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Chapitre 3 FBJYD

Date post: 03-Feb-2023
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49 CHAPITRE 3 La renaissance de la vente directe de produits alimentaires frais. Une étude sémiotique exploratoire des représentations des consommateurs fidèles à ce format François BOBRIE Jean-Yves DUYCK François BOBRIE, Professeur Associé à l’IAE de Poitiers, directeur du CEPE. Jean-Yves DUYCK, Professeur à l’Université de La Rochelle et Professeur invité à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (Liban) Résumé Cette recherche s’intéresse à la « renaissance » de la vente directe de produits alimentaires frais et aux discours thématiques de ses multiples acteurs, au-delà de l’essor de ce format de commerce encore économiquement modeste. A partir d’une analyse sémiotique d’un corpus documentaire et de onze entretiens de contrôle réalisés en Poitou-Charentes et Maine et Loire, l’objectif de cet article vise avant tout à expliquer et comprendre un imaginaire de consommateurs qui y recourent ponctuellement ou régulièrement, selon des motivations ancrées dans des systèmes de représentations sociétales beaucoup plus généraux concernant l’accès aux biens de consommation. L’analyse sémiotique figurative, thématique, actantielle et modale permet de dégager un récit « type » qui met en discours quatre pôles de valeurs : a) existentielles (vie saine, engagement dans la société, satisfactions non marchandes) ; b) fonctionnelles (approvisionnement fiable et pratique ; c) expérientielles (satisfactions poly sensorielles) ; d) accès (rapport qualité- prix). L’intérêt managérial des résultats obtenus est double : pour les producteurs et leurs organisations, renforcer les discours d’alliance avec les consommateurs ; pour les distributeurs (enseignes), concevoir des politiques commerciales et des stratégies de communication compatibles avec les valeurs de ces récits qui sont partagées bien au-delà des clientèles de la vente directe. Epreuves Auteurs - Ne pas diffuser - Copyright MPE
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CHAPITRE 3

La renaissance de la vente directe de produits alimentaires frais.

Une étude sémiotique exploratoire des représentations des consommateurs

fidèles à ce format

François BOBRIEJean-Yves DUYCK

François BOBRIE, Professeur Associé à l’IAE de Poitiers, directeur du CEPE.

Jean-Yves DUYCK, Professeur à l’Université de La Rochelle et Professeur invité à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (Liban)

RésuméCette recherche s’intéresse à la « renaissance » de la vente directe de produits alimentaires frais et aux discours thématiques de ses multiples acteurs, au-delà de l’essor de ce format de commerce encore économiquement modeste. A partir d’une analyse sémiotique d’un corpus documentaire et de onze entretiens de contrôle réalisés en Poitou-Charentes et Maine et Loire, l’objectif de cet article vise avant tout à expliquer et comprendre un imaginaire de consommateurs qui y recourent ponctuellement ou régulièrement, selon des motivations ancrées dans des systèmes de représentations sociétales beaucoup plus généraux concernant l’accès aux biens de consommation. L’analyse sémiotique figurative, thématique, actantielle et modale permet de dégager un récit « type » qui met en discours quatre pôles de valeurs : a) existentielles (vie saine, engagement dans la société, satisfactions non marchandes) ; b) fonctionnelles (approvisionnement fiable et pratique ; c) expérientielles (satisfactions poly sensorielles) ; d) accès (rapport qualité-prix). L’intérêt managérial des résultats obtenus est double : pour les producteurs et leurs organisations, renforcer les discours d’alliance avec les consommateurs ; pour les distributeurs (enseignes), concevoir des politiques commerciales et des stratégies de communication compatibles avec les valeurs de ces récits qui sont partagées bien au-delà des clientèles de la vente directe.

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AbstractThis paper aims to understand the reasons for the increase in France in sales of fresh food products for family consumption, direct from the producers themselves . This research based on a qualitative survey carried out in the West-Central region of France (Poitou-Charentes, Maine et Loire), focuses on the representations which are driving the consumers to return to a supply method that appeared which to be in decline during the 20th century. The corpus of information gathered includes semi structured interviews with regular consumers of such products, and has enabled us to identify a limited number of recurrent themes. These themes are thus analyzed within the framework of narrative semiotic theory and they highlight the presence of a “typical narrative”. The common narrative scheme underlying the diversity of specific narratives unveiled fundamental values that give greater meaning to the practices of those interviewed. The knowledge of these values provides a sound managerial tool for communication and consumer relationship management, both for the producers in their direct sales as well as for the large retailers with whom they are in competition.

Résumé managérialCe papier est une recherche sur les causes de la progression en France de la vente directe par les producteurs des produits alimentaires frais pour la consommation familiale. Il étudie les représentations qui poussent les consommateurs à re-fréquenter un mode de distribution qui semblait disparaître au XXe siècle, sous la poussée de la révolution du commerce moderne, notamment du développement des super et hypermarchés. Pourtant, depuis le début du XXIe siècle on observe un regain de ce commerce local sous différentes formes : marchés temporaires, ponctuels ou réguliers, de producteurs de « pays », ventes « à la ferme », cueillettes sur champs, stands « de plein vent » dans les zones touristiques et le long des routes. En plus, à partir de 2001, on observe le déve-loppement du mouvement des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), reposant sur le concept du colis de produits frais, livré avec régularité à prix fixe à un foyer consommateur, toute l’année. Un corpus formé par les récits d’expériences et de choix de ces diverses formes de ventes a été constitué à partir d’entretiens semi-directifs de consommateurs réguliers engagés dans ce processus depuis plus de trois ans, dans le Centre-Ouest. Il permet d’identifier un nombre limité de thèmes récurrents, bien qu’évoqués avec une intensité variable selon chaque interview. Certains de ces thèmes confirment de nombreuses études antérieures, effectuées dans d’autres régions françaises. Il s’agit de la recherche : (1) de plus de goûts et de plaisirs sensoriels ; (2) d’une meilleure sécurité alimentaire ; (3) de plus de convivialité dans l’échange ; (4) d’affirmer un mode de vie plus responsable et même plus militant. Deux autres thèmes sont apparus de façon plus originale : en mode mineur, (5) la nostalgie du commerce des époques passées et, en mode majeur, (6) la recherche d’un meilleur rapport qualité-prix, incluant la notion de « non-gaspillage », par opposition à la représentation de quantités superflues, achetées dans les points de ventes en libre service de la distribution. Puis ces représentations ont été étudiées dans le cadre de la théorie de la sémiotique narrative. Elles mettent en évidence l’existence d’un « récit type ». Le schéma narratif commun sous-jacent à la diversité des récits particuliers permet d’identifier les valeurs fondamentales qui donnent sens aux pratiques des interviewés. Pour eux la vente directe est vécue comme un moyen de réconcilier une démarche utilitaire de consommateur

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individuel avec une démarche existentielle de citoyen ou simplement de personne consciente de son appartenance à une collectivité familiale et sociale au sens large. La vente directe n’apparaît plus seulement comme une transaction marchande mais comme une nouvelle alliance contractée avec le vendeur, dans laquelle la dimension marchande devient secondaire. Il s’agit en effet, pour les deux partenaires, d’échapper à la relation marchande pure qui est représentée par la distribution et l’industrie agro-alimentaire. Ces récits déploient une forte cohérence qui témoigne d’un désir de « ré-encastrement » de la relation marchande dans une forme de vie sociale plus englobante car orientée par d’autres enjeux que le seul accès à un bien alimentaire. La connaissance de ces valeurs est un outil puissant de management de la communication et de la relation client, tant pour les producteurs à l’origine de la vente directe que pour les acteurs de la distribution avec lesquels ils entrent en concurrence. En effet, pour ces derniers, seule la compréhension de la logique narrative des acteurs peut fournir les éléments d’une thématique renouvelée qui leur permettrait, éventuellement, de contredire ou de limiter les effets du schéma narratif « type » de la vente directe. Ils pourraient produire alors un contre récit, proposant ses propres modalités du « ré-encastrement » de la relation marchande dans le jeu plus vaste des relations sociales et culturelles.

