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Étude des pratiques agroforestières associant des arbres
fruitiers de haute tige à des cultures ou des pâtures
COULON Frédéric 1
DUPRAZ Christian 2
LIAGRE Fabien 2
POINTEREAU Philippe 1
1 : SOLAGRO,
2 : INRA
Décembre 2000
Rapport de fin de contrat rédigé à la demande
du Ministère de l’Aménagement et du Territoire et de l’Environnement
Direction de la Nature et des Paysages
Sous-Direction des Espaces Naturels
20, avenue de Ségur
75302 PARIS 07 SP
Téléphone : 01.42.19.18.90 Télécopie : 01.42.19.19.78
Lettre de Commande n°LC176/00 du 21/07/00
Association SOLAGRO
219, avenue de Muret
31300 TOULOUSE
Association SOLAGRO
Étude des pratiques agroforestières associant des arbres
fruitiers de haute tige à des cultures ou des pâtures
COULON Frédéric 1
DUPRAZ Christian 2
LIAGRE Fabien 2
POINTEREAU Philippe 1
1 : SOLAGRO,
2 : INRA
Rapport final
Décembre 2000
DIRECTION DE LA NATURE ET DES PAYSAGES
(Sous Direction des Espaces Naturels)
Bordereau de données documentaires
Titre et sous-titre
Etude des pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures
ou des pâtures
Titre et sous-titre traduits en anglais
Agroforestry practices combining fruit trees with a timber end-use and intercrops or pastures
in France.
Nombre de pages : 190 pages (hors annexes) Date du rapport : 22/12/2000
Annexes : non (document à part) Bibliographie oui
Illustrations : oui Glossaire oui
Résumé :
Cette étude, commanditée par le ministère de l’Environnement, vise à obtenir des références précises sur les
associations agroforestières à base d’arbres fruitiers de haute tige, et à en tirer les enseignements pour
développer des systèmes agroforestiers modernes à base d’arbres fruitiers ou forestiers.
Cette étude évalue les intérêts environnementaux, les atouts biologiques et agronomiques, la valeur
paysagère et les modes de gestion des systèmes agroforestiers en France.
Cette étude repose sur des enquêtes menées auprès de 9 sites en France ayant engagé des actions de relance
de systèmes agroforestiers traditionnels ou de développement de nouveaux systèmes. Des exemples en
Europe (Autriche, Suisse, Allemagne, Espagne) illustrent aussi les politiques menées dans ces pays.
Ce rapport se conclut par l’élaboration de propositions d’actions afin de définir un plan d’action pour
préserver et renouveler les systèmes traditionnels efficaces, ou développer des systèmes innovants.
Résumé traduit en anglais :
This study aims at gathering information on current agroforestry practices of growing low density orchards
with either intercrops or pastures underneath in France. It benefited from the financial support of the French
Ministry of Environment. In agroforestry systems, the fruit trees are shaped with a bottom log with a timber
end use (dual purpose trees). This knowledge will be useful to design novel agroforestry systems with either
fruit or timber trees. Environmental, biological and agronomic aspects of agroforestry practices are
investigated. Current management schemes of agroforestry plots are described, and their landscape value
assessed. Field surveys were launched in 9 different French areas where innovative agroforestry initiatives
have been spotted. Examples from different European countries (Austria, Switzerland, Germany, Spain) help
to set the scene of the different policies in force. A tentative scheme to protect existing agroforestry systems
and develop novel agroforestry systems is finally presented.
Mots-clés :
Agroforesterie, pré-verger, culture intercalaire, sylvo-pastoralisme, réglementation agricole ; arbre double-
fin ; cultures associées
Mots-clés traduits en anglais :
Agroforestry ; sylvopastoralism, policy ; dual-purpose tree ; intercrops
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures – Solagro-INRA – page 5
Présentation de l’étude
Cette étude a été commanditée par le ministère de l’Environnement afin d’obtenir des références précises sur
les associations agroforestières traditionnelles à base d’arbres fruitiers de haute tige, et à en tirer tous les
enseignements possibles pour le développement de systèmes agroforestiers modernes à base d’arbres
fruitiers et/ou forestiers.
Cette étude des systèmes agroforestiers existants doit permettre d’évaluer leurs intérêts environnementaux,
leurs atouts biologiques, leur valeur paysagère et les modes de gestion. Ce projet caractérisera aussi
l’efficacité agronomique des associations et les valorisations économiques potentielles.
L’objectif final est de proposer un plan d’action pour préserver et renouveler les systèmes traditionnels
efficaces, ou développer des systèmes innovants. Ce plan couvrira les aspects suivants :
Protection du patrimoine agroforestier traditionnel : modalités de restauration, d’entretien et de
replantation
Création de nouvelles pratiques agroforestières à base d’arbres forestiers ou double-fin :
enseignements tirés des pratiques traditionnelles étudiées.
Amélioration de la valorisation économique des systèmes agroforestiers : stratégie de filières,
regroupement de producteurs, identification de produit, …
Sensibilisation des acteurs du développement rural : élus, agriculteurs, techniciens, …
Pour réaliser cette étude, nous évaluons 9 actions menées en France visant à sauvegarder les systèmes
agroforestiers traditionnels ou en développer de nouveaux, notamment par la relance de projets de
valorisation économique (production, transformation…). Des exemples en Europe (Autriche, Suisse, …)
illustrent aussi les politiques menées sur les vergers de haute tige. Nous nous sommes particulièrement
intéressés aux actions collectives associant des partenariats entre les acteurs et les collectivités locales, et les
professionnels agricoles.
A partir des résultats obtenus, cette étude doit conduire à :
Valoriser ces structures arborées (en construisant un argumentaire), notamment dans le cadre des
nouveaux contrats territoriaux d’exploitation (CTE) ;
Sensibiliser les organismes de développement agricoles et les collectivités locales à l'intérêt de ces
systèmes de production ;
Informer et conseiller les agriculteurs sur les intérêts des systèmes agroforestiers, au plan technique
et économique ;
Mettre en place des systèmes d'aides à la plantation, à l’entretien et la restauration de systèmes
agroforestiers ;
Développer les filières de valorisation économique des systèmes agroforestiers par le biais de
production de qualité (fruit, jus, produits transformés, …)
Les enjeux environnementaux, agricoles et économiques de ces systèmes doivent permettre de dynamiser
une politique de replantation d'arbres de plein-vent à terme, et de les réinsérer dans des filières de
valorisation économique.
Après la terrible tempête de décembre 1999, cette étude permet aussi d’évaluer les dégâts subis par les
vergers de haute tige, afin de définir les besoins (techniques et financiers) nécessaires pour aider les
agriculteurs touchés et restaurer le patrimoine détruit.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures – Solagro-INRA – page 6
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures – Solagro-INRA – page 7
RESUME
L’agroforesterie désigne les pratiques de mise en valeur de l’espace qui associent sur les mêmes parcelles
une production agricole annuelle (cultures, prairie, champignons) et une production forestière (bois, fruit,
feuillage, liège). Ces parcelles peuvent être obtenues soit par plantation d’arbres sur des parcelles agricoles,
soit par introduction de cultures ou pâtures dans des boisements éclaircis, et dont les arbres sont taillés.
Aujourd’hui, la principale forme traditionnelle d’agroforesterie française est l’association d’arbres fruitiers
de haute tige plantés à large espacement et associés à des cultures intercalaires ou à des pâtures (pré-vergers).
Ces arbres ont souvent une vocation productive mixte, pour le fruit et pour le bois (arbres double fin).
Le chêne puis le châtaignier ont été les principales essences employées dans ces pratiques agroforestières
jusqu’à la fin du XVIIe siècle (les fruits étaient un aliment énergétique essentiel pour nourrir les animaux en
automne). Puis de nouvelles essences, essentiellement fruitières, sont venus enrichir ces systèmes pour la
consommation humaine. On citera les noyers, poiriers, pommiers, pruniers, cerisiers, mirabelliers, mûriers,
oliviers, amandiers.
Ces systèmes traditionnels sont encore très mal connus, et en forte régression sous l’effet des politiques
agricoles menées depuis une trentaine d’années, et de l’évolution des habitudes alimentaires.
Depuis une dizaine d’années, de nouveaux systèmes agroforestiers associant des arbres forestiers (et non
plus fruitiers) à des cultures et des pâtures sont expérimentés en France. Leur mise au point pourrait
largement bénéficier des connaissances obtenues dans les systèmes traditionnels à base d’arbres fruitiers de
haute tige.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures – Solagro-INRA – page 8
SOMMAIRE
1.1.1 Définitions .................................................................................................................................................... 15 1.1.1.1 La définition internationale de l’agroforesterie .................................................................................................... 15 1.1.1.2 Les systèmes présents en France et en Europe ..................................................................................................... 15
1.1.2 Principes des systèmes agroforestiers .......................................................................................................... 16 1.2.1 Les principaux systèmes agroforestiers traditionnels .................................................................................. 17
1.2.1.1 Le pré-verger ou verger de haute tige ................................................................................................................... 17 1.2.1.2 association de l’arbre et des cultures .................................................................................................................... 17 1.2.1.3 les complants : association de l’arbre avec une culture pérenne ........................................................................... 19
1.2.2 Des systèmes agroforestiers régionaux ........................................................................................................ 20 1.2.2.1 Plantades de Bigorre : un système agroforestier communautaire ......................................................................... 20 1.2.2.2 Airial landais ........................................................................................................................................................ 21 1.2.2.3 Dehesas espagnoles ou montados portugaises ...................................................................................................... 21 1.2.2.4 Coltura promiscua et huertas ................................................................................................................................ 21
2.1.1 Étude bibliographique .................................................................................................................................. 27 2.1.1.1 La liste des ouvrages qui ont été consultés : ......................................................................................................... 27 2.1.1.2 Les grandes périodes de l’agroforesterie .............................................................................................................. 27 2.1.1.3 Les avantages et les inconvénients de l’agroforesterie relevés dans la bibliographie ........................................... 29
2.1.2 Evolution par type de système agroforestier ................................................................................................ 30 2.1.2.1 Pré-verger ............................................................................................................................................................. 30 2.1.2.2 Cultures intercalaires ............................................................................................................................................ 33
2.1.3 Synthèse sur l’évolution estimée des surfaces et produits agroforestiers..................................................... 34 2.1.3.1 Hypothèses et évolution des surfaces ................................................................................................................... 34 2.1.3.2 Évolution des productions liées aux surfaces agroforestières ............................................................................... 37
2.1.4 Éléments d’explication du déclin constaté ................................................................................................... 38 2.2.1 Récapitulatif des programmes menés ........................................................................................................... 41 2.2.2 Des systèmes agrosylvicoles modernes ........................................................................................................ 41
2.2.2.1 Peupleraie et cultures intercalaires ....................................................................................................................... 41 2.2.2.2 Vergers à bois avec cultures intercalaires ............................................................................................................. 42 2.2.2.3 Vergers et jardins.................................................................................................................................................. 42
2.3.1 Des intérêts agronomiques ........................................................................................................................... 43 2.3.2 Des intérêts économiques ............................................................................................................................. 47
2.3.2.1 Les pré-vergers : un système agricole très productif ............................................................................................. 47 2.3.2.2 Un impact positif sur les arbres ............................................................................................................................ 47 2.3.2.3 Comparaison Agroforesterie / Agriculture ........................................................................................................... 47 2.3.2.4 Comparaison Agroforêt / Forêt ............................................................................................................................. 48
2.3.3 Intérêts socio-culturels ................................................................................................................................. 49 2.3.3.1 Un savoir-faire agroforestier ................................................................................................................................. 49 2.3.3.2 Un patrimoine culturel .......................................................................................................................................... 50
2.3.4 Intérêts environnementaux ........................................................................................................................... 50 2.3.4.1 Intérêts paysager ................................................................................................................................................... 50 2.3.4.2 Intérêts biologiques .............................................................................................................................................. 51 2.3.4.3 Intérêts écologiques .............................................................................................................................................. 52 2.3.4.4 Intérêts génétiques ................................................................................................................................................ 58 2.3.4.5 Agroforesterie et pollutions agricoles ................................................................................................................... 58
2.3.5 Les intérêts croissants pour une relance ...................................................................................................... 60 2.3.5.1 Des espaces respectueux de l’environnement ....................................................................................................... 60 2.3.5.2 Adéquation entre produits et terroirs .................................................................................................................... 62
3.1.1 Personnes rencontrées (enquête réalisée du 21 au 24 août 2000) ............................................................... 63 3.1.2 Les acteurs locaux et leur rôle ..................................................................................................................... 63
3.1.2.1 Présentation des acteurs ........................................................................................................................................ 63 3.1.2.2 Les moyens humains mis en œuvre ...................................................................................................................... 64
3.1.3 Historique – contexte ................................................................................................................................... 64 3.1.4 Prise en compte de l’agroforesterie dans les politiques locales .................................................................. 65
3.1.4.1 Définition des priorités d’action ........................................................................................................................... 65
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures – Solagro-INRA – page 9
3.1.4.2 Financement des actions de plantations ................................................................................................................ 70 3.1.4.3 Financement des actions d’entretien, restauration ................................................................................................ 71 3.1.4.4 Moyens de suivi et d'évaluation............................................................................................................................ 71 3.1.4.5 Etudes réalisées sur le thème ................................................................................................................................ 71
3.1.5 Les actions menées en Lorraine ............................................................................................................... 73 3.1.5.1 Les moyens financiers .......................................................................................................................................... 73 3.1.5.2 Actions de formation, d’animation ou de communication engagées .................................................................... 73 3.1.5.3 Évaluation des surfaces plantées, entretenues ou restaurées ................................................................................. 74 3.1.5.4 Opérations particulières ........................................................................................................................................ 74
3.1.6 Conclusions .................................................................................................................................................. 76 3.1.7 Bibliographie ............................................................................................................................................... 77 3.2.1 Personnes enquêtées (enquête réalisée en octobre 2000) ............................................................................ 78 3.2.2 Les acteurs locaux et leurs rôles .................................................................................................................. 78
3.2.2.1 Présentation des acteurs ........................................................................................................................................ 78 3.2.2.2 Les moyens humains mis en œuvre ...................................................................................................................... 78
3.2.3 Historique ..................................................................................................................................................... 78 3.2.3.1 Le fondement de l’action ...................................................................................................................................... 78 3.2.3.2 Les partenaires et leurs expériences ...................................................................................................................... 79 3.2.3.3 Une culture traditionnelle et ancienne .................................................................................................................. 80
3.2.4 Prise en compte de l’agroforesterie dans les politiques locales .................................................................. 82 3.2.4.1 Définition des priorités d’action ........................................................................................................................... 82 3.2.4.2 Financement des actions de plantations ................................................................................................................ 84 3.2.4.3 Financement des actions d’entretien, restauration ................................................................................................ 84 3.2.4.4 Financement des investissements ......................................................................................................................... 84 3.2.4.5 Moyens de suivi et d'évaluation............................................................................................................................ 84 3.2.4.6 Etudes réalisées sur le thème ................................................................................................................................ 84
3.2.5 Évaluation des actions menées ................................................................................................................ 85 3.2.5.1 Les moyens financiers .......................................................................................................................................... 85 3.2.5.2 Actions de formations, d’animations et de communication engagées .................................................................. 85 3.2.5.3 Aspects juridiques et administratifs ...................................................................................................................... 86 3.2.5.4 Problèmes techniques rencontrés.......................................................................................................................... 86 3.2.5.5 Évaluation des surfaces plantées, entretenues ou restaurées ................................................................................. 87 3.2.5.6 Opérations particulières ........................................................................................................................................ 87
3.2.6 Conclusions .................................................................................................................................................. 87 3.3.1 Personnes rencontrées (enquête réalisée en octobre 2000) ......................................................................... 88 3.3.2 Les acteurs locaux ........................................................................................................................................ 88
3.3.2.1 Présentation des acteurs locaux ............................................................................................................................ 88 3.3.2.2 Moyens humains mis en œuvre ............................................................................................................................ 89
3.3.3 Historique des pratiques agroforestières dans le Domfrontais .................................................................... 89 3.3.3.1 La place du poirier dans l’agrosystème et son évolution ...................................................................................... 89 3.3.3.2 Des vergers aujourd’hui vieillissants .................................................................................................................... 90
3.3.4 Politiques agroforestières mises en œuvre ................................................................................................... 90 3.3.4.2 Financement des actions de plantations ................................................................................................................ 93 3.3.4.3 Financement des actions d’entretien et de restauration ........................................................................................ 94 3.3.4.4 Cahiers des charges .............................................................................................................................................. 95
3.3.5 Evaluation des actions menées ..................................................................................................................... 96 3.3.5.1 Moyens financiers ................................................................................................................................................ 97 3.3.5.2 Actions et supports d’animations et de formations ............................................................................................... 97 3.3.5.3 Problèmes techniques ........................................................................................................................................... 97 3.3.5.4 Opérations particulières ........................................................................................................................................ 98
3.3.6 Conclusions .................................................................................................................................................. 98 3.3.7 Bibliographie ............................................................................................................................................... 99 3.4.1 Personnes rencontrées (enquête réalisée en octobre 2000) ......................................................................... 99 3.4.2 Les acteurs locaux et leurs rôles .................................................................................................................. 99
3.4.2.1 Présentation des acteurs ........................................................................................................................................ 99 3.4.2.2 Les moyens humains mis en œuvre .................................................................................................................... 100
3.4.3 Historique – contexte ................................................................................................................................. 100 3.4.3.1 Un paysage de qualité ......................................................................................................................................... 100 3.4.3.2 Les éléments biologiques et microbiologiques ................................................................................................... 101 3.4.3.3 Les effets de la tempête ...................................................................................................................................... 101
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures – Solagro-INRA – page 10
3.4.4 Les politiques agroforestières mises en œuvre ........................................................................................... 102 3.4.4.1 1981-1992 : une volonté de renouveler un verger vieillissant ............................................................................ 102 3.4.4.2 Le Pays d’Auge : riche d’une diversité de produits cidricoles............................................................................ 106
3.4.5 Evaluation des actions menées ................................................................................................................... 109 3.4.5.1 Moyens financiers .............................................................................................................................................. 109 3.4.5.2 Actions de formations, animation et communication ......................................................................................... 109 3.4.5.3 Evaluation des surfaces plantées, entretenues et restaurées ................................................................................ 110 3.4.5.4 Cahiers des charges ............................................................................................................................................ 110 3.4.5.5 Problèmes juridiques et administratifs rencontrés .............................................................................................. 110 3.4.5.6 Intérêts environnementaux des pratiques dans les vergers de haute tige en Pays d’Auge .................................. 111 3.4.5.7 Opérations particulières ...................................................................................................................................... 115
3.4.6 Conclusion ................................................................................................................................................. 116 3.4.7 Bibliographie ............................................................................................................................................. 117 3.5.1 Personnes enquêtées (enquête réalisée en octobre 2000) .......................................................................... 118 3.5.2 Les acteurs locaux et leurs rôles ................................................................................................................ 118
3.5.2.1 Présentation des acteurs ...................................................................................................................................... 118 3.5.2.2 Les moyens humains mis en œuvre .................................................................................................................... 118
3.5.3 Historique ................................................................................................................................................... 119 3.5.3.1 Contexte socio-économique spécifique .............................................................................................................. 119 3.5.3.2 Cerises d’Itxassou : une culture traditionnelle et ancienne ................................................................................. 119 3.5.3.3 Replanter des pommiers : l’exemple du cidre du Pays basque espagnol ............................................................ 120
3.5.4 Prise en compte de l’agroforesterie dans les politiques locales ................................................................ 121 3.5.4.1 Définition des priorités d’action ......................................................................................................................... 121 3.5.4.2 Financement des actions de plantations .............................................................................................................. 124 3.5.4.3 Financement des actions d’entretien, restauration .............................................................................................. 124 3.5.4.4 Cahiers des charges ............................................................................................................................................ 124 3.5.4.5 Moyens de suivi et d'évaluation.......................................................................................................................... 124 3.5.4.6 Etudes réalisées sur le thème .............................................................................................................................. 125
3.5.5 Évaluation des actions menées .............................................................................................................. 125 3.5.5.1 Les moyens financiers ........................................................................................................................................ 125 3.5.5.2 Actions de formations, d’animations et de communication engagées ................................................................ 125 3.5.5.3 Problèmes techniques rencontrés........................................................................................................................ 125 3.5.5.4 Évaluation des surfaces plantées, entretenues ou restaurées ............................................................................... 126 3.5.5.5 Opérations particulières ...................................................................................................................................... 127
3.5.6 Conclusions ................................................................................................................................................ 127 3.5.7 Bibliographie ............................................................................................................................................. 128 3.6.1 Personnes enquêtées (enquête réalisée du 21 au 23 novembre 2000) ....................................................... 129 3.6.2 Les acteurs locaux ...................................................................................................................................... 129
3.6.2.1 Présentation et rôle des acteurs ........................................................................................................................... 129 3.6.2.2 Les moyens humains mis en œuvre .................................................................................................................... 130
3.6.3 Historique des pratiques agroforestières ................................................................................................... 130 3.6.4 Les politiques agroforestières mises en œuvre ........................................................................................... 131
3.6.4.1 Définition des priorités d’action ......................................................................................................................... 132 3.6.4.2 Financement des actions de plantations .............................................................................................................. 133 3.6.4.3 Financement des actions d’entretien, restauration .............................................................................................. 133 3.6.4.4 Cahiers des charges ............................................................................................................................................ 133 3.6.4.5 Moyens de suivi et d'évaluation.......................................................................................................................... 134 3.6.4.6 Etude réalisées sur le thème ................................................................................................................................ 134
3.6.5 Évaluation des actions menées ................................................................................................................... 135 3.6.5.1 Les moyens financiers ........................................................................................................................................ 135 3.6.5.2 Actions de formation et d’animation engagées ................................................................................................... 135 3.6.5.3 Problèmes juridiques et administratifs rencontrés .............................................................................................. 135 3.6.5.4 Évaluation des surfaces plantées, entretenues ou restaurées ............................................................................... 136 3.6.5.5 Opérations particulières ...................................................................................................................................... 136
3.6.6 Bibliographie ............................................................................................................................................. 136 3.6.7 Conclusions ................................................................................................................................................ 137 3.7.1 Personnes enquêtées (enquête réalisée du 13 au 19 novembre 2000) ....................................................... 139 3.7.2 Les acteurs locaux ...................................................................................................................................... 139
3.7.2.1 Présentation des acteurs ...................................................................................................................................... 139 3.7.2.2 Les moyens humains mis en œuvre .................................................................................................................... 139
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures – Solagro-INRA – page 11
3.7.3 Historique des pratiques agroforestières ................................................................................................... 139 3.7.4 Les politiques agroforestières mises en œuvre ........................................................................................... 142
3.7.4.1 Définition des priorités d’action ......................................................................................................................... 142 3.7.4.2 Financement des actions de plantations et d’entretien ........................................................................................ 142 3.7.4.3 Engagement ........................................................................................................................................................ 143
3.7.5 Évaluation des actions menées ................................................................................................................... 143 3.7.5.1 Les moyens financiers ........................................................................................................................................ 143 3.7.5.2 Actions et supports d'animation et de communication ....................................................................................... 143 3.7.5.3 Problèmes juridiques et administratifs rencontrés .............................................................................................. 143 3.7.5.4 Opérations particulières ...................................................................................................................................... 144
3.7.6 Bibliographie ............................................................................................................................................. 144 3.7.7 Conclusions ................................................................................................................................................ 144 3.8.1 Personnes enquêtées .................................................................................................................................. 146 3.8.2 Les acteurs locaux ...................................................................................................................................... 146
3.8.2.1 Equipes de recherche engagées .......................................................................................................................... 146 3.8.2.2 Equipes partenaires............................................................................................................................................. 146 3.8.2.3 Les communes .................................................................................................................................................... 146
3.8.3 Historique du projet agroforestier ............................................................................................................. 146 3.8.4 Les thèmes de recherche développement mise en œuvre ............................................................................ 147
3.8.4.1 Définition des priorités d’action ......................................................................................................................... 148 3.8.4.2 Financement des actions de plantations et d’entretien ........................................................................................ 151 3.8.4.3 Cahiers des charges ............................................................................................................................................ 151 3.8.4.4 Moyens de suivi et d'évaluation.......................................................................................................................... 151 Dernières simulations spatiales .............................................................................................................................................. 151
3.8.5 Évaluation des actions menées ................................................................................................................... 152 3.8.5.1 Les moyens financiers ........................................................................................................................................ 152 3.8.5.2 Actions de formation et d’animation engagées ................................................................................................... 152 3.8.5.3 Prévision d’obtention des résultats ..................................................................................................................... 153 3.8.5.4 Problèmes juridiques et administratifs rencontrés .............................................................................................. 153
3.8.6 Bibliographie ............................................................................................................................................. 154 3.8.7 Conclusions ................................................................................................................................................ 154 3.9.1 Personnes enquêtées (enquête réalisée en octobre 2000) .......................................................................... 156 3.9.2 Les acteurs locaux et leurs rôles ................................................................................................................ 156
3.9.2.1 Présentation des acteurs ...................................................................................................................................... 156 3.9.2.2 Les moyens humains mis en œuvre .................................................................................................................... 156
3.9.3 Contexte de la châtaigneraie ardéchoise ................................................................................................... 157 3.9.3.1 Des siècles d’histoire .......................................................................................................................................... 157 3.9.3.2 Le recul puis l’abandon de la châtaigneraie au XXe siècle ................................................................................ 157 3.9.3.3 La relance de la châtaigneraie à fruits : 1980-2000 ............................................................................................ 158 3.9.3.4 La châtaigneraie ardéchoise aujourd’hui ............................................................................................................ 158
3.9.4 Prise en compte de l’agroforesterie dans les politiques locales ................................................................ 159 3.9.4.1 Enjeux de la relance du sylvo-pastoralisme dans la châtaigneraie traditionnelle................................................ 159 3.9.4.2 Les actions mises en œuvre ................................................................................................................................ 160 3.9.4.3 Financement des actions de plantations .............................................................................................................. 164 3.9.4.4 Financement des actions d’entretien, restauration .............................................................................................. 164 3.9.4.5 Cahiers des charges ............................................................................................................................................ 164 3.9.4.6 Moyens de suivi et d'évaluation.......................................................................................................................... 166 3.9.4.7 Etude réalisées sur le thème ................................................................................................................................ 166
3.9.5 Evaluation des actions menées ................................................................................................................... 166 3.9.5.1 Les moyens financiers ........................................................................................................................................ 166 3.9.5.2 Actions de formations, d’animations et de communication engagées ................................................................ 167 3.9.5.3 Problèmes juridiques et administratifs rencontrés .............................................................................................. 167 3.9.5.4 Aspects techniques ............................................................................................................................................. 168 3.9.5.5 Évaluation des surfaces plantées ou restaurées ................................................................................................... 170 3.9.5.6 Opérations particulières ...................................................................................................................................... 170
3.9.6 Conclusions ................................................................................................................................................ 171 3.9.7 Bibliographie ............................................................................................................................................. 173 3.10.1 La Suisse ................................................................................................................................................ 174
3.10.1.1 Contexte ............................................................................................................................................................. 174 3.10.1.2 Les politiques prioritaires en matière d’agroforesterie ....................................................................................... 174
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures – Solagro-INRA – page 12
3.10.2 Les pré-vergers au Royaume Uni .......................................................................................................... 176 3.10.3 Le cas de l’Espagne ............................................................................................................................... 177 3.10.4 Le cas de l’Autriche ............................................................................................................................... 178
3.10.4.1 Situation du patrimoine fruitier de haute tige ..................................................................................................... 178 3.10.4.2 Un programme unique : la méthode écopoints ................................................................................................... 179 3.10.4.3 Les aides mobilisées ........................................................................................................................................... 179 3.10.4.4 Les surfaces plantées et entretenues ................................................................................................................... 179
3.10.5 Le cas de l’Allemagne ............................................................................................................................ 179 3.10.5.1 Politique agroforestière engagée......................................................................................................................... 179 3.10.5.2 Les moyens engagés ........................................................................................................................................... 180 3.10.5.3 La valorisation économique des pré-vergers : l’action du milieu associatif ....................................................... 180
4.1.1 Des aides publiques orientées vers la plantation ....................................................................................... 181 4.1.2 Aides publiques et actions de rénovation ................................................................................................... 182 4.1.3 La faiblesse des aides à l’entretien des systèmes agroforestiers ................................................................ 182 4.1.4 Réglementations et agroforesterie .............................................................................................................. 183
4.1.4.1 Cas de la création de vergers de haute tige ......................................................................................................... 183 4.1.4.2 Cas des vergers de haute tige existants ............................................................................................................... 184 4.1.4.3 Le statut de l’exploitant ...................................................................................................................................... 184 4.1.4.4 Analyse économiques des systèmes agricoles .................................................................................................... 185
4.2.1 La filière de production cidricole ............................................................................................................... 187 4.2.2 Identification des produits agroforestiers .................................................................................................. 187 4.3.1 Protection des ressources en eau, des sols,... ............................................................................................. 188
4.3.1.1 Des systèmes économes en intrants .................................................................................................................... 188 4.3.1.2 Des espaces respectueux de l’environnement ..................................................................................................... 188
4.3.2 Un patrimoine biologique arboré .............................................................................................................. 189 4.3.3 Prendre en compte les enjeux environnementaux : agriculture durable .................................................... 190
4.3.3.1 Arbres et gel des terres ....................................................................................................................................... 190 4.3.3.2 Agroforesterie et accords de Kyoto .................................................................................................................... 190
4.4.1 démarche de qualification des produits : AOC, Label, IGP, … ................................................................. 190 4.4.2 Démarche de qualification des paysages ................................................................................................... 191 5.1.1 Proposition d’un statut pour les parcelles agroforestières ........................................................................ 196
5.1.1.1 Cadastre et impôt foncier :.................................................................................................................................. 196 5.1.1.2 Réduire ou supprimer l’impôt foncier sur les parcelles agroforestières .............................................................. 196
5.1.2 Financement des projets agroforestiers ..................................................................................................... 196 5.1.2.1 CTE : des aides à la plantation, l’entretien et la restauration des systèmes agroforestiers .................................. 196 5.1.2.2 Le soutien aux cultures intercalaires ................................................................................................................... 196
5.2.1 Les pistes de travail à développer .............................................................................................................. 197 5.2.1.1 Statut des parcelles agroforestières ..................................................................................................................... 197 5.2.1.2 Relation arbre / culture ....................................................................................................................................... 197 5.2.1.3 Revenu des parcelles agroforestières .................................................................................................................. 197 5.2.1.4 Analyse des impacts techniques de gestion liés à la présence des arbres............................................................ 197 5.2.1.5 Analyse de la filière bois .................................................................................................................................... 198 5.2.1.6 Aménagement des paysages périurbains par des plantations agroforestières...................................................... 198 5.2.1.7 Arbre agricole : indicateur environnemental d’une agriculture durable ............................................................. 198
5.3.1 Pour une agroforesterie active ................................................................................................................... 198 5.3.2 Créer un réseau de démonstration ............................................................................................................. 199
Bibliographie ................................................................................................................................................................ 188
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures – Solagro-INRA – page 13
Listes des tableaux et des illustrations
Schéma 1 : les contours de l’agroforesterie en France ..................................................................................................... 16 Graphique 1 : évolution de la superficie oléicole en France entre 1840 et 1996 .............................................................. 19 Schéma 2 : typologie des systèmes agroforestiers en Europe ............................................................................................ 22 Schéma 3 : Typologie des structures arborées champêtres ............................................................................................... 23 Tableau 1 : Les vergers de pommiers à cidre de haute tige en 1929 ................................................................................. 30 Tableau 2 : Les vergers de pommiers à cidre de haute tige en 1998 ................................................................................. 30 Tableau 3 : les surfaces de pré-vergers dans les principales régions de France en 1998................................................. 31 Tableau 4 : évolution des surfaces de plantations entre 1929 et 1990 .............................................................................. 31 Tableau 5 : balance commerciale en 1990 ........................................................................................................................ 31 Schéma 4 : le devenir des pré-vergers entre 1992 et 2000 ................................................................................................ 32 Tableau 6 : Surfaces agroforetières et zones géographiques ............................................................................................ 34 Tableau 7 : Synthèse de l’évolution des surfaces agroforestières entre 1880 et 2000 ...................................................... 36 Tableau 8 : Superficie des associations d’espèces fruitières d’après TERUTI en 1982 et 1999 ....................................... 36 Tableau 9 : premières estimations de la valeur économique des produits issus des espaces agroforestiers ..................... 37 Graphique 2 : évolution de l'autoconsommation de divers produits issus des AHF en France (en volume) ..................... 38 Tableau10 : Causes du recul des systèmes agroforestiers en France ............................................................................... 40 Tableau 11 : Rentabilité comparée de l’agroforêt avec l’agriculture en fonction du potentiel de fertilité du terroir....... 48 Tableau 12 : résultats synthétiques des relevés dans 3 pré-vergers en Ariège .................................................................. 56 Tableau 13 : résultats des actions de piégeages des syrphidés dans 4 pré-vergers de Midi-Pyrénées ............................. 57 Tableau 15 : Moyens financiers d’investissement mobilisés par le projet Rénova ............................................................ 85 Tableau 16 : Moyens financiers d’animation mobilisés par le projet Rénova ................................................................... 85 Tableau 17 : Moyens financiers de plantation et de rénovation mobilisés par le projet Rénova ...................................... 87 Figure 1 : la localisation traditionnelle des vergers de haute tige en pays d’Auge ........................................................ 101 Tableau 18 : Surfaces de vergers plantés en Basse-Normandie ...................................................................................... 102 Graphique 3 : les plantations de vergers réalisées dans le cadre de l’ARDEC .............................................................. 102 Tableau 19 : évolution de l’âge des arbres des vergers de haute tige en pays d’Auge ................................................... 103 Tableau 20 : les plantations de vergers de haute tige bien entretenues en pays d’Auge en % des arbres ...................... 103 Tableau 21 : l’état d’entretien du verger de haute tige en pays d’Auge .......................................................................... 105 Tableau 22 : évolution du verger de basse tige en Pays d’Auge ..................................................................................... 105 Tableau 23 : Identification des vergers en AOC « Calvados Pays d’Auge » pour la récolte 2000 ................................. 106 Schéma 5 : les interactions Arbre / Animal / Herbe / Fruit dans les pré-vergers ............................................................ 107 Tableau 24 : Identification des vergers en AOC Calvados pour la récolte 2000 ............................................................ 108 Tableau 25 : identification des vergers en AOC « Pommeau de Normandie » pour la récolte 2000 .............................. 109 Tableau 26 : surfaces plantées en Basse-Normandie ...................................................................................................... 110 Tableau 27 : financements des MAE selon l’état d’entretien des arbres en Basse-Normandie ....................................... 110 Tableau 28 : Prix du m
3 de noyer selon la circonférence en Périgord ............................................................................ 141
Tableau 29 : évolution de la châtaigneraie en production en Ardèche ........................................................................... 157 Tableau 30 : Moyens financiers mobilisés sur la châtaigneraie ardéchoise ................................................................... 166 Tableau 31 : Surfaces de châtaigneraie financées par le CNICM en Rhône-Alpes......................................................... 170 Tableau 32 : surfaces aidées par l’ONIFLHOR en Ardèche depuis 1988 ....................................................................... 170 Tableau 33 : aides pour la conservation des fruitiers en Suisse ...................................................................................... 176 Tableau 34 : surfaces de pré-vergers en Angleterre ........................................................................................................ 176 Tableau 35 : évolution des pré-vergers de pommiers en Espagne ................................................................................... 177 Tableau 36 : Bilan comparatif des pré-vergers de haute tige et des vergers de basse tige ............................................. 189 Tableau 37 : produits et labellisation des systèmes agroforestiers.................................................................................. 191 Tableau 38 : points forts et faiblesses des systèmes agroforestiers ................................................................................. 194
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ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES UTILISES
ADASEA : Association départementale pour l'amélioration des structures des exploitations agricoles
AHF : arbre hors forêt
AOC : Appellation d’origine contrôlée
CAUE : Conseil en architecture, urbanisme et environnement
CRPF : Centre régional de la propriété forestière
CTE : contrat territorial d’exploitation
CUMA : Coopérative d’utilisation du matériel en commun
DDAF : Direction départementale de l’agriculture et de la forêt
DRAF : Direction régionale de l’agriculture et de la forêt
DIREN : Direction régionale de l’environnement
FGER : Fonds de gestion de l’espace rural
F : Francs
ha : hectare
hl : hectolitre
IDF : Institut pour le développement forestier
IFN : Inventaire forestier national
INRA : Institut national de la recherche agronomique
INSEE : Institut national des statistiques, des enquêtes et des études
M : mètre
MF : million de francs
MAE : mesures agri-environnementales
PAC : Politique agricole commune (définie par l’Union européenne)
PDZR : plan de développement des zones rurales (objectif 5b de l’Union européenne)
PNR : Parc naturel régional
POS : Plan d’occupation des sols
RGA : Recensement général agricole
SAU : Surface agricole utile
SCEES : Service central des études et des enquêtes statistiques
TERUTI : Enquête sur l’utilisation du territoire
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 15
1 LES CONTOURS DE L’AGROFORESTERIE
1.1 CONCEPT D’AGROFORESTERIE
Le terme agroforesterie est un terme récent qui est apparu au début des années 1980, notamment afin de
regrouper sous un même vocable une diversité de systèmes agricoles associant l’arbre dans les zones sèches
ou tropicales.
1.1.1 Définitions
En Europe, et notamment en France, on retrouve un ensemble de pratiques agroforesterières dont l’élément
commun est l’association entre l’arbre et la prairie ou l’arbre et une culture. Il s’agit donc de pratiques
agricoles qui reposent sur la mixité prairie/arbre/animal ou culture/arbre.
1.1.1.1 La définition internationale de l’agroforesterie
La définition internationale de l’agroforesterie est l’ensemble des pratiques culturales associant des arbres et
des cultures intercalaires (Nair, 1991). Cette définition s'est imposée en Europe (Guitton, 1994). Le terme
d’agroforesterie est parfois employé pour désigner l’activité d’exploitants agricoles qui gèrent des
peuplements forestiers. Ces pratiques agroforestières relèvent d’activités forestières des exploitations
agricoles comme la gestion de la forêt paysanne.
Nous réservons le terme d’agroforesterie aux parcelles associant arbres et cultures intercalaires. Ces cultures
peuvent être annuelles ou pérennes, herbacées ou ligneuses, récoltées ou pâturées.
1.1.1.2 Les systèmes présents en France et en Europe
L’agroforesterie désigne un ensemble de pratiques agricoles qui associent sur la même parcelle la culture
d’arbres et une production d’herbe ou des cultures. L’agroforesterie a pour objectif de générer des influences
bénéfiques entre les deux types de production (par exemple protection des cultures ou des animaux contre les
excès du soleil ou du vent, recyclage des éléments minéraux lessivés par l’arbre au profit de la prairie ou de
la culture) qui conduisent à accroître la production comparativement à un système où les deux productions
seraient séparées. Une surface trop faible rend la présence de l’arbre marginal par rapport à la production
d’herbe ou la production des cultures. Une densité d’arbres trop importante marginalise la production
d’herbe et rend impossible toute culture, sauf dans les cas extrêmes des climats à très fort ensoleillement
comme les oasis. On parle alors généralement de sylvo-pastoralisme où les animaux se nourrissent, à
certaines périodes de l’année, de la production de fruits (glands) et marginalement le feuillage des arbustes
ligneux. Le sylvo-pastoralisme peut être considéré comme une forme particulière d’agroforesterie.
L’association arbre–production herbacée ou cultures peut se réaliser de différentes manière dans l’espace
soit en type « complantation », l’arbre est positionné dans toute la parcelle soit en type « bocage », l’arbre est
implanté autour de la parcelle, soit en type « pied à pied » l’arbre est intimement mêlé aux cultures , l’arbre
pouvant même servir de tuteur à la culture comme la vigne.
L’agroforesterie prend de nombreuses formes en Europe du fait des types de plantes associées, de la diversité
des situations climatiques et des objectifs recherchés : dehesas, huertas, coltura promiscua, pré-verger,
hautain, joualle, cultures associées à des arbres à double fin comme le noyer ou le châtaignier.
Les pratiques forestières sont caractérisées et se traduisent par une production diversifiée sur la même
parcelle (bois, feuillage, fruits, liège, résine, miel, vigne, cultures, fourrage pâturé ou fauché ou même
champignon comme la truffe).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 16
a) Systèmes de complantation
L’arbre est disposé dans la parcelle avec des densités plus ou moins variables allant d’une trentaine d’arbres
à une centaine. Les arbres peuvent être alignés pour faciliter le passage des engins agricoles dans le cadre
d’associations cultures-arbres à double fin, ou bien dispersés d’une façon non géométrique dans le cadre de
prairies associées à des arbres fruitiers de plein vent comme les pré-vergers
b) Systèmes de bocage : un système agroforestier spécifique
En France, on peut rappeler que le bocage traditionnel du XIXe siècle, aux mailles serrées (200 à 400 m de
haies par hectare), est une forme d’agroforesterie. L’arbre occupe alors au houppier plus de 10% de la
surface de la parcelle. Autrefois, avec de petites parcelles (0,5 à 2 ha) l’arbre était au cœur du système
agricole. Et même si l’arbre n’était pas –toujours- physiquement au milieu de la parcelle, le paysan savait
tirer parti de ce que l’on nomme aujourd’hui la multi-fonctionnalité de l’arbre.
On rappellera, qu’aujourd’hui encore, l’arbre (haies et arbres épars) occupe 930.000 ha1 (cf. Annexe 1).
c) Systèmes d‘association « pied à pied »
Ce type d’agroforesterie n’est présent que dans les pays méditerranéens qui bénéficient d’un large
ensoleillement. Les systèmes peuvent être irrigués (type huertas) ou cultivés en sec (coltura promiscua,
hautain). De nombreuses espèces d’arbres et de plantes sont cultivées et mélangées au sein de la même
parcelle
d) Sylvo-pastoralisme
Dans ces systèmes la densité d’arbres et très importante et les cultures sont impossibles. Seul le pâturage est
pratiqué.
1.1.2 Principes des systèmes agroforestiers
L’agroforesterie a pour objectif de générer des influences bénéfiques entre les deux types de production (par
exemple protection des cultures ou des animaux contre les excès du soleil ou du vent, recyclage des éléments
minéraux lessivés par l’arbre au profit de la prairie ou de la culture) qui conduisent à accroître la production
comparativement à un système où les deux productions seraient séparées.
Schéma 1 : les contours de l’agroforesterie en France
Forêt
Forêt cultivée
ou pâturée
Sylvo-
pastoralisme
Prés-bois
Jachère
ligneuse
améliorée
Arbre
des
champs
Isolé,
aligné,
bosquet
Arbre des
lisières
Haie,
alignement,
bande
boisée
Arbres
des
vergers
non purs
Pré-
vergers
Arbres le long
des routes
Fruitiers,
platane,
chênes, …
Arbres
publics
villes,
villages
AGROFORESTERIE
Arbres hors forêt
Source : SOLAGRO, d’après CIRAD-TERA, 2000
1 Surface des houppiers
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 17
1.2 DES SYSTEMES AGROFORESTIERS TRADITIONNELS TRES VARIES
1.2.1 Les principaux systèmes agroforestiers traditionnels
Les pré-vergers (arbres fruitiers de haute tige disséminés dans des prairies) et les cultures intercalaires dans
des peuplements d’arbres dispersés (agrosylviculture) sont les deux formes majeures d’agroforesterie
traditionnelles françaises. Le travail régulier du sol pour l’implantation des cultures est un caractère
spécifique des pratiques agrosylvicoles, qui se distinguent ainsi des pré-vergers.
Ces deux systèmes ont en commun de présenter des peuplements d’arbres à faible densité (moins de 100
arbres/ha, généralement 30 à 70) associés à une production intercalaire annuelle.
1.2.1.1 Le pré-verger ou verger de haute tige
Il s'agit des surfaces toujours en herbe associées à des arbres fruitiers (pommiers, poiriers et mirabelliers).
Sur ces surfaces, la densité des arbres doit être inférieure à 100 par hectare, et la production d'herbe est
dominante.
de type normand : c’est le verger de haute tige le plus connu et peu être le plus ancien. Il est
principalement composé de pommiers à cidre, et localement de poiriers à poiré (Domfrontais). Il est
orienté vers la production de produits cidricoles à destination familiale, même si la vente s’est
développée à partir de la fin du XIXe siècle. Il produit de l’eau-de-vie (calvados dans l’aire
d’appellation), et du cidre (ateliers collectifs artisanaux, et transformation à la ferme). Les prés sont en
général pâturés par les vaches laitières normandes.
de type lorrain : plusieurs formes de vergers peuvent être distingués (cf. étude de cas § 3.1.4.5.), mais le
mirabellier, à l’origine planté pour l’eau-de-vie, domine. On retrouve des pommiers et des pruniers dans
les vergers autour des fermes. Le nombre d’arbres est d’environ 50 à 70 arbres par ha, mais dans les
vergers bien entretenus (en production), la densité atteint 150 arbres de haute tige. Traditionnellement, le
verger de haute tige lorrain ne faisait pas l’objet de pâturage. L’herbe n’était d’ailleurs pas
systématiquement fauchée (mais gyrobroyée) car elle est réputée donnant un foin de mauvaise qualité.
de type montagnard : petit verger familial d’autoconsommation avec éventuellement de la vente (ex.
Pyrénées, Alpes, Massif Central...). Il s’agit de vergers surtout composés d’arbres alignés, sur les
ruptures de pente, ou en limite de parcelles. Le nombre d’arbres est plus faible, en général 10 à 30 par
verger. Les principales essences sont le pommier et le poirier dans les Alpes (Haute-Savoie). Il est
entièrement associé au pâturage de bovins laitiers.
1.2.1.2 association de l’arbre et des cultures
a) type noyeraie du Lot, de la Drôme et de l’Isère
Les premières traces de la pratique de la culture sous noyers remontent à l’époque romaine. Elle a été
maintenue jusqu’à nos jours malgré l’intensification et la mécanisation de l’agriculture. Elle concerne
environ 6000 ha dans le Dauphiné, 3000 ha dans le Périgord. Le noyer agricole a fortement marqué le
paysage géographique de certaines zones jusqu’à la terminologie des noms de villages ou de familles. Les
différents rapports des inspecteurs d’Etat des siècles derniers décrivent ces campagnes comme couvertes de
noyers. Les fruits et le bois font l’objet de monnaies d’échanges et de transactions. La culture du noyer a
bénéficié de l’invasion du Phylloxera et du déclin de la vigne pour trouver son véritable essor.
La noyeraie agroforestière doit aujourd’hui faire face à l’administration pour faire reconnaître le statut des
cultures intercalaires : PAC, Impôt foncier, MSA… Mais cette pratique ne fait pas l’unanimité des milieux
professionnels (céréaliers, nuciculteurs ou forestiers). De nombreuses contraintes sont répertoriées dans les
cahiers des charges pour l’obtention des subventions agricoles. Les jeunes nuciculteurs sont souvent enclins
à se spécialiser ou sur la noix ou sur les cultures et à abandonner ainsi le schéma agroforestier traditionnel.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 18
Les cultures intercalaires accompagnent les noyers lors des premières années. La durée de culture est très
variable. Elle dépend de l’écartement entre les arbres et de la hauteur de la bille formée. Plus l’arbre a une
fonction double fin et plus la mise à fruits sera retardée. La durée de la culture intercalaire sera alors plus
longue. La durée est généralement comprise entre 5 et 10 ans.
A ces données techniques, il faut ajouter la nature de la culture intercalaire. Certaines peuvent se concevoir
dans le cadre d’une association supérieure à 15 ans (petits fruits, arbres fruitiers en espaliers, cultures
légumières ou cultures fourragères).
Pour l’agroforestier moderne, les avantages cités pour la pratique de la culture sont :
1. L’autoconsommation des produits, pour les animaux essentiellement.
2. La plus value de la culture intercalaire : l’espace est optimisé dans les jeunes plantations.
L’étroitesse des bandes cultivées avec le temps permet de diversifier les produits de l’exploitation
(fleurs, semences, fruits)
3. L’allègement des charges d’entretien de la noyeraie par rapport à un entretien en sol nu ou enherbé.
4. La culture intercalaire est un atout pour le noyer : bénéficie de l’engrais des cultures, association
avec des cultures ayant des cycles végétatifs complémentaires. Une culture fourragère peut avoir des
incidences sur la structure du sol et lutter contre la chlorose et l’érosion.
b) type oliveraie
Il s’agit très certainement de la pratique agroforestière la plus ancienne en France. Arbre rustique, l'olivier
est exploité depuis l’Antiquité pour son huile et ses fruits. Sa productivité augmente avec la technique du
greffage importée par les phocéens 600 ans avant JC. Les oliviers améliorés par des greffons venus d’Asie
mineure sont plantés progressivement autour de Marseille et bientôt dans toute la Provence. Les oliviers sont
associés aux céréales à paille puis à la vigne.
Les cultures intercalaires disparaissent progressivement avec l’intensification des pratiques agricoles et la
diminution des surfaces en oliveraies.
L’entrée en production est tardive. Un planteur doit attendre entre 10 et 35 ans avant d’espérer une récolte
productive. Cette caractéristique joue en la défaveur de l’olivier dans le contexte économique actuel des
exploitations agricoles qui demande des temps de retour sur investissement très court. Aussi, lorsque les gels
tuent certains oliviers, ceux-ci sont rarement remplacés. Les gels de 1929, 1956 et 1985 ont provoqué une
chute drastique du nombre d’oliviers en France.
De 8,5 millions d’arbres en 1950, la Provence passe à 6 millions suite au gel de 1956. Le gel de 1985 tua
près d’un millions d’arbres supplémentaires. L’oliveraie actuelle ne compte plus alors que 3 millions
d’arbres.
Depuis les 40 dernières années, les surfaces d’oliveraies se sont stabilisées. La tendance est de nouveau à la
hausse suite au regain d’intérêt pour l’huile d’olive dans la diététique de l’homme moderne… Par contre, il
est difficile de chiffrer l’importance de la pratique de la culture intercalaire. Lors de notre enquête, peu de
techniciens en ont témoigné.
Certaines oliveraies sont encore cultivées ou pâturées en Espagne. Au Portugal, l’olivier est associé à la
vigne et à des cultures céréalières et légumières (coltura promiscua).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 19
Graphique 1 : évolution de la superficie oléicole en France entre 1840 et 1996
1.2.1.3 les complants : association de l’arbre avec une culture pérenne
a) Joualle (cance) : vigne intégrant des arbres fruitiers
La joualle est une parcelle complantée de vignes et d'arbres fruitiers alignés. Ce système s'est développé très
tôt avant le XVIIIe siècle. A l'origine, la joualle désignait les lignes de fruitiers plantés à intervalles réguliers
dans le rang des vignes. Elle désignait plus couramment le système agricole dans son ensemble qui
comprenait aussi des cultures céréalières ou maraîchères. Les arbres ne faisaient l'objet d'aucun traitement
particulier mais bénéficiait de ceux de la vigne.
Arbres caractéristiques : Prunier, pêcher (pêche de vigne), cerisier
Arbres secondaires : pommier, poirier, amandier
Intérêts paysagers
Ces associations entre l'arbre et la vigne sont d'une qualité paysagère remarquable. Parfois, on retrouve
encore des fruitiers qui répandent une ombre bénéfique sur le cabanon (abandonné) situé au cœur de la
vigne.
Le remembrement foncier et l'essor des vergers intensifs ont fini par éliminer complètement les joualles.
Mariage de la vigne et des arbres fruitiers
Depuis la Provence jusqu’au Bordelais, 2 à 4 rangées de vigne pouvaient alterner avec des cultures
intercalaires, régulièrement labourées. En fait la monoculture de la vigne tel qu’on la connaît aujourd’hui est
relativement récente. L’agronome A. Pellicot, parcourant la Provence, écrit en 1876 : « nous devons cesser
de cultiver le blé et les légumes au milieu des vignes », arguant du fait que la charrue coupe les racines de la
vigne.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 20
« …Reste un autre moyen, pour à bon marché, de cultiver le verger : c'est de planter les arbres avec de la
vigne, parmi laquelle l'accroissement des arbres, avec eux, elle rapportera du fruit pour satisfaire aux frais
communs d'entretien de ces plantes, ainsi mélangées. Toutefois, la vigne ne sera pas laissée plus d'une
vingtaine d'années à cause de l'ombrage des arbres… ». Olivier de Serres
b) Hautain de vigne : vigne supportée par des arbres (érable, orme, ...)
Le hautain constitue certainement une des plus anciennes pratiques d'agroforesterie puisque décrite et
conseillée au temps de Columelle et Pline l'Ancien au 1er siècle de notre ère. Largement déployée au moyen
âge, cette culture de la vigne sur arbre est encore bien vivante au Portugal et en Italie. La découverte de
parcelles de ce type en Comminges constitue très certainement aujourd'hui une relique.
Les hautains associent sur la même parcelle la vigne et une culture intercalaire (céréales, légumes, ...). Le
terme "hautain" provient de la forme particulière des ceps taillés à plus de 1,80 m de haut.
Traditionnellement un pied d'érable champêtre, aujourd’hui remplacé par un échalas de bois, permet de
supporter deux ceps de vigne. Pour ne pas nuire à la production de la vigne, les branches d’érables sont
rabattues chaque année, formant ainsi une « tête de chat ».
En Comminges (Haute-Garonne), les parcelles de hautains reliques mesurent toutes moins de 500 m2,
associant parfois des arbres fruitiers (pommiers) dans un angle ou en limite. Entre les rangs de vigne, espacés
de 2 m, on y cultive encore des légumes (haricots, artichauts, …).
Les hautains constituent une clé unique de lecture du paysage de la vallée de l’Arbas. Dans les environs de
Saleich (Ariège), on rencontre en effet des saules « têtards » alignés régulièrement au milieu de prairies. Non
loin, des érables champêtres plusieurs fois centenaires parsèment le paysage, souvent en bordure de chemin
mais toujours côté champ. Leur silhouette à quelque chose d’atypique : le tronc est massif, large mais peu
élevé (moins de 3 m), tandis que la ramure est globulaire, constituée de branches densément serrées, sans
véritable branche charpentière.
Rappelez-vous, les vignes sont supportées par des érables. Ces vieux érables ne seraient-ils pas les témoins
d’hautains disparus, dont on aurait gardé les tuteurs situés en limite de fossé ? Et ces vieux saules alignés, ne
sont-ils pas les osiers avec lesquels le paysan attachait la vigne au support ?
Les anciens expliquent que les hautains étaient bien plus répandus, dans le canton de Salies de Salat, séparés
par des prairies naturelles. L’abbé Rozier (1729) en cite même la présence dans le comté de Foix au XVIe
siècle.
1.2.2 Des systèmes agroforestiers régionaux
1.2.2.1 Plantades de Bigorre : un système agroforestier communautaire
Composante originale, les plantades témoignent de pratiques communautaires anciennes.
Le nom de plantade, de l'occitan "plantadis" (lieu planté d'arbres), désigne ces vieilles plantations de chênes
pédonculés à grand espacement. Datant du milieu de XIXe siècle, elles s’apparentent dans leur forme au
"mail" des villes.
Le reflet d’une économie villageoise
Présentes de la Bigorre au Magnoac (Hautes-Pyrénées), souvent attenantes au village, cet espace
communautaire répondait à de multiples usages : production de foin en été, zone de parcours et de nourriture
pour les cochons en automne lors des glandées, tout en procurant du bois de chauffe et du bois d'œuvre.
La plantade est aussi l’élément traditionnel de la ferme du Magnoac. Plus petite, moins bien entretenues,
elles sont absorbées par les bois.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 21
Après la perte de ces usages traditionnels, les plantades tombent dans l’oubli : amputée par l’urbanisme,
abandonnées à la forêt.
Chargées d’histoire et de culture, ces plantades retrouvent aujourd’hui une fonction sociale ; elles offrent des
espaces de loisirs et de détente uniques, et participent aussi à la qualité du cadre de vie.
Le Département des Hautes-Pyrénées et la DIREN Midi-Pyrénées se sont engagés un programme de
restauration progressive de plantades afin de transmettre ce patrimoine paysager exceptionnel aux
générations futures.
En 1993, une étude menée par l’ONF recense une soixantaine de plantades dans les Hautes-Pyrénées,
représentant moins de 100 ha. Des travaux de restauration sont nécessaires compte tenu du mauvais état
sanitaire de ce patrimoine arboré.
1.2.2.2 Airial landais
Proche du type agroforestier de la plantade, l’airial se localise dans les Landes. Le chêne liège, le chêne
tauzin et le châtaignier sont aussi utilisés.
1.2.2.3 Dehesas espagnoles ou montados portugaises
Il s’agit de systèmes extensifs développés dans les zones semi-arides où les arbres co-existent avec quelques
cultures et du pâturage. La densité des arbres varie de 30 à 60 arbres par hectare pour les chênes verts, et
atteint 80 arbres/ha pour le chêne liège. Le chêne tauzin et le châtaignier sont aussi représentés.
La production fourragère est faible (600 à 3.000 kg/ha de matière sèche) mais bénéfice de l’ombrage des
arbres. La production de glands (environ 600 kg/ha) représente une alimentation importante pour
l’engraissement des troupeaux qui pâturent de novembre à avril, avant de transhumer dans les montagnes
durant la période estivale. La chasse représente 6% des produits d’une dehesas. Les produits forestiers (liège,
bois de chauffage, charbon de bois) sont secondaires dans le revenu. La récolte de liège est de l’ordre de 2 à
3 tonnes/ha tous les 9 ans dans les domaines bien gérés.
Les dehesas couvrent 4 millions d’ha en Espagne et au Portugal.
1.2.2.4 Coltura promiscua et huertas
Il s’agit d’un paysage méditerranéen de complantation parfois en terrasses où se juxtaposent de manière
étroite plusieurs cultures sur la même parcelle. Chaque parcelle porte des rangées d’arbres, ou de vignes,
séparées par des plates-bandes de blé, de haricots ou de tomates. Cette agriculture demandeuse en main
d’œuvre et extrêmement diversifiée, telle que l’on peut la voir dans la vallée du Douro ou en Toscane, est
aujourd’hui remplacée par des cultures fruitières spécialisées intensives (intrants…).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 22
Schéma 2 : typologie des systèmes agroforestiers en Europe
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 23
Schéma 3 : Typologie des structures arborées champêtres
Isolé ou en petit groupe près
d’une habitation
Isolé en limite de parcelle
En limite de parcelle avec ou
sans talus
En limite de parcelle ou le
long d’un chemin
En complantage très lâche au
milieu d’une parcelle
Vergers denses avec pâturage
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 24
Arbres fruitiers de hautes
tiges, arbres épars, mûrier
Arbres épars
haie
Alignement de fruitiers, de
mûriers, …
Arbres fruitiers (noyer),
chênes au milieu d’une
parcelle ou d’une prairie
Plantade de chênes ou de
châtaigniers
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 25
Arbre
Arbres fruitiers
Arbustes
En complément dispersé (30 à
70 arbres/ha)
Variante avec une haie
Complantage en alignement
Arbres associés à la vigne
Cultures, vignes et arbres
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 26
Pré-vergers, dehesas
Pré-vergers, dehesas
Cultures (céréales, légumes)
associés à des alignements
d’arbres (noyer, arbres à bois,
feuillus)
Association arbres – vignes
dans le rang ; s’y ajoute les
hautains (vigne poussant sur
un arbre)
Huertas, clotura promiscua
Source : SOLAGRO, adapté
de Jean-Robert Pitte .
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 27
2 HISTORIQUE ET ETAT DES LIEUX DE L’AGROFORESTERIE
2.1 HISTORIQUE : UN LENT DECLIN
2.1.1 Étude bibliographique
Nous avons effectué une première analyse bibliographique des principaux ouvrages de géographes et
agronomes. Quelques mentions sont faites de pratiques agroforestières, mais il s’agit plus souvent de
descriptions que d’une analyse agronomique et technique.
2.1.1.1 La liste des ouvrages qui ont été consultés :
Pline l’Ancien, Histoire naturelle, Livre XVIII, -188
Ibn El Awwam, le livre de l’Agriculture, éditions Actes Sud, Sindbad, 2000
Georges Duby, Histoire de la France Rurale de 1340 à 1789
Arthur Young, Voyages en France, 1787
Robert Specklin, « L’achèvement des paysages agraires Histoire de la France rurale
de 1789 à 1914 Editions Points
March Bloch, Les caractères originaux de l’histoire rurale française, Editions Armand Colin, 1999
R. Dion, Essai sur la Formation du paysage français, R. Dion, Editions Guy Durier, 1981 (réédition de
l’ouvrage de 1934)
Pierre Deffontaines, L’homme et la forêt,, Ed Gallimard, 1969
Charles Parain, la méditerranée : Les hommes et leurs travaux, Éditions Gallimard, 1936
René Dumont , Voyages en France d’un agronome –, Editions M.-TH Génin 1951
Fernand Braudel, « L’identité de la France, tome 2, 1986, Arthaud-Flammarion
Jean-Robert Pitte, Extrait de Histoire du paysage français de, Editions Pluriel, 1983.
Jean-Robert Pitte, Terres de Castanide. Editions Fayard, 1986.
Miguel. A. Altieri, Agroécologie et Agroforesterie
Francis BRUMONT, Les hautains : D’après « Madiran et Saint-Mont, Histoire et devenir des
vignobles ; ed Atlantica, 1999
Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, « Histoire des agricultures du monde » Editions du seuil, 1997
533 pages.
2.1.1.2 Les grandes périodes de l’agroforesterie
Les géographes confirment la présence et le développement de l’agroforesterie au XVIIIe, XIX
e et XX
e
siècles dans de nombreuses régions françaises : De Lavergne (1867), Bloch (1931), Dion (1934), Braudel
(1986), Parrain (1936), Deffontaines (1936), Specklin (1980), Pitte (1983), Brumont (1999).
Mais le contenu technique des pratiques agroforestières reste globalement peu développé par les
agronomes : Pline (-188) : oliviers - céréales, Ibn El Awwan (1200), Olivier de Serres (1600) et Young
(1787) : hautains, Dumont (1945) : les limites de l’agroforesterie, Altieri (1980) : intérêt de l’agroforesterie,
Mazoyer (1997) : l’intérêt de l’agroforesterie.
Des extraits de ces textes figurent en annexe 2.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 28
a) Le démarrage de l’agroforestrie : de la période romaine au Moyen-âge
Les agronomes romains font référence dans le bassin méditerranéen à l’association vigne-arbre, blé-olivier
et à la riche association permise dans les palmeraies grâce à l’irrigation et un très fort ensoleillement.
Peu d’éléments permettent de situer les pratiques agroforestières au Moyen Âge. Les animaux semblent se
nourrir dans le vaste saltus et menacent les jeunes pousses. La plupart des haies sont des haies plessées
mortes (cf. enluminures des Riches heures du Duc du Berry et les dessins des tapisseries du XVIe et XVII
e
siècles. Les haies sont avant tout défensives et servent à protéger les cultures contre les animaux en liberté
(vaine pâture). Les fruitiers sont certainement présents dans les jardins et enclos. Le pommier va se
développer en Normandie à partir du XVe et en Picardie à partir du XVI
e siècle.
b) Le plein essor de l’agroforesterie : 1600-1900
La période 1600-1850 correspond à une période d’embocagement et de complantation (les arbres se
répandent parmi les champs). Alors que la surface forestière se réduit tout en faisant l’objet d’une pression
de pâturage, les arbres gagnent du terrain dans l’espace agricole. Les arbres à bois sont essentiellement
utilisés pour la mise en place et le renforcement du maillage bocager. Les arbres fruitiers (châtaignier,
Olivier, pommier, Poirier, figuier, cerisier, noyer, amandier, mûrier …) sont utilisés en alignement ou en
complantation avec des cultures et la vigne (essentiellement dans le sud) ou avec des prairies (grand ouest).
La plantation d’arbres est considérée comme création de richesses et est même rendus obligatoire par les
propriétaires dans les contrats de fermage. La France devient un véritable jardin qui atteint toute sa
complexité dans les huertas de la vallée du Rhône et du Roussillon où l’association irrigation-soleil-main
d’œuvre permet de fortes productions biologiques. Les pré-vergers de pommiers se mettent en place et ne
cesseront de s’étendre jusqu’au début du XXe siècle. On parle alors de forêt (d’agroforêt) tellement l’arbre
champêtre semble présent partout (profusion des arbres et des haies). C’est l’époque où l’espace est
pleinement utilisé. Les arbres occupent les pentes et les talus et les cultures s’immiscent à l’ombre des
arbres.
Les pratiques forestières vont ainsi occuper des millions d’hectares que ce soit sous forme de petites mailles
bocagères (moins d’un hectare), de pré-vergers, de hautains, de cultures associées aux fruitiers
méditerranéens. Seuls les openfields du nord ne sont pas gagnés par ces pratiques, les pré-vergers et clos-
masure ne quittant pas les abords du village.
Ce paysage arboré correspond à une forte population rurale et agricole (on a les bras pour jardiner, la ferme
dépassant rarement 6 ha). Les principes d’autonomie et d’autoconsommation dominent. La ferme doit
produire de quoi bâtir (bois d’œuvre), cuisiner et se chauffer (bois de feu), fabriquer des ustensiles (osier),
s’habiller (laine, chanvre, lin), se nourrir (blé, légumes fruits) et nourrir les animaux qui servent
essentiellement à produire du fumier pour les cultures et assurer une force motrice. Les arbres contribuent à
mettre en oeuvre ces principes. La mixité des productions semble être la règle en permettant une meilleure
production à l’hectare même si la démonstration n’a pas été faite.
c) Le lent déclin de l’agroforesterie : 1900-1980
Les géographes dans leurs descriptions de la première moitié du XXe siècle (1930-1950) montrent que les
pratiques agroforestières sont encore bien présentes notamment dans le bassin méditerranéen et les régions
les “moins en avance” au niveau des progrès techniques. La culture mixte est encore synonyme
d’accumulation de richesse, et la motorisation est à peine développée. L’arbre apporte des éléments
fertilisants et la fertilisation chimique est encore des plus limitées.
Dumont, dans son tour de France, réalisé au début des années 1950, va être un des premiers à remettre en
cause ses pratiques agroforestières : « Nous manquons parfois d’agriculteurs assez hardis pour remettre en
question toutes les vérités, ayant dénoncé cette imbécillité » écrit-il. L’arbre gêne le passage des machines
(« le tracteur est gêné par le bocage ; la plupart des chemins sont trop étroits pour la moissonneuse-batteuse ;
l’ancienne économie sylvicole est désormais inconciliable avec le tracteur »). L’arbre fait de l’ombre à
l’herbe et aux cultures (trop pour la concurrence aux cultures, les grands arbres « mangent » loin). Chaque
production doit avoir son champ (« le travail serait pourtant plus facile si l’on cantonnait ces productions en
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 29
blocs homogènes ; ces arbres gênent grandement, au milieu des champs de culture, surtout avec les
machines modernes »). Seules quelques pistes d’agro-foresterie sont mises en avant (« la haie fourragère,
une meilleure valorisation des pommiers en particulier en pomme à couteau »). Dumont propose le
remembrement des terres (« le mouvement général étant à l’agrandissement des parcelles ; ainsi plus de
moitié des haies sauteraient »).
Beaucoup de pratiques agroforestières semblent à l’abandon comme l’entretien et la récolte des châtaigniers,
la valorisation fourragère des arbres. Le recul des arbres agricoles est déjà amorcé pour certaines filières et
pour différentes raisons.
Les paysans du Midi arrachent leurs oliviers et la production française d’huile d’olive est passée d’un
maximum de 160.000 tonnes dans les années 1870 à environ 65.000 tonnes en 1910-1913. L’expansion des
plantations africaines fait que les huiles d’olive et d’arachide arrivent sur le marché à un prix très inférieur.
Les mûriers sont progressivement abandonnés du fait de la concurrence de la Chine pour la soie. La
production de châtaigne s’effondre aussi, victime du chancre et de l’encre.
Les années 1950-60 marquent donc un tournant important pour les pratiques agroforestières qui vont reculer
drastiquement. Le bocage va ainsi perdre plus de 50% de son linaire entre 1960 et 1980. Les pré-vergers
résisteront jusqu’au début des années 60 avant un recul massif dû à la baisse de la consommation de cidre et
de calvados et la montée en puissance des vergers de basse tige.
L’intensification agricole est lancée avec le développement de l’usage des engrais chimiques, des pesticides
et de la mécanisation. L’arbre est passé dans l’oubli ; il n’est plus porteur de progrès technique.
d) La reconnaissance de l’agroforesterie à partir de 1980
Ce n’est qu’à partir de 1980 que certains agronomes vont remettre en avant l’intérêt de l’arbre champêtre
pour la mise en œuvre d’une agriculture durable. L’arbre reprend sa place au sein des pratiques d’agro-
écologie. L’arbre est un moyen de renouveler la fertilité des champs. L’arbre peut accroître la production
des cultures dans un nouveau paradigme agronomique où le biologique a repris le pas sur le chimique.
Le Cemagref et l’INRA vont entreprendre des recherches en agroforesterie principalement sous l’angle bois
d’œuvre pâturage ou culture. Les plantations de haies redémarrent en 1980.
L’écologie fait son entrée dans le débat de l’agroforesterie.
2.1.1.3 Les avantages et les inconvénients de l’agroforesterie relevés dans la bibliographie
Avantages
- accroissement des productions associées
- recyclage des éléments minéraux
- apport d’éléments minéraux par brûlage
- alimentation du bétail en cas de sécheresse
- qualité du vin
- amélioration de la fertilité des sols (mycorhizes, teneur en matière organique, symbiose, activité
microbienne)
- protection des cultures contre le vent
- l’arbre est adapté à la sécheresse du sud en pouvant puiser de l’eau dans le sol plus profondément
- fixation des talus
- protection de l’eau
- augmentation de la biodiversité
Inconvénients
- gênent le fonctionnement des machines (parcelles trop petites, branches, racines)
- ombrage des cultures
- récolte et entretien manuels
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 30
- diminution du rendement de la culture intercalaire
2.1.2 Evolution par type de système agroforestier
2.1.2.1 Pré-verger
La régression des vergers de haute tige a continué tout au long de notre siècle. En 1929, il y avait 55
millions de pommiers à cidre contre 11 millions en 1990, et 5,5 millions en 1998.
Tableau 1 : Les vergers de pommiers à cidre de haute tige en 1929
Régions Pommiers à cidre
(en nombre)
Poiriers à poiré
(en nombre)
Bretagne 17 763 100 291 900
Basse-Normandie 12 840 100 669 200
Pays de la Loire 7 297 900 512 000
Haute-Normandie 5 075 300 208 900
Picardie 2 790 500 62 900
Centre 2 419 000 398 700
Limousin 1 956 100 86 300
Total en France 55 382 100 3 626 900
Source : Recensement agricole, 1929
Tableau 2 : Les vergers de pommiers à cidre de haute tige en 1998
Régions Pommiers à cidre
(en nombre)
Bretagne 1 500 000
Basse-Normandie 2 200 100
Pays de la Loire 700 000
Haute-Normandie 1 100 000
Total en France 5 500 000
Source : Deborde, 1998
Les pré-vergers occupent aujourd’hui moins de 150.000 ha (TERUTI, 2000), contre 400.000 hectares de
vergers à cidre en 1929 avec une densité de plus de 140 arbres/ha (cf. annexes 4 à 7). Ce patrimoine fruitier
était encore plus riche si l’on tient compte des autres arbres fruitiers de plein vent.
Aujourd’hui, l’essentiel est concentré en Normandie (près de 63.000 ha), soit 38 % des pré-vergers
nationaux. Les autres régions densément pourvues sont la Bretagne, les Pays de la Loire, et le Nord-Est de la
France (Lorraine, Alsace).
Si la perte de ces vergers a été forte après-guerre (en valeur), la régression se poursuit à un rythme élevé :
perte de 19 % des pré-vergers entre 1982 et 1990 (-49.000 ha) et de 16 % entre 1991 et 2000 (-29.000 ha).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 31
En Basse-Normandie, le verger a diminué de 63 % entre 1963 et 1990, passant de 12,6 millions à 4,7
millions d'arbres. À cette cadence, les vergers de haute tige auront disparu en 2020.
Tableau 3 : les surfaces de pré-vergers dans les principales régions de France en 1998
Régions Pré-vergers en 1982
(en ha)
Pré-vergers en 1998
(en ha)
Basse-Normandie 63 800 45 733
Lorraine 28 200 25 363
Alsace 20 500 16 145
Haute-Normandie 60 300 14 526
Pays de la Loire 21 700 11 839
Rhône-Alpes 10 800 8 174
Bretagne 16 400 6 986
Champagne-Ardenne 6 100 6 942
Autres régions 30 700 39 530
Total en France 258 500 156 479
Source : SCEES/Téruti, 1982 et 1998
Les noyeraies, oliveraies et châtaigneraies encore entretenues ne couvrent plus que 36 000 ha, contre 265
000 ha en 1929, et 370 000 ha en 1900.
Depuis 1929, la production des oliveraies a baissé de 86 %, celle des châtaigneraies de 96 %, et celles de
noyeraies de 59 % (RGA, 1929).
