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Evaluation de la qualité de l’eau de pluieen vue de son utilisation : vers la définitionde paramètres pertinents et de protocoles
adaptés
T.L.N. NGUYEN-DEROCHE1*, B. DE GOUVELLO
1,2, F. LUCAS1,
N. GARREC3 et M.-C. GROMAIRE
1
1 Laboratoire Eau, Environnement et Systemes Urbains (LEESU), UMR MA 102,
Ecole des Ponts ParisTech, 6–8 avenue Blaise Pascal, Cite Descartes, Champs sur Marne,
77455 Marne-La-Vallee Cedex 2, France2 CSTB (Centre Scientifique et Technique du Batiment), 84 avenue Jean Jaures, Champs-sur-
Marne, 77447 Marne-la-Vallee, Cedex 2, France3 CSTB (Centre Scientifique et Technique du Batiment), 11 rue Henri Picherit, BP 82341,
44323 Nantes Cedex 3, France
*Auteur de correspondance: [email protected]
(Article recu le 31 mai 2013 ; accepte le 11 juillet 2013)
Résumé – Le developpement de l’utilisation de l’eau de pluie (EPR) en
France au cours de ces dernieres annees conduit a s’interroger de plus en
plus sur l’adaptation de la qualite sanitaire de l’eau collectee aux usages
actuellement reglementes : usages exterieurs (arrosage des pelouses et
nettoyage des sols) et usages interieurs (chasses d’eau des toilettes,
nettoyage des sols et, « a titre experimental », lavage du linge). Si la
reglementation francaise associe a certaines categories d’usages des
obligations de moyens, il n’existe pas de criteres de qualite passant par
le respect de valeurs de reference sur un ensemble de parametres bien
definis, ni meme de methodes d’analyse eprouvees pour caracteriser
correctement la qualite d’une EPR destinee a etre utilisee.
Dans ce contexte, l’objectif de cet article est triple. Le premier vise, a
travers une etude bibliographique, a identifier les parametres frequemment
utilises pour evaluer la qualite de l’EPR. Le second est de proposer quelques
modifications aux protocoles d’analyse generalement mis en œuvre afin de
les adapter a l’evaluation de la qualite de l’EPR. Le dernier est d’analyser
quelques referentiels etrangers specifiquement dedies a l’evaluation de la
qualite de l’EPR en vue d’etablir des valeurs guides en fonction des usages.
Mots-clés : Eau de pluie, qualite, caracterisation, evaluation, parametre
microbiologique, parametre physico-chimique
Eur. j. water qual. 44 (2013) 1–12
# ASEES, 2013
DOI: 10.1051/wqual/2013015
Available online at:
www.water-quality-journal.org
Article published by EDP Sciences
Abstract – In France, the utilization of harvested rainwater (HRW) has
grown in recent years and thus raises the questions related with its
quality corresponding to some types of use. Some utilizations are cur-
rently regulated: outdoor uses (such as lawnwatering and floor cleaning)
and indoor uses (toilet flushing, floor cleaning and, “for experimental
use”, laundry washing). If the French regulation requires some obliga-
tions of means corresponding to certain categories of HRW uses, there
are no quality criteria determining the reference values of a set of well-
defined parameters neither appropriate analytical methods in order to
adequately characterize the HRW quality regarding its uses.
In this context, the aim of this paper is threefold. The first is, from the
identification of frequently used parameters for assessing the HRW qual-
ity in the scientific literature, to suggest a set of relevant parameters
according to different categories of HRW uses. The second is to propose
some adapted standard protocols for analysis of fecal indicators in order
to assess the quality of the HRW. The final objective is to analyze some
foreign existing regulations specifically dedicated to quality assessment
of the HRW towards establishing guidelines values according to the uses.