1. Introduction1.1. Intérêt

La vente directe par les producteurs des produits alimentaires destinés à la consom-mation familiale a constitué (et demeure) le mode d’approvisionnement dominant des économies préindustrielles et en développement. Il perdura de façon massive dans la plupart des pays d’Europe occidentale jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, notamment pour le lait, les produits laitiers (Vatin, 1996), la charcuterie artisanale paysanne et les fruits et légumes. Puis il déclina régulièrement et rapidement tout au long de la seconde moitié du XXe siècle en Europe et dans les pays développés. En France la vente directe de produits alimentaires, à l’exception du vin, a quasiment disparu comme mode d’approvisionnement significatif à partir de la fin des années soixante, principalement sous la poussée du développement des supermarchés puis des hypermarchés, y compris dans les zones rurales. Pourtant cette forme d’accès aux produits alimentaires frais est aujourd’hui en plein renouveau.Depuis le début du XXIe siècle, et à l’image d’autres régions européennes, on observe dans l’ensemble du pays un développement régulier de cette forme de commerce local sous différentes formules : marchés temporaires, ponctuels ou réguliers, de producteurs de « pays », ventes « à la ferme », cueillettes sur champs, stands « de plein vent » dans les zones touristiques et le long des routes, points de vente collectifs de producteurs, vente des producteurs à partir de leurs propres sites marchands, etc. A partir de 2001, à l’image des tekei japonais, des Guildes Alimentaires suisses et des Community Sup-ported Agriculture (CSA) des Etats-Unis, va se développer le mouvement des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), reposant sur le concept d’un colisage prédéterminé de produits frais, « le panier », livré avec régularité à prix fixe à un foyer consommateur, toute l’année. (Amemiya, 2011). Cet article subsume sous le concept de « format de vente directe alimentaire » l’ensemble de ces différentes formules d’accès des consommateurs à l’offre des produits alimentaires frais.

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Cette évolution est à mettre en parallèle, voire en corrélation, avec une méfiance gran-dissante du public vis-à-vis des produits issus de l’agro-industrie. Ainsi, le journal l’Express, mi-juin 2012, titrait « Alimentation : comment l’industrie nous manipule »6 et y consacrait dix pages mettant en cause la « malbouffe » (publicité mensongère, additifs cancérigènes, etc.). Le 19 juin 2012, France 5 diffusait une enquête « les Alimenteurs » à une heure de grande écoute (20h30) et dénonçait elle aussi les hypocrisies de l’industrie alimentaire. Le 24 septembre 2012, la presse nationale, tous titres confondus, rapportait les résultats de tests in vivo effectués pendant deux ans sur des rats nourris aux OGM mettant en évidence les graves effets toxiques en termes de maladies chroniques et de cancers. Au premier semestre 2013, l’ensemble de l’Europe est secouée par la crise de la « fraude à la viande de cheval ». Ce mouvement de suspicion et de critique qui semble s’installer durablement dans l’opinion publique est de mieux en mieux relayé par les médias, voire pris en charge par le discours politique. Il constitue l’un des aspects de la « résistance » (Penaloza et Price, 1993 ; Kozinets et Handelman, 2004 ; Roux, 2005, 2007, 2009, 2012 ; Thomp-son et Coskuner-Balli, 2007 ; Dubuisson-Quellier, 2009) de nombreux segments de consommateurs, face au « pouvoir » constitué par les acteurs de l’offre marchande des biens de consommation, aussi bien les industriels du secteur agro-alimentaire que les grandes entreprises de la distribution.

1.2. ObjetCet article envisage l’hypothèse que la renaissance récente de la vente directe des produits alimentaires frais est l’une des formes de cette « résistance » par le choix d’un format commercial non conventionnel (Robert-Demontrond, 2010 ; Lanciano et Saleilles, 2011 ; Durand et Lanciano, 2012). Toutefois, l’absence de statistiques fiables et adaptées à la diversité des formules de la vente directe (Chiffoleau, 2011) ne permet pas de mesurer avec précision l’ampleur de ce phénomène à l’échelle d’observation d’un format commercial. Les institutions publiques ou privées telles l’INSEE pour les Comptes annuels du commerce7, ou les panels de distributeurs et de consommateurs des instituts professionnels ignorent encore un tel « format ». On notera également que le concept de format de vente directe de produits alimentaires recoupe mais ne se superpose pas entièrement à la définition juridique du « circuit court » établie par le Ministère de l’Agriculture en 2009, qui inclut des formules avec un intermédiaire entre le producteur et le client (consommateurs et clients professionnels de la restauration hors domicile et scolaire). Néanmoins, en collectant de nombreuses sources d’information provenant d’études partielles des organismes publics et des collectivités territoriales, des programmes de recherches qu’ils financent (tel le PSDR-LIPROCRO), des milieux professionnels et de leurs organisations collectives et consulaires, des observateurs économiques, (Moinet, 2002 ; Moevi, 2003 ; Mundler, 2006 ; Maréchal, 2008 ; Montet, 2008 ; Mundler et Audras, 2010 ; Chiffoleau, 2008, 2011), des médias, et des réseaux sociaux numériques, il apparaît que la progression de ces nouvelles formules d’appro-

6 L’Express, numéro 3180, 13-19 juin 2012, pp. 80-89 (non repris en bibliographie).7 L’Insee mentionne des « formes de commerce alimentaire hors magasin » qui englobent tout le commerce forain, la vente à distance, et les « autres formes ». Ces dernières représentent 1,3% des parts de marchés des produits alimentaires, en valeur en 2012, stables depuis 2009, mais sans nécessairement être limitées à la vente directe, ni aux seuls produits frais.

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visionnement est indéniable, tout en demeurant probablement sous la barre des 1% des parts de marchés en valeur des produits alimentaires en 2012 (y compris vins).De fait, l’objectif de cet article n’est pas de quantifier l’importance d’un format de distri-bution encore très modeste sur le plan macroéconomique. Il s’agit ici de comprendre un imaginaire de consommateurs qui y recourent ponctuellement ou régulièrement, selon des motivations qui semblent ancrées dans des systèmes de représentations sociétales beaucoup plus généraux concernant l’accès aux biens de consommation (Ferrando Y., Puig J. et Giamporcaro-Saunière, 2005 ; Robert-Demontrond, 2010 ; Dufeu et Ferrandi, 2012). L’ambition de cette recherche consiste à saisir d’un point de vue qualitatif sémio-tique les thèmes et valeurs avancés par ses clients, pour décrire leur implication, et non pas de prévoir le succès ou l’échec futur de la renaissance de ce format, et a fortiori, de telle ou telle de ses formules. Il s’agit de comprendre ce que ces consommateurs veulent dire quand ils parlent de « ventes directes de produits alimentaires (frais) » pour classer sous cette expression leurs expériences d’achats et de consommation, indépendamment des différentes formules de ventes directes fréquentées. L’objet de la recherche consiste à dégager un système de valeurs qui s’applique à la vente directe alimentaire mais dont les contenus de significations peuvent contribuer également à éclairer des pratiques plus vastes dites de « résistances » aux modèles dominants de commerce et de consommation marchande. Cette exploration sémantique vérifie s’il est possible d’identifier un « récit type », de nature intersubjective, qui puisse rendre compte à la fois des expériences réellement vécues par les clients effectifs de la vente directe alimentaire, mais aussi des représentations « typiques » qui sont susceptibles d’être partagées par un nombre beaucoup plus importants de consommateurs. Les retombées opérationnelles (entre autres managériales) attendues de ce programme concernent toutes les parties prenantes. En effet, une meilleure compréhension de ces thèmes et valeurs associés aux fréquentations de la vente directe alimentaire peut contribuer à modifier les stratégies managériales des acteurs, notamment celles des producteurs et de leurs relais institutionnels, mais aussi celles des entreprises du com-merce et de la distribution de produits alimentaires frais. Dans la mesure où le nouvel élan de la vente directe des produits alimentaires frais apparaît comme une offre qui correspond à une demande de consommation « alternative » provenant d’une partie, certes minime, de la population mais dont les représentations peuvent être partagées par le plus grand nombre, les entreprises du commerce doivent être en mesure de traiter et d’interpréter ce « signal faible » (Cahen, 2010).

