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Les sources manuscrites françaises du \"Chant sur le livre\" aux XVIIe et XVIIIe siècles

Date post: 18-Nov-2023
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Les sources manuscrites françaises du "Chant sur le livre" aux XVIIe et XVIIIe siècles Jean-Paul Montagnier Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, Vol. 49. (1995), pp. 79-100. Stable URL: http://links.jstor.org/sici?sici=0771-6788%281995%2949%3C79%3ALSMFD%22%3E2.0.CO%3B2-L Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap is currently published by Societe Belge de Musicologie. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of JSTOR's Terms and Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/about/terms.html. JSTOR's Terms and Conditions of Use provides, in part, that unless you have obtained prior permission, you may not download an entire issue of a journal or multiple copies of articles, and you may use content in the JSTOR archive only for your personal, non-commercial use. Please contact the publisher regarding any further use of this work. Publisher contact information may be obtained at http://www.jstor.org/journals/sbm.html. Each copy of any part of a JSTOR transmission must contain the same copyright notice that appears on the screen or printed page of such transmission. The JSTOR Archive is a trusted digital repository providing for long-term preservation and access to leading academic journals and scholarly literature from around the world. The Archive is supported by libraries, scholarly societies, publishers, and foundations. It is an initiative of JSTOR, a not-for-profit organization with a mission to help the scholarly community take advantage of advances in technology. For more information regarding JSTOR, please contact [email protected]. http://www.jstor.org Mon Mar 24 12:45:28 2008
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Les sources manuscrites françaises du "Chant sur le livre" aux XVIIe et XVIIIesiècles

Jean-Paul Montagnier

Revue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, Vol. 49. (1995), pp.79-100.

Stable URL:

http://links.jstor.org/sici?sici=0771-6788%281995%2949%3C79%3ALSMFD%22%3E2.0.CO%3B2-L

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http://www.jstor.orgMon Mar 24 12:45:28 2008

LES SOURCES MANUSCRITES FRANÇAISES DU CHANT SUR LE LIVRE

AUX XVII~ET XVIII~SIÈCLES

Jean-Paul MONTAGNIER (Université de Nancy-2)

L'usage du 'chant sur le livre', c'est-à-dire d'une pratique orale consistant à improvi-ser collectivement sur le plain-chant, ne suscita guère d'intérêt chez les théoriciens des X W e et XVIIIe siècles. Cette indifférence se perpétue encore de nos jours, bien que cette pratique orale ait été relativement répandue dans les diocèses français, et bien que les arti- cles de l'abbé Jean Prim et de Robert Wangermée mettent en avant l'importance de cette tradition('). De plus, le fait qu'Henry Madin tenta de l'imposer à la Chapelle Royale dès sa nomination à la charge de sous-maître en 1738(~), et le fait que les sources théoriques du chant sur le livre semblent refléter l'enseignement des maîtrises(3), plaident en faveur d'une étude sérieuse de cet aspect négligé de l'interprétation du plain-chant. Nous nous propo- sons dans cet article de définir ce qu'était le chant sur le livre, ainsi que son origine et son usage aux X W e et XVIIIe siècles, à partir des sources manuscrites françaises connues à ce jour(4). Puis, nous analyserons les règles discutées par les divers théoriciens, afin de propo- ser à l'interprète moderne les éléments nécessaires à la restauration de cette pratique poly- phonique improvisée qui perdura en France jusque vers 1838(~). En conclusion, quelques comparaisons entre ces règles et un fragment de la messe pour orgue de Nicolas de Grigny permettront d'illustrer l'influence que cet usage put avoir sur les œuvres du répertoire.

( l ) Abbé Jean F'RIM, «Chant sur le Livre in French Churches in the 18th Century», Journal of the Ameri- can Musicological Society, XIV (1961), pp. 37-49; Robert WANGEFMÉE, «Le traité du chant sur le livre de P. L. Pollio, maître de musique à la collégiale Saint-Vincent à Soignies dans la seconde moitié du XVIIIe siècle*, Hommage à Charles van den Borren. Mélanges (Anvers, De Nederlandsche Boek- handel, 1945), pp. 336-350. On peut encore signaler trois autres brefs articles de dictionnaire: «Dis- cantus supra librum*, in Willi APEL (éd.), Harvard Dictionary of Music (Cambridge, Mass., The Bel- knap Press of Harvard University, 1972, 2e édition revue et augmentée), pp. 237-238; David HLEY, «Neo-Gallican Chant», in Stanley SADIE (éd.) The New Grove Dictionary of Music and Musicians. (London, Macmillan, 1980), vol. 13, p. 106; John A. EMERSON, «Plainchant», ibid., vol. 14, p. 827.

