Département d’Histoire de l’Art Master 2 Histoire du cinéma
La piste intertextuelle en Histoire Culturelle :
Die Hard et le film d’action
Florian Dupont
Dirigé par M. Dimitri Vezyroglou
2007-2008
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Remerciements
Je tiens à remercier vivement Dimitri Vezyroglou, directeur de ce mémoire,
pour son soutien, ses conseils et les nombreuses pistes de réflexion sur lesquelles il
m’a lancé.
Merci à mes parents de me soutenir dans mes études, et de corriger avec
patience et célérité mes erreurs.
Enfin, je tiens à exprimer ma plus profonde reconnaissance à Carole, dont les
conseils avisés et l’appui quotidien a rendu ce mémoire possible.
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Ce qui amuse la foule, [les gens cultivés] le condamnent comme distraction de la foule. Contrairement à ce qu’ils pensent, le plaisir esthétique que l’on prend à ces mouvements ornementaux de masse est légitime. Ils font partie en réalité de ces réalisations isolées propres à notre époque, qui prêtent forme à un matériau préexistant. La masse qui se répartit en eux est tirée des bureaux et des usines ; le principe formel d’après lequel elle est modelée est celui qui la détermine aussi dans la réalité. Quand de grands contenus de réalité sont soustraits à la visibilité de notre monde, l’art doit s’accommoder des éléments qui lui restent, car une représentation esthétique est d’autant plus réelle qu’elle est moins privée de réalité à l’extérieur de la sphère esthétique. Si faible que soit la valeur qu’on attribue à l’ornement de masse, il se situe, selon son degré de réalité, au‐dessus des productions artistiques qui continuent à cultiver des sentiments sublimes périmés dans des formes du passé ; même s’il ne signifie rien d’autre.
Siegfried Kracauer, « L’ornement de la masse », Frankfurter Zeitung, 9‐10 Juin 1927
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Sommaire
Remerciements ..................................................................................................................... 3
Sommaire .............................................................................................................................. 5
Introduction .......................................................................................................................... 8
I) Historiographie et épistémologie ......................................................................................... 13
A) Histoire culturelle : démarche et concepts .................................................................... 14
1) La position du chercheur ........................................................................................... 14
2) Histoire culturelle du cinéma : méthode et limites ................................................... 17
3) Concepts essentiels : définitions ............................................................................... 21
4) Possibilité et légitimation d'une étude de réception/consommation ....................... 28
B) L’intertextualité: le chaînon manquant .......................................................................... 34
1) Recours aux allusions, transpositions, et évocations ................................................ 34
2) Extension et obstacles principaux ............................................................................. 38
3) Un changement de régime de transposition ............................................................. 44
C) Le genre : réservoir sériel évolutif .................................................................................. 50
1) Le genre comme catégorie trop habituelle et usée ? ................................................ 50
2) Le genre comme mise en série .................................................................................. 53
3) Un parcours du genre ................................................................................................ 56
II) Sources et bibliographie ...................................................................................................... 60
A) Sources et documents en histoire culturelle .................................................................. 61
1) Sources et documents ............................................................................................... 61
2) Catégories de sources non‐filmiques ......................................................................... 62
3) Une hiérarchie des sources ? ..................................................................................... 64
B) Bibliographie commentée .............................................................................................. 67
1) Ouvrages et articles ................................................................................................... 67
2) Revue de presse ......................................................................................................... 77
3) Sites Internet ............................................................................................................. 81
4) Matériel promotionnel et documents de tournages ................................................. 86
III) Etude de cas : Le film d’action et la saga Die Hard ............................................................ 87
A) Le cœur : le rôle des scènes d’action dans la construction du genre ............................. 88
1) Le film d'action : un véritable genre ? ....................................................................... 88
2) Les scènes d'action comme lieu de rencontre des cadres ....................................... 125
3) Structure narrative : film d'action et jeu vidéo ........................................................ 131
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B) L’Epsilon : les personnages comme support d’évocation ............................................ 139
1) Cadre politique et statut du conflit.......................................................................... 139
2) Les statuts de la presse ............................................................................................ 150
C) Les Fondations : cadre sériel et générique ................................................................... 154
1) Transpositions entre objets culturels ...................................................................... 154
2) Le croisement de parcours dans Die Hard ............................................................... 164
3) Occupation de l'espace et maîtrise des moyens de communication ...................... 167
Conclusion ......................................................................................................................... 214
Travaux cités ..................................................................................................................... 218
Table des illustrations ........................................................................................................ 221
Fiches techniques des films ................................................................................................ 224
Table des matières ............................................................................................................ 229
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Nomenclature
Les conventions suivantes seront adoptées pour faciliter la lecture :
∗ Les sagas et séries de films seront désignés par leur titre usuel en
italique : Die Hard désignera l’ensemble des quatre films
∗ Les opus seront désignés par leur ordre chronologique de sortie, soit
Die Hard 1, Die Hard 2, Die Hard 3, Die Hard 4.
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Introduction
« Plus qu’un auteur, John McTiernan est un genre en lui‐même, le « Monsieur
Plus » du cinéma américain. Avec Piège de cristal, premier volet de la trilogie Die Hard,
il a repoussé les limites du film d’action »1. L’importance de la question du genre,
quand il s’agit de Die Hard et du film d’action, est bien soulignée dans cette critique.
Mais on ne peut que regretter le choix imposé qu’il semble falloir faire entre auteur et
genre. En effet, ces lignes exemplifient parfaitement le crédit apporté à une théorie de
l’auteur contre le genre, que l’auteur transcende forcément, et donc abandonne in
fine. Concernant Die Hard, dire que les opus réalisés par McTiernan sont « deux chefs
d’œuvre qui éclipsent un second opus médiocre »2 relèvent maintenant du lieu
commun, y compris après la sortie du quatrième opus.
Bien que le parcours de McTiernan ou la question du genre et de son évolution
soient dignes d’intérêt, l’objet de la présente étude n’est pas de révéler le sens caché
dans la saga, qui ferait de McTiernan un auteur, ou d’établir une hiérarchie des opus
ou des films d’action en se fondant sur des jugements de goûts. « La caricature des
histoires qualitatives est alors une légende téléologique et héroïque, où la marche vers
le Progrès est jalonnée de moments dramatiques. »3 Il s’agit donc d’éviter ce premier
écueil d’une histoire du cinéma qui hiérarchise à l’excès. L’auteurisme, avatar simplifié
de la théorie des auteurs, sera donc un premier présupposé que l’on s’attachera à
abandonner. Puisque l’objectif ici est d’ouvrir une voie dans l’étude du cinéma
populaire par l’intermédiaire de l’histoire culturelle, il convient tout autant de se
démettre des habitudes encyclopédiques, qui semblent un danger tout aussi grand
pour l’historien. Il s’agira donc de ne pas faire un simple inventaire de faits ou
d’observations, qui tient plus de la paraphrase que de l’analyse historique. Enfin, il est
impossible d’ignorer l’importance de l’analyse esthétique dans le champ qui nous
1 Vatrican, Vincent. «Une journée en enfer.» Cahiers du cinéma, n°494, septembre 1995. 2 M., S. «Die Hard Retour en Enfer.» Mad Movies, été 2007. 3 Ory, Pascal. L'histoire culturelle. Paris: PUF, 2e édition 2007 [1ère édition 2004]. p.14
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intéresse ici. Malgré tout, elle ne constitue pas, pour nous, une fin en soi mais bien un
moyen, un outil à la disposition de l’histoire culturelle.
Cette discipline autorise, et même force, à s’intéresser non seulement aux
aspects formels et esthétiques des objets culturels, mais à de nombreux autres
aspects, tout aussi importants (économique, social, représentatif etc.), au sein d’un
seul propos. L’inventaire qui suit fait particulièrement justice à la pluralité des points
de vue mis en œuvre :
« The study of film in american culture poses some interesting challenges to the person using an interdisciplinary method. First, as an historical document, film has contextual connections with the contemporary world. The people who make a film bring to the project their own interests and attitudes, and these various perspectives, when added to the collaborative process, forge a product which resonates in some way with society. Second, as a work of art, film requires textual analysis similar to drama, photography, painting, and music. But as an aesthetic object which combines different artistic media into a single experience, film requires an analytical method which considers all contributing disciplines. Finally, as an art historical object, film stands at the intersection of on‐going traditions in the medium’s own history and of theoretical interests alive at the time the film is made. To single out one feature of the film (e.g., its historical context or a self‐contained meaning in the text) is to sacrifice the film for something less. To avoid examining the relative contributions of all the major participants is to miss the unique feature of this collaborative art form. »4
4 « L’étude de films dans la culture américaine met au défi quiconque applique une méthode interdisciplinaire. Premièrement, en tant que document historique, le film est connecté contextuellement au monde contemporain. Les gens qui font un film communiquent au projet leurs propres intérêts et attitudes, et ces perspectives diverses, ajoutées au processus collaboratif, forme un produit qui entre en résonnance avec la société, d’une façon ou d’une autre. Deuxièmement, en tant qu’œuvre d’art, le film exige une analyse textuelle, comme une pièce de théâtre, une photographie, un tableau, et la musique. Mais en tant qu’objet esthétique combinant différents média artistiques en une unique expérience, le film requiert une méthode analytique qui prend en compte toutes les disciplines mises à contribution. Enfin, en tant qu’objet d’histoire de l’art, le film se tient à l’intersection de traditions encore présentes de l’histoire du média, et de des intérêts théoriques encore réels au moment de la création du film. Singulariser l’une des caractéristiques du film (par exemple son contexte historique ou une signification contenu dans le texte) revient à sacrifier le film pour moins. Ne pas étudier les contributions relatives de tous les participants importants revient à passer à côté de la caractéristique la plus unique de cette forme d’art collaborative. » Rollins, Peter C. Hollywood as Historian : American Film in a Cultural Context. Lexington: University Press of Kentucky, 1998. p.159
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Le but visé par l’histoire culturelle en général, et par cette étude en particulier,
est donc assez évident : rendre compte de cette pluralité de statuts de l’objet, les
étudier, et ce au sein d’une réflexion globale et non séquentielle. Elle est donc
nécessairement interdisciplinaire, en ceci qu’elle se fonde sur toutes les postures
possibles de chercheurs face au film : rien n’est a priori exclu, dans la mesure où le
centre du propos reste le film. Pour ce faire, trois types de raisonnements peuvent être
choisis : d’abord le raisonnement inductif, qui consiste à inférer de l’exemple habituel
une règle générale, ensuite le raisonnement hypothético‐déductif, qui consiste à
déduire d’une prémisse les conséquences logiques, et enfin le raisonnement abductif,
qui fonde ses conclusions générales sur une hypothèse tenue pour règle générale qui
permet d’expliquer une expérience précise. Sachant que ce dernier mode de
raisonnement est très proche de la démarche culturaliste (en particulier avec l’histoire
des représentations), il semble le plus adapté à notre étude.
De ce fait, le point de départ le plus évident est de déterminer quelle
expérience le chercheur fait de son objet, et en quoi cette expérience appelle à une
analyse plus poussée. Le choix de Die Hard s’explique avant tout par goût, bien
évidemment, mais d’autres facteurs sont entrés en ligne de compte lors de la
détermination du corpus. Tout d’abord, comme cela était souligné plus haut, Die Hard
est une saga absolument essentielle dans l’établissement du film d’action comme
genre, au même titre que Rambo (First Blood, Rambo, Ted Kotcheff, 1982 ; Rambo :
First Blood Part II, Rambo II : La mission, George P. Costamos, 1985 ; Rambo III, Peter
MacDonald, 1988 ; Rambo, John Rambo, Sylvester Stallone, 2008) par exemple
(écartée car le dernier opus n’est sorti qu’en février 2008). Elle avait donc l’avantage
d’offrir la possibilité de s’attaquer de front à la question du genre, et à son évolution
sur presque 20 ans. En effet, Die Hard 1 (Piège de cristal, John McTiernan) est sortie en
1988 et Die Hard 4 (Live Free or Die Hard, Die Hard 4‐Retour en enfer, Len Wiseman) en
2007. De plus les deux opus intermédiaire sont relativement bien répartis sur la
période : Die Hard 2 (58 minutes pour vivre, Renny Harlin) en 1990 et Die Hard 3 (Die
Hard : With a Vengeance, Une journée en enfer, John McTiernan) en 1995. Au cours de
cette période, les sources documentaires et médiatiques disponibles pour le chercheur
se sont également multipliées, avec l’exploitation de la franchise : critiques et articles
bien sûr, mais aussi éditions DVD et VHS, goodies, jouets et jeux vidéo inspirés de la
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saga. Enfin, la saga couvre une période de transformation profonde de l’économie
d’Hollywood, avec l’abandon d’une logique de studio, au profit d’une articulation
blockbuster/star au sein d’une ligne de produits issue de groupes de communication
producteurs de divertissement, d’entertainment. De ce fait, ainsi que pour des raisons
propres à chaque film, les opus relèvent de catégories de production différentes.
Devant un objet relevant de tant de contextes et cadres différents, appelant
des analyses si différentes, tout simplement surprenant 5, le chercheur peut se
demander quel sens on peut donner à Die Hard ? Le pluriel est ici de mise, car il ne
s’agit pas d’un sens unique, univoque mais bien de sens complexes, dépendants du
cadre dans lequel on considère l’objet. Tous ces sens existent, puisque l’on peut les
déduire de l’analyse des sources. Il ne s’agit donc pas d’un sens caché dans l’œuvre,
mais discuté dans les articles consacrés aux films, dans les forums, ou encore dans
d’autres films les évoquant. Il faut donc comprendre dans « sens » à la fois ce qui est
senti, ce qui est signifié, et ce qui dirige. Les questions qui découlent de cette
interrogation sont extrêmement nombreuses : Quelle influence a pu avoir Die Hard sur
la catégorisation générique, et inversement dans quelle mesure l’évolution des genres
a modifié les opus, ou leur réception ? Quels critères déterminent le genre, s’il existe,
du film d’action ? Comment les films sont intégrés aux lignes de produits auxquels ils
appartiennent ? Quelle image du film communique les produits connexes ? Comment
interagissent‐ils avec les autres secteurs des groupes de communication qui les
produisent ? Quel rôle a joué les images de l’acteur puis de la star dans l’établissement
de la franchise ? Comment, et à quel point, les films participent‐ils à la construction de
représentations, spécifiquement perçues comme telles (le conflit, la presse, l’état
fédéral, etc.) ? Quelle démarche doit‐on adopter pour pouvoir justifier de ces sens de
la saga ?
Afin de répondre à ces questions, et à celles qui émergeront au cours du
développement, il convient de commencer dans une première partie par définir
précisément les concepts utilisés, et de déterminer une démarche méthodologique
stricte et fonctionnelle, s’inscrivant dans des traditions historiographiques possédant
5 Le titre de l’ouvrage de Jeanne Hersch, et son contenu, est très explicite quant à la fonction décisive de la surprise dans l’interrogation intellectuelle : L’étonnement philosophique, Gallimard, Paris, 1993.
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un poids important sur ce que l’on pourra conclure. La deuxième partie permettra de
dresser l’inventaire des sources et références nécessaires à une étude que l’on
essaiera de rendre aussi exhaustive que possible. Enfin, une fois ces bases établies, la
troisième partie pourra donner lieu à l’étude proprement dite de la saga, selon des
points de vue que l’on variera autant que faire se peut.
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A) Histoire culturelle : démarche et
concepts
1) La position du chercheur
a) Apport des sciences sociales
L’un des principes fondamentaux de la démarche culturaliste, et plus
généralement historique, est d’expliciter les présupposés et hypothèses de recherche
avant toute analyse. Malgré tout, il convient ici de souligner que l’adoption d’une telle
méthode est elle‐même une hypothèse de départ, une sorte de pari sur la pertinence
et la fonctionnalité de l’histoire culturelle en tant que méthodologie de recherche sur
le cinéma. On peut néanmoins expliquer un tel parti pris ; observer le chercheur dans
son contexte de travail permet de situer un propos dans l’ensemble des discussions,
académiques ou non. Par exemple, l’histoire culturelle peut être vue comme une
discipline qui tente de « conquérir » des champs de recherche qui reviennent
légitimement (ce qui doit d’ailleurs être expliqué historiquement) à des analystes
plutôt influencés par la tradition cinéphilique (« politique des auteurs », Bresson, etc.).
Le positionnement adopté ici est donc loin d’être innocent, et ne doit pas être
considéré comme allant de soi. De la même façon, « un individu est‐il toujours au
carrefour de plusieurs plans (genre, milieu d’origine, sexualité, classe d’âge,
génération, profession, confession, idéologie…) qui le déterminent inégalement mais
que son analyse ne peut pas ignorer. » 6 . L’individu en question n’est pas
nécessairement un créateur de film, ou un spectateur : l’idée doit être tout autant
appliquée au chercheur pour pouvoir déterminer sa position exacte dans les différents
champs qu’il investit. Ainsi, le fait d’être un homme, d’habiter à Paris, ou encore
d’avoir vécu aux Etats‐Unis modifie bien évidement l’approche d’un sujet tel que le
6 Ory, op.cit., p.27.
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film d’action américain, ou même plus généralement le positionnement face au
cinéma populaire7.
b) Nationalité du chercheur et nationalité du film : un double
contexte de réception et création
Parmi les paramètres à privilégier à la fois lors de la constitution d’un corpus et
de l’analyse du positionnement du chercheur, la nationalité est souvent présentée
comme absolument primordiale. Alors que l’obstacle de la langue est généralement
considéré comme purement pratique, malgré les aléas et imprécisions que peut
générer la traduction8. Une importance beaucoup plus grande est accordée aux
« différences culturelles », alors que la langue est évidemment un symptôme de celles‐
ci. Plutôt que d’estimer que l’Etat‐Nation prime, et qu’étudier une cinématographie
étrangère aboutit nécessairement à une impasse si l’on s’intéresse à autre chose que
l’esthétique pure (qui est considéré pour sa part comme heimatlos et universelle) ; il
semble grandement profitable d’étudier des films étrangers, surtout s’ils s’exportent
partout dans le monde. En effet, cela permet dans les limites des connaissances
linguistiques, de multiplier les sources d’une part, et les contextes dans lesquels
s’inscrivent les films d’autre part.
Ainsi, dans le cas de Die Hard, les films s’inscrivent dans au moins trois
contextes (d’autres s’ajouteront par la suite) d’importance inégale en terme de
richesse de sources ou d’influence : celui de production, et celui de réception d’une
part dans les pays anglophones (principalement Etats‐Unis, Royaume‐Unis, Australie)
et d’autre part en France. A cela, il convient donc de rajouter le contexte de
production de textes sur le cinéma, dans chacun de ces pays, en particulier celui de ce
mémoire même. La nationalité du chercheur n’est donc qu’un paramètre parmi tant
d’autre, mais qui influe de façon première sur ce qu’il peut dire, penser ou écrire d’un
film.
7 Le terme populaire renverra ici strictement au succès public d’un film. 8 C’est pourquoi la langue originale sera préservée, autant que faire se peut, lors des citations.
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c) Cinéma contemporain
La question qui se pose alors, une fois les « distances » culturelles prises en
compte, est la suivante : est‐il possible d’analyser son propre contexte ? En d’autres
termes, la proximité temporelle constitue‐t‐elle un obstacle à l’histoire ? On ne pourra
ici répondre simplement à la question, mais on peut y opposer les avantages de
travailler sur le contemporain (au sens propre). D’abord, les sources sont plus faciles à
trouver, et donc à répertorier et conserver. L’Histoire peut même promouvoir la
conservation de certaines sources qui étaient considérées inutiles. Ensuite, chacun est
témoin et acteur de son époque, tout comme les sources étudiées elles‐mêmes : « il
est aujourd’hui capital de concéder au document une valeur monumentale autre, en
considérant notamment que le document charpente le contexte au sein duquel il
s’inscrit. »9. Être proche des sources permet alors, a priori, de mieux en saisir les
subtilités, voire même le sens global.
Une condition cependant à cette meilleure compréhension du contemporain :
le chercheur doit se distancier de ce qui lui est proche. Cela vaut tout autant pour les
sources contemporaines, qui doivent être analysées selon les méthodes historiques
habituelles (analyse externe, interne, etc.) ; mais aussi pour ce qu’il aime, admire, etc.
Même si « d’un point de vue méthodologique, nous considérons que mobiliser sa
propre expérience de spectateur est somme toute « normale », tant la difficulté d’en
faire abstraction, au profit de la scientificité, paraît illusoire »10 ; la célébration
inconditionnelle du film/réalisateur/genre étudié constitue un risque tout aussi grand
pour la scientificité, qui ne peut être partisane. L’équilibre entre tenir compte de son
expérience de spectateur et distancier les films étudiés est donc essentiel, et difficile.
La solution que l’on adoptera ici sera de partir non de l’expérience du film en tant que
spectateur normal, mais de celle de la recherche sur le sujet présenté. Sera également
mobilisé l’expérience du film en tant que spectacle, mais il semble plus judicieux de
corroborer celle‐ci par d’autres témoignages de spectateurs.
9 Bessière, Irène, et Jean Gili. Histoire du cinéma ‐ Problématique des sources. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2004. p.33 10 Gimello‐Mesplomb, Frédéric, et Michel Cieutat. Le cinéma des années Reagan. Paris: Nouveau Monde, 2007. p.194
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2) Histoire culturelle du cinéma : méthode et
limites
a) La démarche culturaliste
De façon générale, et donc nécessairement réductrice, l’histoire culturelle tente
de répondre à la question : quel sens a tel objet ? Sachant que la réponse est
invariablement relative à l’époque, au groupe de personnes considéré etc. De la même
façon, l’histoire culturelle du cinéma se pose la question du sens du film, non
seulement en termes scénaristique, esthétique ou social ; mais aussi dans les fonctions
économiques, industrielles ou encore représentatives du film, qui sera alors considéré
non seulement comme œuvre mais aussi comme produit, bien, discours etc. Certains
de ses aspects du film sont bien évidemment investis par certaines disciplines
(l’économie du cinéma, l’analyse esthétique, ou encore l’histoire technique), d’où une
importance donnée généralement aux questions de représentations au cinéma11.
« Du point de vue culturaliste ce n’est pas le siège de la représentation, posé
hypothétiquement comme « mental », qui la définit puisqu’elle ne se donne jamais ici
a priori comme « production de l’esprit » mais comme objet en société, qu’il s’agisse
d’une chanson des rues, d’un traité philosophique ou d’une course cycliste. »12 Tout
objet, et pas seulement les produits culturels, sont donc des objets légitimes de
l’histoire culturelle. De plus, pour explorer les différents aspects d’un objet, les
différents sens que lui donnent tel ou tel groupe, il est nécessaire d’analyser l’objet
sous « toutes les coutures ». L’histoire culturelle, d’une certaine façon, tend à
phagocyter toutes les disciplines ayant le même objet, tout en analysant leurs discours
respectifs pour les resituer historiquement13.
11 Les ouvrages fondamentaux de méthodologie sont présentés en II)B)1). 12 Ory, op.cit. p.10 13 « Enfin et surtout, ce changement de point de vue sur l’archive est inclus dans le programme même de l’historien si l’on considère, à la suite de Jacques Le Goff, l’étude « des conditions de production des documents » comme utilement complémentaire aux deux méthodes critiques usuelles, la critique externe d’authenticité et l’analyse interne de crédibilité (Histoire et mémoire, p. 303). » Bessière et Gili, op.cit. p.43
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Concernant notre sujet, « cette dimension d’anthropologie historique
légitimement revendiquée par l’histoire culturelle conduit, en effet, à ne pas
cantonner l’étude de la culture de masse à la trilogie productions culturelles‐vecteurs‐
publics, mais à y insérer aussi les visions du monde en découlant. La notion de
représentations collectives, du reste, s’inscrit presque sémantiquement dans celle de
culture de masse et permet de rappeler que les vecteurs ne transmettent pas
seulement et les publics ne reçoivent pas seulement des produits de cette culture mais
également des perceptions et des sensibilités communes. » 14 Les notions de
représentations collectives, de mentalités, etc. semblent malgré tout problématiques.
On peut y voir le premier obstacle de l’histoire culturelle. En effet, ces termes
renvoient à une généralisation du propos qui est, semble‐t‐il, difficilement conciliable
avec le relativisme dont on accuse régulièrement l’histoire culturelle.
Malgré tout, dans le cas des produits culturels, et du cinéma en particulier, il
est possible de contourner le problème en estimant que le film est l’expression d’un
petit groupe de personnes (les créateurs du film) vu par un grand nombre de
personnes (les spectateurs). Si le film a du succès, il est légitime d’estimer que la
majorité des propositions sont plébiscitées. Le film présente de surcroit l’intérêt d’être
validé plusieurs fois au cours de son exploitation : en salles, en DVD et VOD, à la
télévision15. Ces étapes d’exploitation sont autant de confirmations successives. Par
exemple, la comparaison des chiffres de vente de version simple et collector en DVD
pourrait être très signifiante quant au statut du film, son intérêt supposé etc. Bien
évidemment, on ne peut pas effectuer une simple translation mécanique du discours :
ce que dit le « gentil » n’est pas le discours de l’équipe du film (ne serait‐ce que le
dialoguiste) et ce que dit le « villain » (« méchant ») n’est pas à l’opposé de ce
discours.
Plus précisément, on peut considérer que l’équipe du film (studio compris) fait
une proposition au public par le film, ce public étant à cette étape un public‐cible,
voire un public imaginé (ce dernier terme présente l’avantage de prendre en compte la
14 Rioux, Jean‐Pierre, et Jean‐François Sirinelli. La culture de masse en France. Paris: Hachette, 2006.
p.12 15 Concernant cette chronologie des média, d’un point juridique et économique, voir http://www.obs.coe.int/oea_publ/iris/iris_plus/iplus4_2008.pdf.fr, un rapport de Martin Kuhr.
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représentation du public par les créateurs). Cette proposition doit avoir un sens dans
le cadre de la production (pour être financé) et de la réception (pour avoir du succès).
Ce cadre étant déterminé, infléchi par le contexte ou plutôt les contextes (étudiés ci‐
après). Cette proposition doit de plus avoir un sens légitime, et ce auprès d’instances
indispensables (financiers, public local dans le cas américain, critique institutionnelle et
surtout pairs qui siègent au CNC dans le cas français), voire d’autres superflues (la
critique aux Etats‐Unis, le public en France). Ces instances sont légitimatrices et
valident donc la proposition des créateurs du film. La validation du propos général du
film, ou d’une somme de propos particulier soulignés lors de commentaires, permet
donc de repérer un certain consensus, que l’on peut choisir d’appeler représentations
collectives ou mentalité, ou que l’on peut conserver tel quel pour l’analyse.
b) Difficultés et solutions pour unifier les strates d'analyses
Un autre problème majeur de l’histoire culturelle, présenté longuement dans
De l'histoire du cinéma de Michèle Lagny, consiste en la difficile unification des
différentes strates d’analyse au sein d’un même propos cohérent sur l’objet. « La
tentation est alors forte de limiter le jeux des interférences et d’analyser certains
secteurs de l’histoire du cinéma en eux‐mêmes, indépendamment de toute relation
avec d’autres niveaux, en utilisant les modèles d’analyses construits par différentes
sciences humaines » 16 .Ceci procède naturellement d’un objectif d’exhaustivité :
l’histoire culturelle s’attache à mettre au jour un maximum de sens différents pour un
même objet, notamment pour évoluer vers une analyse comparative. Pour contrer ce
phénomène d’éparpillement, plusieurs solution s’offre au chercheur. Premièrement, il
est possible de fragmenter l’objet pour n’étudier qu’une partie du film (par exemple
une étude des génériques) ou qu’une partie des représentations (une étude de la
représentation de la femme, qui comparerait les évolutions sociales du statut des
femmes au Etats‐Unis). Deuxièmement, plutôt que de parler d’histoire culturelle, il est
possible de se limiter à une approche culturaliste d’une histoire particulière (par
16 Lagny, Michèle. De l'histoire du cinéma : Méthode historique et histoire du cinéma. Paris: Armand Colin, 1992. p.123
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exemple, une histoire culturelle de l’économie des blockbusters, sur l’importance des
chiffres dans la promotion de certains DVD).
Troisièmement, on peut laisser l’étude être guidée par son objet même, et par
sa propre relation à l’objet (d’où l’adoption du principe de prise en compte de
l’expérience des spectateurs). De cette façon, le démarrage du processus de recherche
(choix d’un sujet par le chercheur) prend une importance toute méritée. Pour ce faire,
il est indispensable d’en passer par le repérage des allusions, des références, etc. et
d’avancer ainsi dans le film, le jeu vidéo, ou tout autre objet selon les allusions
repérées. Partant d’une référence particulière, il s’agit de remonter le fil vers d’autre
propos plus généraux. Une fois une référence repérée, il faut l’expliciter (c’est‐à‐dire
repérer le référent et la façon, ou le mode dont il est évoqué) et s’y intéresser
individuellement (que dit‐il lui‐même ? notamment de références encore antérieurs).
En fonctionnant ainsi de proche en proche, il devient relativement aisé de parvenir à
une sorte de cartographie des éléments évoqués dans le film.
Malgré tout, il est tout aussi facile de faire fausse route et de tirer un fil de
références qui n’a aucune attache dans l’objet lui‐même. Le principe de vérification
adopté ici sera un croisement des sources. En d’autres termes, sachant qu’il est peu
probable qu’une allusion soit absolument isolée dans une saga de quatre films17,
plusieurs éléments doivent pointer vers le même référent pour qu’il soit pris en
compte. Le but de cette méthode est donc d’analyser en profondeur un corpus réduit
de films, constituant un canevas de sens qu’il s’agit de découdre, afin de différencier
des faisceaux importants, comme autant de discours, de représentation d’un fait ou
d’une idée.
Il est tout à fait légitime de voir dans l’aspect strictement casuistique une limite
de cette méthode, puisqu’il est difficile de généraliser un propos : la représentation de
la presse dans Die Hard n’est pas généralisable à tout Hollywood, l’idée que ce fait
John McTiernan des milieux politiques en Amérique en Sud n’est pas forcément l’idée
que s’en fait un fermier d’Iowa etc. Afin de sortir de cette impasse, et d’élargir le
17 Ceci découle notamment du large respect du principe d’économie à Hollywood : rien n’est jamais absolument gratuit et isolée, chaque élément doit prendre son sens dans le film en tant qu’ensemble. La Rolex de Holly dans Die Hard 1, présentée au début du film, et qui permet la résolution de l’intrigue, est un exemple de fonctionnement.
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propos, la solution la plus évidente est de croiser les sources à ce niveau particulier,
d’abord en prenant en compte un corpus de film plus important, puis en incluant
d’autres produits culturels, et enfin en analysant les discours disponibles au chercheur
sur le sujet (académiques, sondages d’opinion, etc.).
3) Concepts essentiels : définitions
a) Contextes et cadres
Au vu de cet exposé rapide de la méthode de l’histoire culturelle, il apparait
que la notion de contexte est primordiale. « L’histoire culturelle se distingue aussi de
ces histoires‐là par sa préoccupation environnementaliste. Ledit environnement ne se
réduit pas, même si ce n’est déjà pas négligeable, à la prise en compte du « contexte »,
parfois caricaturé, à son tour, comme déterminisme grossier et niveleur. Il intègre, par
exemple, l’examen de tous ces « seuils » auxquels, sur le terrain de la littérature, s’est
intéressé un Gérard Genette, soulignant qu’un texte littéraire n’existe jamais sans ses
paratextes. « Je n’écris pas, à cet instant, un livre : j’écris un texte qui, par paliers
successifs, de l’éditeur au libraire, est devenu, si vous le lisez à votre instant, un
livre. »18. L’idée de seuil ne semble pas ici remplacer avantageusement le terme de
contexte, entendu dans son sens le plus général.
L’articulation du contexte, qui est un champ particulier par lequel passe l’objet,
avec la notion de cadre telle que l’emploie Ervin Goffman permet de moduler le
propos : n’est cadre que ce qui donne du sens à l’interaction en jeu. Ainsi on parlerait
de contexte par exemple pour la politique économique de Californie (qui ne remet pas
en cause la relation entre un film et un acteur particulier), mais de cadre concernant
un changement de politique de production de la Fox entre 1988 et 2007 (puisque cela
influe sur la production et la distribution des Die Hard).
On peut dès lors différencier certains cadres fondamentaux, qui influent sur le
propos que peut tenir le film, et sur les discours produits sur celui‐ci. Tout d’abord, le
cadre technologique détermine ce qu’il est possible ou non de voir à l’écran, d’un point
18 Ory, op.cit. p.14
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de vue technique. Par exemple entre 1988 (date de sortie de Die Hard 1) et 2007 (Die
Hard 4), l’apparition et la généralisation des effets spéciaux numériques plutôt que
mécaniques modifient l’aspect du film. De même le cadre médiatique, notamment les
influences réciproques d’un média à l’autre, ou encore l’importance relative du film
dans ce cadre permet de mieux comprendre voire d’expliquer certains éléments du
film, par exemple le type de promotion (généralisation de l’accès à Internet,
permettant la participation de Bruce Willis à un forum).
De façon plus distante mais non moins importante, les cadres politique et
économique influent grandement sur ce qu’il est possible de montrer ou dire dans un
film (évolution de la censure ou crise boursière et financière par exemple). Des
évènements particuliers peuvent également être vus comme participant de ces
cadres : Par exemple, après la chute des tours du World Trade Center, certaines
images de films sont lues spontanément comme des rappels des films amateurs
diffusés à l’époque. De même, des images de films antérieures au 11 Septembre 2001
peuvent être lues, rétrospectivement, différemment
On peut également choisir de limiter ces cadres politique et économique au
niveau local d’Hollywood. A cela s’ajoute, dans le cadre de production, le cadre
strictement industriel et entrepreneurial des firmes et studio. Ainsi, l’évolution des
ratings (classement du film de tous public, G, à l’interdiction au moins de 17 ans, NC‐
17) de Die Hard, passant de R (Restricted, interdit aux moins de 17 ans non
accompagnés d’un adulte, à PG‐13, avis parental fortement recommandé pour les
moins de 13 ans), a fait couler beaucoup d’encre aux Etats‐Unis, en particulier parmi
les fans de la saga. De ce point de vue, l’analyse de Thomas Schatz semble
particulièrement pertinente, et sa classification des films sera adoptée ici :
“Thus we might see the New Hollywood as producing three different classes of movie : the calculated blockbuster designed with the multimedia marketplace and franchise status in mind, the mainstream A‐class star vehicle with sleeper‐hit potential, and the low‐cost independent feature targeted for a specific market and with little chance of anything more than « cult film » status.”19
19 « Ainsi, on peut considérer que le Nouvel Hollywood produit trois types de films différents : le blockbuster calculé créé avec le marché multimédia et le statut de franchise en tête, le film de série A
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Le dernier cadre pris en compte, et peut‐être le plus important en termes de
sources disponibles, est celui de la réception. Ce cadre peut d’ailleurs être démultiplié
à l’infini selon que l’on différencie la réception par genre, tranche d’âge, nationalité
etc. C’est ici que l’histoire culturelle se rapproche le plus d’une histoire sociale, puisque
la réception est à la fois le point final et le nœud sur lequel tous les autres
cadres influent :
« Sociale, l’histoire culturelle l’est par sa prise en considération des données techniques, économiques et politiques qui, à la fois, pèsent sur la représentation mais, du même mouvement, la rendent possible ; sociale, elle l’est par l’accent mis sur le circuit de médiation de l’objet culturel ; sociale, elle l’est par sa méthode interprétative, qui pose que ledit objet n’existe jamais en lui‐même mais toujours en relation. »20
Plus encore que les conditions de possibilités du film, les cadres déterminent
finalement les conditions de possibilité de son interprétation, ainsi que les garanties et
les vérifications que l’on peut apporter à une analyse particulière. Il s’agit en effet
toujours de réception, d’une réception singulière, quand l’historien étudie un film :
« As Eileen Meehan suggests in a perceptive study of Batman, to analyze
contemporary movies « we must be able to understand them as always and
simultaneously text and commodity, intertext and product line. » »21
b) Contrainte
« Mais alors que les jugements de valeur et les hiérarchies esthétiques sont
condamnés à être continuellement remis en cause, les films proprement dits peuvent
de plus en plus être considérés comme les éléments d’une ensemble contextuel plus
vaste, au sein duquel acquièrent une importance comparable les auteurs et le public,
traditionnel soutenu par une star ayant le potentiel d’être un succès dormant, et le film indépendant à petit budget spécifiquement ciblé pour un marché particulier et ayant peu de chances d’atteindre un statut autre que celui de « film culte ». » Collins, Jim, Hilary Radner, et Ava Preacher Collins. Film Theory Goes to the Movies. New York: Routledge, 1993.p.35 20 Pascal Ory, op.cit. p.116 21 « Comme le suggère Eileen Meehan dans une étude pertinente de Batman, pour analyser les films contemporains, « nous devons être capable de les comprendre comme toujours et simultanément un texte, une marchandise, un intertexte et une ligne de produit » » Collins, Radner et Collins, ibid.