1.3. Cadre théoriqueCe nouveau paradigme de relations marchandes dans le cadre d’un format très ancien qui semble ressusciter suscite, par la dynamique observable des discours qui le mentionne positivement, de nombreuses interrogations qui sont à l’origine de l’investigation expo-sée dans ce chapitre. En effet, les motivations de choix et d’achats des consommateurs sont habituellement décrites par les études académiques et professionnelles comme une expression de combinaisons optimales de prix, niveaux de qualités perçus et coûts des modes d’accès aux produits ; or, de façon paradoxale, la vente directe pourrait être analysée économiquement comme une offre de propositions plus chères que la moyenne, à la qualité aléatoire, difficiles d’accès, et in fine porteuses d’un risque accentué par la limitation des possibilités de choix au moment de l’achat. Comment un faisceau de caractéristiques qui a justifié le déclin puis le pronostic de la disparition inéluctable d’une forme marchande obsolète, et même au sens propre archaïque, se transforme-t-il

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aujourd’hui en facteurs du développement visible d’un nouveau format de distribution ? Comment désormais comprendre la nature et les performances de nouveaux avantages concurrentiels qui apparaissaient encore récemment comme autant de faiblesses ? La littérature tant en marketing qu’en sociologie économique demeure fragmentaire sur ce point et les réponses sont encore pour l’essentiel à construire. Il s’agit maintenant de reconstituer la sédimentation des représentations qui influencent les pratiques de ce type de transactions marchandes, tant pour éclairer l’essor intrinsèque de la vente directe alimentaire que ses effets en retour sur l’évolution des formats alimentaires dominants. En somme, la question centrale de cette recherche est : de quoi la bonne santé apparente de la vente directe des produits alimentaires frais est-elle le symptôme ? On notera que l’éventualité d’une réponse pertinente concerne autant les distributeurs que les producteurs et les consommateurs dans la co-construction d’offres apportant des satisfactions à toutes les parties prenantes.Plusieurs types de représentations associées à la vente directe alimentaire ont d’ores-et-déjà été identifiées en France, notamment dans le cadre des recherches plus générales sur les comportements « de contestation, de contournement ou d’évasion silencieuse » aux actions des firmes (Roux, 2012 : 6) ainsi que dans le cadre des études socio-écono-miques sur programmes publiques et institutionnels concernant les « circuits courts » et les « liens producteurs-consommateurs ». Elles constituent un corpus documentaire disponible qui forme la base de départ de cette recherche. D’une façon générale le recours à l’approvisionnement direct auprès des agriculteurs (hors vins), voire des pêcheurs, est compris comme l’un des nombreux aspects du refus des relations de pouvoir exercées sur les échanges marchands par les grandes entreprises de la distri-bution et celles des industries agro-alimentaires qui symboliseraient, non seulement les méfaits de la mondialisation, mais aussi l’irresponsabilité sociale et environnementale de leurs stratégies. Ces motivations ont été relevées fréquemment, notamment dans plusieurs travaux concernant les adhérents des AMAP et le développement des circuits courts (Dubuisson-Quellier et Lamine, 2004 ; Bertrandias et Pernin, 2010 ; Dufeu et Ferrandi, 2011). Ces représentations complexes sont souvent en inter relations avec d’autres thématiques, telles la recherche d’une connaissance éprouvée des problèmes socio-économique du monde paysan et, par extension, une meilleure perception dans sa vie quotidienne des effets et conséquences concrètes de la mondialisation marchande. D’autres aspects moins idéologiques et politiques au sens large, et plus subjectifs, sont également régulièrement cités, comme l’émotion de retrouver un art de vivre ancien qui s’est perdu dans la société de consommation, le sentiment d’appartenance à une communauté que procure la durée de l’engagement et la ritualisation des transactions, ainsi que le sentiment de fierté et d’estime de soi de participer au développement durable et de réduire son « empreinte carbone » en diminuant ses déplacements pour les courses alimentaires (Giannelloni ,1998), tout en accédant par cette pratique à une « proximité de processus » pour acquérir des produits de qualité sans exigence de transports supplémentaires (Bergadaa et Del Bucchia, 2009). Sur un tout autre plan l’adhésion à la vente directe est très souvent décrite comme une plus grande confiance dans la sécurité alimentaire et la qualité gustative des produits (Sirieix, 1999 ; Sirieix, Ponthier et Schaer, 2004 ; Prigent Simonin et Hérault, 2005 ; Van de Kerkove, 2006 ; Pichon, 2006 ; Delfosse et Bernard, 2009 ; Merle et Piotrowski, 2012). La recherche d’un rapport qualité-prix plus attractif que celui des circuits dominants de distribution et des marchés forains classiques fait également l’objet de nombreuses représentations (Lamine, 2008 ; Mundler, 2007 ; Audras, 2008). Tous ces thèmes pertinents recueillis

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à l’occasion de multiples enquêtes de terrain permettent de mieux comprendre des comportements individuels ou de groupes d’individus par rapport à la vente directe alimentaire, et même les motifs d’adhésion aux AMAP, qui en constitue la partie sans doute la plus étudiée en France, sinon la plus importante économiquement. Néanmoins, l’inventaire de ces représentations n’est pas suffisant pour construire un modèle séman-tique général concernant l’évolution des conceptions des transactions marchandes et l’évaluation des dispositifs commerciaux, telles qu’on peut les saisir à travers les dis-cours des clients de la vente directe. A vrai dire, à l’exception d’une seule concernant uniquement les « amapiens », (Robert-Demontrond, 2010) ce n’était ni l’objectif de ces enquêtes et recherches, ni le programme de leurs auteurs. C’est la raison pour laquelle cet article s’inscrit dans un cadre théorique différent fondé sur l’analyse sémiotique d’un corpus qui reprend en préalable les points principaux mis à jour par ces inven-taires disponibles et qui est complété par une enquête qualitative ad-hoc de contrôle.

1.4. MéthodeSi par son corpus documentaire cet article se place dans la continuité des recherches qui contribuent à la connaissance de la vente directe contemporaine en France, il vise un tout autre objectif théorique et pratique. Les discours particuliers des clients constituent le matériau empirique nécessaire à la compréhension des logiques, des « algorithmes » (Greimas, 1970 : 187), à l’œuvre dans les discours généraux de réévaluation des échanges marchands, tel qu’ils se développent bien au-delà de la vente directe, tant en France qu’à l’étranger. A travers des discours de narration d’une pratique concrète par ceux qui s’y impliquent, la fréquentation des formules de la vente directe alimentaire, il s’agit d’explorer l’une des voies potentielles d’accès aux modes de construction des nouvelles représentations du monde marchand et des pratiques et formes de vie qu’il impose (Fontanille, 2008). De même que des valeurs de consommation génériques furent progressivement mises en évidence par Jean-Marie Floch (1988, 1990, 1995) à partir des récits de vie de consommateurs particuliers et de discours de communication d’entreprises pourtant situés dans des stratégies spécifiques relevant de domaines très variés, une axiologie ou système de valeurs génériques propres à ce que le marketing et la sociologie classent aujourd’hui sous le terme de « résistance » aux liens marchands, peut commencer à s’ébaucher à partir des récits des expériences vécues par les adeptes de la vente directe alimentaire. Bien évidemment, il ne s’agira ici que d’un premier pas, d’une recherche exploratoire, qui devra ouvrir la route à d’autres travaux dans d’autres domaines de la relation marchande. Afin de calibrer les informations sélectionnées à partir du corpus documentaire pour constituer un référentiel propre à cette démarche et pour recueillir des récits complets et homogènes en phase avec l’actualité de 2012, une enquête ad-hoc a été réalisée auprès d’un échantillon de consommateurs du Centre-Ouest de la France. La méthodologie suivie est celle des entretiens semi-directifs de longue durée, en face à face. Il s’agissait par cette démarche de vérifier la permanence et la pertinence des thèmes d’ores-et-déjà identifiés dans le corpus initial, et éventuellement d’en repérer de nouveaux. L’accent a été mis sur les relations que les répondants pouvaient établir entre un ou plusieurs thèmes. Puis l’analyse porte sur leurs liaisons et leur complémentarité pour former un récit cohérent des pratiques des répondants, rendant compte à la fois de leurs repré-sentations de la vente directe qu’ils expérimentent mais aussi de la place qu’ils attri-buent à ce format marchand dans des situations plus larges que l’approvisionnement alimentaire, concernant leur vie sociale et familiale. Les verbatim des entretiens sont