Tableau 4 : évolution des surfaces de plantations entre
1929 et 1990
Espèces Surfaces en plein
en ha en 1929
Surfaces en plein
en ha en 1996
Châtaigniers 167 940 6 164
Noyers 4 502 18 500
Oliviers 92 058 15 573
Sources : RGA, 1929 et IFN 2e cycle
Tableau 5 : balance commerciale en 1990
Espèces en tonnes en MF
Châtaignes - 6 930 - 28
Noix 5 921 + 151
Olives - 39 442 - 271
Huile d'olive - 33 402 - 406
Cette forte réduction des vergers extensifs (châtaigneraies, oliveraies) se traduit par une balance
commerciale déficitaire.
Mais la régression n’a pas été un mouvement régulier. On peut retrouver dans la littérature des tentatives
locales de relance de certaines productions fruitières au début du siècle. Tel est le cas en vallée du Louron
(Hautes-Pyrénées), par exemple pour la production de pommes à cidre (cf. Annexe 3). Mais ces volontés,
menées par les Services agricoles se sont heurtées au développement des vergers intensifs de nouvelles
régions de productions (vallée de Garonne) après la seconde Guerre mondiale.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 32
Schéma 4 : le devenir des pré-vergers entre 1992 et 2000
Ab
an
do
n =
19%
For�ts et
peupleraies
15.297.000 ha
Haies, arbres ˇpars
et bosquets
1.545.000 ha
Autres :
rochers, pˇlouses, friches,
landes, chemins
5.808.000 ha
Prairies permanentee, alpages
10.292.000 ha
Cultures et jach¸res�
15.072.000 ha
Sols artificialisˇs
2.384.000 ha
Prairies temporaires
et artificielles
2.384.000 ha
Vergers, vignes et
jach¸rers
1.511.000 ha
Prˇs-vergers�
151.000 ha
1.000 ha
5.600 ha
4.000 ha
1.600 ha
Ab
atta
ge =
31%
900 ha
100 ha
6 600 ha
19 900 ha
Non entretien, non renouvellement
= 49%
16%
3% 3%
4%
10%
14%
Solde net = perte de 41.000 ha
49%
Source : TERUTI – Réaloisation : SOLAGRO, 2000
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 33
2.1.2.2 Cultures intercalaires
Une large diversité
L’agroforesterie regroupe une palette très large de pratiques agricoles associant arbres et cultures depuis la
culture itinérante en forêt jusqu’aux plantations modernes mécanisables. Des systèmes traditionnels très
anciens ont survécu jusqu’à aujourd’hui. Ainsi chez certains peuples de forêts tropicales, la culture itinérante
de fruits et de légumes est un des moyens de production les plus courants (Dounias, 1995). En climat
tempéré, la production de la truffe, par l’entretien des arbres truffiers situés en pleine forêt, est un descendant
direct de ces pratiques.
L’association des cultures est un des fondements de l’agriculture (Harlan, 1987). Les premières descriptions
de jardins arborés remontent à - 3.000 ans et font état de jardins dont l’origine serait de -7.000 ans
(Soemarwoto, 1987). Des écrits rapportés de l’époque romaine décrivent l’association des céréales aux
oliviers, association encore présente aujourd’hui en zone méditerranéenne. Ces documents démontrent
également un certain esprit de recherche afin d’optimiser les associations arbres-cultures parfois avec un
intérêt tout à fait d’actualité lorsqu’il s’agit de calculer la distance optimale entre les cultures et l’arbre par
exemple (Lelle et al, 1993).
Si les pratiques traditionnelles d’agrosylviculture sont assez répandues, elles restent par contre relativement
peu étudiées en Europe. Mis à part des documents sur la haie ou le paysage de bocage, il n’existe
pratiquement pas d’études poussées sur les vergers d’arbres entretenus par des cultures intercalaires. Comme
associations, on peut citer l’olivier avec céréales, les vergers fruitiers avec maraîchage, les peupleraies avec
maïs ou encore les noyeraies du Dauphiné et du Périgord. Avec près de 6000 ha de plantations ayant fait
l’objet d’une pratique de culture intercalaire, la noyeraie du Dauphiné constitue sans doute le système
traditionnel le plus important en France. Ce système a su s’adapter, bien que difficilement, à la mécanisation
et à l’évolution des politiques agricoles (Liagre, 1993 et Mary et al, 1997).
Dans le Dauphiné et le Périgord, on peut estimer à 15.000 ha les noyeraies actuelles qui ont été associées aux
cultures intercalaires dont 3.000 à 4.000 ha de cultures intercalaires encore visibles aujourd’hui. A ces
chiffres, il faudrait ajouter les surfaces de cultures intercalaires associant d’autres essences comme les
cerisiers, châtaigniers, pêchers et autres fruitiers. Ces pratiques, difficilement chiffrables, étaient généralisées
par le passé. Cette pratique était développée sous forme de parc arboré ou d’arbres isolé en milieu cultivé. Le
verger dans sa forme actuelle intervient à partir des années 50. Les statistiques agricoles n’ont jamais
quantifié ces formes arborées par le passé y compris les premiers vergers de noyers ce qui ne permet pas de
visualiser correctement l’évolution de ces systèmes agroforestiers.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 34
Tableau 6 : Surfaces agroforetières et zones géographiques
Système Zone géographique Surfaces estimées (ha)
Surface noyeraies 2000 Isère, Drôme, Savoie
Lot, Dordogne, Creuse
17 000
Noyeraies ayant fait l’objet de
cultures intercalaires
15 000
Noyeraies avec cultures intercalaires 3 – 4 000
Autres noyeraies ayant fait l’objet
de cultures intercalaires
Poitou Charentes, Aquitaine,
Limousin
2 000
Arbres fruitiers avec cultures
intercalaires
Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées,
Aquitaine
1500-2000
Peupleraies avec cultures
intercalaires
France 6300
Plantations d’arbres forestiers avec
cultures intercalaires
Rhône-Alpes, Languedoc
Roussillon, Poitou Charente, Midi-
Pyrénées
300
Plantations d’arbres forestiers en
prairie pâturée
Aquitaine, Limousin, Auvergne,
Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées, Nord,
Languedoc Roussillon.
600
Les plantations agroforestières à base d’essences forestières se développent ces dernières années avec en tête
le peuplier sur plus de 6300 ha. Dans le Dauphiné et le Périgord, entretenir la surface intercalaire en la
cultivant coulait culturellement de source. Par contre ce système s’est rapidement développé dans des zones
nouvelles comme les régions du Nord-Pas-de-Calais, Champagne-Ardenne, Pays de la Loire et Poitou-
Charente. Les peupleraies associées aux cultures intercalaires représentent 2,8 % de la surface totale (Teruti,
1994). Ce chiffre ne prend pas en compte les prairies pâturables sous peupliers.
2.1.3 Synthèse sur l’évolution estimée des surfaces et produits agroforestiers
2.1.3.1 Hypothèses et évolution des surfaces
Il n’existe aucune statistique particulière sur les surfaces agroforestières.
Les données utilisables sont :
les statistiques annuelles en particulier de 1882 qui estiment les surfaces en « cultures arborescentes »
(châtaigneraies, oliveraies, …) mais qui ne précisent pas si ces cultures fruitières sont associées à du
pâturage ou des cultures. Les surfaces en haie ne sont pas connues
le recensement agricole de 1929 est beaucoup plus précis. On dispose des surfaces d’arbres fruitiers en
plein (vergers purs) et le nombre d’arbres en plein et hors vergers purs, des arbres à bois champêtre
(ormes, chênes, frênes et acacias)
A partir de l’année 1981, l’enquête Teruti qui estime les surfaces en haie, arbres épars, bosquets, pré-
vergers, deux recensement de l’IFN pour la longueur de haies et le nombre d’arbres épars dans les
landes et terres agricoles, la statistique agricole annuelle avec les surfaces fruitières en vergers purs,
associés et en arbres isolés (de 1966 à 1980 les vergers associés et arbres isolés sont sommés
ensemble, au-delà on ne connaît plus que les surfaces des vergers purs et associés, les surfaces
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 35
d’arbres isolés pouvant s’estimer au prorata de la production totale récoltée déduite de la production
récoltée des vergers purs et associés)
Un certain nombre d’hypothèses sont donc nécessaires si l’on souhaite estimer une évolution des surfaces
agroforestières à 3 périodes : 1880-1900, en 1929 et en 2000.
Ces hypothèses portent sur :
le nombre d’arbres /ha ou la densité de haies/ha, et la surface du houppier des arbres, si on veut passer
de la surface arborée au houppier à la surface agroforestière, ou de la surface agroforestière à la
surface au houppier (surface boisée)
le pourcentage de la surface en plein qui est associé à des cultures ou du pâturage
des extrapolations ou rétrapolations quand on ne dispose pas des surfaces pour certaines périodes (par
exemple la surface de haies en 1929)
Avec ces hypothèses il est possible de faire une première estimation de :
la surface agroforestière
la surface arborée des arbres champêtres
le nombre d’arbres non forestiers (ou arbres champêtres)
Il reste plus difficile d’estimer le niveau de renouvellement, d’entretien et de récolte sur l’ensemble de ces
arbres. En effet il est clair qu’aujourd’hui une grande partie de ce patrimoine arboré est vieillissant,
insuffisamment entretenu (absence d’élagage, gui dans les arbres, …) et ne fait pas l’objet de récolte (arrêt
des pratiques d’émondage et d’étêtage, fruits non récoltés, bois non valorisé). Ces variables vont être
déterminantes pour le niveau de production des récoltes (cidre, châtaigne, bois de feu…).
Les données sur les récoltes sont aussi difficiles à cerner puisqu’une grande partie des productions de
l’agroforesterie est intra-consommée (par les animaux) ou auto consommée, et donc ne font plus l’objet de
déclarations pouvant être collectées dans une statistique.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 36
Tableau 7 : Synthèse de l’évolution des surfaces agroforestières entre 1880 et 2000
1880-1900 1929 2000
évolution
1880-2000 en
ha
évolution
en %
Surfaces agroforestières en ha 12 637 489 12 400 507 4 474 003 -8 163 486 -65%
en % SAU 36% 37% 15%
Surfaces houppier en ha 4 399 400 4 211 476 1 661 426 -2.737.974 -62%
en % de la surface forestière 47% 39% 11%
nombre d'arbres champêtres 560.100.162 541.307.762 202.650.100 -357.450.062 -64%
nombre d'arbres / ha SAU 16 16 7
valeur de la production des arbres
agroforestiers en millions de
francs 2000
61 528 7 969 -53 559 -87%
surface boisée en sylvo-
pastoralisme
945523 533504 176849 -768674 -81%
En % de la surface boisée 10% 5% 1%
En incluant les mailles du bocage dense (le houppier des arbres de la haie occupe plus de 5% de la surface de
la parcelle), les surfaces agroforestières seraient donc passé d’environ 13 millions d’hectares au début du
siècle (soit 36% de la SAU) à 4.5 millions aujourd’hui (soit 15% de la SAU). Ces surfaces agroforestières
sont majoritairement une association arbres-prairie naturelle pâturée ou fauchée. Le nombre d’arbres
champêtres serait ainsi passé d’une densité de 17 arbres/ha SAU à 7 arbres /ha SAU.
Le patrimoine arboré champêtre serait encore de 203 millions d’arbres dont 91% situés dans les bosquets,
haies et arbres épars. Les fruitiers de haute tige représenteraient environ 14 millions d’arbres représentant
7% de ce patrimoine. Le solde étant composé par les alignements d’arbres à bois, les plantades et les
mûriers.
Une partie des arbres champêtres a été progressivement intégrée dans le patrimoine forestier (sans
défrichement). C’est le cas en particulier de la transformation de la châtaigneraie fruitière en taillis de
châtaignier, ou des oliveraies en garrigue.
Une grande partie des arbres fruitiers de haute tige a été remplacée par la production intensive de vergers de
basse tige qui représente aujourd’hui une surface d’environ 288 000 ha (Teruti 1999).
Cependant l’enquête Teruti inventorie en 1999 encore 40 000 ha de mélanges d’arbres fruitiers ou
d’associations vigne-arbres fruitiers, en baisse cependant de 15% depuis 1982.
Tableau 8 : Superficie des associations d’espèces fruitières d’après TERUTI en 1982 et 1999
Nomenclature Teruti Superficie en 1982
(en ha)
Superficie en 1999
(en ha)
Mélange des 6 espèces fruitières 22.500 23.200
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 37
Association des 6 espèces 8.100 10.000
Autres associations 4.100 3.200
Association vigne + verger des 6
espèces
8.600 1.900
Association vigne+autres cultures 3.100 1.300
Total 46.400 39.600
Le patrimoine arboré champêtre représente (surface au houppier) encore aujourd’hui 11 % de la surface
boisée forestière. Il représentait au début du siècle 47 %.
La France du siècle dernier et de la première moitié de ce siècle était donc particulièrement « bocagère »
notamment dans les régions de l’ouest, de la zone méditerranéenne et les zones montagneuses. Ceci confirme
les différentes descriptions des géographes et des agronomes.
2.1.3.2 Évolution des productions liées aux surfaces agroforestières
Tableau 9 : premières estimations de la valeur économique des produits issus des espaces agroforestiers
valeur de la production des arbres
agroforestiers en milliards de francs 2000
1929 2000
Châtaigne 10,3 0,3
Cidre et alcool 26,5 3,2
Autres fruitiers 11,4 1,8
Bois de chauffage 9,3 2,6
Truffe 3,5 0,1
Divers 0,5 0
Total 61,5 8
La valeur des principales productions (cidre, fruits, bois, truffe) des arbres des formations agroforestières
serait passée ainsi d’une valeur de 62 milliards de francs en 1929 à 8 milliards de francs (sur la base de la
même valeur de prix au kg), soit un produit annuel rapporté à l’hectare arboré passant de 14.610 F à 7.969 F.
La valeur de l’autoconsommation de cidre en France est estimée à 1,1 milliard de francs (valeur 1997), soit
53 % de la consommation totale (source : INSEE, enquête sur la consommation des ménages, 1997).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 38
Graphique 2 : évolution de l'autoconsommation de divers produits issus des AHF en France (en volume)
0
50
100
150
200
250
1960 1970 1980 1990 1997
Valeu r 100 en 19 80
Fruits
Cidr e
Ea u de vieMiel
Bo is de feu
2.1.4 Éléments d’explication du déclin constaté
Les systèmes agroforestiers traditionnels ont fortement régressé en France depuis le début du siècle. Avec la
perte de leur fonction fruitière fourragère (glands), les chênes ont ainsi progressivement disparu de l’espace
cultivé et pâturé. A partir des années 50, la mécanisation avance progressivement et élimine un à un les
arbres isolés ou les plantations d’alignement.
Cette disparition s’explique par la combinaison de 3 facteurs :
- les arbres de plein champ gênent le travail des tracteurs et des moissonneuses
- le travail du sol plus profond abîme les racines et tue un grand nombre d’arbres
- la vente des plus beaux arbres permet de financer les investissements en machines.
L’intensification de l’agriculture s’accompagne également d’une spécialisation des départements de la
recherche et des organismes professionnels agricoles. Les orientations agricoles tendent alors vers des
systèmes agricoles de cultures pures, en écartant très souvent les systèmes associés (ou mixtes).
Mais ce processus s’est accéléré depuis la mise en œuvre de la réforme de la PAC en 1992 : les aides directes
aux cultures imposent une spécialisation des parcelles qui a conduit à l’arrachage de nombreux arbres
disséminés dans les parcelles. Ainsi, ces aides ont été exclues des parcelles plantées d’arbres forestiers
(peupleraies, noyeraies double-fin), ou ont été fortement réduites lorsque des arbres fruitiers de haute tige
occupaient une partie des parcelles.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 39
En voulant éviter le cumul, on a interdit de fait une pratique pourtant reconnue très efficace pour la réussite
des arbres (voir Segouin et Valadon, 1997, pour les peupleraies, Dupraz et al, 1999, pour les noyeraies,
Gavaland et Cabanettes, 1999, pour les plantations de feuillus précieux, Nevoux 1999, pour les pré-vergers).
Face à cette situation, la réaction des propriétaires a été logique : arrachage des arbres dans les systèmes
traditionnels notamment pâturés, suppression des pratiques de culture intercalaire dans les nouvelles
plantations avec recours aux herbicides et au travail du sol pour l’entretien. Seuls les propriétaires qui ont
planté sur autofinancement total (renouvellement des peupleraies récoltées, essentiellement) continuent
parfois à pratiquer les cultures intercalaires, sans percevoir d’aides PAC, ce qui a par ailleurs conduit à la
disparition des cultures intercalaires non rentables sans primes (céréales à paille, oléoprotéagineux).
Outre les contraintes de l’intensification, des blocages réglementaires ont largement contribué à la régression
de ces systèmes. Ni les textes réglementaires français, ni les directives européennes ne prévoient le cas de
figure de l’agroforesterie. La conséquence est radicale : il est aujourd’hui difficile à un porteur de projet
agroforestier de le mettre en place. Les principaux blocages sont les suivants :
Règles techniques de boisements forestiers non utilisables en agroforesterie : les essences
utilisées, les densités, les surfaces minimales de projets, les pratiques de préparation du sol
préconisées ne sont pas valables pour l’agroforesterie. De ce fait, les dispositifs
d’encouragement à l’investissement dans des plantations d’arbres ne sont pas opérants pour
l’agroforesterie. Nous connaissons plusieurs projets agroforestiers dénaturés (par les DDAF)
pour tenter de satisfaire ces critères forestiers non appropriés.
Une parcelle agroforestière ne peut relever ni du statut agricole classique, ni du statut forestier.
Dans chaque cas, des contradictions juridiques et réglementaires conduisent à des impossibilités
pratiques : en particulier au refus des aides PAC aux cultures intercalaires (si la parcelle passe
sous statut forestier), ou au refus des aides au boisement (si la parcelle conserve un statut
agricole). Ainsi, dans le cas des parcelles sylvo-pastorales, l’attribution et le mode de calcul des
primes à l’herbe est mal défini, souvent conflictuel.
L’arbitraire départemental : la prise en compte des parcelles agroforestières par l’administration
varie d’un département à l’autre. La formation des personnels techniques des DDAF et des
Chambres d’Agriculture à ces nouvelles techniques est nécessaire.
Ces conditions conduisent actuellement les candidats à renoncer à leurs projets, ou à les dénaturer pour
tenter d’être agréés.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 40
Tableau10 : Causes du recul des systèmes agroforestiers en France
Espèce Apogée Causes principales de
recul
Causes secondaires
Châtaigneraie 1770-1830 Développement de la
pomme de terre, maladie
de l’encre (1870) et du
chancre (1956)
Abattage pour le tannin,
main d’œuvre pour
l’entretien et la récolte
Pommiers de haute tige 1850-1930 Baisse des aides de
l’Etat à la production
d’alcool, suppression du
privilège de bouilleur de
cru (1956), baisse de la
consommation de cidre
et de calvados
Tempêtes (1999),
développement du basse
tige, prime au maïs
ensilage
Olivier 1700-1900 Développement des
cultures oléagineuses,
main d’œuvre,
concurrence étrangère
Gel de 1986
Mirabellier 1850-1950 Abandon de
l’autoconsommation
Développement du
verger de basse tige
Plantade, airial 1800-1900 Abandon des pratiques
communautaires,
abandon de
l’autoconsommation
Élevage hors sol du porc
Chêne liège 1850-1900 ? Concurrence portugaise
et espagnole
Incendie, abandon du
sylvo-pastoralisme
Pin maritime gemmé, pin
d’Alep
1900-1956 Concurrence avec la
Chine, absence de
politique communautaire
pour la résine, coût de la
main d’œuvre
Incendie, abandon de la
transhumance
Amandier 1880-1900 Concurrence avec la
lavande
Importations des
amandes des USA,
maladies
Pêche de vigne 1900-1930 Viticulture spécialisée Mécanisation de la vigne
Hautains 1300-1800 Abandon de la vigne
dans les anciennes
régions, phylloxeras.
Mécanisation de la vigne
Noyeraie 1880-1920 Spécialisation des
systèmes
Chêne truffier 1880-1920 Abandon des pratiques
d’entretien
Mûrier 1800-1850 Concurrence de la soie
chinoise
Saules 1850-1950 Arrivée du plastique Coût de la main d’œuvre
Bocage 1880-1950 Fil barbelé,
mécanisation,
remembrement
Fioul et concurrence du
bois de chauffage, plus
d’utilisation des fagots
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 41
2.2 RECHERCHE : TRAVAUX RECENTS ET EN COURS
2.2.1 Récapitulatif des programmes menés
De 1993 à 1996, le programme européen (ALWAYS) a permis de mettre en place des parcelles
expérimentales et de progresser dans la modélisation des interactions arbre – herbe (Auclair et Dupraz,
1999). Un soutien financier interne à l’INRA et au Cemagref (AIP Agrifor) a également permis aux équipes
de continuer ce travail en 1997 et 1998.
En 1995 et 1996, une étude de faisabilité des aménagements agroforestiers a été réalisée pour les régions
Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées par l’équipe d’agroforesterie de l’INRA et le CRPF de Montpellier.
Ces études, à base d’enquêtes, se sont terminées par la remise d’un rapport (Dupraz C. et al, 1996) qui
présentait des perspectives de développement de l’agroforesterie à partir de simulations micro-économiques.
Or, en 1995, il n’y avait que très peu de parcelles agroforestières en place. Toutes étaient récentes (moins de
5 ans), et aucune n’associait des arbres à des grandes cultures ou des vignes. Les auteurs du rapport ont
travaillé par simulations prospectives, en faisant des hypothèses techniques sur le fonctionnement des
parcelles agroforestières à dire d’expert.
Très récemment le programme SAFE (Financement Union Européenne) vient d’être lancé. Il regroupe 12
équipes de 8 pays Européens sur les systèmes associant grandes cultures et arbres. Ce programme SAFE a
pour vocation de proposer une directive Européenne sur l’agroforesterie. Il a une dimension Européenne, et
abordera fortement les aspects techniques par une synthèse des expériences scientifiques et les aspects
micro-économiques et juridiques de l’agroforesterie. Il ne couvre pas l’étude des fonctions
environnementales des parcelles, mais il pourra prendre en compte les connaissances et les besoins exprimés
par les régions européennes en ce domaine.
Un autre programme (PIRAT) a été lancé en 2000 dans le département de l’Hérault. Ce programme est
localisé sur le domaine de Restinclières à Prades le Lez (Montpellier). Il concerne l’étude approfondie du
fonctionnement aérien et souterrain des associations d’arbres et de vignes ou de grandes cultures, à l’échelle
de la parcelle (compétition pour l’eau et la lumière, maîtrise des maladies, ressources génétiques forestières
adaptées). PIRAT n’aborde pas les aspects de maîtrise des risques naturels par l’agroforesterie, ni
l’intégration des parcelles agroforestières dans les politiques d’aménagements de l’espace.
Enfin, un nouveau projet mené par une équipe pluridisciplinaire de l’INRA et d’organismes de
développement départementaux, devrait voir le jour dans le Gard pour évaluer l’impact d’aménagements
agroforestiers sur la maîtrise des ruissellements, des divagations de crues, et de la réduction de la pollution
azotée des nappes. Ce programme permettra notamment de comparer les résultats obtenus avec les travaux
sur la dénitrification des nappes ou des écoulements souterrains par les haies et les ripisylves (voir projet
agroforestier du Vidourle comme site étudié).
2.2.2 Des systèmes agrosylvicoles modernes
2.2.2.1 Peupleraie et cultures intercalaires
D’après TERUTI (1994), environ 6300 ha de peupleraies sur 223 700 ha sont associées avec des cultures
(soit 2.8 %). Les cultures intercalaires sont pratiquées sur une courte durée qui représente environ 1/7 de la
révolution des arbres. Une récente étude sur les boisements de peupliers dans le Lot et Garonne semble
démontrer que le nombre d’agriculteurs associant peupliers et cultures annuelles est plus important que dans
l’étude statistique de TERUTI. Puisque 15 agriculteurs sur 90 enquêtés cultivent ou ont cultivé la surface
intercalaire pendant au moins 3 ans.
Dans cette étude, le maïs vient en tête pour 66 % des pratiques. C’est l’association la plus courante y compris
dans d’autres régions comme le Nord-Pas-de-Calais, le Centre ou le Poitou-Charentes ainsi que dans le reste
de l’Aquitaine.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 42
La décision de cultiver entre les rangs est de plus en plus conditionnée à la prime au boisement et notamment
la PCPR qui empêche la présence de cultures entre les arbres. Dans le Lot et Garonne, l’étude montre que sur
les 15 pratiquants, 10 ne bénéficient d’aucune subvention au boisement.
La pratique de la culture intercalaire en peupleraie est difficile car les écartements entre les arbres sont
faibles (entre 5 et 7 m). Le risque est grand de blesser les arbres. Aucune étude poussée ne montre les effets
bénéfiques de la culture intercalaire sur la croissance des arbres. Les agroforestiers mettent en avant deux
avantages : la marge de la culture intercalaire (le rendement intercalaire est le même que le rendement en
plein sur les 3 premières années) et l’entretien de l’espace par la culture. Certains affirment que la présence
des cultures rend plus homogène la croissance des peupliers et favorise la reprise des plançons. En
populiculture, l’homogénéité d’un lot est un atout commercial.
La principale contrainte est donc la faible largeur de la bande cultivée. Le temps de travail est plus important
et le risque d’abîmer les arbres tangibles.
Tout comme sous les noyers, on observe une grande variété dans les cultures associées.
Le manque de données concrètes sur les interactions agronomiques peuplier/culture font qu’il est difficile de
d’évaluer l’impact des arbres sur les cultures et vice versa. Le flou administratif actuel concernant les
subventions aux boisements tend à diminuer ces pratiques. Or, les observations de terrain tendraient à
montrer que la pratique des cultures intercalaires, par un entretien des peupleraies et un meilleur taux de
réussite des peupliers, irait dans le sens des objectifs des organismes de subvention.
2.2.2.2 Vergers à bois avec cultures intercalaires
Certains services techniques font état lors du recensement de pratiques agrosylvicoles modernes :
Auvergne : Allier. Un programme d’incitation à la replantation de noyers et de rajeunissement du bocage
a été lancé avec le CRPF. Les agriculteurs associent leurs plantations avec des grandes cultures. Autres
essences associées : frênes et chênes. Dans le Bas Livradois (63), les essences fruitières sont appuyées
par les CTE : pommiers, poiriers, merisiers, cerisiers, châtaigniers. La présence de cultures présente
parfois des contraintes pour la mécanisation de la parcelle. Les techniciens font également état de
problèmes juridiques au niveau de la parcelle et de son exploitation.
Poitou-Charente. Quelques cas isolés de noyeraies à fruit ou à bois sont entretenues par la pratique de la
culture intercalaire. Les parcelles forestières plantées représentent en Charente 207 ha pour 108
exploitants. Il serait intéressant d’évaluer le nombre d’exploitants pratiquant l’agroforesterie. Dans la
région de Poitiers, des expérimentations sont en cours à Montmorillon avec l’Inra sur des parcelles
agroforestières avec noyers et amandiers. Des problèmes techniques sont soulevés dans cette zone
n’ayant pas de vocation historique dans ce type de pratique. Comme dans le reste des départements, les
techniciens font remarquer que l’agroforesterie et la PAC ne font pas bon ménage et n’incitent pas les
agriculteurs à se lancer dans des projets agroforestiers. Dans les Deux-Sèvres, le châtaignier est visible
en présence de céréales comme le noyer ou le peuplier dans la zone des Terres Rouges, parfois dans le
Marais Poitevin. Dans la région de Smarves, des expérimentations sont en cours avec 5 agriculteurs sur 5
ha agroforestiers (noyers et peupliers). La technique d’entretien des arbres par des cultures est très
appréciée par les acteurs du projet. Enfin en Charente, le Conseil Général signale que l’association
noyers et culture est en forte régression sous le double effet de la mécanisation et des tempêtes. Ce qui
souligne d’une certaine manière que cette pratique ancienne était encore relativement présente. Le
Conseil Général déplore dans ce cas la perte paysagère suite à la disparition des arbres agricoles.
2.2.2.3 Vergers et jardins
La ceriseraie d’Itxassou est reconnue en tant que pré-verger. Mais tout comme dans le Dauphiné ou le
Périgord, la tradition de culture de l’arbre fait que les agriculteurs n’hésitent pas à intégrer l’arbre dans
des parcelles de maraîchage. La taille de la parcelle peut parfois être conséquente (plusieurs hectares).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 43
En Camargue, des initiatives ont été développées sur l’association de fruitiers dans le cadre de zones
maraîchères bio. Cette pratique est relativement courante dans le Roussillon.
Enfin dans le Loiret, les ceriseraies sont aussi fréquemment associées à des cultures légumières ou à des
petits fruits.
2.3 INTERETS DES PRATIQUES AGROFORESTIERES
2.3.1 Des intérêts agronomiques
Comparer l’efficacité d’une association entre des arbres et une culture est une entreprise difficile. En effet,
on compare des cultures qui ne seront pas récoltées en même temps. Les récoltes des cultures intercalaires
seront très souvent annuelles alors qu’il faudra attendre entre 30 et 80 ans pour les arbres. Il n’existe donc
aucune donnée provenant de la recherche sur des expérimentations. Dans le cas des vergers, il faut également
tenir compte de la production des fruits souvent décalée par rapport à un verger intensif car la formation de
la bille retarde la mise à fruit de plusieurs années.
La comparaison ne peut donc se faire que par simulation ou à partir d’appréciation.
La deuxième difficulté, comme nous l’avons vu précédemment viendra de l’impossibilité de mesurer
clairement les relations entre l’arbre et la culture.
Néanmoins certains outils permettent d’apprécier l’efficacité globale de la parcelle. La notion de « rapport de
surface équivalente » a été proposée par Willey et Osiru (1972) puis développée par Willey (1979). Il
exprime les interactions agronomiques entre les cultures associées. Ce coefficient, appelé coefficient de
rendement équivalent ou CRE, est calculé selon la formule suivante :
Cas d’un verger double-fin avec cultures intercalaires : trois produits : culture intercalaire, fruit et bois.
CRE = Rdt CI / CP + Rdt FA / FP + Rdt BA / BP.
Rdt = Rendement FA : fruitier associé
CI = Culture Intercalaire FP : fruitier en plein
CP = Culture en plein BA : verger bois associé
BP : verger bois en plein
Si le coefficient est supérieur à un, l’association peut être considérée comme agronomiquement rentable.
Par exemple, si le CRE est égal à 1.1, cela signifie que l’association a une productivité supérieure de 10 % à
celle de l’assolement des cultures pures. Ou dit autrement, il faudrait 10 % de surface en plus (cultivée en
pur) pour obtenir les mêmes rendements du système associé.
Nous avons vu qu’il est difficile d’obtenir avec exactitude les rendements bois. On peut évaluer ce
rendement en prenant l’accroissement annuel des cernes des arbres.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 44
Dans les plantations de moins de 6 ans, les études démontrent que l’on n’observe pas d’influence négative
des arbres sur le rendement des cultures intercalaires. Par contre, la présence de la culture favorise
grandement la croissance des arbres. (cf. Segouin et Valadon, 1997, pour les peupleraies, Dupraz et al, 1999,
pour les noyeraies, Gavaland et Cabanettes, 1999, pour les plantations de feuillus précieux, Nevoux 1999,
pour les pré-vergers). Dans de telles conditions, le CRE dépasserait 2 les 5 premières années.
Une étude d’une association ancienne de noyer fruitier de 35 ans avec des poiriers en espaliers de 40 ans,
montre que le CRE est égal à 1 (Liagre, 1993). Ce qui signifie dans ce cas que l’association, malgré son stade
avancé (poiriers en fin d’âge), reste agronomiquement très compétitive et qu’elle était très rentable lors des
années précédentes.
Mais nous ne pouvons limiter notre raisonnement agronomique au simple rendement. Nous pouvons
imaginer d’autres coefficients qui peuvent nous aider à évaluer les systèmes associés : coefficients de temps
de travail équivalent, coefficient de marge équivalente, coefficient d’énergie équivalente ou encore
coefficient d’intrants équivalent…
Dans le cas des fruitiers associés, certains produits phytosanitaires sont quelquefois utilisés sur les deux
essences. Dans l’exemple précédent, la bouillie bordelaise est à la fois utilisée sur les noyers et les poiriers.
Dans un premier temps, le produit est appliqué uniquement sur les poiriers (le surplus est récupéré par les
noyers) et dans un deuxième temps, ce sont les noyers qui font l’objet du traitement et les poiriers
bénéficient des retombées. Cet exemple permet de comprendre également que le temps de travail est ainsi
optimisé. Mais ces considérations demandent à être approfondies. En effet, concernant le temps de travail, la
présence des arbres gêne souvent le travail intercalaire. Dans le cas des arbres fruitiers, c’est la présence de
la culture intercalaire qui pourrait gêner la récolte des fruits.
Une étude plus fine, à partir du CRE et de ses dérivés, pourra être envisagée à partir des sites agroforestiers
sélectionnés dans cette étude.
La limite du CRE est l’obligation de comparer le système associé à la somme des systèmes en plein. Par
exemple, dans le cas de 2 ha noyer associé à du blé, on comparera 2 ha agroforestiers à 1 ha de blé et un
hectare de noyers. Ici, le CRE ne peut pas être utilisé pour comparer le système agroforestier avec un
système blé en pur (sans parcelle forestière). Le CRE ne doit pas écarter une appréciation globale du projet.
Les interactions arbre / culture
Généralement il y a une forte compétition entre les arbres et les cultures pour l’eau et l’azote. Avec le
développement des houppiers s’instaure également une compétition pour la lumière. Mais la réalité est plus
complexe. Il n’y a pas de règle générale. Les arbres améliorent également l’infiltration de l’eau par leur
enracinement et limite l’érosion en freinant la vitesse de l’eau sur le sol en cas de forte pluie.
Les cultures intercalaires forcent les racines de l’arbre à s’enfoncer plus profondément ce qui leur permet de
mieux faire face par la suite à des contraintes hydriques ou minérales (Dupraz,1999).
La compétition peut conduire à un mécanisme de facilitation. L’arbre devient protecteur des cultures
intercalaires alors qu’il limite leur ombrage. Des teneurs en azote foliaire de l’herbe intercalaire se sont
révélées plus forte qu’en système pur dans un contexte venté (Montard, 1999). Elles ne sont pas modifiées en
conditions normales de vent On peut avoir également des transferts d’azote au niveau racinaire dans le cas de
cultures fixatrices d’azote atmosphérique.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 45
La fertilisation profite aux arbres. Sur le domaine de Restinclière dans l’Hérault, après 4 années de
croissance avec cultures intercalaires, les noyers ont une croissance supérieure de 85 % en hauteur et 62 %
en diamètre par rapport à des noyers sans cultures grâce notamment à une meilleure nutrition azotée. Les
noyers extensifs (cultures situées à 2 m de distance de la ligne d’arbres) poussent mieux que les noyers
intensifs (cultures à 1 m) mais peuvent souffrir de stress hydrique en cas de sécheresse. Ce phénomène serait
dû à un enracinement moins profond que dans le deuxième cas. La culture stimule l’arbre à s’enraciner
profondément. Si les premières années, on peut noter une influence négative sur la croissance, on peut
s’attendre à une meilleure réponse au stress hydrique des arbres à l’avenir.
La disparition de près de 550 000 km de haies, le retournement des prairies, l’agrandissement des parcelles
… ont conduit à des conséquences importantes sur la baisse de la fertilité des sols (taux de matière
organique, …), au détriment des performances agronomiques des exploitations. On peut constater, sans
toutefois juger car ce n’est pas notre rôle, que la gestion de l’exploitation agricole modernes dépend très
souvent du montant des primes annuelles ou exceptionnelles reçues. L’agriculteur choisira souvent une
option non souhaitable d’un point de vue agronomique pour des facteurs financiers.
Les comportements des agriculteurs sont de ce point de vue fortement modifiés : un agriculteur breton
reconnaît volontiers les conséquences de la perte des haies, mais ne replantera que s’il reçoit une
compensation en échange (Colson, 1996).
Parfois, comme pour les céréaliers, une rupture s’est opérée dans la tradition du métier d’agriculteur qui ne
reconnaît la valeur économique, le capital, que constitue le sol. Le niveau de dégradation des sols et de
pollution de l’eau peut quelquefois être très avancé. Les indicateurs de matière organique et du potentiel de
digestion de cette matière organique peuvent atteindre des niveaux inquiétants comme dans le bassin
parisien, la plaine d’Alsace ou le Lauragais toulousain.
D’ailleurs, les mesures agri-environnementales ont été perçues par le milieu agricole comme des services à la
collectivité, mais très peu comme un moyen de préserver la valeur agronomique des sols.
A l’inverse, les agriculteurs agroforestiers rencontrés dans le Dauphiné et le Périgord ont une culture
agronomique poussée. Cultiver du maïs entre des noyers impose de connaître parfaitement les cycles
végétatifs respectifs, les besoins de chaque plante associée et les interactions entre celles-ci. L’arbre agricole
est perçu comme un véritable partenaire de l’exploitation, un élément stabilisateur du potentiel productif. Les
exploitations nucicoles ayant plusieurs tranches d’âge de noyers sur leur exploitation entretiennent un capital
de sécurité et un revenu moyen nettement supérieur à la moyenne. A cet état d’équilibre, ces exploitations
pourraient être autonomes sans dépendre des primes agricoles ou forestières.
Exemple d’intérêts agronomiques
Après cinq années de cultures intercalaires au Domaine expérimental de Restinclière à Montpellier, on
observe les premiers effets des noyers sur le blé. Si le rendement global de la parcelle n’évolue pas, le
rendement à l’est des arbres diminue légèrement tandis que le rendement plus élevé à l’ouest compense
cette baisse… Ces résultats très récents doivent cependant être pris avec précautions. Des mesures
complémentaires vont permettre de confirmer ces observations et de cerner les paramètres arbres/culture
conditionnant le rendement (Dupraz et al, 2000).
Le rendement est en corrélation avec la largeur de la bande cultivée. En effet, de nombreuses études
soulignent l’effet positif des brise-vent sur les cultures et les animaux. Les rendements seraient de 6 à 20
% supérieurs à ceux obtenus en zone exposée aux vents. L’amélioration de la quantité et de la qualité
(appétibilité) des cultures fourragères et des herbages dépasse le plus souvent les 20 %. Les rendements
laitiers et la croissance sont favorisés en zone abrité : 20 à 50 % de rendement laitier en plus (Bretagne),
poids moyen des bovins supérieur de 25 livres aux USA, et meilleure qualité sanitaire des animaux en
Normandie par la stabilisation de la température (moins d’écarts). (Pointereau et Bazile, 1995). Il
convient toutefois de relativiser ces résultats sachant que dans le cas des brise-vent, les distances entre
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 46
arbres peuvent atteindre 100 m… En plantation agroforestière plus dense, les effets des écartements
entre les lignes d’arbres sur le rendement intercalaire ne sont pas encore clairement établis.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 47
2.3.2 Des intérêts économiques
Ces systèmes agrosylvicoles, largement développés au XIXe siècle, ont constitué un progrès technique en
optimisant l'espace agraire et en diversifiant les productions. Ils permettent en effet de combiner au moins
deux productions sur la même surface : le bois d’œuvre, le fourrage pour les animaux ou les cultures
intercalaires, les fruits pour la consommation, des produits transformés (jus, alcool, confitures, …).
2.3.2.1 Les pré-vergers : un système agricole très productif
Un hectare de verger de haute tige permet de produire 10 à 12 tonnes de pommes ou de poires en Normandie.
Vendus à la cidrerie 900 à 1 000 F la tonne, ces fruits représentent un produit de 9.000 à 12.000 F (Solagro,
2000).
Ainsi, un verger de haute tige produit 6.500 à 7.200 litres de jus de pommes (ou de cidre) par hectare, soit
une valeur variant de 78 000 à 100 000 F/ha (12 F/l pour le jus de pommes, 14 F/l pour le cidre) dans le cas
d’une vente directe pour l’agriculteur.
En Domfrontais, pour une production de 3,7 t/ha de poires (cf. proposition CTE § 4.3.4.3), le coût de
ramassage des fruits à la main est estimé à 2.500 F/ha2 (ramassage : 750 kg/jour/homme), et 1.250 F/ha à la
machine (1,5 tonne/jour), d’où un coût de récolte moyen d’environ 1.900 F/ha. Pour un verger de pommier
qui produit 10-12 tonnes/ha, le coût de la récolte serait d’environ 7.500 F/ha.
Malheureusement, nous ne disposons pas de données fiables sur les coûts de transformation (temps) et de
commercialisation, pour mieux apprécier le revenu dégagé.
Les vergers de mirabelliers produisent 5 à 6 tonnes en Lorraine, soit un produit de 6 000 F/ha pour les fruits
en tout venant et 18 000 F/ha pour les mirabelles de bouche (cf. § 4.1 ). Le revenu de l’exploitation des
agriculteurs (éleveurs) de la coopérative « Coteaux de Lorraine » (Cugnay-aux-Aulx – Vosges) provient
entre 30 et 40 % de cette production fruitière, pour une surface moyenne de 5 à 6 ha en vergers sur une
exploitation moyenne de 80 ha de SAU.
2.3.2.2 Un impact positif sur les arbres
Les résultats obtenus très récemment par les institutions de recherche (INRA, CEMAGREF) confirment que
les associations d'arbres et de cultures intercalaires sont des systèmes très productifs. L’impact de
l’association est très favorable aux arbres jeunes, ce qui fait de l’association une méthode efficace de
régénération des peuplements d’arbres espacés. Les résultats expérimentaux témoignent ainsi d’une
accélération de la croissance en diamètre des arbres plantés à large espacement (+80% sur 6 ans dans la
plupart des plantations expérimentales). Ces systèmes réduisent le coût de l’investissement en cas de
plantation en réduisant le nombre d’arbres plantés sans avenir commercial, et surtout en limitant fortement le
coût de l’entretien des plantations par la présence des cultures intercalaires. On note aussi une amélioration
de la qualité du bois produit (cernes larges et réguliers, adaptés aux besoins de l’industrie), car les arbres ne
subissent pas les cycles compétition-éclaircies obligatoires dans les plantations forestières.
2.3.2.3 Comparaison Agroforesterie / Agriculture
La rentabilité à court terme des projets agrosylvicoles est encore difficile à déterminer car elle dépend bien
évidemment du revenu des cultures intercalaires. Ce revenu dépendra de la durée possible des cultures, le
taux d’occupation moyen des cultures et dans une moindre mesure de la qualité des produits récoltés. Dans
une plantation double-fin, la récolte des fruits viendra rapidement compenser la diminution du revenu des
cultures intercalaires. Enfin, la trésorerie des premières années dépendra également de l’évolution des
politiques de subventions à mettre en place pour soutenir les projets agroforestiers. Une étude de faisabilité
2 Base du coût salarial : 500 F/jour
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 48
d’introduction de l’agroforesterie dans les exploitations céréalières du Languedoc-Roussillon a calculé
qu’une prime agroforestière de 1350 F suffirait, dans certains cas, à maintenir le revenu sur les 10 premières
années (hors investissement plantation) (Dupraz et al, étude Languedoc Roussillon 1996).
La rentabilité est surtout à rechercher à long terme en intégrant le produit des premières coupes d’arbres. Si
on actualise les revenus obtenus sur les 50 ou 60 ans qui constituent la durée moyenne de l’association
agroforestière, en prenant un taux d’actualisation de 4 %, l’agroforesterie est plus rentable sur les terres à
fort potentiel agricole. Les différentes simulations ont permis de souligner que la rentabilité est fortement
corrélée au potentiel du terroir (traduit par une qualité supérieure des essences choisies et une marge brute
élevée de la culture intercalaire) :
Tableau 11 : Rentabilité comparée de l’agroforêt avec l’agriculture en fonction du potentiel de fertilité du terroir
Pin Cyprès Aulne Poirier Cormier Noyer
Durée
Révolution
(années)
50 60 50 60 60 50
Agriculture 7.379 F/ha/an sur 50 ans et 7.993 F/ha/an sur 60 ans
Rentabilité
agroforêt /
agriculture
0.99 0.97 1.01 1.09 1.17 1.36
Valeur Actualisée Nette pour un taux de 4 %/an. Plaine du Languedoc-Roussillon. Comparaison de 6
terroirs du moins au plus fertile (terroir pin à noyer). (source : Dupraz et al ; 1996)
Il est très délicat de présenter une synthèse sur les performances économiques de l’association agroforestière
applicable à l’ensemble du territoire. Si l’on connaît avec certitude le coût de l’investissement à la parcelle, il
n’en est pas de même pour les composantes pédoclimatiques d’une part et les caractéristiques de
l’exploitation agricole (niveau des charges de structure, temps disponible pour les travaux sylvicoles) ainsi
que la filière bois locale. Enfin, la gestion agronomique de la parcelle sera déterminante. Une parcelle mal
gérée d’un point de vue compétition arbre / culture pourra être catastrophique pour le bilan final de
l’association.
2.3.2.4 Comparaison Agroforêt / Forêt
Le coût d’entretien des arbres agroforestiers est nettement moins élevé à cause de la présence de cultures
intercalaires. L’entretien de l’espace entre les arbres est assuré par la culture tandis qu’en forêt, il faut
prévoir 2 à 3 binages. Dès la troisième année, le bilan de trésorerie sur une parcelle agroforestière est positif.
(Voir Gavaland et Cabanettes, 1999 et Dupraz et al, 1995 et 1996).
Dans le Dauphiné, les nuciculteurs pratiquant le maïs intercalaire perçoivent entre 600 et 2700 francs de
marge brute à la parcelle agroforestière (arbres et cultures compris). Le montant varie selon le contexte
pédoclimatique et la largeur de la bande cultivée. Par contre, un entretien par binage coûte environ 1170
francs par ha et pour la mise en place et l’entretien d’une pelouse avec désherbage localisé, il faut compter
1240 francs par ha. (Liagre, 1993)
Compte tenu d’une croissance des arbres plus forte, les avantages en faveur de l’agroforêt seraient encore
accrus.
Il serait faux de croire que l’agroforesterie n’est qu’une simple gestion de l’espace cultivable entre des arbres
et des cultures sans interaction aucune. Loin d’être majoritairement défavorables, ces interactions sont gérées
au mieux par les agroforestiers selon les objectifs du projet et demandent souvent une très grande technicité.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 49
Les arbres en ressortent très souvent gagnants. Pour les cultures intercalaires, les résultats sont plus
variables.
2.3.3 Intérêts socio-culturels
2.3.3.1 Un savoir-faire agroforestier
Ces agro-systèmes font l'objet de savoir-faire nombreux :
- choix des variétés
- techniques de greffages (en fente, en écusson, …)
- techniques de protection des arbres (animaux), de conduite des vergers, de gestion du cheptel,
…
- récolte et transformations des fruits (alcool, cidre, jus, confitures, ...)
- technique de culture entre les arbres
L’agrosylviculture nécessite des connaissances techniques variées : art de la taille et de la greffe, protection
des jeunes arbres, gestion du cheptel pour ne pas affaiblir l’arbre, utilisation des cultures intercalaires dans la
formation des arbres, …
Il implique aussi des connaissances particulières pour la valorisation des fruits : conservation, transformation
des fruits (jus, alcool, confiture, recettes culinaires…) et du matériel (pressoir, cuve, fruitier, ...). Un fruit
peut également remplir une fonction différente selon qu’il est associé ou non. Ainsi les pommes ou les poires
sous des noyers adultes peuvent être utilisées pour la fabrication de jus plutôt que vendues au détail.
Certaines variétés peuvent très bien être consommées vertes en cuisson à la vapeur comme de simples
pommes de terre (cas de la poire Passe crassane) (Liagre, 1993).
Tout ceci constitue un réel patrimoine culturel qui s’est élaboré au fil des générations. Outre l’aspect de
production, les plantations agroforestières ont également une fonction sociale. L’histoire nous a montré que
les noyers agricoles sont ancrés dans les mœurs des gens et pas seulement des nuciculteurs. On ne peut pas
dissocier agriculture et nuciculture ou populiculture dans un terroir agroforestier. Les cultures intercalaires
sont un mode d’entretien de la parcelle mais également du paysage qui rattache la fonction
multifonctionnelle de l’espace. Il règne une harmonie de diversification dont tout le monde tire profit dans
les secteurs de la société locale. Les réglementations fiscales et administratives qui vont souvent dans une
direction monoproductive ne sont généralement pas très bien vécue. Les ruraux, comme les citadins, aiment
voir des cultures associées ou des animaux pâturant sous les arbres.
La durée de la coexistence des arbres et des cultures reste une question complexe. Les expérimentations en
cours ne dépassent pas une dizaine d’années d’âge, mais montrent que les cultures ne sont pas
significativement affectées par la présence des arbres sur ce laps de temps. Cependant, certaines pratiques
traditionnelles plus anciennes pourront nous procurer des données précieuses sur la productivité à long terme
des systèmes associés.
Pour répondre à une telle problématique, il faut éviter de tomber dans des schémas pré-établis. L’influence
réciproque des cultures et des arbres associés peut dépendre des essences mises en présence, du contexte
pédoclimatique ou encore des schémas de plantation :
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 50
Associer des arbres et des cultures demande à combiner le mieux possible les cycles végétatifs respectifs.
Si l’on place sur la même parcelle des essences ayant des besoins vitaux durant la même période, il faut
effectivement s’attendre à une compétition difficile à gérer. Certaines cultures associées sont reconnues
pour leurs avantages à être associées. C’est le cas du soja (légumineuse) qui aura un impact bénéfique
sur les arbres (gestion de l’azote, peu exigeant en eau, culture basse laissant le terrain propre). Certaines
plantes peuvent être très compétitives les premières années pour finalement être bénéfiques à moyen
terme. C’est le cas de la luzerne. Si elle peut pénaliser la croissance des arbres lors des premières années,
sa fonction légumineuse trouve son plein effet après quelques années ce qui favorisera alors la croissance
de l’arbre. La structure du sol est améliorée, la formation d’humus est favorisée. Les avantages dans ce
cas s’expriment en fin d’association. (Moulis, 1994)
Des expérimentations en Chine ont montré que sous des paulownias adultes, le rendement en blé
diminue de près de 20 %. Par contre, la teneur en protéines du blé ainsi récolté est supérieure de 40%.
(Zhu Zhaohua et al. 1991).
2.3.3.2 Un patrimoine culturel
La variété des pratiques agrosylvicoles que l’on rencontre dans nos régions est support d’une diversité
culturelle et sociale :
variété des espèces (pommiers ici, poiriers là, pruniers ailleurs, …),
variété des associations à 2 ou 3 étages (arbre/pré, arbre/cultrure, arbre/maraichage, arbre/vigne, …),
variété dans l’organisation spatiale (surface, proximité de la ferme, nombre d’arbres, situation sur la
parcelle, …),
richesse liée aux usages (commercialisation, transformation, …).
Cette diversité exprime la culture agricole locale et traduit la relation entre l’Homme et l’arbre.
Des perspectives de nouvelles formes d’agroforesterie moderne sont actuellement étudiées, et les modes de
vulgarisation de ces nouvelles pratiques sont envisagés par les organisations professionnelles agricoles et
forestières. Avant de s’engager sur une voie de développement maîtrisé de formes nouvelles d’agroforesterie,
il importe de mieux connaître le patrimoine de pratiques traditionnelles encore vivantes en France.
2.3.4 Intérêts environnementaux
Si les systèmes agrosylvicoles ont été mis en place dans un objectif économique -qu’ils continuent d’assurer
d’ailleurs- les fonctions sociales et environnementales (écologiques, paysagères…) qu’ils remplissent
justifient à eux seuls la préservation de ce patrimoine.
2.3.4.1 Intérêts paysager
Indissociables des bocages normands, les pré-vergers constituent un paysage unique qui mêle les arbres et le
champ.
La noyeraie de haute tige du Dauphiné et du Périgord, les oliveraies de Provence, les châtaigneraies
cévenoles ou du Quercy, … autant de parcelles agrosylvicoles qui enrichissent et embellissent nos paysages
régionaux. En 1837, Stendahl, décrivant la plaine de Tullins dans l’Isère, écrit : « Je ne conçois pas la force
de la végétation de ces champs couverts d’arbres rapprochés, vigoureux, touffus ; et là-dessous il y a du blé,
du chanvre, les plus belles récoltes. » (rapporté par Liagre , 1993)
Ces arbres, régulièrement alignés, aux couleurs changeantes au fil des saisons confèrent une valeur
esthétique indéniable aux pays qu’ils couvrent. Ainsi, de nombreuses cartes postales provençales ou
dauphinoises représentent ces arbres centenaires dans les parcelles cultivées en lavandes ou céréales.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 51
L'arbre, par sa longévité, est le dernier témoin de ces agricultures traditionnelles. Sa présence facilite la
lecture des paysages, leur compréhension : organisation des exploitations, notion d'autonomie et
d'autosuffisance, valorisation optimale du moindre espace...
Mais de nouveaux systèmes agricoles restent à imaginer qui, en redonnant une place à l’arbre, contribueront
à créer des paysages ruraux modernes, reflets d’une agriculture durable.
Au niveau de la parcelle, on peut observer des associations à plusieurs étages entre arbres, arbres en
palissade ou arbustes et enfin culture fourragère au pied voire maraîchage.
Le peuplier est souvent critiqué certes, mais une fois la peupleraie coupée, les protestations se font
entendre…Par son caractère animé, l’effet de paysage de transition et l’horizon agricole varié qu’il procure,
le peuplier génère des attitudes très diversifiées (Le Floch, 1999). Dans les peupleraies garonnaises, les gens
apprécient le port superbe des beaux arbres qui entourent les routes et peuplent les plaines agricoles trop
souvent nues. Lieux de pique-nique dominical près des villes et de circulation pédestre aisée, les peupleraies
rythment les saisons par les couleurs, les fleurs et le bruit du vent dans les feuilles.
Mais ces appréciations ne doivent pas faire oublier qu’une peupleraie se travaille socialement : un
alignement trop brutal, un productivisme trop visible, la perte du potentiel agricole deviennent vite des
facteurs négatifs pour l’intégration des peupleraies dans le paysage rural. Une parcelle isolée dans un
paysage monotone peut casser et rendre inesthétique l’horizon. A l’inverse, une trop grande concentration
aura les mêmes effets notamment lorsqu’elle ferme les vallées.
Plus qu’un lieu de production, par leurs caractéristiques spatiales et sociales, les peupleraies comme les
noyeraies impriment la vie rurale à leur manière.
2.3.4.2 Intérêts biologiques
Les systèmes agrosylvicoles sont le support d’une importante diversité biologique. Certains n’ayant pas
évolué depuis plus d’un siècle, ils recèlent des trésors génétiques que l’on redécouvre progressivement
aujourd’hui.
Par exemple, les pré-vergers se sont enrichis au fil des siècles de nombreuses variétés fruitières. La diversité
variétale (pommiers et poiriers notamment) semble augmenter fortement à partir du XVe siècle (haut Moyen-
Age) avec le développement des échanges (maritime et terrestre), et surtout à partir du XVIIIe siècle par le
développement des techniques arboricoles d’hybridation et de sélection des variétés, mises en œuvre par les
savants de l’époque tel Olivier de Serres.
Aujourd’hui, on estime qu’il existe environ 1.300 variétés de pommes en Normandie presque autant en Nord-
Pas-de-Calais, plusieurs centaines dans le Sud-Ouest, … Certes, de nombreuses variétés sont communes à
ces régions ; on parle de variétés nationales. Notre richesse variétale se situe plus certainement autour de
1.500 à 2.000 variétés (en excluant celles qui n’offrent que peu d’intérêts).
Mais, bien plus importante est la diversité génétique au sein d’une variété. En effet, les variétés locales ou
anciennes ne sont pas toutes bien fixées. Au sein des pré-vergers, l’hybridation était la règle. Les pépins des
fruits consommés par le paysan étaient jetés dans les haies où dans le jardin. Curieux de nature, ils
conservaient certains jeunes pieds pour les greffer. Mais parfois le fruit était bon et très proche de la variété
originelle.
Nous héritons de ce long et patient travail de sélection, qui est aujourd’hui largement menacé. Le pré-verger
est la seule structure agricole à même de conserver ce patrimoine.
Alors que les vergers modernes misent sur quelques clones de 10 variétés (4 variétés de pommes font 80% de
la production nationale), les pré-vergers recèlent une biodiversité des milliers de fois plus riche.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 52
Or, la disparition des variétés anciennes n’est pas sans conséquence. La recherche est en train de redécouvrir
leurs intérêts. En puisant dans le patrimoine génétique d’une variété ancienne, la pomme « Sainte-
Germaine », l’INRA a obtenu la délicieuse ‘Chanteclerc’, nouvelle star du verger français. Il est évident que
les fruits du prochain millénaire seront à chercher dans nos variétés traditionnelles.
En matière de culture intercalaire, on connaît encore mal les effets de telles pratiques sur la biodiversité. Ces
recherches posent également la question du témoin utilisé : va-t-on comparer les systèmes agroforestiers avec
des systèmes agricoles purs ou des systèmes forestiers ?
Il n’existe à notre connaissance aucune étude sur les effets des noyeraies sur la biodiversité. Par contre, des
études existent sur un système souvent mis à mal par les environnementalistes ou les agriculteurs : les
peupleraies. Mais, il serait hâtif de penser que les peupleraies ont un effet négatif sur la biodiversité. Une
récente étude sur les peupleraies de la Garonne montre que ces milieux sont assimilables à des lisières
(Balent et al, 1999). Elles font jonction entre une forêt touffue de chênes et le pays de bocage. Bien entendu,
la biodiversité observée dépend du couvert sous les arbres. Une parcelle embroussaillée présentera une faune
et une flore plus riche qu’une peupleraie entretenue sur sol nu. En fait, le principal problème vient du
développement de ces peupleraies au détriment des forêts de ripisylves.
2.3.4.3 Intérêts écologiques
La mixité des parcelles agrosylvicoles est d’un grand intérêt écologique. L’alliance entre l’arbre et les
cultures a longtemps été un moyen de réguler des ravageurs. La présence d’un élément pérenne, l’arbre,
enrichit en effet l’écosystème agricole.
Ces systèmes, assez souvent entourés de haies, constituent des unités écologiques d'un grand intérêt :
a) Vieux vergers et habitats associés
D'après James Marsden, propriétaire de verger et directeur d'English Nature, on peut noter trois grands types
d'habitats associés aux vieux vergers. Le bois mort, la prairie, les haies.
Bois mort, pourrissements, cavités
Les vieux vergers, riches en cavité et en bois mort, constituent un habitat pour les vertébrés rares et menacés
et une zone de nourriture pour les pics. Les creux et les cavités sont utilisés pour la nidification par les pics,
les chouettes, le gobe-mouche gris, l'étourneau, le choucas des tours ou comme abri par les chauve-souris.
Les creux pourrissants et les coulées de sève attirent des invertébrés spécialisés (Syrphidés). Les branches
mortes et le bois tombé au sol permettent le développement de champignons hospitaliers pour un grand
nombre d'invertébré spécialisés.
Prairie naturelle
Marsden a repéré d'excellents exemples de prairies semi-naturelles dans les vergers traditionnels. Souvent
elles accueillent des populations importantes de jonquille sauvage et de primevère sauvage.
Les vergers, qui sont souvent situés à proximité des fermes (souvent les bâtiments de ferme encadrent un
verger en formant une grande cour) et leur utilisation comme refuge hivernal entraîne une pression
importante du pâturage et donc un apport de nutriments en conséquence.
Des recherches montrent que les prairies offrent un cortège floristique riche, attirant des prédateurs d'insectes
utiles pour le verger (ainsi qu'un grand nombre de papillon)
Haies
Les haies qui entourent parfois les pré-vergers assurent un grand nombre de fonctions : protection contre le
vent et le gel, un abri pour les prédateurs naturels des ravageurs du verger, elles abritent de nombreux
habitats pour la faune sauvage, favorisent la floraison et la pollinisation.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 53
b) Vergers et espèces associées
Insectes
Marsden rappelle que les vergers sont d'une grande importance pour de grandes variétés d'abeilles, de
guêpes, de frelons, de charançons, de syrphes et pour la punaise du gui (Anthocoris visci). Ils sont le refuge
de nombreux invertébrés rares.
Une étude menée par le Dr. Roger Key, d'English Nature, précise qu'un pré-verger offre une combinaison
d'un grand nombre d'habitats différents, constituant une mosaïque de biotopes favorables aux invertébrés. La
juxtaposition de ces habitats variés est plus importante que la taille des habitats eux-mêmes.
Certains invertébrés, comme des mollusques forestiers, qui sont fréquemment rencontrés dans les vergers ne
quittent naturellement jamais leur couvert forestier. Le verger joue donc un rôle de corridor pour ces
animaux.
Une bonne diversité d'invertébrés nécessite des conditions spécifiques, en effet :
- Un grand nombre d'invertébrés sont hautement spécialisés et les adultes et les larves ont besoin d'habitats
très différents ;
- Un grand nombre d'invertébrés ont un cycle de vie annuel, ce qui implique que les habitats doivent être
durables pour assurer la survie des espèces ;
- Un grand nombre d'espèces ont une mobilité limitée, par conséquent, ont des faibles capacités de
colonisation ;
- La plupart des espèces ne génèrent pas leur propre chaleur corporelle et par conséquent recherchent des
zones chaudes à l'intérieur de leur habitat ;
- La plupart des espèces, sans se soucier de leur comportement à l'état larvaire, s'associent étroitement avec
des fleurs dans leur phase adulte, soit parce qu'elles se nourrissent de pollen ou de nectar, soit parce qu'elles
sont prédatrices des espèces qui se nourrissent de nectar.
Ceci laisse supposer que la durabilité de la gestion est très importante pour les invertébrés. Les vergers
traditionnels peuvent fournir cette durabilité. Le défi des années à venir est donc de maintenir pérenniser la
gestion de ces espaces pour le bénéfice des hôtes de ces vergers, d'autant plus que certains font face à un
déclin imminent car les arbres sont tous du même âge.
Des habitats favorables aux invertébrés
Les prairies
Dans les vergers avec des prairies qui sont fortement pâturées, ou trop ombragés, peu entretenues, ou avec
tous les arbres au même endroit, les invertébrés de la prairie seront pauvres. Les prairies plus riches
attireront de nombreuses espèces de papillons, qui eux-mêmes constitueront une source de nourriture pour
les chauve-souris.
Les fruits
Les fruits tombés attirent des espèces d'invertébrés dont les papillons et des coléoptères qui se nourrissent de
sève comme Glischrochilus hortensus qui se nourrit dans les trous créés par les coups de bec des oiseaux.
Les guêpes, qui la plupart du temps sont des agents de contrôle biologique, ont tendance à devenir ivres et
agressives après avoir mangé des fruits fermentés. Les frelons, qui sont beaucoup plus rares et beaucoup
moins agressifs que les guêpes, se nourrissent aussi des fruits tombés.
La floraison des arbres
La floraison des fruitiers est évidemment une source de nectar riche pour les abeilles et d'autres insectes. Une
espèce de coléoptère inoffensif se nourrit du pollen des rosacées et peut être rencontrée dans les vergers non
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 54
traités. Une espèce nuisible, Anthnomus pomorum, est particulièrement ciblée par les pulvérisations des
arboriculteurs. Malheureusement, il y a près de 7 espèces inoffensives d'Anthonomus qui souffrent des
pulvérisations réservées à A. pomorum et celles-ci sont actuellement protégées nationalement (liste rouge).
Le feuillage
Le professeur Richard Southwwod de l'université d'Oxford, a établi un classement des arbres les plus
importants pour l'alimentation des invertébrés phytophages : le pommier fait partie des 10 premiers. Une
grande variété d'invertébrés vit ou se nourrit parmi le feuillage du pommier en particulier, et plus
généralement des rosacées. Beaucoup de prédateurs, comme l'hémérobe, la cantharide et les larves de
syrphidés participent à la régulation de ravageurs comme les pucerons et les sauterelles. Malheureusement,
les traitements chimiques tuent aussi bien les ravageurs que leurs prédateurs. Plusieurs espèces de papillons,
particulièrement inféodés au verger ont ainsi disparu dans les années 1920.
L'ensemble de la masse foliaire ne se résume pas qu'aux feuilles de l'arbre lui-même. Le Gui, dont l'hôte de
prédilection est le pommier, compte 4 espèces d'invertébrés qui lui sont directement inféodés. Le lierre,
quand il est installé le long des arbres, est une plante très favorable aux invertébrés parce qu'il constitue une
source tardive de nectar et parce qu'il offre un couvert persistant pour les adultes hibernants. Certaines
espèces comme Oncomera femorata (espèce nocturne), sont attirées uniquement par la floraison du lierre. Si
les arboriculteurs semblent trouver difficile de tolérer le lierre dans leurs vergers, celui-ci est très bénéfique
pour la biodiversité.
L'écorce
L'écorce des arbres fruitiers offre une grande quantité de supports pour les invertébrés. L'écorce des
pommiers est constituée de plaques finement reliées entre-elles par leur milieu, avec beaucoup
d'anfractuosités qui favorise leur effritement. Les poiriers présentent différents types de fissures en damier
qui peuvent attirer des espèces comme les Dromius (carabidae consommateurs de pucerons). Cylindrinotus
laevioctostriatus est un autre invertébré très spécialisé, qui vit dans les touffes d'herbe à la base des
pommiers pendant le jour et sort la nuit pour consommer une algue verte (pleurococcus) à la surface de
l'écorce. Les coccinelles, qui sont si importantes dans la prédation des pucerons, passent l'hiver sous l'écorce
qui se détache.
Le bois mort
Les vieux vergers un peu abandonnés sont très intéressants pour les invertébrés. Tous les arbres sont
probablement en train de pourrir intérieurement, ce qui est une phase naturelle de leur biologie et qui n'est
pas alarmant pour la survie de l'arbre. Les champignons qui entraînent le pourrissement intérieur de l'arbre
sont présents tout au long de la vie de l'arbre mais ne commencent leur action de pourrissement que lorsque
le bois est exposé à l'air libre suite à des blessures ou des cicatrices de taille. Les scolytes sont un des
premiers colonisateurs (Scolytus mali). Ils peuvent entraîner un décollement de l'écorce qui attirera d'autres
espèces comme Pyrochroa serraticornis (même genre que les gendarmes ou la cardinale) par la suite.
Sur les arbres où le bois est apparent, des équivalents sauvages des vrillettes (anobidae) creusent des galeries
dans le bois sec, laissant des petits trous de taille variée. Une fois que ces coléoptères ont fini cette action, les
trous sont utilisés par des guêpes solitaires comme abri pour y pondre et y élever leur larves avant de les
reboucher avec de la boue. Cependant, d'autres espèces (Chrysididae) peuvent entrer dans la cavité avant
qu'elle ne soit rebouchée et tuer l'œuf avant de l'emporter.
Le pourrissement peut atteindre éventuellement le cœur du tronc. Les trous résultants de la décomposition
offrent des opportunités pour les frelons comme pour les oiseaux et les chauve-souris. Les cavités sèches
constituent un habitat isolé pour des espèces comme les syrphidés.
Quand le bois pourrissant commence à devenir tendre, il offre un habitat pour beaucoup de larves qui se
nourrissent de bois, ainsi que pour leurs prédateurs. Des espèces comme le Lucane cerf-volant (Lucanus
cornus), le rhinocéros (Sinodendron cylidricum) et Dorcus paralellipipedus, sont toutes des espèces qui
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 55
apprécient particulièrement les troncs qui blanchissent en pourrissant, comme c'est le cas pour les pommiers,
car la lignine et la cellulose pourrissent uniformément, laissant un matériaux moelleux et tendre.
La surface des champignons facteurs de pourrissement héberge une grande variété d'insecte dont
Endomychus coccineus, comme c'est le cas de beaucoup de champignons de l'écorce.
Eventuellement, le bois du cœur peut se désagréger pour former un "terreau" pourrissant, pouvant attirer des
espèces rares. Malheureusement, la plupart des arbres qui atteignent ce stade sont supprimés par leurs
propriétaires alors qu'ils pourraient attirer la cétoine dorée (Cetonia aurat)a ou le rare Gnorimus nobilis, qui
est connu pour son statut menacé et qui représentent un indicateur d'une faune très riche liée au bois mort.
Oiseaux
Les populations bien développées d'invertébrés attirent les oiseaux. Des observations systématiques dans 109
vergers du Herefordshire, réalisées par le Central Science Laboratorium (CSL), montrent que les vergers non
traités attirent plus d'oiseaux que les vergers traités.
Moins de 25% des vergers traditionnels reçoivent un traitement pesticide alors que 90 % des vergers
modernes reçoivent des pesticides (traitements répétés).
L'intensité de traitement est un critère moins important pour le nombre d'oiseaux que le type de verger. En
effet il y a plus de deux fois plus d'oiseaux dans les vergers traditionnels que dans les vergers modernes et la
diversité d'espèces y est plus importante. Le CSL conclut que les effets des pesticides comptent pour 23 %
dans les variations du nombre d'oiseaux observés. D'autres aspects comme les habitats du verger et la gestion
agricole sont probablement plus importants pour les oiseux que la seule présence ou absence de pesticides.
Par exemple, le nombre d'oiseaux double dans les vergers où les arbres ont plus de 25 ans.
La plupart des vergers attirent des oiseaux communs comme la mésange bleue et le pinson des arbres, mais
les vergers traditionnels attirent des oiseaux moins communs. Les vieux vergers attirent plus facilement la
tourterelle des bois, ma mésange charbonnière, les choucas des tours, le moineau friquet (rarement trouvé
dans les vergers traditionnels), la mésange à longue-queue, la grive draine, le gobe-mouche gris, la chouette
chevêche, le grimpereau des arbres, l'étourneau, le pic épeiche, le pigeon colombin, la tourterelle turque. La
majorité des espèces niche dans des trous ou des crevasses dans les arbres (pic épeiche, gobe-mouche gris,
grimpereau des bois, moineau friquet) et sont totalement ou partiellement dépendantes de la présence
d'invertébrés pour leur nourriture, ce qui implique une forte association avec l'habitat offert par les vieux
vergers.
Réciproquement, certaines espèces sont plus fréquentes dans les vergers modernes (bouvreuil, chardonneret,
bruant jaune, linotte, mésange noire, rook, goldcrest)
Sur les 30 espèces nicheuses les plus fréquentes dans les vergers traditionnels, 5 sont sur la liste rouge en
Grande-Bretagne, 5 sur la liste orange (Birds of conservation concern). Sur une autre liste (United Kingdom
biodiversity action plan), 5 sont prioritaires, 10 placés sur la "long list".
Mammifères
Les vieux vergers sont une composante importante de l'espace vital des chauves-souris et un site providentiel
pour le grand rhinolophe, l'oreillard roux, la pipistrelle commune.
Parmi les autres mammifères qui fréquentent les vieux vergers, on trouve le renard, le lièvre, le lapin de
garenne, l'hermine, la belette, le hérisson et le blaireau.
Champignons
Parmi les champignons les plus visibles associés aux vergers traditionnels, on trouve les mystérieuses
éruptions de "Giant puffballs" (vesces de loup géantes), fin août - début septembre, "field mushroom",
"braket fungi" sur les arbres.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 56
A l'intérieur des vieux arbres, une multitude de champignons moins visibles contribuent fortement au
pourrissement des arbres qui procurent de nombreux habitats aux invertébrés.
c) Les expériences du Centre technique interprofessionel des fruits et légumes en Dordogne
Le CTIFL pratique depuis plusieurs années des expériences en matière de protection intégrée et de
diversification de l'environnement dans des vergers de basse tige intensifs à Lanxade-Prigonrieux. Ces études
ont été mises en place devant l'impasse technique que constituaient les pullulations d'acariens et de psylles,
malgré les traitements intensifs pratiqués.
L'abandon des traitements intensifs, la replantation de haies et l'implantation de bandes enherbées ont permis
une réapparition rapide des prédateurs des parasites arboricoles. Entre 1987 et 1991, 16 espèces différentes
se sont réinstallées. Trois ans plus tard, tous les traitements acaricides ont pu être supprimés.
L'établissement de populations de passereaux (mésanges) et des chauves-souris, grâce à l'installation de
nichoirs et de gîtes artificiels en bordure des vergers a permis une lutte naturelle contre le carpocapse (vert
des fruits mangé par les oiseaux) et les papillons et le moustiques (chassés par les chauves-souris).
Cet exemple montre la relation directe qu'il existe entre la biodiversité et la lutte contre les ravageurs dans
les vergers modernes, relation qui existe de façon naturelle dans les vergers traditionnels mais qui est moins
évidente à montrer.
d) Résultats du suivi d’un réseau de pré-verger en Midi-Pyrénées
Les résultats suivants proviennent d’une étude, menée par SOLAGRO, sur un réseau de pré-vergers en Midi-
Pyrénées dont les résultats définitifs seront rendus en 2001.
L'avifaune dans les pré-vergers de Midi-Pyrénées
Quatre vergers ont fait l'objet d'un suivi (la liste des espèces contactées est présentée en Annexe 9).