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mais aussi une série de forces et d’agents agissant dans les domaines de la production,
de la distribution, de l’exploitation et de la mémoire des films »22. Parallèlement à ces
conditions de possibilités de l’interprétation, les cadres sont le lieu d’action de ces
forces et agents. Le terme de contrainte sera utilisé ici ; il faut l’entendre au sens où
elle est une force qui oriente l’action, qui balise la liberté des agents.
Cette notion permet la différenciation de la cause et du but, ou plutôt permet
de ne pas interpréter un élément précis comme une fin en soi mais comme le résultat
de plusieurs contraintes précises. Par exemple, à propos de Die Hard 1, Amiel et Couté
affirme la présence d’« une multitude de lieux dont la clôture est accentuée par
l’utilisation de plans rapprochés, moyens ou au maximum de semi‐ensemble, excepté
pour les rares scènes en extérieur qui utilisent des plans d’ensemble. »23 Et explique
ce choix par la claustrophobie voulue pas McTiernan. Mais Die Hard ayant été tourné
dans un chantier, l’équipe n’avait qu’un choix limité en termes d’échelle de plan. De
plus, les plans larges sont relativement courant dans les endroits pouvant les accueillir
(extérieur, lobby). Si l’on compare enfin Die Hard avec Speed, sachant que ce dernier
est réalisé par Jan de Bont (en 1994), chef opérateur sur Die hard, on remarque
également la présence de nombreux plans larges (il semble tout aussi difficile de faire
un plan large dans un bus, que dans un conduit d’aération ou sur un chantier en
cours). On ne peut donc penser que McTiernan ou Bont ont volontairement limité leur
choix de prise de vue pour donner un sens particulier, en revanche il est évident qu’ils
ont pris parti de cette contrainte. L’analyse de la claustrophobie dans Die Hard n’est en
rien invalidée. Mais la cause (contrainte du cadre de production, des décors et donc
des moyens de la production qui n’a pu construire ce décor en studio) est différenciée
du but (qui serait de coller au plus près du héros, jusqu’à l’étouffement).
De façon plus générale, une fois qu’une contrainte est mise au jour, on peut
estimer que certains éléments ont été insérés pour donner un sens à cette contrainte.
En effet, il est absolument essentiel de garder à l’esprit que les créateurs d’un film ont
une conscience accrue de la réception de leurs films, publique ou critique selon les cas.
22 Bessière et Gili, op.cit. p.213 23 Amiel, Vincent, et Pascal Couté. Formes et obsessions du cinéma américain contemporain. Paris: Klincksieck, 2003.
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On voit ici l’importance de faire appel à l’idée d’un public imaginé plutôt qu’un public‐
cible, qui ne se pense en vérité qu’en termes de tranche d’âge, d’origine ethnique ou
de catégorie socioprofessionnelle. « Explaining Shakespeare’s use of soliloquies by
observing that the practice was an Elizabethan dramatic convention tells us as little as
saying that Picasso used blue because it was cheap… »24. Malgré tout, ces explications
permettent d’éviter nombre de surinterprétations. «… The possibility exists in all art
that convention and comment coexist »25. De la même façon, les contraintes peuvent
coexister avec le sens global, et avec le commentaire de ces contraintes. Ce qu’il est
essentiel de noter ici, est que l’on ne peut expliquer unanimement un phénomène par
une cause isolée, unique et directe. Un élément particulier doit être expliqué par un
faisceau de causes, plus ou moins lointaines, plus ou moins directes. Il s’agit alors pour
l’historien d’estimer l’importance relative de chaque cause.
c) Parcours et réseaux
Les contraintes, tout autant que les différents cadres présentés, pèsent tout
autant sur un autre facteur explicatif disponible généralement pour l’analyste : il s’agit
du parcours des créateurs du film. L’idée de parcours, défini comme une succession de
choix balisés par des contraintes d’une part, et par des indicateurs d’autre part (par
exemple les parcours précédents ou parallèles dans le même champ), permet de rester
en deçà des explications de type psychanalytiques qui restent monnaie courante
concernant les réalisateurs. On écartera également la notion de trajectoire, qui sous‐
entend un déterminisme originel. Le parcours permet alors de tenir compte tout
autant des évolutions que des détours.
Afin d’abandonner le mythe de l’auteur démiurge unique, héritier de la
« politique des auteurs », on choisira ici de parler d’équipe créative26 au sens le plus
large. Elle est composée non seulement des créateurs du film habituels (réalisateur,
24 « Expliquer que l’utilisation que fait Shakespeare des monologues par le fait que cette pratique était une convention elizabethaine nous dit aussi peu que de dire que Picasso utilisait du bleu parce que c’était moins cher… » 25 « … Il est possible dans tout art que la convention et le commentaire coexistent » 26 L’expression est tirée des génériques des films de Johnny To, certains d’entre eux incluent en effet la mention « Milkyway Creative Team ».
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scénariste) mais aussi de l’équipe technique, des acteurs, des producteurs etc. En
d’autres termes, quiconque a pu avoir une influence sur le film tel qu’il est présent sur
la bobine en fait partie. Par exemple, quand Thomas Schatz affirme que « Successful
studio management involves not only positioning movies in a global multimedia
market, but also dealing effectively with top talent and their agents, which introduces
other human factors into the New Hollywood equation. »27, on peut considérer que les
acteurs, y compris ceux qui refusent le rôle, et leurs agents prennent part à la création
du film.
Le film devient alors le résultat d’un croisement de ces parcours (ou d’un
détour de certains pour l’éviter), au lieu d’être une « œuvre de l’esprit » d’un auteur.
Pour reprendre le titre de la conclusion de Hitchock et l'aventure de Vertigo de Jean‐
Pierre Esquenazi (« L’« auteur » est un réseau »), on peut affirmer que l’ensemble des
parcours constitue lui‐même un réseau. Ceci permet de mettre l’accent non pas sur le
parcours lui‐même (ceci reste le sujet des monographies) mais sur les points nodaux,
et sur ce qui vient immédiatement avant et après ce point de rencontre. Le film
pourrait ainsi être perçu comme une force pesant sur les parcours de chacun des
participants à sa création. On pourrait alors définir une « sphère d’influence » de
chaque film sur la carrière des membres de l’équipe créative. C’est exactement ce que
délimite le schéma publié sur le site de Wired28 pour les créateurs de Star Wars
(George Lucas, 1977, 1999, 2002, 2005 ; Irvin Kershner, 1980 ; Richard Marquand,
1983).
27 « Gérer avec succès un studio requiert non seulement de positionner des films dans un marché multimédia mondial, mais aussi de traiter efficacement avec les stars et leurs agents, ce qui introduit d’autres facteurs humains dans l’équation du Nouvel Hollywood. » Collins, Radner et Collins, op.cit. 28 Devereaux, Michelle. «How Star Wars Changed the World.» Wired, Mai 2005.
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4) Possibilité et légitimation d'une étude de
réception/consommation
a) Cadres de réception, de consommation, de visionnage
Concernant cette fois les spectateurs, on peut hésiter entre parler de cadre de
réception et de cadre de consommation. Celui‐ci connote une passivité du spectateur,
alors que le visionnage du film en appelle à un rôle actif de lecture de la part du
spectateur, et de ce fait recrée l’œuvre pour lui‐même ; ce rôle étant établi, il sera
souligné. Celui‐là met l’accent presque exclusivement sur l’angle industriel de l’objet.
Afin de simplifier la lecture, les deux termes seront utilisés ici sous deux
modalités différentes. Tout d’abord le cadre de réception ne s’appliquera qu’au
spectacle filmique en salle, et donc inclura de façon privilégié la réception critique et le
public en salles. Ensuite, le cadre de consommation fera référence aux autres modes
de diffusion des films, en particulier le visionnage de films à domicile, via VOD, DVD et
DIVX. Par extension, on parlera également de cadre de consommation s’agissant
d’autres média : télévision (publicité, clips, émissions, séries et fictions) et jeux vidéo
en particulier. Enfin, dépassant l’alternative réception/consommation, il convient
d’introduire un cadre de visionnage, valable pour tout type d’images (au même titre
qu’un cadre de lecture s’applique à n’importe quel texte) afin de ne mettre en jeu que
ce que véhicule le média. Laissant de côté tous les appareils de production et de
diffusion, ce cadre se limite à ce qui est visible pour le spectateur.
Une véritable différence a été supposée ci‐dessus entre les différents modes de
diffusion. Malgré tout, il reste à prouver qu’il existe une différence fondamentale entre
le visionnage d’un film dans un cadre de réception ou de consommation. Le culte de la
salle obscure est encore très répandu, malgré la diffusion supérieure des DVD en
termes de recette. L’argument le plus couramment utilisé pour défendre la salle contre
d’autres modes de diffusion consiste à souligner la suspension du doute permise par
cette expérience collective, permise entre autre par les conditions optimales réunis
pour le visionnage (obscurité, silence, équipements, écran géant). Mais tout spectateur
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de DVD peut témoigner de la possibilité de suspendre son doute à domicile, et il
n’existe aucun véritable obstacle à celle‐ci. De même le DVD ou la télévision sont, tout
comme la radio, l’objet de discussion et de partage à plusieurs spectateurs : la
convivialité prend peut‐être même plus d’importance dans ce cadre de consommation
qu’en salle.
b) Pour une étude simultanée
Reste à savoir si une étude de ces différents cadres est à la fois possible,
légitime, et pertinente (c’est‐à‐dire nécessaire). En premier lieu, il est tout à fait
possible d’étudier le cadre de réception et de consommation en ayant recours à
différents types de sources : quantitatives (box‐office, ventes DVD, statistiques
variées), qualitatives (études sociologiques, forums, critiques, blogs), voire à mi‐
chemin dans le cas de sondages d’opinion (selon le type de question). La difficulté est
plus grande, en revanche, concernant l’étude du cadre de visionnage. Sans aller dans le
sens d’un relativisme absolu, il semble à peu près impossible de demander à un grand
nombre de spectateur de faire un véritable travail d’analyse poussé, et une description
précise de toutes les images qui peuvent influencer leur visionnage. On ne peut donc
s’en tenir qu’à l’analyse personnelle, qui est la seule véritablement possible.
Personne ne remettrait en cause la légitimité d’une analyse personnelle en tant
que démarche, avant même de prendre en compte le contenu. Il n’en est pas de même
concernant les analyses de réception/consommation. En effet, on y oppose
majoritairement deux types d’arguments29 : l’argument relativiste, qui consiste à clore
le débat par « chacun ses goûts » ; et l’argument « postkantien » qui consiste à
affirmer que le jugement de goût relève de l’universalité (ce qui équivaut à un
argument d’évidence). La méthode historique, et en particulier l’utilisation des
documents au sein de séries, unifiées selon les besoins (par exemple regrouper tous
les documents universitaire qui justifie leur démarche en faisant référence à La critique
de la faculté de juger de Kant), permet de conserver un équilibre entre l’universalité du
29 Voir Jullier, Laurent. Qu'est‐ce qu'un bon film? Paris: La Dispute, 2002, pour un approfondissement de 6 critères de jugement en cinéma : le succès, la technique, l’édification, l’émotion, l’originalité, la cohérence.
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goût et le relativisme : il suffit de réarranger les séries de documents pour souligner tel
argument partagé par beaucoup.
L’héritage kantien est tout aussi important dans la critique française (et pour
partie à l’université), ce qui n’est pas sans poser problème lors du regroupement des
documents en séries puisque de ce fait, les documents eux‐mêmes sont extrêmement
similaires. Voilà comment Laurent Jullier décrit le raisonnement général :
« 1. La faculté de juger est universelle ; elle « mériterait le nom de sens commun à tous ». Si le critique kantien trouve le film génial, nous aussi (par essence commune). 2. Cette faculté est intiutive ; elle ne s’apprend pas à l’école ni sur les bancs de l’université ; « le jugement sur la beauté ne serait pas un jugement de goût s’il appartenait à la science », écrit Kant. Voilà pourquoi le critique kantien peut se dispenser d’expliquer en quoi le film est génial. 3. Cette faculté, bien qu’elle fonctionne de manière intuitive, n’a rien à faire non plus avec le corps [et donc avec les émotions ressenties]. 4. Juger une œuvre belle doit consister en un acte désintéressé. »30
Malgré tout, une étude des critiques n’en devient que moins intéressante, et
non illégitime. Le dernier argument principal contre les études de réception et de
consommation consiste à affirmer que l’historien empiète dès lors sur le domaine des
sociologues. En conséquence, l’alternative est la suivante : soit une étude existe au
préalable, soit l’historien doit rassembler les faits lui‐même. Dans le premier cas, la
compétence de celui‐ci à intégrer les conclusions ou même les faits bruts à son étude
est remise en cause. Cet argument tombe rapidement : l’histoire s’est toujours nourri
de tels transfuges d’une discipline à l’autre, le problème se poserait de la même façon
pour une étude économique, technologique etc. (notons toutefois que ce transfuge
requiert évidemment un minimum de compétences de la part de l’historien dans le
domaine d’origine). Dans le deuxième cas, il est évident que l’historien n’approche pas
une telle étude de la même façon qu’un sociologue, et son travail doit rester soumis
aux principes de scientificité historique, si ce n’est sociologique. Malgré tout, en
l’absence de sources déjà traitées ou présentées, l’historien doit « inventer ses
30 Jullier, Qu’est‐ce qu’un bon film, op. cit. p.54
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sources »31, c’est‐à‐dire exposer des sources non utilisées jusqu’à présent, voire en
créer de toute pièce, en empruntant aux sociologues leurs méthodes32.
La pertinence de ces études reste encore à démontrer. Si l’on s’en tient aux
arguments préliminaires, trois idées prédominent. Premièrement, de telles études
sont indispensables en histoire culturelle du cinéma, puisqu’elle vise à l’exhaustivité et
à la précision. Plus simplement encore, il n’y d’histoire culturelle que par les
représentations : exclure les spectateurs équivaut à ignorer la moitié des données.
« L’appartenance culturelle n’est pas une illusion mais, par ailleurs, elle est plurielle
puisqu’elle intègre comme variables le genre, l’âge, la génération, le lieu, la
conjoncture historique, etc. cette pluralité d’appartenances est, au fond, la position de
l’observateur culturaliste, qui contribue à l’élaboration d’un objet dont il fait partie –
bref, qui maintient à distance et qui participe : on vient de définir une société. On vient
aussi de définir un individu dans l’histoire. »33
Malgré tout, l’histoire culturelle ne peut se faire qu’à condition d’articuler ces
études de réception et de consommation avec d’autres cadres d’analyse. Steve Neale
fournit un exemple parfait de croisement des cadres, dans l’objectif de différencier les
faisceaux de sens mentionnés plus haut :
« Bram Stoker’s Dracula (1992) is a particularly overt example of contemporary Hollywood’s « commercial aesthetic » of aggregation. The film is a combination of diverse textual components subsequently disaggregated and promoted through marketing, media exposure and merchandising. These procedures mobilised a series of sometimes conflicting promises about the film. It was variously advertised, reviewed and consumed as the latest creation of an auteur, a star‐vehicle (for any of four stars), a reworking of a popular myth, an adaptation of a literary « classic », as horror, art film or romance, or as a mixture of these genres. In other words, Bram Stoker’s Dracula was organised as what I have termed a « dispersible text ». This is a package designed to achieve commercial, cultural and social reach, by both facilitating and benefiting from promotional and conversational processes
31 Lagny, op.cit. p.59 32 Les sources sont abordées dans la deuxième partie. 33 Ory, op.cit. p.117
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of fragmentation, elaboration and diffusion. The dispersible text is not unstructured or infinitely open to interpretation, but its multiple address to a coalition of audience fractions is readily amplified through advertising, publicity and merchandising. The dissemination of images, characters, songs, stars and interpretations of the film extends its presence in the social arena of potential viewers. With no single, unified identity in the marketplace, Bram Stoker’s Dracula was designed and positioned to « touch base with all the sectors of the audience ». Its industrially motivated hybridity and ultimate commercial success foreground issues of genre and taste. »34
Plus précisément, le sujet et le traitement thématique choisi ici nécessite une
étude de réception/consommation à deux points de vue. Tout d’abord, s’il s’agit de
cinéma populaire, l’importance du public (plus que des critiques) est littéralement
inscrite dans le sujet, il caractérise ce type de films, qui ne vit que de son succès public.
Plus important encore, si un des objectifs de l’étude est l’étude du genre, il est
méthodologiquement nécessaire sinon de faire une étude précise de consommation,
au moins d’en esquisser les grandes lignes :
«… almost all writers using the term genre, are caught in a dilemma. They are defining a western on the basis of analyzing a body of films that cannot possibly be said to be westerns until after the analysis.[…] This « empiricist dilemma » has two solutions. One is to classify films
34 « Dracula d’après Bram Stoker (1992) est un exemple particulièrement pertinent de « l’esthétique commercial » d’agrégation de l’Hollywood contemporain. Le film est une combinaison de composants textuels divers par la suite désagrégés et publicisés par l’intermédiaire du marketing, de l’exposition médiatique et le merchandising. Ces procédures mobilisent une série de promesses parfois contradictoire concernant le film. Il a été publicisé, critiqué et consommé en tant création d’un Auteur, film de star, réinterprétation d’un mythe populaire, adaptation d’un classique, film d’horreur, film d’auteur, histoire d’amour, ou un mélange de ces trois genres. En d’autres termes, Dracula d’après Bram Stoker s’organisait comme ce que j’ai appelé un « texte fractionnable». C’est un pack composé pour avoir un succès commercial, culturel et social, à la fois en facilitant et en bénéficiant des processus promotionnels et discursifs de fragmentation, d’élaboration et de diffusion. Le texte fractionnable n’est pas sans structure ou ouvert à des interprétations sans fin, mais son discours multiple destiné à une coalition de publics est facilement amplifié par la publicité, l’effet d’annonce et le merchandising. La dissémination des images, des personnages, des chansons, des stars et des interprétations du film prolonge sa présence dans l’arène sociale des spectateurs potentiels. Sans identité unique et unifié sur le marché, Dracula d’après Bram Stoker a été conçu et positionné pour « toucher toutes les catégories de public ». Son hybridité, motivée industriellement, et finalement son succès commercial ont amenés au premier plan les problèmes de genre et de goût. » Neale, Steve. Genre and Contemporary Hollywood. Londres: BFI, 2002.p.294
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according to a priori criteria depending on the critical purpose. This leads back to the earlier position in which the special genre term is redundant. The second is to lean on a common cultural consensus as to what constitutes a western and then go on to analyze it in detail. »35
Cette deuxième solution sera donc adoptée ici.
35 « …presque tous les écrivains qui utilisent le terme de genre sont confrontés à un dilemme. Ils définissent le western en se fondant sur l’analyse d’un corpus de films qui ne peuvent être qualifiés de westerns qu’après l’analyse. […] Ce « dilemme empirique » peut être résolu de deux façons. La première consiste à classifier les films selon un critère a priori en fonction de l’objectif critique. Cela ramène à la situation précédente dans laquelle le terme spécial de genre était redondant. La deuxième consiste à s’appuyer sur un consensus culturel usuel de ce qui constitue un western, et ensuite poursuivre l’analyse en détail. » « Genre », Andrew Tudor, in Grant, Barry Keith. Film Genre Reader III. Austin (Texas): University of Texas Press, 2003. p.5
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B) L’intertextualité: le chaînon manquant
1) Recours aux allusions, transpositions, et
évocations
a) Quel terme ?
Lorsque l’on parle du phénomène des phénomènes de citations, le nombre de
termes proches dans leur signification est très important. Il convient donc avant tout
d’effectuer un certain choix, informé, parmi ceux‐ci : citation, référence, allusion,
remploi, transposition, évocation. « Le substantif citation est issu du verbe latin citare,
fréquentatif de ciere, qui signifie « mettre en mouvement », « appeler »,
« convoquer ». […] Faut‐il préférer les termes d’« emprunt » ou de « transposition » à
celui de citation, selon que l’on insiste sur la relation nécessairement infidèle de
l’imitation picturale à son modèle ou sur l’action d’appropriation effectuée par le
citateur ? »36.
Au vu de l’importance accordée à l’action « re‐créatrice » du spectateur, et
malgré les avantages conceptuels de ces termes, certains soulignent trop fortement
une volonté d’imitation (au sens fort) de la part du ou des créateurs : remploi, citation
et référence. On conservera donc l’idée de transposition dans le cadre de production.
Parallèlement, la notion d’allusion, qui permet de souligner la nécessité de l’action de
lecture (et de construction de sens) du spectateur, sera favorisée dans les autres
cadres. Le terme d’évocation, bien que moins explicite que les deux précédents,
permet néanmoins de désigner le procédé dans son ensemble.
L’ensemble des pratiques d’évocation d’autres objets culturelles peut être
désigné sous le terme d’intertextualité, telle que définit par Beylot « comme un effet
de la « perception par le lecteur de rapports entre une œuvre et d’autres, qui l’ont
précédée ou suivie » »37. On ne peut que regretter l’importation systématique de
36 Beylot, Pierre. Emprunts et citations dans le champ artistiques. Paris: L'Harmattan, 2004. p.19‐25 37 Beylot, op.cit. p.44
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termes issus de la théorie littéraire. En effet deux risques sont encourus avec
l’utilisation de tels termes. Premièrement, la tentation est d’autant plus forte de
considérer tout objet culturel comme un texte, y compris les objets audiovisuels et
informatiques. Or l’intérêt de l’histoire culturelle réside justement dans la pluralité des
dimensions du film, du jeu vidéo, du clip, etc. Réduire ces objets à des textes devant
être lus les rend unidimensionnels. Deuxièmement, l’idée d’intertextualité laisse à
penser qu’un objet fait uniquement référence à des objets du même type. La définition
donnée sur le site de Larousse est éloquente : « Relation établie par le lecteur ou le
critique entre un texte littéraire et d'autres textes, et d'où procède le sens du texte »38.
Appliquée au cinéma, malgré le nombre important d’évocations d’autres films, on ne
peut y réduire l’intertextualité cinématographique. De fait, le cinéma étant une
pratique convoquant de nombreuses manières de donner à voir un autre objet
(dialogues, inserts, intertitres, musiques, plans etc.), on ne peut se résoudre à de
simples liens entre les films, et inclure ici l’évocation d’autres types d’objets.
Deux idées répandues sont à écarter dès à présent si l’on veut poursuivre
l’analyse en termes d’intertextualité. D’une part, est souvent associé à ces termes la
notion d’appropriation, qui tend à la fois à unifier des pratiques de transposition très
diverses, et à empêcher toute idée de spectateur actif devant une allusion. Cette idée
d’un créateur faisant sien ce qu’il transpose, et imposant une lecture unique au
spectateur devra donc être abandonnée. D’autre part, un des héritages du cinéma
moderne, et de la critique de cette époque, est l’élévation de l’originalité comme
critère principal de valeur et de jugement39. Ce fondement est évident quand on lit
que « Ces références à des films antérieurs sont les signes du pastiche de style qui ne
plaide pas en faveur d’une culture innovante dans la mesure où les conventions du film
noir sont réinvesties sans être reconsidérées »40. L’histoire culturelle ne visant pas à
émettre des jugements de valeurs, un quelconque critère, et celui opposé à
l’intertextualité, ne saurait trouver sa place ici. L’idée selon laquelle la transposition
« n’équivaut jamais à une pure et simple répétition, mais bien à une ré‐
38 http://www.larousse.fr/encyclopedie/#larousse/43798/11/intertextualit%C3%A9 39 Voir à ce propos le chapitre 4 de Qu’est‐ce qu’un bon film ? de Laurent Jullier 40 Gimello‐Mesplomb et Cieutat, op.cit.
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énonciation » 41et l’allusion à une relecture suffira à remplacer avantageusement
l’idée d’appropriation et à d’originalité nécessaire.
b) Une première voie d’accès
Les transpositions vers un objet culturel comme le film forment un ensemble de
portes ouvertes pour une explication de ce film, sa description précise, son statut, son
impact. En effet, chaque évocation est un moyen d’accès privilégié aux sources du film.
Ces sources font elles‐mêmes partie d’un ou plusieurs faisceaux de cause expliquant
l’apparition de cet objet, à cet instant, dans telle région ; mais aussi donnant une
origine à l’aspect du film, son ton, son scénario etc. Il serait d’autant plus
dommageable de ne pas y prêter attention que les créateurs eux‐mêmes ont ouvert
ces portes à l’attention du spectateur. Surtout que ces évocations semblent mises en
valeur, individualisées au sein du film, de façon à ce que le spectateur y voit une
allusion (même si il ne peut pas forcément en tirer le fil, en arriver à la cause).
Ainsi, par exemple, la transposition dans l’univers du film d’un évènement réel
permet de déterminer :
(1) l’antériorité de l’évènement (reste à savoir à quelle étape de la création il a
été ajouté, d’où l’intérêt de croiser avec des sources comme le journal de
tournage)
(2) l’inclusion de l’évènement dans le cadre de création (on peut alors se
demander quel est son impact sur celui‐ci)
(3) selon le mode d’évocation de l’évènement, il est possible de déterminer
quel type de discours et/ou jugement lui porte les créateurs (en comparaison
avec d’autres instances par exemple)
(4) De tous ces éléments, on en vient à dessiner les contours de la
représentation de cet évènement pour les créateurs
(5) Au vu des commentaires d’autres instances sur la transposition, il est alors
possible de mesurer l’écart entre les représentations supposées du public
imaginé par les créateurs et ce que l’on peut en dire grâce à d’autres sources
41 Beylot, op.cit. p.21
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c) Conditions de fonctionnement des évocations
Plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’un tel mode de
fonctionnement ne fonctionne pas à vide. Tout d’abord, la question de
l’intentionnalité des créateurs est la plus immédiate : ont‐ils voulu ouvrir telle voie
pour le spectateur ? De fait, si la saillance permet de repérer les évocations affichées,
on peut pour l’instant estimer que la possibilité d’explorer une voie suffit à valider une
analyse en première instance, sans vérification. « Pour qu’il y ait citation dans le cadre
de la peinture – pratique qui relève des arts visuels‐, l’interaction de trois facteurs est
nécessaire : premièrement une œuvre de référence (antérieure), deuxièmement une
œuvre qui fait référence (qui réactualise), troisièmement la médiation du regard. »42
Cette explication s’applique tout aussi bien quelque soit le type d’objet culturel. Le
dernier facteur évoqué est évidemment le plus incertain. En effet rien ne garantie que
le spectateur comprenne l’évocation, même si il comprend tel moment comme
évocation. « Citons l’usage par Martine Azam de la notion de prise, entendue comme
l’élément de l’objet grâce auquel le spectateur trouve accès à l’œuvre : par exemple,
les stars reconnues dans un film »43. On peut ajouter que rien ne force le spectateur à
saisir cette prise, qu’il le puisse ou non. Les évocations sont donc autant de prises
offertes, et n’agissent non pas seulement en tant que « bonus » lors de la vision du
film, exploitable si l’envie se fait sentir ; mais bien comme les choix qu’un spectateur a
pour « entrer » dans le film et en sus le traverser pour en apercevoir les causes.
Du point de vue de l’analyste, un des objectifs est de repérer un maximum de
ces évocations, afin que le canevas intertextuel soit le plus dense possible, permettant
ainsi de rendre compte à la richesse sémantique d’un objet culturel, autant que faire
se peut. De ce fait, on ne peut ici réduire a priori le champ des référents : le dernier
blockbuster peut tout à fait fonder son montage sur la théorie Bressonienne, tout
comme un film d’auteur peut citer une interview de Jean‐Claude Van Damme. « Ce
point est loin d’être une tautologie, le cadre conventionnel, souvent non explicité, de
la recherche historique posant l’échelle nationale, preuve parmi d’autres du poids de
42 Beylot, op.cit. p.48 43 Esquenazi, Sociologie des publics, op.cit. p.91
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la structure moderne par l’Etat‐nation »44. L’abandon de l’hypothèse d’un Etat‐Nation
déterminant permet alors ici de pouvoir repérer les évocations transnationales. Bien
évidemment, la présence d’une évocation transnationale augmente le nombre de
cadre à considérer : celui de l’objet citant, celui de l’objet cité, celui du spectateur si il
est différent.
2) Extension et obstacles principaux
a) Circulations entre arts et média
S’ajoute à cette extension géographique une extension médiatique : « As
Meehan suggests, today’s conglomerates « view every project as a multimedia
production line», and thus Batman « is best understood as a multimedia, multimarket
sales campaign. » »45. De ce fait, puisque les groupes de communication mettent en
pratique (dans une mesure plus ou moins grande, et avec des modalités différentes)
une synergie multimédia importante, il est indispensable de faire le lien entre les
différents produits proposés (en particulier concernant les films et les jeux vidéo).
D’autant plus que les spectateurs/consommateurs eux‐mêmes usent de cette synergie,
y compris en reliant des produits appartenant à différentes « lignes de production »,
mais éventuellement au même genre. Par exemple, dans Bowling for Columbine
(Michael Moore, 2002), une séquence présente deux adolescents qui, après avoir vu À
l'aube du 6e jour (The 6th Day, Roger Spottiswoode, 2000), jouent à un jeu de tir (de
genre Shoot’em up).
Cet exemple est l’occasion de souligner deux difficultés. Premièrement, repérer
un tel lien entre cinéma et jeu vidéo, comme le font les deux adolescents, suppose une
certaine connaissance de ces deux domaines. Or, si les formations et les ouvrages sont
nombreux concernant le cinéma, le jeu vidéo est encore un champ largement délaissé ;
tout particulièrement par l’histoire culturelle. Ceci est particulièrement étonnant
44 Ory,op.cit. p.12 45 « Comme le suggère Meehan, les conglomérats d’aujourd’hui « considèrent chaque projet comme une ligne de produit multimédia », et donc Batman « doit être compris comme une campagne de publicité multimédia, sur plusieurs marchés » » Collins, Radner et Collins, op.cit. p.32
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puisque la culture populaire est le sujet de plus en plus de recherche et d’ouvrage, et
que les points de comparaison entre cinéma et jeux vidéo sont nombreux : décors,
effets visuels, mouvements de caméra, scénario et dialogue, etc. La présence d’une
interface de jeu, dont on tire le concept de gameplay (c'est‐à‐dire la façon dont le jeu
réagit à la volonté du joueur, par l’intermédiaire du clavier, de la souris ou de la
manette), ne différencie finalement pas autant que l’on pourrait le croire le jeu vidéo
du cinéma : le spectateur/joueur opère toujours un re‐création. On ne peut donc que
souhaiter voir apparaitre une véritable histoire culturelle du jeu vidéo46, qui pourrait
d’ailleurs bénéficier des avancées de la recherche en histoire du cinéma.
La même question se pose pour d’autres secteurs de la culture populaire,
comme la bande dessinée ou la musique populaire, mais les recherches semblent un
peu plus avancées dans ces secteurs. On remarque cependant dans nombre de ces
ouvrages le peu d’intérêt pour une chronologie précise, ainsi que pour une véritable
analyse historique : les auteurs s’en tiennent souvent à des critiques générales
esthétisantes du phénomène, sans porter intérêt aux pratiques des joueurs par
exemple. Pascal Ory explique cette uniformité des approches de média nouveaux (du
moins en tant que sujet d’analyse légitime) :
« Il est vrai qu’il existe aussi un piège du support : au motif, par exemple, que la télévision est un objet d’étude nouveau, on va l’aborder d’emblée avec le regard de l’histoire politique, ou par le biais d’une classique approche thématique (« l’image de … »), en renvoyant à plus tard, d’une part, l’analyse du média en lui‐même, dans sa spécificité (logique interne des émissions, des genres, des grilles de programme…), de l’autre, l’étude comparative inter média (presse écrite / radio / télévision / publicité…). »47
La deuxième difficulté apparait ici : si les sources sont trop rares, il appartient à
l’historien de les fabriquer, mais le temps vient à manquer s’il doit s’intéresser à tous
ces domaines en même temps, alors qu’ils continuent d’évoluer. C’est une des limites
inhérente à une histoire du très (peut‐être trop) contemporain. Le programme
46 Quelques ouvrages allant dans ce sens sont présentés en bibliographie. 47 Ory, op.cit. p.47
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proposé par Williams rend évidente l’ampleur de la tâche : « (1) starting with a genre’s
« prehistory », its roots in other media ; (2) studying all films, regardless of perceived
quality, and (3) going beyond film content to study advertising, the star system, studio
policy, and so on in relation to the production of films. »48
b) La culture populaire en tant qu’espace de choix
Bien que visée, l’exhaustivité en matière d’intertextualité est donc impossible
dans la pratique. Ici, la culture populaire de l’image animée (cinéma, jeu vidéo,
télévision, clips) sera le domaine grandement privilégié. Ce parti pris s’explique par le
goût tout d’abord, qui amène une familiarité progressive avec le média, ce qui
finalement détermine des domaines de compétence et d’incompétence, qu’on ne peut
s’empêcher de mettre de côté pour le moment. « Il serait naïf de croire que la visibilité
de la citation est universelle puisque son identification et sa reconnaissance dépendent
en grande partie de l’activité interprétative, de la compétence culturelle et
cinématographique des spectateurs, de la coïncidence entre l’encyclopédie
personnelle de chaque spectateur et celle du cinéaste »49. L’idée s’applique tout
autant à l’analyste, qui doit alors reconnaître les limites de ses connaissances. De fait,
ces compétences délimitent ce que l’on définira plus tard comme l’espace
d’expérience du spectateur. D’où l’importance d’inclure une instance d’expertise,
quelle qu’elle soit, dans son cadre propre, afin d’avoir une idée, même imprécise, de
son espace d’expérience.
Cet espace semble se dissoudre dans une culture globale, où les images
seraient communes à tous, quelques soient son âge, son sexe ou son pays d’origine.