(2) Si l'usage du faux-bourdon à la Chapelle Royale est attesté par plusieurs sources, la pratique du chant sur le livre, en revanche, n'est pas prouvée de façon certaine. Henry MADIN explique dans son Traité du contrepoint simple ou du chant sur le livre (Paris, Mme Boivin, Sr Le Clerc, 1742), p. 2, qu'il a écrit son livre «en cas que le Chant sur le Livre vint à s'établir à la chapelle [Royale], comme il en a déjà été question». 11 s'agit de la seule mention connue pouvant suggérer cette pratique orale chez le Roi; cf. encore Bernadette LESPINARD, «La Chapelle Royale sous le règne de Louis XV», Recherches sur la musique française classique, XXIII (1985), p. 136.

(3) MADIN,op. rit., p. 1; Louis-Joseph MARCHAND, Traité du contrepoint simple ou chant sur le livre (Bar-le-Duc, Richard Briflot, 1739), p. iii.

(4) Pour l'étude des sources imprimées, nous renvoyons à notre travail: «Le Chant sur le Livre au XVIIIe siècle: les Traités de Louis-Joseph Marchand et Henry Madin», Revue de Musicologie, LXXXI (1995), pp. 37-63. PRIM,art. rit., p. 47.

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Les sources manuscrites

D'après les travaux de Herbert Schneider sur l'enseignement de la composition musicale au début du XVIIe siècle, la pratique du chant sur le livre, que l'on désignait encore par les termes de contrapunctum, descant ouJLZeuretis, ne joua aucun rôle dans la théorie musicale avant 1650(~), Antoine Parran étant le seul théoricien à la men- tionner brièvement dans son Traité publié en 1639(~). Dès la fin du siècle toutefois, les sources se font plus nombreuses, comme si leurs auteurs sentirent une certaine urgence à codifier une pratique vouée à disparaître à plus ou moins brève échéance. Ainsi en 1749, l'on déplore déjà que

le chant sur le livre qui se faisait autrefois sur le plainchant était une composition admirable et qu'aujourd'hui c'[es]t partout une musique de la plus mauvaise espèce. 11 périt de jour en jour [...], on ne l'entend plus qu'en quelques églises(s).

Actuellement, l'usage du chant sur le livre aux XVIIe et XVIIIe siècles nous est connu uniquement par deux ouvrages imprimés(9) et dix traités ou ébauches de traités manuscrits. Ces sources manuscrites sont regroupées dans la table no l(lO).

Table no 1 Les sources manuscrites françaises du chant sur le livre

1 René OUVRARD, «Chapitre IV. De la Composition qu'on appelle Chanter Sur le livre», La musique rétablie depuis son origine et l'histoire des divers progrez qui s'y sont faits jusqu'à notre tems[ ...], Tours, Bibliothèque Municipale, ms 822, f. 74v-75r.

2 Etienne LOULIÉ, «Methode pour aprendre a chanter sur le livre», Meslanges, Paris, Bibliothèque Nationale, ms n.a.fr. 6355, f. 223r-232v.

3 Sébastien de BROSSARD, «Traitté Du chant Sur le livre [Il», Meslange sur la musique, Paris, Bibliothèque Nationale, ms n.a.fr. 5269, f. 54r-57v.

4 Sébastien de BROSSARD, «[Traitté Du chant Sur le livre Ibis]», Meslange sur la musique, Paris, Bibliothèque Nationale, ms n.a.fr. 5269, f. 58r-v. Deuxième rédaction des f. 54r-55r.

(6) Herbert SCHNEIDER, Die franzosische Kompositionslehre in der ersten Halfte des 17. .lahrhunderts (Tutzing, Hans Schneider, 1972),p. 217.

(7) Antoine PARRAN, Traité de la musique théorique et pratique (Paris, Pierre Ballard, 1639; reprint: Genève, Minkoff, 1972),pp. 50 et 83.

'8) Cité par Adrien de LAFAGE,Notes, extraits et variétés concernant le chant liturgique recueillis pour mon instruction (F-Pn n.a.f. 257), p. 240.

(9) Les Traités de Marchand et Madin déjà cités. On rencontre encore quelques mentions dans divers autres écrits imprimés (La Viéville, Lebeuf, Rameau, Rousseau, Laborde), dont le recensement est présenté dans notre article mentionné plus haut.