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analysés dans le cadre théorique et épistémologique de la sémiotique narrative et dis-cursive qui revendique un positivisme des faits langagiers et non un constructivisme à partir d’une modélisation de comportements supposés réalisés. Il s’agit finalement de décrire la présence observable d’un ou plusieurs schémas narratifs types dans le corpus constitué. Cette analyse consiste à prendre en compte plusieurs niveaux pertinents de significations successifs : le niveau figuratif ou descriptif de l’action ; le niveau théma-tique qui relie la description figurative à des idées, notions ou concepts abstraits ; le niveau axiologique qui relie les thèmes à des valeurs différentielles (et différenciantes) se rapportant à l’objet du récit, en l’occurrence la vente directe ; le niveau actantiel qui relie ces valeurs aux positions des actants du récit énoncé ; le niveau modal qui déter-mine le mode d’existence des significations énoncées (Greimas, 1986 ; Courtès, 1991 ; Fontanille, 2003). Les actants sont les différentes « pièces » syntaxiques du dispositif narratif développé dans le récit du répondant : on y distingue, de façon simplifiée six actants : (i) le Sujet du récit (a priori le répondant ou le groupe de vie qu’il met en scène), (ii) l’Objet recherché par le Sujet, soit l’ensemble des valeurs associées pour celui-ci à la vente directe, (iii) le Destinateur, soit ici les motivations au sens large qui conduisent le Sujet à rechercher le système de valeurs de la vente directe, (iv) le Destinataire, soit les bénéficiaires, réels ou potentiels, des valeurs que le Sujet obtient en réalisant ses achats alimentaires par la vente directe, (v) l’Opposant, soit les conditions défavorables qui réduisent l’accès du Sujet aux valeurs de la vente directe, et enfin (vi) l’Adjuvant qui à l’inverse de l’Opposant favorise l’accès aux valeurs recherchées. Les modes d’existence d’une signification correspondent à la position ontologique que lui donne l’énoncé, selon qu’elle apparaît comme réalisée, virtualisée, actualisée ou potentialisée.In fine, il s’agira par l’intégration de ces récits particuliers dans un métarécit de tenter de répondre à la question : quelles logiques explicitement et/ou implicitement énoncées peuvent pousser un consommateur à choisir le format de la vente directe, a priori plus contraignant que les formats dominants, qui consiste sur un marché, dans un point de vente collectif ou fermier, ou via des AMAP ou équivalent, à acheter directement des produits alimentaires à leurs producteurs ? Quelles valeurs (au sens des significations centrales et causales de ces logiques) sont identifiées et quelle importance ont-elles dans les représentations des consommateurs interrogés ? Et enfin, cette axiologie peut-elle être étendue au-delà de l’intérêt pour la vente directe alimentaire à d’autres pratiques marchandes ?

2. Le terrainIl convient d’examiner successivement le recueil puis l’exploitation des données de l’enquête de contrôle

2.1. Le recueil des données

2.1.1. La zone géographique retenueCe travail a été réalisé pour des raisons pratiques de proximité en Poitou-Charentes et en Maine et Loire, deux régions à vocation principalement agricole et rurale. Cette option permet à cette recherche de s’inscrire dans la ligne des travaux sur ce sujet, essentiellement orientés vers la monographie régionale et de favoriser un principe d’homogénéité des comparaisons avec les informations du corpus documentaire.Le Poitou-Charentes, avec près de 68% du territoire agricole, et 29 600 exploitations possède un secteur agricole qui compte 41 330 emplois, dont 60% sont des chefs ou

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co-chefs exploitants. La Région encourage une agriculture de qualité et se dit favorable au développement des circuits courts de distribution. Elle participe à l’opération : « De la fourche à la fourchette » initiée par l’Union Européenne en 1 9978.Le Maine et Loire, constitue avec 64% de sa superficie, 9596 chefs exploitations (source MSA au 01/01/2010) et 21 000 emplois, le septième département agricole français. Le Conseil Général communique sur sa volonté de développer l’agriculture durable. Le département a de multiples partenariats avec d’autres acteurs institutionnels et des associations, avec lesquels il a élaboré des chartes. Il souhaite développer sa filière végétale en encourageant la transformation et la vente directe par les producteurs et finance les manifestations événementielles de promotion de l’agriculture. De nombreux agriculteurs se sont lancés dans la vente directe dite en circuits courts. En 2012, 1 618 entreprises (y compris viticoles) sont concernées par ce type de commercialisation9.

2.1.2. La constitution de l’échantillonL’échantillon est constitué exclusivement de consommateurs engagés dans le processus de la relation marchande de la vente directe depuis au moins trois ans afin d’assurer une production narrative quantitativement et qualitativement suffisante. Pour la même raison de recueil de récits présentant une grande variété de situations figuratives et de leurs thématisations, les répondants devaient recourir à une formule quelconque de vente directe pour leurs approvisionnements en produits alimentaires frais au moins une fois par mois, ou plus de dix fois dans l’année (tous produits confondus, sauf vins).Dans cette première approche, après application du filtre, il s’agit d’un échantillon dit de convenance, où le choix d’individus à la portée des enquêteurs, est apparu comme un moyen « convenable » pour débuter la recherche complété éventuellement par une méthode dite « boule de neige » afin de diversifier les caractéristiques sociodémo-graphiques des répondants. Dans cette étape initiale, onze entretiens ont été réalisés dont deux dyades de couples, offrant ainsi une méthode « mixte » (Frisch, 1999 : 72), parfaitement compatible avec l’analyse du niveau actantiel du récit, en prenant en compte dans ce cas un Sujet collectif. Le tableau de la liste des personnes interrogées est présenté en annexe.

2.1.3. Les modalités d’entretien10

Des entretiens semi-directifs en face à face avec des relances éventuelles sur les pistes ouvertes par la recherche documentaire comparative ont été conduits au domicile des interviewés. Les entretiens ont duré de l’ordre d’une heure et parfois plus, conformé-ment au schéma classique d’entretien semi-directif en face à face.La méthode adoptée est phénoménologique, selon l’anamnèse narrative centrée sur le récit de vie et les expériences vécues « allant de soi », (selon le concept du « taken for granted » de Schütz, 1987), concernant la fréquentation et la pratique de la vente directe alimentaire.

8 Source Région Poitou-Charentes, http://www.poitou-charentes.fr/agriculture/introduction.htm, 10 avril 2012  ; http://www.poitou-charentes.fr/agriculture/circuits-courts.html (non repris en bibliographie).9 Source, Agricultures et Territoires, n°2011-1, décembre 2011 (non repris en bibliographie).10 Les auteurs ont bénéficié de l’aide des étudiants du M1MS marketing des Services de l’Institut de Gestion de La Rochelle : P. Ho ; V. Loiseau ; F. Montrouzeau ; A.-S. Valtel.

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Le point de départ se formalisait de la façon suivante : « Pouvez-vous nous parler de vos expériences en tant que consommateur ayant l’habitude de vous approvisionner directement auprès des producteurs de produits alimentaires ? (hors vin) ».

2.2. L’exploitation des donnéesLa méthode d’analyse sémiotique des contenus s’est effectuée en trois temps :a) traitement de chaque interview individuelle considérée comme un texte autonome (principe d’immanence) permettant de reconstituer le récit de recherche des valeurs du seul point de vue du répondant.b) intégration des onze récits dans un plan d’immanence supérieur afin de dégager successivement des séquences types dites « figuratives » décrivant les actions concrètes des répondants, puis des occurrences thématiques fondées sur les idées et les concepts manipulés par les récits des actions figurées, et enfin identification des valeurs séman-tiques qui forment le soubassement différentiel des thèmes articulés de façon récurrente dans l’ensemble des récits composant le corpus.c) comparaison du système de valeurs obtenu par le traitement intégré des interviews avec le système de valeurs obtenu par le traitement du corpus documentaire et ébauche d’un système de valeurs globales du « format de la vente directe de produits alimentaire (frais) ».