Keywords: Rainwater quality, characterization, evaluation, microbiolo-
gical parameter, physicochemical parameter
1. INTRODUCTION
L’impermeabilisation croissante des villes et un changement des comportementssocietaux, avec une augmentation de la conscience des problemes environnementauxet de qualite des eaux sont de nature a orienter differemment la gestion de l’eaupluviale dans les zones urbaines. Parmi les pratiques alternatives de gestion de l’eau,l’utilisation d’eaux de pluie recuperees (EPR) en aval de toitures pour des usagesdomestiques et d’autres types d’usage connaıt un developpement important cesdernieres decennies (Lawson et al., 2009).
Au plan international, des pays leaders dans l’installation de systemes de collecteet l’utilisation d’eau de ruissellement de toiture comme l’Allemagne, la Belgique, lesEtats-Unis, l’Inde, le Japon et l’Australie exigent sur une partie de leur territoire lamise en place de ces systemes dans toute nouvelle construction pour la chasse d’eauet les usages externes tels que l’arrosage (Abbasi et Abbasi, 2011 ; EPA, 2008 ;Yamagata et al., 2003 ; Sinclair et al., 2005 ; Rosillon et al., 2007 ; Helmreich etHorn, 2009). Par exemple, en Allemagne, les projets de « batiment vert » ont eterealises en utilisant de l’EPR pour plusieurs usages dans le batiment (Schmidt, 2006).En Australie, le taux moyen d’utilisation de l’eau de pluie est de 11 % au niveaunational, 3,2 % dans la capitale et 24,3 % dans les autres regions (Sinclair et al.,2005). Pour les ıles de l’ocean Pacifique pour pallier les problemes de rarete de l’eau,ce taux est encore beaucoup plus eleve : 69% pour les ılesMarshall ; 67% pour Palauet 49 % pour la Micronesie (Franz, 2002 ; Macomber, 2010). Cela montre bienl’importance prise par cette ressource encore ignoree par un grand nombre de paysou le systeme de distribution de l’eau potable est largement installe. En France,depuis quelques annees, les projets d’utilisation de cette eau se developpent a la
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faveur de son inclusion dans la demarche HQE (haute qualite environnementale) etde la publication d’un texte reglementaire specifique sur ce theme (arrete ministerieldu 28 aout 2008), lequel s’accompagne de la mise en place d’un credit d’impots pourles installations en residence principale.
Dans la plupart des pays recourant a cette pratique, divers referentiels (textereglementaire, norme, guide de bonnes pratiques) formulent des recommandationspour l’utilisation de l’EPR mais celles-ci mettent essentiellement l’accent sur lesmoyens mis en œuvre. C’est notamment le cas de l’arrete francais du 21 aout 2008(JORF, 2008) et de la norme allemande DIN-1989 (DIN, 2002). Neanmoins, il est anoter que des referentiels existent pour certains usages de l’EPR aux Etats-Unis (U.S.EPA, 2008) et en Grand Bretagne (BSI, 2009). En France, la reglementation associea certaines categories d’usages des obligations de moyens mais elle ne definit pas decriteres de qualite passant par le respect de valeurs de reference sur un ensemble deparametres bien definis, ni meme de methodes d’analyse eprouvees pour caracterisercorrectement la qualite d’une EPR.
Dans ce contexte, l’objectif de cet article est triple. Le premier vise a identifier lesparametres frequemment utilises pour evaluer la qualite de l’EPR ; et d’identifierceux qui paraissent les plus pertinents. Le second est de proposer quelques modifica-tions aux protocoles normalises pour les adapter a l’evaluation de la qualite de l’EPR.En effet, l’analyse des methodes mises en œuvre sur un certain nombre de suivisexperimentaux menes en France, montre que, faute de protocoles adaptes, lesresultats obtenus en matiere de caracterisation microbiologique des echantillonssont souvent inadaptes, voire inexploitables (de Gouvello et al., 2013). Le dernierobjectif est d’analyser quelques referentiels existants specifiquement dedies a l’eva-luation de la qualite de l’EPR en vue d’etablir des recommandations en fonction desusages.