('O) ~ I M ,art. cit., mentionne uniquement les sources 1 et 10sans vraiment les utiliser dans son travail.

5 Sébastien de BROSSARD, «Traitté Du chant Sur le livre [2]», Meslange sur la musique, Paris, Bibliothèque Nationale, ms n.a.fr. 5269, f. 59r-60v.

6 Sébastien de BROSSARD, «Traitté Du chant Sur le livre [3]», Meslange sur la musique, Paris, Bibliothèque Nationale, ms n.a.fr. 5269, f. 61r-68v.

7 Sébastien de BROSSARD, «Traitté Du contrepoint ou Du chant Sur le Livre [4]», Meslange sur la musique, Paris, Bibliothèque Nationale, ms n.a.fr. 5269, f. 69r-71v.

8 Sébastien de BROSSARD, «Traitté Du contrepoint ou Du chant Sur le Livre [5]», Meslange sur la musique, Paris, Bibliothèque Nationale, ms n.a.fr. 5269, f. 72r-74v.

9 Pierre-Louis POLLIO, Principes du Chant sur le Livre, Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert Ier,ms II 3092 Mus.

10 ANONYME,«1777. Regles Ou Chant Sur le Livre», dans François-Joseph LECUYER,Principe de l'art du chant, Paris, auteur, Veuve Merganne, 1769; Paris, Bibliothèque Nationale, Rés. V. 2523.

Le chapitre IV, «De la Composition qu'on appelle Chanter Sur le Livre», de René Ouvrard (table no 1-1) ne se compose que d'un bref folio, dans lequel l'auteur donne le plan d'un traité à venir dans la troisième partie de son étude générale La musique rétablie depuis son origine et l'histoire des divers progrez qui s'y sont faits jusqu'à notre tems. Cet embryon laisse présager un ouvrage important et érudit, qui ne vit jamais le jour.

La Méthode d'Etienne Loulié (table no 1-2) fait partie du cahier XXII des Meslanges et daterait des années 1695-99(11). Elle témoigne d'un esprit pragmatique et clair, qui ne se perd pas dans des considérations inutiles. Cette source est double: une rédaction au net s'étend des folios 223-228, tandis qu'une ébauche reprenant presque mot pour mot les folios 225v-227r, occupe les folios 231r-232v. Les exem- ples musicaux illustrant la rédaction définitive sont proprement reproduits aux folios 229r-23 1v. Le folio 228v est blanc.

Les Traittés de Sébastien de Brossard (table no 1-3 à 8), numéro VI des Meslan-ges, furent rédigés peu après le Dictionnaire (1703), auquel l'auteur fait allusion(12). Tous ces traités sont incomplets et sont le fruit de six tentatives de rédaction successi- ves(13). Ils témoignent d'un esprit pédagogique louable, mais confus quant à la manière d'aborder le problème. En effet, Brossard s'écarte de son sujet en voulant

( I l ) Patricia RANUM,&tienne Loulié (1654-1702), musicien de Mademoiselle de Guise, pédagogue et théoriciens, Recherches sur la musique française classique, XXVI (1988-90).p. 36. La Méthode de Loulié est mentionnée, sans aucun commentaire, par Albert COHEN,&tienne Loulié as a Music Theoristn, Journal of the American Musicological Society, XVIII (1965),p. 72.

(12) Sébastien de BROSSARD,Traitté..., f. 55r. Le folio 66v rapporte un fait ayant eu lieu en 1677, «il y a 22 ou 23 ans», datant le traité aux environs de 1700.

(13) Une lecture attentive des ces six tentatives révélerait que chacune d'elles est légèrement différente de l'autre quant à son plan d'ensemble. Ces divergences, qui n'ont aucune incidence sur notre enquête, mériteraient une discussion particulière qui ne peut prendre place ici.

tout expliquer, depuis l'origine du nom et de la notation des notes, de la portée, des diverses clés, jusqu'à l'usage des lignes supplémentaires, des signes de reprises et autres détails (ornements, arcs de liaison, accidents, etc.). De l'aveu même de l'auteur, son traité est «un abregé~ dans lequel «nous voulons rien mettre qui ne soit absolument nécessaire pour apprendre la composition, &ca(14)».En conséquence, et en raison d'un désir d'universalité, l'ouvrage de Brossard est 'hors sujet' et demeure inachevé, comme si le théoricien se sentit désarmé, voire découragé, devant l'am- pleur de la tâche. Mis à part l'exposé systématique des intervalles harmoniques, aucune règle proprement dite afférente au chant sur le livre n'est formulée.