3. Les principaux résultats et l’identification d’un récit type3.1. Principaux résultats figuratifs et thématiques

L’analyse figurative des récits confirme la diversité des modes d’accès à la vente directe par le truchement de nombreuses formules, généralement perçues comme non contra-dictoires. Ce qui fédère chacune de ces formules, la vente directe par des producteurs, est plus important que les dispositifs pratiques ou normatifs qui les différencient. Compte tenu de la faible taille de l’échantillon et du caractère très hétérogène du corpus docu-mentaire, un inventaire des différentes « figures », ou pratiques d’accès ritualisées et stabilisées à la vente directe, demeure un chantier ouvert, et ne sera pas développé dans cet article.L’analyse thématique montre une forte convergence avec la plupart des thèmes identifiés dans le corpus documentaire, avec peut-être une saillance particulière pour le thème économique dans l’enquête de contrôle. Finalement six thèmes types récurrents ont été reconstitués à partir des unités sémantiques relevées tant dans le corpus documen-taire que dans l’enquête. Néanmoins les verbatim cités sont uniquement extraits de l’enquête de contrôle et l’inventaire thématique présenté ci-dessous correspond à l’ordre de fréquence des manifestations des thèmes dans cette enquête, ce qui ne préjuge pas de leur importance dans la construction narrative finalisée de l’expérience de la vente directe alimentaire.Thème n°1 : le goût et l’expérience sensorielleLa recherche du goût apparaît comme une motivation importante, souvent par compa-raison avec les produits des « Grandes Surfaces ». Ainsi : « un fruit qui vient directement de la terre et qui n’est pas passé par la chaîne alimentaire de la grande distribution, ça a meilleur goût que dans une grande surface […]. En fin de compte un légume très frais est meilleur qu’un légume qui est resté longtemps dans le frigo et qui a subi la chaîne du froid ».

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L’aspect visuel vient en complément des qualités gustatives : « le marché, c’est le plaisir des yeux voir les légumes, les poissons, les épices […] », mais aussi « il y a des produits stéréotypés au supermarché, ils se ressemblent tous […]. Quand les calibres sont différents on peut espérer qu’ils soient plus naturels ».Thème n°2 : la santé et la sécurité alimentaireCette rubrique est centrale dans tous les discours, autour d’évocations figuratives de « la vache folle », de la « grippe aviaire », des « pesticides », des « OGM », concernant aussi bien les préoccupations des répondants que celle de leur descendance. Ce thème est également souvent évoqué de façon impersonnelle : il s’agit moins de penser à sa propre santé et à celle de sa famille, que de défendre un idéal de santé publique, dont tout le monde peut bénéficier.

Ainsi, « je mange plus sainement en achetant des fruits et légumes aux producteurs sur le marché parce qu’il n’y a pas de conservateur, ce n’est pas de la grosse production. Et ça doit mieux respecter la croissance naturelle d’une plante » ; « je faisais les marchés avec ma mère quand j’étais petite à Auch. Je sais comment choisir des pommes, je sais choisir le produit de saison et le plus naturel, grâce à mon éducation. Le fait que papa travaille dans les céréales j’ai appris très vite comment sont trafiquées des semences », ou encore : « je n’achète pas de poisson d’élevage aussi, je prends du poisson péché car il est nourri naturellement », et en outre : « tout le monde tripote les fruits et les légumes au supermarché, on ne sait pas qui l’a touché ». Là encore, la comparaison est favorable à la vente directe au producteur. Si la recherche du « bio » n’apparaît pas comme primor-diale dans la sélection des produits, tous les consommateurs cherchent des « produits sains, authentiques ». Pour autant, le « bio » reste associé à la santé : « j’ai l’impression qu’en mangeant du bio, je me sens mieux. La pomme bio par exemple, elle est plus ras-sasiante […]. Sur l’année, je n’ai pas été malade une seule fois, quoi. Je m’aperçois que je suis plus résistante aux maladies. Ça permet de rester en bonne forme, en bonne santé et d’être bien dans sa peau ». Les qualités gustatives semblent aller de pair avec la santé, elles-mêmes en lien avec la saisonnalité. Des réflexions telles que : « j’achète des fruits et légumes de saison. On doit profiter des saisons. Je n’achèterai pas des fruits importés hors saison » qui n’apparaissent ni « goûteux », ni naturels et ipso facto respectueux de l’environnement.Thème n°3 : la convivialité et la recherche du lien social au-delà de la relation mar-chande Ce thème est récurrent. Ainsi : « en grande surface ça reste impersonnel. S’il y a un légume qu’on ne connaît pas trop comme les vieux légumes qui reviennent sur le marché, on peut lui demander une recette comment les faire cuire, alors qu’en grande surface, les légumes que l’on ne connaît pas vous ne savez pas comment les faire cuire, il y a cet aspect plus convivial » ; « il y a la convivialité dans les marchés, le producteur te sert. La seule relation humaine que l’on a dans les grandes surfaces, c’est la balance et la caissière ! ». Et même, « ils nous livrent à domicile ». « Faire ses courses au marché dans la partie alimentaire, c’est beaucoup plus convivial que dans une grande surface. J’achète chez eux pour la fraîcheur et la convivialité. En grande surface on prend son produit et on s’en va. Alors qu’au marché en général on échange quelques mots avec les commerçants ; on sympathise et c’est le vendeur qui fidélise sa clientèle ». « Le côté humain du marché où il y a des contacts avec le vendeur, le supermarché c’est […] je reviens toujours sur

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la même chose la convivialité des rapports entre consommateurs et vendeurs. Et c’est aussi en plein air ».Thème n°4 : l’insertion de la relation marchande dans un engagement social, voire militant Il est latent et parfois émerge plus comme un comportement réactif que comme un engagement combatif au sein d’une organisation. Pour autant, il convient de ne pas sous-estimer son caractère actif autour de deux options complémentaires : idéologique et de défense de l’économie locale. Concernant la première, elle s’exprime comme suit : « je n’aime pas ce que représente la grande distribution, d’être orienté dans mes choix, elle te lobotomise » ; mais aussi : « On n’arrête pas d’être contrôlé par des grands groupes, des lobbies alimentaires on a donc envie d’aller vers les producteurs qui sont hors des lobbies ». Concernant le deuxième aspect, il est dit : « J’achète que des produits locaux au marché, j’évite les produits importés […]. Ce n’est pas un problème de qualité, c’est vraiment pour aider un producteur local ». Ou encore : « j’aime la démarche de proxi-mité, de faire vivre un petit commerce » ; « ça permet de contribuer à l’économie locale ».Thème n°5 : la recherche d’un rapport économique plus avantageux pour le consom-mateurLe prix constitue une des surprises de ce travail car il est souvent considéré comme un atout des producteurs, du fait de la concurrence entre les différentes formes de marchés, mais aussi de la surconsommation qu’impose un détour par les GMS : « à l’achat, le supermarché est moins cher au kilo que le marché. En revanche au supermarché, sur 1 kg, il y aura 200 g de perte. Et cette perte on ne l’a pas sur le marché. Au final, ça revient moins cher ». « J’évite Carrefour parce qu’on y achète plus et on y reste plus longtemps qu’on aurait voulu sans s’en rendre compte ». « Et il est vrai qu’en grande surface, même si on a une liste, on est toujours tenté d’acheter autre chose et du coup quand on est avec le producteur ce problème-là n’existe pas. Quand on leur achète des produits, on sait qu’ils sont périssables alors on se limite à des quantités raisonnables, surtout que les produits bios, on sait par expérience qu’ils se conservent moins longtemps ».S’y ajoute un lien avec une conception engagée voire militante, dans sa dimension de défense de l’économie locale : « si le producteur local est plus cher que le producteur étranger, j’achèterai au producteur local », mais aussi de méfiance assez globale vis-à-vis des « Grandes surfaces » : « si la qualité, le prix et le produit étaient respectés dans la grande distribution, peut-être que je n’irais pas aux AMAP ».Thème n°6 : la nostalgie d’un mode de vie disparu : Le « bon vieux temps » constitue une préoccupation moindre, sauf par une sorte d’héritage familial : « mes grands-parents, ils mangeaient mieux avant peut-être ils avaient un petit jardin, ils faisaient quelques légumes eux-mêmes, et ils allaient au mar-ché pour quelques produits [...] j’ai toujours connu le marché par mes grands-parents », ou encore : « mes parents étaient agriculteurs […], j’ai l’impression que je retrouve des produits d’antan ».