Malgré tout, ce qui importe ici n’est pas l’image elle‐même mais le sens qui lui est
donnée par le spectateur/consommateur. En ce sens, il semble peu judicieux de parler
de culture de masse concernant ces média mondialisés, au risque de masquer ces
modalités d’interprétation de l’image unique (ce qui reste d’ailleurs sujet à caution : le
48 « (1) commencer par la « préhistoire » du genre, ses racines dans d’autres média ; (2) étudier tous les films, quelque soit leur qualité perçue, et (3) aller plus loin que le contenu du film pour étudier la publicité, le star system, la politique de studio, et ainsi de suite en lien avec la production de films. » Williams, Alan. «Is a Radical Genre Criticism Possible?» Quarterly Review of Film Studies 9, Printemps 1984: 121‐125. 49 Beylot, op.cit. p.107
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monde entier ne regarde pas MTV, mais chacun regarde des publicités locales). Rioux
et Sirinelli parlent pour leur part de culture médiatique50, mais l’opérativité du terme
semble limitée : la confusion vecteur/contenu et le déterminisme (tel média produit
encore et toujours le même contenu, ou le même type de contenu) qui en découle
semble trop encombrant ; et l’industrie et la production semble prendre largement
l’ascendant face au spectateur. Le concept de culture populaire semble être alors le
meilleur choix, pour peu que le sens de « culture ignoble » soit écarté, au profit d’une
simple définition en termes de diffusion. Aucun « seuil » ne détermine l’appartenance
d’un objet à la culture populaire ; tout simplement plus la diffusion est large, plus
l’objet appartient à la culture populaire, et est donc susceptible d’être transposé dans
un autre objet.
Le célèbre texte de Walter Benjamin de 1939, « L’œuvre d’art à l’époque de sa
reproductibilité technique »51, est souvent utilisé en vue de dénigrer tout « nouveau
cinéma » en particulier les objets produit en série (et donc films de genre, et films
populaire sont des cibles privilégiés). « Cependant, le texte de Benjamin est
relativement ambigu et susceptible de plusieurs interprétations : à la fin, Benjamin
propose de penser la culture de masse comme une architecture vaste et précieuse que
l’on peut pratiquer en « connaisseur naturel » et non plus admirer de loin. Néanmoins,
les sociologues des industries culturelles retiennent essentiellement la « perte de
l’aura » et l’obligation faite à l’art moderne de devenir marchandise à travers la
nécessité de la reproduction »52. Or à la lecture du texte, cette perte d’aura occupe
une place relativement réduite, au vu de cette familiarité grandissante avec la pratique
de la culture populaire, qui finit par définir une partie de cet espace d’expérience. On
pourrait presque alors poser comme hypothèse que cette perte d’aura est justement
ce qui favorise l’intertextualité, les sources devenant plus familières et donc plus
propice à une transposition mise en valeur pour elle‐même.
Le pendant de cette impossibilité de tout voir pour l’analyste dans ces objets
évocateurs consiste à sur interpréter un élément du film. Malgré la réponse partielle
50 Rioux et Sirinelli, op.cit. 51 Benjamin, Walter. «L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique.» Dans Œuvres III, de Walter Benjamin. Paris: Gallimard, 2000. 52 Esquenazi, Sociologie des publics, op.cit. p.40
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apportée plus haut à cette question, le présupposé de la liberté interprétative du
spectateur et de l’analyste reste la principale hypothèse posé au cours de la
démarche : on estimera ainsi que les créateurs ont fait l’expérience de ce que l’on peut
voir comme la cible de l’allusion, ne serait‐ce que de seconde main. Néanmoins, il est
possible d’alléger le poids supporté par cette hypothèse en cherchant
systématiquement à vérifier qu’une telle expérience des créateurs est, sinon réelle, du
moins possible voire probable. Par exemple, si Die Hard 4 semble prendre source dans
le cinéma hongkongais, il est évidemment profitable d’avoir une idée de la diffusion
des films hongkongais aux Etats‐Unis, et particulièrement dans le milieu hollywoodien
depuis l’adolescence de Len Wiseman. Plus simplement encore, il suffit de savoir qu’à
l’occasion de la rétrocession de Hong‐Kong à la Chine, nombre de réalisateurs
hongkongais ont réalisé des films d’action aux Etats‐Unis. On peut ainsi inclure le
cinéma hongkongais dans l’espace d’expérience du réalisateur sans trop de risque, et
ajouter cette cinématographie au cadre de production.
c) Abduction : un allerretour entre le cas et la règle
Même en ayant évalué les conditions de possibilité, du point de vue du cadre,
pour qu’un élément soit une évocation ; et bien que des indices puissent en indiquer la
propension ; il s’agit bien là du point faible de cette méthode. Celle‐ci demeure pour le
moment largement hypothético‐déductive. Umberto Eco et Charles Sanders Pierce
proposent une forme de raisonnement alternative : l’abduction. Pour Pierce, initiateur
du pragmatisme en épistémologie, l’abduction est le seul moyen d’atteindre des
connaissances véritablement nouvelle, car ce mode de raisonnement fonctionne sur
une dynamique. En effet, la caractéristique essentielles de l’abduction, selon lui, est de
proposer successivement plusieurs hypothèses (d’où l’importance primordiale de
l’imagination du chercheur, que l’on a déjà aperçu avec l’invention des sources) pour
les mettre à l’épreuve de l’expérience. On peut donc estimer dans un premier temps
que chacune des allusions repérées sont autant d’hypothèses à valider ou invalider.
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Umberto Eco développe ce principe d’abduction, en des termes sémiotiques
bien sûr. Ainsi, analysant Pierce53, il affirme que le signe voit sa signification changer
selon le cadre dans lequel il se trouve. De ce fait, l’invention de nouvelles hypothèses
est nécessaire pour tenir compte de ce changement d’une part ; et d’autre part les
allusions sont à prendre en compte au sein de leur cadre propre (par exemple du point
de vue du montage).
« Sur le plan de la relation inter objective les objets construisent le contexte : cela signifie que les objets n’ont pas de sens « en soi » mais qu’ils assument une identité axiologique à partir de la position qu’ils occupent dans la relation avec d’autres objets. »54
La vérification du statut évocateur de l’élément peut donc être faite grâce à son
cadre d’interaction avec le spectateur : il faut donc répéter le même raisonnement par
abduction aux éléments jugés proches pour pouvoir exploiter dans son ensemble le
film. Ce retour au film permet donc, grâce à une généralisation, d’étendre le statut
évocateur non seulement à l’élément étudié, mais à ce qui a servi à confirmer ce statut
pour cet élément particulier. Il s’agit donc d’un procédé qui se confirme lui‐même de
plus en plus à mesure des recherches. Notons toutefois que ce raisonnement ne mène
aucunement à des certitudes absolues, mais à bien à des connaissances nouvelles. Ce
réseau d’évocations permet donc ici de repérer un faisceau de causes probables, et de
confirmer ces causes par la récurrence : si la même cause est transposé vers un même
film, on peut sans grand risque s’y intéresser de plus près et lui assigner un rôle dans la
genèse du film, dans le succès ou l’échec de celui‐ci, dans le type de réaction dont
témoignent les spectateurs, ou tout autre rôle déterminé et étudié par l’historien.
53 Mast, Gerald, et Marshall Cohen. Film Theory and Criticism. New York: Oxford University Press, 1979. 54 Deni, Michela. «Les objets factitifs.» Dans Les objets au quotidien, de Jacques Fontanille et Alessandro Zinna. Limoges: Presses Universitaires de Limoges, 2005. p.82
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3) Un changement de régime de transposition
a) Quelle notion pour quelle rupture ?
Le postmodernisme n’est pas très éloigné, dans son vocabulaire et dans ses
préoccupations, de ce dont il a été question jusqu’à présent. En effet, l’intertextualité
dans les œuvres postérieures à la fin des années 1970 constitue le fondement du
champ exploré, et les années 1980/1990 la période phare d’un cinéma
postmoderniste. Ce courant artistique est à différencier de la postmodernité, ou du
postmoderne, qui participe d’une posture philosophique, défendu par Jean‐François
Lyotard55. De plus, l’origine de ce courant doit être souligné : la notion est importée de
l’architecture (et de Charles Jencks en particulier), et doit donc être utilisée avec
précaution concernant d’autres arts. On peut définir ce courant comme une pratique
ironique de recyclage éclectique, s’inspirant indistinctement de la culture savante et
populaire, et de n’importe quel courant ou époque. Le néo‐classicisme, tel qu’il est
généralement appliqué au cinéma, pourrait alors se définir comme une restriction de
la démarche postmoderniste au recyclage de la seule culture savante (ce terme se
trouve donc fort peu utile concernant Die Hard).
Plusieurs ruptures entre la période dite moderne et l’époque actuelle sont
peuvent être proposés. Laurent Guido remarque ainsi que « Ces blockbusters
marquent depuis trente ans la réaffirmation du grand spectacle hollywoodien. La
sortie de Stars Wars (George Lucas), en 1977, a signalé le succès d’une formule qui se
rattache par de nombreux aspects aux caractéristiques essentielles de l’esthétique
« postmoderne » en vogue à la fin de XX° siècle et fondé sur le recours à la citation et à
la référence »56. Il rejoint ici Laurent Jullier, qui met en exergue ce même évènement
dans son étude de la saga Star Wars57 et du « cinéma postmoderne »58. Cette
55 Les extraits les plus importants de ses textes sont réunis dans Lyotard, François. Le postmoderne expliqué aux enfants. Paris: Galilée, 2005. 56 Guido, Laurent. Les peurs de Hollywod : Phobies sociales dans le cinéma fantastique américain. Lausannes: Antipodes, 2006. p.26 57 Jullier, Laurent. Star Wars : Anatomie d'une saga. Paris: Armand Colin, 2005. 58 Jullier, Laurent. L'écran post‐moderne. Paris: L'Harmattan, 1997.
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première rupture marque également la naissance du « Nouvel Hollywood » pour de
nombreux auteurs.
On peut y ajouter une rupture évidente au milieu des années 1980 avec
l’apparition de deux marchés déterminants, correspondant à deux média essentiels. La
télévision par satellite (HBO, lancé en 1972, passe « son premier accord d’exclusivité
avec un studio (Columbia).59 » en 1981) ; et la vidéo (la guerre betamax (Sony)/VHS
(JVC) prend fin en 1981 également). Le cadre de production prend donc vers 1981 un
premier tournant vers sa restructuration. Enfin, si un choix devrait être fait, le milieu
des années 1990 semble être la période de rupture la plus logique pour notre sujet :
« Thus early in 1994 all six of the major Hollywood studios had changed ownership and
had begun to position their companies for the expected battle over the information
and entertainment electronic superhighway »60. L’impact de ces évènements sur le
cadre de production, et son inclusion dans une perspective multimédia déjà soulignée,
force à voir une véritable différence entre ces différentes époques.
Bien évidemment, une rupture historique n’est rien de plus qu’un outil, et ne
nie en rien l’évolution qui mène d’une période à l’autre. C’est ainsi que l’on peut
réfuter les arguments des opposants au postmodernisme, qui paradoxalement
donnent un poids bien trop important à cette rupture. Leur position est résumée par
Collins :
« This, of course, has led to charges of trivialization of history (Sobchack), i.e., evil postmodern culture has « reduced » the world to images that it then cannibalizes, as if « History » were somehow accessible to us without the mediation of representation, and as such possesses some kind of « sanctity » that cannot be treated ironically through such juxtapositions. » 61
59 Gimello‐Mesplomb et Cieutat, op.cit., voir p.50 pour plus de détails. 60 « Ainsi, début 1994, chacun des six studios majeurs d’Hollywood avait changé de propriétaire et avait commencé à positionner leur société en vue de la bataille attendu autour de l’autoroute électronique de l’information et du divertissement. » Bordwell, David, and Noël E. Carroll. Post‐Theory : Reconstructing Film Studies. Madison (Wisconsin): University of Wisconsin Press, 1996.p.410 61 « Cela, bien sûr, a suscité des attaques contre la banalisation de l’histoire (Sobchack), c'est‐à‐dire la « réduction » du monde à des images, que cette culture postmoderne diabolique cannibalise par la suite, comme si « l’Histoire » nous était accessible d’une façon ou d’une autre sans la médiation de la représentation, et en tant que telle posséderait une sorte de « caractère sacré », qui ne peut être traité ironiquement par l’intermédiaire de telles juxtapositions. » Collins, Radner et Collins, op.cit. p.248
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Ces arguments permettent de soulever deux paramètres qui rendent bien
réelle cette rupture. Bien que la réflexivité comme caractéristique principale ne soit
pas en soi absolument nouvelle (les transpositions ne sont pas apparues par magie
après Star Wars), elle semble n’avoir jamais été aussi facile à étudier et explorer, parce
que facile à voir et destiné à être vu. Cette saillance est à relier à l’autre paramètre
déterminant : le ton de ces évocations. En effet, si l’ironie est présentée comme
déterminante dans la caractérisation de l’architecture postmoderniste ; au cinéma, les
évocations semblent beaucoup plus ludique, et dénué d’élitisme (contrairement à la
période moderne, qui tend à mettre en œuvre des transpositions plus savantes).
La différence avec la période précédente procède donc du fait que les allusions
sont non seulement présentes mais surtout saillantes, mises en valeur
intentionnellement par le biais d’une individualisation au sein du film, généralement.
On peut donner comme exemple de corolaire à cette évolution le fait que les
personnages des films ont arrêtés de vivre dans un monde sans média, sans lien de
communication avec l’espace réel du spectateur.
« En effet, la citation est là pour être vue, perçue, du moins par un spectateur idéal supposé par le cinéaste et ce, quel que soit l’effet recherché (connivence, parodie, hommage, contrepoint, éclatement du sens, recherche de filiation esthétique, etc.). La citation suppose ainsi une mise en exergue et l’œuvre citante donne un certain nombre d’indices censés permettre le repérage du morceau cité inséré. »62
b) Une augmentation de la factitivité des allusions.
Deux concepts successifs permettent de définir plus précisément un ensemble
de fonction des évocations. « Indeed, a Hollywood film usually gives us its instructions
for use: it comes with its own manual »63. La fonction explicitée ici est celle d’invitation
à l’usage, ou affordance. Cette notion a été importée des théories écologiques de
James J. Gibson64 dans le domaine du design par Don Normann65. Il s’agit en fait d’une
62 Beylot, op.cit. p.107 63 « De fait, un film hollywoodien nous donne habituellement ses consignes d’usages : il est livré avec son manuel. » Elsaesser, Thomas, et Warren Buckland. Studying Contemporary American Film : A Guide to Movie Analysis. New York: Arnold, 2002.p.17 64 Gibson, James J. The Ecological Approach to Visual Perception. Boston: Houghton Mifflin, 1979.
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capacité de l’objet lui‐même, par ses caractéristiques, à demander une utilisation (sans
que l’intervention d’un agent soit nécessaire). Ainsi une chaise invite d’elle‐même, par
sa forme, un humain à s’assoir, y compris quand personne n’est présent. Pour être
d’application plus aisée au cinéma, il convient de se tourner plutôt vers le concept de
factitivité, qui ajoute à l’affordance le fait que l’objet appelle à un usage précis de la
part de l’agent. « Ayant été forgés pour des finalités d’action, les objets portent en
eux‐mêmes les traces d’une action virtuelle. Une telle virtualité d’usage est traduisible
comme l’intention de l’objet à être agi, c'est‐à‐dire comme sa capacité de faire faire.
En bref, l’objet nous manipule vers une action et, dans le meilleur des cas, nous induit
à l’action correcte »66.
Ce concept permet tout d’abord d’envisager le film non comme l’imposition de
quelque chose sur le spectateur (œuvre, œuvre d’art, produit) mais comme une
interface (terme qui permet, lui, d’inclure le dispositif technique dans la relation
créateurs/spectateurs) entre des acteurs actifs d’une relation. Cette interface
présentant elle‐même la façon juste de l’utiliser. Ainsi, la factitivité permet non pas de
remettre en cause une interprétation (en particulier dans une démarche abductive)
mais de souligner la polysémie d’un objet, d’une évocation, et de se référer à
l’interprétation la plus favorisée par l’objet lui‐même, notamment au moyen de signes
et de conventions.
« Esthétique et réception se complètent ici : Un tel aspect des objets émerge à partir de la relation entre dimension communicative (de la forme) et dimension opérationnelle (de l’usage) : on comprend et on apprend à utiliser les objets pendant l’utilisation et non à partir de la seule observation des « invitations à l’usage ». »67
On peut donc maintenant soumettre l’idée que cette factitivité des évocations
en particulier (et des films en général) amène les commentateurs à parler d’ironie
concernant ces films. De même, les reproches de manipulation du spectateur, encore
relativement répandue dans son sens péjorative, se fonde surement sur cette
65 Norman, Don. The Psychology of Everyday Things. New York: Basic Books, 1988. 66 Deni, op.cit. 67 Deni, op.cit.
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propriété des objets. Ainsi, on peut caractériser cette période dite postmoderniste par
une augmentation de la factitivité des évocations.
c) Die Hard postmoderniste ?
Pour que l’allusion soit effective, il faut donc que l’évocation soit factititive
d’une part, et que le référent appartienne à l’espace d’expérience du spectateur. En
effet, une évocation peut être lu comme effectivement une allusion par le spectateur,
en raison de sa factitivité, mais cela n’implique pas que le spectateur la comprenne
plus avant. La fonction factititive permet d’orienter l’interprétation que l’on peut faire
de l’évocation, mais ne remplace pas le référent. En conséquence, la démarche ne
peut être qu’une casuistique, pour deux raisons : d’une part on ne peut estimer que
tous les spectateurs sauront quel sens donner à une allusion (selon leur espace
d’expérience), d’autre part il est nécessaire d’observer individuellement chaque
transposition pour déterminer quels outils ont été utilisés par les créateurs pour
augmenter sa factitivité, pour l’individualiser dans le flot audiovisuel.
Présenté de la sorte, la tonalité ludique des films riches en évocation ne saute
pas aux yeux. Pourtant, ce sont bien ces caractéristiques qui rend « extrêmement
plaisant d’être dans ce no man’s land du double codage postmoderne, entre la
midinette et l’intellectuel ataraxique »68. De fait, si la factitivité permet de repérer une
allusion en tant qu’évocation, elle n’empêche nullement la lecture au premier degré.
Ce qui est évocateur fait avant tout partie d’un ensemble premier : le film lui‐même.
C’est ainsi qu’il faut entendre l’idée du double codage de Jullier.
La question de la pertinence du terme de postmoderniste se pose alors, à la fois
en histoire culturelle, et concernant Die Hard a proprement parler. Concernant Die
Hard l’évolution des évocations au cours de la saga de films, par exemple entre un
général Noriega fictionalisé et renommé (Die Hard 2) et un montage de discours
présidentiels réels en guise de message terroriste, autoriserait tout à fait l’utilisation
d’un tel terme. Malgré tout, par souci de clarté, il semble plus prudent de suivre l’avis
d’Andrew Tudor :
68 Jullier, Qu'est‐ce qu'un bon film?, op.cit. p.167
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“Just as postmodernism in architecture – arguably the main context from which the term entered common parlance – was aesthetically celebrated for pastiche and self‐consciousness, for freeing design from the (alleged) strictures of modernism, so, too, the postmodern horror movie can be positively valued for its aesthetic reflexivity. Use of the term in this sense, then, is not inappropriate, perhaps even useful, in as much as it draws our attention to specific artistic features of (some) recent horror movies. However, given the additional social and cultural baggage that the ascription « postmodern » routinely now carries, its invitation to presume more general claims may mean that its analytic disadvantages outweigh its advantages.”69
69 « Tout comme le postmodernisme en architecture (sans doute le contexte principal d’où le terme est venu dans le langage usuel) était adulé esthétiquement pour le pastiche et sa réflexivité, pour avoir libérer le design des contraintes (supposées) du modernisme, le film d’horreur postmoderne peut être apprécié pour sa réflexivité esthétique. L’utilisation du terme en ce sens n’est donc pas inapproprié, peut‐être même utile, puisqu’il attire notre attention sur les caractéristiques artistiques spécifiques de (certains) films d’horreur récents. Néanmoins, au vu du poids social et culturel porté habituellement par l’étiquette « postmoderne », son invitation à y voir des prétentions plus générales conduit à dire que ses inconvénients analytiques l’emportent sur ses avantages. » Neale, op.cit. p.114
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C) Le genre : réservoir sériel évolutif
1) Le genre comme catégorie trop habituelle et
usée ?
a) Le genre vivant
Le genre fournit, pour qui veut étudier l’intertextualité, un terrain
particulièrement riche. En effet, il tient lieu à la fois de contrainte (en tant que cadre
particulier pour les créateurs), de réservoir de conventions que les créateurs peuvent
ne pas respecter pour augmenter la factitivité d’une évocation, de cadre de réception,
etc. Il convient donc de délimiter ici ce qu’est un genre, ce qui fait le genre, tout en
respectant la dynamique propre à ces outils de catégorisation.
Dans cette optique, on peut dès à présent écarter les conceptions
anthropomorphiques du genre, qui restent les plus répandues. Par exemple, on
apprend dans nombre d’écrits que la période classique du western se situe entre les
années 1920 et 1940, que le genre est devenu réflexif et/puis baroque jusqu’aux
années 1980, puis qu’il est mort et ressuscité dans les années 1990. L’étude d’un genre
en ces termes procède systématiquement de l’établissement d’un critère a priori, dont
parle Andrew Tudor70. Serceau confirme qu’ « Il n’y a pas de mort, ni de retour des
genres cinématographiques, mais des transformations, d’autant plus complexes que,
réagissant les uns sur les autres, ils entrent en synergie dans un processus qui paraît
les éloigner de leurs avatars antérieurs et de leurs sources littéraires, mythiques,
anthropologiques »71.
Steve Neale résume parfaitement les limites inhérentes à ce type d’approche:
« what Jauss has called « the evolutionary schema of growth, flowering, and decay. » This schema is open to several objections : it is teleological, it is (for all its organic
70 Cf. citation p.32 concernant le dilemme empiriste. 71 Serceau, Michel. «Panorama des genres au cinéma.» CinémAction, n°68, 3e trimestre 1993. p.212
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metaphors) highly mechanistic ; and it treats genres in isolation from any generic regime. »72
Fondamentalement, il est tout à fait légitime de se demander si, dans le cas des
genres, une périodisation est nécessaire, et si elle peut être pertinente ici. Tout
d’abord, en abandonnant le choix d’un critère a priori, tout déterminisme est
supprimé. Il ne peut plus exister de période classique. Mais par exemple, penser en
termes d’étapes, de canon évolutif nécessite toutefois une certaine chronologie. A
condition d’assouplir le schéma de succession (avec une possible simultanéité par
exemple) tout en ne niant pas la possibilité d’observer des ruptures, il est donc tout à
fait envisageable d’établir une périodisation. Dans le cas de Die Hard, le corpus réduit
ne permet pas une étude du genre en ces termes d’une part, et d’autre part les dates
sont imposées par les dates de sortie des films. On ne pourra donc que proposer une
périodisation grossière, et ne situer les ruptures et les évolutions que par rapport aux
films eux‐mêmes (ce qui reste vague, par exemple dans l’intervalle de 12 ans qui
sépare Die Hard 3 et Die Hard 4)
b) Concurrence/Complémentarité des notions de genre et
d’auteur
Le genre est également victime de nombreuses analyses, en particulier dans les
critiques, en termes de pères fondateurs et héritiers, souvent associé à la notion de
chef d’œuvre et de sous‐produit industriel. L’objection principal à ce type d’analyse est
double : d’une part cela ne participe qu’à constituer une histoire des vainqueurs
hiérarchisée (ce qui ne présente un intérêt que lors du choix des films que l’on ira voir
cette semaine), d’autre part une telle analyse privilégie les relations interpersonnelles
fantasmées entre grands hommes, grands auteurs. Toute idée de canon, de diffusion
du genre en tant que telle, l’idée même de film de genre devient caduque. En
conséquence parler de genre n’a plus d’intérêt, autant former des noms de genres à
partir des noms des grands maitres (par exemple le film hitchcockien).
72 « ce que Jauss a nommé « le schéma évolutionniste de croissance, épanouissement, et décomposition. » Ce schéma se prête à plusieurs objections : il est téléologique, il est (avec toutes ses métaphores organiques) hautement mécanique ; et il traite le genre en dehors de tout régime générique. » Grant, op.cit. p.173
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Par chance, le cinéma populaire est relativement moins touché, car moins
légitime. Mais le parcours des intervenants, des films et même du genre lui‐même n’en
est qu’obscurci. L’exemple des réalisateurs strictement cantonnés à un seul genre est
un des effets pervers de ces analyses. L’absence généralisée d’auteurs dans le cinéma
populaire lui permet donc de ne pas être soumis à ce type d’analyse. De fait, lorsqu’un
réalisateur de film de genre est promu auteur, le genre ne peut plus qu’être
transcendé dans ses films.73
Jean‐Pierre Esquenazi pose la question de la concurrence et/ou
complémentarité de l’auteur et du genre en tant que catégorie de classification74, en
particulier lors de la promotion de films. L’intitulé de son intervention, « L’auteur
comme genre », est très proche de celui d’un article de Kevin S. Sandler, « Movie
Ratings as Genre : The incontestable R »75. Or les deux approches ont ceci de
commun : elles disent finalement peu du genre qui ne sert finalement que de point de
référence (fondé sur des hypothèses de départ plutôt encombrantes), et s’intéresse
beaucoup plus à l’autre membre de la comparaison. De plus, l’alternative
auteur/genre, dans le cas de Die Hard, ne pourrait être pertinente que pour John
McTiernan mais son statut d’auteur est tellement peu revendiqué (par lui‐même
comme pour la critique) que l’application en est trop limitée. D’autre part, seul Die
Hard 4 nécessiterait de s’inspirer de l’article de Sendler, d’où une utilité relativement
restreinte.
73 Voir pour une analyse de ce fonctionnement la communication de Pierre‐Olivier Toulza, sur le mélodrame et Douglas Sirk, lors du colloque international « L’auteur de cinéma : histoire et archéologie d’une notion », tenu à l’Institut National d’Histoire de l’Art en décembre 2007, actes à paraitre. 74 Voir à ce propos sa communication lors de ce même colloque. 75 Neale, op.cit.
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2) Le genre comme mise en série
a) Qui met en série ?
Afin de définir positivement le genre, il importe de conserver un aspect
essentiel à l’esprit. Dans l’optique adoptée ici, le genre est d’abord et avant tout un
réservoir disponible pour les transpositions, et le cadre d’un type particulier de
transposition générique : « Genre in films can be the equivalent of conscious reference
to tradition in the other arts »76. On ne peut donc limiter le genre aux seuls long‐
métrages de fiction: « Our recognition [of genres] takes place not in relation to
individual films, but to a total field which includes a range of contemporary forms,
including MTV. »77
Il est à noter aussi que la démarche implique de se rallier « derrière le modèle
Wittgensteinien des « ressemblances familiales », qui propose de rendre compte
simultanément de deux aspects opposés de la notion de genre : le genre comme
faisceau de caractéristiques partagées et le genre comme série de produits
différenciés. »78. En conséquence, plusieurs groupes ont la possibilité de proposer une
mise en série particulière, c'est‐à‐dire un genre : les créateurs du film, les spectateurs,
les critiques et les analystes. Ces mises en série consistent alors en l’établissement
d’un réseau d’évocation liant plusieurs films.
Deux paramètres déterminent le succès d’un genre (c'est‐à‐dire sa diffusion et
son adoption par un large groupe de personne). D’une part, la capacité à publiciser
cette mise en série, éventuellement en l’argumentant, détermine l’éventail des publics
visés, que l’on cherche à « convertir ». Par exemple, si un critique français propose une
nouvelle mise en série dans un article, les chances que l’on retrouve le même
regroupement dans un film par l’intermédiaire des transpositions sont faibles. En
76 « Le genre dans le films peut être l’équivalent de la référence consciente à la tradition dans les autres arts. » Braudy, Leo. The World in a Frame. Chicago: University of Chicago Press, 2002. 77 « Notre reconnaissance [du genre] a lieu non pas en fonction de films individuels, mais d’un champ total qui inclut un éventail de formes contemporaines, y compris MTV » Tasker, Yvonne. Spectacular Bodies : Gender, Genre and the Action Cinema. London: Routledge, 1993. p.68 78 Altman, Rick. «Emballage réutilisable: les produits génériques et le processus de recyclage.», Iris n°20, Automne 1995. p.15
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revanche, un producteur qui décide, suite au succès d’un film, d’en produire un autre
génériquement proche, à des chances de constituer un genre, ou un sous‐genre, ou
même un cycle aux yeux du public ou de la critique. Cette capacité à publiciser change
d’ailleurs avec le cadre technologique : internet fournit l’exemple le plus évident d’une
augmentation de cette capacité pour le spectateur.
Le deuxième paramètre décisif tient au degré de légitimité du discours. Ce
degré est double : il s’agit à la fois du degré de légitimité du propos lui‐même, selon
des critères variables pour chaque groupe concerné (des arguments visuels pour les
créateurs de films, scientifiques pour les universitaires par exemple), mais surtout du
degré de légitimité de l’énonciateur. Ceci éclaire l’importance des luttes symboliques,
et leur influence sur les genres ayant prédominé. Le genre, comme toute autre
catégorie de classification, détermine la légitimité de l’énonciateur et en retour
détermine les chances de faire prévaloir sa propre mise en série.
Après avoir défini le genre par sa genèse (et non par sa naissance), ses
fonctions doivent être précisés. Rick Altman inventorie ces fonctions dans Film/Genre:
“Genre as blueprint, as a formula that precedes, programmes and patterns industry production ; Genre as structure, as the formal framework on which individual films are founded ; Genre as label, as the name of a category central to the decision and communication of distributors and exhibitors ; Genre as contract, as the viewing position required by each genre film of its audience.”79
Une fonction généalogique présentative peut être rajoutée à ces fonctions. En effet,
les créateurs, par les évocations génériques, présentent au spectateur un faisceau de
causes, une généalogie du film.
b) Complétude au sein des cadres générique et sériel
Ces fonctions du genre sont redoublées par les fonctions d’une suite d’opus.
Dans ce cas, seul un renforcement des contraintes et une augmentation de leur
79 « Le Genre comme projet, en tant que formule qui précède, programme, et motive la production industrielle ; le Genre comme étiquette, en tant qu’appellation d’une catégorie dont le rôle est central dans les décisions et les communications des distributeurs et exploitants ; le Genre comme contrat, en tant position spectatoriel exigé du public par tout film de genre. Altman, Rick. Film/Genre. London: BFI, 1999. p.14
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nombre semble forcer à parler de suite d’opus plutôt que de genre ou cycle (le terme
de cycle ne sera que peu utilisé, l’utilisation courante procède d’une définition en tant
que « petit genre » du point de vue de la durée ou du nombre de films). La succession
chronologique des opus est une caractéristique supplémentaire, mais absolument
facultative. Ce redoublement des fonctions, dans le cas de séries de films de genre,
peut compliquer sensiblement le problème : la généalogie générique peut ne pas
recouper la suite d’opus, l’adoption ou l’abandon de contraintes sérielles peut
remettre en cause l’intégration de la série dans le cadre générique etc. En d’autres
termes, il est indispensable de comparer quatre éléments : la généalogie générique et
sérielle de chaque film, le cadre générique et le cadre sériel ; ainsi le film prend sens,
ou plutôt des sens dans ces deux cadres, qui peuvent être conflictuels.
Pour ainsi dire, le film appartenant à une série ou à un genre ne peut prendre
tout son sens qu’en étant intégré, par l’analyste, à ces deux cadres essentiels. La
difficulté ici consiste à donner un sens à plusieurs niveaux à l’expression « l’ensemble
du film ». En effet, la complétude du film ne se détermine pas par les génériques de
début et de fin. C’est à la fois le film et la série qui se complète l’un l’autre. L’un et
l’autre peuvent bien sûr être appréciés ou analysés indépendamment, mais il
manquera alors toute une partie du sens. En revanche, il n’est pas obligatoire de
prendre l’un ou l’autre comme unité de mesure au départ de l’analyse. En effet, une
fois la suite d’opus achevée, il semble beaucoup plus opportun de reconsidérer les
films indépendamment les uns des autres, pour ne pas manquer de voir les évocations
aux autres opus de la suite. D’autant que seule cette démarche tente d’approcher la
façon dont les spectateurs, lors de la sortie en salles, ont fait l’expérience du film.
Plusieurs termes ont jusqu’à présent été utilisés mais, vu l’importance de cette
dimension dans le cas de Die Hard, il semble opportun d’opérer un choix parmi les
proches synonymes : saga, suite, série.
« Ainsi, dès l’origine, les aventures de James Bond ne forment pas à proprement parler une saga, c'est‐à‐dire un fil continu d’aventures s’enchaînant selon une chronologie ordonnée, ni même un feuilleton, mais bien une série : un ensemble de variations qui rejouent sans cesse les mêmes schèmes narratifs et dont l’intérêt réside, à chaque fois, dans les variations apportées, au risque de l’incohérence, à une formule dont les contours ne cessent d’être
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redessinés. Les personnalités de 007 sont multiples car elles sont sérielles. »80
Le terme de suite, étant à écarter du fait de sa polysémie (il est préférable de parler de
suite concernant des opus organisés chronologiquement), Die Hard répond
parfaitement à la définition de la saga donnée par Charles Girard ci‐dessus.
3) Un parcours du genre
a) Espace d’expérience et horizon d’attente
La notion d’espace d’expérience reste elle aussi à définir : il s’agit tout
simplement de ce dont un agent fait l’expérience, ce avec quoi il entre en contact,
physiquement ou mentalement. Ce concept est tiré de la conception de l’histoire de
Reinhardt Koselleck81, dans laquelle lui est associée l’idée d’un horizon d’attente.
L’articulation des deux concepts mène à une vision de l’agent historique très
opérative : en fonction de l’espace d’expérience d’un agent, il formule un certain
nombre d’hypothèse quant aux futurs possibles, et donc un certain nombre d’attentes.
Un des objectifs de l’agent est donc ici de formuler des attentes plausibles, et des
futurs probables : la certitude augmente avec le nombre de paramètres, et donc avec
l’espace d’expérience.
Appliqué au présent sujet, ces notions sont particulièrement utiles pour cerner
l’impact d’évocation sur le spectateur. Par exemple une critique va automatiquement
augmenter l’espace d’expérience de l’agent, de façon mécanique ; le film dont il est
question dans la critique est donc évoqué, et l’horizon d’attente du lecteur/futur
spectateur s’en trouve réduit (selon la précision de l’évocation) ; si de plus un genre
est assigné au film, l’agent va mobiliser ce qu’il sait de ce genre, une partie de son
espace d’expérience, pour pouvoir affiner autant que possible son horizon d’attente. A
la vision du film en question, son espace d’expérience sera augmenté, et le film pourra
servir à affiner d’autres horizons d’attente.
80 Hache‐Bissette, Françoise, Fabien Boully, et Vincent Chenille. James Bond (2)007 : Anatomie d'un mythe populaire. Paris: Belin, 2007. p.85 81 Koselleck, Reinhardt. Le Futur passé : Contribution à la sémantique des temps historiques. Paris: EHESS, 2000.