Ainsi, 23 espèces (essentiellement des passereaux) ont été contactées sur ces quatre sites. Deux espèces
reviennent systématiquement : la Fauvette à tête noire et le pinson des arbres. Beaucoup d'espèces communes
des jardins et des parcs reviennent plusieurs fois (mésanges bleues et charbonnières, bouvreuil, loriot, serin
cini, corneille noire, rouge-gorge, verdier, merle noir)
On peut noter parmi espèces moins fréquentes, le rouge-queue à front blanc qui semble nicheur sur l'un des
pré-vergers (couple observé le 14 juin 2000 avec une activité intense autour d'un arbre creux).
Les champignons mousses et lichens dans les vergers
Les champignons, les mousses et les lichens sont de très bons indicateurs pour évaluer l'état sanitaire du
verger. Ils sont aussi un moyen d'évaluer la diversité biologique et l'intégrité de ces milieux.
L’inventaire, réalisé sur 3 pré-vergers, a révélé la présence d'espèces rares ou menacées au niveau européen.
Il témoigne du bon équilibre biologique de ces structures agricoles et du peu de perturbations qu'elles
subissent. Rappelons que les champignons, les mousses et les lichens offrent des habitats à de nombreux
invertébrés.
Tableau 12 : résultats synthétiques des relevés dans 3 pré-vergers en Ariège
Espèce Nombre de
contacts Support Espèce indicatrice de...
Champignons
Marasmius oreades (Bouton de guêtre) 1/3 Prairie Pelouses pauvres de grande qualité
écologique
Inonotus hispidus 1/3 Arbre fruitier classique sur frêne têtard et arbres
fruitiers (champignon de bocage)
Trametes versicolor 2/3 Arbre fruitier Saprophyte mais parasite de faiblesse.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 57
Coriolopsis trogii 1/3 Arbre fruitier Espèce inscrite sur la Liste rouge
provisoire européenne (mais non
menacé en Midi-Pyrénées)
Mousses
Hypnum cupressiforme 3/3 Troncs Classique sur les troncs de fruitiers
Orthotrichum striatum 3/3 Troncs Classique sur les troncs de fruitiers
Lichens
Evernia prunastri 3/3 Tronc
Lecanora expallens, L. strobilina, L.
eleaochroma (même verger)
1/3 Tronc
Parmelia caperata 3/3 Tronc Espèces menacées de disparition
au niveau européen Parmelia glabratula 2/3 Tronc
Parmelia sulcata 3/3 Tronc
Source : SOLAGRO, 2000
Les syrphidés, une famille d'insectes bio-indicateur intéressant
SOLAGRO a mené deux campagnes de piégeage cette année dans 4 pré-vergers (piémont pyrénéen, et
Montagne noire) afin d’évaluer l’intérêt biologique de ces espaces agroforestiers. Le bio-indicateur
faunistique choisi a été le syrphe3.
Les premiers résultats (cf. tableau infra) indiquent que certaines espèces, réputées comme exclusivement
forestières, ont été piégées dans un pré-verger. Ces espaces permettraient donc à des espèces de « s'aventurer
en dehors de leur domaine vital habituel » grâce à la présence d'arbres dans le pré.
L'étude a également permis de découvrir une espèce qui n'avait jamais été contactée en Midi-Pyrénées.
Tableau 13 : résultats des actions de piégeages des syrphidés dans 4 pré-vergers de Midi-Pyrénées
La Balme Le Rec Turoun Pujau
Nombre d'espèces contactées (75) 45 35 37 35
Espèces ubiquistes (6) 6 2 3 3
Espèces anthropophiles (19) 18 11 9 8
Espèces à larves aphidiphages (28) 19 18 15 13
Espèces uniquement de milieux ouverts (11) 8 7 3 6
Espèces de prairies naturelles, broussailles, sèches ou
humides (35) 26 18 20 18
Espèces uniquement de forêts (24) 10 10 9 9
Espèces inféodées aux vieux et très vieux arbres (8) 5 4 2 4
Espèces de milieux humides (37) 27 18 18 16
Espèces répandues et abondantes dans le sud-ouest 32 22 24 23
3 Le degré d'abondance et de rareté dans le sud-ouest de la France a été déterminé à partir d'un inventaire faunistique
(SARTHOU et SPEIGHT, 1997) relatant toutes les captures connues des Syrphidés dans la région de 1911 à 1997 (soit plus
de 4000 relevés d'espèces). L'importance patrimoniale des espèces est estimé en fonction du degré de rareté, du caractère
menacé ou en très fort déclin de l'espèce en France (SPEIGHT et CASTELLA, 1999) et/ou de son intérêt en tant qu'espèce
indicatrice de forêt d'importance internationale pour la conservation de la nature à l'échelle européenne (GOOD et
SPEIGHT, 1996).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 58
(39)
Espèces répandues et peu abondante dans le sud-ouest
(17) 9 7 8 8
Espèces localisées et abondantes localement dans le
sud-ouest (2) 1 2 0 1
Espèces localisées et peu abondantes dans le sud-
ouest (4) 1 1 2 1
Espèces rares dans le sud-ouest (0) 0 0 0 0
Espèces très rares dans le sud-ouest (5) 2 2 2 1
Espèces rarissimes dans le sud-ouest (2) 0 0 1 1
Espèces mentionnées pour la première fois dans le
sud-ouest (1) 0 1 0 0
Espèces d'importance patrimoniale* 2 1 4 2
* : équivalent d'une vraie liste rouge, i.e. et non d'une liste d'espèces protégées.
Des populations diversifiées trouvent leur nourriture et le gîte dans cet espace. Citons les oiseaux
cavernicoles en particulier, comme la huppe, le torcol ou la chouette chevêche et la chauve-souris dans les
cavités des arbres fruitiers.
Dans un territoire agricole qui s’intensifie sans cesse, les parcelles agrosylvicoles constituent des îlots
écologiques d’un intérêt majeur. Par leur effet corridor, les peupleraies comme les parcelles agrosylvicoles
en général entretiennent un lien avec les massifs boisés isolés. Certaines espèces animales réagissent bien à
un environnement forestier morcelé et tirent avantage de ce paysage comme dans le cas du chevreuil ou du
pinson qui fréquente tous les arbres (Balent et al, 1999).
2.3.4.4 Intérêts génétiques
Depuis 10 ans, la mise en place des Conservatoires régionaux a permis de recenser et de montrer l'extrême
richesse dans les variétés de pommiers et de poiriers. Les "vergers conservatoires" commencent aujourd'hui à
redistribuer des plants.
A côté de ces vergers conservatoires ex-situ, ce sont aussi des associations pomologiques (croqueurs de
pommes, société pomologique du Berry, association pomologique de Normandie, …) qui cherchent à
sensibiliser les particuliers à la taille, au greffage des variétés anciennes, à la rénovation des vergers
traditionnels, et qui pour certaines d'entre-elles aident à la mise en place de filière de transformation.
Depuis 5 ans, plusieurs départements ont initié des opérations de restauration dans le cadre des opérations
locales « Mesures agri-environnementales », du Fonds de gestion de l’espace rural (FGER) ou de
programmes européens (Interreg, LEADER).
2.3.4.5 Agroforesterie et pollutions agricoles
Un des enjeux de l’agrosylviculture, qui associe cultures et arbres, sera de répondre positivement aux limites
de l’agriculture intensive sur des problèmes de qualité de l’air, de l’eau et du sol.
a) Agroforesterie et qualité de l’air
On peut distinguer 3 groupes de pollution d’origine agricole selon Luc Thiébaut de l’ENESAD :
Courtes et moyennes distances : odeurs, poussières et gaz toxiques. A courte distance, les
poussières agricoles représentent 1,5 à 5,7 % des émissions de poussières totales en France (Pollen
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 59
surtout). Les gaz toxiques comprennent l’ammoniac, les gaz de fumier (H2S) et d’ensilage (NO2), le
monoxyde de carbone et d’autres gaz d’échappement. En moyenne distance, retenons le cadmium
(engrais phosphatés) et perte de pesticides par évaporation ou dérive.
Moyennes et grandes distances : pollution acide et photo-oxydante. L’azote ammoniacal (NH3 et NH4+)
est le principal problème pour les pollutions à moyenne distance. Il provient pour 90 % de l’agriculture
intensive dans les pays d’Europe de l’Ouest.
Planétaire : modifications du bilan radiatif de la planète. Le protoxyde d’azote et le méthane comptent
parmi les responsables de l’effet de serre. Le protoxyde d’azote contribue à l’effet de serre en 1996 pour
18 % du « panier » français (CITEPA, 1998). L’agriculture en émettrait 58% soit 10.5% du panier
national. La forêt en émet très peu. Les émissions de protoxyde d’azote par les sols agricoles dépendent
de la quantité de fertilisants apportés, de l’hydromorphie du sol, et de l’absence de micro-organismes
capables de réduire N2O en N2. Le méthane provenant essentiellement des élevages bovins, contribue
pour 11 % du panier. L’agriculture en émet 54% soit 5,9% du panier. L’élevage extensif en émet plus
mais cela est compensé par le stockage dans le sol des prairies. Enfin, il faut également souligner l’effet
indirect de l’agriculture intensive sur la baisse du stock de carbone dans le sol et l’augmentation du gaz
carbonique CO2 (prairie en culture et déforestation agricole).
Comment l’agroforesterie peut se présenter comme une alternative ? Beaucoup de données scientifiques
manquent pour caractériser les effets positifs ou négatifs des plantations d’arbres sur l’environnement
agricole. Les seules données dérivent des observations réalisées en forêt.
Les peuplements forestiers sont des filtres naturels très efficaces. Un des rôles primaires des alignements
d’arbres dans l’Antiquité consistait notamment à faire barrière aux poussières extérieures. Ovide (43 - 18 av
J.C) décrit cette fonction ancienne dans une de ses nombreuses distiques élégiaques :
« C'est moi le Noyer du bord de la grand'route.
J'ai toujours vécu d'une façon irréprochable,
Pourtant les passants me lapident :
Heureux le sujet qui a poussé dans un enclos :
Il peut ainsi ne payer redevance qu'à son propriétaire !
Il n'entend ni le tapage des hommes ni le crissement des roues
Et ne connaît pas la poussière de la grand'route voisine. »
Les arbres sont des capteurs de gaz, gouttelettes de brouillard, poussières et aérosols. Les dépôts secs
peuvent être équivalent aux dépôts humides apportés par les pluies. Il serait intéressant de déterminer
exactement le pouvoir des arbres isolés en situation agroforestière à capter ces éléments sources de pollution.
Mais concernant l’effet de serre, le meilleur impact des arbres est le pouvoir de stockage du carbone soit
directement dans la biomasse, soit dans le sol. Un programme ambitieux à l’échelle nationale pourrait avoir
un effet remarquable et permettrait à la France de remplir une partie de ses engagements de Kyoto.
b) Agroforesterie et pesticides
Les pertes en pesticides pendant et après leurs applications sont très variables. Le chemin parcouru ensuite
résulte d’une combinaison de facteurs (climat, sol, type de solvant) qui empêchent de généraliser. Depuis la
découverte de résidus dans les embruns océaniques et dans la neige de l’Arctique, dans les années 90, les
scientifiques étudient davantage la circulation des pesticides autour de la planète (Van der Werf, 1997).
Différents processus de perte affectent l’utilisation des pesticides :
Perte lors de l’application (pesticide liquide) : entre 1 et 50 %
Volatilisation : entre 1 et 80 %
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 60
Ruissellement : entre 0 % et 10 %
Lessivage : pertes peu importantes
Dans les sols, les matières actives peuvent rester pendant une longue période. Leur mobilité sera en partie
réduite selon les propriétés physiques et chimiques du sol. La présence des arbres pourrait avoir plusieurs
effets sur la teneur en résidus du sol. Le feuillage pourrait absorber une partie des pesticides volatilisés et les
racines prélèveraient également une partie non négligeable de pesticides lessivés. L’amélioration du bilan
carbone sous les arbres permettrait de retenir voire de bloquer certaines matières actives. Le processus de
capture par les arbres ne favorise pas obligatoirement une disparition de ces matières actives. Elles ne
pourraient être que stockées temporairement avant de reprendre chemin et par la suite se mettre en contact
avec les animaux et les hommes. Evaluer l’impact des pesticides sur l’environnement est une entreprise très
complexe. Lorsque des arbres sont présents dans une parcelle cultivée, on peut imaginer qu’ils pourront
limiter certaines pertes à l’extérieur de la parcelle (air, sol ou eau). Par contre, il est très difficile d’apprécier
l’impact sur l’environnement : est-ce que les arbres participent à la dégradation des matières actives ou les
stockent-ils simplement avant de les libérer ? Est-ce que les pesticides n’auront pas un effet négatif sur les
arbres ? Si les feuillages captent les pesticides volatilisés, est-ce que cela n’aura pas un effet dévastateur sur
leur propre biodiversité (insectes, oiseaux) ? Les sites agroforestiers actuels pourraient permettre de
développer de telles études.
c) Agroforesterie et nitrates
Dans certaines régions françaises, la teneur en nitrates des eaux souterraines a été multipliée par 6 ou 7 sur
les 20 dernières années (cas de la Bretagne). Les pertes vers les nappes des matières fertilisantes azotées non
utilisées par les cultures correspondent à des surfertilisations et à la création de périodes de sols nus
favorisant le lessivage. L’origine n’est pas forcément due à des erreurs humaines (excès ou mauvaises
manipulations) mais trouvent aussi leurs raisons dans des explications naturelles comme le facteur climat, les
besoins importants de la culture sur une très courte période, la minéralisation naturelle à contretemps. Les
pertes peuvent donc être minimisées mais non supprimées entièrement (Ramon et Benoît, 1998). Les
surfaces boisées agissent efficacement sur la teneur en nitrates du sous-sol.
D’autres renseignements, à partir d’études sur les haies, démontrent l’effet positif des arbres sur la
disparition des nitrates. Cette disparition est le résultat conjugué de l’absorption par la végétation (arbres et
herbes) et de l’activité microbienne de la matière organique (dénitrification jusqu’à 80 cm de profondeur).
La nappe a tendance à descendre plus bas et on observe un pouvoir asséchant de la haie en amont lors des
périodes estivales (Cauble-Forget, et al, 1999). Cet effet positif des arbres peut se révéler tardivement. Dans
la réalité, il faut tenir compte de l’importance de l’orientation vent et soleil.
Dans ce cas également, des études sont nécessaires pour valider les observations réalisées sur les haies sur
des parcelles agroforestières.
2.3.5 Les intérêts croissants pour une relance
2.3.5.1 Des espaces respectueux de l’environnement
L’agrosylviculture est un facteur de garantie du respect de l’environnement à double titre :
L’une des principales causes de la régression des vergers (dans l’ouest notamment) est l’abandon du pâturage
au profit de l’ensilage de maïs. Donc chaque hectare de pré-verger se transforme en un hectare de culture à
forts intrants : traitements chimiques, fertilisation azotée, irrigation éventuellement, … y compris
énergétique (labour, semis, …). La préservation des pré-vergers maintient les prairies naturelles, qui sont
couramment des prairies humides (pays de Bray, pays d’Auge…).
L’impact environnemental des parcelles agroforestières
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 61
De même, les fruits issus des systèmes agrosylvicoles (pré-vergers notamment) sont issus d’une agriculture
très proche de la nature, voire biologique. Les traitements chimiques sont inexistants (car impossible
techniquement sur des grands arbres) et se limitent à un passage à la bouillie bordelaise.
Déplacer la production d’un kg de mirabelles vers un verger de basse tige se traduit par plus de 15
traitements (insecticides, fongicides, herbicides), des sols nus en hiver, etc.
Dans les associations d’arbres et de cultures ou de pâtures, la complémentarité des arbres et des
plantes herbacées permet une meilleure valorisation des ressources du milieu, qui se traduit par :
1. Une amélioration de la valorisation des ressources naturelles : la somme de la production de bois et de la
production agricole d’une parcelle agroforestière est supérieure à la production séparée obtenue par un
assolement agriculture-forêt sur la même surface. Cet effet résulte de la stimulation des complémentarités
entre arbres et cultures dans les parcelles agroforestières. Ainsi, les mauvaises herbes spontanées
présentes dans les jeunes plantations d’arbres en plein sont remplacées par des cultures récoltées ou
pâturées : l’entretien est moins coûteux et les ressources du milieu mieux utilisées.
Une réduction de l’emploi des phytocides (la culture désherbe les arbres), ou une meilleure utilisation des
engrais (les nitrates lixiviés sont récupérés par les racines profondes des arbres, évitant la pollution
diffuse des nappes). Une ligne d’arbres peut absorber jusqu’à 85 % de l’azote lessivé : 40 mg/l en amont
contre 6 mg/l en aval et 70% des phosphates. L’enracinement plus profond des arbres permet de
prospecter sur un volume de sol plus vaste; la diversité des essences favorise une assimilation des
éléments étalée dans l’année. L’importance de l’absorption dépendra du nombre de lignes d’arbres et de
la largeur des bandes boisées.
2. Une contribution à la lutte contre l’effet de serre ; dans les systèmes agroforestiers, on obtient une
séquestration efficace du carbone, par combinaison du maintien du stock organique des sols (cas
notamment des prairies), et superposition d’une strate arborée fixatrice nette.
3. Une protection des sols et des eaux, en particulier dans les périmètres sensibles (nappes de surface,
écoulements hypodermiques, zones sensibles à l’érosion).
4. Une amélioration de la biodiversité, notamment par l’abondance des effets de lisières. Cela permet
notamment une amélioration cynégétique, en favorisant l’habitat du gibier. Des études, réalisées dans
l'Est de la France et en Suisse, ont aussi mis en évidence l'intérêt de ces structures tant sur le plan
paysager que biologique (vieux arbres ayant une fonction de nichoir : chouette chevêche, huppe, ...).
5. Un paysage agroforestier crée un effet « corridor » permettant de faire le lien entre des îlots voire des
massifs forestiers. Les parcelles agricoles arborées, outre leur rôle sur la biodiversité, contribue à la
dynamique des populations forestières depuis les insectes jusqu’aux mammifères.
6. Les parcelles agroforestières ne ferment pas le paysage agricole et jouent le rôle de pare-feu dans les
zones à haut risque d’incendie.
7. La protection intégrée des cultures par l’association avec des arbres choisis pour stimuler des populations
d’hyperparasites (parasites des parasites) des cultures est une voie prometteuse, aujourd’hui très étudiée
aux Etats-Unis, et qui commence à faire l’objet de travaux à l’INRA. Au domaine de Restinclière, une
étude est menée sur le contrôle des populations d’acariens dans les systèmes agroforestiers viticoles avec
l’Unité d’Ecologie Animale et de Zoologie Agricole de l’Inra. Les travaux portent sur deux types
d’acariens : les acariens phytophages dont certaines espèces entraînent des dégâts importants sur la
vigne (ordre : prostigmates); et les acariens prédateurs qui se nourrissent des acariens phytophages
(ordre : mesostigmates ; famille phytoséiides) .
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 62
8. Les arbres agricoles permettent à la parcelle de retrouver ses bases écologiques. Même leur présence
favorise le développement de certains insectes phytophages, ils abritent également leurs prédateurs : les
reptiles contrôlent les populations de micromammifères, les oiseaux mangent une grande quantité
d’insectes et de larves, certains insectes comme les microhyménoptères sont des parasites pour les
insectes ravageurs. L’absence des arbres provoque un grave déséquilibre entre les populations de
ravageurs et leurs prédateurs, limite le nombre d’espèces et accroît les risques d’invasion ou de
pullulation d’une espèce au détriment d’une autre (attaque ou phénomène souvent cyclique nécessitant
une intervention chimique musclée).
2.3.5.2 Adéquation entre produits et terroirs
Pour les collectivités locales ou territoriales, les formations arborées agricoles représentent une identité
paysagère forte, sur laquelle il convient de s’appuyer pour développer les activités touristiques (tourismes
vert ou rural) mais également économiques (diversification agricole, développement de produits de
terroirs…).
Certains producteurs sont d’ailleurs convaincus de l’atout que constitue ces vergers. Ils permettent
d’identifier clairement un produit et un terroir, ce qui répond à la demande de plus en plus forte des
consommateurs.
En Normandie, des actions pionnières de valorisation de produits spécifiques (calvados, poiré, cidre…) sont
engagées depuis quelques années. Certaines reposent sur la mise en place d'un cahier des charges AOC qui
précise explicitement que les produits doivent être issus de pré-vergers.
La valorisation des vergers de haute tige repose sur une filière courte, dans laquelle l’agriculteur récolte et
transforme les fruits sur l’exploitation. Éventuellement, les fruits peuvent être transformés dans un atelier
proche. Il s’agit donc d’une économie locale à l’échelle du territoire, favorable aux démarches de
diversification agricole.
D’ailleurs, on constate que les pré-vergers peuvent bénéficier aux autres produits agricoles ; leur image
porteuse est par exemple largement utilisée sur les bouteilles de lait.
Les organisations professionnelles agricoles viennent de témoigner de l’intérêt qu‘elles éprouvent pour la
reconnaissance et le développement de ces systèmes de production intégrés, en déposant un mémorandum
agroforestier auprès des services du ministère de l'Agriculture (décembre 1999).
Les systèmes agroforestiers pourraient être considérés comme des images du passé, avec une connotation
« d’image d'Epinal ». Mais, comme en témoigne le regain d’intérêt dont ils font l’objet depuis quelques
années, ils semblent au contraire capables de répondre à des enjeux variés allant de la protection de
l’environnement jusqu’au développement local.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 63
3 ETUDES DE CAS : ACTIONS DE DEVELOPPEMENT
3.1 RELANCE DE LA PRODUCTION DE MIRABELLES ET SAUVEGARDE DES VERGERS DE HAUTE
TIGE EN LORRAINE
3.1.1 Personnes rencontrées (enquête réalisée du 21 au 24 août 2000)
M. Boulanger – Centre Départemental d’Expérimentation Fruitière (CDEF) – Laquenexie (57)
Catherine DELANNOY - PNR de Lorraine – Pont-à-Mousson – 54
Mme Régine MILLARAKIS - Meuse Nature Environnement – Bar le duc – 55
Philippe DANIEL - Coopérative des coteaux lorrains – Cugney aux Aulx (88)
Thierry ANTOINE - Chambre d’Agriculture des Vosges (88)
Daniel PHILIPPE - Maison de l’Environnement – Conseil général de Meurthe-et-Moselle
3.1.2 Les acteurs locaux et leur rôle
3.1.2.1 Présentation des acteurs
Le Conseil général de Moselle intervient principalement en finançant le Centre départemental
d’expérimentation fruitière (CDEF) de Laquenexie qui mène une action de sauvegarde des variétés locales
(verger de collection) et aussi une action d’expérimentation.
Le CDEF a pour mission d’encadrer techniquement les associations arboricoles du Département, notamment
par la formation d’un réseau d’animateurs (‘moniteurs’) qui conseillent, après avoir suivi des stages
techniques, les associations et les producteurs professionnels.
Le Département de Moselle ainsi que celui des Vosges financent la replantation des arbres fruitiers de haute
tige abattus après la dernière tempête.
A l’inverse, le Conseil général de Meurthe-et-Moselle mène uniquement des actions d’animation et de
sensibilisation à destination des enfants. Organisées par la maison de l’Environnement, ces animations
s’inscrivent dans une politique de sensibilisation à moyen et long terme.
Le Parc Naturel Régional de Lorraine a mené plusieurs études sur les vergers de fruitiers depuis plusieurs
années. Cette thématique a été étudié dès la fin des années 70 dans un contexte de sauvegarde des variétés
anciennes notamment avec les croqueurs de pommes. Mais cet élan s’est arrêté là du fait notamment du
manque de coordination entre les amateurs (particuliers ou agriculteurs) possédant des petits vergers, et les
professionnels qui ont une tradition de valorisation des fruits.
L’un des principal acteur lorrain en matière de préservation et de valorisation des vergers de haute tige est
l’association Meuse Nature Environnement. Elle mène une action dynamique à destination des vergers
traditionnels de particuliers depuis plus de 6 ans, notamment à travers l’opération OPAV. Il existe en effet
une réelle demande de la part de ce public pour entretenir et valoriser le verger familial. Aujourd’hui, son
expérience est reconnue au plan régional : elle vient de recevoir une mission régionale de coordination de la
préservation du patrimoine fruitier lorrain dans le cadre du récent Contrat de Plan Etat-région, en étroite
relation avec les autres acteurs régionaux (PNR de Lorraine, CDEF, départements…).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 64
3.1.2.2 Les moyens humains mis en œuvre
Le site du CDEF emploie deux salariées (directeur-technicien, secrétariat) et 3 « emplois jeune » chargés du
suivi des vergers de collection (traitements phytosanitaires) et des vergers d’expérimentation (mesures,
observations…). Dès l’automne 2000, une autre personne « vente et accueil » devrait être embauchée.
Pour Meuse Nature Environnement, l’activité « verger traditionnel » génère aujourd’hui en fait à
3,5 temps-plein de taille (rénovation, plantation) et 3,5 temps-plein d’animation / conseils / conception. A
ceci s’ajoute, depuis fin 2000, un poste à mi-temps de conseiller-coordinateur régional des actions en faveur
des arbres fruitiers et des vergers de haute tige.
Le PNR de Lorraine consacre l’équivalent d’un demi-poste à la sensibilisation et à la sauvegarde du
patrimoine fruitier et des pré-vergers.
3.1.3 Historique – contexte
La région Lorraine est caractérisée par ses petits vergers villageois (ceinturant les villages-rues),
particulièrement visibles quand ils sont situés sur les parcelles pentues. Traditionnellement, ces fruitiers
accompagnent le jardin qui s’étire en une étroite bande dans le prolongement de la maison (ferme)
d’habitation. L’autre type de verger est le verger qui accompagne les fermes isolées, mais beaucoup moins
fréquent dans le Nord-Est de la France.
Ces vergers familiaux ou agricoles, composés de 10 à 50 arbres, sont majoritairement des mirabelliers
(70 à 80 %), mais les pruniers, les pommiers ou les poiriers peuvent être plus fréquents dans certains terroirs.
En fait, le développement des vergers en Lorraine est assez récent, puisqu’il remonte au début du siècle, à
l’époque du phylloxera. Les petites parcelles de vigne sont alors rapidement remplacées par des vergers de
haute tige de mirabelles, à seule vocation de production de fruits (verger pur). Cette transition a été facilitée
par le fait que les exigences de sols, d’exposition et de situation sur les plateaux ou sur le haut des coteaux (à
l’abri des gels printaniers) étaient similaires. On peut de nos jours encore observer des systèmes reliques
associant vignes et fruitiers sur les mêmes parcelles, comparables aux joualles
(ou cances) du Sud-Ouest.
Ce verger pur de haute tige a été renouvelé et entretenu régulièrement jusque vers 1950. Puis, à la sortie de la
guerre, la volonté de développer la production laitière se traduit en Lorraine par le pâturage sous les vergers
de haute tige.
Le système du pré-verger de mirabelliers apparaît alors, et répond à l’adaptation d’un système agricole
traditionnel de polyculture-élevage. En fait, le pâturage des vergers se fait au détriment de l’entretien du
verger (taille, renouvellement...). Puis dans les années 70 et 80, le développement de la mécanisation a
conduit à l’arrachage des arbres dans les vergers déjà vieillissants.
Donc, la première PAC, qui instaure les quotas laitiers, relance indirectement l’intérêt pour cette culture
ancienne, le verger. Face à cette « nouvelle donne », l’agriculture lorraine basée sur un système traditionnel
de polyculture-élevage (bovin-lait surtout, et localement ovin-viande) a rapidement vu dans le verger une
possibilité de diversification, d’autant plus que le verger faisait partie de la tradition familiale. Ceci s’est
traduit, notamment dans le sud de la Lorraine, par la mise en place du mouvement coopératif de producteurs
(Cugney-aux-aulx,…). Ailleurs, comme dans les Côtes de Meuse, des agriculteurs non fédérés en
coopératives se sont aussi engagés les premiers dans les replantations qui interviennent sous forme de
vergers de haute tige traditionnels, à nouveau à vocation unique de production de fruits (certains producteurs
avant 1980). Les « Côtes de Meuse » sont très actives et pionnières, ce qui explique que l’on y trouve
aujourd’hui un verger nouveau de haute tige plus dense que dans le reste de la Lorraine.
Les autres régions de côtes (Vosges et Meurthe-et-Moselle), se sont engagées plus tardivement dans des
programmes de replantations (début des années 90), et ont bénéficié de la mise au point de conduite des
mirabelles en forme basse par les centres d’expérimentation fruitiers (INRA, Association Régionale
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 65
d’Expérimentation Fruitière de l’Est, ...). On y trouve des « vergers modernes » en plus grande proportion.
On notera que la densité de plantation de ces nouveaux vergers est le double de celles des vergers de haute
tige : les plantations se font toujours à 4m x 8m soit 250-300 arbres/ha, au lieu de 100 à 150 en verger de
haute tige, mais n’atteignent pas les 500 à 650 arbres/ha des vergers intensifs. La production d’herbe est
possible entre les rangs.
3.1.4 Prise en compte de l’agroforesterie dans les politiques locales
3.1.4.1 Définition des priorités d’action
Des Opérations programmées pour sauver les vergers villageois
En 1997, après plusieurs actions ponctuelles, l’association Meuse Nature Environnement engage les
premières opérations programmées d’amélioration des vergers (OPAV). Elles s’inspirent des OPAH
menées sur l’Habitat, et qui ont considérablement valorisé le patrimoine architectural des villages et des
villes de Meuse.
La problématique : un patrimoine fruitier et paysager menacé
Composantes identitaire forte des paysages meusiens, les vergers de haute tige familiaux disparaissent par
enfrichement (baisse démographique, évolution des modes de vie ruraux et agricoles…). Pourtant les attentes
de la population sont fortes : volonté de se réapproprier leur histoire, conserver les savoir-faire locaux,
reconnaître les anciennes variétés afin de transmettre un savoir et des techniques aux générations futures.
L’association a donc imaginé des actions similaires visant à réhabiliter les vergers traditionnels qui
ceinturent les villages ou qui accompagnent parfois encore les fermes.
Mené à l’échelle d’une collectivité locale, les communes au début puis progressivement des communautés de
communes, ces OPAV visent à dynamiser la préservation des vergers familiaux (villageois ou agricoles) à
travers d’actions :
de sensibilisation : stages de formation tous publics (taille, greffe, soins aux arbres…),
d’animation auprès des élus (réunions publiques), de permanences-conseils pour les particuliers ;
et de plantation (conseil, mise en œuvre, suivi).
Ces premières OPAV ont pu être réalisées dans le cadre de financements variés (subvention départementale,
FGER, FEOGA, Leader II). Le soutien de l’Europe a permis un réel développement de l’expérimentation au
niveau du département ou à l’échelle d’une vallée entière. Ceci traduit l’intérêt porté par ces acteurs locaux à
la préservation de ce patrimoine paysager, mais aussi la difficulté d’inscrire les actions dans le temps.
Après 5 ans de mise à l’épreuve, les premiers projets, menés en développement local, voient le jour. Pris en
charge administrativement et aussi financièrement (10 % des dépenses) par les communautés de communes,
ils reçoivent l’aide du Conseil général de la Meuse à hauteur de 50 %. Le complément est apporté par le
propriétaire (40 %).
L’opération comprend une phase d’animation de réunion publique à l’échelle communale, où se retrouvent
les élus, les associations locales et les particuliers, y compris des agriculteurs. Les réunions permettent
d’échanger les points de vue et de sensibiliser, afin de préparer l’action sur le terrain.
Les OPAV comprennent la replantation et/ou la restauration des arbres fruitiers. La plantation est réalisée
par le propriétaire sous le conseil de l’association, qui en contrôle la bonne exécution.
La restauration des arbres fruitiers est menée dans le cadre de chantiers d’insertion. Concrètement, il s’agit
de plusieurs personnes (2 personnes au départ, 7 aujourd’hui), appartenant à une section de Meuse Nature
Environnement, qui réalisent les travaux de tailles sur les vieux arbres.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 66
Ce travail de rénovation des vergers est facturé 60 F/heure au propriétaire, le Conseil général apportant le
complément (conseil, animation).
Bilans et perspectives
Depuis 1990, 80 communes ont participé aux actions « vergers » de l’association. A l’heure actuelle, Meuse
Nature Environnement conduit 20 OPAV sur l’ensemble du département de la Meuse.
12 communes sont concernées en vallées de l’Ornain et de la Saulx (Sud-Ouest du département), d’autres
sont lancés au niveau intercommunal (Pays de Révigny). Cette dynamique intercommunale s’affirme
progressivement dans ce programme.
Les OPAV ont permis de replanter 1 000 arbres et d’en rénover également 1 000.
Les OPAV ont aussi permis de créer une quinzaine de « verger-conservatoire » dans les communes
(cf. § Actions de formation).
Au cours de ces OPAV, le travail de terrain a permis de recenser environ 500 variétés de pommes,
200 variétés de prunes et 100 variétés de poires en Meuse. La tache est immense, à tel point qu’elle est
décourageante pour certains : de nombreuses variétés restent à déterminer, et toutes les vallées ne sont pas
enquêtées.
Volet emplois créés
Ces actions ont permis d’insérer une dizaine de personnes en 5 ans. Maintenant Meuse Nature
Environnement dispose de 2 ou 3 équipes de taille pouvant intervenir sur les vergers du département.
Dans le sud-est de la Meuse, le travail de sensibilisation commence à porter ces fruits. Il est possible
d’envisager le financement d’un poste de suivi et animation des vergers sur l’ensemble des structures
communales ou intercommunales.
Vers des actions de valorisation économique
Meuse Nature Environnement envisage aussi de valoriser le patrimoine fruitier contenu dans les vergers
familiaux, qui apparaît maintenant comme le moyen de dynamiser les actions de sauvegarde du patrimoine
fruitier et de la place de ces vergers dans le paysage lorrain.
Pour cela, elle imagine l’acquisition de matériels de transformation (jus de pomme) par les communes pour
leur besoin propre (valorisation des vergers conservatoires) ou les animations (école, fête du village, etc.).
Cette idée s’inspire du fonctionnement de la SARL « Meuse-jus de pommes » qui, depuis 1995, a mis en
place 3 ateliers (2 en Meuse, 1 en Belgique) pour valoriser les fruits des vergers familiaux. Le principe est
simple : chaque propriétaire apporte ses pommes à l’atelier, et repart avec du jus de pommes pasteurisé et
capsulé, en échange de 3,90 F / litre. Le paiement peut être remplacé par le troc, le propriétaire cède alors
une partie de sa production. Cette action connaît un large succès et incite bon nombre de personnes à
maintenir et entretenir les vieux vergers.
La société « Meuse-jus de pommes » réalise aussi sa propre production à partir de ces vergers, et transforme
aussi une partie des fruits des professionnels. Les 2 ateliers de la Meuse fonctionnent toute l’année et
produisent 600 000 bouteilles par an.
Les responsables de l’association regrettent de ne pas avoir encore pu intervenir auprès des agriculteurs de la
Meuse. Cette difficulté a mener des opérations des actions avec les agriculteurs s’explique par l’historique de
l’association de protection de l’environnement, par la présence d’une filière importante de valorisation des
vergers de haute tige, notamment dans les cotes de Meuse (centre du département).
Meuse Nature Environnement rappelle que 50 % de la production commercialisée de mirabelles est apportée
par des producteurs indépendants, qu’il soit agriculteurs ou particuliers.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 67
Des coopératives de producteurs pour relancer la « Mirabelle de Lorraine »
L’une des coopératives arboricoles est située à Cugney-aux-Aulx. Elle regroupe 45 producteurs répartis à la
limite des Vosges et de la Meurthe-et-Moselle. Elle représente environ 300 ha de vergers fruitiers, et collecte
1.500 tonnes de fruits (90 % de mirabelles de Nancy et 10 % de quetsches).
Historique du mouvement coopératif des producteurs
Cette coopérative a été créée en 1980 afin de relancer une filière qui traversait une crise profonde. La
production lorraine n’avait pas en effet cessé de chuter depuis 40 ans, passant de 45.000 tonnes vers 1940 à
moins de 6.000 tonnes au début des années 1980.
Pour sauvegarder cette production spécifiquement lorraine, les agriculteurs avec l’appui des organismes
professionnels ont donc mis en place des coopératives de collecte des fruits dans le but de s’attaquer au
marché industriel. La coopérative par son poids permet de défendre plus facilement les intérêts des
agriculteurs, notamment dans la négociation des prix ou des cahiers des charges, face aux entreprises
industrielles de transformation des fruits.
Le système coopératif permet de respecter plus sûrement les contrats passés avec les industries, notamment
dans le respect des dates de livraison, des quantités fournies et de la qualité des produits.
Deux autres coopératives (Vergers lorrains dans le nord de la Meurthe-et-Moselle, « Côtes de Meuse » en
Meuse) existent également en Lorraine. Ces trois coopératives représentant l’ensemble des « agriculteurs-
arboriculteurs » professionnels se sont regroupées récemment au sein du groupe Véga Fruits, toujours dans le
but de défendre les agriculteurs face à des industries de plus en plus concentrées. Véga Fruits représente
environ 1.000 ha de vergers appartenant à 200 propriétaires, et une production de 6.000 à 7.000 tonnes de
fruits selon les années.
Des résultats : les points forts de ce mouvement coopératif
L’une des principales réussite de ces 3 coopératives de collecte a été de pouvoir redonner une place
importante à la Mirabelle. La production des vergers de Lorraine a doublé en 20 ans, pour atteindre 12.000
tonnes en 1999.
Or, la mirabelle, qui arrive sur les étalages en fin d’été, est en concurrence avec les prunes de type Reine-
Claude (région Ouest, Ile-de-France, et Nord) mais aussi avec le raisin. Pourtant, dans presque toutes les
régions, la part de marché de la mirabelle de Lorraine est en augmentation, y compris dans le sud de la
France.
On notera toutefois que cette reconquête est orientée vers le marché (ou débouché) industriel, ce qui
implique des négociations délicates entre producteurs et les transformateurs - distributeurs. La réussite de ce
pari a été dans la capacité d’une grande partie des producteurs de se regrouper pour faire bloc face à
l’industrie.
Un contexte socio-économique favorable et surtout stable
Témoin de cette réussite, le prix d’achat aux producteurs : 3 F/kg pour le « fruit de bouche » et
1 à 1,80 F/kg pour le fruit déclassé destiné à la distillation ou la confiturerie. Il est constant depuis 20 ans,
avec même une légère augmentation ces 5 dernières années, alors que le contexte arboricole s’inscrit plutôt
dans une dynamique de baisse (parfois forte) du prix des produits.
La baisse aussi des cours du lait, dans une région de grande production, notamment en Meuse et dans les
Vosges, explique que l’augmentation régulièrement du nombre de producteurs depuis 20 ans.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 68
La mise en place de label de qualité
Label Rouge « Mirabelle de Lorraine »
En 1999, ce label est la garantie officielle de qualité supérieure des Mirabelles de Lorraine. Il assure une
qualité gustative supérieure, la traçabilité à tous les niveaux de la production aux consommateurs.
5 à 6 % de la production de Véga Fruits est en Label Rouge. Le cahier des charges de conduite du verger est
le même que pour l’IGP, seules des exigences de qualité supplémentaires sont demandées (bonne maturité du
fruit, teneur en sucre, aspect du fruit, ...). Ce Label ne concerne bien sûr que les fruits de bouche vendus en
frais.
La protection IGP « Mirabelle de Lorraine »
Depuis 1996, l’identification géographique de protégée (IGP) identifie et protège les mirabelles de Lorraine.
Les cueillettes sont soumises à un contrôle rigoureux qui correspond à un cahier des charges accepté par les
producteurs. Les « Mirabelles de Lorraine » sont, avec les « Poires et les pommes de Savoie », les premiers
fruits français à obtenir l’IGP.
L’IGP « Mirabelles de Lorraine » garantie :
un fruit avec un taux minimal de sucre,
un fruit cueilli à maturité, garant de qualité gustative,
un fruit impeccable, d’un calibre de 22 mm,
un fruit sain, sûr, cueilli dans un verger identifié.
Cette IGP « Mirabelles de Lorraine » est gérée par l’association de « Promotion de la Mirabelle de
Lorraine ». Véga Fruit est entièrement certifiée par cette marque. Actuellement, cette marque fait l’objet
de tension entre les producteurs et la DGCCRF. Cette dernière ne reconnaît le nom que pour les fruits
frais et pas pour les fruits transformés. Il s’agit là d’une divergence dans l’interprétation des textes.
Label de l’Environnement pour la sauvegarde des paysages ruraux
Obtenu en 1995, ce Label récompense les efforts de reconquête des paysages ruraux, initiative du
ministère de l’Environnement. Il reconnaît ainsi le travail des producteurs qui ont planté de nouveaux
vergers. Cependant, on peut regretter que dans de nombreuses communes les vergers intensifs ont
remplacé les verger traditionnels de haute tige, sauf sur les communes de Jorxey, Florémont, …
Label Agriculture biologique (1997)
Environ 70 ha sont en conversion bio à Véga Fruits (sur 1 000 ha). D’après les responsables de la filière,
la « bio » est très délicate a géré avec la mirabelle (extrêmement difficile de s’affranchir des traitements
phytosanitaires) sauf pour les produits destinés à la pulpe ou la distillation.
Point faible : un système agroforestier de vergers de haute tige en net recul
Dans les années 1980-1985, quelques agriculteurs ont tenté des replantations en pré-verger de haute tige,
mais les échecs semblent avoir été nombreux aux dires des professionnels. Il s’agissait souvent de
moutonniers, dont les troupeaux ont causé des dégâts importants sur les arbres.
L’autre problème technique est la forte sensibilité des moutons au cuivre : des cheptels ont été intoxiqués par
le traitement à la ‘bouillie bordelaise’ appliqué sur les arbres, qui apparaît indispensable même en verger
extensif. Les solutions mises en œuvre, comme le pâturage hors des périodes de traitement, se sont avérées
insuffisantes car délicates à gérer par l’exploitant, sans résoudre le problème du stockage de cuivre dans le
sol et les fourrages. Avec le cheptel bovin, des problèmes similaires de protection des arbres sont apparus
(avec plus d’acuité), avec en plus le problème de l’abroutissement des branches basses situées à moins de 2
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 69
m du sol. Les pertes de production sont estimées à 50 % environ par rapport au système verger de haute tige
pur (sans pâturage).
Les plantations de pré-verger représentaient 90 % de la production de la coopérative, il y a 20 ans, avec 200
ha environ, et seulement 100 ha de jeunes vergers non encore en production. Aujourd’hui, la situation s’est
inversée.
Aujourd’hui, avec 60 ha, ces pré-vergers ne représentent plus que 20 % des surfaces, contre 240 ha de
vergers modernes (1/2 tige ou basse tige).
De plus, ils sont dans un état de délabrement (vieillissement, manque d’entretien de taille et sanitaire,
éclaircissage par mort des arbres ou tempête...).
Le pays de Cugney-aux-Aulx a bénéficié en 1994 du « Label de Paysage » du ministère de l’Environnement.
Si les élus locaux ont pris conscience de l’atout paysager des pré-vergers de mirabelliers en terme de
développement agro-touristique, ceci ne s’est pas traduit par la relance des pratiques agroforestières. Au
contraire, les producteurs organisés, dits « professionnels », misent exclusivement sur le verger intensif, en
occultant les intérêts des vergers traditionnels.
Des contraintes à la production : une période de récolte très concentrée
La totalité du verger de production (verger de haute tige ou basse tige) est donc un verger récent et moderne,
résultat d’un travail d’amélioration (sélection) variétal. La conséquence du choix de 2 seuls clones de
Mirabelle de Nancy se traduit par une concentration forte de la période de récolte (3 semaines en août pour la
mirabelle, et 3 semaines en septembre pour la quetsche). Les producteurs professionnels et les organismes de
conseil (AREFE notamment) recherchent donc à élargir la palette de clones afin d’étaler cette période de
production et atténuer ainsi cette surcharge de travail. Or, ceci passe nécessairement par le repérage et
l’évaluation de clones issus d’arbres de vergers anciens, principalement d’amateurs ou des pré-vergers.
Les débouchés selon les variétés.
La Quetsche est commercialisée en frais ou dans l’industrie de transformation (pulpe, confiture, ...).
La Mirabelle de Metz, de très petit calibre, est entièrement destinée à la distillation, mais elle ne représente
que 1 % du volume de fruits à distiller. La Mirabelle de Nancy (fruits déclassés vendus en tout-venant)
représente en effet la quasi totalité des 5.000 à 6.000 tonnes des mirabelles distillées. 80 % des fruits de
distillation proviennent des vergers des producteurs indépendants (filière non organisée) ou des amateurs
(verger familial de particulier ou d’agriculteur).
La Mirabelle de Nancy est commercialisée en frais ou alimente l’industrie de transformation.
Typologie des producteurs de mirabelles
Dans la coopérative des coteaux lorrains, le verger représente entre 30 et 50 % de la production de
l’exploitant selon les années. La surface est en moyenne de 5 ha de verger pour une exploitation de
80 ha de SAU/UTH en moyenne. La surface des vergers dans l’exploitation varie de 2 à 30 ha pour les
GAEC, mais le verger est très morcelé. Ceci provient en partie de l’histoire (remplacement des vignes) mais
aussi répond aux contraintes climatiques (gel locaux) et d’exposition.
Les producteurs adhérents sont majoritairement agriculteurs à titre principal, mais 15 % sont des doubles
actifs (30 sur 200 adhérents à Véga Fruits). Il s’agit alors soit de fonctionnaires, soit de retraités (agricoles ou
non agricoles) qui possèdent un ou des pré-vergers.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 70
3.1.4.2 Financement des actions de plantations
Une prise de conscience récente suite à la tempête de décembre 1999
Suite aux dégâts de la tempête en région Lorraine, la préservation des vergers traditionnels et des variétés
qu’ils recèlent est revenu au centre des préoccupations des acteurs régionaux et départementaux.
Le Parc de Lorraine, ainsi que les collectivités territoriales (Région Lorraine, Moselle, Meuse et Vosges) ont
ainsi engagé une action qui vise à restaurer les vergers de haute tige. Le Parc est en train de mener une étude
sur son territoire, qui préparera des opérations de restauration à venir.
La politique de replantation des vergers de haute tige en Moselle
Le département de la Moselle vient de voter une aide spécifique à la replantation des arbres fruitiers arrachés
lors de la tempête de décembre 1999. En effet, on estime qu’environ 76.000 arbres de haute tige ont été
déracinés dans le département.
Le Département a donc mis en place une mesure de restauration de ces arbres éligible uniquement aux
personnes ayant subi ce phénomène. Chaque propriétaire, particulier ou agriculteur, peut faire une
déclaration de sinistre auprès du Conseil général en indiquant le nombre d’arbres arrachés et le nombre
d’arbres qu’il souhaite replanter. Il doit choisir parmi une liste de 20 variétés de pommes locales.
Les demandes ainsi recueillies représentent près de 70.000 arbres dont 25.000 mirabelliers, soit un budget
estimé à 3 MF. Le Département souhaiterait engager les plantations dès cet automne, mais il apparaît
difficile de s’approvisionner en variétés anciennes auprès des pépiniéristes locaux. Il semble donc que les
replantations seront réalisées à partir de 2001 et s’étaleront sur 3 à 5 ans, temps nécessaire pour récolter
suffisamment de greffons et pour obtenir des arbres préformés.
La principale difficulté de cette action concerne les mirabelliers et les quetsches. En effet, les pépiniéristes
locaux et régionaux travaillent sur un nombre très limité de clones (2 pour la mirabelle de Metz !). Il n’est
donc pas satisfaisant de restaurer 25.000 mirabelliers à partir de ces deux seuls clones. Il est donc nécessaire
d’engager un travail de recensement des souches anciennes de mirabelles, puis de collecter ces greffons à
l’échelle du département, afin de préserver autant que possible la diversité génétique qui règne au sein de la
population des mirabelles de Metz. Ceci ralentira certainement la finalisation de ce programme.
Département de la Meuse
Le conseil général de la Meuse s’est engagé à financer 50 % du coût de fourniture des plants, après
déclaration préalable des agriculteurs (hors vergers de production) et des particuliers. Mais le département
n’a pas encore décidé si les fonds nécessaires (200.000 F pendant 3 ans) seront pris sur ses crédits propres ou
sur les crédits supplémentaires après tempête inscrits aux Contrat de Plan Etat-Région.
Concernant la filière professionnelle, la tempête a causé d’avantage de dégâts dans les côtes de Meuse par
rapport aux autres centres de production lorrains, car une grande partie du verger est installée en haute tige.
Dans le sud de la Meuse, les nombreux vergers d’amateurs ont été très fortement touchés.
Aides dans les Vosges
Le Conseil général des Vosges a voté un budget de 2 MF pour la replantation des vergers familiaux abattus,
dont 60.000 F pour un greffage massif. Cette opération est animée par la Chambre d’agriculture et le CFPPA.
Comme dans les autres départements, le financement représente 50 % du coût de l’arbre, avec au minimum
10 arbres plantés par propriétaire.
Par ailleurs, les Vosges se sont aussi engagées en votant des crédits de 30.000 F pour inciter les OPAV à
destination des collectivités locales, dont la mise en œuvre est confiée à Meuse Nature Environnement.
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Le cas de la Meurthe et Moselle
Le Département de la Meurthe-et-Moselle privilégie les actions de sensibilisation auprès des scolaires
(Maison de l’environnement), et n’a pas mis en œuvre de programme d’incitation financier.
Le cas de la filière des agriculteurs professionnels
Il est surprenant de constater que, contrairement aux amateurs, la tempête n’a pas déclenchée de demande de
plantation de verger de production par de nouveaux agriculteurs. Les organismes professionnels cherchent à
inciter les agriculteurs dans ce sens, mais aussi en demandant à la DDAF de doubler pendant 3 ans les aides
agricoles à la plantation (10.000 F/ha pour un agriculteur, 12.000 F pour un jeune agriculteur).
Cependant, ces négociations ont peu de chance d’aboutir, surtout que la tempête a fortement touché le verger
de haute tige (pré-verger ou verger pur), et pas le verger de basse tige.
La baisse de production est d’environ 30 à 40 % cette année par rapport à 1999. Elle ne touche pratiquement
pas les filières de transformation ou de vente en frais (issu des vergers purs ou intensifs). Toute la baisse de
production concerne l’industrie de distillation, où la chute de production
atteindrait 70 %.
Ceci met en évidence l’intérêt économique des vieux vergers de haute tige qui produisent la grande
majorité des fruits de distillation (calibre plus hétérogène, maturité moins bien contrôlée ou exposition
plus difficile). Ce déficit impressionnant de production de fruits tout-venant pourrait être partiellement
compensé par la revalorisation des vergers d’amateurs jusqu ‘alors oubliés, mais cette volonté va se heurter à
la multitude des propriétaires qui, en plus, ne sont pas référencés.
3.1.4.3 Financement des actions d’entretien, restauration
Les seules actions de restauration des vergers de haute tige sont menées par Meuse Nature Environnement
dans le cadre des OPAV. L’extension au plan régional de ce programme va certainement dynamiser les
acteurs locaux et sensibiliser le grand public à l’intérêt paysager, culturel et économique des vergers
familiaux.
3.1.4.4 Moyens de suivi et d'évaluation
Les producteurs de mirabelles sont suivis par les techniciens de la chambre d’Agriculture s’ils appartiennent
produisent dans les vergers de basse tige ou demi-tige.
3.1.4.5 Etudes réalisées sur le thème
Suite à la tempête de décembre 1999, le PNR de Lorraine vient d’engager une première étude (en cours)
permettant de caractériser les types de vergers existants, de mettre en avant les enjeux paysagers, écologiques
et biologiques (au plan des variétés fruitières), de dégager les problématiques (faune, flore, paysage, statut
des parcelles).
L’étude en cours vise donc à réaliser un inventaire des vergers actuels à l’aide de photos aériennes, puis d’un
repérage sur le terrain des divers types de vergers (1 jour / commune) sur 11 communes. Chaque verger est
décrit (nombre d’arbres, surface, état sanitaire global), puis localisé sur une carte, et le niveau de gestion de
la prairie est précisé (pâture, fauche, enfrichement, ...).
Les divers types de vergers répertoriés sont, en référence à une étude menée par le PNR des Vosges du
Nord :
le verger-jardin est situé autour des villages et hameaux : les arbres sont dans le jardin familial ;
le pré-verger est un verger de production à faible densité (<100 arbres/ha) ;
le verger-prairie est un verger enherbé plus dense (150 à 200 arbres/ha), plus récent, où la production
d’herbe est secondaire et n’est d’ailleurs pas systématiquement valorisée (girobroyage) ;
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enfin le verger pur est le verger moderne, conduit en forme basse à forte densité
(jusqu’à 400 arbres/ha). Il est généralement enherbé, mais il n’y a jamais valorisation de l’herbe.
Les vergers-prairies sont très présents sur le territoire du Parc.
Certes, pour le Parc, le verger n’est pas en soi un espace écologique remarquable, toutefois il peut abriter des
espèces sensibles. Des possibilités d’actions à caractère environnemental peuvent donc être menées, même
s’il est difficile de trouver un cadre (financier, technique) pour agir sur des espaces qui relève de milieu
naturel « commun ».
Il est aussi difficile, pour les animateurs du parc, actuellement de proposer des solutions aux propriétaires de
vergers familiaux, qu’ils soient agriculteurs ou non, afin de répondre à leurs interrogations techniques
(modalités d’entretien, conduite du verger, restauration des arbres, ...) ou de résoudre les hiatus juridiques
(conflit entre la présence de l’arbre et les primes PAC par exemple).
Or, à l’issue de cette étude, il s’agit bien de mettre en œuvre des mesures incitatives pour préserver ce
patrimoine : actions de plantation et de restauration, animation et conseils techniques, soutien financier. À ce
jour des moyens financiers sont recherchés par le biais notamment du Contrat de Plan Etat-Région afin de
mener ce programme.
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3.1.5 Les actions menées en Lorraine
3.1.5.1 Les moyens financiers
Les actions de replantation des arbres dans les vergers traditionnels dans le cadre des OPAV représentent un
budget de 200.000 F (y compris animation). L’aide du Conseil général de la Meuse (20.000 F) et des
communautés de communes (15.000 F), a ensuite été relayée par le FGER (50.000 F), le FEOGA (35.000 F)
et le programme Leader.
Pour les actions de rénovation (1.000 arbres), le montant est de l’ordre de 250.000 F financé par ces mêmes
lignes budgétaires et dans les mêmes proportions. Notons que 50 % du coût de la rénovation est pris en
charge par le propriétaire.
Les prochains OPAV seront financés dans le cadre du programme régional.
3.1.5.2 Actions de formation, d’animation ou de communication engagées
Département de Meurthe-et-Moselle : une politique axée sur la sensibilisation.
Ce Département estime en effet qu’il existe des moyens de financements autres (notamment de type agricole)
pour répondre à la préservation du patrimoine fruitier, et que la mission d’un Département doit être avant
tout de sensibiliser à la préservation de l’environnement sans forcement aider directement à la plantation.
Cette analyse n’interdit d’ailleurs pas le Conseil général d’agir en partenariat avec le Parc naturel régional de
Lorraine, sur des actions ponctuelles de replantation. Il est aussi évident que la récente tempête risque de
modifier quelques peu cette position.
Un verger de démonstration dans le PNR de Lorraine
Le Parc de Lorraine a suivi une opération d’aménagement foncier sur la commune de Villesen sur Maine au
cours de laquelle la municipalité a réservé une parcelle pour créer un verger Conservatoire qui regroupe 200
variétés de fruits. Les arboriculteurs, le Centre technique inter-professionnel des fruits et légumes (CTIFL),
et l’Association régionale d’expérimentation fruitière de l’Est (AREFE) sont partenaires. Depuis 1997, ce
verger est un support d’animation et de sensibilisation au patrimoine fruitier. Ce verger « témoin », qui
regroupe la plupart des variétés de la vallée du Hainan, a reçu le concours des Croqueurs de Pommes. Elle
sert d’espace de démonstration et de sensibilisation pour les enfants et aussi pour le grand public. Son but est
aussi de sélectionner les meilleures anciennes variétés, améliorer la qualité de la production et adapter la
mirabelle à diverses utilisations (fruit frais, transformé, distillé, surgelé…).
Création de 15 vergers communaux en Meuse
Dans le cadre des OPAV, 15 vergers collectifs (le terrain appartient à la commune) sont des lieux de
sensibilisation idéaux, notamment pour les enfants (travail en relation avec les écoles et les collèges). Ils sont
aussi le lieu de démonstration de manifestations, notamment de journées de découverte du patrimoine fruitier
local ; chaque verger conserve un échantillon des variétés locales (identifiées avec certitude ou pas).
À terme, ces « vergers conservatoires » permettront de mener des actions et des démonstrations locales de
valorisation des vergers. Déjà, ces vergers sont suivis par des équipes locales (association un élu, l’école et
un agriculteur à la retraite) qui préparent ce travail à long terme.
Moselle : aide aux associations de « Bouilleurs de crus »
Le département de la Moselle soutient aussi dans une certaine mesure les associations arboricoles de
« bouilleurs de crus » en leur octroyant une subvention annuelle, mais qui reste symbolique (10 KF / an
environ). Il n’y a en effet pas d’aides directes à la plantation, ni pour les associations, ni pour les particuliers
(hors mesures spéciales « tempête »).
Mise en forme : Puces et numéros
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Un programme régional pour sauvegarder le verger traditionnel de mirabelle
Meuse Nature Environnement vient d’être chargée par le Conseil régional de Lorraine d’animer un réseau
régional « verger familiaux et villageois » et de développer les actions à l’échelle régionale. Cette mission
régionale vise à reproduire la dynamique sur la plantation et l’entretien des vergers familiaux menée par cette
association, mais à l’échelle régionale cette fois. Pour cela, l’animateur régional (David Merlier) s’appuiera
sur les structures existantes dans les 3 autres départements lorrains (PNR de Lorraine, AREFE, CDEF en
Moselle, ...). L’équivalent d’un demi-poste est financé dans le cadre du contrat de plan Etat-Région, ainsi
que par les collectivités qui s’engageront dans les OPAV en Lorraine.
La difficulté majeure de la mise en œuvre de ce programme régional réside dans l’absence d’équipes locales
dans les Vosges, la Meurthe-et-Moselle et la Moselle, capables de conseiller, tailler et accompagner les
projets des particuliers.
À l’inverse, on peut supposer que le démarrage de ces « OPAV régionales » sera certainement plus rapide
que dans la Meuse, car les autres départements lorrains ont une tradition arboricole plus affirmée. En fait, il
existe aujourd’hui une demande non satisfaite même si elle était résolue par des actions ponctuelles
d’animation, de conseils ou de replantation. Mais, ce qui a séduit les départements et la région, c’est la
cohérence globale de l’action, qui intègre tous ces aspects sur un territoire bien défini (commune,
communauté de commune).
3.1.5.3 Évaluation des surfaces plantées, entretenues ou restaurées
Plantations et restauration en Meuse
Environ 1.000 arbres fruitiers ont été replanté, et 1.000 autres rénovés dans le cadre des OPAV,
principalement en collaboration avec des communes et une communauté de communes. Des opérations plus
ponctuelles ont aussi permis de replanter plusieurs centaines de fruitiers (moins de 500 arbres).
Plantations de fruitiers en Moselle
Le CDEF vend en moyenne 200 arbres fruitiers à destination des particuliers, mais il ne s’agit pas toujours
d’arbres de haute tige (moins de 60 %). Toutefois, cette action constitue à renouveler le verger familial
mosellan.
La société des « producteurs de fruits du Mosellan » vend 20 000 arbres fruitiers par an aux professionnels
mais aussi aux amateurs. En effet, ils se fournissent auprès de plusieurs pépiniéristes, permettant ainsi
d’offrir un large choix de variétés, notamment anciennes. Une grande majorité des plantations concernent
cependant les arboriculteurs professionnels (80 %) qui travaille avec des porte-greffe nanifiant, mais il reste
tout de même 3.000 à 4.000 arbres vendus aux amateurs.
3.1.5.4 Opérations particulières
Actions de protection des vergers villageois
Consulté lors de chaque procédure d’aménagement foncier (remembrement, modification du POS), le Parc
de Lorraine agit donc principalement pour préserver les vergers de village, véritable identité paysagère et
culturelle de la Lorraine. En effet, sous la pression de l’urbanisme, ces ceintures végétales autour des villages
sont très souvent menacées. Les vergers et les jardins peuvent très rapidement devenir des parcelles
urbanisables. Ce travail de sensibilisation des élus locaux est mené avec le soutien des CAUE, qui
interviennent aussi le bâti.
Les associations arboricoles de l’est mosellan
En Moselle, comme en Lorraine et de l’Alsace, il existe une centaine d’associations arboricoles qui,
particularité de, ont le droit de transformer les fruits, et surtout de posséder un alambic et de distiller un
quota d’eau de vie de mirabelle et de quetsche essentiellement (« association de bouilleur de crue »). Il s’agit
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donc d’un milieu associatif, atypique et particulièrement dynamique, qui regroupe des agriculteurs et aussi
des particuliers. Parmi ces associations, 15 d’entre elle ont créées, depuis 1977, des « vergers associatifs ».
Le principe : planter sur un espace collectif, gérée par une association, des arbres fruitiers (pommiers,
mirabelliers principalement). Chaque membre de l’association possède de 1 à quelques dizaines d’arbres,
clairement identifiées. Les membres de l’association viennent récolter les fruits des arbres qui leur
appartiennent au sein du verger. Chaque membre s’engage à participer aux travaux d’entretien du verger :
taille, fauchage, traitement phytosanitaire...
Un Centre d’Expérimentation Fruitier en Moselle
Le Département de la Moselle investit, depuis 1995, 1,3 MF par an pour le fonctionnement du CDEF, sur un
budget de fonctionnement de 2 MF. Le Conseil Général a mis a disposition gratuitement un site de 15 ha,
aujourd’hui planté de 5 ha d’espaces arboricoles et 2 ha de vignes. Le Département a aussi subventionné la
création des bâtiments (bureau technique, stockage, accueil du public, transformation, vente…).
Objectif : un travail d’expérimentation
Il est mené depuis plus de 5 ans afin de conseiller les producteurs arboricoles professionnels (quasi
exclusivement en verger classique). Ce travail n’est pas pratiqué sur les variétés anciennes ou régionales, à
l’exception de 2 ou 3 variétés de pommes qui apparaissent comme intéressantes (cf. infra).
Le CDEF observe la tolérance des variétés récentes ou nationales aux maladies, et mène des tests sur les
systèmes de conduite des arbres (forme basse et 1/2 tige), et aussi sur les porte-greffe.
Ce travail d’expérimentation est destiné à plusieurs publics :
1. Pour l’amateur, une étude sur 4 porte-greffes nanifiant est en cours, car paradoxalement les particuliers
sont de plus en plus demandeurs de variétés anciennes en forme basse. En effet, ceci leur permet de
planter plus d’arbres sur des parcelles urbaines et des jardins de plus en plus petits.
2. Pour les arboriculteurs professionnels, le CDEF mène un travail sur la conduite des arbres (taille,
éclaircissage, ...) et teste les variétés.
3. Pour les associations arboricoles, le Centre travaille sur la résistance des variétés modernes, le
comportement des variétés anciennes, et expérimente sur les traitements phytosanitaires (y compris lutte
intégrée ou biologique).
Actions et fonctionnement du CDEF
Le CDEF procède aussi une mission d’accueil du public, ainsi que de commercialisation des fruits (réalisée à
95 % sur place en direct). En 1999, le Centre a ainsi produit 140 tonnes de fruits en frais,
transformé 7 000 litres de jus de pomme dans un atelier du canton (vendu 12 F le litre) et 6 à 8 tonnes de
raisins transformés en vin sur place (VDQS Vin de Moselle).
Cette activité commerciale représente 90 % de l’autofinancement de la structure (700 à 800 kF). Le reste de
l’autofinancement provient des actions de formations et de la vente de jeunes plants (200 plants en 2000). La
particularité de cette production de plants est qu’elle est faite à façon, c’est-à-dire que chaque particulier, ou
agriculteur, peut apporter les greffons qu’il a recueilli et qu’il souhaite replanter chez lui. Après une ou deux
années de pépinière, la personne achète l’arbre porteur du greffon.
Vente directe et « greffage à façon » sont deux manières de mieux faire connaître l’action de CDEF, et
notamment le travail de recensement des variétés locales ou anciennes. Ce travail d’inventaire des variétés
anciennes du département n’est pas systématique, essentiellement par manque de moyen humain. Mais les
échanges de plus en plus nombreux avec les particuliers, le développement d’un réseau de ‘moniteurs’ qui
assistent les associations arboricoles, a permis de créer un verger conservatoire
de 300 variétés de pommes, 50 poires. Mais ce travail n’est qu’à ces débuts : seul 1/3 des variétés sont
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identifiées, et le patrimoine fruitier mosellan est loin d’être entièrement découvert. Le CDEF centralise ainsi
l’ensemble des informations relatives aux variétés présentes en Moselle.
Perspectives
Le CDEF cherche à développer la production d’une variété de pomme particulière, la Rembourg, qui possède
une longue histoire régionale (encore très vivace dans l’esprit des mosellans) et reconnue pour ses intérêts
gustatifs et de production.
Il sensibilise donc les arboriculteurs à cette pomme qui peut diversifier la production locale en retrouvant des
fruits de terroir. À ce jour, 3 producteurs semblent intéressés, mais reste à définir un cadre réglementaire
pour faire reconnaître cette production typique (label, AOC, ou autre).
Vosges : des vergers sur les accotements routiers
Dans les Vosges, le CAUE réalise un travail d’intégration des plantations d’arbres fruitiers le long des routes
et dans les délaissés routiers. En fait, cette opération s’inspire des alignements de fruitiers de haute tige que
l’on trouvait régulièrement sur le long des routes vosgiennes et alsaciennes il y a moins
de 30 ans.
Le CAUE a recensé près de 30 ha d’espace routier qui pourrait faire l’objet d’un tel aménagement. Mené en
étroite relation avec la DDE des Vosges, ce programme a déjà permis de planter 2 ha d’accotement routier
avec des vergers classiques et denses (1/2 tige) à base de variétés nationales ou modernes à jus.
Mais les prochaines plantations devraient vraisemblablement intégrer des arbres de haute tige porteurs de
variétés anciennes. En plus de l’intérêt paysager, on voit ainsi l’intérêt économique (production et
valorisation) que suscitent ces nouveaux vergers. Il s’agit aussi de projets collectifs, portés soit par une
commune, mais aussi par une association d’insertion qui a mis en œuvre les premiers vergers d’un nouveau
type.
Techniquement, le CAUE (fonds du Conseil général des Vosges) fournit gratuitement les plants greffés en
échange de l’entretien de l’espace ainsi replanté.
On retrouve en Sarre (Allemagne), une opération similaire dans laquelle le land subventionne les vergers de
haute tige de variétés anciennes exclusivement dans un double intérêt paysager (bord de route, autour de
village) et patrimonial (conservation de variétés anciennes).
3.1.6 Conclusions
Il existe deux visions opposées sur les pré-vergers de mirabelliers en Lorraine.
Pour les collectivités territoriales et locales (départements, régions, parc…) et les associations, les vergers de
haute tige, familiaux ou professionnels, sont des éléments culturaux à forte valeur paysagère, porteur d’une
grande biodiversité variétale. Le maintien de ces structures dans le paysage lorrain peut constituer un facteur
de développement rural, de type agro-tourisme, dans une région qui ne bénéficie pas d’atouts touristiques
majeurs. D’ailleurs, les agriculteurs qui développent l’accueil à la ferme (gîte étape, vente directe de
mirabelles) préservent leurs pré-vergers, notamment autour de la ferme, sous la demande exprimée par les
visiteurs.
À l’inverse, les agriculteurs-producteurs dits « professionnels » (coopérateurs,…) ne perçoivent pas le pré-
verger comme un élément économique. Pour eux, l’un des facteur défavorable au maintien des pré-vergers de
mirabellier est la crainte de la contamination des fruits tombés au sol par des germes d’origine fécale
(déjection animale sur la parcelle pâturée). Les responsables argumentent que les normes imposées par les
industries de transformation des mirabelles et la grande distribution (fruit en frais) sont de plus en plus
contraignantes et seraient incompatibles avec le maintien d’une production issue de pré-verger.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 77
Pour la filière professionnelle organisée, la recherche d’une sécurité alimentaire de plus en plus grande
(normes nationales et européennes) serait même en contradiction avec le soutien financier de ces systèmes
agroforestiers.
Ainsi, du point de vue des débouchés, le pré-verger est défavorisé car ses fruits sont quasi-systématiquement
déclassés (qualité en tout-venant pour les distilleries) car ils répondent rarement aux cahiers des charges des
fruits de bouche (calibre, présentation du fruit, maturité) ou de la transformation (germes, maturité). Or, on
constate que les agriculteurs qui produisent en pré-verger ne font pas partie du mouvement coopératif. Ils
vendent sur le marché dit « libre », directement aux détaillants ou aux consommateurs. En dehors du circuit
industriel, ces agriculteurs ne bénéficient pas des mêmes conseils et des suivis que les agriculteurs-
coopérateurs ce qui ne favorise pas évidemment l’amélioration de la qualité de leur production.
L’exemple des « Cotes de Meuse », dont la production reposent en grande partie sur le verger de haute tige,
prouve bien que ce système n’est pas sans avenir à condition que les producteurs soient accompagnés.
Dans la perception sociale des producteurs spécialisés, le seul salut des pré-vergers à leurs yeux provient de
la qualité esthétique des paysages de pré-vergers autour des villages et des fermes. C’est dans ce seul cadre
qu’ils comprennent les aides octroyées par les départements et la Région au maintien des vergers de haute
tige.
Dans ce contexte, l’avenir des pré-vergers est compromis : les pré-vergers chez les agriculteurs adhérents aux
coopératives ne représentent plus que 25 % des vergers, contre 70 % il y a 20 ans. Les pratiques
agroforestières sont ainsi en recul. L’atout paysager ne semble pas pour l’instant suffire.
Mais l’absence de référence économique et d’approche sociale sur le système de mirabelliers de haute tige ne
permet pas aux collectivités locales et territoriales de répondre aux arguments techniques défavorables
avancés par les producteurs spécialisés.
3.1.7 Bibliographie
Chambre d’Agriculture des Vosges (1994). Pré-étude de développement local : enquête sur l’avenir du
secteur des côtes de Cugney-aux-Aulx.
Stéfany GLANCHARD (1997). La sauvegarde du verger traditionnel de haute tige : un enjeu paysager,
culturel et écologique. Conseil général du Bas-Rhin.
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3.2 RENOVA : LA REVALORISATION DES VERGERS TRADITIONNELS POUR SAUVEGARDER LES
VARIETES ANCIENNES ENTRE VALLEE DE GARONNE ET D’ARIEGE
3.2.1 Personnes enquêtées (enquête réalisée en octobre 2000)
Francis MICHAUX – Président de la Fédération RENOVA
M. OGNIER - Chambre d’agriculture Ariège
3.2.2 Les acteurs locaux et leurs rôles
3.2.2.1 Présentation des acteurs
La Fédération Rénova est maître d’ouvrage de plusieurs projets depuis sa création en 1997.
Elle regroupe des associations locales d’Ariège et de Haute-Garonne : maison de Montbrun-Bocage,
l’ACVA de Salies-Aspet, le Groupement des agriculteurs biologiques 31, l’association pomologique ‘Apiun
et Couteras’ (Couserans), Vallée vivante (Séronais), la Felle et le Creuset (Arize-Lèze), ainsi que
l’association pour les adultes et jeunes handicapés (APAJH) au titre de son centre d’aide par le travail (CAT)
de Mercenac.
Ces associations sont le relais sur le terrain des projets de la fédération.
Rénova organise des actions de prospection (recensement des vergers, identification des variétés locales…),
de rénovation des vieux arbres fruitiers, et la replantation de jeunes arbres de variétés ainsi retrouvés.
Les chambres d’Agriculture de l’Ariège et de la Haute-Garonne (St Girons, Montesquieu-Volvestre,
St Gaudens) sont également associées, en particulier à travers les programmes de formation FAFEA et
ADEPFO.
3.2.2.2 Les moyens humains mis en œuvre
- Rénova : 2 techniciennes (animation, pomologie, prospection, replantation…)
- Rénova : embauche de 30 à 40 salariés saisonniers (selon les années) équivalent à 3 à 4 temps plein
(taille des arbres).
- Chambre d’agriculture Ariège : 1/4 de poste (formation, accompagnement du projet)
3.2.3 Historique
3.2.3.1 Le fondement de l’action
Les différents terroirs pyrénéens et pré pyrénéens ont de tout temps développé une arboriculture
traditionnelle bien intégrée à la géographie, au climat et à l’agriculture de la région. Ce mouvement s’est
amplifié à la fin du siècle dernier avec le développement des communications et la diffusion de certaines
variétés de fruits régionales ou nationales.
Les arbres de plein vent plantés dans les prairies, sur les talus, ont constitué une ressource économique locale
très importante. La production était bien organisée autour des ramasseurs qui achetaient la production et
revendaient les fruits sur les marchés locaux et toulousains. Certains fruits étaient renommés comme la
châtaigne de Montfa et de Sainte Croix Volvestre. La pomme ‘Apiun’ est citée dans les dictionnaires de
pomologie du XVIIe siècle. Chacun faisait son cidre et son alcool. Un grand nombre de variétés de fruits était
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cultivé, chaque variété ayant sa justification: résistance aux maladies, durée de conservation échelonnée,
utilisation diversifiée, qualité gustative différenciée,...
