

lJne lettre d'Henri de Bessé, sieur de 1a Chapelle-Milon, contrôleur des Bâtiments. premrer

commis de Louvois, adressée peut-être àJu1es Hardouin-Mansart, datée du zo novembre 169I

(pub1iée parJean-Vincent Scheil, «lJn document inédit relatif au mausolée de Mazarin»,dansJournal des sauants,juin rgt5,p.275-278), informe sur 1es progrès des ouvrages. D'abord,il rapporte que 1es modèles en terre du monument ont été laits aux GobeLns, d'après des

dessins de Le Brun (au moins jusqu'à 1a mort de celui-ci le rz Iévrier 169o), et que Le Hongre,décédé le z7 avrll 1690, avait exécuté 1a plupart de ces modè1es (la déclaration des parents dusculpteur du z3 lévrier 1693 constatant qu'il a reÇu tout ce qui 1ui revenait, sans montant màl-heureusement, pour 1es ouvrages faits au tombeau du cardrnal, estjolnte au contrat). La lettred'Henri de Bessé râpporte par ailleurs quelques péripéties :les sculpteurs demandèrent 1e paie-ment des dépenses de modèles et dessins, mais durent, suite à 1'ordre de Louvois, se charger de

ces paiements inclus de toute iaçon dans les 40ooo livres factr-rrées ar-r devis;1es colonnes vertde Campan (sic) données par ie roi étaient gâtées et iis durent s'aclresser à Colbert deVillacerfpour en avoir d'autres. La répartition des parements (quittance du z4 {évrier 1693,jointe au

contrat), conlrontée à I'échéancier du contrat, donne une idée de 1'avancement des travaux :

commencement des trâvaux (19 juin 1689), achèveÛrent des modèles de terre et des cires

(z décembre 1689), achèvement de 1â maçonnerie, pose des colonnes, ébauche des marbres

(z décembre 169o et rr avril 169r), fonte er reparage des trois bronzes, dorure des ornements(zg septembre 169r,9 iévrier 169z-,25 mai 169z), parachèvement et pose de 1'ensemble (6 Ëvrieret 24 Iévrier r6q).La pièce signée parJules Hardouin-Mansart le 4 février r693 fointe ar-r

contrat) atteste la qualité des ollvrages à leur livraison.En r794, les différentes parties dL1 monument sont portées au dépôt des Petits-Ar-rçJustins.

Les ornements de bronze, à l'erception des statues, y seront fondus. Le monument figureau musée des Monuments Êançais sous 1e n' r87 (Alexandre Lenoiq Musée des Monuments fran-çals, rSor-r8o6, t.v, p. 84-87. n'r87).

En r834,1es statues sont portées àVersailles.

En r85o, el1es sont transËrées au Louvre.En 196z,le musée dr,r Louvre. en échange d,,:, lôltaire de Piga11e, fait replacer le monument

dans 1a chapelle cle l'Institut.

Le plus Séquenmrent,la cormrarde du nronu-ûlent est pÆsée après 1e décès de celui ou celle

dont il honore la mémoire (voir Claire Maze1.

La rntt t a l'erltt . .Vat,tt,uet,ts Ittt,ttûire: !,t'i:tcttsdu Grdnd Siêr/e, Rennes, zoog).L histoire de ce monument a été rêcemmentretracée par Geneviève Bresc Bautier, oLe

tombeau du cardinal de Richelieu,, dans LaSorbonne. Un nltsée, ses rhefs-d'æuure, éd. parMathilde Gollery Paris, zoo7. p. 5z-7r.Voirégaienent, dans ce volume, 1'article de

Françoise de La Moureyre.Paul Fréart de Chantelou,Jott,rnl ds voyage

du Caualier Bernin en France, êd. par MilovanStaniô, Paris, 2aor, p. 24a.

Louis de Héricourt, Les lois ecclésiastiques de

Frante dans leur ordre ndturel et une analyse des

lfures du drort tdnonique amJérés auet les usages de

I'Eglise gallicane, Paris, nouv. êd., t77r, t. n,chap. rz, p. r49, art. vt.Voir aussi Durand de

Maillane, Ditttonnaire de droit canorLique et de

prûtique bénéJkiale,3' éd., Lvon, r776,t.ÿ,p. 283-28.1. Voir sur le sujet, JacquelineThibaut-Payen, Les ttots, l' Église, l' État dans

le ressort lu Parlement de Paris aux xvtt' et

rv-rt siècles, Paris, 1977, p. 3o-3r ; RégisBertrand, «Torr-rbeaur, éprtaphes et préten-tions nobihaires dans 1a Provence d'AncienRégime», dans Le second ordre : l'idéal nobi-liaire du xvr'atL xr-r" slèrle. Hommage à EllerySùdlk, êd. par Chantal Gre1l et ArnaudRanrièrc de Fortanier, Paris, 1999, p. 33j-345.

Chantelou, zoor (note 3), p. 24o.rbid.rbid.