3.2. Des thèmes aux valeurs de la vente directeChaque thème identifié apparaît comme un découpage sémantique particulier qui permet de définir en langage un vécu du rapport marchand. Il installe une diffé-rence par rapport à d’autres découpages possibles pour classer et décrire le même type d’expériences. Cet écart différentiel pour saisir dans la construction narrative ce

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qui spécifie la vente directe, ce qui fait sa différence avec les autres formes de ventes, permet simultanément d’en faire apparaître les « valeurs », ou ce que la sémiotique narrative conceptualise sous le terme « Objet de valeur(s) » d’un récit (Greimas, 1983).La reprise systématique des thèmes comme constat d’écarts différentiels (« différences différenciantes ») donnent les résultats suivants :- Le goût et l’expérience sensorielle. Les satisfactions polysensorielles obtenues par la consommation des produits de la vente directe sont racontées sur le mode d’une réalité « allant de soi », ce qui différencie l’offre de ce format des formats dominants, pour lesquels ces satisfactions sont aléatoires, de l’ordre du potentiel et non du réel. On note que le récit de cette réalité expérientielle est commun à toutes les formules, ce qui est l’un des points qui justifie leur regroupement conceptuel dans le format « vente directe des producteurs ». Les contenus de significa-tions qui se rapportent à ces expériences polysensorielles sont très nombreux et sources de figurations complexes dans lesquelles le goût n’est pas nécessairement central par rapport à d’autres sensations extéroceptives (visuelles, olfactives, tactiles) et intérocep-tives (sensations de bien-être). Le corpus documentaire en français est particulièrement riche en descriptions de ces aspects polysensoriels et fait écho à de nombreuses autres études concernant les autres pays européens et les Etats-Unis (mais ne sont pas pris en compte dans cette recherche qui nécessite un corpus linguistiquement homogène).Ce thème conduit à attribuer au concept de « vente directe » une valeur de certitude expérientielle positive de la consommation des produits offerts, ou en termes sémiotique une valeur expérientielle « euphorique » alors que l’expérience des mêmes offres par les formats dominants est potentiellement « dysphorique » ou « aphorique ».- La santé et la sécurité alimentaire.Ce thème est raconté comme une virtualité positive attachée à la consommation des produits de la vente directe par rapport aux risques alimentaires en général, pour lesquels les formats dominants présentent des virtualités négatives. Ce thème est extrê-mement développé dans le corpus documentaire. On note qu’il dépasse de beaucoup les soucis de la santé et des risques sanitaires des clients et de leurs proches pour se manifester comme une recherche éthique de défense et de progrès de la santé publique pour l’ensemble de la société.Ce thème conduit à attribuer au concept de « vente directe » une valeur existentielle virtuelle de réduction des risques sanitaires pour tous et d’augmentation des chances de bonne santé pour chacun. A nouveau cette valeur transversale fédère toutes les formules décrites dans l’ensemble du corpus.- La convivialité et la recherche du lien social au-delà de la relation marchande.Ce thème est raconté comme une virtualité actualisée par la relation marchande elle-même. La virtualité de satisfactions « non marchandes » au sens de dépassements des attentes liées à la transaction des produits, n’est pas intrinsèquement présente dans la définition de la vente directe mais elle peut se manifester de façon favorable et différenciée selon les formules fréquentées, à l’initiative du client. A l’opposé, cette virtualité n’est que rarement, voire jamais, actualisable dans les formats dominants. Ce besoin d’enrichissement non marchand de la relation marchande a été prédit par Illich dès 1973. Il constitue une réponse à la frustration et au manque existentiel générés par les biens et services produits industriellement. « Au stade avancé de la production de masse, une société produit sa propre destruction. La nature est dénaturée. L’homme

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déraciné, castré dans sa créativité, est verrouillé dans sa capsule individuelle », « […] la dégradation de la nature, la destruction des liens sociaux, la désintégration de l’homme constituent le fruit du monopole industriel de production » (ibid. p 11). Ce thème est également très bien documenté dans l’ensemble du corpus, notamment dans les études portant sur les AMAP et les systèmes d’approvisionnement régulier à contrats formels ou informels, tels les FAAP (Familles à alimentation positives), ou le Réseau Cocagne (produits bio). Ce thème conduit à une valeur existentielle et expérientielle actualisée positive (« eupho-rique ») obtenue par un enrichissement du lien marchand lui-même. Il fait écho à de nombreuses recherches au-delà des problématiques de « résistances » (Filser M., 2002 ; Roederer, 2012) ainsi qu’aux travaux sur le lien social créé par le marché (Cova, 1995), mais vécu et apprécié très différemment selon les formats fréquentés.Cette valeur « d’enchantement » n’est donc pas propre à la vente directe et elle est susceptible d’être expérimentée dans d’autres formats commerciaux, notamment le commerce forain et le commerce spécialisé traditionnels, (La Pradelle, 1996 ; Antéblian et Barth, 2011 ; Merle et Piotrowski, 2012). A l’inverse, elle n’est pas racontée comme équivalente dans toutes les formules de la vente directe et se manifeste plus fortement dans les formules de type AMAP et assimilées.- L’insertion de la relation marchande dans un engagement social, voire militant.Ce thème est peut-être celui qui émerge du plus grand nombre de figures mobilisées, tant dans les discours savants et médiatiques que dans ceux des consommateurs eux-mêmes, (Jallon, 2003 ; Dubuisson-Quellier, 2009 ). Il est raconté sur le mode d’une réalité potentialisée associée à la vente directe, c’est-à-dire que la réalité de sa fréquentation favorise potentiellement une action individuelle d’une portée collective qui la dépasse, à l’échelle d’une communauté voire de la société dans son ensemble. Bien que non limité à la vente directe, ce thème différencie très distinctement celle-ci des formats domi-nants pour lesquels cette potentialité d’engagement est faible voire nulle ou adverse.Ce thème conduit à une valeur existentielle potentielle positive qui est comparable à la valeur d’enchantement, mais plus spécifique à la vente directe et partageable par l’ensemble de ses formules, bien que de façon inégale. En effet, alors que dans le pre-mier cas certaines formules de la vente directe actualisent plus ou moins une valeur non marchande qui demeure du domaine du virtuel, dans le second cas toutes les formules de la vente directe sont qualifiées pour potentialiser plus ou moins la réalité d’un engagement.- La recherche d’un rapport économique plus avantageux pour le consommateur.Ce thème est apparu avec beaucoup plus de saillance dans l’enquête de contrôle théma-tique qu’envisagé de manière princeps. Le thème du rapport qualité-prix compétitif de la vente directe ressort nolens volens d’une grande majorité des entretiens. Ce thème prend deux aspects contradictoires : a) l’impression de payer moins cher les produits achetés en ventes directes ; b) l’acceptation d’un prix explicitement plus élevé comme « prix » d’un ensemble de satisfactions non directement liées aux produits de la tran-saction, et à ce titre non réductibles à la notion de service marchand (serduction). Ces satisfactions sont celles qui sont corrélées avec les valeurs expérientielles et existentielles d’enchantement et d’engagement mentionnées précédemment.D’une manière générale il s’agit moins d’un constat d’un prix moins élevé de l’offre des producteurs par rapport à celle de la distribution que d’une anticipation des pertes