Vers les années 1960, l’apparition de vergers classiques à haut rendement dans les vallées a sonné le glas de
cette économie rurale qui satisfaisait de nombreux agriculteurs.
Les vergers ont été abandonnés ou supprimés, le renouvellement des arbres ne s’est plus effectué, le savoir
faire (connaissance de variétés et des techniques : greffage, fabrication de cidre, alcool, ...) disparaît.
Au delà des apparences qui les pénalisent face aux variétés actuellement commercialisées, les vieilles
variétés locales disposent d’atouts majeurs qui devraient permettre dans les années à venir de relancer leur
production: L’utilisation de techniques respectueuses de l’environnement et de la qualité des fruits, la
diversification des goûts et des produits transformés répondent en effet à l’évolution récente du
consommateur soucieux de sa santé et amateur des parfums de terroir.
Il faut aussi parler de la place des arbres fruitiers dans le paysage, du réservoir génétique que constitue cette
richesse variétale transmise par les anciens, du rôle des femmes et des hommes de ce pays dans la conduite
de leur verger.
À ce jour ce capital naturel et ses savoirs associés sont très menacés. Les arbres sont âgés et mourants, et les
Anciens disparaissent avec leurs expériences.
Le projet RENOVA a pour objectif de sauvegarder l’existant et de préparer les conditions d’une relance de
l’économie locale sur la base de ces variétés traditionnelles.
3.2.3.2 Les partenaires et leurs expériences
Le projet Rénova est porté par un ensemble de partenaires qui ont particulièrement travaillé sur le sujet au
cours des dernières années.
1990/91: Alain Pontoppidan, pépiniériste, réalise un premier inventaire des variétés locales.
Le CAT de Montégut Plantaurel (09) plante un premier verger sur la base de cet inventaire.
1994: Création des “Tasto Poumos” qui regroupent les pomologues du Volvestre dans le cadre de la Maison
de Montbrun.
Premières actions de prospection en Couserans.
Foires et expositions à Montbrun Bocage et à Saint Girons.
1996 : Le premier atelier itinérant « Jus de pomme » est mis en place dans le cadre de la CUMA de
Montbrun Bocage.
1996/97 :
Réalisation du projet RENOVA dans le Volvestre (Cantons de Montesquieu Volvestre, Mas d’Azil,
Ste Croix Volvestre) sur financement FGER (Ariège et Haute Garonne):
Inventaire, rénovation de 500 arbres, replantation de 100 arbres sous la maitrise de la Maison de Montbrun.
Réalisation d’une enquête dans le Comminges sur le verger traditionnel ( cantons de Salies et d’Aspet) ainsi
que le démarrage d’un programme de replantation en variétés locales sur fonds FNADT
(2400 arbres sur 3 ans) sous l’égide de la Chambre d’Agriculture de Saint Gaudens.
1997/1998 :
Projets Leader 2 et FGER en Ariège, démarrage d’une phase A sur 9 cantons : 300 enquêtes, 1000 arbres
rénovés, 200 arbres replantés, description pomologique du patrimoine, mise en place d’ateliers jus de fruit
dans le Couserans et le Séronais.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 80
3.2.3.3 Une culture traditionnelle et ancienne
a) Aspect patrimonial et biodiversité
Le patrimoine variétal fruitier du terroir pyrénéen considéré est riche et cependant en voie de disparition
pour cause d’abandon. Les zones de montagne de par leur histoire constituent un réservoir variétal important
qui peut dépasser le cadre strict de la zone considérée : en effet, les migrations traditionnelles de leurs
habitants se sont accompagnées d’apports variétaux issus de nombreuses régions extérieures.
La montagne, jusqu’à ce jour, a résisté plus qu’ailleurs à la modernisation de l’agriculture qui favorise la
disparition des vergers traditionnels.
La richesse variétale typiquement locale s’exprime principalement sur les pommes : on peut faire état de
plusieurs dizaines de noms de variétés locales ou régionales.
Mais cette richesse existe également pour les autres fruits : poires, prunes, cerises, figues, raisins avec les
vignes de Hautains, châtaignes pour certains terroirs, ...
Les principes retenus pour la sauvegarde et la conservation apportent une originalité qu’il est bon de
souligner : la conservation “éclatée” permet le maintien “in situ” du patrimoine variétal sous la responsabilité
des gens du pays et dans la diversité des terroirs.
Cette façon de faire s’accompagne d’une collaboration avec le Conservatoire régional de Puycelsi, partenaire
de la Fédération : les méthodes utilisées sont définies en concertation avec les responsables du Conservatoire
régional, l’essentiel des variétés retrouvées sera aussi installé au verger conservatoire.
b) Aspect environnemental et paysager
L’arbre fruitier et les vergers sont parties prenantes dans l’environnement et le paysage de nos contrées. Les
arbres fruitiers existants sont en général soit greffés sur sauvageons (francs) ou issus de semis et constituent
des “individus” imposants et majestueux.
Ils sont plantés en plein vent, dans les prés, en bordure de champ, sur les talus, en haie fruitière, autour des
maisons et bâtiments d’exploitation.
La rénovation des vieux arbres, la suppression du gui, le débroussaillage et la replantation de jeunes plants
dans les anciens vergers vont contribuer à maintenir ou à retrouver ce rôle paysager.
c) Dimension économique
À travers l’utilisation des fruits actuellement disponibles et le développement de production sur la base des
fruits traditionnels, RENOVA contribue à la mise en place de conditions et d’incitations à la création
d’activités rémunératrices.
Les vergers actuels même s’ils sont vieux produisent une quantité de fruits qui se perdent bien souvent. La
fabrication de jus de pomme pasteurisé est une valorisation intéressante et immédiate de ces fruits. Le
potentiel est évalué à plusieurs centaines de tonnes sur la zone d’intervention du projet.
Les actions de rénovation et la mise en place d’ateliers de fabrication de jus doivent relancer cette
production familiale et dans certains cas apporter un complément de revenu.
Il est envisagé des activités de pressage à façon un peu à la façon des bouilleurs de cru.
Le projet RENOVA va aussi permettre d’évaluer les potentialités des différentes variétés et permettre ainsi
leur mise en valeur.
Les paysans avaient sélectionné les fruits en fonction de leur acclimatation à la région, de leur résistance aux
maladies et nuisibles, de leur période de maturité et de conservation, de leur qualité gustative et de leur usage
culinaire.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 81
Ces potentialités doivent être ré-explorées pour dégager de nouvelles opportunités de culture, d’utilisation et
de transformation en fonction des nouvelles techniques disponibles et de l’évolution actuelle du
consommateur.
La transformation artisanale en produits de terroirs ( jus, confiture, cidre, vinaigre, alcool, ...) fortement
diversifiés, de bonne qualité et de goûts spécifiques doit permettre le développement d’une activité de
production tournée vers des consommateurs attirés par l’originalité, la qualité et l’authenticité.
d) Enjeux sociaux
Sur le plan social, RENOVA apporte une contribution importante.
Une bonne partie du budget est redistribuée sous la forme de salaires ou prestations de services. Les
destinataires de ces rémunérations sont essentiellement des personnes en situation précaire ou en recherche
de consolidation de leur activité agricole et qui ont un projet personnel dans le domaine auquel s’attache
RENOVA, tel qu’il est décrit dans le chapitre économique ci-dessus.
C’est donc un coup de pouce qui leur est donné vers la réalisation de leur projet.
Un programme de formation (FAFEA et ADEPFO) accompagne le projet et permet à ces personnes
d’acquérir les compétences pour mener à bien les différentes activités à vocation économique: la rénovation,
l’entretien et la conduite de vergers en agrobiologie, les techniques de transformation, les aspects juridiques
et commerciaux, l’installation et le choix d’un statut.
e) Vie sociale et culturelle
Le projet RENOVA mobilise et touche un grand nombre de personnes appartenant à différentes couches
sociales et à travers différentes actions entrecroisées :
- les propriétaires des vergers traditionnels, bien souvent des anciens, dépositaires de connaissances
qu’ils sont heureux de transmettre.
- les intervenants RENOVA, souvent des néo-ruraux qui établissent un dialogue avec les gens du
pays et qui dans la suite de RENOVA passeront des accords avec les propriétaires pour continuer
l’entretien des vergers, ramasser et transformer les récoltes suivant des conditions contractualisées.
- la formation de nombreuses personnes aux différentes techniques d’inventaire, rénovation,
greffage, transformation, tout un savoir faire et une pratique autour des arbres fruitiers.
- l’utilisation collective d’un matériel et la fabrication de jus qui favorisent les échanges entre
voisins, amis, ...
- la sensibilisation des collectivités et du public par l’organisation de foires , la réalisation
d’ expositions de fruits et démonstration de l’atelier jus et dégustation, l’animation à destination des
écoles, foyers des anciens,....
Toutes ces actions renforcent en chacun la redécouverte de ses racines, la maîtrise de son environnement, le
développement de son activité et participent ainsi à la consolidation du tissu social et culturel.
f) Partenariat et reproductibilité
Le projet RENOVA cherche à associer toutes les compétences pour la réussite de ce projet multiforme :
Sur les aspects sauvegarde et conservation avec le Conservatoire Régional de Puycelsi ;
Sur les aspects économiques avec la professionnalisation de l’activité : Chambre d’Agriculture,
Groupement des Agriculteurs en Biologique.
Ce projet est aussi reproductible sur d’autres territoires grâce à la méthode mise au point ; RENOVA est
ouvert à toutes sollicitations pour faciliter la mise en place sur d’autres lieux.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 82
3.2.4 Prise en compte de l’agroforesterie dans les politiques locales
3.2.4.1 Définition des priorités d’action
a) L’inventaire et la sauvegarde
C’est le travail préalable à la valorisation économique. Il se décline en différentes actions : prospection des
vergers pour inventorier les arbres et les variétés portées, la rénovation des vergers, la remise en
multiplication des variétés menacées, la replantation de conservatoires « éclatés » chez les agriculteurs et la
description pomologique.
Une centaine de variétés ont été identifiées sur l’ensemble du territoire. De nombreuses autres ne sont pas
encore identifiées.
Un premier catalogue est disponible depuis mars 2000, décrivant 30 de ces variétés. Un autre dictionnaire
plus complet est prévu pour début 2001.
b) La formation et la sensibilisation
Un effort important est fait pour former les acteurs du Réseau Rénova dans divers domaines : pomologie,
technique d’inventaire, technique de taille et de rénovation des vieux arbres, création de pépinières chez les
particuliers et les agriculteurs, replantation, observation des maladies et des ravageurs, transformation des
fruits, installation et commercialisation…
Ces programmes de formation sont conduits en partenariat avec le FAFEA, l’ADEPFO et les chambres
d’agriculture.
La sensibilisation du grand public est faite par le biais des foires et des fêtes locales (dans chaque vallée ou
canton), les expositions végétales…
Une attention particulière est portée en direction des écoliers et des collégiens par l’animation en partenariat
avec l’éducation nationale.
c) La replantation et la rénovation des vergers traditionnels
À ce jour, près de 1.000 vergers ont été prospectés (plus ou moins complètement), plus de 2.000 arbres
rénovés et 1.000 arbres replantés depuis 1996.
Les plantations à venir sont déjà prêtes : 5.000 arbres porte-greffe ont été plantés depuis 3 ans. En partie
greffées, ils fourniront tous d’ici 1 à 2 ans des arbres de haut jet porteur de variétés anciennes.
Une partie de ces arbres seront « dispersés » dans le cadre des vergers « éclatés » chez des particuliers et des
agriculteurs.
La seconde partie est destinée à la mise en place de vergers de production de haute tige chez des
arboriculteurs (souvent en agriculture biologique ou en extensif : pré-verger). Ce programme en courts
d’élaboration vise ainsi à créer un réseau de vergers qui permettront un suivi «expérimental » sur la capacité
des variétés locales ou anciennes à produire, dans une perspective de diversification des exploitations de
moyenne montagne ou d’installation de jeunes personnes en difficulté (RMIstes, chômeurs…) qui n’ont pas
de terrain.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 83
d) La mise en place d’ateliers mobiles de transformation « jus de pommes »
La mise en place en 1996 d’un atelier mobile de transformation des fruits (CUMA de Montbrun), puis en
1998 de 2 nouveaux ateliers (propriété de Rénova) du même type a permis la fabrication de 10.000 litres de
jus de pommes en 1996, 50.000 litres en 1998 et 70.000 litres en 1999.
Cette production de jus de pomme pasteurisé est entièrement issue des vieux vergers traditionnels
(pré-verger, alignement, arbres isolés) présents chez les agriculteurs.
Ces ateliers sont utilisés par une centaine d’adhérents (agriculteurs, particuliers) dont une douzaine
produisent plus de 1.000 litres de jus de pomme. La majorité de la production (60 à 70 %) correspond à de
l’autoconsommation, mais pour les plus « gros » producteurs l’essentiel est commercialisée au prix de 13 F
le litre en moyenne.
Le prix de la prestation d’un atelier itinérant, pour une personne apportant ces pommes, est le suivant :
- Prestation à la bouteille : 3,50 F TTC
- Fourniture bouteille et capsule : 1,45 F TTC
- Déconsignation simple : 0,60 F TTC
Total : 5,55 F TTC /litre
Ces personnes envisagent un développement de cette activité car le potentiel de fruits non exploités dans les
vergers existants est encore important, et devrait permettre une augmentation des quantités de jus produites.
La création d’un emploi sur un atelier de transformation
A l’été 2000, une personne sans statut jusqu’alors, vient de créer son propre atelier de transformation
itinérant, monté sur un camion. Avec un investissement de 50.000 F, prêté par des membres du réseau
Rénova, il a récolté près de 12 tonnes de pommes dans des vergers non exploités qui devrait lui permettre de
produire 5.000 à 6.000 litres de jus (frais ou pasteurisé), soit un chiffre d’affaire de 70.000 à 80.000 F pour
cette année.
En outre, il propose un travail de pressage à façon : les propriétaires de pré-vergers peuvent lui apporter des
pommes qu’il presse et pasteurise moyennant 3,50 F le litre produit. Le propriétaire repart ainsi avec du jus à
un prix très faible qui justifie le maintien et le renouvellement de son verger. Il a ainsi transformé 3.000
litres, soit un revenu de 10.500 F.
Ainsi, en 5 mois, le chiffre d’affaire est d’environ 80.000 à 90.000 F. Le pressage à façon devrait rapporter
encore 10.000 F d’ici mars 2001.
Cet atelier a aussi été conçu dans la perspective de réaliser des animations dans les villages et surtout auprès
des scolaires. Des conventions avec les écoles représentent un montant de 10.000 F/an environ.
Cette personne participe par ailleurs aux travaux de rénovation des vieux vergers (15.000 F/an), et à une
activité de pépiniériste au sein du réseau (chiffre d’affaire : 15.000 F/an).
Au terme de la première année (2000), cette personne prévoit de rembourser 1/4 des emprunts contractés.
Les perspectives pour l’année 2001 sont très favorables car de nombreux contacts ont été pris avec des
propriétaires de vergers qui apporteront l’an prochain des fruits à presser. Outre la réussite de ce nouveau
projet, c’est surtout la reconnaissance sociale et humaine de la personne qui est l’enjeu de la démarche
RENOVA.
Les 5 « ateliers jus » actuellement en place conserveront un rôle de dynamisation et d’animation locale
(sensibilisation à la valeur économique des vieux vergers), tout en répondant aux besoins locaux de
productions commerciales (produits fermiers et/ou biologique).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 84
e) Vers un atelier fixa de transformation des fruits
Rénova a engagé depuis 1999 une étude de faisabilité avec la Mission agro-alimentaire Pyrénées (MAAP)
pour réaliser en 2002 ans un atelier fixe de transformation plus « productifs » à mettre en place en tenant
compte du contexte local. Cet atelier devrait permettre d’élargir les produits proposés : cidre, alcools, pâtés
(châtaigne), confitures, fruits séchés, …). Il s’agit de réfléchir à la mise en place d’un atelier de type
coopératif destiné à ceux qui souhaitent s’engager de manière plus professionnelle dans la production et la
valorisation des vergers de haute tige.
3.2.4.2 Financement des actions de plantations
Les actions de plantations ont été financées par le FGER (Haute-Garonne) et le programme Leader II. Ces
programmes prenaient en charge 60% du coût des fourniture (plants, protection, tuteur), le reste étant à la
charge du planteur (environ 40 F par arbre plus frais de plantation).
3.2.4.3 Financement des actions d’entretien, restauration
Le programme Leader a permis de financer un important travail de rénovation des vieux vergers, en prenant
en charge 75 % du coût de l’intervention du tailleur. Ainsi, il en coûte 22,50 F / heure de taille pour le
propriétaire. Ainsi, sur un montant de rénovation moyen estimé à 240 F / arbre (soit 4 heure de taille par
arbre sur 2 ans), le propriétaire doit seulement 90 F par arbre en moyenne.
Le FGER Haute-Garonne a également aidé à la rénovation de 375 arbres à hauteur
de 80 % (soit 20 F / heure de taille).
3.2.4.4 Financement des investissements
Le premier atelier de jus de pomme (1996) a été acheté par le CUMA de Montbrun-Bocage
(31) et est géré par les adhérents.
Les deux ateliers achetés en 1998 par Rénova ont coûté 50.000 F chacun (remorque, presse, broyeur,
pasteurisateur, …), financés à 50 % par le programme Leader II. Ces ateliers mis à disposition des
associations locales affiliées à Rénova (Couserans et Séronais) en échange d’une location basée sur le litre
de jus produit. Après remboursement des 25.000 F par atelier, chacune des 2 associations devient
propriétaire de l’atelier.
3.2.4.5 Moyens de suivi et d'évaluation
Depuis 1 an, Rénova dispose d’une équipe salariée (2 permanentes) qui assure le suivi technique et
administratif des dossiers.
3.2.4.6 Etudes réalisées sur le thème
Aucune étude n’a été réalisée par Rénova, mais le travail de prospection des vergers (identification des
variétés, état sanitaire des arbres, ...) mené depuis 1996 a permis de recenser plus de 300 vergers comportant
4.500 arbres, soit en moyenne des vergers de 15 arbres.
Il apparaît que :
- 30 % des vergers se composent de moins de 10 arbres (alignements ou reliques de pré-vergers) ;
- 10 % des vergers se composent de plus de 40 arbres (maximum 100 arbres) : il s’agit alors de petits pré-
vergers ou de grands alignements entourant les parcelles.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 85
3.2.5 Évaluation des actions menées
3.2.5.1 Les moyens financiers
Tableau 15 : Moyens financiers d’investissement mobilisés par le projet Rénova
Ariège Leader Haute-Garonne TOTAL
Phase A Phase B Phase C FGER 1998 Leader
Programmation 1998 1999/2000 2000/2001 1998/99 1999/2001
Budgets 509 000 F 957 000 F 946 500 F 219 700 F 582 800 F 3.215.000 F
Leader II 203 600 F 340 032 F 227 000 F 233 120 F 1.003.752 F 31%
Département 36 300 F 80 000 F 191 000 F
197 280 F
652.280 20% Région 36 300 F 111 400 F
FGER 50 900 F 175 760 F 226.660 F 7%
FNADT 176 968 F 263 032 F 440.00 F 13%
Communautés de
communes
20 000 F 20.000 F 1%
Autofinancement 161 900 F 248 600 F 265 468 F 43 940 F 152 400 F 872.308 F 27%
3.2.5.2 Actions de formations, d’animations et de communication engagées
Tableau 16 : Moyens financiers d’animation mobilisés par le projet Rénova
Ariège Leader Haute-Garonne TOTAL
Phase A Phase B Phase C FGER 1998 Leader
Atelier Jus 2 1 3
Activités
communes
Description et dictionnaire sur 100 variétés, projet pédagogique et
animation, communication, brochure, sensibilisation, formations
Le programme Leader a permis de financer à 50 % :
- la parution d’une brochure présentant les 30 variétés les plus répandues (6.000 F),
- la réalisation d’une exposition (6.000 F),
- l’aide à l ‘élaboration du projet pédagogique (3.000 F),
- l’animation auprès des scolaires (6.400 F).
Soit un montant de 21.400 F sur 42.800 F.
Les actions de formation (32.000 F en 1998 en Haute-Garonne) ont été financées à 100 % par le FAFEA.
Celles menées dans le cadre du Leader (14 jours de formation : conduite de vergers expérimentaux,
rénovation vergers et châtaigneraies, pomologie, pédagogie, transformation châtaigne, initiation
arboriculture.) en 1999 l’ont été à 80 % (40.000 F).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 86
L’animation des journées « pomologie », représentant 65.000 F, a été financée à 80 % par le Leader Haute-
Garonne.
3.2.5.3 Aspects juridiques et administratifs
Globalement sur le territoire, le pré-verger n’est pas une structure courante sauf dans les vallées pyrénéennes
ariégeoises. Mais il s’agit de petits îlots (reliques d’anciennes structures plus importantes) de moins de 0,5 ha
en général. Dans les vallées du Couserans, les pré-vergers souffrent d’un manque d’entretien, mais les
arrachages sont beaucoup moins nombreux que durant la période 1960-1980. Il est vrai que ces derniers
vergers répondent encore à une économie d’autoconsommation.
Dans ce contexte, les contraintes agricoles administratives (prime à l’herbe, PAC) ont peu d’effet.
Les parcelles sont déclarées en verger quand le nombre d’arbres est suffisant (au moins 25 arbres/ha), sinon
il s’agit d’une parcelle classée en prairie nue. Mais les contrôles ne posent pas de problèmes au regard des
surfaces concernées (moins de 50 ha de pré-vergers) dans les vallées du Couserans, du Séronnais et dans le
Comminges.
D’ailleurs, depuis 2 ans, quelques agriculteurs (souvent néo-ruraux) sont intéressés pour replanter des pré-
vergers ou des alignements de fruitiers en bordure des prairies pâturées. Les surfaces restent classées en
prairie, surtout que les arbres ne sont pas encore en production (10 ha replantés en 1999-2000).
De toute façon, dans le contexte montagnard, la plantation de verger de haute tige correspond à une
diversification qui s’appuie sur la dynamique liée aux ateliers de pasteurisation itinérants.
Certes, la situation se complique quand le propriétaire est un agriculteur à la retraite qui laisse ses terres en
fermage. Le fermier est alors plutôt favorable à la suppression des arbres, surtout s’il veut développer des
cultures en lieu et place de la prairie naturelle. Le même problème se pose aussi avec les fermiers qui fauche
la prairie.
Aussi, pour préserver ces pré-vergers, les associations locales sensibilisent ces propriétaires non exploitants
à la mise en place de fermage « arbre fruitier », complémentaire du fermage classique du pré. Ceci à
l’avantage de permettre à des jeunes sans emplois, former dans les équipes de tailles RENOVA, d’entretenir
le verger pour en recueillir les fruits dans les 2 ou 3 ans.
Mais présence de deux fermiers n’est pas sans poser des problèmes. Aussi, maintenant la dynamique est de
chercher des agriculteurs qui prennent à la fois le fermage sur la prairie et les fruitiers.
3.2.5.4 Problèmes techniques rencontrés
Les principaux problèmes techniques relèvent des opérations de restauration des vieux arbres longtemps
abandonnés. L’intervention de l’élagueur doit être bien maîtrisée afin de redonner de la vigueur à l’arbre
sans trop tailler (risque de mortalité). Face à la diversité des arbres (âge, état sanitaire, variétés…), il n’y a
pas une réponse unique. Pour le ‘formateur’, c’est un travail de patience qui nécessite 2 à 3 saisons de taille
pour bien former une personne qualifié. Aujourd’hui, avec 4 équipes de taille en rénovation, composées de
15 personnes, les aspects techniques sont pratiquement maîtrisés.
L’autre difficulté est de mesurer l’impact du piétinement des troupeaux (surtout ovins) sous les arbres : on
constate parfois une mortalité de vieux arbres rénovés, quand le verger est réouvert au pâturage (tassement
du sol, asphyxie racinaire). Un suivi et un accompagnement technique devraient permettre de conseiller les
agriculteurs dans les manières de gérer les troupeaux (date de mise au pré, durée de stationnement, ...).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 87
3.2.5.5 Évaluation des surfaces plantées, entretenues ou restaurées
Tableau 17 : Moyens financiers de plantation et de rénovation mobilisés par le projet Rénova
Ariège Leader Haute-Garonne TOTAL
Phase A Phase B Phase C FGER 1998 Leader
Enquêtes 300 200 100 50 100 750
Rénovation 400 arbres 800 arbres 800 arbres 375 arbres 400 arbres 2.775 arbres
Replantation 300 arbres 600 arbres 1.450 arbres 110 arbres 500 arbres 2.960 arbres
3.2.5.6 Opérations particulières
a) Réalisation d’un catalogue de pomologie
Grâce aux diverses aides (FGER, Leader), un travail de pomologie a été mené à bien et a contribué à la
publication d’un catalogue des variétés fruitières traditionnelles. Trois personnes ont participé à la
description des variétés locales caractéristiques du Volvestre et du Comminges : Bolivarde, Banche
d’Espagne, Pomme de Foix, Pomme Orange,…
b) Réalisation d’un dictionnaire de pomologie
En cours de réalisation (prévu fin mars 2001), ce dictionnaire sera le premier document qui synthétisera les
données relatives aux variétés locales d’amateurs dont la plupart n’ont jamais été décrites ni étudiées. Ce
dictionnaire sera constitué d’une centaine de variétés de pommes, poires, prunes et figuiers.
3.2.6 Conclusions
Le travail de RENOVA est riche dans les actions réalisées. Il a permis en 4 ans de redécouvrir une centaine
de variétés témoins d’une biodiversité unique dans cette partie des Pyrénées. Ces actions sont très
complémentaires de l’amont (prospection et identification classiques pour les associations pomologiques), à
l’aval (rénovation de 4.000 vieux arbres dans plus de 500 vergers, replantation de 3.000 arbres d’ici mars
2001, travail sur les vergers de production et l’expérimentation de variétés anciennes en cours).
Toute la démarche repose sur un principe : c’est la valorisation du patrimoine existant qui est la seule
garantie de sauvegarder nos variétés locales. Ainsi, 4 ateliers mobiles de jus de pomme ont été mis en place
pour sensibiliser les propriétaires à la valeur économique de leur verger oublié. Ces ateliers sont aussi des
outils d’animation locaux (écoles, élus, fêtes…), qui accompagnent les actions de formations techniques
(arboriculture, rénovation, plantation, ….) dans un esprit de production extensive (verger de haute tige
extensif, voire biologique).
Projets pour l’avenir
Aujourd’hui, le projet Rénova s’oriente vers la professionnalisation des membres du réseau notamment dans
la perspective de réaliser un atelier fixe de transformation des fruits et légumes.
De même, les projets de plantation d’arbres s’orientent à des fins de production. Il devient nécessaire
d’approfondir la connaissance des variétés traditionnelles.
Les acteurs locaux sont conscients de la nécessité de moderniser et d’expérimenter des pratiques
d’arboriculture extensives et respectueuses de l’environnement et des paysages.
Il s’agit aussi de diversifier et de rechercher de nouveaux produits transformés avec l’idée de développer des
produits de terroirs, fondés sur des savoir-faire locaux.
Rénova a toujours cherché à transfert les connaissances et à sensibiliser les jeunes, les professionnels, et les
touristes, dans une zone géographique qui a subit un fort exode rural durant les 50 dernières années.
Rénova envisage maintenant d’élargir ses partenariats vers des acteurs spécialisés de l’arboriculture
extensive (autres groupes régionaux, nationaux, européens qui partagent la même vision de revalorisation du
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 88
verger traditionnel), vers les communautés scientifiques (experts, institutions) qui peuvent les aider et les
conseiller.
3.3 LE RENOUVEAU D’UN PRODUIT CULTUREL : LE POIRE DU DOMFRONTAIS
3.3.1 Personnes rencontrées (enquête réalisée en octobre 2000)
Christine LARSONNEUR – Présidente du Syndicat des producteurs du Poiré Domfrontais
M. CROCHET – Syndicat des Producteurs du Poiré Domfrontais
Marie-Laurent DUBREUIL – Technicienne - Syndicat des Producteurs du Poiré Domfrontais
Julien RIO – Maison de la pomme et de la poire
Thierry DEBORDE – PNR Normandie Maine
M. EYNAULT – Association pour le Développement économique du Domfrontais (ADECO)
3.3.2 Les acteurs locaux
3.3.2.1 Présentation des acteurs locaux
Le Syndicat des producteurs du poiré est l’initiateur du programme de relance de la filière poiré sur le
Domfrontais. Il regroupe 40 producteurs-transformateurs, dont 30 sont particulièrement impliqués dans la
dynamique. La stratégie repose sur la replantation (renouvellement) du verger à poiriers, la mise en place
d’unités de transformation fermière, et la création d’une AOC « Poiré de Domfront » pour identifier
clairement ce produit typique et de terroir.
La chambre d’agriculture de l’Orne, et à un moindre degré celles de la Manche et de la Mayenne
(le Domfrontais chevauche ces 3 départements), a largement contribué depuis les années 1990-92 à
l’animation et l’accompagnement de ce projet local. Elle intervient via le Service régional cidricole pour
l'appui technique à la plantation et le suivi du verger.
Depuis 1997, le Syndicat des producteurs a privilégié le partenariat avec le Parc naturel de Normandie-
Maine, dont les conceptions en matière d’environnement (préservation des variétés anciennes et des
paysages) semblent plus en accord avec la stratégie des producteurs. Pour autant, les conseillers de la
chambre d’agriculture de l’Orne interviennent fortement auprès des producteurs, notamment ceux qui
produisent du calvados (AOC).
Depuis 2 ans, une structure associative nouvellement créée, la Maison de la Pomme et de la Poire, antenne
locale du Parc accompagne aussi les producteurs du Domfrontais, par l’intermédiaire
de 2 techniciens.
Si l’association des collectivités locales du canton de Domfront (ADECO) a soutenu politiquement le projet
de valorisation des vergers à poiriers, des récentes divergences de points de vue (opposition produits fermier
/ produit industriel) ont pratiquement stoppé les actions de partenariat avec le Syndicat des producteurs.
Le dernier acteur est l’association régionale pour le développement de l’économie cidricole (ARDEC). Cette
association régionale intervient en Normandie en finançant principalement les projets de plantations de
nouveaux vergers, et en aidant l’installation d’atelier de transformation (cidre, calvados) ou de caves. Elle
regroupe au sain de son conseil d’administration l’ensemble des professionnels agricoles (chambres
d’agriculture, syndicats de producteurs) et la région Basse-Normandie.
Le CAUE de l’Orne et de la Manche ont réalisé une étude paysagère sur l’intérêt de la préservation des
vergers de haute tige à poiriers.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 89
3.3.2.2 Moyens humains mis en œuvre
Maison de la pomme et de la poire : 2 techniciens (dont un co-financé par le syndicat des producteurs).
Chambre d’agriculture de l’Orne :1/2 poste.
3.3.3 Historique des pratiques agroforestières dans le Domfrontais
3.3.3.1 La place du poirier dans l’agrosystème et son évolution
La plupart des poiriers du Domfrontais ont au moins 70 ans, et rares sont les agriculteurs en ayant plantés
depuis 1945. Truelle en 1929, le confirme : « cette culture est en régression lente mais constante, en ce sens
que, dans certains centres, on laisse les poiriers mourir de vieillesse sans songer à les remplacer par des
nouveaux : le pommier tend à suplanter le poirier ». Il apparaît donc que les poiriers du verger du
Domfrontais seraient âgés d’au moins 150 ans, et parfois bien d’avantage.
Dès lors, l’organisation de ces vergers et l’assemblage des variétés qui les composent résultent d’une part des
objectifs des paysans qui les ont mis en place et d’autre part de l’utilisation et des aménagements qu’en ont
fait les générations successives.
Le paysage agraire domfrontais de la fin du XVIIIe à celle du XIX
e siècle était bien différent du système
bocager actuel. Il n’était pas complètement mis en valeur du fait des sols maigres et froids. Le système
céréalier très extensif est prépondérant, et repose sur un assolement à base de seigle, sarrasin, avoine, coupés
de très longue jachères. Le début du XIXe siècle est marqué par le défrichement et l’embocagement de
milliers d’hectares de landes et de bois, et la progression des bovins. Complantés dans les champs labourés,
les poiriers sont alors destinés à l’autoconsommation, comme l’ensemble des productions. L’exploitation se
compose de labours largement plantés, de prés dans les bas-fonds humides, et de bois ou landes.
Au début du XXe siècle, l’herbage se développe accompagné par les pommiers à cidre, qui tendent à
remplacer les poiriers. En 1913 toutefois, les témoignages des instituteurs des cantons rappellent que « la
place du poirier demeure dans les champs labourés, il y est réellement cultivé, alors que les vergers (de
pommiers) sont mal entretenus et dépérissent ». Le débouché de l’alcool d’Etat4 puis de l’alcool de fraude
stimule le verger de poirier qui tend à recouvrir toute la surface cultivée. L’agriculture du Domfrontais est en
grande partie consacrée aux céréales (sarrasin, blé), et les productions sont fortement autoconsommées. Le
revenu provient essentiellement de la poire et de la pomme, et aussi de l’élevage des chevaux. « Un fermier
réussissait s’il avait soit des juments soit des poires », comme de nombreux témoignage l’affirment. Cette
petite agriculture de polyculture et élevage est caractérisée par des rendements modestes, son exigence en
main d’œuvre et sa faible dépendance vis-à-vis de l’extérieur, si ce n’est pour quelques approvisionnements
(engrais) et quelques productions (lait, eau de vie). La densité de plantation et la diversité des variétés, très
précoces à très tardives, témoigne de la place principale accordée à la transformation des poires dans le
calendrier agricole. Il faut reconnaître que la pression du pâturage et du matériel n’était pas encore vécue
comme une contrainte, alors que la main d’œuvre familiale abondante permet d’assurer la récolte des fruits.
Mais, depuis les années 1950, l’agriculture normande connaît une spécialisation laitière croissante, doublée
du développement du maïs pour l’ensilage aux dépends des cultures fourragères et des herbages. Or, la
récolte du maïs chevauche celle des poires, et le matériel volumineux et puissant qu’elle nécessite entre en
conflit avec les poiriers des champs.
4 Dès 1914, la forte demande en alcool pour réaliser des explosifs conduit à voter la loi de 1916 qui instaure le régime
provisoire des alcools et institue le monopole d’achat et de vente des alcools d’industrie. Ce régime sera définitivement
instauré avec le décret-loi du 30 juillet 1935 qui organise une politique d’achat afin de soutenir certaines branches
importantes de l’agriculture tout en encourageant la surproduction. En 1939, l’arrêt des importations d’hydrocarbures
intensifie la production d’alcool d’Etat.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 90
Ces élevages bovins lait de plus en plus gros, où la main d’œuvre est réduite au minimum, sont difficilement
compatibles avec la présence d’arbres sur des parcelles.
Malgré ce contexte agricole défavorable, on constate que les poiriers sont encore conservés, et que la
production fermière d’eau-de-vie et de poiré se maintien. On assiste en effet à l’émergence d’une autre
stratégie de la part d’agriculteur en quête de systèmes de production alternatifs, moins intensifs, économes en
matière et en capitaux et respectueux de l’environnement.
Jusque dans les années 1950-1960, si les exploitations de la Basse-Normandie étaient consacrées à la
production de lait, la moitié de leur produits était réalisée sur la vente de fruits transformés, calvados
notamment. Le cidre ou le poiré était eux en général consacré à la consommation familiale. Ainsi donc,
depuis le XVIIIe siècle, l’exploitation traditionnelle normande reposait économiquement sur cette
transformation.
Cette stratégie est la conséquence directe de la mise en place des quotas laitiers. La ferme normande, qui
assurait son revenu par les fruits (calvados, cidre, poiré…) n’avait pas intensifiée sa production laitière avec
autant de dynamisme que les autres régions françaises (Nord et Nord-est notamment). Or, avec la réforme de
la Politique agricole commune (PAC), l’agriculteur normand se retrouve avec un « droit à produire » en
moyenne plus faible qu’ailleurs. Fragilisés, les exploitants cherchent à s’agrandir d’avantage, ce qui
augmente la pression foncière et empêche l’installation de jeunes.
Aussi, la diversification fondée sur la revalorisation des vergers de haute tige est une voie économique
valable à nouveau.
Cette relance ne doit pas non plus faire oublier que la production non déclarée de Calvados existe, qui
survient après la cessation de la transmission du droit à distiller (loi de 1963), dans un contexte économique
bouleversé.
3.3.3.2 Des vergers aujourd’hui vieillissants
Le Domfrontais se caractérise par un verger de haute tige constitué à 80 % de poiriers, alors que le pommier
domine en Normandie. Des facteurs pédo-climatiques sont certainement à l’origine de cette spécificité, mais
un contexte social n’est pas écarté...
Traditionnellement dans le Domfrontais, les pommiers étaient transformés en calvados. Les poires donnaient
pour partie du poiré autoconsommé, et pour partie du Calvados. Dans de nombreuses familles de la région, le
calvados était entièrement issu des poires. L’AOC calvados intègre cette tradition en indiquant qu’il doit
contenir au minimum 30 % de poires.
En 1999, on estimait que les pré-vergers du Domfrontais se composaient de 120.000 arbres.
La tempête du 26 décembre 1999 a couché environ 50 % des pré-vergers. Il ne resterait donc qu’environ
60.000 poiriers de haute tige. Les relevages pratiqués sur les poiriers n’ont réussi qu’à 50 %.
3.3.4 Politiques agroforestières mises en œuvre
a) La relance du poiré : création d’un syndicat de producteurs
En 1991, de la volonté de quelques agriculteurs désireux de relancer une filière en voie d’abandon, le
« Syndicat des producteurs du poiré » est créé. Il s’agit une association de sauvegarde et de promotion du
poiré qui a pour objectif de mettre en place une dynamique de groupe et un contexte socio-économique
favorable à la production d’un produit de terroir, de qualité fermière, qui permet de préserver le patrimoine
biologique (variété fruitière) et le paysage (pré-verger).
En 1992-93, les premières démarches afin de créer une AOC « Poiré du Domfrontais » sont engagées. Le
projet est accompagné tout d’abord par la chambre d’agriculture de l’Orne. Très rapidement, le parc naturel
régional, dont les compétences s’élargissent, prend en charge le dossier en partenariat avec les autres acteurs
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 91
agricoles (ARDEC,...). Malgré les divergences de vue bien légitimes entre chacune des structures (vision
économique pure, vision plus environnementale) le projet avance favorablement.
Un potentiel économique non totalement valorisé
Avant la tempête, les 120.000 poiriers représentaient l’équivalent de production annuelle de 7 millions de
bouteilles. Même si ce potentiel est divisé par deux, la production de 250.000 litres de poiré en 1999 (peut-
être un peu moins en 2000 du fait d’une chute précoce des poires liées au climat chaud et sec) est largement
inférieure à la capacité de production.
Les principales raisons du faible taux de récolte des fruits produits sont :
le manque de temps des agriculteurs : les propriétaires ne récoltent pas leurs poires car la récolte
chevauche la période de vêlage (développement du bovin viande dû aux quotas laitiers) et de toute façon
l’entretien du troupeau (traite, ...) ne laisse pas beaucoup de temps disponible ;
le prix de la tonne de poire est insuffisant : dans un pré-verger, une personne ramasse 1 T/ jour de
poires, qui payé 700 F représente donc une somme qui couvre à peine le salaire de l’ouvrier agricole. Les
propriétaires n’ont donc aucun intérêt à salarier une personne, et ne disposent pas de temps nécessaire. En
conséquence, la récolte des fruits est essentiellement réalisée par la main d’œuvre familiale, et
principalement par les retraités (parents ou grands-parents) ;
On notera cependant qu’une partie non négligeable de la récolte est transformée en pommeau et surtout en
calvados, et ne peut donc être transformée en poiré.
Le « Syndicat des producteurs du poiré » estimait, avant la tempête, que la production de poiré devait
doubler d’ici 3 à 4 ans pour atteindre 500.000 bouteilles. La tempête a remis en partie en question cette
perspective, car certains producteurs impliqués ont perdu une grande partie de leurs arbres. L’un d’entre eux,
M. Crochet ne possède plus que 17 poiriers sur les 123. On rappellera que les poiriers de haute tige ne
produisent pas avant 20 à 25 ans. Même s’il est possible d’atteindre ce niveau de commercialisation dans le
contexte actuel, le « Syndicat des producteurs du poiré » souhaite dynamiser la filière notamment en
garantissant un prix de vente de la poire entre 800 et 1.200 F (selon la maturité et la qualité du fruit). Ceci
permettrait de faire entrer de « nouveaux » producteurs dans le mouvement.
Des visions divergentes en terme de structuration de la filière
Deux logiques opposées dans leur vision du marché de poiré se confrontent.
Le point de vue du Syndicat des producteurs du Poiré
La première, celle du Syndicat, associe le poiré de Domfront à un produit fermier, de terroir et typique, dont
la filière est maîtrisée par les petits producteurs.
Les producteurs du poiré de Domfront tirent le bilan de l’expérience peu encourageant de la politique de
plantation menée par les professionnels agricoles lors de ces dernières années. Le cahier des charges AOC
Calvados autorise le verger de basse tige. Les organismes agricoles ont mis en place un système qui a
favorisé ce verger au détriment du pré-verger : un prix d’achat des pommes issues de basse tige supérieur de
25 % à celui de pommes de verger de haute tige, et surtout par la priorité des fruits de basse tige sur les
autres. Ainsi, les producteurs ont massivement planté en basse tige environ 9.000 ha dans l’ensemble de la
Basse-Normandie. Aujourd’hui, l’appellation traverse une crise de surproduction sérieuse, alors même que
50 % des vergers de basse tige sont en production. Cette crise s’explique par une erreur dans l’appréciation
des rendements moyens : estimés au départ à 30 à 40 T/ha/an, le verger intensif produit en réalité plutôt
autour de 40 à 60 T/ha. Il est probable que de nombreux producteurs aient planté des variétés de pommes
dite « à jus » au détriment des pommes plus traditionnelles dans l’élaboration des cidres. Il semble aussi que
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 92
les professionnelles de la filière n’est pas su réguler les plantations pour éviter cette surproduction. Sans
cette erreur sur l’appréciation des rendements, la surproduction serait apparue mais seulement dans 2 ou 3
ans. De toutes les manières, la situation économique de nombreux producteurs est désastreuse, et
particulièrement celles des jeunes agriculteurs qui se sont installés et spécialisés récemment sur cette filière.
Pour éviter qu’une telle mésaventure ne se répète, les producteurs du « Syndicat du poiré de Domfront » ont
verrouillé leur AOC en imposant le verger de haute tige, qui concilie environnement, paysage et
identification d’un produit traditionnel. Il s’agit d’une démarche de production fermière, donc réduite à un
nombre limité de producteurs (produit qui doit être, par définition transformée sur la ferme).
Le point de vue de l’ADECO : pour un développement industriel du Poiré
Celle de l’ADECO se veut généraliste, préconise un atelier semi-industriel (on pourrait dire industriel) de
transformation avec un statut plutôt de type société privée que coopérative, avec pour objectif de transformer
dans le Domfrontais toutes les poires issues des pré-vergers de Domfront. Les responsables déplorent que les
poires de Domfront soient transformées hors du territoire (en région parisienne par exemple). Une telle
valorisation, basée sur une commercialisation via la grande distribution, est la seule réponse qui permet de
faire connaître le Poiré de Domfront, et donc la région tout en créant des emplois et en préservant tous les
pré-vergers. Pour eux, le poiré et le Calvados sont les deux fers de lance d’une région qui peut décliner toute
une production de produits issus de la poire (compote, jus, confiture....).
Le poiré ne se développe pas à Domfront car le Syndicat ne s’adresse pas à tous. Dans son exigence de
production fermière, issue de pré-vergers, il négligerait les 950 propriétaires de vergers de poiriers de haute
tige. Ainsi, le potentiel de 3,5 millions de bouteilles ne produira que 500 000 litres soit 1/7e de ce qui existe.
Les responsables du développement économique local se demandent ce que vont devenir tous ces vergers de
haute tige. Mais, on constate que la plupart des vergers sont entretenus et récoltés. Une partie est
autoconsommée (part difficile à estimer mais certainement autour de 50 à 60 %), et le reste des poires est
transformé dans l’industrie cidricole bas-normande, voire en région parisienne.
Les élus locaux sont donc, et cela se comprend, surtout soucieux de développer une filière de transformation
sur le Domfrontais, même si cela au détriment d’une certaine typicité (variétés anciennes, production de
diversification intégrée dans le système agricole traditionnel, peu d’intrans…).
S’ils divergent sur les moyens et les actions a engagés, tous les acteurs (Syndicat, Parc, ADECO...) sont
d’accord pour estimer que le prix d’achat de la poire au producteur doit être de 1.000 à 1.200 F la tonne, et
que le poiré de Domfront peut et doit être valorisé autour de 22 à 25 F la bouteille, car il est typique, très
technique à élaborer, et contraignant à produire. Ils estiment tous que cette production, complémentaire du
calvados, est à même de préserver le poirier de haute tige.
Qui sont les producteurs du poiré ?
Les producteurs de poiré du Domfrontais sont des petits producteurs, la plupart étant des éleveurs,
mais 4 d’entre eux sont spécialisés et représentent la moitié de la production du poiré de Domfront.
Si la moyenne est de 100 arbres par exploitation, il existe en fait une grande diversité :
20 producteurs commercialisent moins de 5.000 bouteilles,
10 producteurs commercialisent entre 5.000 et 15.000 bouteilles,
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 93
10 producteurs commercialisent 15.000 à 20.000 bouteilles.
Atelier « Poiré » : un support à l’installation
Depuis 5 ans, 2 à 3 GAEC sont créés sur la base d’une diversification autour du poirier. En général, il s’agit
une exploitation en nom individuel existante, orientée vers l’élevage laitier, qui s’associe souvent avec un
parent (époux, frère ou enfant) pour créer une seconde UTH lié à la transformation et la commercialisation
de poires. Cette diversification peut intégrer la transformation de produits dérivés de l’élevage (pâté,
saucisson, ...). Mais la récente tempête rappelle aussi la fragilité de ce type d’installation, qui peut être mis à
mal par un évènement aussi violent que brutal.
b) Le renouvellement des vergers à poiriers de haute tige
Afin de relancer la production, il était aussi nécessaire de replanter de nouveaux arbres afin de garantir une
production à terme, sachant qu’un poirier produit au bout de 20 ans.
Plus de 1.100 poiriers replantés en 1993 et 1994 dans le cadre du programme européen LEADER II (achevé
fin 1999) dans le Domfrontais, mené en parallèle par le Parc Normandie-Maine et la chambre d’agriculture
de l’Orne. Cela représente l’équivalent de 15 ha de pré-vergers, sur la base d’une densité moyenne de 75
arbres par hectare. Il s’agit souvent de la régénération ou de la plantation en complément sur des vergers
vieillissants.
c) Vers la mise en place d’une AOC « Poiré Domfront »
Les producteurs du « Syndicat de Poiré du Domfrontais » ont entrepris la démarche d'obtention d'une
Appellation d'Origine Contrôlée pour leur produit. Le cahier des charges est en cours d’agrément auprès du
comité scientifique de l’INAO.
Ce signe de qualité fait partie d'une démarche globale qui va dans le sens de la préservation du patrimoine
culturel lié aux poires et à leur transformation. Cette AOC repose en effet sur la valorisation des variétés
locales exclusivement, produits en pré-verger. Il s’agit d’une action sans concession, qui s’inscrit dans la
démarche de production fermière, qui pour le Syndicat est la meilleure chance d’identifier un produit qui est
jusqu’à présent confidentiel par rapport au cidre.
3.3.4.2 Financement des actions de plantations
a) Mesure spéciale « tempête »
Indemnité pour « perte de patrimoine »
La tempête de décembre dernier a déstabilisé les producteurs du Domfrontais qui ont vu disparaître en
quelques instants des dizaines de milliers de poiriers centenaires.
Devant l’étendue des dégâts, une indemnité « perte de patrimoine » est accordée par les DDAF
des 3 départements concernés, aux propriétaires qui en font la déclaration. Cette aide est de 525 F par arbre
couché par le vent. Les professionnels agricoles ont cependant voulu que cette aide ne concerne pas chaque
arbre arraché, mais seulement les arbres arrachés que l’agriculteur s’engage à replanter dans
les 4 ans.
7..000 arbres ont ainsi été déclarés dans le Domfrontais. On constate que ce chiffre est nettement inférieur
aux estimations du PNR Normandie-Maine : il semblerait donc que la prime de 525 F soit inférieure au seuil
psychologique qui déclenche l’acte de replantation.
Ceci est confirmé par les faits : un an après, très peu des 7.000 arbres ont été replantés, même si cela est dû
en partie à l’absence de plants disponibles chez les pépiniéristes.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 94
Aides spéciales régionales pour le Domfrontais
Les 3 départements (Orne, Manche, Calvados), le Conseil régional Basse Normandie, dans le cadre du
Contrat de plan Etat-Région financent la replantation de 20.000 arbres pour les 3 ans à venir en Domfrontais
(soit un arbre arraché sur 3), dans un objectif de préservation du patrimoine paysager et biologique de la
région.
Cette aide s’adressera à tous les propriétaires, agriculteurs ou non, qui plantent au moins 5 arbres. Les
modalités financières sont en discussion avec le parc naturel et l’ARDEC. Les responsables du Domfrontais
estime qu’une aide à la plantation de 400 F par arbre, qui vient en complément de l’indemnité « perte de
patrimoine » de 525 F, est nécessaire pour décider les agriculteurs à planter des arbres qui produiront dans 25
ans et qui constituent des contraintes techniques certaines.
Justification de l’aide :
150 F poirier, 50 F de protection, 10 F de tuteur,
140 F de frais de plantation (travail préparatoire, main d’œuvre),
Perte de production : 50 F/an soit 150 F.
Soit 500 F / poirier aidé à 80 %.
b) Replantations par l’ARDEC après tempête
L’ARDEC, dont la mission régionale est d’accompagner les producteurs-transformateurs exclusivement,
organise la replantation des poiriers aidée à hauteur de 200 F l’arbre (140 F pour le pommier). Cette action
est destinée uniquement au verger de haute tige à caractère économique, avec un seuil minimum de 100
arbres par dossier.
Il y a donc deux types d’aides, complémentaires en termes de publics, mais différentes en termes de montant.
La prise en compte de la perte de production est justifiée par le Parc car les candidats à la plantation sont des
personnes qui font la démarche de préserver un patrimoine, sans volonté de la valoriser, mais dans le but de
maintenir un paysage de pré-vergers. Si l’on n’intègre pas la perte de production, il est à craindre que peu de
candidats se manifestent, ce qui aura pour conséquence de restreindre les replantations pré-vergers de
poiriers aux 40 producteurs de poiré et aux 90 producteurs de Calvados Domfrontais. Il n’est cependant pas
certains que les collectivités territoriales subventionnent l’action à ce niveau.
3.3.4.3 Financement des actions d’entretien et de restauration
Une mesure spéciale dans le cadre des CTE
L’objectif du « Syndicat » est de mettre en place un système d’aide qui laisse le choix à ceux qui le souhaite
de valoriser les fruits et d’autres de produire du maïs.
Dans cette perspective, une mesure CTE « entretien des vergers de haute tige » a été proposé par le PNR et le
Syndicat : d’un montant de 3.500 F/ha (base de 25 arbres/ha), cette aide intègre les surcoûts liés à la présence
d’arbres dans les prés (gestion du troupeau, récolte contraignantes, ...), les baisse de rendements de la prairie
(pas de fertilisation possible, perte de l’équivalent d’une seconde coupe) et en déduisant la valeur des fruits
produits.
Justifications de l’aide (base 25 poiriers / ha)
Produits liés à la vente de poires
150 kg/arbres x 25 poiriers = 3,7 tonnes / ha.
3,7 t x 450 F/t = 1.665 F/ha/an.
Coût du ramassage
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 95
À la main :
750 kg/jour soit 5 jours pour récolter 3,7 tonnes.
Coût salarial : 500 F/jour x 5 jours = 2.500 F/ha.
À la machine :
1,5 tonnes/jours soit 2,5 jours pour récolter 3,7 tonnes.
Coût de la récolte : 500 F x 2,5 = 1.250 F/ha.
Coût récolte moyen : 1.875 F/ha/an (machine et manuel).
Incidence du poirier sur la parcelle en herbe :
Perte de production au pied des poiriers (25 m2 / arbre) soit 625 m2 par ha.
Marge brute retenue : 7.500 F/ha (lait 10.000 F/ha, autres élevages bovins 5.000 F/ha).
Perte de production d’herbe : 0,75 F/m2 x 625 m2 = 468 F/ha/an.
Perte de production fourragère
La réduction des apports azotés et l’enlèvement des animaux à partir du 1er septembre, entraînent une
perte de production fourragère et de chargement (herbe non valorisée par le pâturage), estimée à 40
%.
0,75 F/m2 x (10.000 – 625) x 40% = 2.813 F/ha/an.
Préparation de la récolte des poires
Passage d’un girobroyeur 15 jours à 3 semaines avant la récolte : temps nécessaire 1,5 h /ha.
Côuts : tracteur (100 F/h), gyrobroyeur (50 F/h), main d’œuvre (90 F/h).
Soit un coût de : 240 F/ha.
Limitation des apports azotés
Dans un verger, l’apport azoté est réduit de 50 unités par rapport à une prairie nue (40 kg/ha au lieu
de 90 kg/ha en moyenne). Le coût de l’unité d’azoté est estimé à 3 F/ha.
Economie réalisée : 50 kg/ha x 3 F/ha = 150 F/ha.
Bilan financier :
Résultat lié à la présence de poiriers sur la prairie : - 468 - 2.813 - 240 +150 = + 3.371 F/ha.
Produit lié aux fruits : + 1.665 F/ha
Coût de récolte des fruits : - 1.875 F/ha
Soit une perte de 3.581 F/ha/an, représentant 140F/poirier/an.
Les 3 CDOA concernés par la zone AOC « Poiré Domfront » ont accepté ce cahier des charges mais sur la
base de 30 F/arbres, et plafonnée à 1.800 F/ha. En se rapprochant de la prime maïs (2.500 F/ha), l’incitation
financière est très forte.
3.3.4.4 Cahiers des charges
Le cahier des charges CTE « Entretien des vergers de haute tige de poiriers »
Actuellement le prix d'achat des poires est dérisoire (450 à 500 F la tonne). La mise en place d'un C.T.E. en
accompagnement des démarches qualités effectuées par les producteurs, vise à apporter une plus value à la
poire garante de la préservation des poiriers.
Pour le Syndicat des producteurs du Poiré, le C.T.E. représente, à long terme, un moyen de permettre
l'installation d'agriculteurs sur la production de poires, ce qui est actuellement difficile compte tenu du prix
d'achat des fruits.
Les exploitations pouvant prétendre au CTE devront :
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 96
avoir le siège d'exploitation dans l'un des trois départements concernés par la future A.O.C. (Manche,
Mayenne, Orne) ;
détenir des parcelles de verger dans l'aire de la future A.O.C. « Poiré Domfront ».
L’agriculteur s’engage à :
identifier son verger auprès de l'1.N.A.O ;
maintenir le nombre de poiriers (renouvellement des arbres morts ou déracinés)
à la signature du CTE, le verger du contractant devra être constitué de 10 % de poiriers âgés de moins
de 15 ans. À défaut, l'agriculteur s'engagera à planter les poiriers manquants ;
éffectuer l'enlèvement du gui et l’élagage des bois morts ;
faucher ou faire pâturer la prairie sur laquelle le verger est implanté ;
entretenir la haie ou la clôture ;
lutter contre la montée en graines des adventices ;
limiter les apports d'azote minéral sur les prairies plantées (maximum ~ 50 unités) ;
protéger les jeunes poiriers des animaux ;
récolter les fruits pour la vente ou la transformation ;
suivre le cahier des charges de la future A.O.C ;
être adhérent du Syndicat de Poiré.
La future AOC « Poiré Domfront »
L’aire géographique de l’AOC « Poiré Domfront » s’étend sur 8 cantons des 3 départements de la Manche,
l’Orne et la Mayenne.
Le « syndicat des producteurs du poiré » a imposé, pour la première fois dans une AOC cidricoles, que les
poiriers doivent être conduits en haute tige exclusivement, à une densité inférieure à 150 arbres/ha (cf.
Annexe 13).
Mais, soucieux de permettre aux agriculteurs sinistrés par la tempête de repartir en production AOC très
rapidement, le Syndicat a intégré in extremis dans le cahier des charges AOC la possibilité de planter des
poiriers sur basse tige. Cette proposition, afin d’éviter les abus et de ne pas remettre en cause la cohérence du
projet du Syndicat depuis 10 ans, prévoit 2 contraintes majeures :
- cette autorisation est temporaire car accordée aux producteurs jusqu’en 2030. À cette date, les
agriculteurs sinistrés auront récupérés une production de poire issue des vergers de haute tige
plantés ces prochaines années. En 2030, les vergers de basse tige ne seront plus acceptés dans
l’AOC (phase intermédiaire pour assurer la transition) ;
- pour chaque verger identifié, le nombre de poiriers conduits en basse tige ne pourra
excéder 5 fois celui des poiriers en haute tige.
Du point de vue environnemental, le cahier des charges stipulent l’utilisation de poires à poiré exclusivement
de variétés locales ou anciennes. La principale est le ‘Plant de Blanc’ (au moins 10 % des arbres des vergers
identifiés). Le verger AOC doit être enherbé intégralement et entretenu conformément aux usages locaux
(pâturage, fauchage), et l’irrigation est interdite dans les vergers en production.
3.3.5 Evaluation des actions menées
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 97
3.3.5.1 Moyens financiers
1993/95 : Leader II : plantation de 1.100 poiriers a mobilisé environ 140.000 F d’aides européennes.
Les actions de plantation « spécial tempête » ne pourront se développer réellement avant un à deux ans,
temps nécessaires pour que les pépiniéristes de Basse-Normandie produisent les milliers d’arbres. Des
contrats de cultures ont été signés dans ce sens.
Le programme du département du Calvados est complémentaire du Contrat de Plan Etat-Région
(8 MF sur 6 ans) qui est lui limité à la zone du Domfrontais (Calvados, Orne, Manche).
3.3.5.2 Actions et supports d’animations et de formations
Dans le Domfrontais, les producteurs bénéficient des actions de la chambre d’agriculture de l’Orne qui
conseille les producteurs de la définition du projet à la plantation.
La Maison de la Pomme et de la Poire, relaie local du PNR de Normandie-Maine, assiste aussi les
producteurs de poiré depuis la phase de production : conseils techniques dans les vergers (alerte aux
ravageurs…), choix des porte-greffe et des variétés, … Elle suit aussi la phase de récolte et de transformation
des fruits : déclenchement de la récolte, suivi de maturité des poires (laboratoire d’analyse) pour le pressage
et la mise en cuve, suivi de l’élaboration des poirés…
3.3.5.3 Problèmes techniques
a) Une phase délicate à gérer : la récolte des poires
La récolte des poires est plus exigeante que celles des pommes. La poire est un fruit fragile qui s’abîme très
rapidement. Elle doit donc être récoltée dès qu’elle tombe à terre. Les poires de certaines variétés tombent
brutalement, d’autres très progressivement. Parfois, le propriétaire doit passer tous
les 2 à 5 jours sous le même poirier pour ne pas perdre les fruits.
Cette tache n’est pas simplifiée par le fait que les vergers possèdent plusieurs variétés qui sont disposées de
manière aléatoire dans le verger (héritage de pratiques anciennes).
Les premiers fruits tombent en septembre, les derniers en octobre-novembre. Cette récolte fragmentée et
étalée entraîne des difficultés dans la gestion du cheptel sur les pré-vergers : le propriétaire doit souvent
condamner sa prairie dès la mi-septembre et jusqu’à la fin novembre. Il perd ainsi l’équivalent de la seconde
fauche, car la prairie ne peut plus ni pâturée ni fauchée à cette date.
b) Le verger de poiriers : un investissement coûteux
Il reste que la plantation d’un verger de basse tige est un investissement très coûteux, de l’ordre de 80.000 F
par hectare. Ce prix s’explique par le coût des poiriers de basse tige (30 % supérieur à celui des pommiers),
et par la nécessité d’un palissage très résistants (conduite des poiriers en arcure pour contrecarrer la vigueur
et limiter la formation de bois au détriment des fruits). Ce lourd investissement est en plus hasardeux : la
conduite des variétés anciennes de poiriers sur porte-greffe peu vigoureux est assez mal maîtrisée. Les
premiers vergers de basse tige mis en place en 1995 dans le Domfrontais sont plutôt des échecs :
vigueur trop forte des variétés par rapport aux porte-greffe, ce qui peut même provoquer la domination
du greffon sur le porte-greffe (notamment avec la variété ‘Plant de Blancs’),
mise à fruit plus longue que prévue : les vergers de 5 ans ne produisent pas encore ;
pas de garantie quant à la conservation des caractères du fruit (calibre, conservation, caractéristiques
organoleptiques...).
Il apparaît d’ors et déjà que la fertilisation chimique des poiriers augmente le taux d’azote dans le fruit, ce
qui accélère la fermentation des fruits dans les cuves. Le contrôle de l’élaboration du poiré devient plus
délicat, le jus est moins stable.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 98
3.3.5.4 Opérations particulières
Création d’un verger conservatoire à Barenton
Le PNR de Normandie-Maine, 18 ans après avoir constituer le verger conservatoire situé autour de la maison
de la Pomme et de la Poire, vient d’investir dans la plantation d’un nouveau verger entièrement composé de
variétés de pommes et de poires conduites en haute tige.
Ce verger conservatoire, mis en place à l’automne 1999, sera à terme support d’animation et de
démonstration (situé en bordure de l’axe Domfront-Barenton), mais surtout il servira de verger
d’expérimentation.
Des tests sur le désherbage des jeunes plants, la fertilisation des arbres, la taille … ont déjà débuté. Ils
reposent sur un protocole scientifique par blocs aléatoires, afin de s’affranchir des variations de la qualité des
sols (texture, humidité, profondeur). Malheureusement, le fermier n’a pas respecté le contrat de fermage en
faisant pâturé des broutards dans ces parcelles, ce qui a occasionné quelques dégâts sur les arbres.
3.3.6 Conclusions
Dans un secteur où l’agriculture est tournée essentiellement vers l’élevage, l’activité cidricole basée sur la
transformation des poires à poiré constitue une forme appréciable de diversification. Elle a aussi permis aux
exploitations ne disposant pas de quotas laitiers importants de se constituer un complément de revenu (20 à
30 %), pour d’autres elle est le revenu principal.
La disparition de près de la moitié des poiriers (20 à 70 % selon les communes) lors de la tempête de
décembre 1999 a durement frappé ces producteurs. La première conséquence est la disparition de tout ou
partie du revenu liée à cette production. L’effet indirect concerne les emplois créés sur les exploitations pour
les travaux liés à la poire (récolte, transformation…) mais aussi liés aux emplois liés aux
approvisionnements.
Mais les plus sévèrement atteints par cette catastrophe sont les jeunes agriculteurs qui venaient de s’installer,
souvent en GAEC, sur un projet d’atelier poiré (transformation, commercialisation).
La disparition de 60.000 des 125.000 poiriers du Domfrontais (25 % des poiriers de Basse-Normandie)
menace aussi un patrimoine biologique unique par son originalité et sa richesse génétique.
Tous les acteurs locaux et les professionnels se mobilisent pour reconstituer ce verger unique en Europe,
reconnu Paysage de reconquête en 1993 par le ministère de l’Environnement.
En effet, ce verger bénéficie d’atouts environnementaux et économiques spécifiques qui sont désormais
reconnus de tous. La création de l’AOC « Calvados-Domfrontais » en 1997 reconnaît l’utilisation spécifique
de poires (jusqu’à 100 %) dans l’élaboration du calvados.
La démarche d’agrément de l’AOC « Poiré Domfront » en cours, et repose pour la première fois en France
sur des critères environnementaux forts (usages de variétés anciennes, vergers de haute tige exclusivement,
parcelles enherbées, fertilisation azotée limitée strictement).
Cette démarche pour un poiré de qualité, accomplis depuis 1995 par les producteurs, repose sur un large
partenariat qui vise à rechercher les variétés de poires adaptées, améliorer les méthodes de fabrication du
poiré (ARAC5), mettre en place un suivi technique (Maison de la Pomme et de la Poire, PNR Normandie-
Maine), et développer une stratégie commune de commercialisation (ADECO, ARDEC, INAO, CFC6).
Ces travaux, initiés par le syndicat des producteurs, sur l’amélioration de la qualité et de commercialisation
portent leurs fruits : 150.000 bouteilles vendues en 1995, 300.000 en 1999.
5 Association régionale pour l’amélioration cidricole
6 Comité des fruits à cidre
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 99
Cette stratégie de reconquête économique se double d’une volonté de reconstituer l’outil de production
(replantation, rénovation) notamment par le biais des aides régionales (ARDEC) ou du Contrat de Plan Etat-
Région (30.000 poiriers replantés, 20.000 arbres rénovés soit 500 ha reconstitués). Des propositions de
mesures CTE « entretien et rénovation des vergers à poiriers » proposées par le syndicat des producteurs
accompagne cette stratégie de sauvegarder un paysage de qualité et unique.
Toutefois, les perspectives économiques nouvelles font émerger des certaines tensions locales. Les
producteurs du poiré sont attachés à l’image fermière de leur produit (traçabilité, vente directe, accueil,
tourisme…). Ils privilégient ainsi une diffusion plus restreinte du produit, mais dans une démarche de
valorisation maximale pour le producteur-transformateur et dans une perspective de moyen terme (maîtrise
raisonnée de la production).
Pour certains élus, ce produit Poiré doit être valorisé au maximum (surtout dès qu’il sera agréé AOC),
décliné en variantes (confitures, jus de poires, …). Cette volonté a le mérite de développer plus rapidement
une activité locale, mais induit une industrialisation de la filière « Poiré Domfront », et peut conduire à
l’impasse dans laquelle se trouve la filière Calvados (surproduction, banalisation d’un produit, disparition du
produit fermier, ...). Industrialiser afin de maintenir tous les poiriers dans le paysage, n’est-ce pas un
argument facile, un alibi pour orienter l’AOC « Poiré Domfront » vers une voie refusée par le Syndicat des
producteurs ?
3.3.7 Bibliographie
Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, 2000. Décret de 2 juin 2000 relatif à l’appellation d’origine
contrôlée « Poiré Domfront »
Nevoux L., RICHERT A. & KNAPP N, 1998. Protection des poiriers hautes tiges du Domfrontais :
Diagnostic. CAUE de l’Orne et de la Manche, union européenne.
PNR de Brotonne et de Normandie-Maine, 1981. Poires et pommes : fruits de pressoir.
Montembault, 1999. L’organisation de la diversité variétale des vergers de poiriers à poiré du
domfrontais. Comité scientifique des AOC Cidricoles.
3.4 LE PAYS D’AUGE : DES PRODUITS RECONNUS
3.4.1 Personnes rencontrées (enquête réalisée en octobre 2000)
M. THIBERGE – Chambre régionale de l’Agriculture Basse-Normandie
MM. Ernest HARDEL et Lionel DUCLOS – service régional cidricole (Chambre d’Agriculture)
M. LECUYER – Conseil régional de Basse-Normandie
Thierry FABIAN – INAO, centre de Caen
Michel HUBER – Président de l’ARDEC
3.4.2 Les acteurs locaux et leurs rôles
3.4.2.1 Présentation des acteurs
Le conseil régional de Normandie soutient dans le cadre du Contrat de Plan Etat-Région la plantation
d’arbres fruitiers de haute tige dans une vision stratégique (depuis 6 ans déjà) et avec, en plus une mesure
exceptionnelle liée à la tempête du 26/12/1999.
La région Basse-Normandie et l’ONIVINS financent aussi la filière cidricole au travers de l’ Association
régionale pour le développement de l’économie cidricole en Basse-Normandie (ARDEC).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 100
Créée en 1981, l’ARDEC conduit un programme de rénovation du verger cidricole afin de pallier le
vieillissement du verger traditionnel (replantation de vergers de haute tige et basse tige) et couvrir les besoins
des entreprises cidricoles industrielles et artisanales. Elle participe aussi à la promotion des produits
cidricoles bas normands (Pommeau, Cidre, Poiré, Calvados).
L’ARDEC avec l’ensemble des acteurs locaux ont aidé à la constitution de l’Association de recherche
appliquée à la transformation cidricole (ARAC), en 1992, dont l’objectif est de conseiller sur le terrain les
producteurs transformateurs de produits cidricoles et de calvados.
Le Département du Calvados intervient depuis cette année dans la rénovation des vergers de pommiers en
mettant en place une opération de replantation des arbres abattus par la tempête.
3.4.2.2 Les moyens humains mis en œuvre
- 2 techniciens de la chambre d’agriculture (Service régional cidricole) ;
- 1 personne à l’ARAC ;
- 1 poste de technicien au Conseil général du Calvados (replantation des vergers après tempête).
3.4.3 Historique – contexte
3.4.3.1 Un paysage de qualité
Le pays d’Auge est à cheval sur 3 départements : le Calvados, l’Orne, et l’Eure sur sa marge Est. Il s’agit
d’un plateau allongé du Nord au sud sur 75 km. Son relief est marqué par de nombreux cours d’eaux
(rivières, ruisseaux) orientés du Nord au Sud, dont certains très encaissés (la Dive, La Vie, la Touques…).
Deux unités paysagères distinguent le Pays d’Auge, individualisés par une cuesta : à l’est, un ensemble de
plateaux divisés par de profonds vallons parfois abrupts, les picanes. A l’Ouest, une vaste dépression, la
vallée d’Auge.
Le climat est doux (sans températures extrêmes), les pluies régulières et réparties sur une grande partie de
l’année, font de ce pays la région d’élevage sur prairie par excellence.
Le Pays d’Auge apparaît comme une région relativement homogène sur le plan pédologique. On y rencontre
la même séquence pédologique le long des versants (alluvions dans les vallées, limons sur les plateaux,
alternance d’argiles).
Ces éléments pédo-climatiques sont à l’origine d’une occupation de l’espace très homogène et originale.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 101
Figure 1 : la localisation traditionnelle des vergers de haute tige en pays d’Auge
3.4.3.2 Les éléments biologiques et microbiologiques
Plusieurs centaines de variétés de pommes à cidre et de poires à poiré ont été identifiées en Pays d’Auge.
Nombreuses sont celles qui sont spécifiquement augeronnes, parfois présentes dans un canton ou dans une
seule commune. Parmi ces variétés, une bonne douzaine sont très répandues en raison de leur longue
conservation et de leur maturité tardive qui permet d’élaborer des produits cidricoles typés.
Ce patrimoine ne provient pas exclusivement de la région. Importées, elles ont été adoptées, ont évolué en
Pays d’Auge. Telle la pomme Mettais, originaire du Roumois qui est l’une des variétés les plus plantées pour
élaborer les cidres AOC.
D’autres variétés peuvent avoir changer de destination. Par exemple, la poire de Grise, plantée comme poire
à cuire, est aujourd’hui employée pour acidifier les moûts de cidre à distiller. Mais d’autres variétés, comme
la pomme Rambault, sont à deux fins : pomme à couteau et pommes à cidre.
Au même titre que la flore lactique des laits à camembert (Penicilium album puis P. candidum), la grande
partie des flores des cidres constitués de levures et de bactéries lactiques proviennent strictement de
l’environnement augeron : pommes pour les levures, caves et matériels pour les bactéries.
3.4.3.3 Les effets de la tempête
Dans le pays d’Auge, 10 % des arbres de plein vent en production sont tombés, mais cela est très variable
selon les zones (nord moins touché que l’Orne) et l’exposition de la parcelle.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 102
3.4.4 Les politiques agroforestières mises en œuvre
3.4.4.1 1981-1992 : une volonté de renouveler un verger vieillissant
Dans le Pays d’Auge, comme dans le reste de la Normandie, les acteurs agricoles ont depuis le début des
années 1980 délibérément abandonné le système pré-verger au profit du développement des vergers
cidricoles intensifs en s’inspirant des vergers à pommes à couteau du val de Loire ou de Picardie.
Cette politique volontaire a été confiée principalement à l’ARDEC, créée pour l’occasion, dans le but avoué
de renouveler le verger normand vieillissant. Le résultat a été spectaculaire comme le montre le graphe ci-
dessous.
Tableau 18 : Surfaces de vergers plantés en Basse-Normandie
Total 1981-1999
Verger Haute tige 1 050 ha
Verger basse tige 2 100 ha
Graphique 3 : les plantations de vergers réalisées dans le cadre de l’ARDEC
Sources : ARDEC - campagne 1981-90, et 1991-99
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 103
a) Les plantations de vergers de haute tige en Pays d’Auge
Le rajeunissement des arbres des vergers
Tableau 19 : évolution de l’âge des arbres des vergers de haute tige en pays d’Auge
Type de
verger
1980 1986 1990
Jeune1 90.000 4% 169.000 13% 191.000 18%
Adulte2 1.546.000 73% 911.000 67% 578.000 55%
Vieux 486.000 23% 227.000 20% 288.000 27%
Total 2.122.000 1.357.000 1.057.000
Source : CFC, 1991. 1 : arbres de moins de 13 ans.