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« On peut appeler le lien entre le produit et le genre un rapport d’exemplification : le premier manifeste à sa façon singulière les caractéristiques du genre. La connaissance de ce dernier permet donc au public de préparer sa propre posture de réception : un spectateur qui va voir un western peut être déçu de ne pas y trouver d’Indiens, alors qu’il serait très surpris d’en découvrir dans un policier. Il devient ainsi possible de faire des hypothèses sur la réception et de comprendre certaines diversités de réactions. »82
On comprend donc l’importance de fonder l’analyse sur une étude de réception
aussi précise que possible, renseignant notamment au maximum le chercheur sur
l’espace d’expérience des spectateurs. De plus la détermination complète, sans
remplacer, la notion de public imaginé dont il était question dans le cadre de
production. Enfin, les deux notions empruntés à Koselleck présente l’avantage d’être
fondamentalement dynamiques, ce qui est particulièrement adapté aux études de
réception d’une part, et de l’intertextualité d’autre part :
« The relationship between the individual text and the series of texts formative of a genre presents itself as a process of the continual founding and altering of horizons. The new text evokes for the reader (or listener) the horizon of expectations and « rules of the game » familiar to him from earlier texts, which as such can then be varied, extended, corrected, but also transformed, crossed out, or simply reproduced. »83
Enfin, il est possible de concevoir ces horizons d’attente comme autant de contrainte
qu’applique l’agent à sa propre lecture de l’objet culturel. Le cadre de réception est
donc précisé d’autant et l’interprétation que peut faire le spectateur en est d’autant
plus lisible, et explicable.
82 Esquenazi, Jean‐Pierre. Sociologie des publics. Paris: La Découverte, 2003. p.17 83 « Le lien entre le texte individuel et la série de textes composant un genre se présente comme un processus continu d’établissement et de modification d’horizons. Le nouveau texte évoque, pour le lecteur (ou l’auditeur) l’horizon d’attente et les « règles du jeu » qui lui sont familier grâce aux textes précédents, celles‐ci peuvent alors, en tant que telle, être variés, étendus, corrigés, mais aussi transformés, supprimés, ou simplement reconduites. » Grant, op.cit. p.171
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b) Parcours
Le genre, ainsi que les autres généalogies évoquées dans un film, sont soumis
finalement à une dynamique comparable à celle des créateurs dont les parcours se
croisent à l’occasion du film. On peut donc parler du parcours du genre, plutôt que de
son évolution, afin de souligner l’importance des contraintes qu’il subit, et qui
l’expliquent. Une tel conception du genre pousse à l’abandon d’approches
« biologiques » et permet de penser le genre comme un objet historique, c'est‐à‐dire
explicable uniquement dans sa forme adopté à l’instant T, et culturelle, c'est‐à‐dire en
interaction avec d’autres cadres que le sien propre :
“Hence the importance of historicizing generic definitions and the parameters both of any single generic corpus and of any specific generic regime. For it is not that more elaborate definitions are impossible to provide, just that they are always historically relative and therefore historically specific”84.
Enfin, la combinaison des évocations, à la fois dans et avant le film, et de
l’horizon d’attente permet de rendre compte du caractère fondamentalement
multidimensionnel du film, et de tout objet culturel.
« Dès lors, on peut dire qu’un système se met en place qui compte trois possibilités : un film de genre, un film de star ou un film d’auteur. Prenons The Maltese falcon : on peut en parler comme « le premier film noir », « l’un des grand rôle de Bogart » ou le « premier Huston ». Ces identifications du film ne sont ni exclusives ni contradictoires, mais chacune peut aussi suffire : il est possible de se regarder ce film en se concentrant sur la performance de Bogart et de l’inscrire à l’intérieur de la série que constituent ses films ».85
84 « D’où l’importance d’historiciser les définitions génériques, et les paramètres de tout corpus générique individuel tout autant que de tout régime générique spécifique. La question n’est pas qu’on ne puisse pas donner de définitions plus élaborées, mais simplement qu’elles sont toujours historiquement relative et donc historiquement spécifique. » Grant,op.cit. p.173 85 Communication de Jean‐Pierre Esquenazi, lors du colloque international « L’auteur de cinéma : histoire et archéologie d’une notion »
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L’histoire culturelle, en particulier quand elle s’intéresse aux objets audiovisuels
populaires, semblent donc pouvoir fournir une alternative non exclusive à l’analyse
esthétique monographique. Rendre compte des multiples modes de représentation et
d’interprétation disponibles, et en particulier des relations entre les œuvres elles‐
mêmes, reste un chantier largement, voire totalement inexplorée pour certains média.
Les actes du colloque sur James Bond86 prouvent la fertilité du champ que constitue la
culture populaire. Le travail de recensement des sources est donc, après la
détermination du cadre méthodologique, la prochaine étape de l’exploration.
86 Hache‐Bissette, Boully et Chenille, op.cit.
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A) Sources et documents en histoire
culturelle
1) Sources et documents
« Stricto sensu, le document n’est pas l’histoire, et l’historien n’est pas
« collectionneur des faits » 87 : le document est plutôt à considérer comme un
symptôme de l’histoire ». Arnoldy éclipse ici la première des deux phases qui
composent le travail de l’historien concernant les sources : la première étape consiste
à recenser les sources, qui sont ensuite, au cours de l’étude, mises en séries pour en
tirer un sens particulier, un argument, une preuve, un symptôme. Cette première
étape nécessite le même type de construction méthodologique que ce qui a été fait
pour l’utilisation des sources.
Il convient donc tout d’abord de définir ce que l’on entend par source et
document. « Document » prendra ici un sens restrictif : on appellera document toute
source imprimée impressionnée, manuscrite ou tapée (texte, bobine, cassette,
scénario écrit, affiche par exemple). En revanche, est source tout objet « sérialisable »,
c'est‐à‐dire tout objet pouvant être convoqué pour fonder un argument, ou pour
mettre en valeur un faisceau de cause. De ce point de vue, « Tout est source, tout est
public. – De la définition du champ culturel, il découle qu’aucune source ne peut être
exclue a priori ».88
La source la plus évidente pour l’histoire culturelle du cinéma est donc le film
lui‐même, considéré en tant qu’objet audiovisuel, et non en tant qu’objet physique
(document‐film). La différence entre film et document‐film est à rapprocher de la
séparation, en anglais, entre film (pellicule) et movie (l’œuvre elle‐même), bien qu’une
hiérarchisation qualitative soit également sous‐entendue, ce qui empêche l’utilisation
de ces termes. Notons de plus qu’entendre ainsi le terme de film permet de passer
outre les restrictions de support (vidéo, numérique) ou de format (courts, moyens et
87 Bessière et Gili, op.cit. p.34 88 Ory, op.cit. p.45
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longs‐métrages). Il n’est pas nécessaire d’y inclure d’autres types d’objets audiovisuels,
issus d’autres média, puisque des termes généraux s’appliquent généralement sans
difficulté : clips, anime, séries télévisuelles, téléfilms, jeux vidéos etc. Le film source est
donc décomposable, afin d’être analysable plus facilement : scénario, montage,
compositions du plans etc. Ces catégories sont bien connues, toutefois, il convient
d’insister sur un élément souvent survolé, voire ignoré : le générique.
2) Catégories de sources non‐filmiques
En marge du film, une classification des sources est nécessaire pour que la
recherche soit efficace, sans qu’elle doive être conservée pour mettre en série les
sources pendant l’étude. Ainsi, le pré‐film89 contient toutes les sources précédant
chronologiquement le film lui‐même. Il se compose donc principalement des
matériaux promotionnels associés au film : bandes‐annonces, affiches, campagnes de
promotion, stratégies marketing. Steve Neale insiste sur ce point : « the need to take
account of all the component texts in the industry’s intertextual relay when it comes to
studying not only films but genre and genres »90. Par exemple, « les affiches et les
annonces, adaptées selon les quartiers et les pays, peuvent ainsi orienter directement
le spectateur »91 (Spider‐Man 3 (Sam Raimi, 2007) en est un parfait exemple92). Le
compte‐rendu de conférences de presse, les émissions télévisées auxquelles ont
participé les créateurs, les vidéos de master class organisées par la FNAC ont donc
également leur place ici. Enfin, on peut ajouter à ces éléments tous les écrits
concernant le film avant même les projections presse : articles d’annonces de tournage
ou de changement d’équipe, de réalisateur, d’acteur (très courant dans Premiere ou
Studio par exemple) ; ainsi que les textes d’internautes (ce que l’on appelle
89 Les catégories sont dérivées des catégories de relations transtextuelles de Gérard Genette, Palimpsestes. Paris: Editions du Seuil, 1992. 90 « la nécessité de prendre en compte tous les textes constituant du relais intertextuel de l’industrie, quand il s’agit d’étudier non seulement les films, mais aussi le genre et les genres. » Grant, op.cit. p.164 91 Rioux et Sirinelli, op.cit. p.40 92 Les bandes‐annonces de différents pays sont présentées en bonus, et permettent de voir ce sur quoi les créateurs ont jugés bon d’insister pour une efficacité maximum de la promotion du film.
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communément le « buzz » internet) qui sont à peu près la seule source disponible pour
déterminer l’horizon d’attente des spectateurs non‐professionnels.
Un autre ensemble de source se compose du post‐film, c’est‐à‐dire tout ce qui
apparait publiquement après le film. Ces sources permettent notamment de savoir si
le film s’accorde à l’horizon d’attente des spectateurs au moyen de plusieurs
indicateurs : box‐office, articles de presse, critiques professionnelles et amateurs… De
même, les exploitations successives du film fournissent de nombreuses sources.
Différentes versions peuvent voir le jour sur différents supports/média (télévision,
VOD, DVD). Le DVD est une source particulièrement riche : packaging, résumé au dos
du boitier, versions, coffrets, menus, goodies, bonus. Tous ces éléments sont à
analyser et permette de préciser les stratégies marketing, les succès et échecs du film
ou de scènes particulières etc.
Le dernier ensemble de source, et probablement le plus étendu, correspond au
para‐film. Il est composé tout d’abord des sources parallèles au film : documents de
tournages, making‐of vidéo (leur analyse est nécessaire pour déterminer leur rôle
promotionnel ou non) etc. S’y ajoute également les sorties en salles et en DVD ayant
lieu aux alentours du film pour déterminer le contexte concurrentiel du film. Par
exemple, il est essentiel de remarquer que Die Hard 4 sort alors qu’un ensemble de
suite à des sagas célèbres est en préparation : Indiana Jones et le royaume du crâne de
cristal (Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull, Steven Spielberg, 2008) et
Rambo 4 (dernier opus de Rambo). Enfin, le para‐film comprend également tout ce qui
concerne les cadres du film sans entrer dans les catégories précédents ; toutes les
sources imposées par le film, parce qu’évoquées en son sein ; et tous les produits
appartenant à la même ligne de produits, comme par exemple les jeux vidéos tirés du
film, qui sont maintenant particulièrement courants.
Cet ordre donné aux sources au cours de leur recensement permet une
chronologie des sources, et même impose de faire une chronologie précise du
parcours du film. Une certaine rigueur historique peut ainsi être respectée, afin
d’éviter en particulier les anachronismes.
« De Goya à Chantal Goya. ‐ On voit dès lors pourquoi le statut du document en histoire culturelle tiendra à son rapport à la fois à la trivialité (trivium : voie publique) et à
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la contemporanéité, contre les reconstitutions et les hiérarchies à la fois surplombantes (extériorité du jugement de valeur) et a posteriori (extériorité de l’anachronisme) ».93
Cet attachement à la chronologie engage un présupposé important : on estime
en effet que la date d'émission de la source joue un rôle sur le sens qu'elle a eu et sur
la signification qu'elle a maintenant. De même, on ne peut estimer que le sens d’une
source est constant au cours du temps : il faut donc déterminer le parcours propre de
cette source, et savoir comment elle était présentée au moment de sa publication, et
donc perçue alors, et les statuts qu’elle a pu obtenir jusqu'à maintenant. Sachant que
l’idée est applicable à autre chose que le seul genre :
« Not only do industrial and journalistic labels and terms constitute crucial evidence for an understanding of both the industry’s and the audience’s generic conceptions in the present ; they also offer virtually the only available evidence for a historical study of the array of genres in circulation, or of the ways in which individual films have been generically perceived at any point in time. »94
3) Une hiérarchie des sources ?
Parallèlement à une chronologie des sources, la question d’une hiérarchie entre
elles doit être posée : y a‐t‐il des sources plus importantes que d’autres, à privilégier ?
La réponse est évidemment qu’on ne peut établir de hiérarchie a priori, mais que
certaines sources se révèleront plus pertinentes que d’autres en fonction du propos,
de l’orientation que prend l’étude etc. De même, il convient d’ignorer volontairement
le degré de légitimité des fournisseurs de discours sur les objets culturels : les propos
des créateurs ne sont pas paroles d’évangile, les critiques ne sont pas forcément plus
argumentées et intéressantes qu’un blog de fan etc. Toutes les sources sont le
symptôme d’une représentation, au moins personnelle, et d’un ordre du jour
93 Ory, op.cit. 94 « Non seulement les étiquettes et termes utilisés dans l’industrie et la critique constitue une preuve crucial dans la compréhension des conceptions génériques actuelles à la fois de l’industrie et du public ; ils sont aussi pratiquement la seule preuve disponible pour une étude historique de l’étalage des genres en circulation, ou des façons dont chaque film individuel a été génériquement perçu à un instant T. » Grant, op.cit. p.167‐168
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(agenda). Les études universitaires doivent donc être soumises de la même façon aux
critiques internes et externes traditionnelles.
Internet a permis l’apparition d’une nouvelle voie d’accès au public. La
légitimation des forums est d’ailleurs renforcée par les créateurs de films, qui en
tiennent de plus en plus compte. Par exemple, Bruce Willis a engagé une discussion
avec des fans sur un forum à l’occasion de la sortie de Die Hard 4, et une ligne de
dialogue a été ajoutée dans Des serpents dans l’avion (Snakes on a Plane, David Ellis &
Lex Halaby, 2006) suite à la diffusion d’une bande dessinée de fan sur Internet. A ce
propos, le terme de fans sera employé pour désigner tout commentateur non‐
professionnel, prenant la peine d’écrire un texte et de chercher à le diffuser le plus
largement possible. Enfin, soulignons que ces fans font preuve d’une attention aigue à
l’intertextualité dans les films commentés. De fait, leur expertise fait donc d’eux une
instance à considérer, quelque soit la légitimité de son discours dans l’espace public.
Pour conclure sur ce statut des sources en histoire culturelle du cinéma, on
peut donner un exemple simple d’articulation entre légitimité du discours proposé,
critère fondamental correspondant à l’ordre du jour de l’instance d’expertise, et sa
visibilité publique. Positif est une revue renommée, intellectuelle, consacrée au
cinéma, mais faiblement diffusée. Son rôle est double : aider le spectateur à
sélectionner le film qu’il veut voir, et fournir des analyses de l’histoire du cinéma au
passionné. En comparaison, amaznode95 est un outil informatique proposé par le site
Amazon.com, visant à aider le consommateur à choisir des objets culturels. Sous forme
de réseau, les objets sont plus ou moins reliés entre eux selon le nombre de clients
ayant achetés les deux produits en même temps, ou consultés les pages
correspondantes durant la même visite. On ne peut estimer a priori qu’amaznode est
moins crédible que Positif dans les liens créés entre les films. Mais, pour l’historien,
deux choses importantes varient : le critère utilisé (qui est moins explicite chez Positif)
et la légitimité (qui pousserait à délaisser amaznode). A visibilité relativement
comparable (amaznode n’est connu que des lecteurs de blogs informatiques, et n’est
95 http://amaznode.fladdict.net/
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pas présenté sur la page d’amazon.com), une source telle qu’amaznode est finalement
lisible plus immédiatement que « la meilleure revue de cinéma en Europe »96.
96 Citation de Variety International Film Guide,2005, inscrite sur le carton centrale comportant le formulaire d’abonnement à Positif.
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B) Bibliographie commentée
1) Ouvrages et articles
Mast, Gerald, et Marshall Cohen. Film Theory and Criticism. New York: Oxford
University Press, 1979 : 54 des textes les plus connus et utilisés par les chercheurs en
cinéma et audiovisuel (Kracauer, Bazin, Eco, Sontag, Benjamin etc.), les penseurs
anglophones y sont légèrement surreprésentés, et les traductions de bonne qualité.
Trafic n°50. "Qu'est‐ce que le cinéma?", Eté 2004 : Origine géographique et
professionnelle des participants plus variée, mais beaucoup plus orienté ésthétique et
politique des auteurs.
a) Ouvrages généraux
Histoire, sociologie et culture de masse
Concernant l’évolution que provoque la culture de masse, on retiendra en
particulier les textes de Benjamin et de Rioux et Sirinelli :
∗ Barthes, Roland. Mythologies. Paris: Editions du Seuil, 1970.
∗ Horkheimer, Max, et Theodor Adorno. La dialectique de la raison.
Paris: Gallimard, 1974.
∗ Benjamin, Walter. «L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité
technique.» Dans Œuvres III, de Walter Benjamin. Paris: Gallimard,
2000.
∗ Rioux, Jean‐Pierre, et Jean‐François Sirinelli. La culture de masse en
France. Paris: Hachette, 2006.
Les livres suivants fournissent de très bonnes pistes méthodologiques et
analytiques concernant les critères délimitant culture savante et populaire :
∗ Koselleck, Reinhardt. Le Futur passé : Contribution à la sémantique des
temps historiques. Paris: EHESS, 2000.
∗ Kracauer, Siegfried. L'histoire des avant‐dernières choses. Paris: Stock,
2006.
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∗ Esquenazi, Jean‐Pierre. Sociologie des publics. Paris: La Découverte,
2003.
∗ Leveratto, Jean‐Marc. La mesure de l'art : Sociologie de la qualité
artistique. Paris: La Dispute, 2000.
∗ Hoggart, Richard. La culture du pauvre. Traduit par Françoise Garcias
et Jean‐Claude Garcias. Paris: Les Editions de Minuit, 1973.
Pour le parcours, de l’histoire écologique à l’analyse d’objets, des notions
d’affordance et de factitivité :
∗ Gibson, James J. The Ecological Approach to Visual Perception. Boston:
Houghton Mifflin, 1979.
∗ Norman, Don. The Psychology of Everyday Things. New York: Basic
Books, 1988.
∗ Deni, Michela. «Les objets factitifs.» Dans Les objets au quotidien, de
Jacques Fontanille et Alessandro Zinna. Limoges: Presses
Universitaires de Limoges, 2005.
Philosophie, théorie, et esthétique du cinéma
Parmi les ouvrages de Noël Carroll, celui dédié au cinéma est particulièrement
riche :
∗ Carroll, Noël E. A Philosophy of Mass Art. Oxford: Clarendon Press,
1998.
∗ Carroll, Noël. Beyond Aesthetics : Philosophical Essays. Cambridge:
Cambridge University Press, 2001.
∗ Carroll, Noël. Philosophy of Motion Pictures. 2007.
Sur l’auteur et les critères de jugements utilisés s’agissant du cinéma:
∗ Esquenazi, Jean‐Pierre. Politique des auteurs et théorie du cinéma.
Paris: L'Harmattan, 2002.
∗ Stillinger, Jack. Multiple Authorship and the Myth of Solitary Genius.
New York: Oxford University Press, 1991.
∗ Jullier, Laurent. Qu'est‐ce qu'un bon film? Paris: La Dispute, 2002.
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Bien qu’ouvrant plutôt sur l’esthétique et l’analyse de film, la lecture de
Deleuze est particulièrement profitable concernant le montage :
∗ Bazin, André. Qu'est‐ce que le cinéma ? Paris: Les éditions du cerf,
1985.
∗ Bresson, Robert. Notes sur le cinématographe. Paris: Gallimard, 1975.
∗ Deleuze, Gilles. Cinéma (2 Tomes). Paris: Editions de Minuit, 1983‐
1985.
Postmodernisme et intertextualité
Pour une introduction au postmoderne en tant que courant philosophique :
∗ Eco, Umberto, et Myriam Bouzaher. De Superman au surhomme.
Paris: Grasset, 1993.
∗ Lyotard, François. Le postmoderne expliqué aux enfants. Paris: Galilée,
2005.
∗ Rongier, Sébastien. De l'ironie : Enjeux critiques pour la modernité.
Paris: Klincksieck, 2007.
Les concepts fondamentaux de l’intertextualité sont particulièrement bien
définis par Genette :
∗ Compagnon, Antoine. La seconde main ou le travail de la citation.
Paris: Editions du Seuil, 1979.
∗ Genette, Gérard. Palimpsestes. Paris: Editions du Seuil, 1992.
∗ Genette, Gérard. Figures V. Paris: Editions du Seuil, 2002.
Ces thèmes sont appliqués, mais sans être exploités autant qu’ils pourraient
l’être, dans :
∗ Beylot, Pierre. Emprunts et citations dans le champ artistiques. Paris:
L'Harmattan, 2004.
∗ Jullier, Laurent. L'écran post‐moderne. Paris: L'Harmattan, 1997.
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b) Méthodologie : théorie et exemples
Les modèles
De l’histoire à partir des films à l’histoire culturelle du cinéma, Lagny et Ory
sont d’une rigueur et d’une exhaustivité exemplaire :
∗ Ferro, Marc. Cinéma et Histoire. Paris: Folio, 1993.
∗ Lagny, Michèle. De l'histoire du cinéma : Méthode historique et
histoire du cinéma. Paris: Armand Colin, 1992.
∗ Ory, Pascal. L'histoire culturelle. Paris: PUF, 2007.
∗ Gauthier, Christophe, Dimitri Vezyroglou, et Pascal Ory. Pour une
histoire cinématographique de la France. Paris: Société d'histoire
moderne et contemporaine, 2004.
∗ Bessière, Irène, et Jean Gili. Histoire du cinéma ‐ Problématique des
sources. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle, 2004.
∗ Jullier, Laurent. Cinéma et cognition. Paris: L'Harmattan, 2002.
Lagny ayant en partie fondé son analyse sur cet ouvrage, on retiendra Allen et
Gomery, ainsi que Bordwell & Carroll et enfin Elsaesser et Buckland, ce dernier étant
particulièrement didactique concernant les diverses approches possibles :
∗ Allen, Robert Clyde, Douglas Gomery, et Jacques Lévy. Faire l'histoire
du cinéma : Les modèles américains. Paris: Nathan, 1993.
∗ Burch, Noël. Revoir Hollywood : la nouvelle critique anglo‐américaine.
Paris: Nathan, 1993.
∗ Bordwell, David, and Noël E. Carroll. Post‐Theory : Reconstructing Film
Studies. Madison (Wisconsin): University of Wisconsin Press, 1996.
∗ Rollins, Peter C. Hollywood as Historian : American Film in a Cultural
Context. Lexington: University Press of Kentucky, 1998.
∗ Dunne, Michael. Intertextual Encounters in American Fiction, Film, and
Popular Culture. Bowling Green (OH): Bowling Green State University
Popular Press, 2001.
∗ Elsaesser, Thomas, et Warren Buckland. Studying Contemporary
American Film : A Guide to Movie Analysis. New York: Arnold, 2002.
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Les applications
Les remakes sont bien exploités, notamment en termes transnationaux et
intertextuels, et bien analysés par Raphaëlle Moine en particulier:
∗ Nowlan, Robert A., et Gwendolyn Wright Nowlan. Cinema Sequels and
Remakes, 1903‐1987. Chicago: St James Press, 1989.
∗ Barnier, Martin, et Raphaëlle Moine. France/Hollywood. Echanges
cinématographiques et identités nationales. Paris: L'Harmattan, 2002.
∗ Moine, Raphaëlle. Remakes : Les films français à Hollywood. Paris:
CNRS, 2007.
∗ Durnham, Carolyn. Double Takes : Culture and Gender in French Films
and Their American Remakes. Londres: University Press of New
England, 1998.
Pour les pistes ouvertes vers le cinéma populaire comme sujet légitime :
∗ Collins, Jim, Hilary Radner, et Ava Preacher Collins. Film Theory Goes
to the Movies. New York: Routledge, 1993.
∗ Devereaux, Michelle. «How Star Wars Changed the World.» Wired,
Mai 2005.
Pour des exemples d’analyses réussies liant culture populaire, médiatisation et
sociologie :
∗ Esquenazi, Jean‐Pierre. Hitchock et l'aventure de Vertigo. Paris: CNRS,
2001.
∗ Esquenazi, Jean‐Pierre, et Michel Marie. Godard et la société française
des années 1960. Paris: Armand Colin, 2004.
∗ Jullier, Laurent. Star Wars : Anatomie d'une saga. Paris: Armand Colin,
2005.
∗ Lindeperg, Sylvie. Nuit et Brouillard : Un film dans l'histoire. Paris:
Odile Jacob, 2007.
∗ Thoret, Jean‐Baptiste. 26 secondes, l'Amérique éclaboussé :
L'assassinat de JFK et le cinéma américain. Pertuis: Rouge Profond,
2003.
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c) Sur le cinéma américain
Pour choisir quelques ouvrages thématiques d’esthétique :
∗ Amiel, Vincent, et Pascal Couté. Formes et obsessions du cinéma
américain contemporain. Paris: Klincksieck, 2003.
∗ Auge, Etienne. Une certaine tendance du cinéma américain : Le Nouvel
Hollywood 1975‐1998. Paris: Université Sorbonne Nouvelle‐Paris 3.
UFR Cinéma et audiovisuel, 1998.
∗ Cieutat, Michel. Les grands thèmes du cinéma américain (2 tomes).
Paris: Editions du cerf, 1988‐1991.
Si l’on accepte le film comme support et vecteur d’une idéologie :
∗ Astre, Georges‐Albert, Anne‐Marie Bidaud, Francis Bordat, et Groupe
de recherche "Idéologie et média aux Etats‐Unis". Média de l'image. I,
Etudes sur le cinéma et la télévision aux USA. Paris: Université Paris X,
1981.
∗ —. Média de l'image. II, Cinéma et société aux Etats‐Unis. Paris:
Université Paris X, 1981.
∗ Bidaud, Anne‐Maris. Hollywood et le rêve américain : Cinéma et
idéologie. Paris: Masson, 1994.
∗ Gimello‐Mesplomb, Frédéric, et Michel Cieutat. Le cinéma des années
Reagan. Paris: Nouveau Monde, 2007.
Le seul exemple d’analyse multidimensionnelle d’un objet de la culture
populaire, particulièrement inspirant :
∗ Hache‐Bissette, Françoise, Fabien Boully, et Vincent Chenille. James
Bond (2)007 : Anatomie d'un mythe populaire. Paris: Belin, 2007.
a) Sur le genre
La meilleure introduction non encyclopédiste consiste à lire Raphaëlle Moine,
qui fournit un véritable ouvrage de référence, très complet :
∗ Serceau, Michel. «Panorama des genres au cinéma.» CinémAction,
n°68, 3e trimestre 1993.
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∗ Bourget, Jean‐Loup. Hollywood, La norme et la marge. Paris: Armand
Colin, 2005.
∗ Moine, Raphaëlle. Les genres du cinéma. Paris: Armand Colin, 2005.
Altman est le point d’origine de Moine, mais aussi de Neale et Grant, qui ont
réunis des textes variés sur le genre, tous deux très stimulants :
∗ Grodal, Torben Kargh. Moving Pictures : A New Theory of Film Genres,
Feelings and Cognition. Oxford: Clarendon Press, 2000.
∗ Williams, Alan. «Is a Radical Genre Criticism Possible?» Quarterly
Review of Film Studies 9, Printemps 1984: 121‐125.
∗ Altman, Rick. «Emballage réutilisable: les produits génériques et le
processus de recyclage.» Iris, n°20, Automne 1995.
∗ Altman, Rick. Film/Genre. London: BFI, 1999.
∗ Braudy, Leo. The World in a Frame. Chicago: University of Chicago
Press, 2002.
∗ Neale, Steve. Genre and Contemporary Hollywood. Londres: BFI, 2002.
∗ Grant, Barry Keith. Film Genre Reader III. Austin (Texas): University of
Texas Press, 2003.
Le film d’horreur étant devenu progressivement un sujet légitime, on trouve
quelques références utiles d’analyse de films de genre populaire (en particulier des
années 1940/1950). L’introduction de Guido se prête très bien à une extension aux
autres genres :
∗ Philips, Kendall R. Projected Fears : Horror Films and American Culture.
Westport (Connecticut): Praeger Publishers, 2005.
∗ Waller, Gregory A. American Horrors : Essays on the Modern American
Horror Film. Urbana: University of Illinois Press, 1987.
∗ Guido, Laurent. Les peurs de Hollywod : Phobies sociales dans le
cinéma fantastique américain. Lausannes: Antipodes, 2006.
Page | 74
b) Sur le film d'action
Les références sont extrèmement rares, le film d’action n’est jamais étudié du
point de vue culturaliste. L’analyse de Tasker est parfait exemple de l’intérêt que
peuvent avoir les gender studies. Elsaesser et Buckland dédient un exemple d’analyse à
Die Hard 1 dans le chapitre « Classical/post‐classical narrative »
∗ Arroyo, José. Action‐Spectacle Cinema. Londres: BFI, 2000.
∗ Tasker, Yvonne. Spectacular Bodies : Gender, Genre and the Action
Cinema. London: Routledge, 1993.
∗ Dossier « Le film d’action hollywoodien », Positif n°443, Janvier 1998.
c) Sur les différents cadres évoqués
La télévision
Beylot accorde une place importante à l’intertextualité dans ces ouvrages :
∗ Beylot, Pierre, et Geneviève Sellier. Les séries policières : Colloque de
Bordeaux. Paris: L'Harmattan, 2004.
∗ Beylot, Pierre, et Daniel Schneidermann. Quand la télévision parle
d'elle‐même : 1958‐1999. Paris: INA, 2000.
∗ Neale, Steve, et Frank Krutnik. Popular Film and Television Comedy.
Londres: Routledge, 1990.
Média
Pour une analyse rigoureuse, l’ouvrage de Caparini doit être privilégié :
∗ Caparini, Marina. Media in Security and Governance : The Role of the
News Media in Security Oversight and Accountability. Baden‐Baden:
Nomos, 2004.
∗ Saouter, Catherine. Images et sociétés : Le progrès, les média, la
guerre. Montréal: Presses de l'Université de Montréal, 2003.
∗ Valantin, Jean‐Michel. Hollywood, le Pentagone et Washington. Paris:
Autrement, 2003.
Page | 75
∗ Beauregard, Claude, Alain Canuel, et Jérôme Coutard. Les média et la
guerre : de 1914 au World Trade Center. Canada: Editions du
Méridien, 2002.
Esquenazi, ainsi que Reeves et Nass, présentent un intérêt épistémologique, en
plus d’informations concernant les sujets étudiés :
∗ Clary, Françoise. Média, pouvoirs et culture de l'image aux Etats‐Unis.
Rouen: Publications de l'Université de Rouen, 2004.
∗ Kinder, Marsha. Playing with Power in Movies, Television and Video
Games. Berkeley (Californie): University of California Press, 1991.
∗ Balle, Francis. Média et sociétés : Edition, Presse, Cinéma, Radio,
Télévision, Internet, CD, DVD. Paris: Montchrestien, 2007.
∗ Compaine, Benjamin M., et Douglas Gomery. Who Owns the Media? :
Competition and Concentration in the Mass Media Industry. Londres:
L.Erlbaum, 2000.
∗ Esquenazi, Jean‐Pierre. L'écriture de l'actualité : Pour une sociologie du
discours médiatique. Grenoble: Presses Universitaires de Grenoble,
2003.
∗ Reeves, Byron, et Clifford Nass. The Media Equation : How People
Treat Computers, Television, and New Media Like Real People and
Places. Stanford (California): CSLI, 1998.
Pour des approches globalisantes, parfois trop pour être précises et utiles :
∗ Maigret, Eric, et Eric Macé. Penser les médiacultures : Nouvelles
pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde. Paris:
Armand Colin, 2005.
∗ Santolaria, Nicolas, et Laurent Trémel. Le grand jeu : Débats autour de
quelques avatars médiatiques. Paris: PUF, 2004.
∗ Lipovetsky, Gilles, et Jean Serroy. L'écran global. Paris: Seuil, 2007.
Cadres spécifiques
Deux références des star studies :
∗ Dyer, Richard. Stars. Londres: BFI, 1986.
∗ Namiand, Arlette. Acteurs. Paris: Autrement, 1996.
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Concernant l’histoire des Etats‐Unis, en particulier sociale et culturelle , Kaspi
reste assez générale, sans perdre en scientificité :
∗ Kaspi, André. La civilisation américaine. Paris: PUF, 2004.
∗ Kaspi, André. Les Américains. Tome 2. Paris: Les Editions du Seuil,
2002.
Tous ces ouvrages abordent en détail des aspects du cinéma souvent délaissés,
dans des optiques différentes mais toujours rigoureuses :
∗ Creton, Laurent, éd. Cinéma et stratégies. Paris: Presses Sorbonne
Nouvelle, 2008.
∗ Mourgues, Nicole. Le générique de film. Paris: Méridiens Klincksieck,
1994.
∗ Neale, Steve. Cinema and Technology : Image, Sound, Colour.
Bloomington (Indiana): Indiana University Press, 1985.
∗ Chion, Michel. Le son au cinéma. Paris: Cahiers du cinéma, 1985.
∗ Gomery, Douglas, et David Bordwell. Shared Pleasures : A History of
Movie Presentation in the United States. Madison (Wisconsin):
University of Wisconsin Press, 1992.
Sur les jeux vidéo
Le nombre de livres de qualité sur les jeux vidéo est extrêmement limité. Genvo
est pratiquement le seul à avoir une véritable méthode. Les autres ouvrages sont trop
généraux, et donc d’un intérêt purement encyclopédique.
∗ Genvo, Sébastien. Introduction aux enjeux artistiques et culturels des
jeux vidéo. Paris: L'Harmattan, 2003.
∗ Barboza, Pierre, et Jean‐Louis Weissberg. L'image actée :
Scénarisations numériques. Paris: L'Harmattan, 2006.
∗ Lafrance, Jean‐Paul. Les jeux vidéo : A la recherche d'un monde
meilleur. Paris: Hermes Science, 2006.
∗ Le Diberder, Alain, et Frédéric Le Diberder. L'univers des jeux vidéo.
Paris: La Découverte, 1998.
∗ Trémel, Laurent. Jeux de rôles, jeux vidéo, multimédia : Les faiseurs de
mondes. Paris: PUF, 2001.
Page | 77
2) Revue de presse
Les revues de presses des Die Hard (ci‐dessous) permettent de repérer les
différentes revues et journaux comportant des critiques de films. Auxquelles il
convient d’ajouter la presse corporative : Le film français, Variety en particulier.
D’autres revues publient également des articles de fond sur le cinéma : Iris, Réseaux,
Hors‐cadre, Trafic, Vertigo, Sight & Sound (en anglais), American Cinematographer
(concernant le métier de chef‐opérateur, en anglais également). Enfin, pour ne citer
que les principales revues sur les jeux vidéo : Joystick, Gen4, Joypad, Jeux vidéo
magazine, Pc Jeux, Consoles +.
a) Die Hard 1
∗ A., C. «Comme à guignol.» Les Echos, n°15225, 22 septembre 1988.
∗ Artus, Jacqueline. «Un piège en or.» Le nouvel Observateur, n°1247,
30 septembre 1988.
∗ B., B. «Le clin d'oeuil de McTiernan.» Le Figaro, 21 septembre 1988.
∗ Bielik, Alain. «Piège de cristal.» S.F.X., n°21, avril 1995.
∗ Chazal, Robert. «"Piège de Cristal" La tour infernale n°2.» France Soir,
22 septembre 1988.