Bibliothèque de l'Institut, Ms. :68, fo1. r+8-r79.Ibid.,fol.48r".Ibid., {ol. r48v"- r j3 ro.Darx 1e registre de 1a bibliothèque de l'Institutûgurent onze avis : ceux des académiciensAntoine Lepautre, Daniel Gittard, Françoisd'Orbay, Pierre Mignard, Libéral Bruant,François LeVau et leur directeur FrançoisB1ondel, celui de Jules Hardouin-Mansartqui deviendra prochainement membre decette Académie, ainsi que ceux de 1'archi-tecte Claude Perrault, d'André Félibien, secré-taire de l'Àcadémie, et de Charles Perrault,contrôleur général des Bâtiments du roi.Bibüothèque de l'Institut, Ms. 368, fo1. 16zro.Ibirl.,fol. ry5v".Affirmation d'Àntoine Le Pautre (ibid.,foi. r57v"). Daniel Gittârd ajoute dans son aüsque 1a chape[e n'est «ni paroisse ni couven(où l'on fasse des cérémonies ordinaires et qu'ily a même plus de douze paroisses et plusieurséglises et couvents plus petits, où 1'on fait toutselTice et où il se rencontre six fois plus demonde qu'il ne s'y trouvera aux jours de plusgrande cérémonie de 1'année en celui-ci, ainsiqu'en Sorbonne et autres chapelles de col-1ège ou autres de barrière » (fo1. 16or').Ibid. , fol. 166r" .

Dans 1e cas de Mazarin comme dans celuide Richelieu,le rapport entre monument etlieu d'inhumation est fondâmental. Il n'estpas envisageable que le monumenr ne soirpâs érigé au heu même où se trouve 1e

caveau.Ainsi, l'une des six planches gravéesdu monument de Richelieu, ülontre lemonument placé au-dessus du caveau(i11. 6r) :1'efiigie de marbre du défunt vientse placer à 1'aplomb même de son corpsenfermé dans un cercueil recouvert d'unpoê1e (du mot 1âtin pallium) et de 1'urnecontenant ses entrailles. Le monument bou-che ici I'entrée du caveau garantissanr au

défunt une sépulture réser-vée à 1ui seu1.

BibLiothèque de l'Institut, Ms. 368, ô1. r55vo.Ibid., fol. r66vo (André Félibien).87% des monuments parisiens commandésentre 1610 et r7r5 sont une afi-aire de famille;voir Mazel, zoog (note r). Quelques exem-ples doment parlois une ilnpression contraire,cotme ceux des monuments deTureme oude Mazarin, qui semblent jouir de la faveur

UN TOMBEAU D EXCEPTION

royale. En fait, cette faveur n'est pas pécu-niaire puisque, sl Louis XIV honore Turenneen lui accordant d'être inhumê à Saint-Denis,le monument est commandé par son neveuet pâr son exécuteur testamentaire (e cardi-nal de Bouillon et le chancelier Boucherat) ;

quânt aL1 monument de Mazârin, il est financépar la fondation du collège des Quatre-Nations, 1es magasins du roi ne ôurnissantque deux colonnes de marbre qui se révélè-rent gâtées.

Voir Claire Mazel, « Charles Le Brun et ses

sculpteurs : les monuments funéraires», dansHistoire de I'art,no 5T,octobre 2ooJ, p. jJ-66.Le monument de Michel LeTè11ier est com-mandé 1e 3 janvier 1686 par Louvois et lemonument de Charles de Créquy est com-mandé 1e 7 fêvrier 1688 par sâ veuve, tousdeu au sculpteur Pierre Mazeline, seul signa-taire, mais qui collabore âvec Simon Hurtrelle.Chantelou, 2oor (note 3), p. 24o.Elle demanda aussi un modè1e à FrancescoBordoru, ainsi que l'atteste f inventaire aprèsdécès de son fils.Le monument des ducs de Longueville auxCélestins fut commandé en 166r pour3z ooo livres, celui de Türenne en 1676 pourjr 696 livres et celui de Michel Le Tellier en1686 pour 33 ooo livres.Arrêt du Conseil du z6 awil r69o,Ârch. nat.,Y6 zzt.Ces planches présentent une version idêali-sée de 1'æuvre avec 1a reprêsentâtion, dânsles deux vues de profi1, d'une épitaphe gra-vée sur 1e tapis qui couvre le 1it mortuaire,alors que cette épitàphe n'ajamais existé.Giratdon a aussi fait graver d'autres planchesreprésentant les monuments dont il était 1'au-teur (ceux d'Ame-Marie Martinozzi à Saint-André-des-Arts, de Marie des Landes à