2 : arbres de moins de 50 ans
En Pays d’Auge, le rajeunissement des arbres est très net (+90 %) dès le milieu dès 1986 et se confirme en
1990 (+15 %). Cette dynamique de renouvellement est la plus forte de toutes les régions cidricoles bas
normandes, puis que la moyenne régionale est de 8 %. On notera que le nombre d’arbres jeunes a triplé dans
le pays d’Auge ornais.
Le grand point positif de cette politique régionale, par le canal de l’ARDEC, est qu’aujourd’hui le pré-verger
du pays d’Auge est renouvelé, puisqu’il a atteint le seuil de 20% d’arbres jeunes ; seuil d’équilibre des
populations.
Mais, le renouvellement du verger de haute tige ne doit pas masquer l’effondrement du nombre d’arbres
adultes durant cette décennie (perte de 66 % des arbres), qui se traduit par une diminution de moitié du
nombre d’arbres de haute tige en pays d’Auge. Il faut cependant rappeler que la tempête 1987 a largement
contribué à l’effondrement de ces populations.
La nature des vergers en pays d’Auge
Tableau 20 : les plantations de vergers de haute tige bien entretenues en pays d’Auge en % des arbres
Type de verger 1980 1986 1990
Verger dense 390.000 18% 332.000 24% 297.000 28%
Verger clair 1.405.000 66% 689.000 51% 585.000 55%
Arbres isolés 327.000 16% 336.000 25% 175.000 17%
Total 2.122.000 1.357.000 1.057.000
Basse-Normandie 7.913.000 5.572.000 4.222.000
Source : CFC, 1991.
En pays d’Auge, les vergers denses (plus de 75 arbres/ha) ont fortement évolué en pourcentage au détriment
des vergers clairs (25 à 75 arbres/ha). Ceci témoigne de la volonté des producteurs d’entretenir leurs vergers.
On retrouve cette même dynamique dans les régions de la Plaine, du Perche.
L’analyse croisée « âges - densité » illustre la dégradation des vergers clairs : en 1990, les vergers denses
sont composés à 30 % d’arbres jeunes (8 % d’arbres âgés) alors que les vergers clairs
possèdent 15 % d’arbres jeunes et 21 % d’arbres âgés.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 104
Toutefois, la proportion des vergers denses reste faible par rapport à la moyenne bas normande
(45 % en 1990). Ceci s’explique en partie par les distances de plantations retenues généralement en pays
d’Auge (10 x 12 m, soit 70 à 80 arbres/ha) supérieure aux autres pays bas normands.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 105
Evolution de l’entretien du verger du pays d’Auge
Tableau 21 : l’état d’entretien du verger de haute tige en pays d’Auge
Type de verger 1980 1986 1990
Pays
d’Auge
Basse
Normandie
Pays
d’Auge
Basse
Normandie
Pays
d’Auge
Basse
Normandie
Arbres jeunes 84% 56% 86% 84% 98% 88%
Arbres adultes 62% 61% 75% 74% 77% 74%
Arbres vieux 24% 22% 13% 32% 32% 37%
Total 54% 52% 64% 66% 68% 52%
Sont définis comme bien entretenus, les vergers composés d’arbres vigoureux, sains, avec peu d’arbres
manquants et avec peu de gui.
Même si cette appréciation est très subjective de l’avis du Centre Technique des Producteurs Cidricoles (ex
C.F.C.) (variation selon l’enquêteur) et que les données doivent être analyser avec prudence, il apparaît que
les vergers de haute tige sont de mieux en mieux entretenus en Pays d’Auge. Plus des 2/3 des arbres sont
dans des vergers bien entretenus.
On peut noter aussi que la plupart des pays normands ont amélioré l’entretien des vergers : l’écart entre les
régions tend à se réduire.
b) Le développement des vergers de basse tige en Pays d’Auge
Quasiment inexistant en 1980, le verger de basse tige compte 1.683 ha en 1990, dont 566 en Pays d’Auge.
Sa mise en place résulte de 3 facteurs :
- proposition de contrat de plantation sous l ‘égide de l’interprofession (1977),
- volonté de la région de développer cette culture (1981),
- libération de sol en raison des quotas laitiers (1985).
En plus, l’effet « quotas laitiers » a eu pour conséquence l’augmentation significative des surfaces exploitées
par producteur : doublement entre 1985 et 1990.
Ainsi à partir de 1986, son développement s’accélère partout en Basse-Normandie et notamment en Pays
d’Auge qui concentre le plus de plantations. Cette forte présence du verger de basse tige en Pays d’Auge, de
type industriel, va de pair avec une forte présence industrielle de la filière de transformation. D’ailleurs,
85% du verger de basse tige (481 ha sur 566 ha en 1990) est sous contrat de culture (garantie d’achat de la
récolte, garantie de prix) entre le producteur et une coopérative.
Tableau 22 : évolution du verger de basse tige en Pays d’Auge
Verger basse tige 1980 1986 1990
Pays d’Auge Calvados 70 ha 57% 207 ha 33% 497 ha 29%
Pays d’Auge Orne 2 ha 1.5% 32 ha 5% 69 ha 4%
Total Pays d’Auge 72 ha 58,5% 239 ha 38% 566 ha 33%
Basse-Normandie 122 ha 620 ha 1.683 ha
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 106
Source : CFC, 1991.
c) Une politique régionale mal maîtrisée
Cette volonté de l’industrie de développer une politique contractuelle répond au souci des entreprises
cidricoles de garantir leur approvisionnement. L’objectif était de couvrir 30 à 40 % de leurs besoins, objectif
atteint dès 1990-91. Mais, si les plantations sous contrat diminuent depuis, les jeunes vergers de basse tige
plantés dans la décennie 1980 continuent de monter en puissance, au-delà même des rendements prévus par
les services régionaux : 40 à 50 tonnes/ha au lieu de 20 à 30 tonnes /ha. Ainsi, depuis 1995-96, les vergers
sous contrat apportent 60 à 70 % des fruits nécessaires à l’industrie. Et en 1999, le verger de basse tige
couvre même l’intégralité des besoins en fruits cidricoles.
La Basse-Normandie est désormais face à une crise structurelle de la filière cidricole qui ne va pas s’arranger
avant plusieurs années : les derniers vergers de basse tige plantés en 1997 ne sont pas encore entrés, en
production, et la durée de vie d’un verger de basse tige estimée au départ à 20 ans pourrait être certainement
de 25 à 30 ans.
Cette affluence de pommes issues des vergers intensifs se fait au détriment des vergers de haute tige, dont la
majorité (70 %) ne sont pas sous contrat, et donc sans garantie d’achat et s’il y a achat, ce sera à un prix
moindre (-25 %).
Résultat : le recul du pré-verger de haute tige dans l’alimentation de l’industrie
Jusqu’en 1980, les pré-vergers alimentaient la totalité du marché des fruits à cidre. Puis progressivement,
avec le développement des vergers de basse tige, l’arbre de haute tige a représenté 80 % de la production en
1990, et seulement 30 % en 2000.
3.4.4.2 Le Pays d’Auge : riche d’une diversité de produits cidricoles
Si les exploitations agricoles sont fréquemment à dominance laitière, elles ne sont pas pour autant
spécialisées. Les agriculteurs produisent très souvent du lait, de la viande et des fruits à cidre. Il convient
aussi de ne pas oublier la place du cheval compte tenu du nombre de haras en pays d’Auge.
Les trois productions du Pays d’Auge
La production cidricole, elle, se répartit entre les ventes de fruits à l’industrie (cidres pasteurisés ou AOC
« Cidre Pays d’Auge », « Calvados », « Pommeau de Normandie ») et les productions fermières, et mêmes
AOC (cf. annexe 12).
L’INAO reconnaît que l’association de ces trois (ou quatre) productions correspond à la valorisation de la
mixité de la race normande, ainsi qu’à l’association du pâturage et de la production de fruits (pré-verger).
Tableau 23 : Identification des vergers en AOC « Calvados Pays d’Auge » pour la récolte 2000
Département Superficie (en ha) Nombre de
producteurs
Potentiel maximum
autorisé (tonnes)
Haute tige Basse tige Poiriers Pommes Poires
Calvados 2 863 606 233 1 757 79 918 6 841
Eure 453 49 30 335 10 938 901
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Orne 770 85 47 520 18 356 1 448
TOTAL 4 087 740 310 2 612 109 212 9 191
Source : INAO, 2000
La coopérative de producteurs de fruits (agriculteurs- éleveurs) regroupe 50 producteurs-récoltants qui
produit plus d’un million de bouteilles de cidre AOC « Pays d’Auge ».
L’AOC Cidre « Pays d’Auge » progresse de 15 % par an en volume, tout confondu.
Mais, la moitié de la production de fruits est valorisée en dehors du Pays d’Auge, et autour de 70 % du
Calvados.
Les savoir-faire herbagers et pré-verger
Si ce n’est depuis l’apparition des récents vergers spécialisés de basse tige, la production de fruits dans la
prairie ne s’envisageait pas à l’échelle de la parcelle mais à celle de l’arbre. Le pré-verger se constitue en
effet d’un assemblage de plusieurs variétés de pommiers (et de poiriers) qui permet de tirer avantage des
terrains, d’améliorer la pollinisation, et de se prémunir de l’alternance.
Le pré-verger constitue donc un système complexe à double échelle de gestion : l’échelle de la parcelle pour
la production fourragère, et l’échelle de l’arbre pour les fruits. Tout le savoir de l’agriculteur revient à faire
circuler les animaux entre les parcelles en portant attention à la relation arbre-animal, et à la relation arbre-
fruit.
Il consiste également à considérer les associations d’arbres afin :
de disposer des meilleures conditions de pollinisations,
de réduire les irrégularités de productions liées à l’alternance,
de faciliter la récolte,
d’obtenir les meilleurs assemblages de fruits pour les divers produits (calvados, cidre, pommeau).
Enfin, le dernier savoir-faire de l’agriculteur concerne également l’interaction entre l’herbe, l’animal, l’arbre
et le fruit.
Schéma 5 : les interactions Arbre / Animal / Herbe / Fruit dans les pré-vergers
ARBRE ANIMAL
FRUIT
Bien-être
HERBE
Formation de l’arbre
Meilleure conservation du fruit
Régulateur
de la croissance
Maîtrise de la
vigueur
Consommation des fruits
et du marc véreux
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L’animal :
Outre la valorisation de l’herbe, y compris dans les vergers escarpés, le bovin consomme le marc issu du
pressage des fruits. Il participe ainsi au recyclage de l’azote par ses déjections.
Il prépare aussi la récolte, en consommant les fruits véreux tombés précocement et en transformant la prairie
en une pelouse rase plus apte à la récolte des fruits.
L’animal participe à l’élagage naturel des branches basses, permettant ainsi le passage des tracteurs pour la
récolte, même si ces branches sont porteuses de nombreux fruits. On peut noter que les générations
d’agriculteurs ont sélectionné des variétés au port non retombant afin de limiter ces pertes.
L’herbe :
Il est important de souligner que l’herbe joue un rôle favorable dans la qualité des fruits en fixant l’azote
contenu dans le sol. En effet, les essais ont mis en évidence que l’excès d’azote dans le sol entraîne une
accumulation d’azote dans le fruit ce qui engendre une fermentation trop rapide des fruits après récolte.
Ainsi, dans les vergers de basse tige désherbés et fertilisés, l’élaboration (contrôle) de cidre est beaucoup
plus délicate et le produit final moins stable.
En fixant l’azote, l’herbe contrôle la vigueur de l’arbre, condition nécessaire pour que s’expriment les
potentialités du terroir. De plus, les fruits tombés sur l’herbe sont protégés des bactéries et virus de la terre.
Ils offrent ainsi une meilleure conservation avant transformation (cf. INRA Caen).
L’arbre :
Il est reconnu que l’arbre protège les animaux du soleil estival, et régule la pousse de l’herbe en limitant la
production au printemps et en la favorisant en été (réduction de l’évapotranspiration). Des phénomènes
complexes sont mis en jeu à cette période, mais il apparaît que l’arbre fonctionne comme une pompe à eau,
qui ramène à la surface l’humidité contenue dans le sous-sol.
Tableau 24 : Identification des vergers en AOC Calvados pour la récolte 2000
Département Superficie (en ha) Nombre de
producteurs
Potentiel maximum
autorisé
Haute tige Basse tige Poiriers Pommes Poires
Calvados 3 643 887 244 2 939 103 585 7 200
Manche 2 106 498 184 4 353 60 994 5 491
Orne 2 480 456 572 3 525 64 583 17 127
Eure 1 182 446 76 1 198 40 615 2 297
Autres 240 132 36 396 9 413 1 149
TOTAL 9 652 2 419 1 112 12 411 279 187 33 263
Source : INAO, 2000
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 109
Tableau 25 : identification des vergers en AOC « Pommeau de Normandie » pour la récolte 2000
Haute tige Basse tige
Potentiel maximum
autorisé (tonnes)
5 760 8 242
Superficie (en ha) 342 273
Source : INAO, 2000
3.4.5 Evaluation des actions menées
3.4.5.1 Moyens financiers
Dans le cadre du Contrat de Plan Etat-Région, en 1998-99, environ 1,5 millions de francs ont été investit et
géré par l’ARDEC :
- rénovation des vergers (haute tige) : 600.000 F (Région) ;
- encadrement technique à la plantation : 30.000 F (région) ;
- amélioration de la productivité (expérimentation, réseau de références) :
200.00 F (ONIVINS) ;
- amélioration de la qualité et promotion des produits cidricoles : 370.000 (Région)
+ 266.000 F (ONIVINS) ;
Ces aides à la filière cidricole sont relativement constantes depuis 1991, en valeur et par thème.
A ces aides régionales s’ajoute l’aide spécifique du Conseil général du Calvados pour la replantation des
vergers de haute tige abattus par la tempête : 3 millions de francs sur le s4 prochaines années
(20.000 arbres environ).
Investissements :
Verger de haute tige : 20 à 25 000 F/ha (80 à 100 arbres/ha),
Verger de basse tige : 24 à 28 000 F/ha (650 arbres/ha).
3.4.5.2 Actions de formations, animation et communication
Les missions de formation et d’animation sont confiées à l’ARDEC :
- animation de la commission technique verger cidricole (avec le Comité des fruits à Cidre) ;
- sensibilisation, information et formation des producteurs (journées portes ouvertes, réunions
techniques, …) ;
- conseil individuel aux producteurs : aider les nouveaux producteurs à mieux raisonner leur
plantation, le choix des parcelles et les investissements. Ces interventions s’organisent pour
l’essentiel dans le cadre de conventions passées avec les entreprises et les groupes de
producteurs (pays d’Auge, …).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 110
On remarquera cependant que l’ARDEC réalise un accompagnement technique « auprès des planteurs
soucieux de dégager un revenu sur une production intensive »7.
3.4.5.3 Evaluation des surfaces plantées, entretenues et restaurées
Tableau 26 : surfaces plantées en Basse-Normandie
1981-85 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 Total
Haute tige 2 46 77 72 108 99 98 1 40 93 120 116 43 68 28 58 1 050 ha
Basse tige 412 163 148 256 337 226 116 76 106 258 513 150 0 0 2 100 ha
Dont non
subventionné
193 27 18 41 111 61 4,5
Les mesures agri-environmentales ont permis de remettre en état des vergers de haute tige du Pays d’Auge
(Orne). Ainsi, 386 ha contractualisés (20 000 arbres) chez 65 propriétaires pour un montant de 215.000 F /
an entre 1997 et 1999.
3.4.5.4 Cahiers des charges
MAE Remise en état des vergers de haute tige dans le Pays d’Auge ornais
Cette mesure, engagée en 1996 (achevée en 2001), était éligible aux agriculteurs, propriétaires ou fermiers,
pour une durée de 5 ans. Les aides sont versées au bénéfice des personnes physiques ou morales assujetties à
la MSA à titre principal ou secondaire.
Les parcelles doivent être plantées de pommiers, avec une densité minimale de 50 arbres/ha et un verger
d’une surface minimale de 50 ares. Le verger doit comprendre au moins 1/3 d’arbres à rénover.
Le cahier des charges oblige le contractant à pratiquer 3 élagages dans les 5 ans, à enlever le bois mort et le
gui de manière régulière. La prairie doit être fauchée ou pâturée.
L’aide est versée, après contrôle par un technicien de l’ARDEC ou de la chambre d’Agriculture, selon la
grille suivante :
Tableau 27 : financements des MAE selon l’état d’entretien des arbres en Basse-Normandie
% d’arbres mal
entretenus
Nombre d’arbres / ha
50 à 60 60 à 70 70 et plus
30-40% 320 F /ha 400 /ha 480 F/ha
40-60% 480 F/ha 600 F/ha 7220 F/ha
60-80% 640 F/ha 800 F/ha 980 F/ha
80-100% 800 F/ha 1.000 F/ha 1.200 F/ha
3.4.5.5 Problèmes juridiques et administratifs rencontrés
Un fermage « Arbre fruitier » ?
Le Conseil régional a proposé la mise en place de baux différenciés entre le fermage sur la prairie et le
fermage des arbres fruitiers. Cette idée n’a pas aujourd’hui été retenue, mais elle semble être une voie
7 Rapport d’activité de l’ARDEC – Campagne 1999. Septembre 2000
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 111
originale garante d’une bonne gestion des arbres. Elle s’appliquerait avec beaucoup de facilité dans les
vergers de poiriers qui ne font pratiquement pas l’objet de travaux culturaux en dehors de la période de
récolte et de taille. Il n’y a à priori peu de risque de conflit entre le fermier de la prairie et celui des fruitiers.
La situation est un peu différente avec les pommiers qui demandent des soins en cours de végétation.
3.4.5.6 Intérêts environnementaux des pratiques dans les vergers de haute tige en Pays d’Auge
Un travail8 mené sur un nombre limité de producteurs récoltants permet d’apprécier les pratiques agricoles
dans les vergers de haute tige du Pays d’Auge sans toutefois pouvoir permettre de le transposer à l’ensemble
des producteurs. Ce travail éclaire cependant sur la diversité des pratiques et des gestions des systèmes des
vergers de haute tige au sein des exploitations.
a) Interventions sur les arbres
Tailles de formation et d’entretien
Réalisé en hiver, l’élagage des arbres adultes consiste en l’élimination des branches mortes ou chancreuses,
et du gui. Le centre de l’arbre est éclairci afin de permettre une meilleure pénétration de la lumière. Les
branches basses à la portée des animaux sont aussi supprimées.
Reste que l’intensité de l’entretien varie fortement selon les agriculteurs. La majorité des arbres (71 %) sont
régulièrement entretenus, et la plupart au moins tous les 2 ans. Un agriculteur sur 5 reconnaît intervenir dans
l’urgence, notamment pour éliminer le gui. Il reste 10 % des pré-vergers qui sont entretenus peu souvent,
généralement par manque de temps. On remarque que ces vergers délaissés sont les plus éloignés de la
ferme, ou les moins productifs (arbres vieillissants ou vergers clairsemés).
La protection phytosanitaire
Les arbres adultes ne reçoivent aucun traitement. Le verger de plein vent est de ce point de vue un système
économe, où les produits phytosanitaires sont employés dans l’extrême nécessité. Il n’est pas rare que
l’agriculteur abatte un arbre adulte malade, ou surgreffe une variété trop sensible par une plus tolérante,
plutôt que de traiter.
Seuls les jeunes arbres de ces vergers sont traités régulièrement avec des fongicides (36 % des vergers), soit
des insecticides (57 %).
b) La fertilisation des vergers de haute tige
Une fertilisation liée au pâturage
Tous les vergers sont pâturés. Le pâturage peut être tournant, ou continu.
Il apparaît trois intensités de pâturage :
les parcelles faiblement pâturées où l’intensité de pâturage9 varie de 60 à 160 jours de pâturage
UGB10
/ha/an ;
les parcelles moyennement pâturées avec 160 à 460 jours de pâturages UGB/ha/an ;
les parcelles intensément pâturées où l’intensité atteint 560 jours UGB/ha/an.
8 Rey, 1998. INAO
9 Intensité de pâturage = (coefficient UGB x nombre d’animaux x nombre de jours de pâturage) / surface
10 UGB : Unité gros bétail. 1 UGB = 1 vache laitière, 1 vache allaitante = 0,7 UGB
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 112
Cette analyse fait apparaître que la pression de pâturage est très variable entre les exploitations (disponibilité
en herbage, gestion du pâturage par rapport au fauchage…), et au sein d’une même exploitation. Les prairies
plantées situées loin de l’exploitation sont faiblement pâturées par rapport aux vergers entourant les
bâtiments d’élevage.
Ainsi, les apports azotés11
par les déjections animales représentent l’équivalent de 30 à 270 kg/ha d’azote,
avec en moyenne 140 kg/ha.
Les fertilisations apportées
Une minorité des vergers (15%) n’est pas fertilisée. L’agriculteur dispose de suffisamment d’herbages par
rapport à ces besoins.
Les autres vergers reçoivent des apports de fumiers, complétés une fois sur trois avec des engrais minéraux.
Les apports de fumiers
Les fumiers sont épandus occasionnellement, tous les 2 ans (30 tonnes/ha) ou tous les 4 ans
(40 tonnes/ha). Ces apports d’azote varient de 40 kg/ha à 100 kg/ha environ.
Les apports minéraux
Le pré-verger peut aussi recevoir une fertilisation minérale (complète, azotée seulement ou phosphore et
potasse). Près de la moitié des vergers sont fertilisés avec de l’azote minéral : 40 à 160 kg/ha, et moins de 60
kg/ha en moyenne. Les apports de phosphore et de potasse sont plus fréquents (70 % des parcelles), avec des
quantités variant de 25 à 80 kg/ha/an.
Quand il n’y a pas fertilisation, l’atelier d’élevage est généralement une production d’appoint, et les animaux
sont surtout là pour entretenir la prairie. Il peut aussi s’agir d’un verger trop éloigné du siège de
l’exploitation pour être fertilisé chimiquement.
On constate qu’une majorité de parcelles plantées sont peu à moyennement fertilisées
(40 à 70 kg/ha/an), et que les fertilisations peuvent atteindre 200 kg/ha/an dans les cas extrêmes.
En général, ces apports sont raisonnés en fonction des besoins en herbe des animaux et pas selon les besoins
des arbres.
c) Gestion de l’herbe et du pâturage sous les pommiers
Diversité du mode de pâturage
Il existe deux conduites du pâturage dans les exploitations ayant des pré-vergers.
La technique la plus fréquente est le pâturage tournant entre diverses unités de pâturage (variant
de 3 à 5). Chaque unité se compose d’un ensemble de parcelles (prés plantés, prés nus) individualisée par
une clôture (haies, fils électriques, fils barbelés). Le troupeau est alors mené d’une unité à l’autre selon un
parcours.
En Pays d’Auge, les exploitations agricoles sont orientées vers l’élevage bovin lait. Les vaches laitières
pâturent sur les parcelles situées à proximité du bâtiment d’élevage (salle de traite). Les autres bovins
(génisses, broutards) sont eux conduits sur des parcelles plus éloignées, selon une gestion plus simplifiée. Le
pâturage est alors tournant mais sur 2 à 3 unités de pâturage, soit continu sur une ou plusieurs unités. Dans ce
cas, les animaux stationnent sur une même surface durant toute la durée de pâture.
La mise à l’herbe des vaches laitières débutent fin mars, et le pâturage des jeunes animaux pas avant le mois
de mai. Après une première pâture sous les pommiers, l’agriculteur homogénéise les déjections sur toute la
parcelle avec la herse.
11
Azote restitué = 0,45 x intensité de pâturage (en kg d’azote par ha)
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 113
Rares sont les pré-vergers fauchés. Le foin est réputé de mauvaise qualité : il est pauvre et sèche mal. La
production de foin atteint 4 à 8 t/ha. De plus, le passage des machines agricoles n’est pas aisé entre les
rangées d’arbres. Souvent, seuls les refus sont fauchés.
En été, l’herbe devient plus rare ce qui oblige l’agriculteur à ouvrir toutes ces parcelles aux animaux, y
compris ceux fauchés. Les bêtes pâturent ainsi dans les vergers jusqu’en août-septembre.
L’approche de la récolte des fruits : phase critique du pâturage sous les pommiers
La gestion du pâturage est alors très délicate pour l’agriculteur. Son troupeau demande alors une surface
maximale alors que la récolte toute proche implique de ne pas utiliser les parcelles plantées.
Evidemment, il faut protéger les fruits de la gourmandise des vaches. Mais, le pâturage doit s’arrêter
suffisamment tôt pour ne pas que les fruits chutent sur un pré souillé par les déjections. À l’inverse, il faut
maintenir un pré propre et ras afin que la récolte soit de qualité et efficace.
Aussi, la date de retrait des animaux de la parcelle plantée se fait toujours aux dépens de la récolte de fruit
ou de la production d’herbe. Cette contrainte n’est plus gérable quand le verger est très éclairci (moins de 40
arbres/ha). La perte d’herbe est alors trop lourde par rapport à la quantité de pommes récoltées. Ainsi, des
agriculteurs peuvent sacrifier la récolte (ou une partie) de fruits en laissant les animaux très tard notamment
dans les vergers proches des bâtiments.
Afin de réduire la période d’immobilisation des prés, les producteurs tendent à reconstruire leurs vergers en
regroupant les variétés ayant la même période de chute dans les mêmes unités de pâturage. Ceci facilite aussi
la récolte des fruits. Chez quelques agriculteurs, la diversité variétale des pré-vergers contraint le pâturage
d’octobre à décembre.
En général, les bovins retournent dans les vergers au mois de novembre. Le climat normand peut en effet
permettre, certaines années, une pousse d’herbe jusqu’à décembre.
d) La production de fruits
La récolte de fruits
La récolte débute quand 30 à 50 % des pommes sont au sol. Certains secouent les arbres pour vérifier la
bonne maturité des fruits.
Le ramassage est exclusivement pratiqué à la main dans 40 % des exploitations enquêtées. Pour certains
producteurs, c’est un choix volontaire : cette technique élimine les fruits pourris au moment de la récolte, et
garantie ainsi la qualité des fruits lors de la conservation. Pour les autres, leur faible volume ne justifie pas
(encore) l’investissement dans une ramasseuse qui nécessite l’achat des équipements de lavage et de tri.
Pour d’autres producteurs, la récolte est entièrement faite à la machine. Ceci est plus rapide et moins
coûteux, car la main d’œuvre est fortement réduite. La machine à récolter la plus répandue est la « brouette
Cacquevel » ou équivalente. C’est une petite automotrice composée d’un pick-up à pattes en caoutchouc qui
récolte et trie les pommes selon leur calibre. Elle convient bien pour les hautes tiges, mais nécessite un
andain en verger de basse tige. L’autre système utilise une ramasseuse tirée par un tracteur. La ramasseuse
nécessite un andainage préalable.
Mais souvent, les agriculteurs pratiquent les deux modes de récoltes. La récolte mécanique nécessite un
temps sec et un sol ressuyé. Or, plus on avance dans la saison et moins ces conditions sont réunies. Il n’est
pas rare que les producteurs adaptent leur mode de récolte au type de pomme ou à la variété. Les pommes
fragiles souvent les plus précoces sont récoltées à la main. La récolte des pommes tardives, pommes dures,
plus résistantes aux chocs, est mécanique.
Pour d’autres, les pommes destinées à la vente aux cidreries ou au calvados sont récoltées à la machine. Les
pommes choisies pour l’élaboration de leur pommeau ou de leur cidre sont ramassées à la main.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 114
La récolte peut intervenir en un ou plusieurs passages. S’il n’y a qu’un passage, le producteur secoue les
arbres. Sinon, le producteur effectue un premier passage pour récolter les fruits prématurément, destinés
alors à la fabrication de cidre à distiller. Le second passage est déclenché quand la moitié des fruits ont
chuté. Il peut y avoir jusqu’à 3 ou 4 passages par verger (selon le nombre de variétés et la destination des
fruits).
Traditionnellement, les pommes sont entreposées dans un fruitier en attendant la transformation. Mais,
aujourd’hui les fruits sont de plus en plus stockés dans les pallox. Ces palettes évitent les manipulations
ultérieures, et permettent de trier les pommes dès la récolte pour élaborer les différentes cuvées.
e) Synthèse sur la gestion des pré-vergers
Il apparaît que les vergers de haute tige sont fondamentalement gérés de la même manière, en tenant compte
des contraintes spécifiques à chacun des agriculteurs :
orientation technico-économique : système mixte ou orienté vers un atelier (bovin lait, bovin viande,
culture) qui induit une organisation de l’espace et du travail spécifique. Le poids relatif de l’atelier
verger/cidre, très variable d’une exploitation à l’autre, se traduit par des degrés d’investissements
différents (priorité entre pré et verger, récolte et gestion du troupeau…).
le parcellaire : l’agriculteur est tributaire de l’organisation de ces prairies (plantées ou nues). Selon que
les parcelles soient regroupées autour de la ferme ou morcelées en diverses unités plus ou moins
éloignées, la conduite du pâturage sera différente. La répartition des vergers sur ces prairies est elle aussi
décisive, tout comme leur densité ou l’état sanitaire des arbres. Ainsi, la gestion de la production de
pommes à cidre sera plus ou moins régulière selon les parcelles.
L’environnement : l’agriculteur est contraint de gérer les productions (pré, culture, pommier) selon
l’aptitude des sols de chaque parcelle. Il privilégiera la mise à l’herbe précoce sur des parcelles
portantes, alors que l’hydromorphie interdit la culture des pommiers, etc. La proximité de peupliers, ou
de vergers infectés par le gui peut modifier le comportement du producteur (lutte systématique ou
abandon des arbres).
f) Une relation entre animal-parcelle-pommier-cidre
Cette typologie des vergers et des pratiques révèle la relation terroir et cidre.
Le terroir cidricole se caractérise par des facteurs naturels de type milieu (géologie, pédologie, topographie,
climat) et matériel végétal (variété riche en composés phénoliques), et par des facteurs humains (pratiques
culturales en verger, pratique de pâturage, et gestion des fruits).
L’interaction pommier - milieu :
Le producteur semble percevoir difficilement les effets du milieu sur les pommiers, du fait en partie de la
grande diversité de variétés au sein d’une parcelle et au sein de l’exploitation. De toute manière, les
conditions pédologiques et géologiques ne sont pas un critère décisif dans le choix d’une parcelle pour
l’implantation d’un verger.
Contrairement au viticulteur qui travaille par cépage, le producteur de cidre assemble des variétés issues de
diverses parcelles. Reste que l’effet milieu devrait être mieux analysé, car des variétés douces (< 2g/l de
composés phénoliques) peuvent dans certains milieu être classée en douces-amères (> 2g/l de composés
phénologiques).
Les producteurs raisonnent à l’échelle arbre-variété. Les producteurs du pommeau ou de cidre réalisent une
sélection des variétés adaptées. Ils orientent le profil variétal de leurs vergers en cohérence avec le produit
qu’ils souhaitent développer. Par exemple, certains utilisent des modes de récolte respectueuses des variétés.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 115
L’AOC Cidre Pays d’Auge offre la particularité d’employer une grande diversité de variétés traditionnelles
et locales. Ces variétés expriment dans leur milieu toutes leurs richesses. Il reste à mieux les connaître :
potentiels de production cidricoles ? Dans quels milieux s’expriment-elles le mieux ?
Les seuls essais d’évaluation portent aujourd’hui sur des vergers de basse tige, notamment implantés en Pays
d’Auge. Il s’agit d’étudier le comportement agronomique de ces variétés et d’apporter des améliorations de
la conduite. Malheureusement aucun protocole n’a été mis en place pour analyser le potentiel de production
de ces variétés en verger de plein vent.
Or, dans le cadre des vergers de haute tige, la production d’herbe et la production cidricole sont très
intimement liées. Le producteur doit adopter une vision polyvalente afin de co-adapter ces deux productions.
La parcelle de haute tige pâturée est à elle seule source de biodiversité. Il peut s’agit d’un verger complet,
plus ou moins dense, voir d’arbres isolés. Les arbres sont soumis à des niveaux de fertilisation et des
pressions de pâturage très variables, liés à l’organisation spatiale des parcelles. Nous disposons de peu
d’éléments pour évaluer la durabilité des systèmes de haute tige. Permettent-elles un fonctionnement normal
du pommier ainsi qu’une production répondant aux exigences cidricoles ? Il serait judicieux d’intégrer
l’écologie du pommier dans ce système associatif.
Interactions arbre - parcelle – milieu :
Le verger de haute tige et le verger de basse tige : deux unité fonctionnelles
Le verger de haute tige correspond à une valorisation maximale de la parcelle, avec une association
de 2 productions extensives (herbe et fruits) sur une même surface, voire 3 si l’on intègre le bois des haies
associées. L’analyse des pratiques culturales fait apparaître un système économe avec très peu d’intrants
(fertilisation, traitements phytosanitaires…), peu de temps consacrés à l’entretien des arbres. Plutôt que de
miser sur une forte productivité et une entrée en production très rapide, le producteur s’inscrit dans un
processus plus lent fondé sur une association durable.
En Pays d’Auge, le développement du verger de basse tige répond à un manque de production des verger
traditionnel non renouvelés depuis 3 à 4 décennies.
Si par nature ces deux systèmes s’opposent, le verger cidricole de basse tige n’est qu’une émanation du
verger intensif de pommes à couteaux (type pays de la Loire, vallée du Rhône…). Or, les itinéraires
culturaux pratiqués sur ces vergers sont parfois très éloignés des schémas classiques prônés par les
organismes techniques. La protection sanitaire est réduite au minimum, voire nulle, la fertilisation est plutôt
faible et surtout destinée à la production d’herbe entre les jeunes rangs. Quant à la taille, elle est réalisée de
manière très sommaire.
En fait, les producteurs du Pays d’Auge, agriculteurs avant tout et sans réelle tradition arboricole, adaptent le
jeune verger de basse tige dans un objectif de combiner une production d’herbe pendant toute la période de
non production de fruits. Il retrouve ainsi le système à vocation mixte des vergers de plein vent pour un
temps. Ensuite, le développement des arbres provoque la spécialisation de la parcelle au terme de 6 à 8 ans.
3.4.5.7 Opérations particulières
Le premier verger basse tige de variétés locales normandes
L’ARDEC a mis en place le premier verger de basse tige à base de variétés normandes en 1993. Ce
programme expérimental, s’inscrit dans le souci de conserver des produits de terroir et répondant aux
exigences de qualité imposées par l’AOC. L’INAO s’inquiète en effet de la disparition des vergers de haute
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 116
tige composés de variétés traditionnelles au profit des vergers spécialisés de « variétés à jus » (type Judeline,
Judor, ….).
Aides à la restauration des vergers menées par le Conseil général du Calvados
Le Département du Calvados fondait sa politique en faveur de l’arbre champêtre, jusqu’à présent sur la
préservation des haies (replantation, protection…). Mais la dernière tempête de décembre 1999, l’a incité à
engager immédiatement une action en faveur de la restauration des vergers de haute tige.
Un recensement en 1995 avait permis d’estimer à 1 395 000 arbres de haute tige dans le département. La
tempête semblerait avoir abattu 5 à 10 % des arbres dans le nord du Calvados, mais 30 à 40 % dans le sud.
On peut estimer qu’environ 300 000 à 400 000 fruitiers ont ainsi été couchés.
Le Conseil général a ainsi voté un budget spécial de 3 MF pour replanter des pommiers et des poiriers dans
les 4 prochaines années, représentant environ 20 000 arbres.
Ce programme est éligible à tous les particuliers ou agriculteurs du département qui déclarent avoir perdus
des arbres lors de cette tempête. Le Département n’a pas restreint l’opération à certains secteurs, mais il est
évident que les zones les plus touchées sont visées en priorité. Chaque dossier doit comporter la plantation
d’au moins 10 arbres, et dans la limite du nombre d’arbres abattus. Il ne s’agit donc pas d’un programme de
replantation, mais bien de restauration des vergers traditionnels.
L’aide sera versée au propriétaire sur la base de 150 F/arbre, sur présentation de facture.
La gestion administrative des dossiers et la maîtrise d’œuvre sont assurées entièrement par les services
techniques du Conseil général (2 personnes à mi-temps sur l’année).
Fin septembre, 74 propriétaires se sont manifestés pour replanter 5 600 fruitiers. Les demandes varient de 30
à 140 arbres par dossier.
3.4.6 Conclusion
Depuis 30 ans, ce pays a connu (subit) une révolution des techniques agricoles, l’instauration des quotas
laitiers, les primes sur les céréales et les oléo-protéagineux… Ainsi, de nouvelles formes de production plus
rationnelles, plus simplificatrices, plus spécialisées se sont développées. Massivement aidées et promues par
le milieu agricole et professionnel.
Cette révolution a aussi frappé le verger traditionnel, avec la mise en place des premiers vergers intensifs
dans les années 1980 largement subventionnés. Malgré le soutien aux vergers de haute tige (vieillissants, non
productifs), notamment par les financements régionaux, ce système agroforestier a régressé
de 5 % par an, avec une extinction programmée pour 2010 dans la tendance actuelle.
Or, malgré sa complexité de gestion au sens de l’exploitation, le pré-verger est encore là. Et bien là, puisque
40 % des arbres de haute tige ont moins de 20 ans, et 20 % ont moins de 10 ans en Pays d’Auge.
C’est certainement la recherche d’un produit de qualité en Pays d’Auge basé sur le terroir (AOC « Cidre » et
« Pommeau ») qui a permis à cette région de conserver un dynamisme relatif en faveur de ce système.
Mais comment expliquer la transmission ces dernières années d’éléments importants du patrimoine cidricole
normand dans un contexte agricole difficile ?
S’agit-il d’une évolution aberrante ? Ou alors ce système pré-verger / bovin laitier et bovin viande
ne recèle-t-il pas des éléments de durabilité qui lui permettre d’être transmis aux générations successives
sans aides agricoles spécifiques ?
La dynamique de la filière cidricole en Pays d’Auge, malgré toutes les difficultés qu’elles doit surmonter
(contexte de surproduction fruitière, quotas laitiers…), met en évidence que la protection du patrimoine
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 117
normand (tant fromager et que fruitier) résultera d’une meilleure compréhension du fonctionnement de cette
économie et de ses facteurs de modernité. Il s’agit bien de restituer aux acteurs locaux (agriculteurs surtout)
ces analyses afin qu’ils décident en toute sérénité de ce qui doit être préservé et de ce qui doit être aménagé.
Aujourd’hui, de nouveaux arguments plaident en faveur de la préservation des pré-vergers. L’intérêt récent
de l’INAO commence à mettre en évidence que les vergers de hautes tiges sont les seuls vergers à même de
garantir un produit de qualité, ou plutôt de typicité, recherché notamment dans les AOC.
Les travaux récents tendant à prouver que l’implantation de ces vergers traditionnels installés généralement
sur des terres pauvres (en pente), dont les arbres de haute tige puisent profondément dans le sol les éléments
minéraux, donne des produits transformés qui identifient parfaitement le terroir et en expriment toutes les
caractéristiques.
Par ailleurs, ces vergers traditionnels sont composés de variétés anciennes qui, moins productives que les
variétés récentes à jus, développent des caractéristiques organoleptiques uniques que l’on ne retrouve pas
dans les variétés modernes. Il apparaît donc que ce sont les fruits issus des pré-vergers qui confèrent toute
l’originalité gustative des jus de pommes, et garantie la qualité AOC des produits cidricoles.
D’autre part, l’analyse de la gestion des parcelles en agroforesterie par rapport aux parcelles de vergers de
basse tige fait apparaître des pratiques à faibles intrants (sans azote, sans eau, sans traitements chimiques…),
qui en plus des intérêts environnementaux (protection des sols, de l’eau, et des écosystèmes).
Ce système intéresse de plus en plus les acteurs (INAO, Région, Département, Syndicat de producteurs)qui
recherchent le produit identitaire qui les démarquent des produits de base. Ce nouvel intérêt pour le pré-
verger met la profession agricole en porte-à-faux, car elle considère encore le pré-verger comme un système
archaïque, sans avenir s’il ne se plie pas aux règles des vergers intensifs (traitements, tailles,…). Or,
l’analyse des pratiques agricoles dans les vergers intensifs cidricoles révèlent que ces protocoles conseillés
sont loin d’être appliqués.
On peut ainsi affirmé que le schéma du verger intensif cidricole, issu du verger de pommes à couteaux, ne
correspond pas socialement et culturellement à l’agriculture bas-normande. Pourtant, son développement mal
maîtrisé en Pays d’Auge (sous la pression du milieu industriel) a mis à mal toute la filière (contexte
structurel de surproduction pour les 10 à 15 ans à venir), et à sacrifier le système de pré-verger.
Le regain d’intérêt actuel pour ce système agroforestier est tardif, mais la volonté des agriculteurs de
conserver et de renouveler ces vergers de haute tige depuis 20 ans, laisse espérer une reconquête si des choix
clairs sont rapidement mis en œuvre (aide à la diversification, identification de produits issus de vergers de
haute tige, …).
3.4.7 Bibliographie
Rey (1998). Diversité du verger cidricole dans l’aire de l’AOC Pays d’Auge. Comité scientifique des
AOC cidricoles. 16 p.
Guillierme et Fabian (2000). AOC fromagères et cidricoles du Pays d’Auge. Une économie en harmonie
avec un territoire diversifié. Un séminaire de réflexion. Direction du patrimoine du Ministère de la
Culture / INAO. 14-16 juin 2000. 8 pages.
ARDEC, 1991. Rapport d’activités de l’ARDEC : campagne 1991.
ARDEC, 1999. Rapport d’activités de l’ARDEC : campagne 1999.
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3.5 PAYS BASQUE : POUR UNE RELANCE DU CIDRE DU PAYS BASQUE ET DE LA CERISE
D’ITXASSOU
3.5.1 Personnes enquêtées (enquête réalisée en octobre 2000)
Pantxika MAITIA – Présidente de l’association SAGARTZEA
Florence BAYLE – Technicienne à la coopérative EZTIGAR
Miremtxu ELISSALDE – Présidente du GIE « Cerise d’Itxassou »
Marie-Françoise REGERAT – GIE « Cerises d’Itxassou »
M. CORREGE – DDAF des Pyrénées-Atlantiques
3.5.2 Les acteurs locaux et leurs rôles
3.5.2.1 Présentation des acteurs
Le GIE « Cerises d’Itxassou » réalise la promotion et la relance de la production de cerises dans les environs
d’Itxassou. Il s’agit d’un groupe d’agriculteurs (en général ovins lait) qui se sont fédérés depuis une dizaine
d’années pour renouveler le patrimoine fruitier local dans un objectif de diversification des exploitations
agricoles. Composé d’une trentaine de membres, le GIE a mis en place le projet de replantation de vergers de
cerisiers, accompagne ces plantations par un conseil auprès des agriculteurs, et travaille sur les moyens de
valorisation des productions à court terme.
Le principal acteur local sur la filière « pommes » est l’association SAGARTZEA qui depuis 1992 mène une
action de sauvegarde des variétés locales et anciennes de pommes. Son action, après une phase de
recensement (prospection pomologique), s’est rapidement orientée vers la valorisation de ces pommes
basques. Elle a alors organisé un programme volontaire de plantation de vergers de pommiers, sans réel
appui technique de la part des organismes professionnels agricoles, puis a constitué une coopérative afin de
transformer les fruits produits.
Cette Coopérative EZTIGAR, composé de 30 coopérateurs, est créée depuis 1998 avec l’appui technique de
SAGARTZEA.
Le programme de relance de la « Cerise d’Itxassou » a reçu le soutien des élus locaux (commune d’Itxassou)
mais ceci ne s’est pas traduit nécessairement par un appui financier.
3.5.2.2 Les moyens humains mis en œuvre
Le GIE « Cerises d’Itxassou » et l’association SAGARTZEA fonctionne sur la base du bénévolat et n’ont pas
d’équipe technique salariée. Le premier emploi vient d’être créé dans le cadre de la coopérative EZTIGAR :
il s’agit d’une jeune technicienne employée dans le cadre d’un emploi-jeune, et qui a en charge la gestion
administrative et technique de la coopérative. Elle est bien entendu encadrer par plusieurs bénévoles de
SAGARTZEA, ainsi que par les coopérateurs.
Aucun technicien agricole n’intervient sur ces deux projets de relance arboricole.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 119
3.5.3 Historique
3.5.3.1 Contexte socio-économique spécifique
Région du Labour : un pays de petites exploitations de moyenne montagne
Contrairement à beaucoup de zones de montagne, le Pays basque n’a pas connu de réel exode rural. Si entre
1955 et 1975, le développement du pays basque de la cote (dit « extérieur ») s’est fait en partie au détriment
du pays basque « intérieur », l’agriculture basque a su développer (et conserver) une économie basée sur des
produits de qualité fondée sur l’identité. Ainsi, le succès de la production fromagère (Ossau-Iraty) a entraîné
une pression importante sur les terres de cette zone. La moindre parcelle, y compris celle en forte pente ou
très éloignée des habitations, est valorisée et consacré à la production d’herbes.
Aussi, exclusivement tournées vers l’élevage de brebis, les exploitations agricoles d’Itxassou et de ces
environs sont petites (8 à 20 ha).
La recherche de terres laisse peu de place aux autres cultures, notamment le cerisier ou le pommier. Mais
certains agriculteurs veulent préserver le patrimoine fruitier qui fait partie de l’identité basque. Le projet de
relance de la cerise d’Itxassou ou du cidre basque sont donc des projets à dimension culturelle.
Mais, dans ce contexte socio-économique, il est difficile de convaincre les agriculteurs à replanter des
cerisiers de plein vent, qui apparaissent comme une contrainte supplémentaire à la pente lors de la récolte
des foins.
La plantation de vergers de basses tiges ou des 1/2 tiges répond à un double souci des agriculteurs : faciliter
la récolte qui est très périlleuse sur les grands arbres et produire le plus rapidement (en moins
de 7 à 10 ans) dans un pays où la terre est si rare.
3.5.3.2 Cerises d’Itxassou : une culture traditionnelle et ancienne
La production de cerises d’Itxassou s’est développée à partir de 3 variétés principalement : la Xapata
(prononcée Chapata) est la plus emblématique et la plus répandue. Ce beau fruit convient à la
consommation, à la pâtisserie (gâteau basque à la cerise), et à la confection de fruits à l’alcool. Très proche,
la Garroa serait en fait un bigarreau dont le nom serait basquisé. Elle est plus ferme et légèrement acidulée.
La Peloa, la plus précoce, aurait été importée d’Angleterre au début du siècle. C’est elle qui permet de
réaliser la fameuse confiture, liquide et douce, que l’on apprécie avec une tranche de fromage de brebis. La
dernière variété d’Itxassou est la Gerezi Belxa, cerise noire très bonne à croquer bien que peu sucrée.
Paradoxalement, c’est au moment où les cerisiers sont en train de disparaître, et que son importance
économique dans l’économie agricole locale ne représente pratiquement plus rien, que les itsasuars leur
portent un attachement sentimental très fort.
Origine de la culture des cerisiers à Itxassou
Depuis quand cette production a-t-elle été organisée ? Pourquoi les arbres ont-ils été planté en si grand
nombre, jusqu’à 600 par exploitation ? Difficile à dire. Itxassou ne possède pas le monopole de la culture de
la cerise au Pays basque. Le merisier est partout dans les forêts, et les cerisiers sont plantés dans toutes les
exploitations agricoles et les jardins. Mais nulle part ailleurs, on semble avoir mené cette culture avec une
telle constance jusqu’aux années de l’après-guerre.
Alors que l’humidité (1 500 mm d’eau par an à Itxassou) est réputée comme défavorable au cerisier, il se
peut que cette commune relativement abritée des vents d’ouest connaisse un climat propice.
La plupart des cerisiers semblent avoir été installés en bordure de chemins et de champs entre 1850 et 1880,
mais cela ne signifie pas que cette production remonte à cette époque.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 120
Une économie autrefois importante
Un marché important se tenait, pendant les 4 à 5 semaines de production (entre mai et juin) autour de
plusieurs quartiers (Laxia, Pas de Rolland, Basseboure). Des camions venaient s’approvisionner en fruits
apportés chaque jour sur des traîneaux chargés de 6 à 7 corbeilles et tirés par des vaches. On y voyait même
des hommes, portant des hottes pleines de cerises sur le dos, descendre de la montagne de Laxia où les
attendaient commerçants et intermédiaires. Des cargaisons partaient aussi vers Cambo (maisons de santé).
Certains producteurs arrivaient à vendre plus de 100 kg de cerises par jour. Le volume produit variant de 160
à plus de 500 tonnes les meilleures années. L’essentiel de la production partait à Bayonne par le chemin de
fer, vers les confiseries et les conserveries.
A cette époque, la cerise constituait dans certaines fermes, la principale entrée d’argent liquide ; les autres
productions (céréales, lait, viande) étant largement auto consommées. On dit encore ici, qu’il y a 40 ans, telle
maison ou tel tracteur a été acheté grâce aux cerises.
En 1953, les services agricoles de Bayonne mettent en place un syndicat de producteurs de la cerise
d’Itxassou afin de moderniser et développer cette production, jusqu’alors plus proche d’une agriculture de
cueillette. L’amélioration des conditions d’emballage permit de tripler le prix d’achat au producteur, par
rapport à celui en vrac. Ainsi en 1954, 30 tonnes sont commercialisées au lieu de 15 tonnes l’année
précédente. Mais, il s’agissait d’un dernier sursaut.
Pendant ce temps, d’autres régions (Lot-et-Garonne, Pyrénées-Orientales, vallée du Rhône) au climat plus
propice à cette production s’organisent. Itxassou ne résistera pas à cette concurrence, aussi par manque
d’organisation. En fait, la modernisation agricole à Itxassou se fera par le développement du lait de brebis
pour la fabrication du fameux fromage des Pyrénées, avec notamment l’Ossau-Iraty.
Le patrimoine abandonné
Le syndicat intercommunal Nive-Nivelle engagea en 1982 un recensement des cerisiers dans le village
d’Itxassou, alors que depuis 15 ans la production déclinait avec pour conséquence la disparition quasi totale
du marché. Parallèlement, les vergers vieillissant n’étaient plus renouvelés. Cette enquête, non exhaustive,
répertoria 1.300 cerisiers chez les 47 exploitants d’Itxassou, ce qui permis d’estimer
à 1.800 le nombre de cerisiers dans la commune. Les deux tiers des cerisiers se maintiennent dans les
exploitations de montagne. Les principales variétés présentent étaient la Xapata et la Peloa, respectivement
70 % et 20 % des arbres.
Lors de la décennie 1980, l’agriculture s’oriente plus encore vers la production laitière stimulée par la
réussite commerciale des fromages basques. La production fruitière se maintien pourtant car les pâtisserie à
base de cerise se vend bien jusque dans le Gers.
Mais, les grands merisiers producteurs ne conviennent plus. La cueillette réclame un temps considérable aux
regards du temps disponible par les éleveurs, qui doivent simultanément ramasser le foin alors que la saison
de traite des brebis n’est pas terminée. De plus, la récolte de ces vieux situés sur des terrains escarpés est très
périlleuse.
3.5.3.3 Replanter des pommiers : l’exemple du cidre du Pays basque espagnol
Le Pays basque sud (Espagne), et aussi la province de Navarre, a su conserver une activité agricole
importante autour du cidre. Structurer sous forme de grandes coopératives cidricoles, cette production est
consommée sur place dans des sortes des ‘bodegas’. Ce dynamisme basque espagnol suscite à la fin des
années 1980, l’intérêt d’un groupe d’agriculteurs du canton de St Jean-Pied-de-Port.
Génèse du projet
Plusieurs agriculteurs se posent alors a question : pourquoi ne pas relancer un cidre de pays ? En effet, il y a
moins de 20 ans, le cidre était une boisson quotidienne produite dans de nombreuses exploitations.
D’ailleurs, il n’est pas rare de trouver encore autour des fermes basques, entre deux prairies, des pommiers à
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 121
cidre des variétés locales : Anisa (pomme d’anis), Peatxa, Eztika ou Mamula… Mais ces variétés sont
menacées, telle Etzika dont il ne reste que quelques arbres capables de fournir des greffons.
Afin de sauvegarder ce riche patrimoine fruitier, quelques agriculteurs réfléchissent à la mise en place d’une
filière cidricole en Iparralde (région de St Jean). Cet objectif environnemental (la préservation du patrimoine
est avant tout un enjeu culturel pour les basques) rejoint les préoccupations des agriculteurs en terme de
diversification des productions. Créer des ateliers cidre ou jus de pommes peut en effet contribuer à
maintenir des exploitations ou à faciliter l’installation de nouveaux agriculteurs sur de petites exploitations.
Coïncidence, au même moment, la Cave coopérative des vins d’Irouléguy se pose la question de la possibilité
de diversifier sa production avec le cidre, et d’étaler la période de transformation de fruits dans la
coopérative. Une étude de marché sur la commercialisation de cidre « de terroir » est confiée à un jeune
ingénieur agronome, afin d’évaluer ce potentiel. Elle révèle qu’il existe une demande régionale (Aquitaine et
environs) pour 500.000 litres de cidre du Pays basque.
Les deux groupes décident d’unir leurs efforts et de réfléchir ensemble. Ainsi naît l’association
SAGARTZEA (‘pomme’ en basque) en février 1990. Celle-ci estime que cette production
de 500.000 bouteilles par an correspond à 30 ha de vergers de 1/2 tige, dont le rendement moyen serait
d’environ 20 tonnes par ha. Le contenu du projet de replantation est désormais défini.
3.5.4 Prise en compte de l’agroforesterie dans les politiques locales
3.5.4.1 Définition des priorités d’action
a) Vers une relance de la production de cerises à Itxassou
En 1993, alors que des contraintes de plus en plus fortes s’exercent sur les exploitations agricoles (baisse des
revenus…), une mission économique pour le développement local est créée afin de maintenir les agriculteurs
dans le village. Soutenu par la commune d’Itxassou, le projet de revaloriser la cerise est engagé.
L’objectif est tout d’abord de mieux connaître les potentialités de production, en menant un programme
expérimental de plantations de variétés commerciales reconnues, greffées sur des arbres de faible vigueur.
Sans délaisser les variétés anciennes (Peloa 50 %, Xapata 10 %, …), le programme privilégie les variétés de
type bigarreau à fruits noirs dont la couleur est recherchée pour la confection de confiture. L’INRA de
Bordeaux et le conservatoire variétal d’Aquitaine, ce dernier associé depuis 1981 à l’étude des variétés
locales, contrôlent en 1995 l’état sanitaire de l’ensemble des variétés locales, et les fruits de la Xapata sont
apparemment virosés12
.
En 1993-94, environ 10 ha de cerisiers ont été plantés soit 3.000 arbres principalement en forme de basse
tige. Mais dans un second temps, des plantations plus traditionnelles de cerisiers en alignement ont été
plantées.
Ainsi, 20 agriculteurs ont participé à cette action de plantation, même si seulement la moitié d’entre eux
valorisent (ou vont valoriser) réellement ces productions qui représentent un projet économique réel qui
restera toutefois marginale dans l’exploitation agricole.
Des résultats étonnants et rapides
Grâce à cette opération de replantation, la relance des cerises d’Itxassou est engagée : la production a atteint
30 tonnes en 2000, contre seulement 4 tonnes en 1994.
12
E. Leterme, 1995. Les fruits oubliés.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 122
La plus grande partie est commercialisée en frais, et le reste est auto consommé (confiture).
b) Le programme de replantation des vergers de pommiers
SAGARTZEA passe un contrat de culture avec un professionnel (pépiniériste local) pour la production des
arbres. Les membres de l’association fournissent les greffons collectés, le greffage et l’élevage des plants (1
à 2 ans) étant assurés par la pépinière.
Ainsi, 16 000 arbres sont plantés en 3 ans, de 1993 à 1995, chez 40 personnes afin de constituer
les 30 ha de vergers « semi-intensifs ». Le programme est basé sur la replantation de 7 familles choisies pour
leur aptitude à la réalisation d’un cidre de qualité typique du Pays basque : 30 % de pommes douces (Eztika,
Mamula, Ondo motxa), 40 % de pommes acidulés (pommes à couteaux, ou à cidre comme Anisa, Apez
Sagarra, Peatxa), et 30 % de pommes plus acides (Eri Sagarra, Gordin Xuria…).
Vers un atelier de transformation de la confiture ?
Si la vente de cerises en frais est le débouché principal, les producteurs anticipent la montée en puissance de
ces jeunes vergers qui atteindront leur production maximale dans 3 ou 4 ans.
Aujourd’hui, les agriculteurs prennent conscience que la transformation de la cerise (confiture, pâtisserie…)
est valable, même si elle ne représente aujourd’hui que 1% du volume des cerises commercialisées. En effet,
avec un prix de vente oscillant de 25 à 15 F/kg entre le début et la fin de la saison, la cerise d’Itxassou est
bien valorisée actuellement.
Cependant, le GIE envisage de développer des ateliers individuels de transformation (confiture…) dans les
fermes qui transforment déjà le lait. Les investissements sont en effet alors minimes puisque l’éleveur
dispose déjà des installations (bâtiment, outils). Aucune demande d’un atelier commun n’a été formulée.
Mais, la situation pourrait changer notamment si l’on tient compte de l’augmentation de la production des
vergers plantés, et si les acteurs locaux désirent développer la production de cerise à l’avenir. Il n’est pas
certain que la demande suive alors l’offre. Et la mise en place d’autres produits est une garantie
supplémentaire pour les producteurs.
Dans cet esprit, la mise en place d’une dénoyauteuse, au printemps 2000, a permis de transformer
1,5 tonne de cerises en confiture. On voit là encore que la dynamique collective, trait caractéristique du Pays
basque, a résolu un problème individuel insurmontable ; celui du dénoyautage à la main.
c) La mise en place d’une coopérative de transformation en cidre
Des tests préalables de transformation des pommes en cidre
En amont du projet, afin d’évaluer l’aptitude de ces variétés à la fabrication de cidre, Sagartzea mène un
premier essai d’élaboration de cidre à la cave coopérative d’Irouléguy, à l’automne 1991. Le matériel utilisé
(hachoir, pressoir) provient d’une ferme réalisant encore un peu de jus de pommes. Plus
de 1 000 litres sont produits, conservés en cuve sous la surveillance du Maître de chai, avant d’être
embouteillés. La transformation en cidre se révèle au moins aussi délicate que celle du vin, et de nombreux
paramètres doivent être contrôlés (maturité des pommes, fermentation, température dans les cuves…).
La mise en œuvre de l’atelier de transformation
Dans ce programme visant relancer une production de cidre, l’atelier de transformation a toujours été au
cœur des discussions. Après avoir transformé les pommes à la Cave coopérative de Baïgorry les premières
années, il fallait rapidement trouver un autre site.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 123
L’association a trouver sur la commune de St Just Ibarre, un ancien atelier relais inoccupé, qui convenait
parfaitement, moyennant quelques aménagements. La mairie a accepté de baisser le loyer en échange de la
réalisation de ces travaux.
Le principal obstacle était d’ordre juridique : le statut associatif de Sagartzea ne permet pas de
commercialiser. Une autre structure doit être mise en œuvre. Après un an de réflexion, la coopérative
EZTIGAR est créée en novembre 1996, avec l’aide de la fédération Arrapitz ( ?) et de Lan Berri (?).
Fonctionnement de la coopérative
La coopérative compte 30 membres, qui ont pris des parts sociales sur la base de 25 F par arbre fruitier
(1 part sociale = 100 F = 4 arbres). Ainsi les apports s’élèvent à 400 000 F au total, variant de 300 à 5.000 F
par membre.
La coopérative est chargée de transformer les pommes apportées par les coopérateurs, en jus et en cidre, et
d’en assurer la commercialisation.
Les fruits sont pour l’instant achetées 1,50 F/kg par la coopérative, ce qui est bien supérieur au prix
communément appliqué pour les pommes destinées à la transformation (rappel : 0,50 F/kg en Normandie).
Mais l’objectif avoué est de garantir un prix de 1,80 F au producteur. Pour les responsables, ceci est
nécessaire si l’on veut rémunérer un travail de longue haleine, qui consiste à maintenir des variétés anciennes
certainement moins productives, plus risquées en terme de production à moyen terme, mais qui sont les
seules capables d’identifier un produit de terroir.
Compte tenu de la faible taille des vergers (0,5 à 3 ha) sur chaque exploitation, un prix élevé est le seul
moyen de fournir un complément de revenu pour l’agriculteur.
En phase de démarrage, la viabilité économique de la coopérative repose sur le travail des coopérateurs
(réception des pommes, pressage, suivi des cuves, embouteillage, étiquetage, commercialisation…). Ces
journées de travail ont été réparties au prorata du nombre d’arbres, avec un facteur de correctif
de 1 à 4 : le coopérateur ayant 50 arbres doit 3 jours, l’agriculteur ayant 2.000 arbres doit au maximum 13
jours de travail, car il ne peut matériellement pas consacrer plus de 30 jours à la coopérative.
Ainsi chaque coopérateur consacre de 3 à 14 jours à la gestion de la coopérative, pour 220 jours de travail
par an.
Depuis 1998, certains membres perçoivent une indemnité (100 jours représentant 50.000 F) pour les autres
responsabilités qu’ils assurent.
Une réussite sur le plan de la production
Six ans après les plantations, la première récolte a lieu : 80 T de pommes sont récoltés à l’automne 2000, soit
2,7 T/ha en moyenne.
Dans 3 ans, la production sera sûrement supérieure aux 500 tonnes prévues à l’origine ; il est vrai que pour
ne pas poser des difficultés financières aux agriculteurs engagés, Sagartzea avait volontairement sous-estimé
la production à 20 T/ha/an. L’association avait aussi intégré que cette nouvelle production secondaire pour
l’exploitant, ne bénéficierait pas obligatoirement des entretiens nécessaires (géré plutôt de manière
« naturelle » par la plupart), et ne dispose ni du matériel, ni de la formation technique qu’exige la recherche
de la performance économique.
En 1999, 135 hl de cidre et 54 hl de jus pommes ont été produit, et entièrement vendu.
Fin octobre 2000, malgré le retard dans la livraison de certains matériels (cuves à cidre), 400 hl de cidre et
100 hl de jus ont déjà été embouteillés. Et toutes les pommes ne sont pas encore pressées.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 124
Création d ‘emploi
Sagartzea vient d’embaucher durant l’été 2000 une jeune technicienne, chargée de coordonner les travaux, de
suivre l’élaboration du cidre et du jus de pommes, et d’assurer une permanence à la coopérative. C’est aussi
elle qui prendra en charge la mise en place de l’AOC « Cidre du Pays basque » souhaités par tous.
D’ici 3 à 4 ans, 2 autres personnes devraient être embauchées pour gérer la coopérative et travailler avec les
agriculteurs, sans compter les saisonniers.
3.5.4.2 Financement des actions de plantations
a) La plantation de 30 ha de vergers de pommiers par SAGARTZEA
Le programme de replantation des arbres fruitiers est soutenu en 1993. Le FIDAR finance 40 % des 750.000
F des coûts de plantations. L’autofinancement de SAGARTZEA et le bénévolat (plantation à la charge des
propriétaires) boucle le budget.
b) La plantation de 10 ha de vergers de cerisiers à Itxassou
3000 arbres à 60 F = 180.00 F
3.5.4.3 Financement des actions d’entretien, restauration
Aucune action d’entretien du patrimoine existant n’a été entreprise.
3.5.4.4 Cahiers des charges
Cahier des charges techniques ou administratifs
Opération de plantation de vergers de pommiers par SAGARTZEA
Le cahier des charges prévoit la plantation de 550 arbres/ha au maximum (2,5 m x 5,5 m) greffés sur des
porte-greffe peu vigoureux afin d’obtenir une mise à fruit rapide. Les arbres fruitiers existants, trop âgés, ne
peuvent être remis en production (maladies, ...).
Les variétés doivent être exclusivement des variétés locales sélectionnées selon leurs caractéristiques
gustatives (qualité, …), car il s’agit d’élaborer un cidre de qualité, mais typique ni trop doux, ni trop sec,
différent de ceux de Bretagne ou de Normandie et aussi du cidre basque espagnol.
Le programme est ouvert à toute personne propriétaire de terres agricoles, qu’il soit ou non agriculteur. La
quasi-totalité des planteurs sont cependant des agriculteurs-éleveurs.
L’association obligeait simplement à ce que la parcelle soit déclarée en verger afin de garantir la pérennité de
l’action.
3.5.4.5 Moyens de suivi et d'évaluation
Pas de moyens de suivis ou d’évaluation à ce jour ni sur le programme « Cerises d’Itxassou », ni sur le projet
« Cidre ».
Cependant des observations sont réalisées par les groupes d’agriculteurs qui constatent les premières erreurs
sur le terrain.
Données économiques au niveau d’une exploitation
La plantation a représenté un coût d’environ 20.000 F/ha, dont 6.000 F pour l’achat des plants. L’entretien
annuel pendant les 4 premières années représente 2 à 3 jours (fauchage et taille).
La production de 20 T/ha devrait dégager 35.000 F de produit (espère payé 1,5 F/kg pomme au producteur),
soit un revenu de 20 à 22 KF/ha en intégrant les charges (récolte, entretien, taille).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 125
3.5.4.6 Etudes réalisées sur le thème
L’association Sagartzea a réalisé une étude sur le symbole identitaire du verger et des pommiers au Pays
basque. Ce travail à caractère social et historique met en évidence la dimension culturelle du cidre au Pays
basque, en relation avec une histoire ancienne du pommier, présent d’après la toponymie (nom des parcelles
en « sagar ») dès le XVe siècle, et qui s’est développé jusqu’au XIXe siècle avant d’être supplanté par le vin
durant ce siècle. Ce travail souligne aussi l’importance du cidre dans la culture agricole du Pays basque nord,
produit principalement d’auto consommation. Les parcelles étaient généralement faibles (entre 10 et 50 ares
en moyenne sur la commune de Jaxu en 1842), ce qui correspond bien à ce type de production familiale. A
l’inverse, le pays basque de l’intérieur, proche des centres urbains (Bayonne, St Jean de Luz…), a développé
aussi une activité économique dès le XVIIIe siècle.
Cette étude fait ressortir, que le cidre du pays basque peut être un nouveau symbole identitaire, sur la base
d’une reconstruction sociale agricole (diversification, accueil, vente directe…).
3.5.5 Évaluation des actions menées
3.5.5.1 Les moyens financiers
a) Financement des investissements de la coopérative AZTIGAR
Le montant des investissements (1,2 MF) engagé en 1999 a reçu le soutien de l’Etat, la région Aquitaine et
du département des Pyrénées-Atlantiques à hauteur de 50 % des dépenses.
En 1999, la coopérative EZTIGAR a contracté un emprunt de 210 000 F pour financer les 600 000 F de
travaux (aménagements intérieurs et extérieurs) et de matériel (pressoir, cuves…) de la première tranche.
En 1999, la vente de jus et de cidre a permis de dégager 400.000F d’autofinancement. La seconde tranche
des investissements est en cours à l’automne 2000.
3.5.5.2 Actions de formations, d’animations et de communication engagées
Points faibles de ces programmes, le GIE et SAGARTZEA regrettent le manque d’appui technique au niveau
local, notamment de la part de la chambre d’agriculture qui est par ailleurs présente sur les autres
productions (ovin lait, fromage).
La solution a donc été de se regrouper avec Sagartzea et les Aldudes pour dégager suffisamment de moyens
financiers afin d’engager un technicien. Cette personne, embauché depuis juin 2000, assure un conseil pour
la prévention phytosanitaire (lutte, alerte) et le suivi technique (taille, entretien
des arbres, …) directement chez les producteurs.
3.5.5.3 Problèmes techniques rencontrés
La production des Cerises d’Itxassou
La production de cerises en basse tige n’est pas aussi facile à concilier avec le système agricole basque. Sur
le plan technique, ces vergers intensifs (400 à 500 arbres/ha) demandent beaucoup de soins : des tailles de
formations sont indispensables les premières années, l’entretien du sol (désherbage, …) sans parler des
traitements phytosanitaires (maladies plus fréquentes sur ces arbres du fait même des tailles répétées). Or, il
n’y a pas de tradition arboricole en Pays basque malgré cette production historique de cerise. En effet, les
cerisiers sont traditionnellement laissés en port libre (pas ou peu de taille).
D’autre part, l’atelier brebis et la transformation du lait réclament beaucoup de temps, ce qui ne permet pas à
l’agriculteur de s’occuper suffisamment de cette production fruitière.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 126
Les premiers problèmes techniques apparaissent comme la gestion des vergers situés sur des parcelles en
forte pente. Les agriculteurs, en réservant les fruitiers sur les parcelles éloignées ou difficiles d’accès, ont
défavorisé la production à venir de cerises malgré les avertissements du GIE. Aujourd’hui, le manque de
soins apportés au verger en est aussi une conséquence.
On comprend néanmoins la démarche de ces éleveurs qui ne souhaite pas se priver des trop rares parcelles
peu pentues, donc facile à faucher, en y implantant des vergers qui ne produiront pas avant 5 à 7 ans, et qui
de toute façon ne permettront plus le pâturage des ovins.
Il apparaît que la bonne valorisation du lait de brebis (fromage) ne favorise pas la relance de la cerise, qui se
heurte à un contexte socio-économique qui a toujours considéré cette dernière comme une production gérée
secondairement dans l’exploitation.
À terme, quelques producteurs peuvent se trouver face à un paradoxe. Alors que le verger de basse tige a
pour principal intérêt une récolte facilitée (travail moins pénible et plus rapide), certains de ces vergers,
périlleux d’accès pour les tracteurs (chargement des cagettes), seront aussi problématiques à récolter que les
vieux cerisiers de haute tige.
Ces quelques erreurs s’expliquent en partie par le manque de connaissance sur les possibilités de produire
des variétés anciennes sur des arbres peu vigoureux.
Toutefois, le verger de basse tige facilite la valorisation. Mais ce programme de relance se heurte au manque
de technicité des agriculteurs et à l’inconnu que représente la conduite sur des porte-greffes peu vigoureux,
dans cette région très humide où le cerisier est très vigoureux de nature.
La production de pommes anciennes en verger de formes basses
L’autre inconnu technique, et non la moindre, reposait sur la capacité de production des variétés locales
conduites dans ce type de verger. Il s’avère en fait que les variétés se comporte très bien : elles sont peu
sensibles aux maladies (peu de chancre, pas de moniliose, pas de feu bactérien, une légère sensibilité à la
rouille, mais pas à la tavelure, et des attaques de carpocapses très limitées). Il est encore difficile de conclure,
mais la faible concentration des vergers (40 vergers dans tout le pays basque intérieur) explique aussi ces
résultats obtenus avec une protection phytosanitaire globalement très légère (2 traitements de cuivre, un
traitement aux huiles blanches par exemple suffisent).
Ceci témoigne de la bonne adaptation de ces variétés anciennes aux conditions climatiques et aux
potentialités pédologiques de cette région.
Les difficultés de gestion de la coopérative
Responsabiliser les producteurs sur la qualité des pommes : pas de pourriture pour le cidre si l’on veut un
produit de qualité.
Les producteurs n’ont pas toujours le temps nécessaire au fonctionnement de la coopérative car les travaux
se multiplient (s’occuper des brebis et faire du fromage pour certains (Ossau-Iraty), vendange des vignes en
même temps que les récoltes de pommes....).
La valorisation des pommes n’était peu être pas la diversification la plus adaptée dans le contexte agricole
basque.
Pour y remédier, la coopérative a créé un emploi jeune (technicienne) depuis le début de l’année 2000 qui
gère tous les approvisionnements (surveillance de la qualité des fruits...) et la transformation du cidre
(auparavant réalisé par l’association). Elle réalise aussi des conseils et observation chez les producteurs, et
éventuellement alerter sur les maladies (peu de surveillance par les producteurs eux-mêmes).
3.5.5.4 Évaluation des surfaces plantées, entretenues ou restaurées
L’opération a permis de replanter 30 ha de vergers de 1/2 tige chez les membres de l’association Sagartzeza,
et 10 ha de cerisiers à Itxassou.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 127
3.5.5.5 Opérations particulières
Une enquête préalable de recensement des savoir-faire et du patrimoine local
Le premier travail mené par SAGARTZEA fût la réalisation d’une enquête de mémoire collective. Un
questionnaire adressé aux agriculteurs et des retraités du canton. Plus de 200 réponses révèlent l’importance
du patrimoine, ainsi que les principales variétés à cidre, ou encore les techniques pour élaborer le cidre
fermier.
C’est cette opération d’enquête en amont qui a suscité une prise de conscience locale sur la richesse fruitière
locale et qui déclenche l’action. Très rapidement, l’association proposera en 1991 aux pouvoirs publics, un
programme de développement du pommier à cidre au Pays basque Nord.
La rechercher des variétés anciennes
Avant de pouvoir réaliser la plantation des vergers, une première étape de multiplication des variétés les plus
typiques et menacées du Pays Basque est menée par l’association Sagartzea. Evelyne LETERME du Verger
Conservatoire d’Aquitaine, accompagne cette action urgente et nécessaire pour disposer de ces variétés
anciennes non disponibles dans le commerce. Hélas, la plantation chez un particulier se soldera par un échec
(problème d’entretien, dégât par le gibier...), mais ne découragera pas les membres de l’association.