∗ Cieutat, Michel. «Piège de cristal (Die Hard).» Positif, n°334, décembre
1988.
∗ Colmant, Marie. «Bruce Willis, prototype.» Libération, 23 septembre
1988.
∗ D., R. «Piège de cristal.» L'Evénement du jeudi, n°203, 22 septembre
1998.
∗ Ducout, Françoise. «Merci la télé!» L'événement du jeudi, n°386,
mars/avril 1992.
∗ Frodon, J.‐M. «Le piège de cristal.» Le Point, 26 septembre 1988.
∗ Grassin, Sophie. «Bruce Willis : l'homme à tout faire.» L'Express,
n°1943, 30 septembre 1988.
∗ Grenard, Pierre. «Piège de cristal.» Figaro magazine, 1 octobre 1988.
Page | 78
∗ Jauberty, Christian. «Tour de force.» 7 à Paris, n°357, 21 septembre
1988.
∗ Murat, Pierre. «Piège de cristal. Boum!» Télérama, n°2020, 28
septembre 1988.
∗ Noel, Jacques. «Piège de cristal (Die Hard).» Ciné‐Fiches.
b) Die Hard 2
∗ Artus, Jacqueline. «Bruce Willis, le faiseur de Dollars.» Le Nouvel
Observateur, 11 octobre 1990.
∗ Baigneres, Claude. «Quel carnage!» Le Figaro, 5 octobre 1990.
∗ C., A. «Plus fort que Rambo.» Les Echos, n°15737, 5 octobre 1990.
∗ Ferenczi, Aurélien. «Morts pour rire.» Le quotidien de Paris, 30
octobre 1990.
∗ Forestier, François. «Bruce Willis : un dur très cool.» L'Express, n°2047,
28 septembre 1990.
∗ Genin, Bernard. «58 minutes pour vivre.» Télérama, 10 octobre 1990.
∗ Godart, Colette. «La finesse des gros bras.» Le Monde, 4 octobre 1990.
∗ Karani, Cathy. «58 minutes pour vivre.» L'écran fantastique.
∗ Lacomme, Jean‐Pierre. «"58 minutes pour vivre" : l'hécatombe.» Le
Journal du dimanche, 30 septembre 1990.
∗ Lenotre, Jean‐Pierre. «Les humeurs de super‐Willis.» Le Figaro, 3
octobre 1990.
∗ Me., P. «58 minutes pour vivre.» Le Point, n°943, 15 octobre 1990.
∗ Niogret, Hubert. «58 minutes pour vivre (Die Hard 2).» Positif, n°356,
octobre 1990.
∗ P., M. «"58 minutes pour vivre" ("Die Hard 2"). Clins d'oeil et morts
violentes.» France soir, 4 octobre 1990.
∗ Pantel, Monique. «Bruce Willis : "Pas drôle d'être star".» France soir, 2
octobre 1990.
∗ «20 minutes pour répondre.» Premiere, octobre 1990.
Page | 79
∗ R., D. «58 minutes pour vivre.» L'Evénement du jeudi , n°310, 11
octobre 1990.
∗ Rebichon, Michel. «De l'action, encore de l'action. Et Bruce Willis...»
Studio Magazine, 3 octobre 1990.
∗ Saracco, Arielle. «My sweet Bruce.» 7 à Paris, 3 octobre 1990.
∗ Waintrop, Edouard. «58 minutes avec Bruce Willis.» Libération, 3
octobre 1990.
c) Die Hard 3
∗ Arroyo, José. «Die Hard with a Vengeance.» Sight and Sound, août
1995.
∗ Baignères, Claude. «Le génie de la parodie.» Le Figaro, 2 août 1995.
∗ Ferenczi, Aurélien. «Mister Supercool déguisé en rustre.» Info Matin, 2
août 1995.
∗ «Une journée en enfer.» France‐soir, 2 août 1995.
∗ Frodon, Jean‐Michel. «"Une journée en enfer" ou le dur désir de
durer.» Le Monde, 3 août 1995.
∗ Frois, Emmanuelle. «Samuel L. Jackson et Jermy Irons, le bon et le
méchant.» Le Figaro, 3 août 1995.
∗ Génin, Bernard. «Une journée en enfer.» Télérama, 2 août 1995.
∗ Ginibre, Jean‐Louis. «Die Hard With a Vengeance.» Première, juillet
1995.
∗ Krohn, Bill. «Une cure hollywoodienne.» Cahiers du cinéma, n°493, 7
août 1995.
∗ «"Une journée en enfer" qui démarre fort.» Le Figaro, 10 août 1995.
∗ Péron, Didier. «"Die Hard", un film qui fait boum.» Libération, 5‐6 août
1995.
∗ Rouyer, Philippe. «Une journée en enfer. Jeux de société.» Positif,
octobre 1995.
∗ Ruuth, Marianne. «Bruce Willis : "Les gentils doivent gagner".» Le
Figaro, 3 août 1995.
Page | 80
∗ Tirard, Laurent. «Bruce Willis prend sa revanche.» Studio, juillet/août
1995.
∗ V.G. «Une journée en enfer.» Pariscope, 2 août 1995.
∗ Vandiste, Jean‐Luc. «Une journée en enfer.» L'écran fantastique, n°
140, août 1995.
∗ Vatrican, Vincent. «Une journée en enfer.» Cahiers du cinéma, n°494,
septembre 1995.
∗ Wachthausen, Jean‐Luc. «New York brûle‐t‐il ?» Le Figaro, 25 mai
1995.
d) Die Hard 4
∗ Baurez, Thomas. «Bruce tout‐puissant!» Studio, n°237, juillet 2007.
∗ Bayon. «Aïe Hard.» Libération, 4 juillet 2007.
∗ Bielik, Alain. «Die Hard 4.» S.F.X, août/septembre 2007.
∗ Borde, Dominique. «Un symbole musclé.» Le Figaro, 4 juillet 2007.
∗ C., F. «Die Hard 4.» Le Point, 5 juillet 2007.
∗ C., M. «Die Hard ‐ Retour en enfer.» Première, n°365, juillet 2007.
∗ Clinckart, Olivier. «Die Hard 4 ‐ Retour en enfer.» Grand Angle, n°321‐
322, juillet/août 2007.
∗ D., S. «Die Hard 4, Retour en enfer.» La Croix, 4 juillet 2007.
∗ Fontaine, David. «Die Hard 4.» Le Canard Enchaîné, 4 juillet 2007.
∗ Frois, Emmanuèle. «Bruce Willis, un philosophe en tricot de peau.» Le
Figaro, 4 juillet 2007.
∗ —. «"Die Hard. Retour en Enfer" Yipee‐ki‐yay!» Le Figaroscope, 4
juillet 2007.
∗ G., C. «Die Hard 4, retour en enfer.» Le Journal du dimanche, 1 juillet
2007.
∗ Garbarz, Franck. «Die Hard 4 : Retour en enfer.» Positif, n°559,
septembre 2007.
∗ Gomez, Carlos. «Bruce Willis mission possible.» Le Journal du
Dimanche, 1 juillet 2007.
Page | 81
∗ Gray, Simon. «One‐Man Riot Squad.» American Cinematographer,
vol.88 n°7, juillet 2007.
∗ L.F., O. «Retour en enfer.» La Tribune, 4 juillet 2007.
∗ Lalanne, Jean‐Marc. «Die Hard 4.» Les Inrockuptibles, 3 juillet 2007.
∗ Libiot, Eric. «Cher John McClane.» L'Express, 28 juin 2007.
∗ M., S. «Die Hard Retour en Enfer.» Mad Movies, été 2007.
∗ Morice, Jacques. «Die Hard 4, Retour en enfer.» Télérama, 4 juillet
2007.
∗ Mortez, Pierre. «Bruce tout puissant.» France‐Soir, 4 juillet 2007.
∗ Ostria, Vincent. «Die Hard : Retour vers l'enfer.» L'Humanité, 4 juillet
2007.
∗ —. «Die Hard 4: Retour en enfer.» L'Humanité, 7 Juillet 2007.
∗ Pinteau, Pascal. «Die Hard 4.» L'écran fantastique, n°278 juillet/août
2007.
∗ Rauger, Jean‐François. «Bruce Willis face au terrorisme informatique.»
Le Monde, 4 juillet 2007.
∗ S., N. «Die Hard 4.» Le nouvel Observateur, 5 juillet 2007.
3) Sites Internet
a) Sites de critiques
Metacritic permet de trouver pratiquement toutes les critiques écrites sur un
film donné, les deux autres sites n’y sont pas répertoriés :
∗ http://www.reelfilm.com
∗ http://www.metacritic.com/
∗ http://www.objectif‐cinema.com/
Page | 82
b) Sites généraux sur le cinéma
Concernant les chiffres, les dates de sorties, et autres renseignements
techniques et commerciaux, on retiendra le site du CNC, DVDFR, boxofficemojo et
surtout IMDB, particulièrement riche. Cinéfil propose également des affiches en
grande résolution :
∗ http://www.cnc.fr
∗ http://www.commeaucinema.com/
∗ http://www.cinefil.com/
∗ http://www.allocine.fr
∗ http://www.objectif‐cinema.com/
∗ http://www.dvdrama.com
∗ http://www.dvdfr.com
∗ http://movies.yahoo.com
∗ http://www.imdb.com
∗ http://archive.filmdeculte.com
∗ http://www.boxofficemojo.com
∗ http://www.the‐numbers.com
∗ http://cinema.aliceadsl.fr/
∗ http://uk.rottentomatoes.com/
c) Forums et fansites97
Les forums indépendants :
∗ http://www.cracked.com
∗ http://www.moviemistakes.com
Concernant Die Hard, en particulier une analyse des critiques de Die Hard et
Predator (John McTiernan, 1987) sur le blog de Rafik Djoumi (qui contient plusieurs
articles intéressants sur des objets de la culture populaire) :
97 Des forums sont également présents sur les sites généraux de cinéma ainsi que sur les sites de critiques.
Page | 83
∗ http://rafik.blog.toutlecine.com/2746/Un‐realisateur‐surestime‐Die‐
Hard/
∗ http://rafik.blog.toutlecine.com/1622/Un‐realisateur‐surestime‐
Predator/
∗ http://pink‐kun.blogspot.com/2007/07/yipee‐ka‐yeaah‐mother‐
fucker.html
∗ http://brucewillis55.proboards44.com/
∗ http://www.aintitcool.com/talkback_display/32511#comment_14952
31 (avec bruce willis)
d) Goodies et produits connexes :
Pour toute recherche, on commencera par ebay :
∗ http://www.amazon.com/
∗ http://www.cine‐shopping.com
∗ http://www.priceminister.com
∗ http://www.ebay.com/
∗ http://cc.2xmoinscher.com/produits‐derives/cinema
Pour les produits Die Hard :
∗ http://www.lulu‐
berlu.com/dhtml/fiche_article.php?id_article=14885&titre=Die%20Ha
rd%20‐%20John%20McClane%20(Bruce%20Willis)%20‐
%20Figurine%20Cult%20Classics
∗ http://www.search.ie/ukshop/cinema‐501778‐B000WME9K8‐
Die_Hard_40_Limited_Edition_With_Free_Emergency_Phone_Charge
r_Exclusive_to_Amazoncouk_2007.html
∗ http://www.bonbiz.net/MISC/liste.asp?mode=grille&Action=recherch
e&But=&intIdCateg=177&attribut_189=&attributTMP_189=&attribut_
135=&attributTXT_135=die+hard&attribut_266=&attributTXT_266=&a
ttributTXT_prix=&typeAnn=1&Go=on
∗ http://www.fortunecity.com/lavendar/stradbroke/139/jpg/diehardto
y.jpg
Page | 84
e) Scripts
Movie‐page recense moins de scripts et scénarii qu’awesomefilm, mais
quelques versions multiples :
∗ http://www.movie‐page.com/scripts/DieHard.txt (avec versions
multiples pour certains films)
∗ http://www.awesomefilm.com/script/diehard.html
∗ http://www.awesomefilm.com/script/diehard2.html
∗ http://www.awesomefilm.com/script/diehard3.html
f) Sites officiels des films et studios
Chaque film récent possède son propre site internet. Sur demande, il est
parfois possible d’accéder aux photos de presse mises à disposition par le producteur
et/ou le distributeur (seuls les liens concernant Die Hard sont donnés ici) :
∗ http://www.pressefpe.fr/
∗ http://www.foxhome.com/diehard/trinity/index.html
∗ http://www.diehard4movie.com
∗ http://www.livefreeordieharddvd.com/
g) Sites spécifiques à Die Hard
Notons que youtube et dailymotion peuvent être utilisés pour trouver les
bandes‐annonces, y compris étrangères :
∗ http://americanhistory.si.edu/news/pressrelease.cfm?key=29&newsk
ey=576 (communiqué de presse)
∗ http://www.youtube.com/watch?v=3EUJYh32KVw (trailer)
∗ http://www.youtube.com/watch?v=OTyw6cq86kY (chanson/clip)
∗ http://www.youtube.com/watch?v=pT6XYtlIGj0 (parodie)
∗ http://www.filmstalker.co.uk/archives/2008/01/die_hard_hilarious_si
lent_film.html(parodie)
∗ http://www.angryalien.com/aa/diehardbuns.asp (parodie)
Page | 85
∗ http://melodias‐movil‐logo.jeumobile.com/3‐
000/fr_fr/555/telecharger/die‐hard‐4‐retour‐en‐enfer‐le‐jeu‐
mobile.html (jeu portable)
h) Sur le jeu vidéo
Parmi de nombreux sites, IGN est le plus important (il comporte gamespy, pour
le jeu en ligne, planets, qui consiste en un ensemble de site consacrés aux franchises,
et même rottentomatoes, dédié au cinéma). Les autres sites mentionnés sont les plus
importants, et présentent tous des critiques ainsi qu’un forum important :
∗ http://www.jeuxvideo.com/
∗ http://corp.ign.com/
∗ http://www.jeuxvideo.org/
∗ http://www.gamekult.com/
∗ http://www.jeuxactu.com/
∗ http://www.jeuxvideo.fr/
i) Autres sites
Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales est certainement le
moins connu, et le plus rigoureux de ces sites utilitaires. L’encyclopédie collaborative
wikipédia est maintenant bien connue, autant pour son étendue que pour ses limites :
∗ http://fr.wikipedia.org
∗ http://www.01men.com/editorial/371763/cinema‐/
∗ http://www.larousse.fr
∗ http://www.lexilogos.com
∗ http://www.cnrtl.fr/
Page | 86
4) Matériel promotionnel et documents de
tournages
En plus d’internet (utile pour les bandes‐annonces et les scripts notamment),
plusieurs institutions françaises donnent accès aux chercheurs à des archives
importantes.
‐ La Bibliothèque du Film (BiFi), pour son fond d’ouvrages sur le cinéma
relativement important ;
‐ Les Archives françaises du film (qui font partie de la Fédération
Internationale des Archives du Film et peuvent donc mettre le chercheur en
relation avec les institutions équivalentes à l’étranger), en particulier pour
les films français et des documents de tournages et d’exploitation ;
‐ l’Institut National de l’Audiovisuel (INA) pour tout ce qui concerne la
télévision ;
‐ la Bibliothèque Nationale de France (BNF) qui rassemble les documents
écrits, mais également les ludiciels et logiciels.
Aux Etats‐Unis, le chercheur peut se tourner vers la Library of Congress (qui
possède un site très fourni en documents numérisés), qui remplit le même rôle que la
BNF, et vers l’Université de Californie à Los Angeles, qui fait office d’archive du film
pour Hollywood, et possède un fond très important de documents, d’ouvrages et de
films. Enfin, le chercheur peut éventuellement avoir accès aux archives commerciales,
comptables, etc. des producteurs et distributeurs français ou étrangers, au terme
d’une négociation individuelle.
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A) Le cœur : le rôle des scènes d’action
dans la construction du genre
1) Le film d'action : un véritable genre ?
a) Présence du genre dans les documents
La première chose qui ne manquera pas d’étonner le chercheur qui travaille sur
le film d’action en tant que genre est l’inexistence de celui‐ci pour beaucoup
d’instances. En effet, on ne peut que remarquer l’absence d’entrée « film d’action »
dans la majorité des bases de documentation et catalogues de bibliothèques. Ainsi, le
film d’action ne constitue pas un genre pertinent de film pour la Bifi, la BNF (base
opale), la base de l’Université Paris 1, la Bibliothèque Publique d’Information. En
revanche, le film d’aventure, le thriller, le film policier ou encore le western sont
largement présents.
Deux raisons peuvent expliquer cette situation. D’une part, la légitimité de
cette catégorie de classement et de film peut être trop faible pour qu’elle soit prise en
compte par les archivistes et documentalistes. Malgré tout, il semble peu probable
qu’ils écartent une catégorie aussi largement utilisée, que ce soit dans les articles de
films ou dans sa propre vie quotidienne ; cette cause doit donc être écartée. L’autre
raison, beaucoup plus réaliste, est la difficile délimitation d’une telle catégorie. En
effet, en l’absence de définition stricte du film d’action (comme cela a été fait pour le
western), la catégorie perd de son opérativité pour les archivistes et documentalistes.
Etablir les frontières du film d’action est donc essentiel. En l’absence presque
absolue d’ouvrages de fond sur le film d’action, la solution la plus immédiate serait de
se tourner vers la critique, afin d’y trouver une définition satisfaisante du genre.
Partant d’une simplification progressive des genres traditionnels, certains suivent
Florian Tréguer qui affirme que « quand le traitement du genre est minimaliste (au
point de n’être souvent qu’un cadre de référence facilement identifiable par le
Page | 89
spectateur), on parle de « film d’action » »98. Cette définition en creux ne semble
toutefois pas satisfaisante, puisqu’elle ne fait que situer le film d’action comme sous‐
genre de tous les autres genres, ce qui ne correspond du tout à l’utilisation du terme
qu’en fait la majorité des spectateurs (pour qui un film peut tout à fait appartenir à
plusieurs genres, sans que l’un deux soit « minoré »). Plus simplement, parler de film
d’action en ces termes ne permet tout simplement pas d’en parler (autant parler des
autres genres) et d’approfondir l’analyse des films (qui sont des sous‐produits).
On préférera l’approche plus mesurée de Sébastien Boatto :
« Aussi, seules les œuvres ayant un discours plus profond que leur surface explosive survivront‐elles aux ravages du temps sans pour autant échapper aux effets de rétroaction exclusifs qui ne manqueront pas de les déloger du genre pour les classer dans d’autres genres probablement plus nobles et cinéphiliquement plus identifiables comme la science fiction (Star Wars), le film policier (Lethal Weapon, Richard Donner, 1987), l’aventure (Raiders of the Lost Ark, Steven Spielberg, 1981), etc »99
Bien que la raison invoquée pour expliquer la translation semble relativement peu
fondée (on se demande qui effectue ce transfert des films d’un genre à l’autre) mais le
processus lui‐même reste bien réel : il est difficile de parler de films d’action parce
qu’ils ne sont pas que des films d’action.
En conséquence, soit le film d’action consiste en fait en une catégorie fourre‐
tout, soit son utilisation de plus en plus large est le signe d’une modification plus
profonde du cadre générique. Les caractéristiques désignées du film d’action, dans la
critique, permet d’éclairer cette alternative. « Du beau travail industriel »100 : ce type
de commentaire est récurrent, et montre bien l’importance donnée au cadre de
production, qui sera étudié ci‐dessus. Le premier article du dossier de Positif101
consacré au film d’action (du reste assez pertinent) résume très bien les principaux
angles d’attaques proposés sur les films d’action. Le sous‐titre lui‐même propose les
98 Gimello‐Mesplomb et Cieutat, op.cit. p.99 99 Gimello‐Mesplomb et Cieutat, ibid. p.75 100 Ostria, Vincent. «Die Hard 4: Retour en enfer.» L'Humanité, 7 Juillet 2007. 101 Dahan, Yannick. «Le film d'action.» Positif, n°443, Janvier 1998.
Page | 90
deux plus importants : « Idéologie « ramboesque » et violence chorégraphiée » ;
auxquels on peut rajouter les acteurs‐stars, mentionnés dès la sixième ligne de
l’article. Pour résumer, on peut réduire à cinq ensembles les principaux arguments
convoqués dans les critiques de Die Hard ou d’autres films d’action : une idéologie
conservatrice et révisionniste ; une violence gratuite, superficielle et superlative ; un
genre pour adolescent, débilisant voire dangereux ; un pur produit du capitalisme
effréné, sans considération pour l’art cinématographique qui n’intéresse pas l’industrie
hollywoodienne ; et enfin des acteurs inexpressifs, qui ne doivent leur statut de stars
qu’au culturisme et au culte du corps. Notons que les arguments en faveur des films
sont bien sûr présents, mais les points positifs sont systématiquement redirigés vers le
réalisateur qui, du même coup, transcende ce genre ignoble et indigne (par exemple,
le sous‐titre d’une critique de Die Hard 1102 : « Le cinéma d’action passé à la
moulinette d’un iconoclaste ») ; l’influence de l’auteurisme est ici évidente.
Les critiques de films d’action se rangent donc au principe général : le film
d’action n’est ni un véritable genre, ni un sujet véritablement légitime en tant que tel.
On peut penser, avec Elsaesser et Buckland, qu’elle n’est pas vraiment équipée pour
l’analyse de ces films :
« Although these reviewers seem to speak the (Aristotelian) language of the screenwriter, their mode of argumentation fits well into a structuralist model, since the contrasts they deploy are almost all organized into binary pairs (spectacle/narrative, commerce/art, glibspeak/flashes of wit, « good performances » / «minimal acting requirements »). »103
De fait, « ces films ont le mérite de révéler peut‐être davantage l’orientation politique
de ceux qui en parlent (l’érudition n’en changeant rien) »104.
Les arguments usuels cités plus haut semblent tous se fonder sur une vision
particulièrement réductrice du public de film d’action, en particulier l’idée d’un
102 B., B. «Le clin d'oeil de McTiernan.» Le Figaro, 21 septembre 1988. 103 « Bien que ces critiques semblent parler le langage (aristotélicien) du scénariste, leur mode d’argumentation entre facilement dans un modèle structuraliste, puisque les contrastes qu’ils déploient sont presque tous organisés par pair (spectacle/scénario, commerce/art, platitudes/traits d’esprit, « jeu intéressant »/« minimum requis ») » Elsaesser et Buckland, op.cit. 104 Gimello‐Mesplomb et Cieutat, op.cit. p.291
Page | 91
spectacle violent, débilisant voire barbare. La démonstration particulièrement
convaincante de Kracauer, dans « The establishment of physical existence »105, permet
de saper ces accusations, en proposant de tenir compte de l’activité du spectateur :
« The cinema, then, aims at transforming the agitated witness into a conscious observer. Nothing could be more legitimate than its lack of inhibitions in picturing spectacles which upset the mind. Thus it keeps us from shutting our eyes to the « blind drive of things » »
Les gender studies et les analyses économiques et industrielles ne relaient pas ce type
de présupposés concernant les spectateurs, notamment car les analyses de réception
ne constituent pas le cœur de leurs études. En conséquence, ces études seront
privilégiées, en tant que source, malgré d’autres limites de ces démarches (en
particulier la charge politique des gender studies, qui peut être gênant)
b) Films d’action et blockbusters
Une autre confusion très présente, dans les commentaires de spectateurs sur
les forums ou dans la critique, consiste à assimiler le genre « film d’action » à une
catégorie de production, le blockbuster. Laurent Guido, par exemple parle de
« productions de type blockbuster, c'est‐à‐dire les divertissements à grand spectacle
basés sur la prépondérance des scènes d’action et le recours systématique aux effets
spéciaux »106. Le terme de blockbuster pourrait parfaitement être remplacé par celui
de « film d’action », et donnerait même une définition relativement satisfaisante du
genre. Le premier argument poussant à différencier les deux catégories consiste à dire
que tous les blockbusters ne sont pas des films d’action (Titanic, Le Monde de Nemo,
Retour vers le futur), et que tous les films d’action ne sont pas des blockbusters (La
majorité des films avec Chuck Norris par exemple). Ce dernier terme est pourtant
défini assez simplement. Hérité du théâtre, il désignait à l’origine une pièce
rencontrant un fort succès public, censé pousser les autres théâtres du quartier (block)
105 « Le cinéma, donc, vise à transformer le témoin agité en observateur conscient. Rien ne pourrait être plus légitime que cette absence d’inhibition dans la mise en image de spectacles qui affecte l’esprit. Ainsi, il nous empêche de fermer les yeux devant la « marche aveugle des choses ». » Mast et Cohen, op.cit. 106 Guido, op.cit. p.18
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au dépôt de bilan. Lors de son adaptation aux films, il s’est ajouté l’idée d’un film à
gros budget, ayant en conséquence des chances de rencontrer ce succès public.
Le blockbuster implique donc de prendre en compte le budget alloué, tout
autant que les recettes locales et mondiales. De plus, pour plus de précision dans
l’analyse, il faut y ajouter deux éléments essentiels à cet ensemble budget/recette.
D’une part il convient d’inclure la visibilité médiatique multisupport du produit,
puisque le succès public repose entre autres sur ce poste budgétaire. D’autre part, il
est nécessaire de prendre en compte dans les revenus du film les recettes salles ainsi
que les recettes venant d’autres supports.
L’importance de ces sources est évident dans l’exemple de Disney qui, dès
1978, tire la moitié de ses revenus du box office américain, et dès 1984, la moitié de
ses recettes de la télévision payante et de la vidéo107. De plus, d’après Schatz, on peut
parler d’une évolution de cette technique de production: « The most obvious measure
of this blockbuster syndrome is box‐office revenues, which have indeed surged over
the past forty years »108
On comprend donc que la notion de blockbuster est faussement appliquée, en
particulier en France, parce qu’elle est mal définie. Cette mauvaise définition, qui fait
croire à l’hégémonie d’un style, d’une esthétique et d’une thématique (souvent
appelée hollywoodienne), est à l’origine de la mauvaise réputation du blockbuster, et
par extension du cinéma américain, au moins en partie. L’exemple de Die Hard 1 est
particulièrement probant. Voilà comment Tréguer explique la stratégie à l’origine des
deux films :
« Le principe que défend alors Joel Silver est simple : adapter un script minimaliste de série B, avec si possible une unité de lieu et de temps, mais en lui réservant un traitement de série A, en investissant largement dans la pyrotechnie (« i want an explosion the size of Cleveland ! », aurait‐il laché sur le tournage de Die Hard), les effets spéciaux et la postproduction. »109
107 source : Collins, Radner et Collins, op.cit. p.25 108 Collins, Radner et Collins, ibid. 109 Gimello‐Mesplomb et Cieutat, op.cit. p.86
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Sans même s’appuyer sur le vocabulaire péjoratif (minimaliste par exemple),
cette argumentation tombe d’elle‐même en regardant tout simplement le budget de
Die Hard 1. En effet, alors que Rambo 3, qui sort deux mois avant, bénéficie d’un
budget de 58 millions de dollars, Die Hard 1 n’hérite en tout et pour tout de 28 millions
de dollars. A titre de comparaison, Die Hard 3 a été produit avec un budget de 90
millions de dollars, proche des 100 millions de dollars de Batman Forever (Joel
Schumacher, 1995), sorti la même année. On ne peut donc parler de blockbuster
concernant Die Hard 1, contrairement à Die Hard 3 qui est véritablement un
blockbuster. Tréguer, en revanche, a tout à fait raison de souligner le rôle de Joel
Silver. Plus qu’un simple producteur financier, « c’est Joel Silver qui définit le style du
film »110 d’après Bruce Willis. A titre d’exemple, l’une des passions de Joel Silver est de
collectionner les maisons conçues par Frank Lloyd Wright111 ; le livret accompagnant le
DVD du film indique que « le décor […] reflétait des influences japonaises ainsi que
celles de Frank Lloyd Wright », et les décors, en particulier la cascade dans les bureaux,
reflètent cette influence.
Joel Silver est un des trois producteurs les plus importants, du point de vue du
blockbuster et du film d’action, en compagnie de Lawrence Gordon (avec qui il a
collaboré avant de monter sa propre société de production) et Jerry Bruckheimer112.
Silver est particulièrement influent en raison de son attachement à la partie créative,
et non seulement financière, de l’activité de production. De plus il a initié quatre
franchises ayant eu un succès important, et un impact décisif sur le mode de
production et sur le genre : Predator (John McTiernan, 1987 ; Stephen Hopkins, 1990),
L’Arme Fatale (Lethal Weapon, Richard Donner, 1987, 1989, 1992, 1998), Die Hard et
Matrix (Andy & Larry Wachowski, 1999, 2003, 2003). D’ailleurs, on peut ainsi expliquer
la présence de l’affiche de L’arme Fatale en couverture d’un magazine dans Die Hard 1.
Le recours aux documents de production de ces franchises, ainsi qu’aux archives de
Silver Pictures et Gordon Company permettraient de mieux évaluer les rôles respectifs
110 Premiere. «20 minutes pour répondre.» Octobre 1990. 111 Architecte américain, créateur des Prairie Houses et concepteur du musée Guggenheim de New York City. 112 Il produit en majorité des blockbusters (Pirates des Caraïbes, Bad Boys, Armaggedon…) et des séries télévisées (CSI, Cold Case…)
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de ces producteurs, dans le cadre générique et de production, mais ils ne sont
consultables qu’aux Etats‐Unis.
c) Une genrification du film d’action ?
Malgré une définition et une explication du terme de blockbuster, qui permet
de le différencier du film d’action, celui‐ci n’a toujours pas été défini positivement.
Selon la méthode décrite dans la première partie, il convient de s’appuyer sur le
consensus autour du film d’action. Quelques films, et leurs suites, peuvent être
considérés comme des films d’action de l’avis général : Die Hard, L’Arme Fatale,
Commando (Mark L. Lester, 1985), Judge Dredd (Danny Cannon, 1995), Matrix,
Robocop (Paul Verhoeven, 1987 ; Irvin Kershner, 1990), Aliens 2 (James Cameron,
1986), Bad Boys (Michael Bay, 1995, 2003), Le Dernier Samaritain (Tony Scott, 1991),
Rock (Michael Bay, 1996), Volte/Face (John Woo, 1997). La liste n’est bien sûr pas
exhaustive, ni limitative : ces films ne sont pas que des films d’action, de façon
univoque ; ils renvoient simplement à de relatifs succès du genre. On peut donc
maintenant s’interroger sur ce qui est commun à ces films. On remarque, dans les
films, leur promotion, et leurs critiques (professionnelles ou amateurs) qu’un poids
décisif est accordé aux fusillades, corps‐à‐corps, chutes, explosions et courses‐
poursuites, ainsi qu’aux dialogues incisifs des stars, et à une trame narrative justifiant
l’ensemble113. Les taglines des films sont très représentatives de ce qui est valorisé
dans la promotion de ces films : « It will blow you through the back wall of the
theater! »114 ou « 40 Stories Of Sheer Adventure! »115 (Die Hard 1), « The faces you
love. The action you expect »116 (L’arme Fatale 4).
On comprend donc que les valeurs mises en avant, que l’on retrouve dans les
critiques de ces films, sont le divertissement et le spectaculaire. Ceci n’est malgré tout
pas spécifique aux films d’action. Ce sont des caractéristiques largement exploités par
113 Il ne s’agit pas ici d’un « scénario‐prétexte », tout scénario devant être considéré comme un prétexte, c’est‐à‐dire une préparation, à ce que l’on peut voir/entendre à l’écran, quel que soit le contenu de l’image ou sa forme. 114 « Vous serez projetés à travers le mur du fond du cinéma ! » 115 « 40 étages de pure aventure ! » 116 « Les visages que vous aimez. L’action que vous attendez. »
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le cinéma, américain en particulier, depuis ses débuts. Ce qui diffère tient au fait que le
film d’action soit présenté comme, fondamentalement, un divertissement
spectaculaire, sans autre valeur (la valeur éducative par exemple a été soulignée
concernant Ben‐Hur117, William Wyler, 1959). En d’autre termes, ces caractéristiques
sont élevées au rang de moteur de l’industrie d’une part (et assumée en tant que tel,
d’où le terme entertainement industry), et de l’intrigue d’autre part. Le film d’action
peut ainsi être vu comme une cristallisation des tendances profondes du cinéma
américain, sous une étiquette générique. Il faut donc expliquer historiquement (1)
pourquoi une étiquette générique est utilisée et (2) pourquoi cette cristallisation a lieu
à ce moment précis (on peut placer grossièrement les premiers succès du film d’action
en tant que genre au milieu des années 1980).
On peut répondre à la première question par la simple observation que le
genre répondait aux différentes exigences de classement de ces films. A la fois par leur
contenu (action dans le film, scènes‐phare), leur origine dans la stratégie de
production (catégorie de production spécifique) et en rapport avec l’évocation de
caractéristiques génériques trop diverses pour y voir une simple évolution des genres
concernés (on n’aurait pu les désigner comme nouveaux films d’aventure par exemple,
en raison de leur ancrage dans les villes occidentales).
La réponse à la deuxième question, cependant, est plus complexe. Il faut
remarquer tout d’abord que la fin des années 1970 et le début des années 1980 ont
donné lieu à des avancées techniques décisives. Ces avancées étaient particulièrement
importantes dans le secteur des effets spéciaux. L’exploitation de ces nouvelles
techniques demandait donc une ventilation du budget différente : un poids accru a été
accordé à ce poste. Ce phénomène concomitant n’explique toutefois pas le film
d’action, mais simplement l’accroissement du poids décisionnaire des responsables
des effets spéciaux et des cascades. Plus de budget signifie également, selon les choix
opérés, une augmentation du temps consacré aux scènes d’action (puisqu’elles
représentent l’investissement le plus important). Par exemple, de nombreux
responsables des effets spéciaux sont promus au rang de réalisateur de 2e équipe,
comme Dan Bradley pour Spider‐Man 3 (Sam Raimi, 2003), voire accède à la
117 « A Tale of the Christ », « Une histoire du Christ » était une des taglines utilisée.
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réalisation, Len Wiseman travaillait sur les effets spéciaux (Stargate, Armaggedon) et
les clips avant de réaliser Underworld (Len Wiseman, 2003). La stratégie publicitaire
reflète même parfois ces parcours, comme le montre l’importance du chorégraphe des
combats de Matrix, Yuen Woo Ping, dans la promotion du film et dans sa réception
critique et publique.
Ce cercle vicieux ou vertueux liant cadre de production, parcours individuels et
cadre technique et technologique explique donc finalement l’apparition d’une
catégorie de film caractérisé par une grande importance des effets spéciaux, qui
permettent justement la mise en œuvre des valeurs à la source du film d’action : le
divertissement spectaculaire. « Ici, tout, du jeu d’acteur au scénario en passant par la
mise en scène, est subordonné aux effets spéciaux »118. Cette évaluation de Die Hard 3
est donc relativement justifiée, si l’on ne tient pas compte de la connotation péjorative
induite par le reste de l’article.