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subies par l’achat de lots de moindre qualité en supermarché/hypermarché, du fait d’une durée potentielle de conservation plus courte. Autrement dit, si 10% des produits achetés en grande distribution sont jetés par le consommateur, à prix de vente égal, le producteur procure à son client un avantage équivalent à 10%, dans la mesure où tous ses produits seront effectivement consommés. On notera que ce raisonnement s’applique de façon plus complexe pour les AMAP, pour lesquelles peut subsister un décalage entre la composition des « paniers » et la consommation effective du foyer.D’autre part, même à prix égal aux formats dominants, l’offre du producteur semble plus avantageuse en valeur absolue dans la mesure où le consommateur achète une quantité plus petite, en adéquation avec ses « vrais » besoins déterminés ex ante, alors que le libre-service l’incite à acheter une quantité supérieure à ses consommations réelles, source de stockage plus long, et finalement de pertes, comme indiqué supra.Dans le cas où le consommateur constate un prix des produits plus élevé que les prix qu’il pense être ceux des supermarchés/hypermarchés pour des offres qualitativement équivalentes, il déclare accepter ce différentiel en toute connaissance de cause, comme prix à payer pour les dimensions non-marchandes évoquées plus haut.Ce thème conduit à une valeur réalisée d’accessibilité aux produits et d’évaluation positive des fonctionnalités d’approvisionnement par toutes les formules de la vente directe, mais sans doute selon un gradient à explorer plus précisément par des études ad-hoc ultérieures. Néanmoins toutes les formules sont éprouvées comme objective-ment compétitives, indépendamment des véritables niveaux de prix observés et des modalités pratiques d’accès aux offres, pour des produits souhaités préalablement (ex ante) à l’acte d’achat et non le plus souvent sélectionnés par défaut (ex post) dans les formats dominants.- La nostalgie d’un mode de vie disparu. Ce thème plus mineur dans l’ensemble du corpus diffère de ceux observés dans d’autres domaines de la relation marchande, comme celui du néo-médiévalisme fantasmé (vir-tualisé) tel que repris par Maffesoli (2000). Il se rapproche plus de la forme envisagée par Kessous et Roux (2012) d’émotions oubliées et d’authenticité qui seraient ravivées (actualisées) par la vente directe. Il s’agit ici d’un thème qui renvoie au souvenir, réel ou virtuel, du format historique de la vente directe et qui véhicule les figures d’un style de vie peint sous les traits d’un art de vivre « euphorique » disparu. Ce thème très géné-ral ne s’applique pas spécifiquement à la vente directe et la renaissance de celle-ci se manifeste par des formules aujourd’hui souvent très éloignées de celles effectivement déployées jusqu’aux années soixante. Il est analogue à des thèmes comparables dans la sémiosphère marchande, telle la nostalgie du « petit commerce », l’attrait des produits « à l’ancienne », la recherche des variétés des fruits et légumes « disparues », etc.Ce thème conduit à une valeur existentielle virtualisée d’un art de vivre perdu dont la vente directe « générique » pourrait actualiser à nouveau la présence, comparativement aux formats dominants qui en constituent l’image virtuelle opposée (la négation d’un art de vivre).En synthèse, l’Objet de valeurs sémantique de la vente directe contemporaine apparaît comme un réseau de significations, une axiologie, qui la différencie par opposition à l’Objet de valeurs des formats dominants selon quatre pôles de valeurs existentielles, fonctionnelles, expérientielles, et d’accès, résumés dans le tableau ci-dessous

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Tableau n°2 - Comparaison des Objets de valeurs de la vente directe et des formats dominants

Pôles de valeurs Objet de valeurs Vente directe Objet de valeurs formats domi-nants (GMS, GSS, spécialistes traditionnels)

Valeurs existen-tielles

La vente directe virtualise positive-ment une vie saine et les risques sa-nitaires, potentialise un engagement social, actualise (avec d’autres) un « enchantement » du lien marchand.

Les formats dominants virtua-lisent négativement les risques sanitaires et sécuritaires, ne peuvent pas ou peu potentia-liser un engagement social ni actualiser de façon satisfaisante un « enchantement » non mar-chand.

Valeurs fonction-nelles

La vente directe réalise un appro-visionnement fiable et pratique à des produits particuliers souhaités (choisis) ex ante.

Les formats dominants réa-lisent un approvisionnement économique mais indifférencié et l’accès aux produits souhaités se révèle ex post.

Valeurs expérien-tielles

La vente directe réalise des satisfac-tions polysensorielles extéroceptives et intéroceptives.

Les formats dominants réalisent négativement l’expérience des « courses ordinaires ».

Valeurs d’accès La vente directe réalise un accès aux produits alimentaires globalement compétitif (rapport qualité-prix et niveau de dépenses en valeur abso-lue) pour ses propositions d’offres.

Les formats dominants réalisent un accès compétitif spécifique (prix) mais virtualisent négati-vement le montant des dépenses alimentaires et la satisfaction globale de la transaction.

A partir de ce tableau, il est désormais possible d’ébaucher le récit type de « mises en valeur(s) » de la vente directe.

3.3. Vers un récit type des pratiques de la vente directeLa recherche du sens global qui émerge des descriptions des pratiques et de l’axiologie de la vente directe des produits alimentaires, partagé avec plus ou moins d’intensité et d’étendue par tous les récits des répondants et par les séquences narratives identifiées dans le corpus documentaire, permet maintenant de reconstruire un récit type, ou plu-tôt « prototypique », qui devra se préciser et s’affiner au fur et à mesure des recherches futures. A ce stade des investigations on établira les résultats suivants :(1) Les adeptes de la vente directe des produits alimentaires frais, nonobstant la fré-quence de leurs pratiques et la diversité des formules sollicitées, se décrivent comme Sujets individuels ou collectifs (famille, groupe de vie) partagés entre plusieurs objectifs. En tant que Sujets consommateurs, ils s’orientent vers une pratique marchande qui est fixée en partie par un autre aspect d’eux-mêmes, répondant à des préoccupations d’un sujet social responsable, citoyen conscient de l’importance de l’altérité (les autres) pour réaliser son individualité (le soi), agi par des préoccupations extra-marchandes. La sémiotique narrative décrit ce double aspect en indiquant qu’ils se racontent à la

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fois come actants Sujets consommateurs et comme actants Destinateurs donnant aux premiers « la destination » de leurs actes.(2) Pour atteindre leurs objectifs et acquérir les « objets de valeurs » désirés, ils racontent comment ils peuvent s’appuyer sur les producteurs, considérés comme des alliés plutôt que comme des commerçants. La sémiotique narrative appelle Adjuvants (cf. supra) la description de ces actants qui permettent aux Sujets d’atteindre leurs Objets (de valeurs). (3) Leurs récits mettent aussi en avant des obstacles à surmonter et des adversaires à combattre. La sémiotique narrative appelle Opposants la figuration de ces actants qui contrarient l’acquisition des objets de valeurs. Ici, il s’agit de la figuration complexe et ambivalente de la grande distribution, des industries agro-alimentaires et de leurs relations.Les constructions logiques de ces récits amènent les narrateurs à transformer la relation marchande entre les producteurs et les sujets consommateurs en relation d’alliances dans un combat virtuel (fictionnel) contre des opposants également virtuels, les formats dominants et l’industrie agro-alimentaire, aux responsabilités négatives au demeurant mal distinguées à ce stade. A l’issue de cette confrontation narrative, l’actant Sujet ayant acquis son Objet, se décrira comme à nouveau en accord avec l’actant Destina-teur, permettant de surmonter le clivage du sujet social et du sujet intime. Le narrateur retrouvant l’intégrité de son identité, se sentira transformé positivement au terme de ce récit de vie, dans lequel il aura affronté avec succès « l’épreuve » de la transaction marchande pour être Destinataire d’une « récompense » non marchande, transcendant sa dimension économique. Source de cette récompense, la vente directe sera effecti-vement vécue comme sémantiquement « euphorique » pour toutes les valeurs qu’elle représente, que celles-ci soit réalisées, virtualisées, actualisées ou potentialisées.La cohérence de cette logique narrative permet aux consommateurs de la vente directe de faire partager cette euphorie des pratiques auprès de non-consommateurs, ce qui indique que l’importance de la vente directe ne doit pas être analysée uniquement par rapport à son poids macroéconomique mais par rapport à la puissance de son storytelling (Dufeu et Ferrandi, 2012).Ce récit prototypique offre désormais une nouvelle conception, une nouvelle définition sémantique, de la relation marchande pour les produits alimentaires qui peut être sché-matisée par le carré sémiotique ci-dessous. Celui-ci met en place de nouveaux pôles de valeurs permettant de définir les relations entre la représentation de la vente directe alimentaire et celle de la représentation des liens marchands par rapport auxquels elle se détermine, ainsi que par rapport aux représentations d’un monde non-marchand souhaité ou souhaitable. Cette armature axiologique minimale permet de délimiter le territoire particulier de la vente directe par rapport à l’univers marchand en général ainsi que par rapport à un monde non-marchand auquel elle appartient également « sur le papier » (virtuellement).