Les Regles ou chant sur le livre, datées de 1777 (table no 1-10), sont reliées avec l'exemplaire de l'ouvrage de François-Joseph Lécuyer, Principe de l'art du chant (1769), qui est conservé au département des imprimés de la Bibliothèque Nationale de France. Ces dix pages manuscrites, anonymes et bien calligraphiées, ne sont pas paginées et se trouvent avant la page de titre dudit ouvrage. Ce volume appartenait très probablement à un chanteur, peut-être un enseignant, qui s'intéressait à tous les aspects de son art: rien n'empêcherait d'ailleurs que ce petit traité soit sinon de la main même de Lécuyer (basse-taille et surnuméraire dans les chœurs de l'Académie Royale de Musique de 1755 à 1776(15)), du moins un écho de ce qu'il aurait pu enseigner sur ce sujet.

Les Principes de Chant sur le Livre Suivant Les Anciens, Et les nouveaux Ele- ments Suivis des antiennes des Dimanches, et Fêtes de L'année ou Traité Du Chant sur Le Livre auquel on a joint pour Servir de Leçons Les antiennes de toutes Les Fêtes de L'année, ainsi que celles du Commun des Saints, et les Messes qui peuvent se Chanter en Contrepoint Suivant L'usage de L'eglise de Soignies de Pierre-Louis Pollio (table no 1-9) nous sont parvenus en deux exemplaires, l'un conservé à la Bibliothèque Royale Albert Ier de Bruxelles (table no 1-9), l'autre aux archives de l'église Saint-Vincent à soignies(16). Le texte est daté et signé de Soignies le 20 août 1770, mais à croire la page de titre, il fut probablement recopié au propre en 1771. Cet épais volume de près de 800 pages, déjà décrit par R. Wangemée, se divise en une partie théorique et une partie musicale contenant, comme le titre l'indique, les pièces chantées à Soignies avec leur contrepoint écrit.

Il est à noter que tous ces ouvrages, excepté ceux de Loulié et d'ouvrard, sont dus à des auteurs provinciaux, et qu'ils sont, aux dires de Pollio, essentiellement destinés aux maîtres de musique chargés de l'instruction des enfants de chœur(17). De

(14) BROSSARD,op. cit., f. 67v. (15) Cf. Sophie JOUVE-GANVERT, «Lécuyer, François-Joseph», in Marcelle BENOIT (éd.), Dictionnaire de

la musique en France aux XVIIe et XVIIIe siècles (Paris, Fayard, 1992), p. 394. On ne connaît pas la date exacte du décès de Lécuyer, qui est survenu après 1776.

( 1 6 ) WANGERMÉE,art. cit., p. 338. Nous n'avons vu que le manuscrit de Bruxelles pour la préparation de ce travail. Précisons avec Wangermée que Pollio naquit à Dijon le 15 juin 1724 et rendit l'âme à Soignies le 7 décembre 1796.

(17) Pierre-Louis POLLIO, Principes... (table no 1-9), p. i: «Jeunesse, que La providence a Confié à mes Soins, C'est a la gloire de Dieu, c'est a Votre avencement que je Consacre mes travaux». Plus loin, p. ii, il note encore: «je tacherai de les [les règles] mettre le plus a [la] portée de la Jeunesse qu'il me >

- - manière générale en effet, ces traités ne s'adressaient pas à un large public(18). Tous ces volumes sont conçus selon le même modèle (d'ailleurs typique à l'époque), pré- sentant d'abord les divers intervalles harmoniques et leurs propriétés avant d'entrer plus en détail dans l'étude du contrepoint et de l'imitation. Ouvrard, et Brossard en une certaine mesure, font preuve d'érudition en s'étendant assez longuement sur un historique et une définition possible de l'expression 'chanter sur le livre'.

Définitions et historique du chant sur le livre d'après les sources manuscrites

René Ouvrard, en homme cultivé et sans étalage de compétence technique, four- nit la définition la plus précise du chant sur le livre :

Cette Composition sur le Plainchant faite a l'improviste par chaque psalmiste & sans rapport à la Composition des autres, s'appella Chanter sur le Livre, parce qu'en effet s'etoit chanter non pas ce qui etoit noté dans le Livre comme font ceux qui chantent le Plainchant, mais sur ce que les autres chantoient & par une composition faite sans meditation. On I'appella encore Fleurtis, parce qu'il rendoit le Plainchant ordinaire plus fleury. On nommoit encore cela dechanter, comme qui eut dit chanter par dessus ce que chantent les autres. Quelques uns l'ont appellé aussi Contrepoint figuré, parce que non seulement c'étoient des points ou des notes les unes contre les autres, mais il y avoit plusieurs [notes] contre une seule(19).