Ce travail de prospection a permis de multiplier une vingtaine de variétés locales menacées, réintroduite dans
les nouveaux vergers.
3.5.6 Conclusions
Programme de relance de la cerise d’Itxassou
La « cerise d’Itxassou » est un produit « porteur », qui fait connaître le village bien au-delà de la région, un
peu à l’image du piment d’Espelette. Elle draine de nombreux touristes qui découvrent le paysage de
l’arrière-pays, et les autres productions locales (divers types de fromages fermiers). Ainsi, ces productions
typiques sont de véritables produits d’appel, qui stimulent le développement local (restauration, hostellerie)
et la diversification agricole (gîtes ruraux, vente à la ferme ou vente directe…).
Dans ce contexte, le GIE souhaiterait mettre en place une IGP « Cerises d’Itxassou » afin de mieux
identifier la typicité de ce produit de terroir.
Mais cette dynamique de qualité peut entrer en conflit avec des actions traditionnelles. Par exemple, la « fête
de la cerise d’Itxassou » est gérée par le comité des fêtes du village qui voit dans cette manifestation le
moyen de financer la kermesse. Il n’hésite pas à acheter des cerises à l’extérieur du pays, moins chères que
celles d’Itxassou, pour les vendre lors de la fête. Cette attitude ne favorise pas la démarche « produit de
terroir » défendu par le GIE. Les consommateurs, plus attentifs à l’origine des produits, s’interrogent de plus
en plus sur la provenance des importantes quantités de cerises vendues lors de cette fête, alors qu’il y a peu
de cerisiers autour du village. Le risque est de discréditer une production locale, et de saper les efforts
entrepris pour relancer ce produit typique.
Cerises et cidre : produits de diversification agricole et ‘nouveaux’ produits de terroirs
On notera que la production de cerise, et celle de cidre sont complémentaires de la vente directe (fromages,
viande…) déjà largement développée dans cette région touristique.
Inutile de rappelé que cette partie du Pays Basque, près du pas de Rolland, d’Espelette et de St Etienne de
Baïgorry, est très fréquentée. Ainsi la production de cerise constitue une diversification intéressante pour les
agriculteurs qui depuis 20 ans développent aussi le tourisme vert (gîtes ruraux ou gîtes d’étape), et qui
peuvent vendre ‘en bord de route’ un fruit estival.
C’est dans cet esprit de développement local, que le GIE souhaite lancer des produits de terroirs nouveaux
autour de la cerise. Il est possible de produire un gâteau basque à la cerise (recette familiale à Itxassou), de
faire reconnaître la confiture de cerises d’Itxassou. Un projet de travail en partenariat avec les restaurateurs
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 128
basques permettrait de proposer des plats intégrant la cerise, au-delà du simple fromage frais à la cerise.
L’autre idée est de créer une route de la cerise partant de la zone basse et allant jusque dans la montagne.
L’association SAGARTZEA et la coopérative EZTIGAR, poussés par les producteurs, envisagent de
travailler dès l’année 2001 sur la mise en place d’une AOC « Cidre du Pays basque ». Cette AOC
reposerait sur l’identification des vergers plantés à base de variétés locales exclusivement, et gérés selon des
modes de conduite extensifs (faible intrants, traitements phytosanitaires en cas d’absolu nécessité…). Un
cahier des charges de ce type correspond très bien à ce qui se pratique aujourd’hui dans ces petits vergers.
Leur isolement les uns par rapport aux autres, dans une région non arboricole, et la relative tolérance des
variétés anciennes aux maladies s’intègre parfaitement au système de polyculture (ovins lait-céréales-vigne)
dominant dans le Pays basque intérieur.
3.5.7 Bibliographie
Graciet-Velasco Hélène (1997). Vergers, pommiers, pommes et cidre au pays basque. Approche sur la
construction d’un symbole identitaire. Université de Pau et des Pays de l’Adour.
Leterme E. (1995). Les fruits retrouvés. Mémoire et diversité des espèces anciennes du Sud-Ouest. Ed. du
Rouergue. 287 pages.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 129
3.6 NOYERAIE DOUBLE-FIN DU DIOIS
3.6.1 Personnes enquêtées (enquête réalisée du 21 au 23 novembre 2000)
Pierre Tabouret : CRPF de la Drôme
Eric Genevoix : Service Forêt DDAF de la Drôme
Hervé Weisbrodt : ADASEA de l’Isère
Jacques Vangheluwe : ADEYG (Association pour le développement de l’agriculture dans le Y
grenoblois)
Max Fayard : DDAF Service PAC de la Drôme
Bernard Michalet et Joseph Veyron de la DDA de l’Isère – Service forêt.
Chambre d’agriculture; antenne de Die.
Remarque : certaines personnes enquêtées ont des compétences géographiques qui dépassent le contexte
de la région du Diois. Il nous a semblé intéressant de pouvoir prendre du recul sur l’ensemble du
Dauphiné et de comparer les pratiques agroforestières.
3.6.2 Les acteurs locaux
3.6.2.1 Présentation et rôle des acteurs
Le CRPF et la DDAF sont à l’origine du programme noyer double fin lancé au début des années 90 dans le
Diois. Ce programme a fait suite à un rapport de 1988 par Bernard Michalet de la DDAF sur le constat
alarmant de la baisse de l’offre en bois de noyer dans le Dauphiné. Par la suite, une grande partie des
boisement de noyers double fin ont donc été réalisés sur des fonds forestiers.
Un planteur de double fin s’adressera au CRPF de Die, très présent sur le terrain en contact avec les
agriculteurs ou les propriétaires non agriculteurs. La majorité des planteurs sont des retraités ou proches de
la retraite. Le technicien s’occupera de la gestion du dossier et suivra la plantation les premières années. Il
assure généralement la taille des noyers.
Le technicien DDAF assure le suivi administratif du dossier et le paiement des subventions. La coordination
avec le terrain est très bonne et on observe très peu de problèmes administratifs classiques rencontrés lors de
la pratique des cultures intercalaires.
Les Chambres d’Agriculture du Dauphiné ainsi que les milieux nucicoles professionnels (Station
expérimentale de Chattes et coopératives), tout comme dans le Périgord, encouragent les planteurs vers la
noix, en déconseillant les double fin et les cultures intercalaires.
L’ADASEA gère les CTE. Ici aussi, comme dans le Périgord, les CTE ne sont guère en faveur d’une
diversification par les arbres. Une mesure contre les mesures intercalaires fait partie des mesures
environnementales.
Enfin, il faut souligner l’initiative originale de l’ADEYG. Cette association a été créée en 97 par la Chambre
d’Agriculture de l’Isère et 11 communautés de communes. Elle se donne comme objectif de dynamiser
l’agriculture et la forêt sur le territoire de Grenoble en accord avec les collectivités locales. Dans ce cadre, un
programme expérimental sur la forêt périurbaine a été conçu en partenariat avec l’ONF, le CRPF,
CREABOIS ISERE, AGEDEN et Rhônalpénergie Environnement. Ce programme est financé par la Région,
Grenoble Alpes Métropole, le Conseil général de l’Isère, l’ADEME Rhône-Alpes et le Ministère de
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 130
l’Agriculture et de la Pêche. Il s’articule autour de deux axes : renforcement des missions de la forêt
périurbaine et renforcement de l’économie et de la culture locale du bois.
L’ADEYG a fait une série de propositions de mesures CTE sur la forêt périurbaine. 17 mesures ont été
proposées dont l’agrosylviculture. L’association a une mission de synthèse des opérations réalisées par les
différents partenaires et doit proposer de nouvelles voies de développement.
3.6.2.2 Les moyens humains mis en œuvre
Dans le Diois, un technicien CRPF travaille sur les boisements de noyers et de truffiers. Un technicien DDA
gère les boisements sur les terres agricoles. Le boisement des terres agricoles représente une part de travail
en régression. Depuis les dernières réglementations boisements, les dossiers présentés en commission sont
systématiquement rejetés. Seuls les boisements de noyers en double fin sont encore admis.
Au niveau de l’ADEYG, une personne à temps plein travaille sur le programme Forêt.
3.6.3 Historique des pratiques agroforestières
La pratique de la culture intercalaire dans les noyeraies fruitières du Dauphiné est une des plus anciennes
pratiques agroforestières françaises. Les premières traces remontent à l’époque romaine. Le noyer a été
régulièrement associé aux cultures que ce soit sous forme d’arbres isolés que sous forme de parc arboré.
Dans les années 1870-1900, suite au phylloxéra, voit le jour une des plus ancienne association ayant survécu
à ce jour : la vigne et le noyer. Les agriculteurs remplacent progressivement les ceps de vigne par les noyers.
Les noyers sont plantés tous les 15-20 m. La durée de vie de l’association peut dépasser
40 ans. Après la tempête de 1930, les noyers ainsi associés ont mieux résisté que les noyers en pleins (Roy,
1931). A partir de 1930, apparaissent les premières recommandations pour limiter dans le temps les cultures
intercalaires sous les noyers adultes afin de privilégier la noix.
Lorsque l’on questionne les anciens, tous soulignent la pratique générale de la culture intercalaire dans un
passé récent, que ce soit avec des cultures annuelles ou pérennes.
Avec l’apparition des machines, la production de la noix est plus intensive et les premiers vergers rectilignes
voient le jour dans les années 50. L’intensification des pratiques spécialise les surfaces agricoles. Les
subventions après sinistre obligent également à la pratique de la culture pure. La noix devient de plus en plus
rentable et les producteurs cherchent à améliorer les rendements.
Le noyer isolé est essentiellement victime de son succès. Sa vente permet d’investir dans la modernisation de
l’exploitation et facilite du même coup le travail de plein champ.
Dès 1813, pour faire face à la régression du noyer, on essayait de relancer sa plantation par l’attribution
d’une prime de 500 francs au plus beau verger.
En 1933, dans les Hautes-Alpes, avec une production de 3000 m3, le directeur des Services Agricoles,
J. Duhoux s’alarme de la baisse de la production du bois de noyer produit. Aujourd’hui, la production est de
300 m3 dans ce département.
L’architecture des noyers a évolué du noyer double fin vers le noyer basse tige. Le délai de mise en
production s’est considérablement raccourci et la durée des cultures intercalaires également.
Vers la fin des cultures intercalaires ?
Avec l’intensification de la production de la noix et l’obtention de l’AOC de la noix de Grenoble, la priorité
du verger est donnée à la noix. Les conseils techniques et le cahier des charges découragent la pratique des
cultures intercalaires et du double fin. De son côté, le régime de la PAC viendra à bout d’une grande partie
des noyers alignés ou isolés qui avaient résisté à la mécanisation. Aujourd’hui, les milieux professionnels ont
même rédigé une mesure CTE contre la pratique des cultures intercalaires. Dans l’Isère, sous la mesure-type
08.00, « Modifier les traitements phytosanitaires pour réduire les pollutions, développer les modes de lutte
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 131
raisonnée ou biologique » , l’action 08.03 encourage le remplacement des cultures intercalaires par la mise
en place d’un couvert herbacé dans les vergers de noyers âgés de moins de 6 ans. L’objectif de la mesure est
d’améliorer la qualité de l’eau par l’enherbement de l’inter-rang durant la période de la plantation jusqu’à la
sixième année incluse. Cette mesure a été rédigée en partenariat avec le Périgord. Si l’on peut comprendre la
finalité de favoriser les soins à donner aux noyers, la raison invoquée d’améliorer la qualité de l’eau est assez
subjective. Le montant varie
de 1.185 F/ha à 1.422 F/ha en zone prioritaire. D’autre part, la mise en place d’un enherbement oblige
l’agriculteur à mettre en place l’irrigation. Il sera intéressant de mesurer le succès de cette mesure.
Aujourd’hui, dans le Diois, la moitié des planteurs sont des agriculteurs mais ne dépendent pas de la noix. Ils
plantent des surfaces en double fin pour préparer leur retraite. Ils s’assurent d’un capital en bois ainsi qu’une
production facilement maîtrisable manuellement. Les surfaces plantées sont petites (moins d’un hectare en
moyenne) et destinées au moment de la retraite à la récolte de noix pour cerneaux en vue d’une production
d’huile bien rémunérée. Les agriculteurs âgés n’ont pas la contrainte de liquidité des jeunes installés qui
recherchent le revenu à court terme. Les jeunes agriculteurs s’opposent aux plantations de vergers double fin
par peur de perdre le potentiel agricole de ces parcelles.
Les parcelles plantées sont entretenues par les cultures intercalaires pour 4 raisons principales.
1. Les cultures intercalaires augmentent la marge brute par ha,
2. Elles diminuent les charges d’entretien,
3. La production est souvent utilisée en autoconsommation (bétail),
4. Les cultures influent favorablement sur le noyer.
Enfin, à l’avenir, il faudra compter sur un rehaussement de la bille du noyer. En effet, la mécanisation
impose une hauteur minimum pour la circulation des engins spécialisés. D’autre part, l’aspect patrimonial
reste omniprésent. Les débouchés des produits de la noix (cerneaux et huile) semblent se développer dans
une région toujours plus touristique.
3.6.4 Les politiques agroforestières mises en œuvre
Comme nous venons de le voir, au niveau des instances de développement, il s’agit plus d’une politique
contre les pratiques agroforestières. La pratique des cultures intercalaires (souvent associée au double fin)
dérange par son statut à part, posant souvent des problèmes administratifs et ne correspondant pas aux enjeux
des filières respectives. Pourtant, c’est une pratique qui survit et s’adapte, et qui démontre ainsi qu’elle
répond à des attentes des agriculteurs, attentes qui ne font pas l’objet de recherches particulières par les
organisations professionnelles agricoles.
La seule politique agroforestière est indirectement menée par les techniciens forestiers cherchant à faire
reconnaître le double fin. Celui-ci entrant en production fruitière tardivement, la culture intercalaire est alors
pratiquée pendant plus d’une dizaine d’années.
Dans le Dauphiné, l’offre de bois de noyer était estimée à 13 500 m3 en 1970 alors que pour 1988, elle tombe
à 7.000 m3 en 1988 (ce qui représente l’équivalent de 250 ha de noyeraies). Comme le rythme de plantation
en 1988 était de 40 à 50 ha, on peut estimer que la production est tombée autour
de 1.500 m3 aujourd’hui.
Depuis 1993, la cadence de plantation est en augmentation et atteint 80 ha de vergers par an. Sachant que la
majorité des vergers sont plantés en basse tige, l’offre en billes de noyers exploitables ne cesse de diminuer.
Aujourd’hui, il ne reste pratiquement plus aucun noyer intéressant dans le Dauphiné, y compris pour les
noyers isolés. En 1982, l’enquête du RGA montre que les noyers isolés représentent 14.5 % des noyers de la
région du Dauphiné pour passer à 5.6 % lors de l’enquête de 1988. Aujourd’hui,
la quasi totalité du bois est importé des pays de l’est (Pologne).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 132
Le programme de relance du double fin est né de la prise de conscience de l’administration de la baisse de
l’offre du bois de noyer. Dans les années 80, après un constat réalisé sur la filière bois, Bernard Michalet,
directeur du Serfob de la région Rhône Alpes, pousse la région pour un soutien au noyer double fin. Il est
efficacement secondé par son frère, élu de la Chambre d’Agriculture de l’Isère. La pratique du double fin est
alors favorisée tout comme les cultures intercalaires. Peu de problèmes administratifs sont à relever chez les
nuciculteurs. Mais face aux cahiers des charges des organismes de la noix, l’intensification de la production,
et la PAC, les surfaces en double fin ne sont pas assez importantes pour reconstituer le stock de bois et
satisfaire la demande.
D’un point de vue administratif, l’arrêté préfectoral de la Drôme n°1451 pour la campagne 1999-2000 du 18
avril 2000 autorise les cultures intercalaires pour une durée de 7 années après la plantation des noyers et des
châtaigniers, 3 ans pour les autres arbres fruitiers. Cet arrêté va donc au-delà du règlement général de la PAC
qui autorise les cultures intercalaires en verger pour 3 ans. Il tient compte du fait que cette pratique est
d’usage local traditionnel et non opportuniste. Il est également valable dans l’Isère. Dans le cadre des
plantations d’arbres pour le bois avec cultures intercalaires, il est également possible de rendre éligibles des
parcelles non éligibles de l’exploitation pour compenser la perte de l’éligibilité sur la surface occupée par les
arbres. Dans ce sens, les cultures intercalaires pourraient être également éligible. C’est une disposition qui
n’est pas connue sur le terrain. Par contre, cette mesure ne règle pas le problème de l’impôt foncier. En cas
de verger fruitier tout comme les vergers double fins (bille supérieure à 2 m 50), l’exonération de l’impôt
foncier est de 8 années pour la partie départemental et régional. Pour la partie communale, l’exonération est
variable.
En fait, lorsque la plantation est financée sur des fonds forestiers, il faut distinguer deux cas de figures selon
que les fonds sont mixtes Etat / Europe ou seulement Etat:
Mixte : la prime européenne est donnée en compensation de l’arrêt de la production agricole.
Dans ce cas, les cultures intercalaires sont interdites ;
Etat : la subvention concerne seulement les arbres. Les cultures intercalaires sont autorisées en
fruitiers et double fins mais également dans les boisements forestiers. Dans ce dernier cas, il peut
y avoir litige si le propriétaire a demandé l’exonération trentenaire. Mais très souvent, la pratique
est tolérée, au moins pendant 5 ans puisque le propriétaire a 5 ans pour demander l’exonération.
Très récemment un projet de gestion forestière de la grande périphérie grenobloise a vu le jour. Ce projet est
géré par l’ADEYG. Le coordinateur est sensible à la problématique agroforestière et aimerait l’inclure dans
ses priorités. La démarche est encore très récente pour en mesurer l’ampleur. Les techniciens sont
demandeurs d’informations agronomiques qui permettraient d’opposer des arguments aux adeptes des
cultures pures et de mieux faire passer le message agroforestier aux agriculteurs et collectivités.
Il faut souligner que l’ADEYG a proposé une mesure-type dans le cadre des CTE pour favoriser la plantation
et l’entretien d’essences précieuses en milieu cultivé ou dans les prairies. L’accent est mis sur les noyers
hybrides et communs mais également sur la valorisation du double fin dans les vergers existants (avec un fût
à 3 m). La mesure comprend également le merisier, frêne, alisier, cormier, érable et orme.
Dans le cadre des objectifs du programme forêt, l’aménagement des forêts périurbaines est un aspect
essentiel que l’ADEYG aimerait développer. Par la constitution de vergers particuliers et de boisements
entretenus par des cultures, l’agroforesterie aurait sa place dans un tel programme. Le début du programme
est prévu en 2001 pour un budget de 2 millions de francs sur 3 ans. Le budget total de l’association qui
intervient également sur des volets agricoles est d’environ 7 millions sur 3 ans.
3.6.4.1 Définition des priorités d’action
Les priorités d’actions sont concentrées autour de la noix de Grenoble, marché porteur et en plein
développement. L’objectif technique de la profession est de réduire le délai de mise en production des
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 133
vergers et d’augmenter le rendement de noix à l’hectare. La culture intercalaire colporte l’image, parfois
justement, d’une présence empêchant d’atteindre ces objectifs.
Pour les milieux forestiers, l’objectif est de produire des billes d’au minimum 2 m 50. Les cultures
intercalaires sont plutôt bien vues car les arbres poussent mieux, la parcelle est bien entretenue et le
propriétaire suit annuellement ses arbres. Cette initiative est reconnue et défendue par l’administration
agricole.
Les priorités de l’ADEYG sont de développer la filière bois et de valoriser les paysages périurbains.
3.6.4.2 Financement des actions de plantations
Les plantations de noyers double fins sont financées comme des plantations forestières classiques. Le critère
impératif est d’avoir 2 m 50 sous la greffe. Le taux de subvention est de 50 % sur un forfait de base de 10
100 francs par ha.
La subvention est versée au moment de la greffe ou à la plantation si l’agriculteur plante des baliveaux ayant
une bille de 2 m 50.
La greffe au collet n’est pas acceptée ce qui complique la tâche des techniciens. En effet, le taux de reprise
de la greffe en tête est plus faible. La greffe en hauteur est particulièrement délicate à réaliser car il faut
travailler à 3 mètres de hauteur et la greffe demande une protection particulière en osier. Le temps passé par
arbre est donc élevé. Les greffons souvent très vigoureux atteignent facilement 1 à 2 mètres de longueur. Ils
cassent facilement par mauvais temps. Les greffes sont donc solidifiées individuellement par des attelles.
Une nouvelle greffe suppose de rabaisser également la bille afin d’effectuer la greffe sur une partie saine. La
vigueur des jeunes arbres provoque des coulées de sève au niveau des greffes qu’il faut sans cesse surveiller
et mastiquer. Enfin, la vigueur des pousses complique la taille de formation en hauteur des charpentières.
Le principal obstacle au cahier des charges est l’obligation d’avoir la greffe en tête. Les arbres greffés au
pied ne sont plus subventionnables. Etant donnée la difficulté de la greffe en tête, cette technique est
pratiquement abandonnée, ce qui met en péril le développement du double fin qui est refusé par le cahier des
charges de l’Onifhlor et donc non subventionné en tant que verger à part entière comme cela se fait dans le
Périgord.
Sur le terrain, les techniciens sont en attente d’une orientation claire au niveau national.
3.6.4.3 Financement des actions d’entretien, restauration
Une subvention est attribuée pour la taille de formation des arbres en double fin. Le montant est de 30 à 60
francs par noyer. Avec la nouvelle orientation forestière, il semblerait que cette aide jusqu’alors autorisée
sera supprimée pour les noyers double fin.
Parallèlement, les techniciens forestiers du CRPF et de la DDAF interviennent souvent sur le terrain pour
conseiller et aider les planteurs dans les travaux d’entretien.
Lors de la gelée tardive de 1997, de nombreux noyers ont péri ou souffert. Un programme d’aide a été mis en
place pour soutenir les planteurs affectés en remplaçant les noyers morts.
Les cultures intercalaires sont bien tolérées car une plantation de noyers demande un entretien intercalaire
constant. Mêmes adultes, les noyers survivent difficilement à un enherbement spontané non entretenu. En
cela, les cultures intercalaires sont un avantage certain d’un point de vue sylvicole. Des associations peuvent
être inventées ou être remises au goût du jour selon le contexte économique comme l’association avec des
plantes aromatiques par exemple (relance actuelle du lavandin dans le Diois).
3.6.4.4 Cahiers des charges
D’après les normes nationales :
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 134
Le taux de subvention est de 50 %. Ce taux peut être majoré de 10 à 20 % selon les modalités prévues à
l’arrêté interministériel du 17 juillet 2000 relatif aux subventions de l’Etat accordées en matière
d’investissement forestier.
Les contrôles :
Installation : Au moins 100 arbres par ha.
À 4 ans : la densité est autorisée à moins de 10 % de la densité initiale ; les plants régulièrement répartis ; la
taille de formation doit être réalisée.
À 15 ans : Pour le noyer double fins : 2.5 m de bille sous la greffe.
Pour le noyer hybride, au moins 4 m de bille de pied.
Elagage : l’élagage est réalisé sur les noyers à bois uniquement. Taux de subvention à 50 %. Majorable
de 10 à 20 %.
Sur le terrain, les normes sont modulées comme suit :
100 plants par ha dont 75 doivent avoir au minimum 2 m 50. La norme est donc revue légèrement à la baisse
pour tenir compte des échecs possibles de la greffe en hauteur.
Compte tenu des faibles surfaces plantées, l’aide à l’élagage est fréquemment réalisée en nature.
D’autre part, les aides à la plantation sont ramenées au noyer ce qui permet de financer des opérations de 15
à 20 noyers uniquement.
3.6.4.5 Moyens de suivi et d'évaluation
Les techniciens de la DDAF et du CRPF travaillent en étroite collaboration et suivent chaque plantation de
noyers double fins. Le suivi est chiffré à l’arbre près, pour chaque propriétaire ainsi que le montant de la
subvention allouée.
Lorsque le verger est financé sur des fonds Onifhlor, chaque parcelle est contrôlée pour vérifier qu’elle
correspond bien au cahier des charges.
3.6.4.6 Etude réalisées sur le thème
Quelques études ont été réalisées sur le double fin et les cultures intercalaires :
Double fin :
« Le noyer : bois Rhône-alpin, constats, possibilités et perspectives » de Bernard Michalet, Serfob Rhône-
Alpes, 1988, 46 p. Il s’agit de la dernière étude sur la filière du bois de noyer dans le Dauphiné. L’étude
démontre que la filière du bois de noyer est en pleine régression. Le volume de bois récolté a fortement
diminué depuis les années 70, continuant ainsi une diminution observée depuis les premières années de
l’apparition de la mécanisation. Parallèlement le nombre d’unité de tranchages est passé
de 6 en 1970 puis à 3 en 1987. L’étude souligne pourtant que le bois destiné au tranchage et au déroulage a
un avenir certain et qu’il faudrait relancer la production de bois. Dans cette optique, Bernard Michallet
soutient qu’il faut favoriser les noyers double fins avec une bille d’une hauteur de 2m50 plutôt que les basses
tiges préconisées dans les vergers intensifs.
Les cultures intercalaires :
« Les pratiques de cultures intercalaires dans la noyeraie fruitière du Dauphiné » de Fabien Liagre, rapport
de mastère Engref / Inra, 1993, 106 p. Il s’agit de la première étude technico-économique sur la pratique des
cultures intercalaires en France. L’étude montre que la pratique remonte à l’antiquité et que l’intensification
de la culture du noyer et la mécanisation n’a pas conduit à la disparition complète de cette pratique. Les
agriculteurs ont adapté leurs itinéraires techniques au contexte agricole moderne avec bien souvent des
contraintes administratives. En prolongeant la durée de l’association arbre / culture au delà des durées
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 135
recommandées ou permises par les milieux professionnels, les nuciculteurs ont des objectifs dépassant la
simple utilisation de l’espace intercalaire. L’intérêt des associations se retrouve également dans l’efficacité
agronomique de l’association et dans l’économie de temps de travail sur les noyers.
« Les planteurs du Dauphiné : pourquoi optent-ils pour les cultures intercalaires et les noyers double fin ? »
Article paru dans la forêt privée n°40 :236, p53-65, en 1997. Co-auteurs : Mary F., Delannoy E., Liagre F.,
Dupraz C., Liffran R. Il s’agit d’une étude faisant suite à l’étude de F. Liagre de 1993 en insistant davantage
sur les motivations sociales des planteurs et sur la dimension patrimoniale des noyers double fin. L’étude
montre que les motivations varient selon l’âge du planteur. Les nuciculteurs âgés préparent la retraite avec
les doubles fins tandis que les jeunes recherchent davantage le revenu à court terme. Les cultures
intercalaires sont présentes dans 80 % des jeunes plantations pendant 5 à 10 ans en moyenne. La durée
dépend du type de sol et de sa réserve utile en eau, de l’écartement entre les lignes d’arbres, du niveau
d’intrants apportés aux noyers, du type de culture pratiqué.
3.6.5 Évaluation des actions menées
3.6.5.1 Les moyens financiers
Le programme noyer double fin dans le Diois a concerné 85 personnes, exploitants ou non exploitants, de
1990 à 2000. La surface totale plantée est de 80,7 ha pour 5987 noyers.
La subvention forestière versée à la plantation se monte à 516 792 francs pour un coût total
de 603 559 francs. La subvention représente donc 85 % du montant total soit 6 400 F/ha.
En dehors du programme double fin, on peut également citer le programme de boisement des terres agricoles.
Il existe deux types de subventions : en numéraire à la plantation ou en bons de subvention :
Les plantations aidées par bons de subventions par la mise à disposition de plants forestiers.
De 1990 à 1999, 33 ha de noyers ont été subventionnés en nature. À ces chiffres, il faut ajouter 39 ha de
peupliers et 7,2 ha de merisiers.
39,5 ha ont reçu une prime annuelle, toutes essences confondues : peupliers, noyers, merisiers et autres
feuillus ainsi que résineux. Le montant versé depuis 1996 représente 342 110 francs de subvention à la
plantation. Les primes de compensation à la perte de revenu versées annuellement représentent à terme 240
960 francs depuis 96.
Dans l’Isère, lors des 8 dernières années, 192 ha ont bénéficié des primes européennes de boisement de terres
agricoles, toutes essences confondues. 25 % sont des noyers dont environ 5 % de double fin. Les plantations
ne sont pas entretenues par les cultures intercalaires. Contrairement au Diois, peu de nuciculteurs optent pour
le double fin bien que c'était une pratique courante autrefois. Dans le même temps, environ 10 ha de noyers
sont plantés uniquement sur des fonds d’Etat. La proportion de double fin est la même que précédemment.
Dans ce cas, les plantations sont entretenues avec des cultures intercalaires.
3.6.5.2 Actions de formation et d’animation engagées
Il n’existe pas de formations engagées. L’information se fait directement sur le terrain par les techniciens
dont le message peut varier d’une zone à l’autre.
Par contre, dans le programme de l’ADAYG, un volet d’animation et de formation des acteurs, techniciens,
collectivités et propriétaires, est prévue.
3.6.5.3 Problèmes juridiques et administratifs rencontrés
Il faut distinguer les cultures intercalaires du double fin :
Les cultures intercalaires :
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 136
Pour les vergers fruitiers et double fin, financés par l’Oniflhor :
La durée de la culture intercalaire est différente selon les cahiers des charges. Pour l’Oniflhor, les cultures
intercalaires sont tolérées pendant 4 ans. Au niveau PAC, elles sont acceptées officiellement
pendant 3 ans. Une dérogation a été obtenue pour la Drôme et l’Isère pour que les cultures intercalaires
soient éligibles pendant 7 ans. Mais tous les techniciens ne le savent pas.
Pour les vergers double fin et les vergers à bois financés sur des fonds d’Etat :
La culture intercalaire est éligible pour 7 ans. La pratique est tolérée sur une durée plus longue. Par contre, il
y a incompatibilité avec l’exonération trentenaire qui spécifie la suppression des cultures. Mais dans les faits,
cette pratique est relativement tolérée. On ne nous a signalé qu’un cas où un maire aurait fait arrêter la
culture intercalaire chez un agriculteur. De la part des services fiscaux, il ne semble pas avoir eu de
problèmes rencontrés. À noter que des arrangements ont parfois été trouvés : en présence de cultures
intercalaires, la parcelle peut être divisée en deux au cadastre : mi-verger mi-culture (pour les double fin).
Les inspecteurs ont parfois des difficultés à distinguer les noyers à bois des doubles fins.
Pour les vergers à bois bénéficiant de la prime européenne :
La culture intercalaire est interdite.
Le noyer double fin :
L’Oniflhor n’accepte pas le double fin dans son cahier des charges et recommande des billes
inférieures à 1 m 80.
Depuis cette année, l’Etat finance les plantations de double fin greffées en tête mais non au collet.
Auparavant, il suffisait d’avoir une bille nette de cicatrice sur 2 m 50 minimum. Les planteurs
désirant mener leur noyer greffé au collet en double fin ne bénéficient donc pas de subvention.
La greffe en tête étant plus délicate, les plantations en double fin sont compromises dans un proche avenir.
3.6.5.4 Évaluation des surfaces plantées, entretenues ou restaurées
Le rythme de plantations ne suffit pas à reconstituer le stock de bois d’œuvre. Les techniciens de
l’administration ne peuvent que constater la diminution de l’ensemble des noyers remarquables. Une étude
faite en 1994 souligne la disparition des derniers noyers isolés.
Les plantations forestières ou de double fin entretenues par des cultures intercalaires montre des résultats de
croissance trois fois supérieure aux plantations enherbées. Une plantation forestière non entretenue pendant
10 ans est généralement perdue. C’est justement pour cette raison que les forestiers tolèrent les cultures
intercalaires.
Les plantations sont suivies individuellement par les techniciens. Des statistiques sont établies déterminant
les surfaces ainsi que le nombre de noyers plantés, avec les primes et subventions correspondantes.
Par contre, il n’existe aucune indication chiffrée sur la pratique des cultures intercalaires.
3.6.5.5 Opérations particulières
La seule opération particulière sera la proposition d’une action agroforestière proposée par l’ADAYG. Cette
initiative méritera un appui particulier dans le cadre d’une action de formation et de suivi scientifique.
3.6.6 Bibliographie
Bossuet G. Comportement et conduite des noyers à bois en altitude dans les Hautes-Alpes. Déc 1994. 43
p + annexes.
Boutillier. Rapport d’intendance du Dauphiné. Archive de l’Isère, II p99-100, 1730.
Charlot G., Germain E. Le noyer, nouvelles techniques. CTIFL, 207 p, 1989.
Chorier. Histoire du Dauphiné, Valence. Tome I, Livre I, XVII, p45-46, 1878.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 137
DDA. Service central des enquêtes et statistiques. La noyeraie de l’Isère en 1974.
IDF. Les noyers à bois. Février 1983. 132 p.
Letonnelier G. Origine de la culture intensive dans le Bas Grésivaudan. Université de Grenoble, Institut
de Géographie alpine, 1930.
Liagre F. Les pratiques de cultures intercalaires dans les noyeraies fruitières du Dauphiné. Rapport de
Mastère, 106 p, 1993.
Mary F., Delannoy E., Liagre F., Dupraz C., Liffran R. Les planteurs du Dauphiné : pourquoi optent-ils
pour les cultures intercalaires et les noyers double fin ? La forêt privée n°40 :236, p53-65, en 1997.
Michalet B. Le noyer : bois Rhône-alpin, constats, possibilités et perspectives. Rapport Serfob Rhône
Alpes, 1988, 46 p.
Raffin G. La noix de Grenoble. Ministère de l’agriculture. Direction des services agricoles de l’Isère.
1958.
Roy H. Bulletin de la société scientifique du Dauphiné. Tome 51ème
, 5ème
série, tome X, Grenoble. 1931.
Tabouret P., Genevois E. Les noyers de la Drôme. CRPF DDAF. 30 p. 1990.
3.6.7 Conclusions
Dans le Diois, contrairement au Périgord, il existe une volonté de l’administration forestière de soutenir les
plantations de noyers double fin. D’apparence modeste, le programme reste important compte tenu de la
surface agricole restreinte de la vallée de Die. De plus il touche un grand nombre de planteurs par ses
subventions versées à l’arbre plutôt qu’à l’hectare. Les techniciens de la DDAF et du CRPF s’adaptent à
chaque projet. Le contexte socioéconomique est favorable. Le but de ces micro-plantations est à la fois
patrimonial et productif : les noyers serviront pour l’autoconsommation et pour offrir un complément de
revenu par les noix éventuellement transformées (cerneaux et huile). Les vergers sont entretenus par la
culture intercalaire pouvant dépasser dans certains cas les 10 années d’association. La petite taille des
parcelles favorise une gestion à peu de frais des arbres lorsqu’ils entrent en production (récolte et
transformation manuelles).
Le frein à ce type de diversification est d’ordre administratif et politique.
Administratif, car les cahiers des charges forestiers ne soutiennent plus depuis cette année les noyers double
fin en interdisant la greffe au collet. De son côté, l’Onifhlor ne les reconnaît pas et ne subventionne que des
basses tiges. La culture intercalaire est par contre relativement bien admise par l’administration même si
limité dans le temps (7 ans).
Politique, car les noyers double fin et les cultures intercalaires ne sont pas bien vus des milieux
professionnels de la noix et des grandes cultures et systématiquement combattus à l’image de la mesure CTE
contre la pratique des cultures intercalaires.
La prise en compte de l’arbre dans les parcelles cultivées (PAC, Cadastre, subvention) permettrait de
résoudre ces obstacles.
Il existe sur le terrain, un appel à une certaine coordination entre les acteurs défendant ces pratiques afin
d’homogénéiser les attitudes à avoir vis-à-vis des planteurs, des milieux professionnels mais également de
l’administration. Dans ce cadre, une cellule d’informations et d’échanges serait un plus. Certains techniciens
souhaiteraient des textes qui défendraient davantage l’arbre agricole en général et des études scientifiques
mettant en avant les avantages de leur présence dans un cadre environnemental et surtout agronomique
(conservation des sols, lutte contre la pollution, influence sur le rendement).
L’ADEYG serait ouvert à d’éventuelles collaborations avec la recherche pour offrir un schéma
d’aménagement périurbain différent pour les habitants de la grande banlieue de Grenoble.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 138
Par sa présence ancestrale et sa capacité à surmonter les obstacles, la culture intercalaire du Dauphiné est une
vitrine de connaissances qu’il serait judicieux de connaître en profondeur. Des mesures agronomiques
associées à des études économiques permettraient de retirer des données essentielles pour leur application
dans le cas des plantations agrosylvicoles (cultures + arbres pour le bois). Elles permettraient également de
quantifier les avantages reconnus de l’agroforesterie à l’échelle des parcelles d’une part et des exploitations
agricoles d’autre part.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 139
3.7 PROGRAMME DE RECONSTITUTION DE LA NOYERAIE DU PERIGORD
3.7.1 Personnes enquêtées (enquête réalisée du 13 au 19 novembre 2000)
Yves Bergougnoux : Technicien noix à la Chambre d’Agriculture du Lot à Cahors.
Mrs Bonnet et Laporte à la DDA du Lot.
Matthieu Larribe du CAUE du Lot.
Mr Laval, technicien noyer de la Chambre d’Agriculture de la Dordogne.
Mr Taillade Goudard du CRPF du Lot et Jérôme Carmeil du CRPF de la Dordogne.
Laurence Lapèze de l’ADASEA du Lot.
3.7.2 Les acteurs locaux
3.7.2.1 Présentation des acteurs
La Chambre avec les techniciens Noix : acteurs de terrains, connaissent très bien les agriculteurs. Ils
défendent leur projet AOC Noix du Périgord en partenariat avec la Station expérimentale de Creysse, ils
mettent l’accent sur l’intensification d’une production plus importante de la noix au sein des exploitations.
La Chambre d’Agriculture a également été à l’origine des mesures CTE pour la conduite et l’entretien des
noyeraies de la région du Périgord en accord avec la région du Dauphiné. La mesure 5.2 favorisant la
plantation et l’entretien des alignements d’arbres a été retenue par la CDOA.
La DDA instruit les dossiers de boisement et subventions en partenariat avec l’ONIFLHOR et l’ONIC ainsi
qu’avec le FFN. En plein déménagement, il n’a pas été possible d’obtenir des données sur les boisements
réalisés, et les statistiques vergers en noyers fruitiers, double fins et à bois.
L’ADASEA coordonne le programme de réintroduction de l’arbre
Le CRPF conseille et encadre techniquement les agriculteurs sur leur projet de boisement. Il existe peu de
boisement de terres agricoles.
3.7.2.2 Les moyens humains mis en œuvre
Pour les 2 départements (Corrèze non compris) :
- 2 techniciens noyer au niveau des Chambres d’agriculture et 2 techniciens CRPF,
- 1 technicienne arbre ADASEA,
- La recherche est présente à la Station de la Noix à Creysse,
- Un technicien à mi-temps au CAUE.
3.7.3 Historique des pratiques agroforestières
Selon les techniciens noix, il n’existe pas de pratique très ancienne du verger aligné associé aux cultures
intercalaires. La tradition, contrairement au Diois, était d’abord des arbres isolés de plein champ ou des
plantations alignées. Le verger est apparu, il y a 30 ans mais a rapidement pris de l’ampleur. Sa production
de noix représente aujourd’hui 60 % de la production nationale. Dans le Lot, cela représente 2100 ha de
vergers dont 70 % de Franquette et 24 % de Marbot. Les arbres isolés ont régressé, victimes d’abord de la
mécanisation et puis par les effets indirects de la PAC.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 140
Dans le Périgord (Dordogne, Lot et Corrèze), le recensement de vergers de 94 à 96 comptabilise 7261 ha
pour 3.103 producteurs répartis comme suit : 4346 ha en Dordogne, 2102 ha dans le Lot et 811 ha en
Corrèze. On compte 1649 producteurs en Dordogne (53 %), 31 % dans le Lot et 15 % en Corrèze.
42 % des producteurs sont indépendants et 58 % sont regroupés en organisations : CEAFL ALC dont
Vergers de l’Organisation Economique. Ce qui représente 72 % de la surface pour les groupements.
L’Oniflhor subventionne les plantations sous la condition d’appartenir à un des groupements…
A l’avenir, il serait intéressant de voir si il y a une corrélation entre AF et indépendants.
Le verger du Périgord est assez jeune. 53 % des vergers ont entre 1 et 15 ans, 47 % plus de 15 ans. Les
jeunes vergers sont plantés en Franquette.
Peu de producteurs sont réellement spécialisés dans la production de noix : 1/3 des nuciculteurs possèdent 75
% des vergers. 4,5 % des producteurs possèdent 24 % des vergers. Sur le Périgord, la moyenne est de 2.33 ha
par exploitation et 65 % des producteurs possèdent moins de 2 ha. La noix est considérée comme un produit
complémentaire dans un schéma d’exploitation orienté vers les systèmes polyculture-élevage.
Il est difficile de chiffrer l’importance de la pratique des cultures intercalaires. Les techniciens des Chambres
estiment que 30 % des jeunes noyeraies sont entretenues par des cultures intercalaires. Officiellement, la
PAC autorise cette pratique pendant les trois premières années. Les cultures intercalaires sont primées sur la
surface réellement cultivée. Dans la réalité, la durée est un peu plus longue, environ 5 ans. Avec l’accord
implicite des inspecteurs agricoles. Sur le terrain, on peut d’ailleurs observer des pratiques de cultures
intercalaires sous des noyers adultes. Dans le cahier des charges ONIFHLOR et de la future AOC, les
cultures intercalaires sont « tolérées » pendant 5 années, à une distance minimale de 2 m du tronc.
Dans le Lot, 25 % des vergers ont moins de 5 ans soit 484 ha. 30 % sont entretenus en culture intercalaire
soit 150 ha environ. En Dordogne, 300 ha de noyeraies sont plantées chaque année ce qui représente 1500 ha
de vergers de moins de 5 ans. Comme dans le Lot, un tiers des noyeraies de moins de 5 ans est entretenu par
les cultures intercalaires ce qui représente 500 ha en moyenne. Il faut ajouter à ces chiffres la surface plantée
dans le cadre d’un programme exceptionnel de replantation de 1000 ha sur 4 ans suite aux dégâts de la
tempête de décembre 99 au rythme de 250 ha par an. Cette année, 80 ha des 250 ha plantés seront en culture
intercalaire et on peut évaluer cette surface à 400 ha d’ici 4 ans.
Si l’on ajoute la Corrèze, on estime au total entre 1000 et 1300 ha les jeunes vergers agroforestiers dans le
Périgord. Il faut également tenir compte des quelques vergers en production qui sont toujours associés aux
cultures (voir photo).
Il existe peu de données historiques sur les pratiques de cultures intercalaires. D’après les témoignages,
80 % des nuciculteurs pratiquaient les cultures sous les jeunes arbres il y a 20 ans. Les cultures intercalaires
les plus courantes sont le maïs (problème phytosanitaire et de date de récolte qui se chevauchent), les
céréales de cycle court (idéal), les cultures sarclées (betteraves), un peu de soja.
La pratique de la culture intercalaire reste très répandue car sociologiquement, les gens ne se sont jamais
spécialisés dans la région du Périgord. Chaque exploitation avait de l’élevage, des cultures ou de la vigne et
des noyers. Mais ils ne se sont jamais risqués à se spécialiser vers une seule culture.
Cette pratique est combattue par les milieux professionnels car :
Les cultures intercalaires exercent une concurrence envers les noyers. C’est une pratique jugée
« préhistorique » par certains techniciens. « Si l’on veut de la noix de qualité, il faut choisir ». De
plus , la mécanisation de la récolte fait qu’il est plus pratique d’enherber pour faciliter le passage du
rouleau récolteur. L’enherbement rend nécessaire l’irrigation pour palier à la concurrence de l’herbe.
Le goutte à goutte est le plus adéquat. Ces deux paramètres, ramassage et installation du réseau
goutte à goutte, entraînent progressivement la disparition des cultures intercalaires. Le cahier des
charges de l’Oniflhor et de l’AOC tolèrent toutefois la culture intercalaire
pendant 5 ans. Néanmoins, par les mesures CTE les milieux professionnels tentent de favoriser la
production intensive de la noix. Il existe une mesure pour enherber les vergers adultes et il existe
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 141
également une mesure pour substituer les cultures intercalaires dans les jeunes vergers par un
enherbement. Le montant alloué à cette mesure est de 1400 francs par ha…
Le noyer double fin est combattu car selon ses adversaires, il n’est pas maîtrisé techniquement
(brûlis du tronc pendant l’été et dévalorisation du bois). Le temps d’attente est trop long. Le greffage
est fait à la base et non en hauteur. Le nombre final d’arbres vendables à un bon prix est trop faible
pour justifier un retard dans la mise à production du verger, environ 10 arbres / hectare selon Mr
Bergougnoux. Ceux qui se sont lancés dans le double fin le regrettent au moment de la récolte du
bois. Le seul bois de valeur est le régia (bois noir), un arbre greffé de 2 m ne pourra jamais rivaliser.
D’autre part, les techniciens noix mettent en avant le cahier des charges spécifiant une hauteur de
bille inférieure à 1m80. Cependant, cette hauteur de bille n’est pas une condition. Après la tempête,
les billes de 140 cm de 30 ans se sont négociées entre 200 et 500 F en moyenne le m3. Bien sûr,
certaines peuvent aller jusqu’à 10000 F…
L’avis des techniciens favorables au noyer double fin et à la pratique de la culture intercalaire :
Suite à la tempête, beaucoup de nuciculteurs ayant opté pour une noyeraie intensive avec des arbres formés
très bas (bille inférieure à 1m30) se sont réveillés avec une mauvaise surprise : les noyers abattus n’ont pas
été vendus comme ils le souhaitaient. Certains ont dû alors utiliser le noyer comme bois de chauffage… Les
organismes forestiers ont alors eu leur revanche. Un article du Groupement de Développement du noyer à
bois, intitulé « Il est urgent de réfléchir ! » présente les prix de vente des noyers abattus :
Tableau 28 : Prix du m3 de noyer selon la circonférence en Périgord
Type de noyers Circonférence en cm
à 1 m 30 du sol
Prix au m3 réel
Sur écorce en franc
Jeunes noyers (moins de 30 ans) 90 à 150 600 à 1500
Noyers adultes < 180 1500 à 3000
Noyers adultes > 180 3000 à 4000
Noyers adultes d’exception
Bille de 3 m
> 180 4000 et plus
Cette situation a également inquiété les professionnels de la noix. Et certains reviennent sur l’idée de mener
les vergers en intensif et ce pour plusieurs raisons :
Les variétés modernes de noyers menées en palissade ou en bille très courtes n’ont pas été adoptées
socialement par les nuciculteurs. L’aspect paysager et patrimonial reste très ancré. De plus, avec les progrès
de la mécanisation (secoueur et balayeuse pour la récolte) il est préférable d’avoir un verger où il est aisé de
circuler sous les arbres. Le dernier cahier des charges en vue d’obtention de l’AOC « Noix du Périgord »
n’impose donc plus une hauteur de bille maximum.
Les forestiers sont sensibles au double fin car c’est pratiquement la seule possibilité de récolter du bois de
noyer. En effet, les plantations de noyers forestiers sont un échec dans le Périgord. Il est devenu impossible
de libérer des terres agricoles pour réaliser des boisements agricoles. La pression syndicale agricole est trop
forte. En Dordogne, quelques 25 projets toutes essences confondues sont présentés annuellement en CDOA
pour des surfaces allant de 7 à 40 ha. Le refus de la profession agricole se fait souvent sur des motifs de
prévention afin d’éviter la perte du statut agricole des terres et la fermeture du paysage. 60 ha ont cependant
été plantés en 99. Quatre exploitants ont décidé de planter en passant outre les subventions…se qui
représente environ 30 ha. Compte tenu de la tradition agroforestière, les plantations étaient souvent
entretenues par les cultures intercalaires. Cependant, un agriculteur ayant planté et bénéficiant de
l’exonération trentenaire de l’impôt foncier, a été redressé et a dû rembourser 5 années d’impôt foncier. Ce
cas a fait office de jurisprudence dans la région. Aujourd’hui, plus aucun planteur forestier ne cultive entre
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 142
les arbres. Il faut savoir que 30 % des plantations sont des échecs suite à un mauvais choix sur les essences et
suite au manque d’entretien du sol. Ce qui représente une perte minimum de 20 à 30 000 francs par ha pour
la collectivité : subvention à la plantation, prime de compensation à la perte de revenu, et temps pour le suivi
des dossiers par les techniciens (CRPF et DDAF).
Le double fin est donc une alternative. La plantation peut être subventionnée par les milieux forestiers ou
nucicoles. Dans le premier cas, cela implique le changement de statut de la terre et l’impossibilité des
cultures intercalaires. Dans le deuxième cas, les cultures intercalaires sont possibles. Mais les techniciens
intervenant dans ce domaine poussent les producteurs pour un enherbement et une bille inférieure à 2 m.
Enfin, il faut également savoir qu’il existe une forte demande par les professionnels du bois et de sa
transformation pour le double fin. France Noyer recherche le double fin et il est intéressant de noter que
l’offre brusque de bois de noyer suite à la tempête n’a pas influer sur le prix de vente au m3.
3.7.4 Les politiques agroforestières mises en œuvre
La pratique de culture intercalaire observée n’est pas le résultat d’une politique de soutien à l’agroforesterie.
Comme nous l’avons vu, elle est déconseillée systématiquement. Cependant, depuis la tempête, une politique
de reboisement en milieu agricole est relancée. L’intérêt du double fin a été démontré. L’inconvénient du
double fin est que son entrée en production est retardée (chaque 20 cm supplémentaire sur la bille représente
une année de décalage). Ce qui relance indirectement l’intérêt de la culture intercalaire pour une durée
supérieure à 5 ans.
En 1999, est lancée une opération locale sur la vallée de la Dordogne, indépendamment des CTE, dont un
des objectif est de réintroduire les noyers agricoles. La coordination du projet est assurée par le service
Espace Rural de l’ADASEA du Lot (Isabelle Lapèze et François Dubosc). Les partenaires sont : le CAUE
(Catherine David), la Chambre d’Agriculture du Lot (Edith Leyrat, Benoît Lac et Yves Bergougnoux) et un
naturaliste indépendant : Vincent Heaulme.
La zone comprend 24 communes réparties sur 5 cantons ce qui représente 33 199 ha pour une surface
agricole de 12 180 ha.
3.7.4.1 Définition des priorités d’action
Trois objectifs ont été ciblés :
1. Lutte contre l’érosion et la pollution des eaux : maintien et restauration des prairies, mise en place
d’un couvert végétal hivernal et raisonnement des intrants.
2. Maintien des paysages emblématiques de la vallée par l’entretien des terrasses, des glacis et des
cirques de falaises ainsi que le renouvellement des noyers isolés ou en alignement.
3. Conservation d’une biodiversité écologique.
Concernant les noyers, l’enjeu majeur est de conserver, entretenir et développer un paysage de noyers :
- développer une vitrine de la culture de la noix le long des axes touristiques.
- reproduire les lignes d’arbres, accompagnant les routes ou les entrées de villages ou de
fermes en recul par rapport aux voies.
- rechercher une solution de remplacement des arbres isolés, éléments identitaires du paysage
actuellement non renouvelés.
- préserver la continuité des paysages de plateau associant murets et noyers
(GR 480 et 652).
3.7.4.2 Financement des actions de plantations et d’entretien
Le financement européen et du Conseil Général couvre le surcoût lié à la plantation d’arbres, fruitiers ou
fruitiers à bois, en alignement ou isolés :
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 143
Justification du surcoût :
Implantation (fertilisation, achat plant et tuteur, main d’œuvre) :
4 ,3 + 9,5 + 3,8 = 17,6 F / ml sur 5 ans. 350 F / 100 ml
Entretien (fertilisation, entretien des plants) 690 F / 100 ml
TOTAL : 1 040 F/ 100 ml
3.7.4.3 Engagement
*
Une commission d’agrément examine sur le terrain l’ensemble des projets proposés.
La mesure est mieux rémunérée que le CTE alignement d’arbres (maxi 800 F / ha). Les deux mesures ne sont
pas cumulables. Mais l’accès à cette mesure est facilité dans le cadre de l’Opération Locale.
3.7.5 Évaluation des actions menées
3.7.5.1 Les moyens financiers
Pour la partie plantation d’arbres, la surface éligible couvre 900 ha. Environ 50 % de cette surface sera
souscrite par le projet ce qui représente 450 ha. Le budget total de l’opération sera donc de 450 000 FF soit
20 % du budget global de l’opération.
3.7.5.2 Actions et supports d'animation et de communication
10 % du budget est prévu pour l’animation du programme. Il n’y a pas d’action de formation envisagée.
3.7.5.3 Problèmes juridiques et administratifs rencontrés
Il faut distinguer deux cas de figures : les boisements de noyers forestiers et les vergers.
Dans le premier cas, les fonds de soutien sont purement forestiers. La parcelle perd son statut agricole. La
pratique de la culture intercalaire est donc interdite même si elle existe parfois. Le changement de statut de la
terre, en passant du statut agricole au statut forestier est du plus mauvais effet sur le monde agricole. Les
relations sont tendues entre forestiers et agriculteurs quand il s’agit de boisement sur terres agricoles.
Dans le deuxième cas, les cultures intercalaires sont autorisées entre 3 et 5 ans de même que la possibilité de
mener les noyers en double fin. Mais dans la réalité, des mesures sont prises contre ces pratiques : pression
pour une hauteur basse de la bille ou pour raccourcir la durée de la culture voire les supprimer. Un CTE a été
écrit expressément pour éliminer les cultures intercalaires. Les deux enjeux mis en avant pour justifier cette
mesure sont l’amélioration de la conduite technique des arbres et la préservation de la ressource en eau par la
diminution d’intrants. Si le premier enjeu paraît justifié, il est en effet plus facile de traiter les arbres en
absence de culture, le second est par contre discutable puisque les arbres ont un rôle filtrant par rapport aux
nitrates. De plus, l’enherbement exerce une forte concurrence sur les noyers et demande donc la mise en
place de l’irrigation. Cette mesure s’applique pour les cultures annuelles mais également pour les prairies.
La pratique des cultures intercalaires sous des arbres adultes est interdite. Quelques nuciculteurs cultivent
pourtant sous des vergers en production en étant parfois obligés de se passer des primes PAC. D’une manière
générale, il a été très difficile d’avoir des règlements écrits. Une grande part est laissée à l’appréciation des
inspecteurs ou des techniciens. Les coordinateurs de l’ADASEA ont clairement fait sentir le manque
juridique sur la place de l’arbre en milieu agricole.
Dus aux échecs des reboisements sur terres agricoles, les responsables du service forestier connaissent guère
les modalités des cahiers des charges des boisements et la prise en compte du modèle agroforestier. Nous
n’avons pas pu connaître l’enveloppe allouée au reboisement, l’importance des différents types de
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 144
reboisement : haie fruitière tous les 25 m, plantation en plein ou en DBF. Les cultures sont éligibles à la PAC
pour trois ans sous verger. Les subventions de plantation pour les DBF interviennent à posteriori : le
nuciculteur reçoit la subvention à partir du moment où la bille atteint 2m50 à 3m50. Le montant dépend de la
hauteur atteinte. Ce détail a son importance car il favorise une mauvaise taille par excès de précipitation de la
part des nuciculteurs. Certains ont tendance à tailler et élaguer trop rapidement sans tenir compte de
l’équilibre tronc / houppier.
Concernant les primes PAC : une grande liberté est laissée à l’appréciation des inspecteurs de terrain. Il
semblerait qu’ils ferment souvent les yeux sur des dépassements en durée (3 ans autorisés pour les vergers
voir texte). Durant 3 ans, des exploitants auraient eu le droit de geler la bande non cultivée entre les arbres.
Mais cette possibilité a été refusée par la suite. Ce comportement apparaissait effectivement logique : à partir
du moment où l’on accepte de donner une prime à la SCOP intercalaire pourquoi pas donner la possibilité de
la geler?
L’impossibilité d’avoir des données chiffrées auprès de l’administration traduit un certain embarras face à
ces pratiques qui sortent très souvent des normes.
3.7.5.4 Opérations particulières
L’enjeu pour la Chambre d’Agriculture est l’AOC de la Noix du Périgord en concurrence avec l’AOC de la
Noix de Grenoble.
Suite à la tempête, l’accent est mis sur la reconstitution des noyeraies. Le financement des vergers est
subventionné pour 10 à 20 000 F/ha par l’Oniflhor plus une enveloppe Midi-Pyrénées de 12 à 16 000 F par
ha selon les variétés. Une enveloppe supplémentaire est consacrée à la perte de revenu. En tout, les montants
plafonnent entre 54 000 F et 62 800 F par ha… Le suivi est assuré par la Chambre d’Agriculture.
3.7.6 Bibliographie
Note technico-économique – Verger de noyer – Chambre d’Agriculture du Lot et Station Expérimentale
de Creysse. Mai 1999.
Le noyer . Bibliographie. 1999. Station Expérimentale de Creysse.
Opération Locale Vallée de la Dordogne – Service Espace Rural – ADASEA du Lot. Fév. 1999
Le noyer à Bois . CRPF
3.7.7 Conclusions
La pratique des cultures intercalaires fait parti du patrimoine agricole traditionnel du Périgord. On peut la
voir dans les jeunes noyeraies mais également sous des noyers adultes. L’association peut prendre deux
formes : soit avec des cultures intercalaires (maïs ou céréales à paille) soit en milieu pâturé. Elle s’exprime
également au travers des alignements de noyers de plein champ, technique encore fort présente, plutôt que
sous des vergers adultes en production. On peut également citer les jardins arborés où les noyers poussent en
compagnie d’autres fruitiers (cerisiers, pêchers, abricotiers) au milieu de la vigne, des plantes maraîchères ou
des fleurs.
Les techniques de cultures intercalaires dans les noyers ne sont pas encouragées par les milieux
professionnels de la noix ainsi que les milieux agricoles bien qu’elles correspondent à une certaine forme de
diversification de l’exploitation soit par la culture intercalaire mais également par le bois et les noix. La
tempête a donné raison aux producteurs attachés au noyer double fin.
La culture intercalaire peut parfois être encombrante au moment des soins à donner aux arbres, principale
justification des techniciens noix. Il s’agit surtout d’un débat autour de la gestion globale de l’exploitation et
des choix stratégiques pour lesquels vont opter les agriculteurs. Il serait intéressant d’étudier plus en détail
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 145
les motivations des nuciculteurs agroforestiers. Cette étude pourrait également être riche d’enseignement au
moment de retranscrire certaines techniques aux projets agroforestiers avec verger à bois.
Dans le cadre des boisements forestiers sur les terres agricoles, la pratique de la culture intercalaire est
interdite. Mais elle présente deux atouts non négligeables :
1. Elle favoriserait l’entretien des plantations et remonterait le taux d’échec des plantations forestières
sur terres agricoles. Environ 30 % des boisements dans ce cadre sont des échecs ce qui représente
entre 20 et 30 ha annuel. Il serait intéressant de chiffrer avec exactitude le taux d’échec et le coût
pour la collectivité et de le comparer avec les systèmes agroforestiers.
2. Le boisement agroforestier avec une faible densité conservant le statut agricole offre la possibilité de
continuer à exploiter les terres pendant toute la durée de la révolution des arbres. Cette option ne
traumatiserait pas la mentalité paysanne surtout qu’elle répond d’une certaine manière à des
pratiques agricoles anciennes.
Les rencontres avec les différents acteurs soulignent également deux faits importants :
1. Plus que les réglementations en elle mêmes, c’est l’interprétation des textes par les personnes
ressources qui régissent les pratiques agroforestières. Dans le cas du Périgord, ces pratiques sont
parfois mal vues et donc non encouragées.
2. Très souvent les particularités administratives des pratiques agroforestières échappent aux acteurs
locaux. Un besoin en formation a été relevé lors de cette enquête. Ce besoin a été formulé
directement par certains acteurs ou indirectement pour d’autres par la méconnaissance des textes ou
des pratiques agroforestières.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 146
3.8 AGROFORESTERIE ASSOCIEE AUX CULTURES CEREALIERES DE LA VALLEE DU VIDOURLE
3.8.1 Personnes enquêtées
Serge Rouvière : technicien du Conseil Général, coordinateur du programme « Rivière du Vidourle »
géré par le syndicat interdépartemental du Vidourle.
Patricia Detry-Fouque, DDAF du Gard.
Alain Millet : INRA LEPSE, équipe d’agroforesterie.
Mario Brunel : Maire de Vic le Fesq
Michel Etienne, INRA, Unité d’Ecodéveloppement
Michèle Lagacherie, Centre Régional de la Propriété Forestière.
3.8.2 Les acteurs locaux
Le temps total consacré la première année par les chercheurs de l’équipe indiquée ou des ingénieurs ou
techniciens des organismes concernés sont indiqués en ETP (Equivalents Temps Plein)
3.8.2.1 Equipes de recherche engagées
INRA-CIRAD- Unité de modélisation de l’architecture des plantes D. Auclair (ETP : 0.2).
INRA- Laboratoire d’écophysiologie des plantes. A. Millet (ETP : 0.2). Equipe d’agroforesterie.
INRA- Unité d’Ecodéveloppement, M. Etienne (ETP : 0.3). Equipe de travail sur les thèmes du sylvo-
pastoralisme.
INRA- Unité de Recherches Forestières Méditerranéennes, E. Rigolot (ETP : 0.2) Equipe de travail sur les
aménagements forestiers dans le cadre de la DFCI.
3.8.2.2 Equipes partenaires
Chambre d’Agriculture du Gard G. Marjollet (Service économie et territoire, ETP : 0.1)
DDAF du Gard P. Detry-Fouque (Service environnement, ETP : 0.1). Service environnement et forêt.
Centre Régional de la Propriété Forestière B. Cabannes (Ingénieur régional, ETP : 0.15)
Service Interchambre Montagne Elevage M. Dimanche (ETP :0.2)
3.8.2.3 Les communes
3 communes sont concernées : Vézénobres, Vergèze et Vic-le-Fesc.
Les 2 premières communes ont déjà fait l’objet d’aménagement agroforestiers tandis que la commune de
Vic-le-Fesc se lance dans une opération nouvelle où quatre agriculteurs sont concernés.
3.8.3 Historique du projet agroforestier
Depuis une dizaine d’années, des parcelles agroforestières sont mises en place dans les différents
départements de la région Languedoc-Roussillon. Ces parcelles associent arbres forestiers et cultures
(céréales, oléagineux, asperges, vignes) ou arbres forestiers et troupeaux (surtout des ovins). On en
dénombre actuellement environ 300 ha en Languedoc-Roussillon, contre seulement une vingtaine d’hectares
en 1995.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 147
Au-delà de leur succès productif (les arbres bénéficient fortement de la présence des cultures intercalaires, et
les cultures intercalaires maintiennent d’excellents rendements), ces parcelles semblent intéressantes pour la
prévention de trois risques environnementaux majeurs pour nos régions : le risque d’incendie, le risque
d’érosion des sols par ruissellement et/ou débordement des crues, le risque de pollution des nappes alluviales
par pertes en nitrates.
La reconnaissance de ces risques a été partagée par plusieurs partenaires, chercheurs et développeurs, qui ont
décidé de s’unir pour édifier un projet agroforestier commun afin d’évaluer l’impact de l’agroforesterie sur
l’aménagement de la vallée du Vidourle. Ce projet réalisé en partenariat avec des agriculteurs portent sur
deux types de situation :
Sur des parcelles existantes de 5 ans d’âge (Vézénobres et Vergèze)
Sur des parcelles nouvelles (Vic-le-Fesc)
Dans le cas de Vézénobres et Vergèze, il s’agit à l’origine d’opérations privées de boisements agroforestiers
financés sur le Fonds Forestier National aujourd’hui supprimé. L’intérêt de ces parcelles est leur potentiel
expérimental sur des systèmes agroforestiers adultes.
A Vic-le-Fesc, le projet est né de la rencontre des techniciens forestiers de la DDAF du Gard et des
techniciens du Syndicat du Vidourle. A la base, la réflexion des élus de la communes et des techniciens du
Vidourle a mené au constat d’une dégradation des berges en zone inondable d’une part et d’une pollution de
la rivière par les nitrates et les phosphates d’autre part. Une visite du site de Vézénobres a permis une
première rencontre avec l’INRA de Montpellier et les agriculteurs de Vic ainsi que les élus et les techniciens
du syndicat. L’objectif était de montrer sur place un exemple d’aménagement différent des surfaces agricoles
en zone sensible avec introduction de l’arbre.
L’idée agroforestière a suscité l’intérêt des gens présents. L’ébauche du projet prend forme avec comme
objectifs :
Lutte contre la pollution par le filtrage des résidus azotés grâce à la présence des arbres.
Stabilisation des berges du Vidourle.
Diversité du paysage, lien avec la haie ripisylve du Vidourle.
Pour les agriculteurs présents, les plantations agroforestières présentent l’intérêt de maintenir une culture
intercalaire tout en capitalisant le bois produit.
3.8.4 Les thèmes de recherche développement mise en œuvre
Pour accompagner une phase imminente de diffusion élargie de ces nouveaux modèles de mise en valeur de
l’espace rural, les acteurs économiques régionaux ont besoins de préciser l’efficacité environnementale de
ces aménagements, et de préciser les règles de gestion des associations arbres–cultures ou arbres-pâtures qui
permettent d’obtenir un compromis satisfaisant entre la productivité des parcelles et l’efficacité en termes de
protection environnementale.
Les deux questions posées en termes de recherche sont les suivantes :
Quelle méthodologie pour la prise en compte des innovations agroforestières dans les dispositifs de lutte
contre les risques naturels dans la vallée du Vidourle ? Il s’agit de préciser les caractéristiques pertinentes
des parcelles agroforestières vis-à-vis des risques naturels (incendie, érosion des sols, pollution des nappes)
et des moyens de lutte.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 148
a/ La prévention des incendies de forêt s’appuie sur le principe de la compartimentation des espaces
sensibles par des ouvrages conséquents (les coupures de combustible), aménagés et équipés afin de
constituer des zones efficaces d’appui à la lutte. L’intégration de techniques agroforestières dans la
mise en œuvre de ces coupures vise à réduire la vitesse du vent et la transmission des brandons, à
résoudre partiellement les problèmes d’entretien des strates basses et à diminuer à moyen terme le coût
global de l’aménagement. Comme l’a confirmé le séminaire de Porto-Vecchio sur la conception des
coupures stratégiques (Document RCC n°4, 2000), les questions essentielles encore en suspens
concernent la densité optimale de la strate arborée, la répartition spatiale des structures végétales et
l’intégration efficace de parcelles agricoles.
b/ La prévention de l’érosion des sols par le ruissellement ou la divagation des crues s’appuie sur un
double principe : limiter le ruissellement à la source, en améliorant l’infiltration des pluies, et freiner
l’énergie cinétique érosive de l’eau par des aménagements appropriés. La capacité des arbres
agroforestiers à limiter le ruissellement des parcelles agricoles et à ralentir l’impact érosif des crues
n’a fait l’objet d’aucune étude à ce jour. Dans le Gard, plusieurs aménagements agroforestiers à
grande échelle (plusieurs centaines d’hectares) sont envisagés dans les zones d’expansion des fortes
crues (Vidourle, Gardons) afin de limiter les pertes en terre des parcelles en grande culture envahies
par les crues. De nombreuses zones similaires de l’Aude ou de l’Hérault pourraient également
être concernées. Il appartient aux chercheurs de préciser la disposition efficace des arbres, le mode
d’entretien du sol au pied des arbres pour optimiser les effets hydrauliques sur les crues ou le
ruissellement.
c/ La prévention de la pollution diffuse des nappes par les engrais azotés repose sur une meilleure
connaissance du cycle de l’azote et par le fractionnement des apports. Une méthode de lutte originale a
été proposée à partir de l’agroforesterie : il s’agit de prélever à la source les nitrates qui échappent aux
cultures grâce aux racines profondes des arbres. C’est l’hypothèse du filet de sécurité racinaire des
arbres (Cadish et al, 1999) qui suppose que l’on réussisse à former les systèmes racinaires des arbres
pour qu’ils soient complémentaires de ceux des cultures. Les questions essentielles posées à la
recherche concernent la disposition efficace des arbres, et les méthodes de formation des systèmes
racinaires des arbres afin de leur faire prendre la forme de ce filet racinaire tout en limitant leur
compétitivité vis-à-vis des cultures.
Comment obtenir des associations agroforestières qui combinent efficacité environnementale ET
productivité ? La productivité des parcelles agroforestières est un élément essentiel de réduction des coûts
d’entretien des dispositifs de protection de l’environnement. Un compromis doit donc être recherché entre
des gestions orientées purement vers la production, et des gestions orientées vers la protection des milieux.
C’est le second enjeu majeur de ce programme : quelle conception et quelles règles de gestion pour des
aménagements multifonctionnels productifs ?
3.8.4.1 Définition des priorités d’action
a) Agroforesterie et D.F.C.I
Afin de vérifier la faisabilité d’application et de généralisation des techniques agroforestières sur les grandes
coupures stratégiques, quatre aspects seront étudiés sur des aménagements déjà existants ou en cours
d’installation dans la région :
sur quelques situations-types de topographie et de végétation, une étude de l’impact du traitement de la
strate arborée (éclaircie, élagage) et de la strate arbustive (débroussaillement total ou partiel) sur
l’aérologie locale sera menée. Il s’agit de mesurer l’effet de rugosité au vent engendré par les différentes
structures végétales en place sur les différents tronçons de la coupure ;
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 149
sur les secteurs de coupures dominés par des accrus spontanés de résineux (pin maritime ou pin sylvestre
dans les Cévennes, pin d’Alep dans les garrigues du Montpelliérais) ou par des taillis de chênes plus ou
moins dégradés (chêne blanc dans l’Aude, chêne vert dans les Pyrénées orientales, le Gard ou l’Hérault),
la création de parcelles sylvopastorales par éclaircies pose le problème soit de la maîtrise du
réensemencement naturel par les résineux soit du contrôle des rejets de souche pour les feuillus. La
question de l’influence de l’intensité et de la technique d’éclaircie sur la production de rejets dans les
taillis de chêne a été traitée notamment par Ducrey & Boisserie (1992) ou Ducrey & Turrel (1992). La
dynamique de recolonisation par des résineux après éclaircie mérite en revanche d’être approfondie en
milieu méditerranéen. Il est donc proposé de tester, sur quelques parcelles-types, différentes intensités
d’éclaircie et de suivre la dynamique de recolonisation par les résineux de ces espaces ouverts. L’impact
du pâturage sur cette dynamique sera mesuré aussi bien dans le cas d’accrus feuillus que résineux ;
sur plusieurs coupures de combustible en cours d’aménagement, différentes modalités d’organisation
spatiale des parcelles agroforestières seront testées par simulation afin de vérifier quels sont
l’arrangement et l’itinéraire technique les plus performants par rapport à la dynamique du combustible et
la propagation potentielle de l’incendie. La viabilité de ces organisations spatiales sera ensuite évaluée
en fonction de son adaptation et de sa pertinence par rapport au fonctionnement des systèmes
d’exploitation sensés participer à l’entretien des parcelles agroforestières en utilisant la méthode
développée par Etienne & Rapey (1999) ;
sur quelques types contrastés de peuplements forestiers, l’efficacité, comme support de la lutte contre les
incendies, des aménagements mis en place sera testée par une confrontation de dires d’expert et de
modèles de simulation, selon la démarche mise au point dans le cadre du Réseau Coupures de
Combustible (RCC) mais non encore appliquée à des parcelles agroforestières (Réseau Coupures de
Combustible, 1999).
b) Agroforesterie et protection des sols et des eaux.
Les lits majeurs des rivières méditerranéennes (Cèze, Gardons, Vidourle, Hérault, Orb, Aude, Tech) sont
souvent cultivés, et fréquemment inondés par les crues méditerranéennes violentes. Ces crues débordent
parfois sur de vastes portions des plaines cultivées. Dans de nombreux secteurs, l’inondation a un effet érosif
marqué, en particulier dans les zones de grandes cultures ou dans les vignobles non enherbés. Il s’agit de
briser la force érosive des courants de crue, par l’implantation d’arbres dans les parcelles sous forme
agroforestière, de manière à transformer le processus érosif en processus d’alluvionnement qui fertilisera au
contraire les parcelles. L’aménagement ne peut être limité à une parcelle, mais doit être concerté entre
l’ensemble des exploitants de la zone concernée.
L’objectif n’est pas seulement de briser la force érosive, mais aussi de pérenniser une activité économique
compatible avec l’inondabilité, d’implanter des cultures adaptées aux contraintes imposées, de convertir
certaines zones endiguées en zones d’expension des crues. Ces zones cultivées sont également des sources de
pollution diffuse par les nitrates qui échappent aux cultures, et drainent vers les nappes. Il s’agit donc
d’implanter des arbres efficaces pour limiter cette pollution diffuse.
c) Règles de conduite parcellaire adaptée à la gestion des risques naturels
Une agroforesterie de prévention des risques naturels s’écartera nécessairement des schémas agroforestiers
de base. Il s’agit ici de définir comment une parcelle agroforestière doit être conçue et gérée quand les
impératifs environnementaux sont prépondérants, et quel impact cela a sur les résultats productifs de la
parcelle. Seul ce chiffrage peut ensuite permettre de déterminer le coût de la prestation environnementale,
coût qu’il est aujourd’hui indispensable de connaître pour mettre en œuvre les politiques d’accompagnement
de la multifonctionnalité des pratiques agricoles.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 150
Conduite des arbres pour maîtriser les risques en zone de grandes cultures
Il s’agit de préciser les leviers de pilotage des associations arbres – cultures annuelles en s’appuyant sur les
parcelles de Vézénobres, Vergèze et Vic-le-Fesc (Gard). L’aménagement de Vic-le-Fesc correspond à des
parcelles nouvelles qui seront mises en place dans une zone d’expansion des vidourlades actuellement
cultivée en céréales.