La situation a néanmoins évolué depuis les débuts du film d’action, et une autre
configuration budgétaire a été adoptée, ne se limitant pas aux trois postes principaux
(effets spéciaux, cachets des stars et publicité) :
« The « conglomerisation » which characterised all the studio corporations from the 1960s onwards provided not only a safety net for a large investment –losses in theatrical film divisions could be offset by the profitability of other areas‐ but an incentive as well: the popular success of a blockbuster can be « spun off » into the various ancillary markets in which the studios also have interests. »119
Ces marchés auxiliaires comprennent aussi le marché du jeu vidéo. Ceux‐ci sont créés
parallèlement au film (afin de permettre une sortie simultanée des différents
produits), ils ne sont donc pas fonction du succès du film. Les films d’action se prêtant
particulièrement bien à une adaptation ludicielle (pour des raisons de proximités
118 Génin, Bernard. «Une journée en enfer.» Télérama, 2 Aout 1995. 119 « La « conglomérisation » qui caractérisait tous les studios à partir des années 1960 a fournit non seulement un filet de sécurité pour un investissement important (les pertes des secteurs cinématographiques pouvaient être compensés par les profits d’autres secteurs) mais aussi un encouragement : le succès populaire d’un blockbuster pouvait être reconduit dans divers marchés annexes, sur lesquels étaient présents les studios. » Neale, op.cit. p.20
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thématiques, techniques, et génériques), il convient de s’interroger plus longuement
sur ces évolutions.
Ce changement de configuration peut sembler minime, mais l’importance prise
par le marché du jeu vidéo rend le « filet de sécurité » d’autant plus important : en
termes budgétaires, on peut assimiler la production d’une ligne de produits incluant
film et jeu vidéo à la production de deux blockbusters (les budgets étant relativement
équivalents, pour des produits de même ambition120) et donc à un dédoublement du
risque financier. Trois cas de figure sont alors possibles :
∗ les deux rencontrent le succès. L’entreprise gagne sur les deux
tableaux, c’est le cas de la franchise Seigneur des anneaux (Peter
Jackson, 2001, 2002, 2003 ; une dizaine de jeux sortis depuis 2001),
soutenu par les films, ou Alien vs. Predator, initié et soutenu par les
jeux ( trois jeux principalement, sortis en 1999, 2001, 2003);
∗ l’un ou l’autre échoue (particulièrement évident avec Die Hard, dont
les jeux sont de mauvaise qualité, et ne se sont pas bien vendus121)
alors les pertes de l’un sont rattrapés si l’on considère la « franchise »
dans son ensemble (le conglomérat reste gagnant) ;
∗ les deux échouent (Speed Racer, Andy & Larry Wachowski, 2008 ;
Warner Bros Interactive, 2008) en est un parfait exemple) alors les
pertes se cumulent. Cette stratégie fait donc sens en termes de prise
de risque (2/3 chances de gagner) mais les pertes s’en trouvent
augmentées en cas d’échec total : c’est toute une ligne de production
qui ne retournent pas l’investissement.
Il convient de relativiser ces cas de figures : les marchés auxiliaires ne se limitent pas
au seul jeu vidéo (Disney ou Universal exploitent leurs films dans ses parcs d’attraction
par exemple).
Le manque de recul historique, face à l’évolution du film d’action d’une part, et
de l’industrie du divertissement d’autre part, force à émettre l’hypothèse consistant à
120 L’ambition commerciale du jeu vidéo, de par son public plus réduit, est généralement plus limitée. La zone de chalandise explique qu’un jeu vidéo coûte environ le prix d’un « petit blockbuster ». 121 La meilleure vente reste Die Hard Trilogy, Fox Interactive, 1996.
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considérer le film d’action non comme un genre, mais comme un épiphénomène. Cet
épiphénomène s’expliquerait de la même façon que la genrification du film d’action,
pour reprendre le terme de Rick Altman : « Ici comme ailleurs le processus de
genrification dépend toujours d’un processus de réception »122. En conséquence, si le
public parle de genre concernant le film d’action, il convient de le considérer comme
tel. D’autant plus que les créateurs eux‐mêmes en parlent en termes de genre : le titre
de Last Action Hero (John McTiernan, 1993) est suffisamment explicite.
De plus, les critiques sont relativement volubiles concernant les blockbusters,
qui perdraient leurs caractéristiques génériques « nobles », au profit d’une
contamination par le film d’action de tous les genres. Le terme d’épiphénomène
semble particulièrement inadapté si l’objet n’est pas isolé et limité dans le temps.
Cette contamination, que l’on préférera appeler irrigation, s’explique en fait par la
réorganisation du système de production autour du blockbuster et des effets spéciaux.
Cette même cause semble donc avoir eu plusieurs effets. Enfin, le film d’action semble
remplir les conditions et les caractéristiques d’un genre, telles que définies dans la
première partie.
d) Matériel promotionnel et incipit de Die Hard : comment
l'horizon d'attente du film d'action est construite pour
chaque film ?
« Si, d’un point de vue théorique, l’historien peut d’adosser aux considérations, plus philosophiques qu’à proprement parler historiques, d’un Hans Robert Jauss autour de l’existence d’un « horizon d’attente » du lecteur [Jauss, 1970], extrapolable sous certaines conditions, à d’autres champs que la lecture, il n’est guère plus avancé, dans son enquête sur le terrain, par les lacunes de sa documentations. »123
Le choix ayant été fait d’extrapoler ces notions au champ du cinéma, le problème des
sources souligné par Ory persiste. La solution pour se faire une idée de l’horizon
122 Altman, « Emballage réutilisable: les produits génériques et le processus de recyclage », op.cit. 123 Ory, op.cit. p.87
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d’attente du spectateur consiste à croiser deux séries de sources : les incipits124 des
films et le matériel promotionnel
124 L’incipit du film, ici, s’arrêtera à la première scène d’action physique du film.
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Figure 14 : Disques et jaquette de l'édition américaine collector de Die Hard 4
Figure 15 : Disque et jaquette de l'édition américaine simple de Die Hard 4
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Les photogrammes, les affiches (très similaire aux jaquettes DVD, sauf pour Die
Hard 4, dont l’affiche n’inclue pas la collision entre l’hélicoptère et la voiture), les
photos disponibles pour la presse (visible dans le corps des articles), ainsi que les
menus et pré‐menus DVD participent tous à construire l’horizon d’attente du
spectateur, en salles ou à son domicile. Chacun de ces éléments confirment
l’importance capitale des caractéristiques primordiales assignées au film d’action plus
haut. L’omniprésence des stars, et en particulier de Bruce Willis, est évidente ; et son
attitude renvoie directement à ses dialogues incisifs, quand ils ne sont pas présents
dès le début du film.
De même, la présence d’armes et/ou d’explosions intervient autant dans les
affiches et les premières séquences de chaque film. Enfin, chaque trame narrative,
principale ou secondaire (comme les relations conjugales et familiales de John
McClane par exemple) est exposée également dans l’incipit des films. Celles‐ci sont
d’ailleurs systématiquement résolues à l’occasion de la résolution de la trame
principale, de la même façon que les éléments évoqués avec insistance seront utiles à
la résolution du film (la Rolex de Holly ou la gueule de bois de McClane, par exemple).
Du point de vue de l’ambiance elle‐même, la tension est palpable avant même
l’apparition de « l’ennemi » du film (à l’exception de Die Hard 2, qui fonctionne plus
sur un schéma idylle/rupture de l’idylle autour de l’apparition du villain), par exemple
avec le plan d’ouverture de Die Hard 1 sur la main de Bruce Willis crispée sur
l’accoudoir. De même, dans Die Hard 3, les plans d’ouverture de le Lower East Side à
New York, transposés presque directement des ouvertures de film d’un genre
particulier, les chroniques new‐yorkaises (dont Woody Allen est un représentant),
permettent de créer un effet de surprise, et de tension ensuite, avec l’explosion de la
bombe.
Les bandes‐annonces, permettent de repérer, outre les enjeux principaux
délimités lors de l’incipit, les scènes‐phares du film. Il est alors évident que la définition
la plus simple possible pour le film d’action est : film dont le moteur narratif, et le sujet
principal, est l’action physique. Bien qu’une telle hypothèse relèverait de la
surinterprétation, et demanderait une étude plus poussée de ce cinéma, on pourrait
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presque dire que le film d’action est un opposant au cinéma narratif, et doit plus au
cinéma expérimental, et à sa plastique, qu’au cinéma classique hollywoodien.
2) Les scènes d'action comme lieu de rencontre
des cadres
a) Condition de possibilités : contexte technologique
« D’ailleurs, peu importe le scénario, interchangeable et vite oublié. Seuls
comptent ici l’action et l’image »125. Bien que le scénario ne soit pas si inintéressant
que l’on puisse le croire (voir ci‐dessous), ce type d’argument, récurrent dans les
critiques de film d’action, a le mérite de pousser à une étude particulière de l’image.
Etant donné que l’esthétique du film d’action doit beaucoup aux avancées techniques,
il convient donc d’en préciser la teneur. Chronologiquement, la première révolution
technique qui s’avèrera essentiel au tournage de film d’action est l’invention de la
Steadicam par Garett Brown en 1972. Sa diffusion reste minime jusqu’en 1980, et
l’utilisation de l’appareil par Kubrick pour The Shining rendra sont utilisation
extrêmement courante. L’appareil permet de réaliser des travellings verticaux et
horizontaux fluides, quelque soit le type de terrain, par l’intermédiaire d’un
mécanisme monté sur l’opérateur lui‐même permettant de compenser des
mouvements saccadés.
Les Dents de la Mer (Jaws, Steven Spielberg, 1975), puis la première trilogie Star
Wars, ont pour leur part contribué à la une nouvelle ventilation des dépenses de films
en apportant la preuve du succès des effets spéciaux. Ces effets spéciaux, pour leur
majorité mécaniques, incluent la création de marionnettes articulées et l’utilisation de
maquettes et de modèles réduits. Ce type d’effets spéciaux est encore largement
utilisé aujourd’hui, malgré les progrès des effets spéciaux numériques. L’évolution de
l’informatique dans le domaine de l’imagerie est finalement la dernière étape décisive
de l’évolution des effets spéciaux, à ce jour. Elle peut se décomposer en deux
domaines spécifiques : les effets spéciaux de type compositing, qui incluent
125 Borde, Dominique. «Un symbole musclé.» Le Figaro, 4 Juillet 2007.
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l’incrustation des différents éléments générés par ordinateur (CGI, computer
generated images) ou réels d’une part ; et la postproduction informatique d’autre
part, dont le montage informatique et la correction d’images font partie. Ces étapes de
production ne sont pas en elles‐mêmes nouvelles, mais leur coût, leur difficulté de
réalisation et leur durée ont été largement réduite grâce aux possibilités
informatiques. Si une date rupture devait être donnée pour le début de l’utilisation
généralisée de ces techniques, on pourrait choisir la sortie de Qui veut la peau de
Roger Rabbit ? (Who framed Roger Rabbit ?, Robert Zemeckis, 1988) pour le
compositing, ou Toy Story (John Lasseter, 1995), premier film entièrement généré par
ordinateur.
Enfin, du point de vue du coût de production, l’utilisation de plus en plus large
de caméras numériques (dont les modèles professionnels sont apparus assez
tardivement), permet de réduire les postes relatifs à l’argentique, et avec l’arrivée de
l’exploitation en numérique, les coûts de copie de bobine vont eux aussi disparaitre. La
majorité des tournages se font à ce jour à la fois en numérique et en argentique. Le
premier blockbuster intégralement tourné en numérique est Miami Vice (Michael
Mann, 2006).
b) Cinéma et jeux vidéo : des évocations à double sens
Ces avancées technologiques ont amené deux modifications majeures de
l’esthétique des scènes d’action. En premier lieu, la mobilité de la caméra est
largement accrue. En conséquence, si Die Hard 1 et Die Hard 2 sont assez similaires de
ce point de vue (avec par exemple les travellings d’accompagnement sur Holly ou sur
le Major Grant dans des couloirs étroits, ou les caméras embarquées dans les
hélicoptères), Die Hard 3 se distingue par son recours persistant à des plans caméra à
l’épaule. Ne pas utiliser de steadicam est, en 1995, assez inhabituel pour être
remarqué : on peut attribuer cette décision à une volonté de renforcer l’impression de
réalisme, qui rejoint assez bien l’ambiance générale du film, et/ou y voir un moyen de
souligner la tension des scènes de poursuites. Enfin, Die Hard 4 est marqué par une
mobilité extrême de la caméra, par exemple lors des scènes de course‐poursuite, qui
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contraste fortement avec les très nombreux plans fixes, qui sont visiblement préférés
aux travellings (exception faite des travellings d’accompagnement).
En deuxième lieu, ces mouvements peuvent passer inaperçu dans Die Hard 4 en
raison de leur lissage presque parfait. La différence avec l’opus précédent est
flagrante. La fin de la séquence de course‐poursuite entre le camion conduit par
McClane et un avion de chasse, qui contient de nombreux travellings circulaires et des
ralentis, est exemplaire.
Figure 18 : Travellings de Die Hard 4
On peut voir dans ces deux évolutions la marque des cinématiques des jeux
vidéo. En effet, sans limite de mobilité, les points de vue adoptés pour « filmer » des
scènes générées intégralement par ordinateur sont généralement relativement
inventifs. Mais surtout, les mouvements de « caméra » générés par ordinateur sont
parfaitement lisses. On peut voir d’ailleurs en retour l’influence du cinéma dans
l’habitude récurrente de commencer et ponctuer ces cinématiques par des travellings,
y compris d’accompagnement (incluant même parfois des « retards » sur l’action pour
renforcer l’impression de vitesse).
De plus, l’adoption généralisée d’une esthétique cinématographique est
évidente dans les préparations au jeu. De façon générale, on peut immédiatement
remarquer l’apparition de deux barres noires, pour imiter la vision du 2.35 :1 sur une
télévision, lors des cinématiques ; ceci est d’ailleurs devenu une convention pour
signaler le passage à une phase pendant laquelle le joueur ne peut contrôler son
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personnage. De même, ce qui a frappé lors des démonstrations de jeux sur plate‐
forme dites « next‐gen » (next generation, il s’agit de la Playstation 3 et de la Xbox 360
en particulier), est l’intégration d’un effet de profondeur de champs aux jeux vidéo, qui
reste une convention cinématographique de représentation de la vision humaine
malgré la possibilité offerte par les caméras numériques d’augmenter
considérablement la profondeur de champ.
Figure 19 : La profondeur de champ dans Call of Duty 3 et 4126
Deux exemples peuvent être pris dans les jeux de tir à la première personne
(traduction littérale de FPS, first‐person shooter) situé pendant la Seconde Guerre
Mondiale. Avant le début effectif du round dans Day of Defeat : Source (Valve, 2005),
en l’attente de tous les joueurs, l’image est désaturée et salie, pour prendre l’aspect
des films d’actualités de l’époque. De même, la bande‐annonce de Medal of Honor :
Airborne (Electronic Arts, 2007) s’ouvre sur des panoramiques nombreux, pour
continuer sur des plans imitant la caméra à l’épaule, que ce soit à l’occasion de plans
subjectifs (phases de jeu, la course du personnage est retranscrite à l’image) ou de
plans non‐subjectifs (phases cinématiques).
126 (Activision, 2006, 2007)
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Figure 20 : Images de Medal of Honor : Airborne
Figure 21 : Préparation au round et phase de jeu dans Day of Defeat : Source
Le cadre technique renforce donc les transpositions, dans un sens comme dans l’autre,
entre jeu vidéo et film d’action. Celles‐ci sont particulièrement visibles, à présent, dans
les cinématiques de jeux vidéo d’une part, et dans les scènes d’action des films d’autre
part.
L’influence des jeux vidéo sur l’esthétique de Die Hard 4 peut néanmoins être
partiellement contestée. En effet, vu les nombreuses allusions au cinéma
chinois/hongkongais (autour du personnage de Maï en particulier, « little Asian chick…
likes to kick people »127, « That’s enough of this kung fu shit »128), il s’agit peut‐être
d’une transposition de seconde main, par l’intermédiaire du cinéma hongkongais.
Malgré tout, les allusions elles‐mêmes tendent à pencher vers une interprétation selon
deux faisceaux de causalité distincts : d’une part le jeu vidéo, transposé explicitement
avec le placement du produit Gears of War (Epic Games, 2007)129, qui inspire
notamment les mouvements de caméra ; et d’autre part le cinéma d’action chinois et
127 Description de Maï par McClane : « la p’tite asiatique qui cogne sur tout ce qui bouge ». 128 McClane, après s’être fait mis à terre par Maï: « J’en ai plein le cul de ton kung‐fu ». 129 Cf. fig. 17, cinquième ligne, troisième colonne.
Page | 130
hongkongais, personnifié et convoqué de façon humoristique, renvoyant plus
spécifiquement à l’influence de ce cinéma sur les productions hollywoodiennes. La
contestation ne peut donc être retenue dans le cas de Die Hard 4.
c) Les scènes d’action : concentré d’idiotie ?
Les scènes d’action constituent donc le point d’orgue des films d’action, au
même titre que les cinématiques servent de vitrine et de prélude aux jeux vidéo,
notamment dans leur rôle dans la promotion des films et jeux vidéo.
« As Flaherty put it, Westerns are popular « because people never get tired of seeing a horse gallop across the plains. » Its gallop seems still to gain momentum by contrast with the immense tranquility of the far‐away horizon. »130
Les propos de Siegfried Kracauer peuvent facilement être transposés au film d’action,
et même extrapolés : les scènes d’action gagnent en importance par le contraste
acquis d’avec les séquences narratives. En effet, la préparation des scènes d’action est
absolument nécessaire. L’accusation de gratuité de la violence est largement infondé,
vu le soin apporté à l’introduction des différentes trames narratives lors de l’incipit. Il
est très facile d’imaginer que l’absence d’enjeu dans une scène d’action irait contre le
principe d’économie précédemment mentionné, et irait alors contre le divertissement
du spectateur.
De ce point de vue les films d’action et les jeux vidéo présentent une similitude
supplémentaire : ils écopent tous deux de l’accusation d’être débilisant. Nombre
d’articles consacrés à ces deux objets relèvent de cette logique : « Dans l’actuel déluge
de films de genre que concoctent cinéma commercial, cinéma « européen » et
télévisions, le cinéma hors genre demeure plus que jamais, j’en suis persuadé, le seul
rempart possible contre la marée montante de l’imbécibilité. »131
130 « Comme l’a formulé Flaherty, les westerns sont populaires « parce que les gens ne se lassent jamais de voir un cheval galoper à travers les plaines. » Son galop semble même gagner en impulsion par contraste avec la tranquillité immense de l’horizon lointain. » Mast et Cohen, op.cit. 131 Serceau, op.cit. p.203
Page | 131
Yvonne Tasker132 explique ce type d’argument par le statut particulier du corps
et du physique, présenté pour lui‐même dans ces objets, dans la culture occidentale
contemporaine. Son étude porte essentiellement sur ce point particulier. Elle propose
également l’idée intéressante selon laquelle « [form and content] are bound up
together so that the « action » of action cinema refers to the enactment of spectacle
as narrative ». Il semble donc possible de réfuter les accusations mentionnées en
faisant une analyse comparée des structures narratives du film d’action, en particulier
Die Hard, et du jeu vidéo, en complément des tendances esthétiques repérées.
3) Structure narrative : film d'action et jeu
vidéo
L’un des buts de cette section est de dépasser la simple description, parfois
même anachronique (« anticipe » ci‐dessous), à laquelle s’arrêtent généralement les
analystes du cinéma :
« Le predator est à la fois doué d’une vision thermique qui déforme et décompose ce qu’il perçoit en taches lumineuses d’intensité variable, et d’une vision fantôme (« ghost vision »), contrechamp littéral de la première, un camouflage optique destiné à ses adversaires, sorte d’effet de miroir et jeu trompeur sur la transparence (on le découvre sans vraiment le voir), qui lui permet de se fondre avec un léger décalage dans la végétation. Par ailleurs, cette double construction du regard (vision fantôme et vision thermique) anticipe largement l’avènement du jeu vidéo, en exploitant déjà toute l’angoisse qui tient à la limitation du point de vue, conjuguée à l’oppression d’une menace qui a le don de s’évanouir dans l’environnement. C’est là tout le principe du FPS (« first person shooter ») que de simuler, sur un mode subjectif, le flux d’un regard aux aguets et sa progression fébrile dans un décor anxiogène. Outre qu’ils ont fait l’objet de maintes adaptations, les deux films de McTiernan ont inspiré aux concepteurs de jeux vidéo certaines idées de mise en scène, d’angles de caméra (notamment subjective) et de « gameplay ». »133
132 « [la forme et le fond] sont liés entre eux de telle façon que l’« action » du cinéma d’action fait allusion à la représentation du spectacle en tant que narration. » Tasker, op.cit. 133 Gimello‐Mesplomb et Cieutat, op.cit. p.96
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a) Alternance de séquences d'action et cinématiques
En prenant en compte la structure narrative des jeux vidéo d’action (FPS,
Shoot’em up), la succession des moments de jeu et des cinématiques semblent
respecter un schéma fixe dans la plupart des cas. Après une première cinématique
d’introduction, le joueur prend contrôle du personnage pour un premier niveau. A la
fin de ce niveau, la confrontation avec un boss (ennemi particulièrement résistant,
disposant d’attaques spécifiques, et nécessitant donc une stratégie particulière de la
part du joueur) est signalée par une courte cinématique, tout comme sa mort, qui
donne lieu également à une cinématique plus longue en guise de transition vers le
prochain niveau. Notons aussi que la mort du personnage incarné par le joueur, ainsi
que certains évènements nécessitant une explication quant aux objectifs à atteindre
donnent également lieu à de courtes cinématiques. Une évolution se fait sentir,
cependant, dans des jeux comme God of War (Sony Computer Entertainement, 2005,
2007), ou Heavenly Sword (Sony Computer Entertainement, 2007), qui donnent lieu à
une remise en cause de la séparation nette entre cinématique et phase de jeu :
certaines phases de jeu sont « filmées » comme des cinématiques, et le joueur doit
appuyer sur une séquence de boutons pour que l’action s’exécute (par exemple
grimper une falaise par bonds successifs ou porter le coup fatal à un ennemi).
Une structure relativement équivalente est à l’œuvre dans les films d’action,
mais l’importance relative des séquences d’action et des séquences que l’on appellera
narrative est peu ou prou équivalente (alors que les cinématiques sont beaucoup plus
courtes que les phases de jeu). Leur alternance est respectée dans les quatre opus de
Die Hard, à ceci près que les films en question comportent plusieurs trames narratives
susceptibles de progresser, contrairement aux jeux vidéo n’en comportent
généralement qu’une seule134. En moyenne, en plus d’une séquence « explicative » de
15 à 30 minutes dans le premier tiers du film, les séquences d’action sont insérées
toutes les 8 à 12 minutes de film, et durent généralement moins de 5 minutes. Une
autre façon d’analyser la trame narrative de Die Hard consiste à observer ce qui
occasionne des tournants dans l’enchaînement des péripéties. Par exemple, dans Die
134 Half Life (Sierra Entertainment,1998, 1999, 2001, 2004 ; Valve Software, 2006, 2007 ) est une exception notable à ce principe, mais il s’agit d’un jeu particulièrement évocateur du cinéma.
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Hard 4, quand Thomas Gabriel (Timothy Olyphant, le villain) a pris en otage tous les
personnages principaux, McClane doit le tuer en se tirant dans l’épaule.
Figure 22 : La mort de Thomas Gabriel dans Die Hard 4
Figure 23 : Farrell guidant McClane dans Die Hard 4
D’autre part, lorsque McClane ne sait plus quoi faire pour contrer le plan de
Thomas Gabriel, les connaissances et les explications de Matt Farrell (Justin Long, le
sidekick) relance l’action en la déplaçant vers la centrale électrique. De façon générale,
on observe que la trame narrative principale progresse grâce à deux types de
participation : celle du héros en action, qui effectue un exploit, d’une part ; et celle des
personnages secondaires, qui expliquent à McClane la prochaine étape, où qui utilisent
leurs connaissances spécifiques. Le héros n’est donc « utile » à la narration que dans
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ses capacités physiques, alors que les adjuvants au héros ne le sont que par leurs
connaissances spécifiques (selon le même principe d’économie) qui se révèleront utile
(par exemple les capacités intellectuelles de Zeus Carver, joué par Samuel L. Jackson,
dans Die Hard 3).
b) Mise en œuvre d'un point de vue de joueur
En vertu de ces similitudes, il est possible de supposer que les jeux vidéo
mettent en œuvre un point de vue de spectateur de films, et les films un point de vue
de joueur. Concernant le premier point, les phases cinématiques transforment de fait
le joueur en spectateur. De plus, les nombreuses évocations de films dans les jeux
vidéo, notamment esthétiques, comme on l’a vu, renforcent cette prise en compte du
point de vue de spectateur par les créateurs de jeux vidéo.
En revanche, la tension cinéma/jeu vidéo est particulièrement
problématique dans le deuxième cas de figure. En effet, on en arrive au paradoxe de
chercher à montrer quelque chose de visuellement novateur (la recherche de
nouveauté est toujours inscrite dans les films hollywoodiens, en particulier les
blockbusters), et un point de vue rappelant la première personne (la solution est
unique néanmoins : le plan subjectif) ou la troisième personne (point de vue adopté
dans de nombreux jeux : la caméra est derrière le joueur, en hauteur et orientée vers
le bas). Ceci est d’autant plus problématique que les jeux vidéo empruntent aux
techniques cinématographiques, d’où une recherche de point de vue novateur difficile.
Figure 24 : Vues à la troisième personne dans World of Warcraft135 et première personne dans Team Fortress 2136
135 Blizzard Entertainment, 2005 136 Valve Software, 2007
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Die Hard 4 semble expérimenter une solution en particulier : donner aux
moments « jeu vidéo » un aspect « cinématique ». Ceci est notamment perceptible
dans l’utilisation presque outrancière des effets spéciaux : les cascades sont très
ouvertement irréalistes. De ce fait, les effets spéciaux utilisés sont remarqués
immédiatement, non pas du point de vue technique (on ne voit aucun câble de soutien
par exemple) mais plutôt il est impossible d’ignorer leur recours. En d’autres termes,
l’irréalisme des situations augmente d’autant la factitivité des évocations du cadre
technologique requis pour qu’elles puissent être représentées. De ce fait, la violence
de ces situations ne peut pas être dénoncée en tant que telle : il est trop évident
qu’elles ne sont pas réelles.
Une autre caractéristique des jeux vidéo est de mettre le joueur dans la peau
d’un héros, ce que l’on peut rapprocher du processus d’identification au cinéma.
Affirmer que, dans un jeu vidéo ou « Dans un film d’action, le protagoniste est le
héros »137, relève du contre‐sens. Par exemple, dans la détermination des rôles des
personnages de Die Hard 1, il y a deux solutions :
∗ McClane est interrompu dans sa réconcialition avec sa femme par les
terroristes. Donc les terroristess sont les antagonistes. Mais cette
option est finalement peu viable : l’histoire de la réconcialiation ne
détermine qu’un enjeu du film, ce n’est pas un véritable moteur de
l’action ; et les terroristes sont en vérité le moyen de leur
réconciliation, ce à quoi ils n’accordent qu’un intérêt utilitaire à la fin
du film.
∗ Les terroristes sont interrompus dans leur vol. McClane est donc
l’antagoniste et les terroristes les protagonistes, le FBI (Federal Bureau
of Investigation) devient alors adjuvant lorsqu’ils ordonnent la
coupure d’électricité. Cette solution est beaucoup plus conforme au
récit, et est confirmé par les commentaires des réalisateurs
disponibles sur le DVD. De plus, elle explique également la nécessité
d’un opposant charismatique à McClane. Ainsi, « McClane est d’abord
un outsider : une présence intruse, un corps étranger au système de la
137 Gimello‐Mesplomb et Cieutat, op.cit. p.76
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tour Nakatomi comme un obstacle imprévu dans le scénario
terroriste. »138
Pour qui a déjà joué à un jeu de type FPS, la proximité de la deuxième
configuration de rôles est évidente : le joueur doit empêcher une invasion
extraterrestre, combattre des terroristes projetant un attentat etc. Soulignons la
particularité de certaines suites à des jeux ayant eu un large succès : une fois le héros
de la franchise familier pour le joueur, il est courant de prendre comme point de
départ la trahison d’un adjuvant et la traque du héros par ses anciens alliés. Le héros
doit alors prouver son innocence, et devient ainsi protagoniste de la narration.
Malgré tout, cette proximité est peut‐être le simple résultat de l’évolution
globale du schéma narratif canonique, duquel participe à la fois le jeu vidéo et le film,
ou toute autre forme de récit populaire. Mais ces deux supports étant les produits
phares des plus grosses industries productrices de récits aussi largement diffusées (la
littérature populaire n’est pas leur égal de ce point de vue), ils seraient probablement
la source principale d’un tel changement. En conséquence, on peut conclure à une
circulation des schémas narratifs entre les deux média.
c) Analyse des jeux vidéo Die Hard
Les jeux Die Hard, sont dans l’ensemble des produits d’assez mauvaise qualité,
et surtout extrêmement similaires. Il ne semble donc pas réellement dommageable de
limiter l’étude à une analyse globale du seul jeu de la franchise ayant eu un relatif
succès public : Die Hard Trilogy (Fox Interactive, 1996), sorti sur PC, Saturn et
PlayStation 1. La particularité du jeu tient à sa division en trois tableaux très
différenciés, du point de vue du genre et donc du gameplay. Die Hard 1 donne lieu à
un jeu de tir à la troisième personne, en trois dimensions (à l’exception des
personnages eux‐mêmes en deux dimensions). A Die Hard 2 est associé un FPS dit « sur
rails » c’est‐à‐dire que les mouvements du personnage ne sont pas contrôlés par le
joueur, il doit juste pointer le réticule et tirer sur les ennemis. Enfin, le jeu inspiré de
Die Hard 3 consiste à conduire un taxi dans New York City, à la recherche de bombes
138 Gimello‐Mesplomb et Cieutat, ibid. p.95
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qu’il faut désamorcer. Les critiques 139 mettent en valeur le lien avec la saga
cinématographique, en particulier avec les valeurs spectaculaire et l’absence de
« temps mort ». Le jeu reprend également le personnage principal, McClane, et ses
dialogues incisifs, qui semblent le caractériser intégralement. Du point de vue du
gameplay, la différence entre les tableaux est extrêmement marquée : la prise en main
du taxi est particulièrement rebutante140.
Figure 25 : Les trois tableaux de Die Hard Trilogy
L’obstacle principal à une étude plus poussée de ces jeux tient justement au
décalage induit par l’éloignement chronologique. Premièrement, les graphismes n’ont
plus rien en commun, du point de vue visuel et technologique, avec les jeux actuels
(qui sont intégralement en trois dimensions). L’appréciation des subtilités visuelles est
139http://reviews.cnet.com/legacy‐game‐platforms/die‐hard‐trilogy/4505‐9882_7‐30976564.html?tag=sub, http://reviews.cnet.com/legacy‐game‐platforms/die‐hard‐trilogy/4505‐9882_7‐30976564.html?tag=sub, http://www.testfreaks.com/pc‐games/die‐hard‐trilogy/, http://www.gamespot.com/ps/action/diehardtrilogy/review.html?om_act=convert&om_clk=gsupdates&tag=updates;title;1, http://uk.psx.ign.com/articles/150/150447p1.html 140 Critique vidéo du jeu : http://www.revver.com/video/829839/crystal‐reviews‐die‐hard‐trilogy‐playstation/
Page | 138
donc difficile, mais les critiques soulignent la violence du jeu, bien visible dans les
images ci‐dessus. Deuxièmement, l’intégration scénaristique des péripéties vécues par
le joueur à travers le jeu vidéo n’est venue qu’après la sortie de Die Hard Trilogy, le
support scénaristique des tableaux est donc intégralement reporté sur les films eux‐
mêmes.
Un autre obstacle à l’analyse de jeux vidéo est justement l’absence totale
d’histoire sérieuse de ces objets, d’où un cercle vicieux. Par exemple, sur wikipédia,
l’article141 sur le jeu d’action comprend une section « histoire » : elle contient trois
lignes de texte. Ceci rend d’autant plus incompréhensible le fait que, malgré une
méconnaissance générale du phénomène, le jeu vidéo servent de référent pour
dénigrer un film, ou même un genre tout entier : « Die Hard est le genre de film sans
arrière‐pensée qui fonctionne sur le modèle des jeux vidéo : les héros ne sont que des
silhouettes qui foncent sans broncher d’un défi à l’autre, suivant une courbe de
difficultés ascensionnelle. »142
141 http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_d%27action 142 Péron, Didier. «"Die Hard", un film qui fait boum.» Libération, 5‐6 Aout 1995.
Page | 139
B) L’Epsilon : les personnages comme
support d’évocation
1) Cadre politique et statut du conflit
a) Représentations du conflit : de la menace criminelle
faussement terroriste à la terreur « homebred »
L’importance capitale du héros, McClane, dans la promotion et le déroulement
des films, est établie maintenant. Mais on peut l’analyser plus avant en remarquant
qu’il s’agit en vérité d’une iconisation. Elle s’incarne triplement, et est de plus en plus
mise en avant au cours de la saga. D’abord, il s’agit d’une iconisation du héros par ses
accessoires. Par exemple, le « marcel blanc » qui se salit à mesure que le héros doit
ramper dans des conduits d’aération et glisser sur des toits d’immeubles (absent
néanmoins du 4e opus), est devenu un lieu commun des commentaires sur Die Hard.
De plus, les « witty one‐liners », les dialogues incisifs, qui s’apparentent à un comic
relief143, sont devenus la marque de reconnaissance du héros (comme « Yippee‐ki‐yay,
motherfucker »144, par exemple). C’est ce qui explique la remarque du personnage de
Timothy Olyphant dans Die Hard 4 : « Come on John, make a joke, say something
funny. »145.
Enfin, l’acteur lui‐même sert à iconiser le héros. En effet, Bruce Willis incarne
John McClane dans les quatre opus, et la Fox avait posé comme condition sine qua non
à la production d’un quatrième opus le fait que John McClane soit toujours incarné par
le même acteur. Un effet de grande constance se dégage de cette iconisation : John
McClane ne change pas réellement d’un opus à l’autre, contrairement à son
environnement, en particulier familial (séparation dans Die Hard 1, retrouvailles dans
143 On pourrait traduire cette expression par intervalle ou intermède comique. Il s’agit d’un moyen d’utiliser la tension accumulée au sein d’une scène non‐comique, par exemple lors d’une fusillade, pour obtenir un effet comique avec une ligne de dialogue. 144 « Yippee‐ki‐yay, pauvre con » 145 « Et ben alors, John, faites un bon mot, dites quelque chose de spirituel. »
Page | 140
Die Hard 2, séparation à nouveau dans Die Hard 3, et enfin divorce dans Die Hard 4).
Une autre constante, moins évidente, de John McClane, est qu’il endosse par moment
un point de vue de spectateur sur ses propres actions : ces actions (par exemple, faire
en sorte qu’un ennemi tombe dans un broyeur) sont suivis d’une réaction de John
McClane similaire à ce que pourrait exprimer un spectateur (un dégoût légèrement
amusé de l’inventivité des scénaristes pour organiser une mort).