De cette définition, il ressort avant tout qu'à l'époque où Ouvrard écrit, l'expres- sion même 'chanter sur le livre' n'était plus guère familière à ses contemporains (ceci pourrait justifier l'emploi du passé simple dans sa définition). En effet, il éprouve le besoin de distinguer entre 'chanter à livre ouvert' (Ouvrard n'utilise pas cette der- nière expression, quoiqu'il y fasse indubitablement référence), c'est-à-dire déchiffrer, chanter le plain-chant 'à vue'(20), et «chanter sur le livre*, c'est-à-dire improviser à partir d'une mélodie de plain-chant. Par ailleurs, Ouvrard fait appel au terme de «contrepoint» dont il donne l'étymologie acceptée à son époque, étymologie que l'on retrouve sous la plume de Brossard et ~o l l io (~ l ) . Les définitions fournies par Loulié et Pollio n'apportent aucune précision, et évitent le terme de 'contrepoint'(22). Quant à

D Sera possible*. Il est à noter que l'étude de Philippe LESCAT, «Réflexions sur l'éducation musicale en France au X W I e siècle», in Danièle PISTONE(éd), L'éducation musicale en France. Histoire et méthodes (Paris, Presses Universitaires de P a r i s - S o r b ~ ~ e , 1983), pp. 19-32, ne fait aucune référence à l'usage du chant sur le livre comme outil pédagogique.

cl8) Laborde remarque que chanter sur le livre est la partie la moins connue de la composition, laissant sous-entendre que les traités tant imprimés que manuscrits ne connurent pas une très grande diffu- sion. Jean-Benjamin de LABORDE, Essai sur la musique ancienne et moderne (Paris, Ph. D. Pierre, E. Onfroy, 1780), vol. 2, p. 57.

(19) René OUVRARD, «Chapitre IV. . .» , f. 75r. Cette définition est comparable à celles proposées dans les sources imprimées; cf. MONTAGNIER, art. cit., pp. 40-42.

(20) BROSSARD,op. cit., f. 54r, souligne la nécessité de «sçavoir chanter [les plains-chants] même a livre ouvert et sans hesiter* avant d'aborder le chant sur le livre.

(21) BROSSARD, op. cit., p. iv. op. cit., f. 5% et 61r; POLLIO, (22) Etienne LOULE?, Méthode.. ., f. 223r: «Chanter sur le livre, c'est composer des Chants sur un Plain-

chant, et les executer a l'instant mesme qu'on les compose». POLLIO, op. cit, p. iv: «Le chant sur le livre est L'art de faire en impromptu de la musique Et de la chanter sur du plainchant».