2. EVALUER LA QUALITÉ DE L’EPR
Nous pouvons constater que le nombre de publications scientifiques sur l’EPRaugmente sensiblement, particulierement depuis les annees 2000 (Fig. 1).Cependant, les etudes sur la qualite microbiologique et chimique de l’EPR restentmarginales, meme si ces dernieres annees une certaine augmentation des publica-tions traitant de ce theme peut etre constatee. Selon la litterature scientifique, laqualite physico-chimique de l’EPR est souvent caracterisee par la mesure de para-metres globaux tels que temperature, pH, conductivite, turbidite, matieres organi-ques dissoutes, carbone organique dissous et concentrations en nitrates et phosphates(Tab. I). Les parametres microbiologiques frequemment impliques pour le suivi dequalite de l’EPR sont des indicateurs de contamination fecale presentes dans letableau I.
2.1. Paramètres physico-chimiques
Certains usages font deja l’objet de directives ou normes de qualite et peuventdonc etre appliques a l’EPR. Par exemple, pour l’utilisation de l’EPR comme eau deconsommation humaine dans l’ensemble des pays d’Union europeenne, les para-metres physico-chimiques a surveiller et leurs limites de qualite sont listes par la
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directive europeenne 98/83/CE du 3 novembre 1998. Dans le cas d’usages de l’EPRne faisant pas l’objet d’une norme ou d’une directive, il devient plus delicat dechoisir les parametres adequats. La mesure de certains parametres est parfois redon-dante, ce qui peut devenir un probleme lorsque ces mesures redondantes signifient unsurcout ou une augmentation des contraintes du laboratoire. Il peut alors etrejudicieux de selectionner un nombre restreint de parametres et de se tenir a cechoix en vue de comparaisons futures d’etudes de qualite. Par exemple, la turbiditede l’EPR issue des toitures en tuiles est positivement correlee avec la conductivite, laconcentration en matieres en suspension et en carbone organique dissous (Nguyen-Deroche et al., 2011). La turbidite ou la quantite de matieres en suspension peuventpermettre de surveiller la qualite esthetique (eau trouble) et constituent des para-metres importants a evaluer si un traitement UV est applique a l’eau. En effet, lesparticules en suspension peuvent agir comme protection pour les virus et les agentspathogenes lors des traitements aux UV et reduire le pourcentage de transmission dela lumiere UV (transmittance UV). En general, la turbidite pourrait etre le parametrequ’il convient de privilegier car facile a mettre en œuvre. De plus, ce parametre estsystematiquement utilise dans les etudes sur la qualite de l’EPR et implicitementrecommande par le guide australien pour le recyclage de l’eau (NWQMS-AGWR,
Fig. 1. Evolution du nombre de publications scientifiques ayant pour objet l’EPR depuis 1950.
Le nombre de publications dediees a l’EPR est indique par les barres grises, celles dediees a
l’etude de la qualite de l’EPR sont indiquees par des barres noires. Le denombrement a ete
effectue le 2 avril 2013 a l’aide du service d’information universitaire Web of Science (http://
apps.isiknowledge.com). Les questions ont ete posees sur le modele suivant : Title (topic) =
rainwater) et (rainwater AND quality).
Fig. 1. Evolution of the number of scientific publications that focus on the rainwater since
1950. The number of publications concerning rainwater is indicated by the gray bars; those
concerning the quality of the rainwater are indicated by black bars. The survey was performed
on April 2nd 2013 using the Web of Science (http://apps.isiknowledge.com) data service. The
queries used were under the form: Title (topic) = (rainwater) and (rainwater AND quality).
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2006), d’autant plus que son niveau de reference est bien etabli. Une reflexionidentique devrait etre menee pour d’autres parametres tels que la quantite de carboneou de matiere organique dissoute, ou encore les differentes formes d’azote (nitrates,nitrites, ammoniaque, azote total). Il est a noter que le choix des parametres devraitprendre en compte des caracteristiques de type de surface de captage (ex. toiturevegetalisee ou terrasse).