Il peut y avoir un antagonisme entre les objectifs de productivité de la parcelle agroforestière et les objectifs
de protection de l’environnement. Ainsi, le désherbage au pied des arbres, efficace pour stimuler leur
croissance, favorise l’érosion par le ruissellement ou stimule un enracinement superficiel peu apte à limiter
la pollution par les nitrates. De nouvelles techniques de gestion des arbres visant à améliorer l’efficacité
environnementale des parcelles agroforestières doivent être testées :
a/ Expérimentation au champ sur l’impact du cernage racinaire des arbres sur la productivité des cultures
intercalaires et la croissance des arbres. Ce cernage a pour objectif de forcer les arbres à faire plonger leurs
racines pour former un filet de sécurité sous la zone racinaire occupée par les cultures, afin de limiter les
pertes en nitrates.
b/ Expérimentation au champ de végétations d’accompagnement sur les lignes d’arbres permettant
d’améliorer la maîtrise des ruissellements d’une part, ou de briser la force érosive des courants de crue en
zone inondable d’autre part.
Le dispositif expérimental de Restinclières (Hérault, programme PIRAT) ne permet pas d’aborder ces
thèmes. Il a été conçu pour des caractérisations fines des interactions arbres – cultures, qui empêchent de
mettre en place ce type d’essais de gestion grandeur nature. Par ailleurs, la croissance des arbres est
beaucoup plus rapide à Vézénobres, ce qui va permettre des observations sur les peuplements agroforestiers
adultes (notamment avec les peupliers, dont le diamètre à la base moyen sera de l’ordre de 25 cm en 2001, et
qui pourraient dépasser 40 cm dès 2004). Le site de Vézénobres est unique en France, car il va permettre de
travailler sur des stades avancés de parcelles agroforestières.
Influence d’itinéraires techniques à objectif environnemental sur la croissance et la forme
des arbres
Les arbres plantés à large espacement dans les parcelles agroforestières présentent des courbes de croissance
en hauteur et diamètre spécifiques, inhabituelles pour des arbres forestiers. L’étude sur l’agroforesterie de
1995 avait nécessité d’établir des tables de production des différentes espèces proposées pour pouvoir
effectuer des calculs économiques comparatifs. Ces tables simplifiées ont été construites avec des hypothèses
non validées, faute de données de terrain. Ces informations sont pourtant essentielles pour établir une gestion
prévisionnelle des parcelles, pour chiffrer la valeur de leur production, et pour évaluer les surcoûts liés à des
gestions orientées vers la prévention des risques naturels. On a maintenant le recul nécessaire pour
commencer à valider ces tables de production.
Par ailleurs, on a pu constater que la forme des arbres dans les parcelles agroforestières ne correspond pas à
ce que l’on a l’habitude de voir en parcelles forestières, même à larges espacements. Certaines espèces
semblent réagir avec un port très élancé (merisier, érables, etc.), ce qui a une importance primordiale pour la
gestion des cultures intercalaires et pour la conduite de ces arbres, avec des tailles de formation et des
élagages particuliers, dont la technique reste à mettre au point. La forme et l’architecture des principales
essences seront étudiés dans les plus anciennes parcelles agroforestières (Pyrénées-Orientales, Aude, Gard).
d) Prise en compte des contraintes paysagères
De part leur position topographique, leur ampleur et leur dimension, les grandes coupures stratégiques contre
l’incendie ou les aménagements de lits majeurs de rivières ont un impact paysager fort. L’intégration de
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 151
parcelles agroforestières dans ces aménagements permet d’envisager une réduction partielle de cet impact. Il
est donc intéressant de pouvoir prévoir l’évolution paysagère des zones aménagées par une modélisation tri-
dimensionnelle, qui sera utilisée pour évaluer la perception des différents acteurs de l’aménagement de
l’espace rural. Des modèles essentiellement élaborés pour les milieux urbains existent, il s’agit de les adapter
et de les appliquer à cet objet d’intérêt régional. Les conséquences attendues sont les suivantes : ajustement
des itinéraires techniques (choix des essences, densités et schémas de plantation), place des parcelles
agroforestières dans l’aménagement, meilleure perception de l’évolution de l’aménagement au cours du
temps.
3.8.4.2 Financement des actions de plantations et d’entretien
Les plantations existantes ont été financées sur des fonds forestiers.
Les plantations du site de Vic-le-Fesc seront vraisemblablement réalisées à partir de 2001 sur des fonds CTE
dans le cadre de la nouvelle réglementation des parcelles agroforestières en cours de débat au Ministère et à
Bruxelles. Le financement CTE est calculé sur les mêmes bases que pour les subventions forestières.
3.8.4.3 Cahiers des charges
Voir annexe 8. Cahier des charges agroforestier CTE.
3.8.4.4 Moyens de suivi et d'évaluation
Compte tenu de l’inertie biologique propre aux thèmes abordés, le projet est proposé pour une durée
de 4 années. Certains thèmes seront terminés rapidement, d’autres nécessitent en effet une approche plus
longue pour tenir compte de la variabilité inter-annuelle et de la dynamique propre liée à la maturation des
arbres.
a) Echéancier des actions sur 4 ans
Thème 2001 2002 2003 2004
1.1 Choix des sites
Eclaircies expérimentales
Premières simulations
d’intégration sur des sites du
RCC anciennement suivis
Campagne de mesure
aérologique
Suivis de dynamiques de
recolonisation
Campagne de mesure
aérologique
Evaluation de l’efficacité des
coupures
Suivis de dynamiques de
recolonisation
Dernières simulations
spatiales
Synthèses
1.2 Conception de l’aménagement
du Vidourle
Modélisation hydraulique Suivi de l’aménagement Evaluation
2.1 Essai de cernage racinaire Essai végétations
d’accompagnement
Mesures lixiviations nitrates Synthèses
2.2 Choix des sites d’observation
et mise en place des dispositifs
de mesure et d’observation
Suivi expérimental des
performances et de
l’architecture des arbres
Suivi Suivis et Synthèse
2.3 Préparation des maquettes 3D Simulations Confrontation avec les
perceptions des acteurs
Synthèse
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 152
b) Répartition des tâches
Thème Partenaires recherche Partenaires développement
1.1.Agroforesterie et DFCI INRA URFM Avignon
INRA Ecodéveloppement Avignon
DDAF Gard
SIME
1.2.Agroforesterie et protection des sols INRA-LEPSE Montpellier
Cemagref-Engref, Montpellier
DDAF Gard
Chambre d’agriculture du Gard
2.1.Conduite des arbres en zone à risque INRA-LEPSE Montpellier Chambre d’agriculture du Gard
2.2.Croissance des arbres en zone à risque INRA-CIRAD Montpellier CRPF Languedoc-Roussillon
2.3.Prise en compte des contraintes paysagères INRA-AMAP Montpellier SIME + Exploitants agricoles
3.8.5 Évaluation des actions menées
3.8.5.1 Les moyens financiers
Le financement du programme de recherche pour l’année 2001 est de 155 000 francs. A ce budget se
rajoutera le montant des CTE réalisés.
L’équipement prévu en 2001 est destiné à la parcelle de Vézénobres (micro-météo, et suivi de teneur en eau
du sol) pour interpréter les résultats de l’essai de cernage racinaire. Les contractuels correspondent à des
stagiaires ou à des mains-d’œuvre occasionnelles pour effectuer les relevés sur les parcelles éloignées des
laboratoires.
Le programme s’échelonne sur 4 ans jusqu’en 2004. Des financements ultérieurs sont prévus variant de 170
000 francs en 2002 à 103 000 francs en 2004. Ce financement ne tient pas compte des salaires des
permanents.
3.8.5.2 Actions de formation et d’animation engagées
A chaque opération de recherche est associée une unité de développement ce qui souligne la volonté de
rendre compte sur le terrain des résultats obtenus. L’ensemble des partenaires professionnels sont
représentés : l’agriculture (Chambre d’Agriculture), l’élevage (SIME), la forêt (CRPF). L’ensemble des
expérimentations sont réalisées en milieu agricole en partenariat étroit avec les agriculteurs et les communes
ainsi que le Syndicat du Vidourle.
Les maires et techniciens locaux affichent clairement l’intention de servir comme vitrine pour le reste de la
vallée mais également du département et de la région.
Le programme prévoit une restitution des résultats sous forme de journées de formation pour les techniciens
de développement, de publications scientifiques et de documentation de vulgarisation.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 153
3.8.5.3 Prévision d’obtention des résultats
Théme Résultats attendus Durée en mois
après le début
du programme
Forme de
restitution
1.1 Effets de la végétation sur les vents au sol
Maîtrise des accrus par le pâturage
Modalités optimales d’intégration de parcelles agroforestières dans les
aménagements DFCI
Efficacité DFCI des parcelles agroforestières
Contraintes liées à la DFCI pesant sur les systèmes agroforestiers
36
36
12, 48
24, 48
48
P, V
F, V
P
F
F, P
1.2 Mise en place de l’aménagement expérimental de Vic-le-fesq
Expertise hydraulique
12
24
F, V
P
2.1 Faisabilité technique du cernage racinaire
Impact du cernage sur la croissance des arbres
Capacité des arbres à fixer les nitrates
Modèles d’accompagnement végétal anti-érosif des arbres
12
36
48
24
F, V
P, V
P, V
F
2.2 Tables provisoires de croissance des arbres sur 10 ans
Forme de trois essences clefs en conditions agroforestières
Recommandations pratiques pour le suivi et l’élagage des arbres
12, 48
24
48
P, V
P, F
F
2.3 Simulateurs adaptés aux projets agroforestiers
Simulations de paysages sur aménagements existants
Simulations de paysages sur projets nouveaux
Recommandations pour la conception de projets paysagers
12
24
36
48
P
F,V
V
F
F : journées de formation des techniciens de développement
P : publications scientifiques
V : document de vulgarisation
3.8.5.4 Problèmes juridiques et administratifs rencontrés
Les principaux problèmes sont survenus sur les parcelles existantes, celle de Vézénobres notamment qui a
permis de faire remonter le problème du statut agroforestier au niveau national.
La parcelle de 11 ha a été financée sur des fonds forestiers en 1995 est présente la particularité d’avoir été
plantée à larges espacements (100 pieds à l’hectare). L’agriculteur a obtenu l’exonération trentenaire de
l’impôt foncier mais a poursuivi les cultures entre les arbres. Suite à un redressement, le propriétaire s’est vu
obligé de rembourser la totalité de l’impôt foncier sur la durée courue. En outre, suite à un contrôle PAC,
l’agriculteur s’est vu refuser la possibilité de primer les cultures intercalaires. La situation a pu être
débloquée vis-à-vis de la législation PAC et est en cours d’arrangement pour la classification cadastrale. La
parcelle forestière retrouverait son statut agricole en échange du remboursement de l’impôt foncier cumulé
depuis l’année de la plantation. Les cultures intercalaires de nouveau autorisées seront également éligibles
aux primes européennes dès 2001.
Cette réflexion s’insère dans une démarche nationale et européenne en cours pour la validation des schémas
agroforestiers comme outil de diversification des exploitations agricoles et de gestion de l’environnement.
Cette démarche doit prendre la forme d’une actualisation législative (prise en compte de l’agroforesterie dans
les lois d’orientation agricoles et forestières) et réglementaire (circulaire précisant les conditions d’aide à la
mise en place de parcelles agroforestières en cours de préparation au ministère de l’Agriculture). Le Journal
Officiel du 3 juillet 2000 a clairement établi la légitimité de l’attribution des primes PAC aux cultures
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 154
intercalaires en agroforesterie, levant ainsi le principal frein qui limitait leur diffusion en milieu cultivé, et
ouvrant des pistes pour leur meilleure prise en compte en milieu pâturé.
3.8.6 Bibliographie
Auclair D., Dupraz C., (eds.), 1999. Agroforestry for Sustainable land-Use. Fundamental research and
modelling with emphasis on temperate and mediterranean applications. Forestry Sciences Series 60,
Kluwer Academic Publishers, Dordrecht, NL, 272p.
Balandier P., Dupraz C., 1998. Growth of widely spaced trees. A case study from young agroforestry
plantations in France. Agroforestry Systems, 43(1/3): 151-167.
Cadish G., Rowe EC and Van Noordwijk M., 1997. Nutrient harvesting – the tree root safety net.
Agrofor. Forum 8: 31-33.
Ducrey, M. et Boisserie, M., 1992. Recrû naturel dans des taillis de chêne vert (Quercus ilex L) à la suite
d’exploitation partielles. Ann. Sci. For. 49 : 91-109.
Ducrey, M. et Turrel, M., 1992. Influence of cutting methods and dates on stump sprouting in Holm oak
(Quercus ilex L) coppice. Ann. Sci. For. 49 : 449-464.
Dupraz C., 1994. Prospects for easing land tenure conflicts with agroforestry in Mediterranean France: a
research approach for intercropped timber orchards. Agroforestry Systems 25, 181-192.
Dupraz C., Fournier C., Balvay Y., Dauzat M. Pesteur S., Simorte V., 1999. Influence de quatre années de
culture intercalaire de blé et de colza sur la croissance de noyers hybrides en agroforesterie. In : « Bois et
Forêts des Agriculteurs», Actes du colloque de Clermont-Ferrand des 20 et 21 Octobre 1999, Cemagref
Editions, Antony, pp. 95-114.
Dupraz C., Lagacherie M., Liagre F., Cabannes B., 1996. Des systèmes agroforestiers pour le Languedoc-
Roussillon. Impact sur les exploitations agricoles et aspects environnementaux. Inra-Lepse éditeur,
Montpellier, 418 p.
Etienne, M. & Rapey, H. 1999. Simulating integration of agroforestry into livestock farmers’ projects in
France. Agroforestry Systems. 43 : 257-272.
Merot P ., Ranger J., Deffontaines J.P., 1999. Systèmes agroforestiers, hydrologie et cycles
biogéochimiques au sein des systèmes agraires. In : Bois et forêts des agriculteurs, Actes du Colloque de
Clermont-Ferrand, Cemagref éditeur, pp 163-168.
Puech C., Cernesson F., Balas B., 1999. Approche spatiale de la pollution par les nitrates. In : Bois et
forêts des agriculteurs, Actes du Colloque de Clermont-Ferrand, Cemagref éditeur, pp 191-213.
Réseau Coupures de Combustible, 1999. Analyse après incendie de six coupures de combustible.
Document RCC n°2, Editions de la cardère, 81p. + cartes.
Réseau Coupures de Combustible, 2000 (à paraître). La conception des coupures de combustible. Compte
rendu du séminaire de Porto Vecchio du 5 au 7 avril 2000. Délégation à la Protection de la Forêt
Méditerranéenne. Document RCC n°4. 120p.
3.8.7 Conclusions
Contrairement au Périgord et au Dauphiné, il s’agit ici d’un projet qui partira sur des bases nouvelles pour la
région née de la rencontre entre des agriculteurs, des techniciens de développement et la recherche
agroforestière. Le Languedoc-Roussillon est une région pionnière en matière de recherche agroforestière qui
doit beaucoup aux observations et renseignements tirés des pratiques traditionnelles. Le programme mis en
place dans la zone du Vidourle constitue une innovation.
Ce projet est pilote dans son approche pluridisciplinaire et dans sa volonté de répondre à des contraintes
multiples, environnementales et agricoles, par un aménagement agroforestier à grande échelle. En cas de
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 155
succès, il se placera comme un des premiers projets agroforestiers concertés en partenariat avec des
agriculteurs, techniciens, chercheurs et collectivités locales.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 156
3.9 CHATAIGNERAIE ET PRATIQUES SYLVO-PASTORALES EN ARDECHE
3.9.1 Personnes enquêtées (enquête réalisée en octobre 2000)
Paul LEYNAUD – Agriculteurs
Cécile LALAQUE – Chambre d’Agriculture Ardèche
Elisabeth GENE – Chambre d’Agriculture Ardèche
Thierry POULET – Chambre d’Agriculture Ardèche – Service développement local
Sophie SABOT – Syndicat des producteurs de Châtaignes et Marrons d’Ardèche
Daniel VERNOL – Président du Syndicat des producteurs de Châtaignes et Marrons d’Ardèche
Bruno PASTUREL & Frédérique CHAMBONNET - CRPF Ardèche
Pascale LIOUTIER – Maison du châtaignier
3.9.2 Les acteurs locaux et leurs rôles
3.9.2.1 Présentation des acteurs
Le chambre d’Agriculture de l’Ardèche anime et accompagne les actions de rénovation de la châtaigneraie
dans le département.
Le CRPF a piloté dans les années 1992-1995, un programme de reconversion de la châtaigneraie, avec un
financement Leader.
Le musée de la châtaigne a été créé en 1988. La Maison du châtaignier, créé en juillet 1993, anime les
programme FGER et FEOGA de rénovation de la châtaigne sur la zone de St –Pierreville avec l’appui des
techniciens de la chambre d’agriculture.
Le Syndicat des producteurs des châtaignes et marrons d’Ardèche assure un appui auprès des producteurs,
grâce à une animatrice, et le concours de la CA. L’ADASEA est aussi intervenue étroitement avec le
syndicat des producteurs dans l’animation de l’OGAF « Châtaigneraie ». Des actions de rénovation sont
mises en œuvre et des replantations également.
La création récente du PNR des Monts d’Ardèche, qui devait au départ s’intitulé PNR de la châtaigneraie
ardéchoise, a surtout une mission culturelle et de sensibilisation sur ce thème. Elle travaille étroitement avec
la Maison du Châtaignier, et bénéficie de l’appui d’un technicien de la CA 07 (T. Poulet).
3.9.2.2 Les moyens humains mis en œuvre
- Chambre d’Agriculture : 3 techniciens (animation, pomologie, prospection, replantation…) ;
- Syndicat de producteurs : 1 animatrice ;
- Maison du châtaignier : 1/2 poste (accompagnement des actions techniques, administratif)
+ 1/2 poste (animation culturelle) ;
- Parc des monts d’Ardèche : 1 poste (animation culturelle).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 157
3.9.3 Contexte de la châtaigneraie ardéchoise
3.9.3.1 Des siècles d’histoire
Des traces affirment que le châtaignier poussait en Ardèche, il y a 8,5 millions d’années d’après des relevés
dans des carrières de diatomite de St-Bauzile. Ensuite ? Il n’y a plus de certitude sur le châtaignier, arbre
cultivé. Certains évoquent la châtaigne venue d’Orient, suivant le chemin de la soie, d’autres de l’influence
romaine surtout en matière de greffage, et du rôle des « moines défricheurs » des grandes abbayes de la
montagne ardéchoise au XIe et XIIe siècle pour encourager les plantades. Les premières mentions écrites
datent de 1313 (Charte de Vans), dans laquelle le prieur de Vans (Pierre REY) y déclare « céder en
particulier aux co-seigneurs le quart intégral de tut « enregistrement » des marchandises payés en blé, sel et
châtaignes »13
. Et en 1336, il et question de châtaignes sèches, servant à payer un cens à Thueyts. Olivier de
SERRES y consacre quelques pages dans son « Traité de l’agriculture » en 1600.
À partir du XVIIe siècle, la châtaigneraie s’est développée sur la partie cristalline (en particulier constituée
de granite) de la Cévenne et des Boutières. Le climat de l’Ardèche lui convient au-dessous de 900 m
d’altitude. À l’adret, il s ‘étage haut entre 500 et 800 m. L’ubac lui est particulièrement favorable jusqu’à
500 m d’altitude.
Au XVIIe et XVIIIe siècle, l’accroissement de la population entraîne la conquête de nouveaux espaces à
cultiver. Le châtaignier, arbre peu exigent, s’accommodent des pentes abruptes et pousse même entre les
rochers et une murette, érigée pour lui maintenir u peu de terre et limiter l’érosion. A cette époque, le
châtaignier constitue vraiment la base de l’alimentation en produisant 2 à 3 fois plus de calories à l’hectare
que les céréales. Au début du XVIIe siècle, de nouvelles variétés mieux adaptées à l’altitude et au climat plus
rigoureux des monts du Haut Vivarais sont sélectionnées (hybridation naturelle et multiplication par
greffage), notamment suite à l’hiver 1709 qui avait détruit les châtaigniers (conduisant à l’abandon de
nombreux villages faute de nourriture). La part destinée aux animaux s’accroît à la fin du XVIIIe siècle. Les
excédents servent d’échanges pour acquérir des céréales, puis de plus en plus pour la vente.
Le XIXe siècle est marqué par une relative prospérité grâce à la soie. L’agriculture est alors florissante tout
comme l’industrie qui offre du travail à une main d’œuvre féminine qui peut vivre sur place. L’Ardèche
montagneuse connaît une forte densité de population que nourrit en partie le châtaignier.
Mais, comme pour la soie, la fin du XIXe siècle marque le début des difficultés. En 1875, la maladie de
l’encre (champignon qui attaque les racines, provoquant des écoulements colorés de sève) apparaît dans le
sud de l’Ardèche, et progresse vers le nord jusqu’en 1934 : le tiers de la châtaigneraie ardéchoise est atteinte.
Mais ce n’est rien en rapport aux dégâts provoqués par u autre champignon, le chancre de l’écorce (endothia
parasitica) qui est identifié en Ardèche en 1956 (mais aurait présent
dès 1940 probablement).
3.9.3.2 Le recul puis l’abandon de la châtaigneraie au XXe siècle
Tableau 29 : évolution de la châtaigneraie en production en Ardèche
1810 1860 1901 1980 1994
Production ardéchoise 13 000 t 40 000 t 25 000 t 8 000 t 6 000 t
Surface en production 40 000 ha 58 000 ha 40 000 ha 12 000 ha 5 000 ha
Dès la fin du XIXe siècle, les tanins contenus dans le bois de châtaigniers intéressent l’industrie de
tannerie pour assouplir les peaux. On estime qu’un million de châtaigniers auraient ainsi été abattus pour
alimenter les usines d’extraits de tannats.
13
Jacky Reyne
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 158
Abandonné depuis les années 1960, du fait principalement de la déprise agricole (exode rural très fort : perte
de 31 % de la population durant la première moitié du siècle), conjugué à l’explosion de l’épidémie
d’endothia, la châtaigneraie a rapidement périclitée. Les zones de montagnes ou de terres fortement pentues
ont été les premières délaissées (zone sud-ouest (Aubenas) et nord-ouest (Vivarais)). La châtaigneraie a
d’avantage résisté dans le sud-est, mais les surfaces y étaient historiquement nettement plus faible (petite
parcelles de châtaigniers).
Malgré tout l’Ardèche est le premier département français de production, et représente 40 % à 50 % de la
production nationale.
3.9.3.3 La relance de la châtaigneraie à fruits : 1980-2000
Dans les années 1970, l’arrivée de néo-ruraux relance l’idée de valoriser cette châtaigneraie. Mais pas
acceptées socialement encore, ces idées ne se traduisent pas immédiatement en actions.
Mais en 1982-86, dans le cadre des contrats de pays, 120 agriculteurs-producteurs participent la lutte contre
l’endothia, qui semble après 40 ans connaître une phase de régression (apparition de souches moins
agressives selon les derniers travaux). Mais, la lutte contre le chancre nécessite de pratiquer chaque année
des vaccinations (différentes selon la souche du champignon) autour des foyers qui apparaissent sur le tronc
des arbres atteints.
En 1986, 45 agriculteurs élaguent leurs châtaigniers.
En 1988-92, réalisation d’un parc à greffe qui se traduit par la création d’un verger variétal qui rassemble la
majorité des variétés locales.
Entre 1987 et 1992, 27 producteurs mènent des actions de restauration (débroussaillage, élagage, regreffage)
et des plantations.
3.9.3.4 La châtaigneraie ardéchoise aujourd’hui
L’Ardèche est le premier département français producteur de châtaigne, et représente environ 50 % de la
production nationale.
a) Les surfaces
Aujourd’hui, la châtaigneraie fruitière couvre 5.000 à 6.000 ha, dont 4.000 ha sont bien entretenus. Au total,
près de 10.000 hectares seraient potentiellement récupérables pour une exploitation « bois » ou « fruit ».
On note que le taillis de châtaignier représente 32.000 ha environ, et qu’il pourrait dans une certaine
proportion être revalorisé à la seule fin de la production de bois, tout en offrant des espaces au
sylvo-pastoralisme à des agriculteurs à la recherche de parcours.
b) Les producteurs
Il y a 1.000 producteurs dont 50 % sont des agriculteurs, 30 % des retraités agricoles, et 20 % des personnes
exerçant une autre profession ou bien en situation précaire (RMI, chômage).
La majorité des producteurs est âgée de plus de 60 ans et les plus de 50 ans représentent 60% des
producteurs.
c) La production
La production ardéchoise se situe autour de 3.000 à 5.000 tonnes de fruit, produites pour plus
de 70 % par des agriculteurs et pour une majeure partie par des « moins de 50 ans ». L’essentiel de cette
production provient de la châtaigneraie traditionnelle.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 159
Le rendement moyen du verger de châtaignier varie entre 500 kg et 1,5 tonne par hectare.
Pour 30 % des surfaces récoltées, l’arbre et le sol sont entretenus.
La production organisée concerne 30 % du volume ardéchois. Environ 2.000 t sont vendus par les deux
coopératives ardéchoises.
Vivacoop à St-Sernin (près d’Aubenas) représente environ 750 tonnes de fruits écoulés principalement sur le
marché local ou régional (courtiers, industrie) en fruits de bouche à 60 %.
L’autre coopérative, Coopeyrieux, située dans la vallée de l’Eyrieux (Sous St-Pierreville et St-Etienne de
Serre) est la plus importante en volume : elle commercialise environ 1.150 tonnes de châtaignes,
dont 60 % part à l’exportation (Allemagne, Angleterre).
Une faible partie de la filière organisée transite par les organisations de producteurs, des associations.
La vente « libre » représenterait donc plus de 2.000 tonnes/an, soit 50% du volume récoltée. D’ailleurs, ces
15 dernières années, les activités comme la transformation à la ferme et la vente directe se sont développées.
3.9.4 Prise en compte de l’agroforesterie dans les politiques locales
3.9.4.1 Enjeux de la relance du sylvo-pastoralisme dans la châtaigneraie traditionnelle
Dans le contexte ardéchois, la revalorisation de la châtaigneraie répond à deux enjeux de territoire :
a) Aspect environnemental et paysager
Les agriculteurs à l’initiative de ces programmes de relance de la châtaigne n’avaient pas forcément la
volonté de reconquérir le paysage. Mais, l’abandon de milliers d’ha de châtaigniers, progressivement
embroussaillés, devenus en 30 ans totalement inaccessible (y compris par les chasseurs), constitués des zones
privilégiées pour favoriser l’extension des feux de forêts, d’autant qu’aucun chemin ne permettait d’accéder
aux foyers.
Dans les années 1980 et 1990, la demande de la part de la société pour des espaces et des paysages de qualité
à stimuler ces volontés de restaurer ce patrimoine castanéicole. C’est dans ce cadre que le programme de
contrats de pays en 1982-85, puis le « label reconquête de paysage » sur les communes de St-Pierreville,
Alban et St-Genest en 1993-95 se sont mis en œuvre. Ces actions se sont accompagnées de financement
européen (Leader) et du FEOGA.
L’ONIFLHOR a également défini un cahier des charges rénovation et replantation de la châtaigneraie, qui
subventionne ces actions.
Le point de vue des agriculteurs-producteurs est que la remise en état de la châtaigneraie est un service aussi
pour la société : le travail de restauration, qui nécessite 5 à 10 ans d’efforts, devrait faire l’objet d’un contrat
avec les collectivités locales. Restaurer les châtaigneraies sur les zones montagneuses conduit à :
- la réouverture du paysage (remplacement de la forêt embroussaillé de chêne vert, ou la forêts de résineux
d’épicéas) ;
- la création de sentiers (pistes de débardage) qui en 2 ou 3 ans sont empruntés par les touristes
(promeneurs, VTT) mais aussi les agriculteurs (accès aux parcours, circulation entre les hameaux
isolés) ;
- la châtaigneraie en verger offre des sites idéaux aux touristes pour observer le paysage (les témoignages
soulignent que de nombreux promeneurs pique-nique ou font des haltes sous les châtaigneraies
restaurées).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 160
Ces zones casténéicoles recèlent de nombreuses variétés locales de grande qualité, aptes à la valorisation
sous de forme multiples : farine, fruits séchés, crème, pâté…
b) Dimension économique
Les agriculteurs-producteurs tirent 20 à 60 % de leur revenu de la châtaigne, et la moitié
entre 30 et 50% de leur revenu.
La châtaigne est la 3e production fruitière du département et génère 1.000 emplois à temps plein répartis
entre la production, la transformation et la commercialisation.
La transformation artisanale en produits de terroirs (fruits séchés, crème, liqueur, marrons glacés ...)
fortement diversifiés, de bonne qualité et de goûts spécifiques doit permettre le développement d’une activité
de production tournée vers des consommateurs attirés par l’originalité, la qualité et l’authenticité.
c) Vie sociale et culturelle
La relance de la châtaigneraie, tout du moins la rénovation, à remis au goût du jour des savoirs oubliés, que
les anciens agriculteurs étaient heureux de transmettre. Ils n’étaient plus des personnes inutiles, mais ont été
valorisés humainement par ces actions.
Toutes ces actions renforcent d’une certaine manière la consolidation du tissu social et culturel, entre les
générations d’agriculteurs, mais aussi entre les ardéchois de souche et les néo-ruraux..
Aujourd’hui, les élus et les professionnels (agriculteurs…) sont prêts à travailler ensemble pour développer
une stratégie sur la châtaigne (organisation de la filière, création d’une AOC, développement des actions de
rénovation…). La situation est nettement différente d’il y a 20 ans où les projets étaient isolés, portés par des
« pionniers » sans prise en compte des enjeux de territoire, et sans soutien par les acteurs locaux.
3.9.4.2 Les actions mises en œuvre
a) La replantation des vergers de châtaigniers
Les actions de replantation se sont surtout développées dans les années 1980 à un rythme de 30 ha /an en
moyenne, qui sont aujourd’hui retombées à 10 ha/an. Ce sont ainsi près de 160 ha qui ont donc ainsi
replantés.
Ces actions de replantation ont surtout été mises en œuvre pour lutter contre l’endothia, par la plantation de
verger composé de variétés hybrides, plus tolérantes au champignon. C’est le cas de la Marigoule M15.
En fait, ces plantations sont surtout des sites d’expérimentation pour observer l’évolution de la maladie du
chancre en la comparant avec les expérimentations menées sur les vergers traditionnels rénovés
(cf. § opérations particulières).
Les parcelles replantées sont aussi des actions de long terme pour évaluer les potentialités de nouvelles
variétés ou de variétés anciennes sélectionnées, afin de concourir à améliorer les fruits dans les années à
venir.
Mais actuellement, la dynamique s’oriente surtout sur la rénovation de la châtaigneraie fruitière
traditionnelle.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 161
b) Rénovation des châtaigneraies
Compte tenu du temps nécessaire avant qu’une plantation de châtaigniers ne produise, la plus grande partie
de la politique consiste à rénover le verger traditionnel, d’autant plus qu’une grande partie de ce patrimoine
est apte à produire à nouveau.
Action FGER « Rénovation de la châtaigneraie »
La seule opération FGER mise en œuvre en Ardèche sur le thème de la châtaigneraie concerne la zone
labellisée en 1993 par le ministère de l’Environnement : canton de St-Pierreville, Albon et St-Genest-
Lachamp. De ce point de vue, le Label paysage de reconquête a eu l’effet bénéfique de déclencher une prise
de conscience des élus locaux. Ils se sont alors mobilisés en 1995 pour défendre de projet auprès de la
CODEGE14
.
Animé et piloté par la Maison du Châtaignier, nouvellement créé en 1993, ce programme a été exemplaire
tant dans la méthode employée (animation, stratégie, réalisation, suivi) que dans les résultats (120 ha
rénovés). Malgré quelques difficultés au démarrage, la rénovation des vergers de châtaigniers en bord de
route (action prioritaire) a aujourd’hui un impact paysager remarquable. Les friches ont disparu, les terrasses
sont à nouveau visibles, des parcours ont été réouverts, et des agriculteurs (éleveurs) ont pu conforter leur
exploitation et des jeunes agriculteurs se sont installés sur ces parcelles rénovées.
La rénovation des anciennes châtaigneraies de zone de montagne (600 à 900 m) relance des pratiques de
sylvo-pastoralisme.
Les parcelles sont plutôt incluses dans des parcours plus larges, et pâturées de manière irrégulière.
L’agriculteur fait par contre systématiquement paître ses animaux (chèvres ou moutons) après la récolte afin
de profiter des fruits non ramassés, et qui offrent une qualité nutritive très intéressante.
OGAF Châtaigneraie
Mise en œuvre dans une double perspective, paysagère et économique, cette OGAF relevait en fait d’un
projet expérimental de relance du sylvo-pastoralisme en axant les actions sur la libération foncière
(établissement de baux, vente de parcelles) à destination de producteurs ou d’agriculteurs-producteurs, et en
aidant la restauration de la châtaigneraie.
Engagé en 1994, cette opération innovante a rencontré certaines difficultés. La démarche paysagère a
nécessité un important travail de sensibilisation (sous estimé au départ), mais c’est surtout le choix des zones
prioritaires qui a constitué un frein. En effet, les acteurs avaient identifié 8 îlots vitrine de châtaigneraie à
remettre en état. Or, il s’agissait des espaces les plus dégradés et donc des parcelles a faible valeur
économique. De plus, il était prévu de créer une structure relais pour animer le projet, mais elle n’a pu se
mettre en place.
Malgré ces contraintes, cette OGAF, menée par l’ADASEA et le Syndicat des producteurs de châtaignes,
relayé par la Maison du châtaignier, a permis de mobiliser des châtaigneraies abandonnées au profit
d’agriculteurs.
Pour faciliter la vente de châtaigneraie ou la mise en place de baux, une aide de 3.000 F/ha était versée au
propriétaire. Ainsi, le preneur du bail avait la garantie (convention écrite) de conserver l’usage de la
châtaigneraie après sa remise en état. Ceci a permis de regrouper des parcelles et surtout d’offrir des
parcours à des éleveurs manquant de terres.
Le second volet de l’opération consistait à financer les travaux de remise en état des vergers de châtaigniers
abandonnés. Selon le niveau d’abandon de la parcelle (présence de broussailles ou non, châtaigniers trop
vieux pour être élagués), et selon le type de main d’œuvre (familiale, salarié) réalisant les travaux différents,
plusieurs barèmes avait été fixés : les aides allant de 12.600 à 24.500 F/ha.
14
Commission département de gestion de l’espace
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 162
Exemples des aides versées :
elagage léger d’une châtaigneraie abandonnée depuis moins de 15 ans et travaux réalisés par une main
d’œuvre familiale : 12.600 F/ha
châtaigneraie dégradée (débroussaillage, éclaircie, élagage sévère) et travaux réalisés par une main
d’œuvre salariale : 19.900 F/ha
châtaigneraie non productive nécessitant une coupe à blanc avec greffage des rejets, et travaux réalisés
par une main d’œuvre familiale : 24.500 F/ha.
Certains des coûts ont été revus en cours d’opération pour tenir compte des contraintes naturelles.
L’OGAF d’un montant de 800.000 F a permis de rénover 40 ha de châtaigneraie. Mais au-delà du résultat
quantitif, c’est la méthode basée sur un large partenariat (agriculteurs, propriétaires y compris non agricoles,
syndicats intercommunaux, producteurs…) et la volonté de gérer ou reconquérir des espaces où les blocages
socio-culturels étaient forts, qui marquent les intérêts de cette OGAF expérimentale.
On notera que l’OGAF et l’action FGER ont créés des synergies sur ces territoires de châtaigniers de
montagne.
La mise en place des CTE
Les CTE sont pour les producteurs ardéchois une grande déception. Tous les moyens financiers ont été axés
sur les grandes cultures (vallée du Rhône) ou les cultures spécialisées (vergers de cerisier ou de pêchers) en
occultant totalement le volet châtaigneraie.
La seule mesure CTE qui concerne la châtaigneraie est l’aide à l’entretien des vergers traditionnels d’un
montant de 800 F/ha, soit le même financement que pour l’entretien des landes (gyrobroyage). Or, l’entretien
d’une châtaigneraie implique des actions spécifiques d’élagage, de lutte contre l’endothia (vaccination,
enlever les parties atteintes…) qui sont bien plus délicates et prenantes en temps. Cette mesure CTE
« entretien de la châtaigneraie » n’est donc pas du tout adaptée et est à l’origine de tension entre les
producteurs et les services agricoles.
De plus, aucune mesure CTE « Rénovation de la châtaigneraie » n’a pas validé par la CDOA.
Alors que le CTE aurait pu être l’outil efficace pour dynamiser des actions sans limites dans l’espace et sans
limites dans le temps, contrairement aux opérations FGER et OGAF, les projets de restauration de la
châtaigneraie sont en ce moment, fortement limités. Seules reste l’aide ONIFLHOR, dont tous les acteurs
reconnaissent la faiblesse de l’aide accordée au regard des travaux à effectuer (cf. § XXX).
c) La mise en place de coopératives
La dynamique de rénovation de la châtaigneraie ardéchoise s’est traduite par de la relance de coopératives de
récoltants. Le regroupement des volumes récoltés permet de négocier les prix auprès des courtiers plus
facilement, et garantir ainsi un prix d’achat plus élevé aux producteurs.
Si le prix moyen de la châtaigne de gros calibre (catégorie III ou extra) est en moyenne de 6 à 7 F/kg selon
les années, on constate une forte variation au cours de la saison de production : 20 F/kg en septembre et
moins de 4 F/kg en novembre-décembre. Quant aux petites châtaignes (calibre I et II), elles sont vendues
entre 2,50 et 4 F/kg, malgré leur grande qualité gustative en général.
Aujourd’hui, les deux coopératives ardéchoises représentent 40 à 50 % du volume produits. Le reste est
vendu directement par les agriculteurs sur les marchés locaux (fruits de bouche).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 163
d) La mise en place d’une AOC « Châtaigne d’Ardèche »
Le Syndicat des producteurs des châtaignes d’Ardèche, qui regroupe 60 adhérents, a pour principal projet
actuellement de mettre en place une AOC pour identifier la châtaigne d’Ardèche.
Il apparaît en effet que de nombreux produits sont vendus en utilisant le nom Ardèche, alors qu’ils ne sont
pas issus de ce département et peuvent même provenir de l’étranger. Il apparaît indispensable pour défendre
un produit ardéchois de qualité que le consommateur puisse identifier clairement cette production qui depuis
10 ans a fait d’important progrès.
Le Syndicat souhaite donc obtenir au plus tôt la reconnaissance de l’AOC. Les contacts pris avec l’INAO
depuis quelques mois fait apparaître que la châtaigne ardéchoise est un produit qui remplie parfaitement les
conditions de l’AOC : produits de terroir basés sur une diversité de variétés locales et d’usages ancestraux,
cohérence entre l’image du produit (naturel) et la réalité de la production (agriculture de montagne), …
La seconde étape est de convaincre l’INAO que la filière castanéicole se mobilise effectivement.
Il convient pour cela d’inciter les producteurs à déclarer leurs vergers et leurs récoltes (identification).
Le Syndicat souhaite aussi que la mise en place d’une AOC se traduise par l’augmentation du nombre de
producteurs adhérents (300 au lieu de 60), afin de mieux organiser la filière professionnelle. Cette stratégie
implique aussi de créer une structure interprofessionnelle.
Pour cela, des efforts devront être réalisés par les producteurs sur la qualité du produit (calibre, fruits
sains,…) tout en respectant les notions de typicité (relation terroir-variétés traditionnelles) et de spécificité
(production agricole extensive : sylvo-pastoralisme).
Outre l’enjeu de défendre un produit de terroir, basé sur cette production proche de la nature et garant de
paysages entretenus, cette démarche est un enjeu économique. Avec l’obtention de l’AOC, les responsables
du Syndicat estime que la plus-value pour le producteur serait d’au moins 2 F/kg.
Ce gain permettrait de lutter contre la tendance actuelle des courtiers (12 expéditeurs en Ardèche) à
effondrer les cours (baisse de 3 F/kg depuis 2 ans).
Mais les risques de cette stratégie AOC est de voir d’attirer de nombreux producteurs, avec un risque de
saturation du marché à moyen terme (5 à 10 ans). Ainsi, la volonté évoquée de remettre en état les 5.000 ha
de vergers de châtaigniers valorisables, pourrait conduire à une situation de crise (surproduction), si de
nouveaux produits (débouchés) ne sont pas trouvés dans le même temps.
L’autre risque est que les châtaignes de petits calibres (>70 fruits/kg) soient exclues de fait de ce
mouvement. Ceci concernerait une majorité de petits agriculteurs de montagne, qui travaillent sur des
terrains plus pauvres (rendements faibles et fruits de plus petites tailles, variétés locales).
À l’inverse, l’obtention de l’AOC pourrait se traduire par l’apparition de « gros producteurs » développant
une châtaigneraie dans des zones plus favorables (terrains fertiles, parcelles plates et donc mécanisables) et
produisant des variétés sélectionnées (hybrides de gros calibre, fruits éventuellement traités pendant ou après
récolte…). Cette seconde catégorie de producteurs spécialisés, à priori, ne produiraient pas dans l’esprit du
sylvo-pastoralisme ni du verger enherbé de châtaigniers.
Les atouts de l’AOC ne sont donc pas sans risques pour les pratiques traditionnelles agroforestières en
Ardèche. Mais, on peut espérer que l’ensemble des acteurs de la filière (chambre d’agriculture, CTIFL,
INAO, …) et les collectivités locales (PNR des Monts d’Ardèche, Maison du châtaignier…) seront aussi là
pour veiller au développement harmonieux de cette future AOC.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 164
3.9.4.3 Financement des actions de plantations
Les plantations sont financées essentiellement par les aides ONIFLHOR, pour une surface équivalente à 160
ha depuis 1990.
L’aide à la plantation représente en Ardèche environ 15.000 F/ha (sans déboisement préalable), soit une aide
de l’ONIFLHOR estimée à environ 2 millions de francs sur la période 1990-2000.
3.9.4.4 Financement des actions d’entretien, restauration
Les actions de restauration des vergers traditionnels de châtaigniers sont financées par l’Oniflhor, mais les
principaux projets de rénovation ont été menés ces deux dernières années : 57 ha.
C’est dans le cadre du FGER (zone de St-Pierreville et St-Etienne de Serre) que les moyens mis en œuvre
pour la restauration ont été les plus conséquents : 497.000 F pour 120 ha restaurés environ. Cette action a été
menée sur le territoire labellisé par le Ministère de l’environnement en 1993.
LOGAF sur l’ensemble du territoire de la châtaigneraie de montagne, ciblée sur 8 zones, puis élargie
à 30 % du territoire du département a permis de restaurer environ 40 ha de châtaigniers grâce à 800.000 F de
budget. On notera qu’une partie des moyens a été mobilisée pour encourager la cession de parcelles non
entretenues (situation de blocage du foncier) au profit d’éleveurs (zone de parcours) et de producteurs. De
même des baux ont été financés pour permettre à des agriculteurs de rénover des châtaigneraies (à des fins de
production et de pâturage) en ayant l’assurance de conserver l’usage de la parcelle après remise en état.
3.9.4.5 Cahiers des charges
a) Aides à la rénovation
Les aides à l’adaptation du verger ont été dans un premier temps gérées par le Centre national
interprofessionnel de la châtaigne et du marron (CNICM) jusqu’en 1987/88, puis par le FORMA ensuite
remplacé par l’ONIFLHOR, qui a imposé des conditions d’accès dans le cadre de l’organisation
économique.
Les aides ONIFLHOR
On rappellera qu’à l’origine, ces aides ONIFLHOR étaient calculés pour couvrir l’équivalent de 13 % de
l’ensemble des coûts d’investissement liés à ces interventions, sur la base des coûts calculés par le
CEMAGREF. Elles peuvent être complétées pas d’autres aides publiques à l’investissement.
On peut aussi noter que certaines conditions d’accès aux aides ne permettent pas à l’ensemble des
producteurs de châtaigniers d’en bénéficier, ces critères étant communs à toutes les productions fruitières :
- la réforme de l’OCM Fruits et légumes a fixé des critères de reconnaissance des Organisations de
Producteurs (chiffres d’affaires et nombre de producteurs minimaux) tels qu’il est difficile, voire
impossible dans certaines zones, de créer de nouvelles O.P. pour la châtaigne, ce qui empêche les
producteurs de bénéficier des aides de remise en valeur des vergers fruitiers de châtaigniers avec
l’ONIFLHOR ;
- de plus, dans une optique environnementale, les conditions d’attribution conçues pour les projets
agricoles, sont peu adaptées à des projets de protection ou de sauvegarde d’un environnement
spécifique : surface minimale de 50 ares, variétés anciennes non prises en compte….
Pour bénéficier des aides ONIFLHOR à la rénovation, le bénéficiaire doit s’engager à apporter ses fruits à
une coopérative (zone organisée).
Les limites des aides ONIFLHOR
L’aide est fixée à 150 F par arbre rénové par élagage léger, soit 8.000 à 10.500 F/ha compte tenu de la
densité moyenne de 55 à 70 châtaigniers par hectare (avec une prime au jeune agriculteur : +5.000 F/ha).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 165
Mais, dans le cadre de la rénovation, cette aide ONIFLHOR semble nettement insuffisante d’après les
techniciens agricoles au vu des travaux à réaliser. Les coûts de restauration de châtaigniers anciens sont
estimés à 60.000 à 100.000 F/ha, selon qu’il s’agisse d’un élagage léger, d’un élagage sévère ou d’un
rabattage au sol avec rénovation par greffage.
En effet, rénover une châtaigneraie implique généralement de défricher la forêt de chênes (vert et pubescent)
qui s’est développé et qui étouffe le verger. Or, ce travail n’est pas pris en compte puisque l’aide est calculé
uniquement sur le temps d’élagage des châtaigniers. D’autre part, les travaux sont souvent réalisés sur des
parcelles en forte pente ce qui rend plus difficile et plus lent la phase de rénovation.
b) Aides OGAF « Châtaigneraie »
L’OGAF avait dans un premier temps été limité à 8 zones « vitrines », espaces où les châtaigneraies avaient
une grande valeur paysagère et étaient particulièrement dégradées. La dynamique ne s’étant pas entièrement
située sur ces îlots, la zone a ensuite été élargie.
Dans son principe, l’opération était ouverte à tout le monde (de l’agriculteur au propriétaire sans statut
agricole) afin de lever le maximum de barrages à une opération qui bousculait déjà les mentalités et les
usages locaux. Au final, les organismes animateurs ont souhaité que les bénéficiaires cotisent à la MSA.
Tout comme le FGER, et à la différence des aides ONIFLHOR, le cahier des charges techniques prévoyaient
le coût de défrichement des vergers abandonnés. Ainsi, l’aide pouvait atteindre 25.000 F/ha dans le cas d’une
châtaigneraie nécessitant un recépage et un sur-greffage des rejets. On rappellera l’aide originale qui
accompagnait la signature d’un bail de fermage ou la vente d’un verger (3.000 F/ha) versé au propriétaire.
c) Aides FGER « Rénovation et entretien du verger de châtaignier »
Conditions d’éligibilité
Les parcelles remise en état de la châtaigneraie doivent être potentiellement productives :
- abandonnées depuis environ 10 ans,
- faible production (manque d’entretien),
- calibre de fruits très faible (> 80 fruits/kg),
- embroussaillement important (présence de rejets).
Engagements du bénéficiaire
Le cahier des charges FGER (canton de St Pierreville, communes d’Albon et St-Genest-Lachamp) prévoit lui
en première année le débroussaillement du verger (fougères, genets, ronces, arbres), l’abattage des rejets de
châtaigniers et l’enlèvement du bois mort.
À compter de la 2e année, et puis 9 ans, le bénéficiaire s’engage à nettoyer le verger (mécanique, pâturage),
la sélection des rejets.
Si le propriétaire foncier ne récolte pas les fruits, il doit mettre à disposition pendant 10 ans ses parcelles
rénovées soit à des producteurs locaux désireux de conforter leur production castanéicole, soit à des
jeunes agriculteurs recherchant des vergers rénovés ou en voie de rénovation.
La mise à disposition des surfaces sera justifiée par un bulletin de mutation à la mutualité agricole
d’Ardèche, et dans le cas d’installation ou de confortation de jeune agriculteur de la signature d’un bail rural
(statut de fermage selon le barème en vigueur dans le département).
Le montant de l’aide FGER à la rénovation
L’aide FGER est la suivante :
Remise en état de la châtaigneraie :
- débrousaillage du sous-bois : 60 heures/ha 3.300 F/ha
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 166
- Elagage : 90 arbres/ha (130 F/arbre) 11.700 F/ha
- Enlèvement du bois coupé : 160 heures/ha 8.800 F/ha
- lutte contre endothia : 4 jours 5.100 F/ha
(rémunération main d’œuvre : 55 F/h)
Total en année 1 : 28.900 F/ha
Entretien avant moise à fruit en année 2 et 3 :
- débroussaillage : 15 heures par ha (main d’œuvre) 825 F/ha
- lutte coontre l’endothia : 1 jour/ha 1.275 F/ha
Total en année 2 et 3 : 4.200 F/ha sur 2 ans
Coût total + : 33.100 F/ha sur 3 ans
d) Aides à la plantation
Les aides de l’ONIFLHOR sont les seules qui financent la plantation de verger de châtaigniers, selon les
mêmes critères que la rénovation (organisation de producteurs, surface minimale…).
L’aide ONIFLHOR à la plantation (déboisement + plantation neuve) est de 18.700 à 29.300 F/ha
(-25% si non irrigué, ce qui est le cas en Ardèche), pour un coût estimé à 105.000 F/ha par le CEMAGREF.
Le cahier des charges demande l’engagement minimal de fidélité de 10 ans à une OP, ce qui semble peu
contraignant pour les nouveaux producteurs qui plantent, et dont l’entrée en production n’intervient que la 8e
année. Le contexte est un peu différent s’il s’agit d’un agriculteur qui dispose d’un verger en production, et
qui doit s’engager aussi sur la production issue de l’ensemble de sa châtaigneraie.
3.9.4.6 Moyens de suivi et d'évaluation
Les actions sont suivies de manière très cohérente par plusieurs acteurs. Le principal acteur est la chambre
d’agriculture qui coordonne les actions de replantation, mais aussi d’expérimentation. Ce travail important
s’est surtout bien structuré depuis 1997, avec l’appui des collectivités territoriales (Région, Département) et
des services scientifiques ou de développement (INRA, CTIFL, …).
Des partenariats étroits sont tissés entre la chambre d’agriculture, le Syndicat des producteurs de la
châtaigne, et le PNR des Monts d’Ardèche pour accompagner les actions menées.
La Maison du châtaignier développe principalement des actions à caractère paysager (Label paysage de
reconquête) ou culturel (sentier de découverte, animations…) en relation avec le PNR.
3.9.4.7 Etude réalisées sur le thème
Aucune étude n’a été réalisée sur la châtaigneraie ni du point de vue verger, ni du point de vue
sylvo-pastoralisme.
3.9.5 Evaluation des actions menées
3.9.5.1 Les moyens financiers
Tableau 30 : Moyens financiers mobilisés sur la châtaigneraie ardéchoise
FGER « Saint-Pierreville »
Maison du châtaignier
OGAF
Châtaigneraie
Aides
Oniflhor
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Programmation 1996-98 1990-2000
Budgets 636 136 F 800.000 F
Rénovation 497 080 F 600.000 F 2 500 000 F
Plantation - - 2 060 000 F
Aide à la restructuration
foncière
110.000 F -
Animation 30 056 F 90.000 F -
Autofinancement 109 000 F -
Source : SOLAGRO, d’après TB Conseils, 19998 et conseillers techniques (ADASEA, CA)
3.9.5.2 Actions de formations, d’animations et de communication engagées
La Maison du châtaignier a réalisé un travail d’animation (20 réunions publiques) pour sensibiliser les élus et
les propriétaires à la rénovation des châtaigniers lors du programme FGER.
La chambre d’agriculture accompagne les producteurs par des conseils techniques sur les parcelles ayant fait
l’objet de rénovation (station expérimentale, OGAF, …), ainsi que sur les parcelles plantées (choix des
porte-greffe, observation sur les variétés, …). Ce travail de terrain est destiné principalement aux
agriculteurs en activité.
Le syndicat des producteurs de la Châtaigne d’Ardèche, réalise en partenariat avec la Maison du châtaignier
et le PNR des Monts d’Ardèche, des supports d’animations :
- 3 cassettes vidéo sur la châtaigneraie ;
- une exposition mobile (prête début 2001) ;
- une animation sur les fêtes de la châtaigne (Castagnades d’automne 1999 et 2000) ;
- réalisation d’un dépliant : 15.000 exemplaires ;
- édition d’une lettre semestrielle à l’attention des adhérents du Syndicat ;
- organisation d’une démonstration de greffage et de lutte contre l’endothia (avril 2000).
Afin de préparer la première campagne sous AOC (espérée en 2001), le Syndicat des producteurs a engagé
une réflexion sur le cahier des charges de la communication « châtaigne d’Ardèche », avec l’appui de la
chambre d’agriculture :
- mars 2000 : formation de 3 jours pour définir ce cahier des charges ;
- octobre 2000 : choix d’un consultant pour élaborer le plan de communication.
3.9.5.3 Problèmes juridiques et administratifs rencontrés
a) Le problème du foncier
La châtaigneraie traditionnelle est extrêmement morcelée : Si elle constitue parfois de vastes superficies la
châtaigneraie cache en fait une multitude de propriétaires, dont certains sont agriculteurs, d’autres retraités et
d’autres ayant quitté le pays. Aussi, le regroupement des parcelles est un élément déterminant pour rendre
plus efficace les actions engagées.
Concrètement des projets de rénovation, ayant pour enjeu social la diversification (confortation de
l’agriculture de montagne) ou l’installation de jeunes agriculteurs, se heurtent fortement à ces problèmes
fonciers. Pour accéder à une parcelle, il est souvent nécessaire de recréer un chemin d’accès qui traverse des
parcelles appartenant à d’autres propriétaires.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 168
Si le réaménagement s’impose, les ardéchois, très attaché à leur patrimoine, ne sont pas enclin à céder des
parcelles (même s’il n’y font rien). Il est évident que les prix d’achat proposés aux propriétaires
(2 à 3.000 F l’hectare d’un vieux verger de châtaigniers) n’est pas stimulant. Un prix
de 10.000 à 15.000 F/ha serait certainement décisionnel.
Dans la conscience ardéchoise, et l’histoire leur a donné raison, la châtaigneraie est un bien qui toujours
retrouver une valeur qui peut être importante. Mais en attendant, de nombreux projets stagnent.
b) Statut juridique et sylvo-pastoralisme
Le statut de la parcelle de châtaignier n’apparaît pas comme un problème ; les vergers de châtaigniers
entretenus sont cadastrés comme verger et bénéficient donc des aides ONIFLHOR ou OGAF sans
contraintes.
Mais il apparaît que de nombreuses châtaigneraies abandonnées depuis les années 1960 ont été déclassées en
« espaces boisées ». Il se pose alors le problème du statut en cas de relance d’une production castanéicole. Le
statut forestier pourrait interférer avec l’AOC qui demande à ce que la parcelle soit identifiée en verger.
L’autre problème juridique se révèle lorsque un agriculteur souhaite développer du pâturage dans une
parcelles de châtaigniers ayant le statut forestier. L’ADASEA rappelle qu’il n’existe pas de modèle de
convention entre un agriculteur et un propriétaire forestier. Ce point est actuellement résolu par la signature
de baux ruraux, mais dont on ne connaît pas exactement la validité juridique. Ce point est particulièrement
important dans un département où le sylvo-pastoralisme est une pratique ancestrale qui ne fait pas l’objet
d’un accord écrit, mais seulement verbal entre les deux parties. Or, ceci ne va pas sans provoquer des
situations compliquées tout au moins délicates socialement (cf. §c) quand une des parties ne respecte pas son
engagement. Et c’est là que la valeur juridique de la convention sylvo-pastorale apporterait une garantie
importante.
Dans ces conditions, le développement des activités syllvo-pastorales sur les châtaigneraies privées est
fortement réduit, alors que le potentiel est très important (32.000 ha de taillis de châtaigniers non valorisés).
Or, le sylvo-pastoralisme permet d’entretenir ces espaces forestiers (ouverture du paysage, lutte contre les
feux car le châtaignier est très peu combustible, production de bois) et d’offrir des zones de parcours à des
agriculteurs qui manquent de terres (installation de jeunes agriculteurs, confortation d’exploitation…).
c) Un obstacle socio-culturel : la mentalité ardéchoise
Mais même s’il n’y a pas de vente ou d’échange de parcelles, la seule idée de couper quelques châtaigniers et
d’aménager des terrasses (la châtaigneraie traditionnelle est à 80 % en terrasse, notamment dans le Haut-
Vivarais et les Boutières) est un frein à la création de piste pour rénover des parcelles.
D’autres freins sont apparus dans les actions FGER de Rénovation : certains propriétaires ont accepté que
des autres agriculteurs rénove leur châtaigniers en échange de quoi, les rénovateur obtenait l’usufruit de la
châtaigneraie pendant quelques années. Par ce mécanisme, qui s’apparent à du troc ou de l’échange de
services, un agriculteur sans châtaigneraie pouvait devenir producteurs au bout de 2 ou 3 ans. Mais, il s’est
parfois avéré que les propriétaires n’ont pas respecté leur parole, et une fois la châtaigneraie rénovée, et les
arbres commençant à produire, ils ont purement interdit l’accès à leurs parcelles à ces rénovateurs. Certes il y
a eu peu de cas de ce type, mais ils ont été très mal vécus et ont sappé de nombreux projets fondés sur ce
principe, et qui ne demandaient aucun soutien financier.
3.9.5.4 Aspects techniques
a) La valorisation des châtaignes
Les prix d’achat de la châtaigne au producteur sont sensiblement stables, même s’ils ont régressé depuis 5
ans. Le prix vendu à la coopérative de récoltant est en moyenne de 6 F/kg, mais certaines variétés sont
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 169
valorisées à 7 voir 10 F/kg (longue conservation, qualité). Par contre, les petits producteurs ayant maintenus
des anciennes variétés déplorent que les châtaignes d’excellente qualité gustative (ou aptes aux de
nombreuses transformations) sont achetées seulement 2,50 à 4 F/kg.
Or, un bon ramasseur récolte environ 100 kg par jour, soit un produit de 500 à 700 F/jour. La marge est très
faible, et interdit en tout cas de salarié une personne. Avec de tels tarifs, la châtaigneraie ne peut se
concevoir que dans un système agroforestier (sylvo-pastoiralisme), qui inclue aussi la production de bois, et
surtout la valeur du pâturage.
En montagne, 1 ha produit entre 0,5 et 1,2 t de châtaignes. Il faut donc 5 à 12 jours pour récolter un hectare
de vergers. Mais ceci dépend aussi de la répartition et de l’âge des arbres (un seul châtaignier peut produire
50 kg).
Il faut noter que le manque de disponibilité en main d’œuvre est une contrainte acceptée par la plupart des
exploitants, qui n’envisagent qu’exceptionnellement de recourir à une main d’œuvre salariée. Ceci ne
favorise pas une récolte rapide et systématique du verger, et s’inscrit donc bien dans une perspective
agroforestière du verger de châtaignier. D’ailleurs, la capacité physique des récoltants est elle-même un
facteur souvent limitant en conditions naturelles difficiles. Ceci est d’autant plus sensible que la population
rurale est âgée et où l’installation de jeunes exploitants est difficile.
b) La plantation de châtaigniers
Les opérations de plantations se sont avérés catastrophiques en Ardèche au début des années 1990. Le taux
d’échec à 5 ans frôlait les 80 %. La virulence de la maladie de l’endothia explique en grande partie les
échecs de plantation15
.
Ceci a provoqué un ralentissement des plantations ces dernières années, au profit de la rénovation (moins de
10 % d’échec fin 1990, contre 60% au début des années 1980).
c) La rénovation des châtaigneraies
En général, les actions de rénovation consistent en un élagage léger des châtaigniers (précédé d’un
défrichement de la parcelle), ce qui permet au propriétaire de retrouver en 2 à 5 ans une production proche de
l’optimum (environ 1 tonne/ha).
Quand l’élagage est plus lourd (section de grosses charpentières), ou quand la variétés n’est pas intéressante
(petit calibre, production tardive), l’arbre est sur-greffé 7 à 8 ans plus tard..
Le choix entre rénovation lourde ou légère dépend de l’état d’abandon des arbres et surtout de la présence de
chancre dans le verger.
On peut observer qu’en 20 ans, l’efficacité de la restauration s’est nettement améliorée : 60 % d’échec en
1980, 10 % en 1998. Ces résultats sont attribués par les techniciens à une meilleure connaissance des arbres,
des variétés et de leurs besoins, et à une meilleure observation qu’en au parcelles à risque (endothia, encre)
de la part des agriculteurs.
Une châtaigneraie rénovée (débroussaillage, élagage sévère, sur-greffage) produit 1 tonne de fruits à 10 ans
et atteindrait 1,5 t à 15-20 ans. Mais en montagne, les contraintes techniques ne permettent pas de tout
ramassé : les animaux finissent la valorisation.
Reprendre une forêt embroussaillée, pour élaguer les châtaigniers, pose un problème aux éleveurs : sur les
sols pauvres (siliceux d’altitude), la végétation herbacée met parfois 6 à 15 ans à s’installer. Il bien
évidemment hors de question d’ensemencer des parcelles trop pentues.
Le développement de la châtaigneraie au profit de gros producteurs, aidés car ils sont sur des parcelles
mécanisables (terrain plat – cahier des charges ONIFLHOR), risque à terme de faire chuter le prix
15
Source : TB Conseil, 1998
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 170
suffisamment pour ne plus permettre la récolte à la main ans les parcelles de montagne => abandon des
vergers de châtaigniers d’altitude.
3.9.5.5 Évaluation des surfaces plantées ou restaurées
a) Surfaces financées par le CNICM en Rhône-Alpes
Tableau 31 : Surfaces de châtaigneraie financées par le CNICM en Rhône-Alpes
Rhône-Alpes 1976-1987
Plantation 24,8 ha
Restauration
dont greffage
1.007,7 ha
107,7 ha
Source : CNICM, 1988
La rénovation a été réalisée à 90 % en Ardèche ; ainsi près de 900 ha de vergers de châtaigniers ont
bénéficiés des aides du CNICM en 10 ans.
b) Surfaces prises en charge par l’ONIFLHOR
Tableau 32 : surfaces aidées par l’ONIFLHOR en Ardèche depuis 1988
1988-89 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000
Plantation 184 ha 54 ha 28 ha
36 ha 16 ha 28 ha 13 ha 14 ha 12 ha ? 25 ha 9 ha
Restauration 29 ha 37 ha 39 ha 41 ha 51 ha 27 ha 30 ha
Source : CEAFL Bassin Rhône Méditerranée
Ainsi, 160 ha environ de châtaigneraies ont été replantés en Ardèche depuis 1976, et 254 ha rénovés
depuis 1992.
c) Surfaces restaurées dans le cadre du FGER
Près de 1.000 arbres, essentiellement situés sur les parcelles aux abords des routes, ont été rénovés, soignés
et débroussaillés. Ceci représente l’équivalent de 15 ha de vergers traditionnels de châtaigniers. Au total,
18 propriétaires ont participé à l’action.
Sur la commune de St-Etienne de Serre, ce sont surtout les agriculteurs qui se sont sentis concernés par cette
procédure, alors que sur St-Pierreville une majorité d’agriculteurs retraités ont ainsi souhaité revaloriser le
patrimoine familial.
3.9.5.6 Opérations particulières
Station expérimentale châtaigne
Les producteurs de châtaigne ont souhaité se doter d’un outil d’expérimentation adapté aux conditions de
l’Ardèche.
Devant le mouvement de plantation constaté depuis 1985 (30 à 50 ha/an), le projet de station expérimentale
se concrétise en 1990.
Plusieurs sites sont mis en place :
- commune de Vernoux : site propriété du Conseil général mis à disposition de la chambre d’agriculture ;
- commune de Silhac : parcelles louées à un agriculteur qui assure l’entretien (bail de 10 ans) ;
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 171
- 5 parcelles satellites chez des producteurs réparties sur l’ensemble de la zone de production (2 parcelles
de rénovation, et des essais les 3 autres parcelles en plantation).
Les travaux d’expérimentation sur la châtaigneraie ont tout d’abord concerné le problème de la lutte contre
le chancre de l’écorce (endothia).
Le travail d’expérimentation (avec suivi et observation) n’a réellement débuté que depuis 2 ans. La chambre
d’agriculture est chargée du suivi sur le terrain, et travaille en partenariat avec le CTIFL et l’INRA de
Bordeaux, dont le centre est spécialisé sur les maladies du châtaignier (encre et chancre).
Ce travail est aussi mené en relation avec les coopératives et le Syndicat de producteurs de la châtaigne
d’Ardèche, notamment dans l’objectif d’améliorer la qualité des châtaignes produites (indemnes de vers et
sans pourriture).
Ce réseau de station expérimentales mis en place à plusieurs finalités :
- créer des collections variétales des châtaignes ardéchoises (sorte de conservatoire) disséminés en
plusieurs sites ;
- réaliser des actions de formation auprès des producteurs sur les techniques permettant de lutter au mieux
contre le chancre (élagage, identification de la maladie, soins, vaccination, …) ;
- réaliser un suivi chez les producteurs.
On peut aussi signaler des expérimentations de piégeages des carpocapses de la châtaigne (ver).
Orientations de la station
Fruits des réflexions des producteurs, l apriorité a été donné à l’implantation de nouveaux vergers dont le
matériel végétal et la préoccupation essentielle.
Il s’agit pour les producteurs de :
- produire des fruits de qualité pour le marché du frais et de l’industrie ;
- disposer d’un matériel végétal fiable (variétés hybrides, porte-greffe plus résistant à l’encre) ;
- opter pour des méthodes facilement utilisables chez les producteurs.
Financements
Depuis 1995, cette expérimentation fait partie intégrante du programme PEP fruits, dont la SEFRA est le
maître d’ouvrage. La maîtrise d’œuvre est confiée à la Chambre d’agriculture par convention pluriannuelle.
Les investissements, d’un montant voisin de 1 million de francs, sont financés par le PIM
(Europe 50 %), la région Rhône-Alpes (21 %) et la chambre d’agriculture (7 %). Le foncier est acquis par le
Conseil général (22 %).
Le fonctionnement est financé pour le Xe plan par le PDZR (50 %), l’ONIFLHOR (30 %) et les fonds
propres de la chambre d’agriculture (20%).
3.9.6 Conclusions
En Ardèche, un véritable plan stratégique a été mis en œuvre pour relancer la châtaigneraie traditionnelle.
Les actions de rénovation engagées depuis près de 20 ans, portées au départ par quelques pionniers, a pris de
l’ampleur dans les années 1988-1998. Les aides ONIFLHOR, et surtout des actions FGER et OGAF ont
permis de reconquérir des centaines d’hectares de vergers de châtaigniers abandonnés.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 172
Les résultats sur le plan social sont intéressants (diversification agricole, intégration de nouvelles
populations, installations plus récentes de jeunes agriculteurs).
Paysagèrement, les actions menées autour des villages et des hameaux ont un fort impact, même si la plus
grande partie des vergers est encore abandonné.
La remise en état de la châtaigneraie s’inscrit en parfaite adéquation avec l’économie agricole ardéchoise,
fondée en zone de montagne sur l’élevage ovin (parfois quelques troupeaux de caprins). Ainsi, la réouverture
-on peut réellement parler de reconquête- de ces espaces, s’accompagne du développement du sylvo-
pastoralisme est correspond donc bien à une filière agroforestière important dans ces régions aux handicaps
naturels importants (parcelles en forte pente, morcellement des vergers, climat rude, sols pauvres sur les
hauteurs). Les châtaigneraies rénovées sont systématiquement intégrées dans des zones de parcours. Reste à
trouver un cadre juridique des conventions qui pourraient être passées dans ce but, afin de protéger le
preneur et le baileur.
Du point de vue biologique, le programme de restauration de la châtaigneraie a permis de retrouver plus de
100 variétés locales (mise en collection), même si 20 variétés représentent 90 % des tonnages produits. Les
variétés de petit calibre, mal valorisées économiquement, risquent à terme de disparaître des circuits de
commercialisation, mais resteront valorisés par le pâturage (engraissement des troupeaux) et ne sont donc
pas condamnés à disparaître.
Mais, les acteurs locaux, producteurs et services techniques, déplorent la difficulté de trouver des moyens
pérennes, qui s’inscrivent aussi sur des territoires plus larges.
Par manque de moyens, les actions sont parfois trop éclatées, et les opérations diverses (OGAF, FGER, aides
nationales…) avec des procédures et des cahiers des charges différents, ne facilitent pas les actions
cohérentes sur les territoires.
Cette absence de continuité des fonds laisse planer quelques incertitudes sur la possibilité de relancer la
production à long terme. Globalement, les moyens restent insuffisants, car le potentiel de surface de
châtaigneraie en verger à rénover est estimé à 5 à 6.000 ha.
La prolongation des actions de rénovation de la châtaigneraie s’inscrit en adéquation avec les volontés
politiques locales, car l’Ardèche a toujours été une terre d’accueil. Les populations installées depuis 15 à 20
ans sont désormais reconnues socialement, notamment par leur rôle initiateur pour le développement local.
Mais aujourd’hui, la relance de la châtaigne en amont nécessite de réfléchir sur les débouchés en aval.
Aujourd’hui, un certain équilibre socio-économique est atteint. Mais, la volonté louable du syndicat de
producteurs d’augmenter les volumes de production, dans une démarche de qualité avec la perspective d’une
AOC « Châtaigne d’Ardèche », risque de marginaliser les petits producteurs-agriculteurs qui disposent de
peu de surface en verger et qui ont souvent des variétés de petits calibres. Il est donc important de trouver
une utilisation à ces châtaignes en développant des produits nouveaux et transformés (à la ferme par
exemple) : liqueurs, crème, pâtés végétaux, châtaignons séchés…
En effet, pour le consommateur, la châtaigne reste un produit de base, qui s’il est empreint de naturalité, est
connoté aussi négativement (fruit associé au passé, à la famine, à la guerre).
En restant sur la châtaigne produit de base, même si le syndicat des producteurs mise sur la qualité, il est
possible de se trouver dans quelques années dans une impasse économique (marché saturé), qui pourrait
compromettre les efforts de développer des exploitations agricoles en agroforesterie.
La perspective de la création du PNR des Monts d’Ardèche et de la Maison du châtaignier par exemple, et le
consensus politique qui règne autour du projet « châtaigneraie » laisse espérer que de tels risquent ne se
produiront pas, à condition de bien accompagner et conseiller les acteurs de la filière.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 173
3.9.7 Bibliographie
Bérault-Williams S., 1996. Le pays du châtaignier. Maison du châtaignier.
Reyne J., 1995. Marrons et châtaignes d’Ardèche. 2e édition. 205 pages.
TD Conseils, 1998. Diagnostic stratégique de la filière châtaigne française. ONIFLHOR. 171 pages.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 174
3.10 EXEMPLES DE POLITIQUE DE SOUTIEN AUX PRE-VERGERS A L’ETRANGER
3.10.1 La Suisse
3.10.1.1 Contexte
Depuis 1992, la Suisse a mis en place un programme de soutien aux agriculteurs au travers des paiements
directs écologiques base sur le volontariat. L’objectif de ce programme était d’encourager les modes de
production respectueuse de l’environnement. Les agriculteurs pouvaient avaient ainsi la possibilité de
participer à 5 programmes :
la compensation écologique,
la production intégrée,
la culture biologique,
les systèmes de stabulation particulièrement respectueux des animaux,
la détention contrôlée d’animaux en plein air.
Parmi les surfaces ouvrant droits à la compensation écologique figurent :
les prairies extensives, haies et bosquets champêtres, surfaces à litière,
les jachères florales,
les prairies extensives,
les prairies peu intensives,
les arbres fruitiers de haute tige.
3.10.1.2 Les politiques prioritaires en matière d’agroforesterie
a) Le principe de l’écoconditionnalité
La Suisse a mis en place à partir de 1999 une nouvelle politique agricole (PA 2002) qui rend obligatoire de
requérir à certaines prestations écologiques (les PER, prestations écologiques requises) pour percevoir les
aides de l’Etat. La Suisse met ainsi en œuvre une écoconditionnalité totale de ses soutiens aux agriculteurs.
Parmi les différentes prestations écologiques requises figurent les surfaces de compensation écologique.