Saint-Leu. d'Olivier et Louis de Castellan à

Saint-Germain-des-Prés, de son épouse etlui-même à Salnt-Landry, de Claude Barbierdu Metz dans l'église de Gravelines, et deBonneau de Tracy dans 1a cathédrale deTournaÿ.Voir François Souchal, «Note sur les

estampes de François Girardon»,dans Gazettedes beaux-arts, 1973, p. 9j-98.«Nofa. Qu'on s'est mépris, lorsqu'on a misdans quelques exemplaires qui ont été dis-tribués, que 1es ouwages susdits étaient inven-tés par M. Le Brun, qui n'y a en riencontribué» (Florent Le Comte, Cabinet des

singularités d' architecture, peinture, sculptwe et

gk1ÿurc-. -, t. rr, 2e partie, p. 233). Sur ce sujet,

I,,,

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6

78

9TO

II

2I

I2r3

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IJr6

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25

26

r7r8r9

27

2oo I CLATRE MÀZEL

3r

voir Dean W'alker, The Ear4y Career oJ Frunçok

Cirardon finédit], thèse, universitê deNewYork, 1982, p. r-zr.Antoine-Nicolas Dezallier d'Argenville, Zles

des fameux sculpteurs depuis la renaissance des

drts dÿec la description de leurs ouurages,Paris,

1787 , t. n, p. z4t .

Voir Clarre Mazel. ,Trans[ormations et pou-voirs de 1'effigie pendant la Contre-Réforme :le portrait funéraire au xvn" sièc1e

(Ronre, Parrs) », darx Studillo, f 4, 2006, p. 6r

76; Françoise de La Moureyre, « Les troismausolées du cardinal de Béru11er, dans

Cdzette des beaux-arts, dêcembre tggr, p. 2r3-220.

Tândis qu'Henri de Rohan-Chabot est repré-senté après avoir expiré,Jacques de Souvréest sur le point de rendre l'âme.Voir Fmnçoise

de La Moureyre, «Francois Ànguier (16o4-fi69),|'idea del bellor,dans Cazette des beaux-

d/rs, septembre zoo2,p. g3-r24.Dans les mônuments du dessin de CharlesLe Brun, à partir du monument de Turemedont il donne le dessin en r676,1e momentde 1a représentation est aussi âré à l'heurede la mort, dans 1'oftande du dêfunt à Dieu.Voir Mazel,2ooj (note 2o).

Quoique au nombre de deur seulement,lesvertus du monument de Richelieu et leurdisposition rappellent 1a danse des nymphesautour d'Apo11on dans la grorte de Théqvs à

Versailles Q666-r672) : de même que les

nymphes servent Apolion et gravitent autourde son corps au repos,la Piété et la Doctrineentourent le cardinal à 1'heure de la mort.La conversion du rapport au spectateur. quid'intercesseur devient simple témoin, est l'unedes évolutions majeures de l'art funéraire du

z8

xvll" sièc1e, soutenue par une pastorale quiprivilégie 1e temps de la vie pour 1'obten-tion du salut.Voir Claire Maze1, zoo6 (note

2s).

34 Chanteiou, 2oor (note 3), p.24o.

35 Bibliothèque de l'Institut, Ms. 368, fol. r77ro

S6 lbid.,lo1. 176r'.37 VoirYvan Loskoutoff, « Fa stis um sideribus l.

L héraldique du cardinal Mazarin et son symbolisme dals les Beau-Artsr, dans Cazette des

beaux-arts, jtill.et-aoàt zooz, p. 39-64.38 <- D.O-M. - Et perenni memoriaeJulii, ducis

Mazarini, Sanctae Romanae Ecclesiae Cardinalis,

Italiae ad Cazale, Cermaniae ad monasterium,

totius denique orbk Chi*iani ad montes Pyraneos

pautoris. Qui cum res Callius Ludouico Magno

a dhu imp ub ere felicis sim e a dmini s tt ds s et dt qu e

illum-jam adultum et regni ruras mpesrentem,jde,

consilio u indeJesso labore juuasset, depressis

undique Frantiae hostibus, ipskque Jamae suae

aemulis, uirtutum splendore, benificiis, cletnentia

deuictis ac devinctis, placide et pie obiit anno repa-

ratae salutis MDCLXI detatis LIX.Tëmplumhoc et gymnasium ad educationem nobilium ado-

lescentium ex IV prouindis imperio Callico recens

additis oriendorum, exttui Ip:tomcnto jussit et

tnagnlfte dotrtrit. » 1L n'y eut pas pour le monu-ment de Richelieu d'épitaphe, hormis cellequi se trouvait dans 1e caveau.

39 Arch. nat., Min. centr., LXXXVI, 3ri, z3 mai1642.

4o Charles Perrault, Its hommes illustres qui ont

paru en France pendant le xvn' siùle, Paris,t696,p. z.

4r Féne1on, Dlalogue des morts, Paris, 1876, p. 3i8.4z Bibliothèque de I'Institut, Ms. 368,1o1. r64ro

(Ivrignard).

43 Ibid.,fol. ry5r".

3o

32

11

XIV François Girardon, Riclz elieu et la Piété (dêtall du monument funéraire

de Richelieu), t675-1694, marbre, Paris, chapelle de la Sorbonne

XV Bernard Picart, d'après François Girardon, It Mausolée du cardinal

de Richelieu, vu de face, sanguine, Paris, collecrion parriculière


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