2.2. Paramètres microbiologiques
Tout comme pour les parametres physico-chimiques, il existe un certain nombrede parametres microbiologiques qui sont classiquement suivis pour l’evaluation de laqualite de l’eau et leur pertinence doit etre relue en regard de l’usage de l’EPR. Ainsipour l’EPR destinee a la consommation humaine, la directive europeenne 98/83/CEdu 3 novembre 1998 peut aussi servir de referentiel. Pour les usages ne faisant pasl’objet d’une directive ou d’un arrete, il convient d’examiner l’usage de l’eau et lesrisques associes en vue de choisir les micro-organismes a evaluer.
Ainsi pour evaluer la qualite microbiologique de l’EPR les indicateurs de con-tamination fecale sont souvent choisis par defaut, sans reflexion menee sur leurpertinence. En effet le risque de contamination fecale d’origine humaine est relative-ment faible compare a d’autres ressources en eau (Evans et al., 2008). Toutefois iln’est pas exclu d’avoir des concentrations importantes en indicateurs fecaux lies auxapports par les defecations d’animaux sur les toits (Abbott et al., 2007; Ahmed et al.,2008). Les indicateurs classiques comme les coliformes totaux, coliformes fecaux,
Tableau I. Liste des parametres physico-chimiques et microbiologiques frequemment
utilises. Sur la base de 38 etudes sur la qualite microbiologique de l’eau de pluie de
ruissellement de toiture recensees dans l’article de synthese (Abbasi et Abbasi, 2011), la
frequence d’utilisation de chaque parametre microbiologique est calculee en pourcentage
presente dans les parentheses.
Table I. List of physicochemical and microbiological parameters frequently used for
evaluation of roof HRW. Based on 38 studies concerning the microbiological quality of
roof HRW identified in the systematic review article (Abbasi& Abbasi, 2011), the frequency
of each microbiological parameter is calculated as a percentage presented in parentheses.
Parametres frequemment utilises
Physico-chimiques Microbiologiques (ufc.100 mL�1)
Temperature (˚C) Coliformes totaux (53 %)
pH Escherichia coli (37 %)
Conductivite (mS.cm�1) Coliformes thermotolerants (32 %)
Turbidite (NTU)
Carbone inorganique dissous-
COD (mg.L�1)
Bacteries aerobies revivifiables a 22˚C et 37˚C
(ufc.1 mL�1) (32 %)
Matieres organiques dissoutes-
MES (mg.L�1)
Enterocoques fecaux (21 %)
NO3 (mg.L�1) Pseudomonas spp. (16 %)
PO4 (mg.L�1)
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coliformes thermo-tolerants ou Escherichia coli et les enterocoques intestinauxpeuvent alors etre utilises pour detecter une anomalie du systeme de recuperation(trop de contamination provenant de la toiture, du sol pour les cuves enterrees ou unedegradation en cours d’un cadavre d’animal…). E. coli etant l’agent bacterien le pluscommun dans les echantillons de cloaques des passereaux (Morishita et al., 1999)pourrait etre le parametre le plus approprie pour suivre la contamination d’origineanimale. De ce fait, il est interessant de suivre certains de ces indicateurs. En general,la detection en parallele de plusieurs indicateurs de contamination fecale dans lesechantillons d’EPR peut etre redondante. Depuis quelques annees les coliformestotaux et fecaux ne sont plus reconnus comme des indicateurs appropries de lacontamination fecale ou ayant une importance pour la sante (OMS, 2011).Aujourd’hui, ces parametres ont simplement un interet de comparaison avec lesanciennes etudes. Il semble plus approprie d’analyser la presence d’Escherichia coli,des enterocoques intestinaux et des coliformes totaux comme c’est actuellement lecas pour les deux referentiels specifiques a la qualite de l’EPR en fonction d’usage(voir Sect. 4. Seuils de references), meme si ces indicateurs sont aussi loin d’etreparfaits (Evans et al., 2008, Ahmed et al., 2010).