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Schéma n°1 - Carré sémiotique des représentations de la vente directe alimentaire comme manifestation de liens marchands et non-marchands

Ce Schéma représente un parcours logique de génération de significations que les narrateurs de la pratique de la vente directe manifestent pour décrire et expliquer leur intérêt pour ce format. Il s’agit d’une structure narrative abstraite qui bien évidemment prendra une multitude de formes figuratives, concrètes, selon chaque narrateur, et en fonction d’autres stratégies de schématisation, dites « tensives », dont le développement excéderait le cadre de cet article (Fontanille, 2003).Le schéma de ce parcours sémantique se lit de la façon suivante :(1) La pratique des formats dominants du monde marchand sont vécus sur un mode négatif (« dysphorique ») par rapports à la vente directe « euphorique ».(2) Ce qui rend les formats dominants « dysphoriques » réside dans leurs propositions contradictoires aux valeurs d’un monde non-marchand souhaité/souhaitable.(3) Ce qui rend la vente directe attractive (« euphorique ») est sa relation avec un monde non-marchand souhaitable/souhaité (« euphorique »).(4) La vente directe se pose en opposition réalisée « euphorique » à un monde non-mar-chand virtuellement dysphorique, (risques sanitaires, absence de liens sociaux, etc.) qui se reflète (se projette) réellement dans les formats dominants devenus « dysphoriques ».Cette modélisation des structures narratives permet de percevoir ce qui constitue l’homogénéité et la cohérence de la multiplicité des productions discursives qu’elle autorise. On notera qu’elle rend compte, en l’englobant sur le plan des fondements structuraux, des discours plus restreints des « amapiens » français tels qu’étudiés, selon une épistémologie herméneutique, sur des plans figuratifs, thématiques et axio-logiques par Robert-Demontrond (2010). Toutefois, dans une phase d’applications managériales, on prendra garde à ne pas confondre « le logiciel » avec l’infinité des textes qu’il permet de générer.

Perspectives managériales et Conclusion La cohérence et le caractère « euphorique » des récits des personnes engagées dans les transactions de la vente directe alimentaire (frais) permet de comprendre l’attractivité qu’ils exercent bien au-delà des adeptes réguliers de ce format. La solidité de la logique

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narrative de ces mises en récit d’un « Objet de valeurs » qui réconcilie les quêtes du consommateur, du citoyen, de l’acteur familial, et d’un individu libre dans un monde contraignant, doit être étudiée attentivement par tous les acteurs concernés, produc-teurs, distributeurs et industriels fournisseurs de produits alimentaires transformés. La bonne compréhension du récit type, même ici à l’état d’ébauche, est un outil puissant pour analyser la diversité apparente des discours des clients de la vente directe tels qu’ils peuvent être recueillis dans les études de marché et par l’analyse de leur libre expression, notamment dans la blogosphère et les réseaux sociaux. Les perspectives d’application managériales de cette recherche sont de fait multiples pour toutes les parties prenantes. En effet, si ébauche il y a, il appartient cependant à chaque acteur de remonter les pièces de la mécanique discursive en fonction de ses propres objectifs. On peut envisager les applications suivantes :(1) pour les producteurs et leurs organisations professionnelles : il s’agit de renforcer les discours « d’alliances » avec les consommateurs, c’est-à-dire de mettre en avant des pratiques de co-construction de l’offre et d’en désigner avec une précision figurative et thématique adéquate les portées virtualisées et actualisées « d’enchantement » et « d’engagement » décrites plus haut. Cette application est déjà très largement développée de façon empirique par les AMAP, (Lanciano et Saleilles, 2011), mais beaucoup moins par toutes les autres formules de la vente directe. En tout état de cause, cette orientation faisant l’objet de très nombreux programmes professionnels et institutionnels, on ne s’y attardera pas plus avant dans cet article.(2) pour les distributeurs : il convient de distinguer l’application au niveau du réseau de l’Enseigne et au niveau du point de vente. A l’échelle des Enseignes, la prise de conscience des représentations « dysphoriques » des consommateurs, bien au-delà des adeptes de la vente directe, est désormais largement acceptée, sans toujours susciter de contre-discours « euphoriques » adéquats et avec d’importants écarts de résultats entre les différentes entreprises du commerce. Une des premières actions stratégiques des distributeurs comme acteurs macroéconomiques consiste sans doute à se dégager de la représentation « d’alliés » des industries agro-alimentaires pour apparaître comme des « alliés » des producteurs, et par extension des consommateurs qui les considèrent comme « adjuvants » de leurs quêtes.Là encore, de nombreuses actions sont d’ores-et-déjà en cours dans la plupart des Enseignes, notamment par le développement de gammes de marques de distributeurs (MDD) ad-hoc et par des politiques d’approvisionnement favorables aux producteurs locaux. Cependant, plus que pour les producteurs, de gros efforts de figuration et de thématisation sont à entreprendre pour assurer une cohérence et une homogénéité narrative à leurs outils de communication, notamment dans le monde numérique. A l’échelle des points de vente, de nombreuses actions peuvent être envisagées et présen-tées de façon à s’inscrire dans le cadre sémio-narratif ébauché dans cette recherche. On citera la possibilité d’utiliser les galeries marchandes, souvent aujourd’hui en difficulté et en mal de locataires, pour accueillir des points de vente collectifs (opération déjà initiée par certains magasins Système U). La formule du rack-jobbing ou concession de linéaires, déjà fortement développée en direction des producteurs pour les « foires aux vins » et pour certains produits locaux à indications géographiques (AOC/IGP), pourrait être étendue à de nombreux producteurs, individuels ou collectifs. On notera que du fait du caractère restreint des largeurs de gamme de la vente directe, cette offre nouvelle constituerait probablement une concurrence limitée aux rayons classiques, tout

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en permettant un discours d’alliance tripartite producteur-distributeur-consommateur aux effets « euphoriques » certainement plus efficients pour la rentabilité globale du point de vente que le maintien d’un discours « dysphorique ». Mais à nouveau la mise en place de telles actions nécessite un accompagnement par un discours précis et adé-quat en figuration et thématisation, ainsi qu’une bonne appréciation du rôle actantiel, en passant « d’opposant » à « adjuvant ». Comme le montre des travaux récents (Merle et Piotrowski, 2012), et la lecture régu-lière de la presse professionnelle de la distribution, les grandes enseignes du commerce alimentaire sont d’ores-et-déjà engagées par pragmatisme dans ces contre-récits, tant à l’échelle du réseau que du point de vente. Il est donc important qu’elles en maîtrisent aussi « l’algorithme » si elles veulent donner un sens cohérent, lisible et partageable par leurs clients, aux multiples significations qu’elles énoncent.Pour conclure, la compréhension des discours des consommateurs - adeptes réguliers ou ponctuels de la vente directe - offre bien une ouverture sur celle de discours plus généraux, au double sens où ils sont partagés par des non clients et où leurs contenus de significations dépassent l’expression des rapports à la vente directe alimentaire, pour manifester une nouvelle schématisation des rapports marchands en général et de leur « encastrement » dans la société contemporaine.Cependant, cette étude des articulations complexes entre les différents niveaux dis-cursifs reste à entreprendre : elle nécessite sans nul doute d’importants programmes interdisciplinaires, pour dépasser les premiers résultats nécessairement limités de cette recherche.

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Annexe

Tableau - Liste des personnes interrogéesEntretien Age Sexe Statut Commune Situation familiale

1 61 F Employée à mi-temps Bourcefranc, 17

Divorcée vivant seule, deux enfants hors foyer

2 59 F Fonctionnaire d’Etat Périgny, 17 Mariée, vivant en couple, un enfant hors foyer

3 49 F Employée Fouras, 17 Mariée, vivant en couple avec sa fille

4 29 F Assistante sociale Cholet, 49 Célibataire

5 60 H Cadre supérieur parc privé logements La Palmyre, 17 Veuf

6 62 F Enseignante retraitée Montamisé, 86 Mariée, vivant en couple

7 23 H Et ud ia nt en f i n d’études Ballon, 17 Célibataire, vivant chez

son père

8 - couple 1 36 H Ingénieur en environ-nement

St Germain de Marencennes, 17

Marié, vivant en couple avec deux jeunes enfants

9 36 F Enseignante Dito Dito

10 - couple 2 55 H Enseignant Dompierre S/Mer, 17

Marié, vivant en couple, un enfant hors foyer

11 54 F Enseignante Dito Dito

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