Figure 26 : La mort du "hamster" dans Die Hard 4
Le contraste est particulièrement marqué avec l’évolution des villains, qui
changent évidemment d’opus en opus (ils meurent systématiquement à la fin de
chaque film). Notons qu’il convient de différencier les têtes pensantes des troupes
d’ennemis. Ainsi, la nationalité des ennemis changent systématiquement selon les
opus :
Film Villain Hommes de main
Nom Acteur Origine géographique Origine
géographique
Die
Hard
1
Hans Grüber Alan Rickman Allemagne de l’Est Etats‐Unis, Europe
(pays indéterminé)
Die
Hard
2
Commanditaire :
Général Esperanza
Franco Nero Valverde (pays
imaginaire d’Amérique
du Sud)
Etats‐Unis
Exécutant : Colonel
Stuart et Major Grant
William
Sadler et
John Amos
Etats‐Unis
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Die
Hard
3
Simon Grüber Jeremy Irons Allemagne de l’Est Europe de l’Est,
Hongrie
Die
Hard
4
Thomas Gabriel Timothy
Olyphant
Etats‐Unis Etats‐Unis, Italie,
France
Affirmer que les ennemis sont « évidemment européens » 146 est donc
largement faux, mais ils sont majoritairement occidentaux. Bien au contraire, l’une des
constantes des ennemis de John McClane est d’être systématiquement d’origine
américaine (ou parfaitement bilingue, accent compris, dans Die Hard 3147). Une autre
caractéristique pérenne dans la saga, est la technique utilisée par les ennemis pour
arriver à leurs fins : ils font systématiquement croire à une attaque terroriste pour
ouvrir une fenêtre d’opportunité pour un casse de grande envergure. Une exception
notable : Die Hard 2, dans lequel les ennemis sont de banals mercenaires, mais dont
l’appât du gain est souligné à la fin du film, avant leur mort. Néanmoins, ils tentent
également d’ouvrir cette fenêtre d’opportunité pour libérer leur commanditaire, sans
avoir besoin de simuler une attaque terroriste (bien que les média concluent à une
attaque terroriste). De ce point de vue, Die Hard 2 a peu en commun avec les trois
autres opus, ce qui lui a été reproché âprement par les fans.
La saga présente donc une vision très particulière, soit du terrorisme148, soit
des cambrioleurs de haut vol. Le terrorisme est utilisé par les voleurs, comme façade.
Ce qui est alors présenté sous un jour largement négatif est l’automatisme de
l’assimilation d’une attaque à un acte terroriste. Ceci est particulièrement évident dans
Die Hard 1, lors du face‐à‐face entre Hans Grüber et Joseph Takagi (James Shigata) au
cours duquel ce dernier s’étonne du plan de Hans, qui consiste à ouvrir le coffre‐fort :
146 Murat, Pierre. «Piège de cristal. Boum!» Télérama, n°2020, 28 septembre 1988. 147 Le choix des acteurs est ici significatif : Alan Rickman et Jeremy Irons sont anglais, leur accent connote donc une éducation « classique », d’autant que le premier cite Plutarque dans Die Hard 1. 148 Le terme s’entend ici comme ensemble d’actions violentes visant à l’instauration d’un climat d’insécurité.
Page | 142
Figure 27 : La rencontre Joe Takagi/Hans Grüber et la réaction similaire de Holly dans Die Hard 1
La même erreur d’analyse est présente dans Die Hard 3 (avec un terrorisme plus
« tiers‐mondiste ») et Die Hard 4 (cette fois connoté comme un terrorisme préventif).
Le cambrioleur, c'est‐à‐dire la tête pensante du casse, bénéficie donc
systématiquement d’une intelligence développée (les plans mis en œuvre sont
relativement complexes). Les hommes de main, en revanche, sont systématiquement
incompétents, en particulier lorsqu’il s’agit de capturer McClane. Ce décalage
important de compétence est relevé tout au long de Die Hard 4, ce qui le rend évident
en retour dans les autres opus :
Page | 143
Figure 28 : Thomas Gabriel dépité de l'incompétence des ses hommes dans Die Hard 4
En plus du simple conflit interne au film, entre McClane et ses ennemis, la saga
distille nombre d’évocations des guerres et interventions américaines. La guerre du
Vietnam est particulièrement présente dans Die Hard 1, en particulier dans la scène
d’hélicoptère, au cours de laquelle l’un des agents du FBI s’extasie de l’opération, la
comparant à Saïgon, tout en perdant toute notion de temps dans son hystérie. Dans
Die Hard 4, l’écoute de « Fortunate Son » de Creedance Clearwater Revival, est
particulièrement évocatrice du Vietnam également, puisque la chanson réalise la
transition avec un plan sur un hélicoptère, exactement comme dans une des
séquences de Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994) consacrée à cette guerre.
Page | 144
Figure 29 : La guerre du Vietnam dans Die Hard 1
Une connotation globalement négative émerge des évocations de cette guerre, et de
la guerre en Irak dans Die Hard 4 également : le montage des discours présidentiels,
qui comporte des phrases entières tirés des discours de George W. Bush justifiant
l’intervention, et à propos duquel le monteur (dans le film) dit : « I tried to find more
Nixon ».
Page | 145
Figure 30 : George W. Bush dans Die Hard 4
Notons que Nixon a été jugé responsable de l’échec de l’armée américaine au
Vietnam. Ces deux guerres présentent deux points communs soulignés dans les films :
leur médiatisation, et leur impopularité progressive. L’évocation de la Seconde Guerre
Mondiale dans Die Hard 1, par exemple, lorsque Takagi justifie l’invasion industrielle
japonaise aux Etats‐Unis par l’échec de Pearl Harbor (il s’agit d’une plaisanterie bien
sûr), et dans Die Hard 2 par Marvin (Pearl Harbor et Iwo Jima), semble, sinon positive,
du moins neutre.
L’évocation des interventions américaines, en particulier en Amérique du Sud,
est relativement neutre également. Malgré tout, la fictionalisation de Noriega
(Esperanza) et le fait que les équipes du Major Grant et du Colonel Stuart aient
participé à des interventions en Amérique Centrale ou du Sud (par exemple, Nicaragua
Page | 146
sous la présidence de Carter avec l’affaire des Contras, Panama avec l’affaire Noriega
sous Reagan) laisse à penser que ces interventions ne sont pas réellement populaires :
.
Figure 31 : L'invasion de la Grenade mentionné dans Die Hard 2
S’agissant de la « war on terror » et d’un terrorisme médiatisé (systématique
dans Die Hard), on peut difficilement éviter de ne pas parler des effets de l’attaque du
11 Septembre 2001. Il convient d’éviter une illusion rétrospective : Die Hard 3 n’est pas
annonciateur de l’attaque, même si certains plans de gens paniqués entourés de
fumée résonnent maintenant avec les images du 11 Septembre. En revanche, dans Die
Hard 4, la trace de l’attaque et de ses conséquences est relativement visible : le
déclenchement d’une alerte à l’anthrax, les camions Hazmat (en réponse à une
attaque supposée bioterroriste) présents tout au long du film, etc.
De même, la médiatisation de l’attaque terroriste, si l’on compare Die Hard 4
aux autres opus, est beaucoup plus anxiogène (les terroristes présentant même une
fausse explosion du Capitol, citant ainsi un plan d’Independance Day149), avant même
toute vérification des faits. Dans Die Hard 2, le reportage de Richard Thornburg
(William Atherton) est relativement fondé, mais provoque la panique dans l’aéroport.
Dans Die Hard 3, en revanche, la seule médiatisation anxiogène a pour origine Simon
Grüber lui‐même qui informe une radio de la présence d’une bombe dans une école :
149 (Roland Emmerich, 1996), le titre du film est évoqué également par le fait que Die Hard 4 se déroule ce même jour, et soit sorti également le 4 Juillet.
Page | 147
Figure 32 : Médiatisation de l'attaque par la presse et les villains dans Die Hard 4
Concluons donc sur cette constance de représentation au cours de la saga : le
terrorisme et sa médiatisation sont en partie originaire des Etats‐Unis, sinon en tant
que menace directement issue du « système », au moins éduquée et formée par lui. Il
convient donc d’interroger d’abord l’image donnée des experts de formation
américaine.
b) Les « experts » dans Die Hard
L’éventail des domaines d’expertise des personnages est relativement étendu,
mais on peut les regrouper en plusieurs catégories distinctes. Tout d’abord, les films
présentent relativement peu d’experts du savoir théorique académique : Harry Ellis
(Hart Brochner) et un psychiatre expliquant le syndrome de Stockholm (appelé
syndrome d’Helsinki) dans Die Hard 1 ; les hommes d’affaire (dans le taxi ou dans la
station de métro), le directeur de la banque Felix Little (John C. Vennema), et un autre
psychiatre, dressant le profil psychologique de Simon Grüber dans Die Hard 3. Ils sont
systématiquement présentés sous un jour peu favorable, leur utilité dans la
Page | 148
compréhension de la situation étant nulle ou presque. On peut y associer les experts
des diverses agences gouvernementales qui respectent un protocole théorique : les
agents Johnson du FBI dans Die Hard 1 et Die Hard 4, les agents du Department of
Homeland Security (DHS) et de la National Security Agency (NSA) dans le dernier opus,
ou encore les agents Cross (FBI) et Jarvis (« from another agency ») dans Die Hard 3.
Tous ces agents font preuve d’incompétence et d’étroitesse d’esprit dans les films.
A l’inverse, les autodidactes, les tenants d’un savoir pratique et les passionnés
sont connotés très positivement : Al Powell (Reginald VelJohnson) et Argyle
(De’voreaux White) dans Die Hard 1 ; Leslie Barnes (Art Evans), Samantha Coleman
(Sheila McCarthy) et Marvin (Tom Bower) dans Die Hard 2 ; Zeus Carver (Samuel L.
Jackson) et Charlie Weiss (Kevin Chamberlain) dans Die Hard 3 ; les hackers Matt Farrel
(Justin Long) et Warlock (Kevin Smith) dans Die Hard 4. Ces personnages aident tous Le
héros au cours du film, principalement par leurs connaissances. Enfin, remarquons que
McClane possède lui‐même un domaine d’expertise significatif dans Die Hard 1,
appartenant strictement à la culture populaire : il connait parfaitement les acteurs des
westerns classiques, contrairement à Hans Grüber. A ce savoir pratique positif est
opposée l’expertise militaire du combat des ennemis de McClane (mercenaires et
commandos), en particulier les hommes de main, qui est évidemment connotée
négativement, sachant l’incompétence dont ils font preuve.
Ce qui importe finalement ici est bien une opposition entre l’évocation des
élites, intellectuelles ou militaires, et celle du self‐made man, de la débrouillardise et
de l’autonomie (proche de l’idée de self‐reliance150, qui s’applique à un ensemble de
personnages positifs dans la saga). En conséquence, si l’on s’intéresse à ces évocations
dans le cadre des conflits mis en scène dans les films, les experts du combat
international sont les ennemis. Plus précisément, Die Hard est le support d’évocation
d’un combat légitime caractérisé par la non‐ingérence (la menace vient à John
McClane et non l’inverse), son amateurisme (les professionnels sont source d’erreur,
voire de risque), et son absence de médiatisation a priori. En raison de l’erreur
d’analyse consistant à préjuger du caractère terroriste de l’attaque, l’intervention des
services publics est, à chaque fois, contre‐productive :
150 Que l’on pourrait traduire par auto‐suffisance, ne compter que sur soi‐même.
Page | 149
∗ dans Die Hard 1 le courant coupé par le FBI fait partie du plan de Hans
∗ dans Die Hard 2, les actions de Major Grant sont fictives : il y a
collusion entre les attaquants et les défenseurs.
∗ dans Die Hard 3 la recherche de la bombe vide le quartier de Wall
Street des forces de police
∗ dans Die Hard 4 l’automatisme du transfert vers les serveurs est le
premier objectif de Thomas Gabriel, et passe inaperçu en raison des
conflits internes aux agences gouvernementales
c) Un cinéma reaganien ?
Classer Die Hard sous l’étiquette du cinéma reaganien est d’abord
problématique pour des raisons chronologiques : Reagan a rempli deux mandats, de
1981 à 1989, et seul Die Hard 1 pourrait être strictement reaganien. Incluons
également Die Hard 2 dont la sortie est très proche de la fin du deuxième mandat de
Reagan (moins de six mois). Laurent Guido résume très bien ce que recouvre cette
catégorie :
« L’idée d’un « retour à l’ordre » au sein du cinéma américain contemporain a notamment été développée par John Belton ou Robin Wood, qui ont mis en évidence les tendances conservatrices des films hollywoodiens des années 80. Percevant toujours les représentations sociopolitiques sous l’angle des rapports sociaux de genre, Wood évoque même à cet égard un cinéma « reaganien », reconnaissable par ses images stéréotypées réaffirmant le rôle central de figures viriles et paternelles. »151
Cette description convient tout à fait à la démarche présente dans le livre dédié au
cinéma reaganien, de Gimello‐Mesplomb et Cieutat152. Dans ce cadre théorique, il est
nécessaire de présupposer qu’il existe un discours politique et idéologique dans les
films, qui attend d’être découvert, dans la lignée de la démarche de Marc Ferro.
Yvonne Tasker analyse plus avant les limites d’une telle démarche, et les objections
151 Guido, op.cit. p.17‐18 152 Gimello‐Mesplomb et Cieutat, op.cit.
Page | 150
qu’on peut lui opposer, dans Spectacular bodies153.On abandonnera donc cette
étiquette ici, puisque l’objectif ici n’est pas de révéler un tel discours.
En revanche, les évocations soulignées ci‐dessus forcent à devoir observer que
les films renforcent une connotation positive de nombreuses valeurs traditionnelles
américaines (self‐reliance, importance des études, méfiance vis‐à‐vis des élites
historiques et du pouvoir central fédéral…) ce qui est confirmé par le développement
du personnage principal au cours de la saga (par exemple, sa fille va à l’université mais
possède des reflexes de combat et de méfiance envers un agent du FBI hérités de son
père). Néanmoins, on peut se demander si ces caractéristiques sont un discours
véritable. On peut aussi penser que ces évocations sont à comprendre dans le cadre
des références aux héros du western. Du même coup le discours se déplace vers une
évocation de l’histoire du cinéma américain et aux origines du film d’action (confirmés
par le discours des créateurs sur le fait que McClane est une version moderne du cow‐
boy, disponibles en commentaires sur les DVD). Il est donc indispensable de souligner
le fait que les évocations ne sont pas univoques : elles sont tout à la fois à replacer
dans le cadre politique, dans celui des valeurs américaines, ou encore dans l’histoire
d’un genre et d’une industrie cinématographique.
2) Les statuts de la presse
a) La presse à Hollywood
La médiatisation du conflit est donc bien un élément primordial de la saga Die
Hard, qui doit alors être étudié individuellement. Les figures de la presse, en
particulier, sont récurrentes : Richard Thornburg dans les deux premiers opus,
Samantha Coleman dans Die Hard 2, les journalistes sont évoqués et ponctuellement
présents dans Die Hard 3, ainsi qu’une présence anonyme mais bien réelle dans Die
Hard 4 (télévision et radio). Alors que Thornburg et Coleman sont caractérisés par leur
ambition, la tendance de la Presse au racolage médiatique, et au recours à des
méthodes douteuses (comme l’intimidation d’une immigrante sans papiers par
153 Tasker, op.cit.
Page | 151
exemple dans Die Hard 1) est visible immédiatement dans la saga. Même l’héroïsme
ponctuel de Samantha Coleman, dans Die Hard 2, est limité par le pilote d’hélicoptère
et teinté par l’intérêt de l’équipe à avoir l’exclusivité des images de McClane sautant
sur l’aile de l’avion. Globalement, la Presse sert de relais aux informations, vraies ou
fausses, et est même dénigrée en tant qu’instrument du pouvoir par Matt Farrell (bien
que son discours soit formulé de façon à en douter, ce que ne manque pas de faire
McClane).
Avec la concentration des networks et des sociétés de production, les liens
industriels entre le cinéma et la presse, en particulier télévisée (c’est là sa forme
principale aux Etats‐Unis), se sont renforcés. On peut donc se demander si cette
critique globale de la Presse est réelle, et possible dans le cadre industriel. Les
Simpsons (Matt Groening, 1989) fournissent un exemple évident de l’absence de
contrainte de contenus relatifs à l’évocation de la télévision, de la Presse et du
journalisme d’investigation : le personnage de Kent Brockman, son émission Eye on
Springfield sont les supports d’une représentation cynique de ces éléments. Il semble
donc impossible de soutenir que les entreprises brident la créativité des créateurs de
ce point de vue. De plus, la représentation du journaliste‐type ou de l’émission
d’investigation est très similaire dans les Simpsons et la saga Die Hard. Si l’on prend en
compte l’analyse de la presse dont rend compte Michael Moore dans Bowling for
Columbine, ou encore sa représentation dans Le diable s’habille en Prada (The Devil
wears Prada, David Frankel, 2006), on peut donc estimer que l’image des média dans
Die Hard correspond grossièrement à ce qu’Hollywood peut en dire.
b) Le journalisme télévisé aux EtatsUnis
Il est difficile de savoir quelle réalité recouvre la représentation des journalistes
américains, mais l’analyse de journaux télévisés américains permet de mettre à jour
plusieurs tendances de la médiatisation des nouvelles aux Etats‐Unis. Premièrement, la
présentation des sujets et la composition des programmes se fondent largement sur
l’importance de la valeur divertissante. Fox News, par exemple, consacre une section
aux images sensationnelles (généralement relativement violentes), appelé Fox News
Blast. Deuxièmement, l’énonciation des informations et les commentaires
Page | 152
accompagnant les images relèvent d’une dramatisation, d’une scénarisation, d’où un
alarmisme récurrent. Ainsi, l’émission du 5 septembre 2008 de CNN Newsroom
consacre 50% de son émission à l’arrivée de l’ouragan Hanna et aux dégâts
occasionnés, particulièrement soulignés, et 40% à la campagne présidentielle
américaine. En conséquence, les journaux télévisés américains semblent
particulièrement anxiogène, en particulier si l’on y compare un journal télévisé français
ou anglais par exemple. Pour ne citer qu’un exemple, le premier titre des informations
locales de Washington D.C. sur MSNBC en date du 5 septembre 2008 est : « Man With
Gun, Grenade Detained Near Capitol »154
La doctrine « If it bleeds, it leads »155renvoie directement à ces caractéristiques
du journalisme télévisé américain.
« Imitating the rhythm of sports reports, exciting live coverage of major political crises and foreign wars was now available for viewers in the safety of their own homes. By the late‐1980s, this combination of information and entertainment in news programmes was known as infotainment »156
L’analyse universitaire s’accorde largement sur cette évolution vers l’infotainment,
longuement évoquée lors du colloque Violence et Télévision, tenu à Paris en Juin 1994.
L’évocation de la presse télévisée dans les Die Hard n’est donc finalement absolument
pas discriminante, mais correspond à un consensus assez largement partagé.
c) Réévaluer la fonction des journalistes dans Die Hard
La critique des média étant consensuelle, il semble logique de redéfinir cet
élément de Die Hard : plus qu’un discours sur les média, il s’agit bien d’une incarnation
des média dans divers personnages. Formulé ainsi, le rôle des personnages de
journalistes est plus parlant : ils ne sont pas de simples stéréotypes, mais sont
symboliques des plusieurs fonctions de la Presse dans la démocratie américaine.
154 « Un homme avec une arme et un grenade arrêté près du capitole » 155 « Le sang vend » 156 « Imitant le rythme des journaux de sports, une couverture passionnante en direct des crises politiques majeurs et des guerres étrangères était maintenant disponible pour le téléspectateur en toute sécurité à domicile. A la fin des 1980, la combinaison de l’information et du divertissement dans les journaux télévisés était connu sous le nom d’infotainment. » Barbrook, Richard. Media Freedom. London: Pluto Press, 1995.
Page | 153
Trois de ces fonctions correspondent à des étapes de l’évolution de la Presse :
les journalistes de Die Hard passent ainsi du journalisme d’investigation, quand
Thornberg enquête sur McClane dans Die Hard 1, au .muckraking157 (la mise au jour
des dissimulations des élites) quand Thornberg révèle la véritable raison des retards
des avions dans Die Hard 2 par exemple. Ces fonctions sont toutefois remises en cause
par l’importance de l’infotainment (la réaction de Thornberg après s’être pris un coup
de poing de Holly à la fin de Die Hard 1, adressée à son caméraman, est éloquente :
« Did you get that ? »158, et c’est la fonction principale attribuée à la presse télévisée
dans Die Hard4), qui prend sa source dans une fonction supplémentaire du
journalisme : la réalisation de l’ambition personnelle. Conjuguée au fait que les
journalistes soient des représentants d’un pouvoir (la Presse est communément
désigné par le terme Fourth Power, quatrième pouvoir, après l’exécutif, le législatif et
le judiciaire), comme le signalent les menaces proférées par les deux journalistes
lorsqu’ils sont écartés ; la réaction de méfiance à leur égard, partagé par de nombreux
personnages de la saga, s’explique alors facilement (McClane et le Colonel Stuart ont
une ligne de dialogue identique, en réponse à Samantha Coleman : « Fuck you »159).
157 Littéralement : ratisser la boue. 158 « Tu as bien filmé ça ? » 159 « Allez vous faire foutre »
Page | 154
C) Les Fondations : cadre sériel et
générique
1) Transpositions entre objets culturels
a) Les évocations d’autres opus dans la saga Die Hard
L’inclusion d’un opus dans une saga implique plus qu’un simple thème
développé dans chacun des opus. En particulier si, selon les pays, les titres des opus ne
l’incluent pas dans la saga (comme en France par exemple), les films doivent être
rattachés à leur saga par les créateurs. On a pu observer que les bandes‐annonces
étaient un premier vecteur, puisqu’elles mettent l’accent sur la permanence du héros,
John McClane. Deux autres techniques sont adoptées dans la saga Die Hard : la reprise
d’un contexte particulier, et les citations directes d’autres opus.
Pour donner un exemple de cette première technique, le contexte des fêtes de
fin d’année est particulièrement pertinent, puisqu’il ne soutient aucune charge
représentative : la saga ne donne pas une image particulière de Noël, mais la fête est
utilisée comme fil conducteur et thématique à de nombreuses occasions. Dans Die
Hard 1, l’ours en peluche, les commentaires de McClane sur la musique d’Argyle, et la
raison invoquée par McClane pour sa venue (passer Noël avec ses enfants) donnent
une importance relative à Noël, continuée par la plaisanterie de McClane écrite sur le
corps d’un ennemi par exemple. La musique également, avec le rap de Noël d’Argyle et
« Let it snow » à la fin du film, et les nombreux signes distinctifs de la fête (sapins, père
Noël, paquets cadeaux) participent de cette thématique.
Page | 157
Dans les deux opus suivants, les évocations de la fête sont essaimées, dans la
musique (clochettes et triangles par exemple, « Let it snow à la fin de Die Hard 2) et
particulièrement répétées dans les dialogues sous forme de witty one‐liners, de la part
de McClane ou d’autres personnages :
Page | 160
Die Hard 4 en revanche ne fait aucune référence à Noël, y compris dans la
musique, mais utilise abondamment la seconde technique d’inclusion du film dans la
saga, qui consiste à transposer des éléments provenant des précédents opus. Cela
consiste en un retour des personnages secondaires (famille de McClane, Al Powell,
Richard Thornburg, Agent Johnson), des one‐liners de McClane, de l’idée de pénalité
infligée par le villain (Die Hard 2 et Die Hard 3), du mal de l’air de McClane (sauf dans
Die Hard 3), de la salissure progressive des vêtements de McClane… Tous ces éléments
ont été déjà relevés, mais on peut leur ajouter une fonction structurante au sein de la
saga. D’autant que la façon dont ils sont intégrés dans le flot d’image augmente
visiblement leur factitivité. Par exemple, la phrase‐signature de McClane, utilisée dans
le premier opus au cours du film, puis par Hans Grüber à la fin du film, est repris dans
les opus suivants dans des plans relativement similaires (plans serrés sur McClane),
très isolée de dialogues ayant une valeur informative (et non seulement émotive), et
surtout marquant la mort du villain :
Figure 36 : Yippee‐Ki‐yay dans les quatre opus de Die Hard
Page | 161
b) Les transfuges de la télévision
Un autre cadre fréquemment évoqué dans et à propos de Die Hard est celui de
la télévision. En effet, en plus des journalistes cités précédemment, on remarque que
la télévision est évoquée comme support d’information, par exemple dans Die Hard 2
Coleman reconnait le Colonel Stuart et McClane parce qu’ils sont passés à la télévision,
et de mise en pratique d’un talent particulier, comme la capacité de Hans Grüber
d’imiter l’accent américain à la perfection dans Die Hard 1. Ces évocations de la
télévision renvoient évidemment à la proximité et à la circulation des créateurs au sein
de l’industrie du divertissement. Les propos de Joseph Armando‐Soba sont applicables
à toutes les professions de cette industrie :
« La généralisation du câble et de l’édition vidéo a changé l’origine des revenus des acteurs. Si, jusque dans les années cinquante, ils tiraient leurs ressources essentiellement des longs métrages destinées au grand écran, en 1985 la part découlant de cette activité ne représente que 12%. »160
Par exemple, Len Wiseman est un réalisateur récompensé de clips. A ce propos,
écartons dès à présent la connotation négative associée à la réalisation et surtout au
montage des clips. Bien que les influences réciproques entre le cinéma et les clips
vidéo soient sûrement importantes, le soin apporté à la réalisation des clips empêche
de les écarter d’office au nom de la protection d’une forme plus noble, que serait le
film de cinéma. Pour ne prendre qu’un exemple, les réalisateurs sont extrêmement
peu friands de plan en caméra à l’épaule, généralement. Les clips réalisés par Len
Wiseman, comme « Across The Universe », de Rufus Wainwright, reflètent cette
attention à la fluidité des travellings, et la préférence pour des plans fixes ou des
panoramiques. Or, Die Hard 4, comparé aux autres opus, s’illustre par le nombre
important de plans tournés en caméra porté.
Bruce Willis est également un transfuge de la télévision, et l’influence du média
est visible sur son jeu. « S’agissant de l’analyse des stars, Richard Dyer a proposé la
distinction entre l’image intra et extrafilmique (Dyer, 1979 ; pour une approche plus
développée, cf. Lowry, 1994). L’image intrafilmique est l’image du rôle, l’image de la
160 Gimello‐Mesplomb et Cieutat, op.cit. p.59
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figure que le comédien communique à travers son interprétation du rôle »161. Les
phrases assassines de John McClane, dont un nombre conséquent sont improvisées,
sont un héritage direct de son rôle dans Clair de Lune (Moonlighting, Glenn Gordon
Caron, 1985‐1989), série dans laquelle son personnage est décrit comme un wiseass162
(petit malin). Cette transposition par les créateurs de ce qui deviendra du coup l’image
extra‐filmique de Bruce Willis a un effet très important sur le film d’action.
L’incorporation des one‐liners dans les films d’action est analysée par Tasker, et même
relevée par le personnage de Bruce Willis dans Le Dernier des Samaritains.
c) Les transpositions de Die Hard : une autre forme de
réception
Ce clin d’œil à l’un de ses propres films par Bruce Willis participe d’une forme
particulière de réception. En effet, le public de fan se focalisant de plus en plus sur les
allusions, les créateurs jouent le jeu de la connivence. Ceci est particulièrement visible
dans Die Hard 4, qui est après tout un opus réalisé par un fan de la saga : Len Wiseman
avait déjà réalisé un Die Hard avec des amis dans son jardin. Cette connivence est
largement renforcée par Internet. On peut prendre comme exemple les nombreuses
entrées des pages movie connections de l’Internet Movie DataBase (IMDB), dont le
contenu est largement enrichi par les contributions d’internautes. De même, sur le
forum auquel à participé Bruce Willis (ce qui en dit long de l’intérêt porté aux fans par
les créateurs), de nombreux messages avaient pour objet l’évolution de la saga, sa
« mythologie » et les liens entre Die Hard 4 et les précédents opus, en particulier le
changement de rating précédemment évoqué.
Les créateurs d’objets audiovisuels sont également avant tout des spectateurs
de films, et agissent donc de la même façon. Les très nombreuses évocations de la
saga dans d’autres objets, sont donc à comprendre avant tout comme une remise en
circuit d’une réception sur un mode particulier. Youtube, par exemple, fournit un
nombre important de ces objets, qui intègrent souvent Die Hard sur un mode
161 Esquenazi, Jean‐Pierre. Politique des auteurs et théorie du cinéma. Paris: L'Harmattan, 2002. p.48 162 Au dos du coffret DVD de la série, il est décrit comme un « wisecracking hustler », arnaqueur insolent.
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parodique. On peut ainsi y trouver le clip d’une chanson intégralement fondé sur le
scénario des films et le personnage de McClane, qui est un montage des films eux‐
mêmes (un couplet supplémentaire a été ajouté lors de la sortie de Die Hard 4); une
séquence de Die Hard 1 dont les dialogues ont été remplacés pour tourner en dérision
certains plans particuliers ; des versions sweded (tournés à l’identique mais avec un
budget nul) ; des hommages à John McClane ; des suites imaginaires ; ou encore des
reproductions de bandes‐annonces filmées dans un jeu vidéo (Grand Theft Auto163 en
l’occurrence)
De la même façon, on retrouve une référence à John McClane dans plusieurs
chansons du chanteur Xzibit (« 3 card Molly », « Los Angeles Times », « Let it Rain »),
ou à Die Hard dans Friends (David Crane & Marta Kauffman, 1994‐2004), Joey (Matt
LeBlanc) et Chandler (Matthew Perry) étant fan de la saga. On voit donc que la
réception de Die Hard est visible également par l’intermédiaire d’autres objets de la
culture populaire, et reflète d’ailleurs des caractéristiques proches de celles que l’on a
pu souligner dans l’analyse. Une telle ampleur dans l’évocation permet de rendre
compte de l’impact global de la saga sur l’espace de transposition disponible. Plus
encore, si l’on observe l’importance et le type de traitement réservé au personnage de
McBain dans les Simpsons, on observe qu’il s’agit d’un concentré de McClane, affublé
d’un accent germanique prononcé inspiré d’Arnold Schwarzenneger.
Ces éléments rendent évidents le caractère fondateur de la saga et de son
personnage principal, et illustrent parfaitement « The tendency to reflexively generate
humour by openly appealing to a knowing audience’s familiarity with the genre
conventions » 164 . Cette familiarité du genre n’est pas négligeable, puisqu’elle
conditionne la compréhension de certaines évocations humoristiques : dans Die Hard
4, par exemple, Farrell ne veut pas céder face à la menace de Gabriel, car affirme‐t‐il,
« You’re just gonna kill me if I fix it. I know that. »165
163 Take Two Interactive, 1997, 1999, 2003 et Rockstar Games, 2002, 2005, 2008. 164 « La tendance de générer réflexivement de l’humour en en appelant ouvertement à la familiarité du public conscient des conventions du genre. » 165 « Pourquoi je ferais ça ? Vous allez me tuer après. Je le sais très bien. »
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2) Le croisement de parcours dans Die Hard
a) L’humour comme apport de Die Hard 4 au genre
L’humour est de fait très présent dans Die Hard 4, allant jusqu’à citer le
dialogue préféré de Bruce Willis tiré de son rôle dans Nos voisins, les hommes (Over
the Edge, Tim Johnson & Karey Kirkpatrick, 2006), un film d’animation comique :
« Chicks dig scars »166. On peut même appliquer ces propos de Guido à la saga :
« L’auteur insiste sur la nécessité de pousser l’analyse de cette production SF [celle datant de moins de vingt ans] au‐delà de certaines idées reçues, autant celles qui ont suscité la controverse lors de sa sortie que celles qui ont finalement établi ce film en parangon d’une forme de « critique » jouant à la fois sur les codes de l’identification et une forme de distanciation ironique. »167
Cette distanciation ironique n’apparait pas, malgré tout, avec Die Hard 4, et
l’humour dans la saga se fonde sur celle‐ci, ainsi que sur le comic relief, de façon
particulière. Un aspect particulier au comic relief dans Die Hard, est visible par
contraste avec des films héritant largement d’une tradition importante : dans les films
d’animation de Disney, cette fonction est généralement la raison d’être d’un
personnage particulier. Le reproche a aussi été adressé, par exemple, au personnage
de Jar‐Jar Bings, dans Star Wars : Episode 1 (George Lucas, 1999). Dans Die Hard, au
contraire, c’est un attribut à la fois du héros, avec ses one‐liners, mais aussi des
sidekicks, comme Zeus Carver ou Matt Farrell. Cette fonction n’est surtout pas la raison
d’être d’un personnage particulier, puisqu’on a vu que les connaissances de ceux‐ci
étaient essentielles à la progression narrative. Notons également que ce partage est
hérité largement du buddy movies, dont L’Arme Fatale est un exemple canonique, et
que Die Hard 3 devait être, initialement, un opus de cette saga.
De plus, loin d’être une distanciation par contraste, par rejet presque, des
concurrents à la saga au sein du genre, les évocations d’autres films d’actions sont
systématiquement connotées positivement. Par exemple, dans Die Hard 1, Hans est
celui qui évoque l’impact néfaste des films d’action (Predator est mentionné, en guise
166 « Les nanas adorent les cicatrices » 167 Guido, op.cit. p.38
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de clins d’œil puisqu’il s’agit du dernier film de McTiernan) et des westerns confondus
(John Wayne ne joue pas dans Duel au Soleil168, il s’agit bien de Gary Cooper), et est
contredit systématiquement par John McClane, qui adopte le pseudonyme de Roy en
hommage à Roy Rogers. L’évocation participe donc à une distanciation par
conscientisation, par réflexivité, puisque ce qui est évoqué constitue bien sûr les
causes explicatives de la saga, les sources profondes dans l’histoire du cinéma, et dans
l’histoire du réalisateur.
b) L’ensemble de parcours
On comprend donc que l’on peut voir dans Die Hard un ensemble de parcours
se croisant au sein du film. L’analyse consiste alors à différencier ces parcours, c'est‐à‐
dire déméler les faisceaux de causes expliquant l’élément analysé. Dans le cas de Die
Hard, l’héritage du western est par exemple primordial, mais perd finalement en
intensité au cours de la saga. Pour prendre un exemple plus précis, on peut suivre le
parcours de la partition musicale de Die Hard (de Michael Kamen pour les trois
premiers opus), qui se compose de plusieurs morceaux, mais dont deux sont
particulièrement remarqués dans Die Hard 1 : « L’ode à la joie », faisant partie de la 9e
symphonie de Beethoven, et « Let it snow » de Vaughn Monroe. La chanson de
Vaughn Monroe est sifflotée par Al Powell dans les deux premiers opus, l’ode est
utilisée dans la bande‐annonce de Die Hard 2, et on peut voir dans le nom du
personnage de psychiatre de Die Hard 3, Dr Fred Schiller, une évocation du poète qui a
écris le poème « L’ode à la joie », chanté dans la 9e symphonie. A ces évocations
doivent être associés, d’une part, le contexte de Noël (pour la chanson traditionnelle
de cette fête qu’est « Let it Snow »), et à Orange Mécanique (A Clockwork Orange,
Stanley Kubrick, 1971) puisque c’est par l’évocation de ce film que le compositeur et le
réalisateur expliquent la présence de ce morceau dans la bande‐son. Le changement
assez radical de la bande‐son du dernier opus, qui reprend quelques thèmes de la saga,
sans grande visibilité, peut s’expliquer par le remplacement de Michael Kamen, mort
en 2003, par Marco Beltrami.
168 High Noon, Fred Zinnemann, 1952
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Une fois les parcours délimités et tracés, chaque faisceau causal explique en
partie certains éléments du film, mais l’importance relative de ceux‐ci doit être
soulignée. En effet, la démarche historique consiste en partie à déterminer l’univers
causal de façon relative, pour expliquer historiquement ce que l’on voit à l’écran. Par
exemple, Orange Mécanique est une source importante concernant la bande‐son, mais
n’explique pas du tout le traitement de la violence dans la saga par exemple (il n’y a
aucun point commun entre ce film et la saga de ce point de vue). De plus, ces causes
doivent être considérées comme dynamiques elles‐mêmes : le traitement du ou des
agents Johnson dans Die Hard 1 et Die Hard 4 s’explique par la représentation
commune de l’Etat fédéral, en tant que menace et protecteur potentiel ; le poids
relatif des fonctions de cet Etat évolue entre 1988 et 2007 et seul ce parcours explique
l’évolution du traitement des personnages le représentant.