A cote des indicateurs fecaux, certains indicateurs de charge microbienne sontclassiquement suivis pour evaluer l’efficacite des traitements. C’est le cas des floresaerobies revivifiables a 22 ˚C et 36 ˚C. La presence de bacteries heterotrophes dansl’EPR n’est pas etonnante parce qu’une cuve de stockage de l’EPR est considereecomme un ecosysteme aquatique (Evans et al., 2009 ; Kim et Han, 2011). De ce fait,un certain niveau de base de bacteries heterotrophes est du a un developpementnormal des germes banaux environnementaux issus de la cuve et de la toiture. Lamesure de ces parametres dans le cas ou l’EPR est utilisee sans traitement ne sembledonc pas pertinente. Par contre cette mesure est utile pour le suivi de qualite d’unsysteme de traitement d’eau pour controler l’abattement des micro-organismes.
Parmi les bacteries heterotrophes, les mesures de Pseudomonas spp. et deAeromonas spp. sont souvent realisees pour etudier la qualite de l’EPR. Toutefoisces parametres ne permettent pas de qualifier la qualite sanitaire de l’EPR, car cesdeux genres sont ubiquitaires dans l’environnement. Dans un souci de controle de laqualite sanitaire, il serait plus judicieux de cibler certaines bacteries pathogenesopportunistes de ces deux genres et qui sont susceptibles d’etre presents dans lesreservoirs d’EPR, tels que P. aeruginosa, A. hydrophila, A. caviae.
2.3. Des micro-organismes pathogènes
La presence de nombreux pathogenes a ete etudiee dans l’EPR et leur presencepeut causer un risque pour la sante des usagers de l’EPR (Abbasi et Abbasi, 2011). Laplupart des etudes se focalisent sur les pathogenes d’origine hydrique et les risqueslies a l’ingestion de l’EPR. Majoritairement les pathogenes causant des gastro-enterites ont ete reconnus presents dans l’EPR comme Salmonella,Campylobacter, Giardia et Cryptosporidium (Sinclair et al., 2005 ; Ahmed et al.,2008 ; Abbasi et Abbasi, 2011 ; Ahmed et al., 2011). Selon ces auteurs, les bacteriesopportunistes comme P. aeruginosa, Legionella, Leptospira, et A. hydrophila ont eteaussi trouvees dans l’EPR. Par exemple, sur la base de 38 etudes sur la qualitemicrobiologiques de l’eau de pluie de ruissellement de toiture recensees dansl’article de synthese par Abbasi et Abbasi (2011), la presence de Pseudomonas et
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Legionella a ete reportee six fois (16 %), celle de Salmonella,Giardia etClostridium5 fois (13%) et celle deCampylobacter etCryptosporidium 4 fois (11%). Meme si lasurveillance directe de ces pathogenes dans l’EPR est une option interessante, carelle fournirait des renseignements precieux au sujet des risques de sante publique, il ya des centaines d’agents pathogenes (stricts et opportunistes comme des pathogenesenvironnementaux). Par consequent, il n’est pas economiquement, technologique-ment, et pratiquement possible de controler regulierement la qualite microbiologiquede l’eau pour tous les pathogenes. De plus le risque lie a certains pathogenesopportunistes tel que P. aeruginosa est parfois faible dans les usages normaux del’eau de boisson sauf chez les immunodeprimes severes (OMS, 2011).
Afin d’etudier les risques poses par les pathogenes, la priorite de leur detectiondans l’EPR pourrait etre liee aux types d’usage (Fig. 2). Dans le cas ou le risqued’ingestion de l’usage de l’EPR est eleve, les pathogenes qui causent des maladiesgastro-intestinales pourront etre les parametres interessants. Pour le risque d’inhala-tion lie a l’arrosage, au nettoyage a haute pression et a la prise de douche, larecherche des pathogenes causant les maladies pulmonaires, comme les legionelles,les Chlamydiae, certaines mycobacteries non tuberculeuses… pourrait etre utile.Pour le risque lie au contact avec la peau en utilisant de l’EPR, la detection decertains pathogenes, comme les staphylocoques dores, certaines mycobacteriesnontuberculeuses, les leptospires, les Chlamydiae… pourrait etre informative.