Cette prestation consiste à maintenir la présence dans la SAU d’au moins 7 % d’éléments naturels – 3,5%
pour les cultures spéciales (5 % était obligatoire pour rentrer dans le dispositif “production intégrée” d’avant
1999).
Plusieurs éléments arborés peuvent entrer dans le calcul de la surface en éléments naturels :
les pâturages boisés (type 3) ;
les arbres fruitiers de haute tige y compris les châtaigniers entretenus (type 8) : surface
imputée 1 arbre = 100 m2 ;
les arbres isolés indigènes adaptés au site (type 9) ;
les haies et bosquets (type 10).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 175
Le type 3 (pâturage boisé) et type 9 (arbres isolés) ne bénéficient pas de soutien direct, mais peuvent servir à
atteindre les 7 % de la SAU que chaque agriculteur doit transformer en Surface de Compensation Ecologique
Le type 10 (haies bosquets) a couvert 2.283 hectares en 1999 avec une prime de 1.800 à 6.000 FF par
hectare, selon l'altitude (6.000 FF en plaine jusqu'à 1.800 FF en haute montagne).
En 1996 dans le cadre des surfaces de compensation écologique de la production intégrée les fruitiers ont
représenté 16 % de ces surfaces en zone de plaine et 6 % en zone de montagne.
b) Les moyens mobilisés
Les PER ouvrent droit à différentes formes de soutien. Parmi ceux-ci un soutien pour l’entretien de certains
milieux naturels dont un soutien aux fruitiers de haute tige (60F/arbre/an ). Cette contribution peut être
cumulée avec celles liées à la surface où se trouvent les arbres. Ce soutien existe depuis 1993 dans le cadre
des précédents programmes (60 F entre 95 et 98, 40 F en 1993 et 1994). En 1998, ce soutien aux arbres
fruitiers de haute tige a représenté 5 % de l’ensemble des paiements directs écologiques qui ont représenté au
total 2,8 milliards de FF.
c) Le cahier des charges
Le cahier des charges (pour 2000) pour avoir un soutien comprend les critères suivants :
les arbres doivent avoir une hauteur minimum du tronc de 1.2 m pour les arbres à noyaux et 1.6 m
pour les autres arbres ;
posséder au minimum 20 arbres avec un plafond de 300 arbres par exploitation ;
pas de contribution pour les basses tiges ;
Fumure : Sont valables les directives de la culture principale, en règle générale celles de la culture
herbagère. Application supplémentaire de 1,5 kg de N et de 0,5 kg de P2O5 par tonne de fruits, soit
0,45 kg de N et 0,15 kg de P2O5 par arbre. Fumure avec pal injecteur autorisée ;
Entretien du sol : L'utilisation des herbicides est interdite pour créer un espace libre autour du tronc.
Exception : pour les jeunes arbres de moins de 5 ans et pour les cultures compactes d'arbres à noyau
(max. 0,5 m de rayon autour du tronc), mais seulement avec des herbicides de contact. Pour les arbres
à noyau l'autorisation de la SCA compétente est obligatoire. Pas autorisé dans les surfaces de
compensation écologique ;
Régulation de la charge : Selon la liste des matières actives du GTPI (Groupe de Travail pour la
Production fruitière Intégrée en Suisse) ;
Lutte phytosanitaire : Les annotations concernant les mesures phytosanitaires doivent être à jour. Le
GTPI publie chaque année une liste des matières actives antiparasitaires admises en PI. Une
dérogation à cette liste nécessite une autorisation écrite de la station cantonale d'arboriculture
compétente. Exception : pour les hautes tiges, un traitement au débourrement est autorisé.
Dans certains cantons, il existe des primes supplémentaires selon des critères de qualité spécifiques.
Un système de paiement basé sur la qualité est en cours d’élaboration pour la Suisse entière qui entrera en
vigueur en Mars 2001. Les critères proposés actuellement sont :
20 ares au minimum ;
25-100 pieds par hectare ;
entretien des arbres au moins les premiers 10 ans après plantation ;
les arbres doivent se trouver dans un prés classé en surface de compensation écologique ou ne pas en
être distant de plus 50 m ;
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 176
remplacement des vieux arbres (renouvellement) ;
au moins une occasion pour faire un nid tous les dix arbres (trou dans l'arbre, "Nistkasten", etc.).
Si ces conditions sont remplies, le paysan pourra demander une prime supplémentaire dont le montant n’est
pas encore défini (50 FF sont proposés).
En Suisse, les vergers sont souvent utilisés de manière assez intensive en ce qui concerne la strate herbeuse.
Ils sont souvent proches des fermes et la pression de pâturage y est élevée. Par conséquent la qualité
écologique des près est faible.
Des relevés de la végétation sont faits entre autres dans les vergers à haute tige par la station fédérale de
recherche en agro-écologie et en agriculture. Mais ces données ne sont pas encore exploitées.
d) Les soutiens versés pour la conservation des arbres fruitiers de haute tige
Tableau 33 : aides pour la conservation des fruitiers en Suisse
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999
Montants (en
millions de FF)
76 83 133 143 148 150 148
Nombre d’arbres 1.903.574 2.138.817 2.223.907 2.397.858 2.486.948 2.716.873 2.463.263
Ainsi, 2,5 millions d’arbres fruitiers de haute tige ont fait l’objet d’un soutien financier en 1999 pour
un montant de 148 millions de francs français.
Les fruits sont valorisés pour une grande part en autoconsommation mais aussi au travers de plusieurs filières
organisées :
MIGROS, premier distributeur en Suisse qui vend du jus de pomme en provenance d'arbres de hautes
tiges.
Une initiative régionale "Mosti Veltheim" qui commercialise du jus de pomme pasteurisé avec
provenance garantie de fruitiers de haute tige de la vallée Schenkenberg (canton Agrovie). Il s’agit
d’un jus de pomme de haute qualité. Ce projet vise aussi à conserver ces fruitiers en payant à un prix
élevé les pommes aux paysans. D’autres micro filières de ce type existent dans d’autres cantons.
3.10.2 Les pré-vergers au Royaume Uni
Tableau 34 : surfaces de pré-vergers en Angleterre
Année Surface en ha
1970 62.200
1980 46.600
1997 22.400
Source : MAFF
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 177
Ces vergers sont principalement situés dans le Kent, Somerset, Devon, Cambridgeshire, Essex, Herefordshire
et Worcestershire.
Le « woodland Trust » possède actuellement 1000 réserves forestières. Il vient de décider d’acheter
quelques pré-vergers dans la mesure où ceux-ci possèderaient un gestionnaire qui prendrait en charge
les charges de fonctionnement ;
Le règlement sur la préservation des arbres « tree Preservation Orders » permet de protéger les arbres
fruitiers de hautes tiges des vergers remarquables et en voie d’abandon ;
Chaque année depuis 1990 le 21 octobre, l’association « Common Ground » organise une « journée de
la pomme » ;
l’association « Common Ground » développe depuis 1989 aussi le concept de « vergers villageois »
(«community Orchads ») dont objectif et de créer ou restaurer des vergers de haute tige et de les ouvrir
au public.
3.10.3 Le cas de l’Espagne
Situation des pré-vergers en Espagne
Les pré-vergers en Espagne se situent presque exclusivement dans la chaîne des Cantabriques.
La culture des pommiers est attestée dans cette cordillère depuis le premier siècle AP-JC. La production de
cidre est attestée en Navarre depuis le XIIIe siècle et au pays basque depuis le XVI
e.
Les pré-vergers sont aujourd’hui des formations typiques des Asturies et débordent sur la Galice et le Pays
basque.
Tableau 35 : évolution des pré-vergers de pommiers en Espagne
Année Superficie
en ha
Arbres
disséminés
Total équivalent
arbres sur la base de
75 arbres /ha
Production totale de
pommes
(en milliers de tonnes)
1985 1000 2.863.000 2.938.000 66,2
1986 1100 2.492.000 2.574.500 23,5
1987 10600 550.000 1.345.000 72,1
1988 10500 546.000 1.333.500 22,8
1989 10100 547.000 1.304.500 62,7
1990 9300 553.000 1.205.500 21,3
1991 8300 536.000 1.158.500 57,3
1992 8100 514.000 1.121.500 20,9
1993 7900 506.000 1.098.000 53,8
1994 7800 463.000 1.048.000 22,8
1995 7700 464.000 1.041.500 57,9
1996 7700 464.000 1.041.500 34
1997 7700 464.000 1.041.500 59,7
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 178
Pour l’année 1996 la production de pommes s’est répartie comme suit :
Galice :34 %
Asturies : 47 %
Pays basque : 19 %
Navarre : 0,4 %
Et les surfaces (sur la base de 75 arbres /ha pour les vergers en plein) :
Galice :40 %
Asturies : 47 %
Pays basque : 13 %
Navarre : 0,5 %
La province des Asturies ont mis en place un dispositif de soutien aux pré-vergers depuis 1994. Une aide par
arbre est accordée à la plantation d’arbres (avec un minimum de 3000 m2) sur la base d’un montant
maximum de 22F par arbre et un coût de plantation de 23.700 F (plantation de clones) ou 13.800 F
(plantation de franc pied) :
de 50 % du coût de plantation pour les surfaces de 3.000 m2 à 1 ha
de 65 % pour les surfaces supérieures à 1 ha
Les nouvelles plantations l’ont été essentiellement en basse tige (400 arbres à l’hectare).
96.245 pommiers sur 222 ha ont été plantés entre 1994 et 1997.
Au Pays basque, le nombre de pommiers en production est passé de 652.000 en 1850, à 236.480 en 1991 et
131.200 en 1996.
3.10.4 Le cas de l’Autriche
3.10.4.1 Situation du patrimoine fruitier de haute tige
L’inventaire des arbres fruitiers réalisés en 1938 évalue à 33,8 millions le nombre de fruitiers de haute tige :
14,53 millions de pommiers
7,56 millions de poiriers
6,38 millions de pruniers
1,53 million de cerisiers
0,9 million d’abricotiers
0,68 million de pêchers
0,67 million de noyers
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 179
0,27 million de mirabelliers
Ce nombre n’est plus que de 7 millions en 1996, soit une réduction de 79 %.
3.10.4.2 Un programme unique : la méthode écopoints
Le programme Ecopoints de la Basse-Autriche constitue une des actions exemplaires de ce pays qui
contribue au maintien des pré-vergers.
Un des 7 indicateurs concerne la surface en éléments fixes du paysage. Le bilan du programme 1999 montre
que les arbres épars, les haies, les lisières et les pré-vergers représentent 69 % de la surface de ces éléments
fixes du paysage.
Résultats
Pour les 1.878 exploitations engagées dans le programme en 1999, représentant 34.921 ha, ces éléments
arborés représentent 2,13 ha par exploitation d’une taille moyenne de19 ha (soit 11 % de la SAU).
Les vergers de haute tige ont représenté 24,3 % de ces éléments arborés :
Les haies 21 %
Les arbres épars 7 %
Les alignements d’arbres 6,2 %
Les lisières de bois : 41,5 % (les lisières de bois correspondent à une surface virtuelle évaluée à la
longueur de la lisière bordant le champ par une largeur fixe de 5 m)
3.10.4.3 Les aides mobilisées
Ces éléments arborés ont permis un soutien de 918 F/ha SAU/an soit 17.742 F par exploitation.
Les prés vergers ont donc représenté un soutien moyen de 223 F/ha SAU et 4.300 F par exploitation (soit 8
millions de francs pour le programme de 1999). Cette aide ne prend pas en compte l’aide pour la prairie
naturelle. On peut estimer que l’hectare de pré-verger reçoit une aide, variant entre 2.500 et 3.500 F.
3.10.4.4 Les surfaces plantées et entretenues
Depuis 1988, le fonds paysager de la Basse-Autriche finance la plantation de 5.000 à 10.000 arbres par an.
Ainsi 60.000 arbres ont été replantés ces dix dernières années.
3.10.5 Le cas de l’Allemagne
3.10.5.1 Politique agroforestière engagée
Dans les années 80, le land du Bade-Wurtenberg a initié une protection des légales des pré-vergers
(« streuobstwiesen ») et ainsi une reconnaissance de leur grande valeur écologique. Les pré-vergers peuvent
être classés en « parcs naturels ». 30 de ceux-ci ont ainsi été classés avec un objectif spécifique de protection
de cet habitat naturel. Le pâturage est autorisé et l’administration régionale fixe les éléments du plan de
gestion pour chaque parc naturel (condition de pâturage ovin, utilisation extensive, modes de fauche, …).
Les pré-vergers peuvent aussi être inclus dans des protections paysagères.
De plus la législation interdit l’abattage des arbres sauf en cas de renouvellement et cas particulier.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 180
3.10.5.2 Les moyens engagés
Dès 1993, des actions de gestion ont démarré dans le cadre du programme MEKA mis en place dans le cadre
des mesures agri-environnementales du règlement 2078 de 1992. L’aide apporté variait entre 669F et 1.673 F
par an et par hectare de pré-vergers.
L’aide montait à 2.614 F en cas de productions biologiques.
Ainsi, 65.000 ha de pré-vergers étaient dans ce programme en 1995 mobilisant un soutien de 44 millions de
francs. Cette aide aux fruitiers de haute tige était cumulable avec les aides au soutien au maintien des prairies
extensives.
A côté de ce soutien public dans le cades des aides agri-environnementales, un autre axe a consisté à
valoriser le produit de ces espaces (le jus de pomme).
3.10.5.3 La valorisation économique des pré-vergers : l’action du milieu associatif
Deux importantes associations d’environnement allemandes (BUND et NABU) ont mis en place plusieurs
initiatives visant à valoriser le jus de pomme issu des pré-vergers.
Le projet « jus de pomme » de la région de Bodensee-Oberschwaben (lac de Constance) mis en place par 5
associations dans quatre sites a permis la commercialisation de 650.000 litres (chiffre 1997) au travers de
140 points de vente, produits par 248 agriculteurs à partir de 27.000 arbres (soit environ 400 ha).
En moyenne, les agriculteurs de cette opération possèdent 1,6 ha de pré-vergers avec une moyenne de 68
arbres par hectare. Les pommes sont achetées au prix de 587 F la tonne, en contre partie d’un engagement de
maintenir en l’état les fruitiers, assurer leur renouvellement et ne pas utiliser de traitements pesticides.
En 1998 la vente de jus de pomme issu des pré-vergers au travers de 30 initiatives privées (vente à la ferme)
et de plusieurs opérations collectives a atteint 6 millions de litres de jus de pommes pour une valeur de 47
millions de francs dont 8,3 millions pour les agriculteurs.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 181
4 SYNTHESE DES ETUDES DE CAS : POINTS FORTS ET LIMITES
4.1 AIDES PUBLIQUES ET REGLEMENTATIONS
4.1.1 Des aides publiques orientées vers la plantation
Généralement, les aides publiques financent les investissements de plantation d’arbres de haute tige. C’est
notamment le cas dans les régions traditionnelles de pré-vergers (Normandie, Lorraine) mais également dans
celles où les vergers traditionnels sont plus rares (Midi-Pyrénées dans le cadre du projet Rénova).
Mais on constate que ces aides à la plantation ne bénéficient pas uniquement aux vergers de haute tige.
L’exemple de la Basse-Normandie, où des moyens financiers inégalés sont consacrés au renouvellement du
verger cidricole, est le plus caractéristique. La replantation a surtout permis de remplacer le verger de haute
tige par des vergers intensifs de basse tige. Ainsi, en 20 ans, les pré-vergers, qui représentaient la totalité de
la production cidricole bas-normande, sont aujourd’hui minoritaires (20 à 30 % selon les années) et cette
tendance va se confirmer pendant au moins 10 ans.
La même analyse peut être faite en Lorraine où les mirabelliers de haute tige ont été remplacés en 15 ans par
des vergers de demi-tige. Ce phénomène a débuté dans les années 1982-85 et s’est accéléré au début des
années 1990.
Dans ces deux cas, la volonté des acteurs agricoles (services des chambres d’agricultures, organismes de
développement comme l’ARDEC en Normandie ou l’AREFE en Lorraine) a été soutenue par les acteurs
locaux (Région) et nationaux (ONIVINS, CTIFL…). Le discours agricole est d’ailleurs sans nuance : le pré-
verger n’est pas économique, voire ne produit pas, et ne permet pas une valorisation de qualité. D’ailleurs,
les techniciens agricoles ne comprennent pas comment on peut produire sans traitements, sans fertilisation, et
avec des animaux en plus !
Dans d’autres projets, c’est la demande des agriculteurs pour obtenir une production rapidement qui bloque
le développement des vergers de haute tige. C’est notamment le cas au Pays basque, où malgré l’intérêt
manifesté pour la sauvegarde des variétés anciennes et des vieux arbres (cerisiers à Itxassou, pommiers avec
Sagartzea), les projets se sont orientés vers des vergers de basse tige, conduits certes de manière plus
respectueuse de l’environnement (fertilisation et traitements phytosanitaires très limités).
On constate donc que les aides à la plantation sont insuffisantes si elles n’intègrent pas le « manque à
gagner » lié à la plantation d’arbres de haute tige (entrée en production décalée de 6 à 10 ans selon les
espèces). Ce constat est d’autant plus vrai que le verger traditionnel a disparu localement : les agriculteurs ne
peuvent plus compter sur ces vieux vergers pour assurer la phase transitoire.
Par exemple, dans le projet Rénova, c’est la présence d’un verger traditionnel (certes dégradé), qui permet de
relancer des projets de plantations en haute tige. Mais la plantation doit alors s’accompagner de programme
de rénovation.
Fin 1999, la tempête qui a couché de nombreux arbres de haute tige a eu pour effet bénéfique de sensibiliser
les départements à la préservation de ces éléments paysagers. Ainsi, de nouvelles aides ont été décidées dans
les régions de Normandie, Lorraine, Périgord et Nord-Pas-de-Calais notamment. Ces nouveaux acteurs ont
une vision différente des acteurs agricoles, en soutenant notamment la replantation des petits vergers
familiaux d’autoconsommation.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 182
Dans le cadre des plantations fruitières avec arbre à double fin comme le noyer, il n’existe pas d’aide à
l’hectare agroforestier. Tout comme dans les pré-vergers, les aides sont décernées à la plantation. Deux cas
sont alors possibles :
La plantation est destinée à la production de fruits : les aides sont généralement attribuées par l’Oniflhor.
Le cahier des charges se révèle alors en défaveur des noyers double fin et de la pratique des cultures
intercalaires. Toutefois, la notification d’une durée limite, généralement de 4 ans, laisse la possibilité aux
contrôleurs de fermer les yeux en cas de dépassement ce qui ne serait pas le cas si les cultures étaient
purement et simplement interdites.
La plantation est forestière : Les cultures sont généralement interdites. Toutefois, si le planteur ne
bénéficie pas de la PCPR, il peut cultiver entre les arbres selon la réglementation de la PAC. Le
programme du Diois pour le double fin est réalisé sur des fonds forestiers. Par une souplesse plus grande
vis à vis du cahier des charges et une volonté de s’adapter aux exigences de terrain (subvention à l’unité
et non à la surface), ce programme connaît un succès inconnu dans le Périgord trop limité par les normes
et les pressions agricoles.
Dans les deux régions, les milieux nucicoles sont contre la pratique des cultures intercalaires et du double
fin. Les thèmes de recherche et les conseils donnés sont orientés vers une intensification des noyeraies et une
spécialisation nucicole des exploitations. Ces orientations ne coïncident pas toujours avec les objectifs de
diversifications des exploitations agricoles. La tempête et les exigences nouvelles en terme de mécanisation
font qu’on assiste à un assouplissement vis à vis du double fin.
Dans les deux régions, les services forestiers se trouvent bloqués dans leurs projets de boisement forestier de
terre agricole par des pressions des syndicats agricoles qui ne veulent pas perdre le potentiel agricole des
terres. Ce phénomène a été renforcé depuis l’an passé par un arrêté préfectoral imposant le passage en
commission de tout projet de boisement. Dans cette optique, les projets agroforestiers ont un rôle à défendre
en proposant une alternative à des boisements purement forestiers. C’est d’ailleurs ce qui fait la réussite du
programme double fin du Diois, basé sur la double production, noix et bois, tout en acceptant la pratique des
cultures intercalaires.
Il faut noter toutefois dans la nouvelle réglementation forestière sur le financement des noyers double fin,
l’exigence d’avoir une greffe en tête alors qu’auparavant l’exigence était sur la hauteur de bille non greffée.
Cette particularité obscurcit l’avenir des noyers doubles fins en imposant une technique de greffage difficile
à réaliser (contrairement à la greffe au pied).
4.1.2 Aides publiques et actions de rénovation
Les actions de rénovation ont l’avantage, par rapport à la plantation, de permettre une mise en production
nettement plus rapide (2 ans pour un pommier, 5 à 10 ans pour un châtaignier).
L’action Rénova a été orientée dans cette perspective avec le soutien de fonds européens (Leader II) et du
programme FGER. La même démarche anime l’association Meuse Nature Environnement à travers son
programme OPAV16
engagé depuis 1995, via le FGER, le FEOGA et des co-financements locaux
(communes, département). Cette opération va être régionalisée dans toute la Lorraine à travers le Contrat de
Plan Etat-Région.
4.1.3 La faiblesse des aides à l’entretien des systèmes agroforestiers
Les premières aides à l’entretien des vergers de haute tige ont été mises en œuvre dans le cadre des
opérations locales et des mesures agri-environnementales (Pays d’Auge ornais, Pays de Bray, …). Mais les
surfaces contractualisées n’ont pas toujours été importantes (en dehors du pays d’Auge ornais : 386 ha), et le
16
Opération programmée d’amélioration des vergers
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 183
nombre d’agriculteurs concernés est faible au regard des propriétaires de pré-verger. Le manque de moyen
d’animation peut expliquer ces résultats décevants, mais le montant des aides proposées n’a semble-t-il pas
insufflé une dynamique large. Des facteurs d’ordre social pourraient aussi être avancés.
La mise en place des CTE, ouvre des opportunités nouvelles. Force est de constater, que les systèmes
agroforestiers sont encore aujourd’hui très peu aidés, puisque l’aide est à peine supérieure à la prime à
l’herbe (300 F/ha).
Mais l’initiative du « Syndicat des producteurs du Domfrontais », de proposer une aide à 3.500 F / ha est
véritablement innovante, car elle repose sur une analyse technico-économique des bénéfices et des
contraintes liées à la présence d’arbres sur la parcelle. Même, si elle n’a pas été acceptée en l’état (réduite à
1.800 F/ha) par les CDOA17
de la Manche, du Calvados et de la Mayenne, elle ouvre de nouvelles
possibilités dans les autres départements de France. Ce niveau de rémunération, atteint un seuil
psychologique qui peut inciter de nombreux agriculteurs à conserver les arbres fruitiers au milieu de leur pré.
Dans le cadre des noyers double fin, l’aide à l’élagage calculé en fonction du nombre d’arbres à la parcelle,
est en voie d’être supprimée. Les nouvelles normes, imposent d’avoir des surfaces minimales qui ne
correspondent plus à la réalité des petits boisements.
Si l’on considère les cultures intercalaires, comme un entretien des noyeraies ou des peupleraies, alors les
primes PAC peuvent être considérées d’une certaine manière comme une prime agroforestière d’entretien. La
durée d’éligibilité, est très variable selon les départements. Officiellement, les cultures réalisées entre des
arbres adultes, peuvent être primées à condition de soustraire la surface correspondant aux houppiers des
arbres. Par contre dans les jeunes plantations, les cultures ne sont pas éligibles sauf pour 3 années dans les
vergers. Les départements de l’Isère et de la Drôme, ont repoussé à 7 années cette disposition. A 8 ans on
peut alors en toute logique reconnaître les arbres comme adultes… Une discussion est en cours pour faire
reconnaître définitivement l’éligibilité des cultures intercalaires, quels que soit la nature et l’âge des arbres.
Une telle mesure nécessiterait une prime spéciale à l’entretien des noyeraies double fin afin de palier au
manque à gagner lier au décalage dans le temps entre la plantation et la production fruitière.
A noter que la Suisse, l’Autriche et l’Allemagne consacrent d’importants budgets au maintien et à l’entretien
des fruitiers de haute tige : 60 F/arbre* en Suisse, 223 F/ha* en Basse-Autriche, et de 670 à 2.600 F/ha en
Allemagne.
* : hors aide à la prairie
4.1.4 Réglementations et agroforesterie
4.1.4.1 Cas de la création de vergers de haute tige
a) Les pré-vergers
S’il souhaite bénéficier des primes agricoles, le planteur doit déclarer sa parcelle en prairie, donc sous le
régime agricole. Il peut alors prétendre à la prime à l’herbe, et à une subvention à la plantation dans le cadre
des investissements prévus dans le CTE (plafonnés à 100.000 F / exploitation y compris achat de matériels
agricoles).
Contrairement à la plantation d’une parcelle sous statut forestier, la plantation d’arbres sur cette prairie ne
permet pas de bénéficier de l’exonération trentenaire de l’impôt foncier, ni des subventions à la plantation et
à l’élagage, ni de la prime européenne de compensation pour perte de revenu.
17
Commission départementale d’orientation agricole
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 184
b) Les cultures intercalaires
Dans le cas des noyeraies fruitières financées sur fonds Oniflhor, la parcelle est déclarée comme verger. Elle
peut bénéficier, selon les départements, d’une exonération de l’impôt foncier (8 ans en général). Les cultures
intercalaires sont tolérées pendant 4 ans (Périgord) à 7 ans (Dauphiné).
Les vergers double fin du Dauphiné, financés sur fonds forestiers, bénéficient de l’exonération trentenaire de
l’impôt foncier. Les cultures intercalaires sont également autorisées.
Au niveau du cadastre, certains vergers plantés à faible densité peuvent être déclarés en demi vergers.
La pratique de la culture intercalaire est plus couramment admise dans le Dauphiné que dans le Périgord.
Dans les plaines de l’Isère et de la Drôme, cette pratique est plus ancienne et est soutenue implicitement par
l’administration. Dans le Périgord, cette pratique relativement récente au sein des vergers est combattue par
les services administratifs.
Dans les deux régions, il convient de signaler que les milieux professionnels agricoles, opposés à cette
pratique allant selon eux contre la production de la noix, ont écrit et validé une mesure CTE pour inciter les
nuciculteurs à remplacer les cultures intercalaires par de l’enherbement.
D’une manière générale, nous restons étonnés de la variabilité des comportements à partir de textes
nationaux ou européens.
4.1.4.2 Cas des vergers de haute tige existants
Il apparaît parfois que la surface des arbres est exclue de la surface de la parcelle déclarée en prairie, ce qui
réduit d’autant les primes européennes. Or, il n’est pas justifié de retirer cette surface qui est en fait bien
enherbée.
Ainsi, dans le cas d’un verger bien constitué (75 arbres / ha), la surface ainsi supprimée peut aller jusqu’à
1.875 m2, soit 2% de la surface. Certes, avec une prime à l’herbe de 300 F/ha, la perte de revenu est faible,
mais l’impact psychologique est fort. Cette disposition complique la tâche de l’agriculteur dans ses
déclarations tout comme celle du contrôleur sur le terrain. Le coût financier pour les collectivités n’est donc
pas négligeable et l’image de l’administration agricole n’en sort pas intacte.
Les conséquences économiques sont bien plus importantes quand il s’agit d’une parcelle cultivée. De plus,
l’interprétation des textes est variable d’un département à l’autre, et il peut arriver, dans une application
extrême du règlement, que toute la surface soit privée de prime. En général, une parcelle déclarée forestière
ne peut plus être cultivée sous peine de redressement. Le statut doit rester agricole ce qui ferme la porte aux
subventions forestières.
Ces problèmes apparaissent notamment avec les haies qui entourent les parcelles agricoles, et qui
représentent en France 3 à 5 % de la SAU.
Sur le terrain, on observe souvent une diversité de discours sur la prise en compte des cultures intercalaires.
Ces divergences soulignent l’embarras dont fait preuve l’administration face à de telles pratiques et révèle un
besoin important d’harmonisation. Pour de mêmes dispositions, nous assistons à des comportements parfois
opposés selon le technicien ou le département.
4.1.4.3 Le statut de l’exploitant
Dans les châtaigneraies, où l’agroforesterie s’apparente à du sylvo-pastoralisme, le propriétaire-agriculteur
qui utilise les surfaces de châtaigneraie comme parcours ne peut pas prétendre aux aides forestières. Son
statut agricole peut lui faire, par exemple, bénéficier des aides forestières pour investir dans une scierie
mobile.
Les études réalisées montrent qu’en matière de boisement agricole, les projets dépassent souvent le cadre
purement agricole et impliquent des secteurs sociaux d’autres horizons. Un grand nombre de particuliers,
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 185
retraités ou non, se trouvent exclus de programme de subvention car ils ne sont pas inscrits à la MSA (cas
des subventions Oniflhor). A partir du moment où un projet concerne l’aménagement des campagnes ou des
paysages périurbains, il faudra à l’avenir se pencher sur des programmes de financement de plantation et
d’entretien des vergers hautes tiges ouverts à d’autres secteurs de société comme c’est le cas en Lorraine ou
dans le Diois. L’agriculture moderne touche un nombre croissant de ruraux ou de pluriactifs. Les mesures
administratives doivent accompagner ce phénomène nouveau de société.
4.1.4.4 Analyse économiques des systèmes agricoles
Place de l’agroforesterie dans le système d’exploitation
En règle générale, les parcelles agroforestières occupent une faible part de la SAU de l’exploitation : moins
de 2 ha pour ce qui est des pré-vergers normands, moins de 5 ha s’il s’agit de cultures intercalaires.
Pour autant, la présence d’une seule parcelle agroforestière se traduit par une adaptation importante du
système de l’exploitation. Dans le cas des pré-vergers de Normandie (Domfrontais, Pays d’Auge), la
conduite du pâturage, la récolte des fruits et leur transformation nécessite d’adapter, ou de revoir, dans une
large mesure le système de production dans son ensemble.
La rencontre avec les producteurs met en évidence toute la technicité et le savoir-faire que requièrent les
pratiques agroforestières.
Le poids relatif de l’atelier verger/cidre, très variable d’une exploitation à l’autre, se traduit par des
degrés d’investissements différents (priorité entre pré et verger, récolte et gestion du troupeau…), et
oriente l’organisation du travail.
La période de production des fruits est une phase critique dans tous les systèmes de pré-vergers
(Normandie, Lorraine, Pays basque…). Il convient de retirer les animaux des parcelles plantées, ni trop
tôt pour perdre un minimum d’herbe, ni trop tard pour ne pas perdre des fruits.
Selon l’organisation de ces parcelles (regroupées autour de la ferme ou morcelées en diverses unités plus
ou moins éloignées) la conduite du pâturage sera différente.
La répartition des vergers sur ces prairies est elle aussi décisive, tout comme leur densité ou l’état
sanitaire des arbres. Ainsi, la gestion de la production de pommes à cidre sera plus ou moins régulière
selon les parcelles.
L’agriculteur est contraint de gérer les productions (pré, culture, pommier) selon l’aptitude des sols de
chaque parcelle. Il privilégiera la mise à l’herbe précoce sur des parcelles portantes, alors que
l’hydromorphie interdit la culture des pommiers, etc.
Les planteurs de noyers double fin du Diois ne s’intègrent pas dans une logique de spécialisation. Ils
échappent à tous les cahiers des charges, forestiers ou agricoles, car leurs motivations sont ailleurs. Pour
eux, une plantation agroforestière se développe dans un registre de diversification avec des objectifs de
production à diffèrent termes : les cultures intercalaires dans un premier temps, les noix à moyen terme
et le bois vécu comme un placement pour la retraite ou l’héritage. La taille des parcelles ne correspond
pas aux normes souvent imposées. Tout comme dans le Périgord, les surfaces en vergers sont très
souvent inférieures à un hectare. Cet objectif correspond à une volonté de maîtriser l’entretien et la
production à venir avec des moyens humains restreints. Cela permettra également de transformer
directement sans faire appel à de la main d’œuvre ou à des investissements supplémentaires. Il sera plus
aisé de casser les coques pour en extraire les cerneaux pour une faible quantité sans perdre en rentabilité.
La gestion du temps de travail, de l’investissement minimum nécessaire et la couverture du risque par la
diversification sont des éléments souvent négligés par les milieux administratifs et professionnels. Il ne
s’agit pas de revenir à une époque « médiévale » mais d’avoir une approche de gestion rigoureuse de
l’exploitation agricole. Les exploitations fortement mécanisées sont généralement très endettées et n’ont
pas les moyens de se retourner en cas de problèmes. Ces dernières années, le coût de revient des
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 186
productions agricoles n’a cessé d’ augmenter alors que les prix de vente ont souvent chuté. La part des
primes a largement augmenté dans le revenu agricole. Ce changement dans le rapport charges de
production / prix de vente relance l’intérêt économique des systèmes extensifs dont font partis les
systèmes agroforestiers. L’actualité quotidienne nous expose les problèmes de filières rencontrés
aujourd’hui qui plongent les agriculteurs qui se sont lancés dans une spécialisation sans filet de sécurité.
Le CTE contre les cultures intercalaires montre bien à quel point les organismes professionnels ne
veulent pas prendre en compte cette réalité. L’expérience de terrain prouve que culture intercalaire ne
signifie pas mauvaise qualité de noix et du bois. Les agroforestiers traditionnels font montre d’un grand
savoir agronomique dans la connaissance des interactions arbre/culture/sol. En remplaçant par une
subvention une culture intercalaire rentable par la marge brute qu’elle dégage et l’économie d’entretien
de la noyeraie, on néglige la fonction première de l’agriculteur qui est de produire par un système de
cultures associées pensé en fonction de son environnement, et on renforce sa qualification de chasseur de
primes. On impose également un investissement supplémentaire pour l’installation de l’irrigation au
goutte à goutte.
Le montant de la prime CTE a été calculé selon la marge brute de la culture intercalaire pouvant être dégagée
hors prime. Il varie entre 1400 et 2000 fr/ha. A ce chiffre, il faudrait rajouter la prime PAC car la surface
intercalaire est officiellement éligible. Mais il faut également tenir compte du coût de l’enherbement et de
son entretien ainsi que l’installation de l’irrigation. Cette installation fait l’objet d’une autre mesure CTE.
Cette remarque permet de faire reconnaître l’importance économique de la culture intercalaire. Dans le cas
des noyeraies à bois entretenues par des cultures intercalaires, il faut prendre en compte deux autres critères
en faveurs de cette pratique :
Les cultures économisent entre 2 et 3 passages de broyeurs évalués entre 150 et 200 F/ha.
La présence des cultures influe positivement sur la croissance des noyers.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 187
4.2 LES FILIERES ET LA QUALITE DES PRODUITS
4.2.1 La filière de production cidricole
Ces fruits sont transformés par 7 grands groupes et environ 50 entreprises artisanales, qui réalisent ensemble
un chiffre d’affaire de 1 milliard de francs.
Face aux 12.000 producteurs d’AOC Calvados, et aux 30.000 producteurs estimés en France de produits
cidricoles, la filière aval s’est fortement concentrée. Elle a ainsi progressivement imposé ses lois.
La filière cidricole en Normandie s’est développée depuis 20 ans en mettant en place une politique agricole
qui sacrifie le pré-verger à la faveur du verger spécialisé : plantation sous contrat (avec un industriel)
privilégiant les vergers de basse tige, avec des prix garantis et supérieur à ceux des fruits issus des vergers
hors contrats.
Cette politique conduit aujourd’hui à une crise structurelle : surproduction fruitière en 1999. Cependant, le
verger de haute tige fournit encore 50% des fruits à la filière cidricole nationale (100.000 à 150.000 tonnes
sur 200.000 à 250.000 tonnes).
En France, le cidre (y compris le poiré) fait l’objet d’une autoconsommation de 1,75 millions d’hl, d’une
production commerciale de 1 million d’hl et d’exportation 120.000 hl.
4.2.2 Identification des produits agroforestiers
Aujourd’hui, de nouveaux arguments plaident en faveur de la préservation des pré-vergers.
Des études récentes de l’INAO mettent en évidence que les vergers de haute tige sont les seuls vergers à
même de garantir un produit de qualité, ou plutôt de typicité, rechercher notamment dans les AOC.
L’implantation de ces vergers traditionnels généralement sur des terres pauvres (en pente), dont les arbres de
haute tige puisent profondément dans le sol les éléments minéraux, donne des produits transformés qui
identifient parfaitement le terroir et en expriment toutes les caractéristiques. Ils sont composés de variétés
anciennes qui, moins productives que les variétés récentes à jus, développent des caractéristiques
organoleptiques uniques que l’on ne retrouve pas dans les variétés modernes.
Ce système agroforestier est donc garant de produit identitaire. Il apparaît même que ce sont les fruits issus
des pré-vergers qui confèrent toute l’originalité gustative des jus de pommes, et garantie la qualité AOC des
produits cidricoles.
C’est dans ce contexte, que l’INAO soutient la démarche du « Syndicat des producteurs du Domfrontais »
pour obtenir le premier cahier des charges AOC qui interdit le verger de basse tige, et n’autorise que
l’emploi de variétés locales anciennes. Cette démarche AOC « Poiré Domfront » rejoint plusieurs objectifs :
maintien du paysage, préservation des variétés anciennes par leur valorisation, et développement d’un
produit de terroir typique.
Il est intéressant de constater que des démarches similaires s’engagent au Pays basque, pour l’obtention
d’une AOC « Cidre du Pays basque » ou pour une IGP « Cerises d’Itxassou ».
Certaines données de recherches en cultures intercalaires laissent penser que la qualité du produit récolté
sous les arbres est différente. Comme nous le disions en introduction, le blé intercalaire cultivé sous des
pawlonias adultes en Chine présente des taux de protéines supérieurs de 40 % alors que le rendement baisse
de 20%. Il ne s’agit pas ici de généraliser cet aspect en affirmant que les produits agroforestiers sont de
meilleure qualité… loin s’en faut mais il s’agit d’une piste à explorer.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 188
4.3 INTERETS ENVIRONNEMENTAUX
4.3.1 Protection des ressources en eau, des sols,...
Le verger de haute tige correspond à une valorisation maximale de la parcelle, avec une association d’au
moins 2 productions extensives (herbe ou culture et fruits) sur une même surface. Selon les cas, on peut
rajouter la production de bois, de fleurs, de piquets…
4.3.1.1 Des systèmes économes en intrants
L’analyse des pratiques culturales en Pays d’Auge fait apparaître un système économe avec très peu
d’intrants (fertilisation, traitements phytosanitaires…), peu de temps consacré à l’entretien des arbres. Plutôt
que de miser sur une forte productivité et une entrée en production très rapide, le producteur s’inscrit dans un
processus plus lent fondé sur une association durable.
La quasi-totalité des pré-vergers sont pâturés, mais 15% ne sont pas fertilisés (ni apports de fumiers, ni
apports d’engrais chimiques). Les autres reçoivent des apports de fumiers, et moins de 25% des apports
azotés chimiques. On constate que les fertilisations sont en moyenne de 40 à 50 kg d’azote par ha, soit moins
que sur des prairies naturelles nues (90 kg/ha dans le Domfrontais). Ceci diminue d’autant les risques de
pollution des eaux par les nitrates.
Par ailleurs, on constate que les fruits stockent l’azote excédentaire. La présence de l’arbre, en captant en
profondeur les éléments minéraux en migration dans le sol, est capable de réduire encore les « fuites »
d’azote. Malheureusement, l’absence de travaux scientifiques sur le sujet ne permet pas de quantifier et
d’évaluer le rôle de l’arbre fruitier dans le piégeage de l’azote.
Dans le cas des cultures intercalaires, les arbres captent vraisemblablement les nitrates excédentaires. On ne
peut toutefois pas comparer l’efficacité de ce phénomène avec un verger enherbé. La comparaison n’est
valable qu’avec un système de grandes cultures pures. Les cultures intercalaires pratiquées sous des noyers
adultes dans le Dauphiné peuvent permettre de réaliser cette comparaison afin d’extrapoler ces résultats à des
plantations agrosylvicoles associant arbres forestiers et cultures.
Les traitements phytosanitaires
Comme les prairies naturelles, le pré-verger ne reçoit pas de traitement chimique, tout comme les arbres
adultes. Le verger de plein vent est de ce point de vue un système économe, où les produits phytosanitaires
sont employés dans l’extrême nécessité. Il n’est pas rare que l’agriculteur abatte un arbre adulte malade, ou
sur-greffe une variété trop sensible par une plus tolérante, plutôt que de traiter.
En Pays d’Auge, seuls les jeunes arbres de ces vergers sont traités régulièrement avec des fongicides (36 %
des vergers), soit des insecticides (57 %).
4.3.1.2 Des espaces respectueux de l’environnement
Le pré-verger est une garantie du respect de l’environnement à double titre :
L’une des principales causes de la régression des vergers (dans l’ouest notamment) est l’abandon du
pâturage au profit de l’ensilage de maïs. Donc chaque hectare de pré-vergers se transforme en un
hectare de culture à forts intrants : traitements chimiques, fertilisation azotée, irrigation
éventuellement, … y compris énergétique (labour, semis, …).
Préserver les pré-vergers signifie maintenir des prairies naturelles, qui sont couramment des prairies
humides (pays de Bray, pays d’Auge, Lorraine…).
De même, les fruits issus des pré-vergers sont issus d’une agriculture très proche de la nature, voire
biologique. Les traitements chimiques sont inexistants (car impossible techniquement sur des grands
arbres) et se limitent à un passage à la bouillie bordelaise.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 189
Déplacer la production d’un kg de mirabelles vers un verger de basse tige se traduit par plus de 15
traitements (insecticides, fongicides, herbicides), des sols nus en hiver, etc.
Tableau 36 : Bilan comparatif des pré-vergers de haute tige et des vergers de basse tige
Pré-vergers de haute tige Vergers de basse tige
Domaine environnemental
milieu écologique riche (chouette chevêche,.) peu d'espèces animales et végétales
prairie : protection et conservation des sols sol cultivé, désherbé
grande diversité variétale (biodiversité) faible nombre de variétés utilisées
intérêt paysager peu de valeur esthétique (plantation en lignes)
conservation des arbres pendant plus de 50 ans et
jusqu'à 300 ans pour les poiriers
remplacement des arbres tous les 15 à 20 ans
Domaine économique
production mixte (fruit et élevage) spécialisation de la production (monoculture)
peu de taille d'entretien taille de fructification annuelle, pesticides
échelonnement dans la maturation des différentes
variétés
récolte concentrée sur une courte période
récolte possible seulement à partir de 10-15 ans
(investissement de départ important)
cueillette possible dès la troisième année après la
plantation
rendements variables d'une année à l'autre rendement plus élevé, moins d’alternance
bonne résistance aux maladies (variétés anciennes) plus forte sensibilité aux maladies
production de bois de qualité pas de production de bois
facilite la production fermière de qualité contrat avec des cidreries industrielles
Domaine technique
surface occupée importante (100 arbres/ha) surface occupée faible (1.000 arbres/ha)
récolte difficile (fruits de table) récolte rationalisée
fruits de qualité esthétique variable fruits standards (calibre, maturation, …)
protection phytosanitaire intégrée plus souple Obligation de suivre les itinéraires techniques
(traitements, tailles, …) : pas de souplesse
fruits garant d’un produit typique (composition
organoleptique complexe)
fruits plus acidulés, moins riches en tanins
(élaboration de produits cidricoles de base)
Légende : avantage ; inconvénient
4.3.2 Un patrimoine biologique arboré
Alors que les vergers modernes misent sur quelques clones de 10 variétés (4 variétés de pommes font
80 % de la production nationale), les pré-vergers recèlent une biodiversité des milliers deux fois plus riche.
Or, cette sélection récente dans les vergers spécialisés, si elle simplifie les travaux culturaux
(taille, récolte, …), pose des problèmes techniques.
En Lorraine, les vergers composés maintenant de 2 à 3 clones de mirabelles de Nancy fournissent des
productions très concentrées dans le temps (2 à 3 semaines), source de surcharge de travail pour des
producteurs qui sont quasi-exclusivement des éleveurs. Aussi, les organismes de recherche et de
développement lorrains, s’intéressent à nouveaux aux vieux vergers de haute tige afin de trouver de
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 190
nouveaux clones qui permettraient d’élargir les périodes de production pour les mirabelles et les quetsches.
Sans parler de l’intérêt, de diversifier les clones afin d’améliorer la pollinisation mais aussi de résoudre les
résistances des ravageurs et des maladies qui apparaissent progressivement dans ces vergers monoclonaux.
On voit ainsi, que la sélection de ces 20 dernières années menée à outrance en faisant fît du travail de
sélection des générations de paysans, fait ressurgir de nouveaux problèmes dont la solution est encore au
cœur de nos vergers traditionnels.
Nous héritons, de ce long et patient travail de sélection, qui est aujourd’hui largement menacée.
Le pré-verger est la seule structure agricole à même de conserver ce patrimoine.
4.3.3 Prendre en compte les enjeux environnementaux : agriculture durable
4.3.3.1 Arbres et gel des terres
Dans le cadre de la politique européenne de contrôle de la production agricole, l’Union Européenne impose
un taux de gel des terres SCOP de l’ordre de 10%. Intégrer des bandes enherbées dans le système de culture
est actuellement encouragé par l’Union européenne. On pourrait concevoir également un boisement de ces
bandes. Outre les avantages décrits dans ce rapport sur l’introduction des arbres en milieu agricole, cette
option permet à l’Union de réaliser des économies conséquentes en terme de soutien à l’agriculture puisque
l’on supprime la prime gel en la remplaçant par la prime boisement. De plus, il n’y a pas incompatibilité
entre un soutien à un secteur déficitaire (le bois précieux) et la mise en place d’une politique extensive (gel
des terres).
4.3.3.2 Agroforesterie et accords de Kyoto
10% de la SAU française pourrait être convertie en systèmes agroforestiers modernes dans le cadre d’une
politique volontariste de diversification des exploitations et d’incitation à des pratiques plus respectueuses de
l’environnement (soit 3 millions d’hectares). Plusieurs études ont en effet montré que l’optimum économique
pour une exploitation agricole se situe entre 10 et 20% de sa SAU progressivement convertie en
agroforesterie (Dupraz et al, 1996). Cette conversion agroforestière peut être étalée sur environ 40 ans, ce qui
correspondrait à des plantations annuelles de 75.000 ha.
A terme, cela représente une production soutenue de 100.000 m3 de bois de très haute qualité par an
(hypothèse prudente d’un accroissement sur pied dans les billes de pied de 2 m3/ha/an). Un tel programme
permettrait également à la France de remplir une partie des engagements de Kyoto sur la fixation du carbone,
sans perdre de terres cultivables.
4.4 AGROFORESTERIE ET POLITIQUE DE QUALIFICATION
Pour les collectivités locales ou territoriales, les pré-vergers représentent une identité paysagère forte, sur
laquelle il convient de s’appuyer pour développer les activités touristiques (tourismes vert ou rural) mais
également économiques (diversification agricole, développement de produits de terroirs…). Certains
producteurs sont d’ailleurs convaincus de l’atout que constitue ces vergers. Ils permettent d’identifier
clairement un produit et un terroir, ce qui répond à la demande de plus en plus forte des consommateurs.
4.4.1 démarche de qualification des produits : AOC, Label, IGP, …
En Normandie, des actions pionnières de valorisation de produits spécifiques (calvados, poiré, cidre…) sont
engagées depuis quelques années. Certaines reposent sur la mise en place d'un cahier des charges AOC qui
précise explicitement que les produits doivent être issus de pré-vergers. La valorisation des vergers de haute
tige repose sur une filière courte, dans laquelle l’agriculteur récolte et transforme les fruits sur l’exploitation.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 191
Éventuellement, les fruits peuvent être transformés dans un atelier proche. Il s’agit donc d’une économie
locale à l’échelle du territoire, favorable aux démarches de diversification agricole.
D’ailleurs, on constate que les pré-vergers peuvent bénéficier aux autres produits agricoles ; leur image
porteuse est par exemple largement utilisée sur les bouteilles de lait.
Les organisations professionnelles agricoles viennent de témoigner de l’intérêt qu’elles éprouvent pour la
reconnaissance et le développement de ces systèmes de production intégrés, en déposant un mémorandum
agroforestier auprès des services du ministère de l'Agriculture (décembre 1999).
Tableau 37 : produits et labellisation des systèmes agroforestiers
Espèces Produits Label Produits dérivés
Pommier, poirier Fruit à couteau, cidre,
jus de fruit, alcool
AOC, bio Pâtisserie, confiture, fruits au sirop
Amandier Amande verte, amande
sèche
Nougat, calisson d’Aix
Olivier Olive fraîche, huile
d’olive
5 AOC Tapenade
Chêne vert en dehesas Porc de plein air Label espagnol Liqueur de glands, jambon
Châtaignier Châtaigne fraiche AOC (Ardèche) Bière corse, farine, marron glacée,
liqueur, confiture, fruits séchés, pâté
végétal, crème…
Noyer noix AOC, bio Gâteaux, huile, vin de noix,
4.4.2 Démarche de qualification des paysages
L’analyse des sites, a permis de mettre en évidence la cohérence au niveau de l’exploitation agricole entre les
parcelles agroforestières (même si elles représentent une faible part de la SAU), et la diversification. Qu’il
s’agissent des pré-vergers, des châtaigneraies ou des associations arbres/cultures, elles sont porteuse d’une
image très forte qui offre des opportunités en terme d’accueil à la ferme.
Les parcelles agroforestières sont alors ressenties par le visiteur comme un gage de qualité (paysagère avant
tout, mais aussi sensibilité à la dimension environnementale) qui est particulièrement efficace pour le
développement des ateliers de vente directe.
Indirectement, l’agroforesterie favorise l’essor du tourisme vert… et l’intégration des filière bois.
Elle s’inscrit dans des volontés de diversification des agriculteurs (atelier transformation, vente directe,
accueil à la ferme…). Elle concourt ainsi à optimiser les productions de la ferme (valeur ajoutée) et donc à
maintenir ou à développer des exploitations de tailles modestes.
Les pratiques sylvo-pastorales, notamment dans les châtaigniers fruitières (cf. Ardèche) ou en zone de
montagne (Isère, Pays basque), mettent en évidence leurs enjeux de territoire auxquelles elles répondent :
maintien de paysages ouverts (forestiers ou agricoles), création de pare-feu, entretien des sous bois,
production de bois (passage du taillis à la futaie ou au taillis sous futaie), création de chemins de parcours
(pouvant être utiliser par les promeneurs), …
Ces activités agroforestières, à la limite de l’agriculture et de la gestion forestière, peuvent contribuer à
dynamiser les actions de développement local (accueil de nouvelles populations, création d’emploi dans les
filières fruitières et forestières, maintien d’une population rural et agricole…).
Dans les territoires à forts handicaps naturels, ces pratiques sylvo-pastorales se sont mises en place
« naturellement », et aujourd’hui encore, elle permettent de conforter des exploitations agricoles comme en
Ardèche, grâce à la diversification (production de fruit). Relancer ces pratiques agroforestières permet aussi
de reconquérir des espaces abandonnés, et représente un enjeu important pour les agriculteurs (éleveurs) qui
ne disposent pas suffisamment de parcours.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 192
En Ardèche, par exemple, une centaine de jeunes agriculteurs (fils d’agriculteurs ou néo-ruraux) ont pu
s’installer depuis 15 ans grâce à la réouverture de ces espaces agroforestiers. Cette volonté est d’ailleurs
affichée par les collectivités territoriales elles mêmes (« Ardèche, terre d’accueil »), et les services agricoles,
qui souhaitent développer une agriculture dynamique sur la base de pratiques traditionnelles, mais en
donnant toutes les chances de réussite à ces projets individuels (réorganisation foncière, restauration des
espaces, …).
On notera aussi que ces systèmes agricoles agroforestiers ou sylvo-pastoraux sont très peu aidés (pas d’aides
sur la filière châtaigne, peu d’aides pour les éleveurs en ovins, …). Il s’agit donc de projets relativement
autonomes, et donc moins sensibles aux changements d’orientation agricole.
4.5 CONCLUSIONS
La plupart des pratiques agroforestières enquêtées sont ancestrales. Ancrées dans les traditions, elles se sont
adaptées aux différents contextes de l’agriculture, y compris la politique agricole commune actuelle.
L’agroforesterie moderne ne manque pas d’arguments pour être reconnue universellement. On observe même
un regain d’intérêt pour les sites expérimentaux de la part des agriculteurs, des collectivités locales
impliquées dans des démarches environnementales ou de certains acteurs forestiers.
Mais les pratiques agroforestières se heurtent à de nombreux obstacles d’ordre administratif et politique. Les
productions associées peinent à s’intégrer dans des politiques agricoles pensées pour une production par
parcelle.
L’interaction entre deux cultures, prairie/culture avec arbre, complique la tâche des chercheurs et des
techniciens professionnels. Il est plus facile de développer une culture pure qu’une culture associée.
La pratique agroforestière traditionnelle échappe très souvent aux normes de l’agriculture tournée sur
l’intensification des pratiques. Les projets correspondent à des objectifs technico-économiques ou sociaux
bien précis qui mériteraient d’être mieux compris et appuyés dans leur démarche. Tout en étant hors normes,
ces projets peuvent présenter une rentabilité économique remarquable. Enfin, les motivations des planteurs
ne correspondent pas toujours à des normes économiques : les aspects environnementaux et culturels sont
des paramètres forts au moment de la décision d’opter pour le projet agroforestier.
La gestion des exploitations agroforestières correspond à une gestion d’exploitation orientée vers la
diversification de ses revenus et placement. La gestion agronomique se caractérise sur le long et moyen
terme. L’aspect environnemental y trouve une place essentielle. Le sol retrouve sa valeur de capital de
production à maintenir. La présence de l’arbre agricole améliore la fertilité et maintient le potentiel de
production agricole.
Un des principaux problèmes actuellement pour relancer le verger de haute tige est la durée qui s’écoule
avant le démarrage de la récolte des fruits (généralement plus de 10 ans). Il est donc important de maintenir
et restaurer les vergers existants pour opérer un renouvellement étalé dans le temps et conserver un
patrimoine génétique essentiel. C’est à partir de ce moment là que se justifient les pratiques agroforestières :
les cultures intercalaires comme l’élevage sous les arbres amortit largement le temps d’attente d’entrée en
production. De plus, les agriculteurs savent tirer profit des interactions entre cultures/élevage et la culture
des fruitiers. Il s’agit bien d’une association active et non d’une simple superposition spatiale de productions.
Il faut donc permettre ces pratiques sans forcément avoir recours à des subventions qui couvriraient le
manque à gagner à cause d’une entrée en production tardive. Une exploitation agroforestière bien gérée
intégrant la production de bois d’œuvre peut se révéler être une exploitation autonome vis à vis des
subventions publiques.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 193
Les critiques formulées contre les pratiques agroforestières concernent souvent la qualité des produits. Or
que ce soit dans la production de cidre, de calvados, ou de noix, les exploitations agroforestières rencontrées
prouvent que cette affirmation n’est pas toujours fondée. Une confusion consiste à comparer l’exploitation
agroforestière comme une exploitation non gérée, laissée à l’abandon. L’agroforestier performant se révèle
être au contraire un agriculteur performant d’une grande technicité.
L’ensemble des sites étudiés met en relief le manque de validation de données essentielles sur la valeur de
l’arbre en milieu agricole. Face aux enjeux de l’agriculture moderne, l’agroforesterie ne manque pas
d’arguments. Souvent issus d’observations à partir des haies, les avantages environnementaux de l’arbre
agricole doivent être expérimentés sur des parcelles agroforestières afin de rendre cohérent le discours
agroforestier vis à vis de la profession agricole et du reste de la société.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 194
Tableau 38 : points forts et faiblesses des systèmes agroforestiers
Points forts Points faibles
Pré-vergers
Actions d’entretien (rajeunissement en Pays d’Auge) et
replantation
Manque de soutien financier par rapport aux
vergers spécialisée
Qualité supérieure des fruits transformés (cidre, calvados)
pour les AOC et labels
Temps d’attente avant la mise en production
Mise en place d’AOC (soutien de l’INAO pour les
produits typiques)
Baisse des prix des fruits achetés aux producteurs
Soutien financier, CTE Faible soutien PAC à la prairie permanente
Dynamisme local : PNR, Départements, Régions Peu d’études économiques, agronomiques
paysagères
Démarche des consommateurs (produits typés, bio,
demande sociale pour la préservation de l’environnement
et des paysages)
Peu ou pas d’expérimentation
Création de valeur ajoutée (production fermière) dans un
contexte de limitation des productions et de baisse des
prix
Pas d’approche système (place du prés verger dans
le système de production, et sous-produits : bois,
miel, alcool…)
Manque de reconnaissance du milieu professionnel
Cultures intercalaires
Marge brute intercalaire intéressante Retard dans la mise en production des fruitiers
Optimisation des charges de structure globales Travail délicat pour éviter les blessures aux
arbres : travail du sol et récolte surtout
Optimisation du temps de travail global Temps de travaux intercalaires plus important.
Charges supplémentaires.
Rentabilité à long terme sur la parcelle Concurrence pour l’eau et l’azote entre arbre et
culture
Les cultures se substituent à l’entretien en plein de la
plantation
Les cultures tardives peuvent gêner la récolte des
fruits
Rendement supérieur dans certains cas Présence d’enherbement au pied des arbres à
contrôler.
Qualité supérieur de la culture intercalaire (à vérifier) Rendement aléatoire sous le houppier des arbres
Caractère agricole de la parcelle avec une fonction
productive
Condition d’accès à la parcelle rendue plus
délicate
Paysage particulier de la parcelle agroforestière qui ne
ferme pas l’horizon
Difficulté de reconnaissance vis à vis de
l’administration
Fonction d’assurance de la culture intercalaire La présence de cultures compromet l’exonération
trentenaire de l’impôt foncier
Autoconsommation des produits intercalaires Cahier des charges des organisations agricoles
visant à freiner la pratique de la culture
intercalaire.
Contrat social de la parcelle agroforestière entre le
fermier et le propriétaire
suite TSVP
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 195
Points forts Points faibles
Sylvo-pastoralisme (châtaigneraie fruitière)
Restauration des vergers traditionnels Vieillissement du patrimoine, maladies
Installation de jeunes dans un projet agricole avec
filière, emplois possibles dans l’élagage
Traditionnellement et économiquement, peu
d’embauche de main d’œuvre salariale
Population agricole motivée par la préservation des
paysages et des espaces naturels
Manque de continuité dans les actions qui
apparaissent trop ponctuelles et trop localisées
Complémentarité élevage-fruit-bois Valorisation difficile hors démarche qualité
Récolte : revenu pour une population rurale fragile Modernisation de la récolte, travail peu valorisant
Projets territoriaux adaptés au milieu et aux objectifs
non agricoles
Morcellement du foncier, difficulté d’obtenir la
maîtrise du foncier
Arbres agricoles
Meilleure infiltration de l’eau par la présence des arbres Risques phytosanitaires sur les arbres en cas
d’irrigation de la culture dus à l’humidité (noyer)
Contrôle de l’érosion Production fruitière inférieure en comparaison
avec un verger intensif
Filtrage des nitrates et des intrants lessivés Arrachement de racines superficielles à contrôler
Ecran des arbres contre les pollutions aériennes Risque d’atteinte des arbres par les pesticides des
cultures
Qualité gustative du fruit Qualité sanitaire des fruits plus difficile à obtenir
Meilleure croissance de l’arbre Protection indispensable des arbres
Meilleur taux de reprise de la plantation Difficulté de reconnaissance administrative des
boisements en présence de cultures
La présence de culture induit des visites continues de la
parcelle
Cahier des charges forestiers ne favorisant pas la
plantation des fruitiers double fin.
Meilleure protection contre le feu
Impact paysager et faunistique
Réversibilité de l’option agroforestière
Plus value sur le bois d’œuvre
La culture favorise l’enracinement des arbres
Points communs
Gestion technico-économique équilibrée de
l’exploitation
Peu d’appui de la part des organismes
professionnels spécialisés
Marque paysagère et touristique reconnue par la société La réussite de la parcelle agroforestière est le
résultat d’une technicité élevée
Atouts environnementaux certains… … mais à valider (et à faire reconnaître) !
Qualité de produit intéressante (fruit ou culture
intercalaire)…
… mais qui demande également à être validé !
Le bois intervient comme une production
supplémentaire dans un système de diversification
Les systèmes agroforestiers manquent de
reconnaissance administrative qui freine leur
développement
Les systèmes agroforestiers interviennent pour réguler
des productions excédentaires (ex des pommes avec
prime à l’arrachage ou ex de la grande culture avec
prime à la surface gelée)
Recherche intimidée par une approche système
difficile à gérer dans l’espace et le temps
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 196
5 POUR UN PROGRAMME DE DEVELOPPEMENT DE
L’AGROSYLVICULTURE
5.1 PROPOSITIONS D’ORDRE REGLEMENTAIRE
5.1.1 Proposition d’un statut pour les parcelles agroforestières
Notre proposition, est de considérer la parcelle agroforestière comme une parcelle agricole à part entière.
L’arbre, associé à des cultures, qu’il soit à vocation fruitière, double fin ou forestière, est inclus dans la
gestion agricole de la parcelle. L’arbre agricole fait partie intégrante de l’exploitation agricole.
5.1.1.1 Cadastre et impôt foncier :
Au cadastre, la parcelle agroforestière, garde son statut agricole tant que les arbres sont associés avec des
cultures ou de la prairie. Il reste à définir localement sa valeur, selon certaines modalités (double fin, densité
des arbres) à l’exemple de ce qui se fait dans le Dauphiné. Une étude plus fine de ces pratiques, serait
nécessaire pour proposer des modes de calcul à l’échelle nationale. Il existe généralement 4 classes de
noyeraies. Si un verger vient à être modifié (tempête, coupe rase), certaines communes réévaluent la parcelle
qui peut être alors divisée en deux parties, culture et noyers. Elles peuvent tenir compte également de la
densité des arbres : une parcelle plantée en 10 x 10 m est comptée comme verger à 100% tandis qu’à 20 x 10
m, elle est comptée à 50 % comme verger et 50 % comme grande culture.
Il n’existe pas de classe cadastrale « vergers à bois ». Il conviendrait d’en étudier la possibilité.
5.1.1.2 Réduire ou supprimer l’impôt foncier sur les parcelles agroforestières
Il est aussi possible, de diminuer, voire supprimer l’impôt foncier sur les surfaces en agroforesterie. Certes,
les montants en jeu pour l’agriculteur sont faibles, mais il s’agit des mesures incitatives d’ordre
psychologique. Cette décision relève du conseil municipal, et à été mise en œuvre sur certaines communes de
Normandie.
L’Etat, pourrait compenser, au moins partiellement, la perte de revenu pour la commune.
5.1.2 Financement des projets agroforestiers
5.1.2.1 CTE : des aides à la plantation, l’entretien et la restauration des systèmes agroforestiers
À partir du moment, où l’arbre devient agricole, on peut concevoir une subvention sur des fonds agricoles
tels que les CTE à l’image des mesures pour la plantation et l’entretien des alignements d’arbres.
Il ne s’agit pas d’écarter pour autant l’option forestière, à condition que celle-ci permette de conserver le
statut agricole de la parcelle agroforestière.
Une mesure CTE « arbres espacés », est donc proposée pour compléter l’action 5 : « Implanter des éléments
fixes du paysage ». Cette action comporte des mesures d’encouragement à la plantation et à l’entretien de
haies, d’alignements d’arbres, d’arbres isolés, de bosquets. (voir annexe 8)
La mesure plantation d’« arbres espacés » sera présentée par la D.E.P.S.E. à la commission européenne lors
de la prochaine révision du P.D.R.N.
5.1.2.2 Le soutien aux cultures intercalaires
Le Journal Officiel du 3 juillet 2000, a clairement établi la légitimité de l’attribution des primes PAC aux
cultures intercalaires en agroforesterie, levant ainsi le principal frein qui limitait leur diffusion en milieu
cultivé, et ouvrant des pistes pour leur meilleure prise en compte en milieu pâturé. Néanmoins, la circulaire
DPEI/SPM relative au paiement des aides à la surface interdit encore le bénéfice de ces aides aux parcelles
nouvellement plantées. Une proposition de modification est en cours, visant à accorder, à partir de 2001, les
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 197
aides aux surfaces réellement cultivées sur les parcelles nouvellement plantées lorsque l’espacement entre les
arbres est suffisant pour garantir l’orientation agricole des surfaces (10 m entre les lignes d’arbres).
Si cette réforme est acceptée, il n’existera plus aucun obstacle pour faire reconnaître l’éligibilité des cultures
intercalaires.
5.2 POURSUITE OU MISE EN ŒUVRE DE TRAVAUX D’ETUDE
5.2.1 Les pistes de travail à développer
Les régions agroforestières traditionnelles, par leur pratique de la culture intercalaire ou du pré-verger,
offrent une mine de données à analyser afin de conforter et défendre les acquis locaux. Ces expériences
peuvent servir de point d’appuis pour l’ensemble des projets actuels associant cultures et arbres.
5.2.1.1 Statut des parcelles agroforestières
Une étude sur l’ensemble des cantons permettrait de comprendre comment les arbres sont considérés d’un
point de vue fiscal. Quels sont les particularités au cadastre et les problèmes rencontrés ? Cette étude devra
être menée en parallèle avec des enquêtes chez les agriculteurs qui cultivent sous des arbres jeunes ou
adultes afin de connaître les répercussions sur leurs déclarations fiscales. L’objectif est d’enrichir le débat
national sur le statut des parcelles agroforestières et d’apporter des définitions claires applicables dans tous
les départements.
5.2.1.2 Relation arbre / culture
Si quelques études approfondies ont été réalisées sur les effets agronomiques des haies brise-vent, il existe en
revanche peu de données sur les systèmes agroforestiers âgés en France.
L’impact des arbres sera spécialement étudié par rapport à leur influence sur le contrôle des nitrates, sur
l’érosion, le maintien de l’activité biologique des sols, et sur la biodiversité à l’échelle de la parcelle et de la
région.
Rôle sur la qualité de l’eau et des sols
A l’échelle de l’exploitation, il convient d’intégrer l’arbre dans la gestion technique du potentiel agricole des
sols. Ainsi dans les programmes de contrôle des intrants (Ferti-mieux) et des déjections animales
(programme de mise aux normes).
La présence d’arbres en milieu cultivé ou pâturé doit être intégré dans les calculs de bilan azotés. Les
résultats des recherches sur la relation arbre/nitrate permettra d’établir un coefficient de bonification dans les
calculs d’épandage.
5.2.1.3 Revenu des parcelles agroforestières
Sur des exploitations où l’on observe des cultures sous noyers adultes, une approche économique parcellaire
permettra de calculer le revenu dégagé et de mesurer ainsi l’efficacité de l’association agroforestière en la
comparant avec d’autres systèmes (verger intensif, plantations forestières et cultures annuelles). Il sera tenu
compte de la trésorerie mais également de la valeur patrimoniale des arbres.
5.2.1.4 Analyse des impacts techniques de gestion liés à la présence des arbres
Des études doivent être menées pour apprécier les avantages et inconvénients de la présence des arbres en
milieu cultivé ou pâturé.
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 198
On pourra notamment évaluer sur le temps de travail supplémentaire passé sur la culture intercalaire. Un
deuxième volet sera d’apprécier le temps global passé sur la parcelle et mesurer ainsi l’efficacité de
l’association en la comparant avec des systèmes en culture pure.
Il est tout aussi intéressant d’analyser comment les agriculteurs gèrent les prairies plantées, particulièrement
quand il y a pâturage, et d’étudier comment les parcelles agroforestières s’inscrive dans le système global de
l’exploitation : quels sont les impacts de la présence de parcelles plantées sur les parcelles nues, en terme
technique, mais aussi socio-économique ?
5.2.1.5 Analyse de la filière bois
En quoi, un programme de fruitiers de haute tige (châtaigniers, noyers…) ambitieux peut répondre aux
besoins de la filière. Cet type d’étude pourrait être réalisé en collaboration avec l’ADEYG de Grenoble ou
des régions comme Rhône-Alpes ou Languedoc-Roussillon.
5.2.1.6 Aménagement des paysages périurbains par des plantations agroforestières
Etude réalisée en partenariat avec l’ADEYG de Grenoble et l’ADASEA de Cahors. Il sera tenu compte des
études réalisées sur les arbres remarquables et sur les vergers conservatoires afin de mettre en place un
programme de repeuplement à partir de variétés particulières.
5.2.1.7 Arbre agricole : indicateur environnemental d’une agriculture durable
Les structures arborées champêtres doivent être reconnues comme un indicateur pertinent d’un système
agricole respectueux de l’environnement. L’indicateur généralement utilisé est la surface occupée au
houppier par rapport à la SAU.
En effet, les structures arborées amènent de nombreuses aménités tant pour le système d’exploitation que
pour la gestion de l’espace et la société en général.
L’arbre champêtre est déjà reconnu comme un indicateur agri-environnemental par la Suisse au travers de la
surface qu’il occupe dans l’exploitation. Sa présence génère dans de nombreux pays la possibilité d’accéder
aux aides agri-environnementales . La gestion, la restauration ou l’implantation d’arbres champêtres sont
reconnues comme des actions allant au delà des bonnes pratiques agricoles et donc à ce titre peuvent recevoir
un soutien. Plusieurs centaines de millions de francs par an sont déjà consacrés à cet effet en Europe.
Les diagnostics agri-environnementaux intègrent généralement (par exemple le diagnostic « Dialecte »),
comme indicateur, la surface occupée par les éléments naturels (« éléments constitutifs du paysage » ou
« surfaces de compensation écologique ») qui comprennent les arbres champêtres.
Les arbres champêtres, au même titre que l’ensemble des éléments naturels , peuvent constituer un véritable
enjeu concernant la légitimité des aides à l’agriculture dans le cadre des négociations de l’OMC. L’OCDE,
tout comme la Commission européenne, cherche à définir actuellement des indicateurs agri-
environnementaux notamment dans les domaines de la biodiversité et du paysage. L’arbre champêtre
intervient aussi directement dans la protection des ressources en eau et du sol. Par la fixation du carbone
qu’il génère il est, tout comme les arbres forestiers, directement concerné par les accords de Kyoto sur la
réduction des gaz à effet de serre.
La présence d’arbres champêtres dans une exploitation agricole (la surface qu’ils occupent), éventuellement
pondérée par leur mode de gestion, doit être reconnue comme un indicateur d’une agriculture durable.
5.3 ORGANISER UN RESEAU AGROFORESTIER NATIONAL ET UN RESEAU DE DEMONSTRATION
5.3.1 Pour une agroforesterie active
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 199
Il convient d’appuyer les initiatives locales en les fédérant dans un réseau national qui permettrait de
regrouper l’ensemble des acteurs agroforestiers :
organismes scientifiques
organismes de développement
agriculteurs et éleveurs
propriétaires privés
syndicats agricoles et forestiers
collectivités et associations
particuliers
L’objectif est d’élaborer un réseau de promotion et de défense des systèmes agroforestiers, traditionnels ou
modernes. La mise en commun des travaux et d’informations donnerait lieu à une méthodologie applicable
sur le terrain. Ainsi, chacun des projets mis en œuvre localement pourrait s’appuyer sur les expériences des
autres groupes. Ce réseau servirait d’échos aux résultats de la recherche et permettrait une diffusion rapide
de l’information aux agroforestiers, techniciens du développement ou agents administratifs.
5.3.2 Créer un réseau de démonstration
Le PDR prévoit un ‘Volet démonstration’ dans lequel il est possible de mettre en place un réseau national de
référence sur les divers systèmes agroforestiers.
A compléter par Philippe
5.4 PUBLICATION ET DIFFUSION D’INFORMATIONS
La plupart des systèmes agroforestiers actuels sont menacés par méconnaissance, par manque de clarté des
règlements ou par volonté de spécialiser les producteurs. Développer les systèmes agrodorestier implique
une meilleure valorisation des acquis scientifiques et techniques qui démontrent les avantages de la présence
des arbres agricoles.
Un programme de formation à l’échelle nationale pourra être mis en œuvre afin de toucher le plus grand
nombre de techniciens :
Sensibilisation des Chambres d’Agriculture en partenariat avec l’APCA
Formation des techniciens forestiers du CRPF et des DDAF
Formation des techniciens de développement : syndicats de communes, ADASEA, opérations
locales,…
Information aux organismes de filière : coopératives, syndicats, entreprise
Outils à prévoir :
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 200
Appuis aux expériences nouvelles réalisées à grande échelle
Diffuser les informations réglementaires aux acteurs agroforestiers
Rédaction d’un manuel agroforestier de diffusion nationale
Il permettra de former les techniciens forestiers et agricoles à la mise en place et au suivi des projets
agroforestiers. Les personnes désirant planter des arbres en milieu cultivé y trouveraient un canevas
pour les accompagner tout au long de leur projet.
Enfin, les agriculteurs fermiers impliqués directement dans des projets agroforestiers y trouveraient les
réponses aux questions qu’ils pourraient se poser sur la pratique des cultures intercalaires et les
conséquences pour leur exploitation.
On peut imaginer d’accompagner ce manuel d’un support multimédia (vidéo, cd-rom,
DVD).
Pratiques agroforestières associant des arbres fruitiers de haute tige à des cultures ou pâtures - Solagro-INRA - page 201
BIBLIOGRAPHIE
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