La saga est également à inclure au sein de parcours la dépassant. En effet, le
parcours du genre s’infléchit avec Die Hard, notamment avec l’incorporation des one‐
liners comme convention nouvelle. Et même, dans le cadre du postmodernisme, et du
parcours de ce courant, Die Hard 1, même si il n’agit pas fondamentalement sur ce
parcours, en est un bon représentant, puisqu’il semble se situer dans l’intervalle de
transition d’une période « classique » à la période actuelle :
« Die Hard seemed to prove this point [post‐classical being related to classical but neither in a chronological line, nor in a binary opposition] by being perfectly readable as a classically constructed Hollywood film. Yet what made it interesting and exciting was the often ingenious and always knowing way it actually staged and celebrated this carefully crafted classicism, by teasing (or irritating) its critics with sustained bouts of verbal, visual, and ideological transgressiveness. »169
169 « Die Hard 1 semble prouver cela [que le postclassique est lié au classique mais de façon ni chronologique, ni en opposition binaire], en étant parfaitement lisible comme un film hollywoodien construit classiquement. Mais ce qui le rend intéressant et passionnant était la façon souvent ingénieuse et toujours entendu de mettre en scène et célébrer ce classicisme fabriqué avec soin, en taquinant (ou irritant) les critiques avec un dialogue, une imagerie, et une idéologie transgressive tout au long du film. » Elsaesser et Buckland, op.cit.
Page | 167
3) Occupation de l'espace et maîtrise des
moyens de communication
a) Une constante dans la saga
La constante vers laquelle pointent une grande partie des one‐liners, le statut
des journalistes et leur rôle scénaristiques, les « experts » et plus généralement la mise
en œuvre et le développement du conflit, qui constitue le fondement scénaristique de
Die Hard, est l’acquisition et l’utilisation de moyens de communication. Ceux‐ci sont
également la condition et le moyen de beaucoup d’évocations, et le support utilisé
pour ouvrir les trames narratives secondaires :
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Malgré son aversion explicite pour la technologie, en particulier pour les
nouveaux moyens de communication, la saga fonde ses scénarii sur l’utilisation de
ceux‐ci par McClane :
Page | 177
Si l’on différencie l’obtention de l’outil technologique et la maîtrise de son
utilisation, plusieurs constantes sont repérables dans la saga. Premièrement, les
personnages secondaires sont en général ceux qui savent le mieux utiliser ces moyens
de communications :
∗ Hans Grüber et ses hommes de main possèdent et maitrisent des
outils avancés permettant la communication d’information (télévision
portable, casque/micro, talkies‐walkies, ordinateurs), tout comme
l’employé municipal aux réseaux électriques avec sa radio portative ;
∗ le Colonel Stuart, qui parvient à remplacer une tour de contrôle, et
utilise le cryptage des informations, et Barnes fait preuve de beaucoup
d’ingéniosité quant aux moyens de communiquer avec les avions ;
∗ Simon Grüber également, utilises indistinctement et sans difficulté
téléphones portables (encore peu répandus), des appareils
d’enregistrement sonore, et les policiers font un usage intensif de tous
les moyens de communication disponibles ;
∗ Die Hard 4 enfin, repose en grande partie sur les compétences
techniques et technologiques de Matt Farrell et Thomas Gabriel.
Plus important encore, les moyens de communication déterminent dans
chaque film les turning points des scénarii :
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Ces points essentiels de réorientation ou de progression majeure de la
narration, qui complètent évidemment les prouesses et sauvetages de McClane (qui
font également avancer le scénario) s’ajoutent au fait que l’obtention des moyens de
communication est la première étape franchie par McClane, par le recours à la force,
dans son opposition à ses ennemis, ou l’étape lui permettant de prendre l’avantage sur
ses opposants (en obtenant le moyen de les contacter directement au lieu d’être
contacté par eux) :
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Figure 49 : Protection de Matt Farrell, et par extension, du seul personnage capable de mettre McClane en contact avec Thomas Gabriel dans Die Hard 4
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Les étapes suivantes de la lutte peuvent se concevoir autour d’un enjeu
unique : il s’agit d’une lutte territoriale. En effet, la poursuite de McClane par les
ennemis, qui s’inverse au cours du scénario dans chaque opus, prend la forme d’une
course à l’occupation de territoires spécifiques, correspondant aux différents décors :
∗ Les étages de la Nakatomi Tower dans Die Hard 1 ;
∗ Plusieurs parties de l’aéroport Dulles, ainsi que ses alentours, et
même une aile d’avion à la fin dans Die Hard 2 ;
∗ Des quartiers de New York City dans Die Hard 3, ainsi qu’un bateau sur
la rivière Hudson ;
∗ Plusieurs rues et bâtiments de Washington D.C. et de ses alentours
dans Die Hard 4.
L’obtention et la maîtrise des outils de communication déterminent ce conflit
territorial, puisque ceux‐ci indiquent quels territoires sont l’objet de la lutte. De plus, la
maitrise de ces moyens de communication détermine également la familiarité du
personnage avec son environnement, puisqu’ils communiquent avant tout des
informations sur celui‐ci, et partant, détermine le pouvoir du personnage sur son
territoire, d’où une modification de l’équilibre des forces en présence.
b) Correspondant à un enjeu classique du film d’action
Cette articulation entre la quête d’obtention de moyens de communication, qui
détermine l’issue d’une lutte territoriale, et un conflit violent dont c’est l’objet, se
retrouve en tant que fondation de nombreux scénarii de films d’action. Pour ne
prendre que trois exemples parmi le genre, l’affrontement dans Rambo 1 repose sur la
conquête de la forêt d’abord par les forces de police, puis celle de la ville par John
Rambo (Sylvester Stallone). L’obtention de moyens de communication par le
personnage principal permet la résolution du conflit, par l’intermédiaire de son
supérieur militaire. De même, dans Predator, la jungle est le théâtre d’un conflit entre
Dutch (Arnold Schwarzenegger) et l’extraterrestre, dont l’issue est déterminée par les
capacités des opposants à se fondre avec leur environnement. Enfin, Last Action Hero
est particulièrement clair quant à l’enjeu territorial du conflit : Jack Slater (Arnold
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Schwarzenegger) doit empêcher le diabolique Benedict de transporter tous les villains
dans le monde réel.
Speed, réalisé en 1994 par le chef opérateur de Die Hard 1, d’où une très
probable influence de l’un sur l’autre, serait, d’après Arroyo, « not only the better
action film, it is arguably a better Die Hard film than Die Hard with a vengeance »170.
Notons pour notre part que la résolution du conflit, dont le seul et unique enjeu est la
maîtrise d’un espace, le bus, est apportée par l’utilisation contre le villain des moyens
qu’il utilisait lui‐même pour surveiller cet espace : une caméra.
De la même façon, les séquences d’action dans les films de zombies,
relativement nombreux ces dernières années, sont systématiquement liés à une lutte
territoriale. Il s’agit soit une intrusion des hommes dans le territoire zombie, comme
dans Land of the Dead (George Romero, 2005), soit l’inverse, dans Planète Terreur
(Planet Terror, Robert Rodriguez, 2007), ou encore des échanges permanents de
territoires entre les humains devenus nomades et les zombie à la recherche de proies,
comme dans Resident Evil (Paul W.S. Anderson , 2002 ; Alexander Witt, 2004 ;Russel
Mulcahy , 2007). Tous ces films reposent également très largement sur l’acquisition et
la maitrise de moyens de communication, qu’ils soient primitifs pour les zombies, ou
perfectionnés pour les humains.
L’affirmation de Jullier, concernant une « cause lointaine » (parlant du
scénario), qui « agi[t] comme prétexte, sous forme d’une classique quête dont l’objet
est communiqué le plus vite possible au spectateur – comme on se débarrasserait
d’une corvée. […] C’est pourquoi le récit dans le film‐concert peut se permettre de
musarder, de faire des pauses aux allures de clips sans provoquer de rejets de la part
du « grand‐public » censé aimer les histoires »171, ne peut être validée par l’analyse du
film d’action, ou même des films de zombies, et est finalement très loin de la
construction scénaristique réelle d’une saga telle que Die Hard.
170 « non seulement un meilleur film d’action, mais sans doute est‐ce un meilleur Die Hard que Die Hard 3. » Arroyo, José. «Die Hard with a vengeance.» Sight and Sound, 1995: 46. 171 Jullier, L'écran post‐moderne, op.cit.
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Conclusion
La vérification des hypothèses générales concernant le film d’action, tirées de
l’analyse de Die Hard, aurait bénéficié d’une étude plus approfondie et plus étendue
des films communément admis comme étant des films d’action ou d’autres genres
proches. Malgré tout, il semble bien qu’une étude culturaliste fondée sur les
évocations ait prouvé ici son efficacité et son utilité, et que des réponses aient été
apportées aux questions soulevées dès l’introduction, ou dans la suite de l’étude : il
existe autant de réponses à la question du sens de Die Hard que de transpositions ou
d’allusions perçues. Il a ainsi été démontré que Die Hard a joué un rôle fondateur dans
l’apparition de l’humour dans les films d’action, tout en se fondant sur des enjeux
absolument traditionnels, communs à plusieurs genres cinématographiques mais
toujours liés à l’action. Ce phénomène est à intégrer à la dynamique propre au genre,
dont l’apparition peut s’expliquer historiquement par les changements économiques
motivés par la fin des studios, et la délimitation de ce genre est visible par
l’intermédiaire de l’horizon d’attente du spectateur, fonction de son espace
d’expérience, lui‐même modifié en retour. Cette genrification est intrinsèquement lié à
l’évocation de plusieurs institutions ou idées, qui ultimement déterminent une éthique
du conflit. De plus, il s’instaure, en vingt ans d’exploitation de la franchise, une
circularité des évocations entre les trois média étudiés : cinéma, télévision et jeux
vidéo. La réception des films rend bien sûr compte de ces éléments, mais de façon
éclatée et non structurée. De même, la saga a été expliquée historiquement,
notamment dans une optique transculturelle, grâce à ses évocations d’autres
cinématographies, comme le cinéma hongkongais dans les scènes d’action ; et d’autres
média, avec les influences réciproques successives entre cinéma et jeux vidéo.
La seule restriction sérieuse à une telle démarche est l’accès aux sources : en
effet, le manque de sources disponibles a contraint à délaisser les aspects industriels et
les questions de pouvoir et d’influence lors de la production des films par exemple. Par
goût tout autant que par manque de temps, un choix a dû être effectué entre les
différents champs d’étude, en faveur notamment des études génériques et
multimédia. En conséquence les parcours de l’équipe technique ou une analyse hérité
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des star studies, par exemple, ont été un peu négligés. Un tableau tel que celui
présenté en figure 1 (concernant Star Wars) aurait été possible, mais il permet plus de
savoir où regarder pour trouver des évocations de l’objet, ce qui n’est pas ici au centre
des préoccupations, et constitue de ce fait un outil peu utile dans l’étude de Die Hard.
En effet, le statut culte de la saga n’a pas été affronté, bien qu’il s’agisse d’une piste
légitime privilégiant la réception, car il ne semble pas essentiel d’y avoir recours au
sein d’une étude sur le genre, son influence s’expliquant en deçà de ce statut.
De plus, Die Hard 4 étant beaucoup plus tardif que les autres, il est d’autant
plus présent : les différences de cadres sont plus importantes. Les similitudes avec les
autres sont d’autant plus remarquées, et explicables en termes de transposition et
d’allusion. Les opus intermédiaires ont donc finalement été relativement moins
analysés que le premier, en tant que fondement, et le dernier des Die Hard.
Une alternative à l’étude générique héritée en grande partie de Rick Altman,
aurait pu être tout aussi viable, pour peu que le corpus soit plus étendu qu’ici. Il s’agit
du modèle du dominant et de la canonisation de Tynyanov et Shklovsky :
« There is clearly a great deal here that is both attractive and useful. As a theory or model, it takes account of the historicity not only of genres but of specific generic regimes ; it takes account of their processlike nature ; and, in its insistence on the importance of an interplay between canonized and noncanonized forms of representation and between canonized and noncanonized genres, it takes account of both of the transience of generic hierarchies as well as the role of hybridization in the formation and dissolution of individual genres. […] What is particularly valuable about the formalist’s model is that it neither prescribes the conditions for generic outmodedness nor specifies any single mechanism by which noncanonized forms, devices, or genres might find a place within generic regimes or assume a position of dominance within them. It allows for a variety of factors and reasons. »172
172 « Tout ceci est clairement très attractif et utile. En tant que théorie ou modèle, il [le modèle] prend en compte le caractère historique non seulement des genres, mais des régimes génériques spécifiques ; il prend en compte leur nature de processus ; et, en insistant sur l’importance des interactions entre formes de représentations canonisées et non canonisées et entre genres canonisés et non canonisés, il prend en compte à la fois le caractère transitoire des hiérarchies génériques et le rôle de l’hybridation dans la formation et la dissolution de genre individuels. […] Ce qui est particulièrement précieux dans ce modèle formaliste est qu’il ne prescrit spécifiquement ni les
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Ce modèle est de toute évidence d’une grande richesse pour l’historien culturel du
cinéma et permet d’ouvrir de très nombreuses pistes. Malgré tout, cette théorie
repose avant tout sur un corpus très étendu, autant numériquement que
chronologiquement, ce qui semble peu propice à une étude faite en une année.
Concernant les évocations, plus précisément, un champs précis et relativement
restreint peut être défini pour l’histoire culturelle : « Les citations participent, dans une
esthétique assez typiquement postmoderne, de l’édification d’un univers artificiel, un
univers d’images qui renvoient plus à un espace de représentation qu’à un espace réel,
et ce d’autant plus qu’elles sont en général explicites, visuelles et développées (alors
que Godard pratique plutôt l’allusion ou la citation partielle). »173 Il s’agirait donc,
pour les culturalistes, d’investir et d’explorer cet espace de représentation, ce monde
d’images sans forcément de lien avec le « monde réel » (entendu au sens de réalité
politique, économique, sociale).
Ce programme est évidemment très étendu, mais une thèse permettrait
d’éclairer certaines zones particulièrement obscures, en privilégiant notamment ce qui
est généralement écarté dans d’autres disciplines ou postures méthodologiques
comme étant indigne : la culture populaire. Ainsi, bien qu’il s’agisse de casuistique
dans les cas, il faudrait choisir entre l’exploration des « nœuds », des moments et
objets où les parcours se croisent ; et l’étude d’un parcours particulier, lui‐même
parsemé de noeuds. Si l’étude de Die Hard correspond au premier cas de figure, il
semblerait profitable de prolonger l’étude au parcours du film d’action, à sa
genrification/canonisation, en se fondant sur un corpus plus étendu. Mais une autre
optique permet de tirer pleinement avantage de la démarche culturaliste : elle
consisterait à s’intéresser au canon « actioner » et à son parcours, à la fois dans les
jeux vidéo et le cinéma, voire dans d’autres média, tout en préservant le lien qui existe
entre un tel canon et les canons concurrents, complémentaires, ou remplacés :
romance, heroic fantasy, aventure, par exemple. Ainsi, la singularisation artificielle du
conditions pour qu’un genre ne soit plus à la mode, ni un mécanisme unique par lequel les formes, les dispositifs ou les genres non canonisés peuvent trouver leur place au sein de régimes spécifiques ou y acquérir une position dominante. Il autorise des facteurs et des explications divers et variés. » Grant, op.cit. p.175 173 Beylot, op.cit. p.124
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cinéma au sein des média qui l’entourent serait évitée, en rendant compte d’une
réalité économique : à la fois en se fondant sur un corpus constitué par une ligne de
produit intentionnellement conçu comme telle industriellement, mais aussi en prenant
appui sur une consommation simultanée, par un public qui rapproche lui‐même de tels
produits.
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Studies 9, Printemps 1984: 121‐125.
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Table des illustrations
Figure 1: Les parcours de l'équipe de Star Wars ............................................................. 27
Figure 2 : Extérieur et intérieur de jaquettes DVD américaines de Die Hard ............... 100
Figure 3 : Jaquette française du DVD collector de Die Hard 1 et premier menu DVD .. 101
Figure 4 : Incipit de Die Hard 1 ...................................................................................... 103
Figure 5 : Jaquette de l'édition simple du DVD de Die Hard 2 ...................................... 104
Figure 6 : Jaquette et menu de l'édition collector du DVD de Die Hard 2 .................... 106
Figure 7 : Incipit de Die Hard 2 ...................................................................................... 108
Figure 8 : Jaquette de l'édition américaine simple de Die Hard 3 ................................ 109
Figure 9 : Jaquette et disques de l'édition américaine collector de Die Hard 1 ........... 110
Figure 10 : Jaquette de l'édition française simple de Die Hard 3 ................................. 111
Figure 11 : Jaquette du DVD collector de Die Hard 3 .................................................... 112
Figure 12 : Menus du DVD collector de Die Hard 3 ....................................................... 113
Figure 13 : Incipit de Die Hard ....................................................................................... 117
Figure 14 : Disques et jaquette de l'édition américaine collector de Die Hard 4 ......... 118
Figure 15 : Disque et jaquette de l'édition américaine simple de Die Hard 4 .............. 118
Figure 16 : Pré‐menu et menu du DVD collector américain de Die Hard 4 .................. 119
Figure 17 : Incipit de Die Hard 4 .................................................................................... 123
Figure 18 : Travellings de Die Hard 4 ............................................................................ 127
Figure 19 : La profondeur de champ dans Call of Duty 3 et 4 ...................................... 128
Figure 20 : Images de Medal of Honor : Airborne ......................................................... 129
Figure 21 : Préparation au round et phase de jeu dans Day of Defeat : Source ........... 129
Figure 22 : La mort de Thomas Gabriel dans Die Hard 4 .............................................. 133
Figure 23 : Farrell guidant McClane dans Die Hard 4 ................................................... 133
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Figure 24 : Vues à la troisième personne dans World of Warcraft et première personne
dans Team Fortress 2 .................................................................................................... 134
Figure 25 : Les trois tableaux de Die Hard Trilogy ........................................................ 137
Figure 26 : La mort du "hamster" dans Die Hard 4 ....................................................... 140
Figure 27 : La rencontre Joe Takagi/Hans Grüber et la réaction similaire de Holly dans
Die Hard 1 ...................................................................................................................... 142
Figure 28 : Thomas Gabriel dépité de l'incompétence des ses hommes dans Die Hard 4
....................................................................................................................................... 143
Figure 29 : La guerre du Vietnam dans Die Hard 1 ....................................................... 144
Figure 30 : George W. Bush dans Die Hard 4 ................................................................ 145
Figure 31 : L'invasion de la Grenade mentionné dans Die Hard 2 ................................ 146
Figure 32 : Médiatisation de l'attaque par la presse et les villains dans Die Hard 4 .... 147
Figure 33 : Noël dans Die Hard 1 ................................................................................... 156
Figure 34 : Noël dans Die Hard 2 ................................................................................... 158
Figure 35 : Noël dans Die Hard 3, situé en plein été ..................................................... 159
Figure 36 : Yippee‐Ki‐yay dans les quatre opus de Die Hard ........................................ 160
Figure 37 : Moyens de communication, narration secondaire et allusions dans Die Hard
1 ..................................................................................................................................... 168
Figure 38 : Moyens de communication, narration secondaire et allusions dans Die Hard
2 ..................................................................................................................................... 169
Figure 39 : Moyens de communication, narration secondaire et allusions dans Die Hard
3 ..................................................................................................................................... 171
Figure 40 : Moyens de communication, narration secondaire et allusions dans Die Hard
4 ..................................................................................................................................... 173
Figure 41 : McClane et la technologie ........................................................................... 176
Figure 42 : Les turning points de Die Hard 1 ................................................................. 180
Figure 43 : Les turning points de Die Hard 2 ................................................................. 184
Page | 223
Figure 44 : Les turning points dans Die Hard 3 ............................................................. 193
Figure 45 : Les turning points dans Die Hard 4 ............................................................. 203
Figure 46 : L'obtention du talkie‐walkie dans Die Hard 1 ............................................. 205
Figure 47 : L'obtention du talkie‐walkie dans Die Hard 2 ............................................. 207
Figure 48 : L'obtention du talkie‐walkie dans Die hard 3 ............................................. 208
Figure 49 : Protection de Matt Farrell, et par extension, du seul personnage capable de
mettre McClane en contact avec Thomas Gabriel dans Die Hard 4 ............................. 210
Figure 50 : Obtention du talkie‐walkie au milieu de Die Hard 4 ................................... 211
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Die Hard/Piège de cristal Sortie USA : 15/07/1988 Sortie France : 21/09/1988 DVD Français : 31/12/1999
Taglines : -It will blow you through the back wall of the theater! -40 Stories Of Sheer Adventure! -High above the city of L.A. a team of terrorists has seized a building, taken hostages and declared war. One man has managed to escape. An off-duty cop hiding somewhere inside. He's alone, tired... and the only chance anyone has got. -Twelve terrorists. One cop. The odds are against John McClane... That's just the way he likes it. -He's the only chance anyone has got. -It's Christmas Eve In L.A. And The Party Action's About To Explode... On The Fortieth Floor! -Suspense, Excitement, Adventure, On every level!
Budget : 28 000 000$ Recettes locales : 81 350 242$ (59.8%) Recettes mondiales : 137 350 242$ Recettes premier week-end USA : 601 851$ (8.6%) Nombre d’écran maximal : 1713
Réalisateur : John McTiernan Scénaristes : Jeb Stuart, Roderick Throp, Steven E. De Souza
Palmarès
Acteurs : Bruce Willis, Bonnie Bedelia, Reginald VelJohnson, Paul Gleason, De'voreaux White, William Atherton, Hart Bochner, James Shigeta, Alan Rickman, Alexander Godunov
Nomination(s) 1989 – Academy Awards: Meilleurs effets spéciaux sonores Meilleurs effets spéciaux visuels Meilleur montage Meilleur son 1989 – Edgar Allan Poe Awards Meilleur film
Récompense(s) 1990- Awards of the Japanese Academy Meilleur film étranger 1989 – BMI Film & TV Awards Meilleur musique de film 1990 – Blue Ribbon Award Meilleur film étranger 1989 – Hochi Film Award Meilleur film étranger 1990 – Kinema Junpo Award Meilleur film étranger
Equipe technique Photographie : Jan De Bont Assistant(s) réalisation : Benjamin Rosenberg Réalisateur seconde équipe : Beau Marks Musique : Michael Kamen Montage : John F. Link, Frank J. Urioste Direction artistique : Jackson DeGovia
Production Production : Twentieth Century Fox, Gordon Company, Silver Pictures Producteur(s) : Lawrence Gordon, Joel Silver Producteur(s) exécutif(s) : Charles Gordon
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Die Hard 2/58 minutes pour vivre Sortie USA : 3/07/1990 Sortie France : 3/10/1990 DVD Français : 26/01/2000
Taglines : - Die Harder. - They say lightning never strikes twice... They were wrong - John McClane is back in the wrong place at the wrong time! - Last time, it blew you through the back wall of the theatre. This time, it will blow you sky high! - Yippee Ki Yay, All over again!
Budget : 70 000 000$ Recettes locales : 117 323 878$ (49.1%) Recettes mondiales : 237 523 878$ Premier week-end USA : 21 744 661$ (18.5%) Nombre d’écrans maximal : 2507
Réalisateur : Renny Harlin Scénaristes : Steven E. de Souza, Doug Richardson, Walter Wager
Palmarès
Acteurs : ruce Willis, Bonnie Bedelia, William Atherton, William Sadler, Reginald VelJohnson, Franco Nero, John Amos, Dennis Franz, Art Evans, Fred Dalton Thompson
Nomination(s) 1991- Awards of the Japanese Academy Meilleur film étranger
Récompense(s) 1991 – BMI Film & TV Awards Meilleur musique de film
Equipe technique Photographie : Oliver Wood Assistant(s) réalisation : Terry Miller Réalisateur seconde équipe : Charlie Picerni Musique : Michael Kamen Montage : Robert A. Ferretti Direction artistique : John Vallone
Production Production : Twentieth Century Fox, Gordon Company, Silver Pictures Producteur(s) : Lawrence Gordon, Charles Gordon, Joel Silver Producteur(s) exécutif(s) : Lloyd Levin, Michael Levy
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Die Hard : With a Vengeance/Une journée en enfer Sortie USA : 19/05/1995 Sortie France : 02/08/1995 DVD Français : 08/12/1999
Taglines : -Think fast. Look alive. Die hard. -On a good day he's a great cop. On a bad day he's the best there is. -McClane is back -This time, it's personal -It's boometime in the big apple -John McClane is about to have a very bad day
Budget : 90 000 000$ Recettes locales : 100 012 499$ (27.7%) Recettes mondiales : 365 012 499$ Recettes premier week-end USA : 22 162 245$ (22.2%) Nombre maximal d’écrans : 2579
Réalisateur : John McTiernan Scénaristes : Jonathan Hensleigh
Palmarès
Acteurs : Bruce Willis, Jeremy Irons, Samuel L. Jackson, Graham Greene, Colleen Camp, Larry Bryggman, Anthony Peck, Nicholas Wyman, Sam Phillips, Kevin Chamberlin
Nomination(s) 1996-MTV Movie Awards Meilleure séquence d’action 1996- Academy of Science Fiction, Fantasy & Horror Films Meilleur film d’action/aventure
Récompense(s) 1996 – BMI Film & TV Awards Meilleur musique de film 1996-Golden Screen Récompensé
Equipe technique Photographie : Peter Menzies Assistant(s) réalisation : Carl Goldstein Réalisateur seconde équipe : Terry Leonard Musique : Michael Kamen Montage : John Wright Direction artistique : Jackson DeGovia
Production Production : Twentieth Century Fox, Cinergy Pictures Entertainment Producteur(s) : John McTiernan, Michael Tadross Producteur(s) exécutif(s) : Buzz Feitshans, Robert Lawrence, Andrew G. Vajna
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Live Free or Die Hard/Die Hard 4 – Retour en enfer Sortie USA : 27/06/2007 Sortie France : 04/07/2007 DVD Français : 04/01/2008
Taglines : - Yippee Ki Yay Mo - John 6:27
Budget : 110 000 000$ Recettes locales : 134 529 403$ (35.1%) Recettes mondiales : 383 511 754 $ Recettes premier week-end USA : 33 369 559$ (24.8%) Nombre maximal d’écrans : 3411 Recettes DVD : 102 376 704$ Réalisateur : Len Wiseman Scénaristes : Mark Bomback, David Marconi
Palmarès
Acteurs : Bruce Willis, Timothy Olyphant, Justin Long, Maggie Q, Cliff Curtis, Jonathan Sadowski, Andrew Friedman, Kevin Smith, Yorgo Constantine, Cyril Raffaelli
Nomination(s) 2008- Academy of Science Fiction, Fantasy & Horror Films Meilleur film d’action/aventure/Thriller Meilleur second rôle (Justin Long) 2008-Golden Trailer Award 2007-National Movie Awards (UK) Meilleur action/aventure Meilleur acteur (Bruce Willis) 2007-Teen Choice Award Révélation masculine (Justin Long) Film de l’été (drame/action aventure) 2008-Visual Effects Society Awards Meilleur modèles réduits
Récompense(s) 2007-California on Location Award Repérage de l’année (Curtis Collins) 2008-World Stunt Awards Meilleur directeur des cascades et/ou réalisateur seconde équipe
Equipe technique Photographie : Simon Duggan Assistant(s) réalisation : Mark Cotone Réalisateur seconde équipe : Brian Smrz Musique : Marco Beltrami Montage : Nicolas De Toth Direction artistique : Troy Sizemore
Production Production : Cheyenne Entreprises, Dune Entertainment, Ingenious Film Partners, Twentieth Century Fox Producteur(s) : Michael Fottrell Producteur(s) exécutif(s) : Arnold Rifkin, William Wisher Jr.
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Table des matières
Remerciements ..................................................................................................................... 3
Sommaire .............................................................................................................................. 5
Introduction .......................................................................................................................... 8
I) Historiographie et épistémologie ......................................................................................... 13
A) Histoire culturelle : démarche et concepts .................................................................... 14
1) La position du chercheur ........................................................................................... 14
a) Apport des sciences sociales ................................................................................. 14
b) Nationalité du chercheur et nationalité du film : un double contexte de réception
et création ............................................................................................................................... 15
c) Cinéma contemporain ........................................................................................... 16
2) Histoire culturelle du cinéma : méthode et limites ................................................... 17
a) La démarche culturaliste ....................................................................................... 17
b) Difficultés et solutions pour unifier les strates d'analyses.................................... 19
3) Concepts essentiels : définitions ............................................................................... 21
a) Contextes et cadres ............................................................................................... 21
b) Contrainte ............................................................................................................. 23
c) Parcours et réseaux ............................................................................................... 25
4) Possibilité et légitimation d'une étude de réception/consommation ....................... 28
a) Cadres de réception, de consommation, de visionnage ....................................... 28
b) Pour une étude simultanée .................................................................................. 29
B) L’intertextualité: le chaînon manquant .......................................................................... 34
1) Recours aux allusions, transpositions, et évocations ................................................ 34
a) Quel terme ? ......................................................................................................... 34
b) Une première voie d’accès ................................................................................... 36
c) Conditions de fonctionnement des évocations ..................................................... 37
2) Extension et obstacles principaux ............................................................................. 38
a) Circulations entre arts et média ............................................................................ 38
b) La culture populaire en tant qu’espace de choix .................................................. 40
c) Abduction : un aller‐retour entre le cas et la règle ............................................... 42
3) Un changement de régime de transposition ............................................................. 44
a) Quelle notion pour quelle rupture ? ..................................................................... 44
b) Une augmentation de la factitivité des allusions. ................................................. 46
c) Die Hard postmoderniste ? ................................................................................... 48
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C) Le genre : réservoir sériel évolutif .................................................................................. 50
1) Le genre comme catégorie trop habituelle et usée ? ................................................ 50
a) Le genre vivant ...................................................................................................... 50
b) Concurrence/Complémentarité des notions de genre et d’auteur ...................... 51
2) Le genre comme mise en série .................................................................................. 53
a) Qui met en série ? ................................................................................................. 53
b) Complétude au sein des cadres générique et sériel ............................................. 54
3) Un parcours du genre ................................................................................................ 56
a) Espace d’expérience et horizon d’attente ............................................................ 56
b) Parcours ................................................................................................................ 58
II) Sources et bibliographie ...................................................................................................... 60
A) Sources et documents en histoire culturelle .................................................................. 61
1) Sources et documents ............................................................................................... 61
2) Catégories de sources non‐filmiques ......................................................................... 62
3) Une hiérarchie des sources ? ..................................................................................... 64
B) Bibliographie commentée .............................................................................................. 67
1) Ouvrages et articles ................................................................................................... 67
a) Ouvrages généraux ............................................................................................... 67
Histoire, sociologie et culture de masse............................................................... 67
Philosophie, théorie, et esthétique du cinéma .................................................... 68
Postmodernisme et intertextualité ...................................................................... 69
b) Méthodologie : théorie et exemples .................................................................... 70
Les modèles .......................................................................................................... 70
Les applications .................................................................................................... 71
c) Sur le cinéma américain ........................................................................................ 72
a) Sur le genre ........................................................................................................... 72
b) Sur le film d'action ................................................................................................ 74
c) Sur les différents cadres évoqués ......................................................................... 74
La télévision .......................................................................................................... 74
Média ................................................................................................................... 74
Cadres spécifiques ................................................................................................ 75
Sur les jeux vidéo .................................................................................................. 76
2) Revue de presse ......................................................................................................... 77
a) Die Hard 1 ............................................................................................................. 77
b) Die Hard 2 ............................................................................................................. 78
c) Die Hard 3 .............................................................................................................. 79
d) Die Hard 4 ............................................................................................................. 80
3) Sites Internet ............................................................................................................. 81
Page | 231
a) Sites de critiques ................................................................................................... 81
b) Sites généraux sur le cinéma ................................................................................ 82
c) Forums et fansites ................................................................................................. 82
d) Goodies et produits connexes : ............................................................................ 83
e) Scripts .................................................................................................................... 84
f) Sites officiels des films et studios .......................................................................... 84
g) Sites spécifiques à Die Hard .................................................................................. 84
h) Sur le jeu vidéo ..................................................................................................... 85
i) Autres sites ............................................................................................................. 85
4) Matériel promotionnel et documents de tournages ................................................. 86
III) Etude de cas : Le film d’action et la saga Die Hard ............................................................ 87
A) Le cœur : le rôle des scènes d’action dans la construction du genre ............................. 88
1) Le film d'action : un véritable genre ? ....................................................................... 88
a) Présence du genre dans les documents ................................................................ 88
b) Films d’action et blockbusters .............................................................................. 91
c) Une genrification du film d’action ? ...................................................................... 94
d) Matériel promotionnel et incipit de Die Hard : comment l'horizon d'attente du
film d'action est construite pour chaque film ? ...................................................................... 98
2) Les scènes d'action comme lieu de rencontre des cadres ....................................... 125
a) Condition de possibilités : contexte technologique ............................................ 125
b) Cinéma et jeux vidéo : des évocations à double sens ......................................... 126
c) Les scènes d’action : concentré d’idiotie ? .......................................................... 130
3) Structure narrative : film d'action et jeu vidéo ........................................................ 131
a) Alternance de séquences d'action et cinématiques ........................................... 132
b) Mise en œuvre d'un point de vue de joueur ...................................................... 134
c) Analyse des jeux vidéo Die Hard ......................................................................... 136
B) L’Epsilon : les personnages comme support d’évocation ............................................ 139
1) Cadre politique et statut du conflit.......................................................................... 139
a) Représentations du conflit : de la menace criminelle faussement terroriste à la
terreur « home‐bred » .......................................................................................................... 139
b) Les « experts » dans Die Hard ............................................................................. 147
c) Un cinéma reaganien ? ........................................................................................ 149
2) Les statuts de la presse ............................................................................................ 150
a) La presse à Hollywood ........................................................................................ 150
b) Le journalisme télévisé aux Etats‐Unis ............................................................... 151
c) Réévaluer la fonction des journalistes dans Die Hard ......................................... 152
C) Les Fondations : cadre sériel et générique ................................................................... 154
1) Transpositions entre objets culturels ...................................................................... 154
Page | 232
a) Les évocations d’autres opus dans la saga Die Hard ........................................... 154
b) Les transfuges de la télévision ............................................................................ 161
c) Les transpositions de Die Hard : une autre forme de réception ......................... 162
2) Le croisement de parcours dans Die Hard ............................................................... 164
a) L’humour comme apport de Die Hard 4 au genre .............................................. 164
b) L’ensemble de parcours ...................................................................................... 165
3) Occupation de l'espace et maîtrise des moyens de communication ...................... 167
a) Une constante dans la saga ................................................................................. 167
b) Correspondant à un enjeu classique du film d’action ......................................... 212
Conclusion ......................................................................................................................... 214
Travaux cités ..................................................................................................................... 218
Table des illustrations ........................................................................................................ 221
Fiches techniques des films ................................................................................................ 224
Table des matières ............................................................................................................ 229