Pour conclure, dans une etude qui a suivi la variation de la qualite de l’EPR enmesurant une large gamme de parametres (pH, conductivite, couleur, turbidite,carbone organique total, anions, cations, durete,E. coli, enterocoques et flores totalespoussant a 22 ˚C et 36 ˚C), une analyse en composante principale et une analysecanonique des donnees ont montre que trois groupes de parametres caracterisentl’EPR : les parametres ioniques, les charges organiques et les indicateurs de
Fig. 2. Les voies d’exposition aux risques lies aux usages de l’EPR dans la vie quotidienne et
les exemples de recherche de pathogenes associes aux risques.
Fig. 2. Risk exposure routes for different types of roof HRW uses and some examples for
research of pathogens associated with such risks.
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contamination fecale (Vialle et al., 2011). Selon ces auteurs, il faut surveiller aumoins un parametre de chacun de ces trois groupes pour caracteriser correctement laqualite de l’EPR.
3. PROTOCOLES DE SUIVI : ADAPTATION DESTECHNIQUES D’ANALYSE
Si le suivi de la qualite physico-chimique de l’EPR ne pose generalementpas de probleme technique et est relativement facile a realiser, les organismesindicateurs de contamination fecale (E. coli, coliformes thermotolerants, coli-formes fecaux, coliformes totaux, enterocoques intestinaux) et les bacteriesheterotrophes (flore aerobie revivifiable a 22 ˚C et 36 ˚C) classiquement utilisesfont l’objet de protocoles normalises qui souvent ne sont pas adaptes a l’eva-luation de la qualite de l’EPR. En effet la plupart des etudes portant sur laqualite de l’EPR utilisent les procedures normalisees pour l’analyse de l’eaupotable ou de l’eau de baignade. Les resultats obtenus se situent souvent au-dessus ou en dessous des limites de detection, ou les resultats sont illisibles acause des problemes des flores interferentes, generant ainsi des resultats inex-ploitables quand ces methodes sont appliquees a l’EPR (de Gouvello et al.,2013). Il y a donc necessite d’adapter ces protocoles pour les specificites del’EPR. Quelques modifications sont proposees sur la figure 3. Il est a noter queces modifications ne concernent que les methodes de denombrement sur milieusolide de certains parametres biologiques. Deux caracteristiques sont a prendreen compte, d’une part les faibles concentrations en indicateurs et pathogenesqui necessitent une concentration de l’echantillon (souvent par filtration) etd’autre part la grande variabilite de la qualite de l’EPR. De ce fait plusieursvolumes d’echantillons doivent etre filtres pour pouvoir obtenir les resultatslisibles sur milieu de culture, ces volumes variant selon le parametre cible.Ainsi, trois volumes de 100, 50 et 10 mL de l’EPR doivent etre filtres pour ladetection d’E. coli et des coliformes thermotolerants, ou 50, 10 et 1 mL pourPseudomonas spp., ou encore 10, 1 et 0,1 mL pour les coliformes totaux(Fig. 3). Pour les bacteries heterotrophes, un millilitre d’une gamme de dilutionallant de 100 a 10�2 doivent etre ensemences sur milieu solide.
Les techniques de quantification par biologie moleculaire, telles que la PCRquantitative en temps reel (qPCR) peuvent permettre de s’affranchir du biais lie a lamethode de mise en culture qui est souvent lente et sous-estime le nombre desmicro-organismes (viables non cultivables). La qPCR permet d’obtenir un resultatsur un temps plus court et avec une meilleure sensibilite, toutefois elle presentecertains defauts tels que la surestimation des concentrations en quantifiant a la foisles cellules mortes et meme les ADN libres dans l’eau. Recemment, les techniques dequantification d’E. coli et d’Enterococcus spp. par culture et par qPCR ont etecomparees sur 50 echantillons d’eau preleves dans les citernes d’EPR dans le Sud-Est du Queensland, en Australie (Ahmed et al., 2012). Une correlation significative aete trouvee entre la methode basee sur la culture et la qPCR chez Enterococcus spp.Par contre pour E. coli, la correlation etait faible entre les deux methodes. Celamontre que les resultats peuvent etre methode-dependants et que leur interpretationdoit etre realisee avec circonspection.
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4. SEUILS DE RÉFÉRENCES : UNE PRISE EN COMPTE DESUSAGES
Outre les methodes d’analyses et les protocoles specifiques a l’EPR, il estnecessaire de determiner, pour les parametres appropries a l’evaluation de l’EPRles valeurs indicatives au-dela desquelles des actions correctives de gestion pourrai-ent etre envisagees. De nombreuses etudes ont choisi les parametres et les seuilsappliques pour evaluer la qualite de l’eau potable qui ne sont pas toujours adaptespour l’EPR. Il est a noter qu’il existe deux referentiels specifiant parametres etvaleurs-guide associes pour la qualite de l’EPR en fonction de l’usage vise :Municipal Handbook for Rainwater Harvesting Policies (U.S. EPA, 2008) et
Tableau II. Adaptation des protocoles standards d’analyse des indicateurs de la contam-
ination fecale en vue d’evaluer la qualite de l’EPR. (1) Milieu de culture preconise par la
norme NF EN ISO 9308-1 (2000) Qualite de l’eau - Recherche et denombrement
des Escherichia coli et des bacteries coliformes (Partie 1 : methode par filtration sur
membrane) ; (2) milieu de culture preconise par NF EN ISO 7899-2 (2000) Qualite de
l’eau - Recherche et denombrement des enterocoques intestinaux (Partie 2 : methode par
filtration sur membrane) ; (3) NF EN ISO 16266 (2006) Qualite de l’eau - Detection et
denombrement de Pseudomonas aeruginosa - Methode par filtration sur membrane ; (4) NF
EN ISO 6222 (1999) Qualite de l’eau - Denombrement des micro-organismes revivifiables -
Comptage des colonies par ensemencement dans un milieu de culture nutritif gelose.
Table II. Adaptation of standard protocols for analysis of fecal indicators in order to assessthe quality of the HRW. (1) Culture medium recommended by the NF EN ISO 9308-1 (2000)
Water quality – Detection and enumeration of Escherichia coli and coliform bacteria -
Part 1: Membrane filtration method, (2) medium culture recommended by NF EN ISO 7899-
2 (2000) Water quality - Detection and enumeration of intestinal enterococci - Part 2:
Membrane filtration method, (3) EN ISO 16266 (2006) Water quality - Detection and
enumeration of Pseudomonas aeruginosa - Method by membrane filtration, (4) NF EN
ISO 6222 (1999) Water quality - Enumeration of culturable micro-organisms - Colony
count by inoculation in a nutrient agar culture medium.
Volume de l’echantillon d’eau de
pluie a analyser
Parametres
Milieux de culture et
protocoles utilises Brut
Dilution
au 10eDilution
au 100e
E. coli(1) (1) 10, 50 et
100mL
- -
Enterocoques (2) 10, 50 et
100mL
- -
P. aeruginosa (3) 1, 10 et
50 mL
- -
Coliformes (1) 1 et 10
mL
1 mL -
Bacteries aerobies
revivifiables 22 ˚C et
36 ˚C
(4) 1 mL 1 mL 1 mL
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Rainwater Harvesting Systems: Code of Practice (BSI, 2009). Ces deux referentielspeuvent donner des indications utiles pour le cas francais en ce qui concerne ladefinition des parametres de suivi de la qualite de l’EPR (Tab. II). En effet, cesregulations ont propose un ensemble simplifie de deux a quatre parametres poursurveiller la qualite de l’EPR en fonction des usages. Pour un usage potable a l’inter-ieur, les regulations specifiques a l’EPR aux Etats-Unis (U.S. EPA-833-F-08–010)exigent l’absence d’E. coli et coliformes totaux dans un volume de 100mL d’EPR. Parcontre, le niveau de concentrations devrait etre inferieur a 100 ufc.100 mL�1 pourE. coli et 500 ufc.100mL�1 pour les coliformes totaux dans le cas ou l’EPR est utiliseepour les usages non potables a l’interieur. Selon la norme britannique (BSI8515:2009),le niveau de concentration de trois parametres (E. coli, enterocoques intestinales etcoliformes totaux) ne devrait pas depasser respectivement 250, 100 et 1000ufc.100 mL�1 pour les usages comme l’arrosage de jardin et la chasse d’eau destoilettes. Pour les usages comme le nettoyage ou l’arrosage a haute pression, cettenorme exige un niveau inferieur a 1 ufc.100 mL�1 pour E. coli et les enterocoquesintestinaux, 10 ufc.100 mL�1 pour les coliformes totaux et 100 ufc.L�1 pour leslegionnelles. Cette norme propose une interpretation des resultats et des conseils degestion du systeme de recuperation de l’eau de pluie en comparant les resultats obtenusavec les valeurs guides. Lorsque les resultats sont inferieurs aux valeurs guides, lesysteme de collecte peut etre simplement surveille en routine. Par contre si lesconcentrations sont superieures aux valeurs guides et ne depassent pas dix fois lesvaleurs guides, il peut etre necessaire demener une intervention curative sur le systemede collecte. Enfin, l’usage du systeme peut etre suspendu si les concentrations sont plusde dix fois superieures aux valeurs guides. Il est a noter que ces deux referentiels n’ontpas propose de valeurs guides pour les especes pathogenes. Pour les usages potables, il
Tableau III. Deux referentiels specifiques a la qualite de l’EPR en fonction d’usage :
Municipal Handbook for Rainwater Harvesting Policies (U.S. EPA-833-F-08–010) et Code
of Pratice (British Standards BSI8515:2009).
Table III. Two specific regulations in order to evaluate the quality of HRW according to its
use: Municipal Handbook for Rainwater Harvesting Polices (U.S. EPA-833-F-08–010) etCode of Pratice (British Standards BSI8515:2009).
Municipal Handbook for
Rainwater Harvesting Policies
(EPA-833-F-08-010) Code of pratice (BS8515:2009)
Indicateurs
(Unite formant
colonies
ufc.100 mL�1)
EPR pour
usage
potable a
l’interieur
EPR pour
usage
non potable a
l’interieur
EPR pour
lavage/
arrosage a haute
pression
EPR pour
arrosage de
jardin et chasse
d’eau
Escherichia coli 0 <100 1 250Enterocoques
intestinaux 1 100Coliformes
totaux
0 <500
10 1000Legionnelles
(ufc.L�1) 100
10 T.L.N. Nguyen-Deroche et al.: Eur. j. water qual. 44 (2013) 1–12
semble aussi important que la qualite de l’EPR respecte non seulement les seuils dereferences fixes pour les parametres microbiologiques mais aussi ceux pour les para-metres physico-chimiques exiges par les normes de l’eau potable. Autrement dit,quand l’EPR est utilisee pour les usages potables, les normes de l’eau potable serontappliquees a la fois pour la qualite microbiologique et chimique de l’eau.
5. CONCLUSIONS
Cette etude constitue une premiere approche qui a permis de mettre en avant despoints importants tels que l’identification des parametres pertinents de protocolesadaptes pour caracteriser une ERP, l’importance de tenir compte de l’usage vise del’EPR pour le choix des parametres a suivre et les valeurs seuils associees. Unereflexion reste donc a mener sur les etudes supplementaires necessaires et sur leurutilite pour definir les parametres et leurs valeurs limites en fonction des usages etdes risques lies a ces usages. Ainsi, afin d’evaluer les risques sanitaires lies auxusages de l’EPR, un investissement a long terme sur les etudes epidemiologiquesdevrait etre entrepris.
REMERCIEMENTS
Ce travail a ete finance par le conseil regional Ile-de-France dans le cadre desappels a projet de Recherche sur le Developpement Soutenable (R2DS Ile-de-France) et s’inscrit egalement dans l’observatoire OPUR (Observatoire desPolluants Urbains en Ile-de-France: http://leesu.univ-paris-est.fr/opur/).
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