l'auteur anonyme du traité de 1777, il ne se préoccupe pas du problème et ne donne aucune définition. En revanche, les six définitions de Brossard révèlent plusieurs préoccupations originales, notamment quant au choix du cantus firmus sur lequel on doit improviser. La première définition (f. 54r) ne précise en aucune manière la nature liturgique du cantus: «Chanter Sur le livre, C'est prendre un Sujet ou un chant dêja tout composé; composer et chanter dans le meme Instant au dessus de ce Sujet un chant qui en soit different [...ID. La seconde (f. 58r), la cinquième (f. 69r) et la sixième (f. 72r) laissent le choix entre un cantusfirmus 'non liturgique' et un plain- chant: ~Chacque maistre peut donner a sa fantaisie quel sujet Il luy plaist, pour Exer- cer ceux a qui Il monstre le chant Sur le livre; mais dans L'usage ordinaire c'est tou- jours quelque partie de l'office divin, ou de ce qu'on nomme vulgairement Le plain chant». La quatrième (f. 61r) ne laisse aucune alternative: «Chanter sur le livre, c'est composer un chant sur un plaint chant donné». La troisième enfin (f. 59r) se démar- que des autres par le fait que Brossard a d'abord écrit «Chanter Sur le livre, C'est composer un chant sur plain chant donné», puis a raturé le mot «plain chant» pour le substituer à celui de «sujet», plus vague, et de fait, laissant une apparente liberté quant au choix du cantus, liberté plus ou moins mise en doute par le paragraphe sui- vant, dans lequel le terme «plain-chant» cohabite avec celui de «[sujet] a sa [du maître] fantaisie». La possibilité affirmée (cas unique dans les sources théoriques connues du chant sur le livre) d'improviser sur un cantusfirmus autre que liturgique est intéressante car elle laisse supposer que Brossard concevait la formule 'chanter sur le livre' comme une expression générique désignant non seulement une fonction liturgique (embellir un plain-chant), mais encore une technique de composition (écrite ou orale) pouvant s'utiliser aussi bien à 1'Eglise qu'en dehors. De prime abord donc, Brossard semble considérer l'expression 'chant sur le livre' comme étant simi- laire à celle de 'contrepoint' au sens large. Par ailleurs et en trois endroits, Brossard insiste sur la double dimension, mélodique et harmonique, de cette pratique orale(23), double dimension trop souvent ignorée par les autres auteurs, qui ne retiennent que l'aspect horizontal dans leurs discussions. En dernier lieu, Brossard est le seul théori- cien à proposer, dans la seconde ébauche de son traité, quatre catégories de chant sur le livre: celui-ci peut-être un contrepoint de première espèce («contrepoint simple» ou motte contre natte»), de quatrième espèce («contrepoint syncopé»), de cinquième espèce («contrepoint figuré ou fleurtis», c'est-à-dire «plusieurs nottes contre une notte du plain chant»), ou un «contrepoint fugué» dans lequel le déchanteur imite plus ou moins rigoureusement le cantus f i r r n ~ s ( ~ ~ ) . Curieusement, Brossard aban- donne aussitôt cette catégorisation originale, pour définitivement adopter la 'tn-parti- tion' en vogue à l'époque, consistant à fusionner en une seule rubrique les quatrième et cinquième espèces de contrepoint(25). Cette tri-partition sera encore évoquée par Pollio quelque soixante-dix ans plus tard. Pollio distingue néanmoins la simple imita-

(23) BROSSARD,op. cil.,f. 541,69r et 721. (24) Ibid.,f. 591-V. (25j Ibid..f. 61r.

tion de la fugue qui est «une imitation plus etendue, plus parfaite, plus e n t i e r e ~ ( ~ ~ ) . Malgré les hésitations de Brossard, il advient de ces définitions que le chant sur le livre est une improvisation collective dont le plain-chant est bel et bien l'élément premier.

L'origine et le développement de cette pratique orale ne retient pas la curiosité des auteurs, attachés qu'ils sont à en détailler les règles. Si Brossard s'égare de son dessein principal en résumant l'histoire de la notation musicale, Ouvrard, lui, consacre quelques lignes à l'origine du chant polyphonique. Celui-ci apparut au IXe siècle pour rehausser le chant monodique, chacun voulant «se rendre sçavantn en chantant sa propre partie. Dès lors, la polyphonie fut accueillie à 1'Eglise vers 1300. Son usage fut si goûté que même

dans la Psalmodie à 4 parties que nous avons appellés Fauxbourdon[,] tous dedaignoient de chanter le Sujet ou chant Ecclesiastique, comme trop com[m]un & ordinaire; & dans les Plainchans des Antien- nes, Reppons, introits & Graduels, ils entreprenoient & composoi[en]t chacun une partie à sa fantaisie sur les Regles qu'ils en avoient nouvellement appris. Et non contens de se faire remarquer par l'eclat de leur voix au dessus du chant Ecclesiastique ou Plainchant, ils le faisoient encore par des gesticula- tions & [illisible] du corps, & par des manieres de chanter par des [illisible] & des transports [illisible] de voix. Ce qui donna lieu à la Bulle [Docta sanctorum] de Jean XXII de l'an 13 16(27).

En somme, Ouvrard fait référence à une pratique polyphonique improvisée remon- tant à la fin du XIIIe siècle, et semble la condamner au même titre que la gestique qui accompagnait le chant liturgique. Par ailleurs, la chronologie d'ouvrard n'est guère fau- tive, puisque d'après Ernst Ferrand, Elias Salomon (un ecclésiastique français) serait le premier à employer l'expression «cantus supra librumn dans son traité de 1274, Scientia artis musicae, pour désigner la pratique dont il est question ici(28).

Pour compléter Ouvrard, rappelons avec l'abbé Prim que le chant sur le livre n'était pas pratiqué dans toutes les églises de France, ni même dans toutes les cathé- drales, mais seulement dans les paroisses ayant un chœur suffisamment fourni et en- traîné. En plus des maîtrises de Toul, Troyes, Amiens et des Saint-Innocents de Paris, le chant sur le livre était en usage aux cathédrales de Bourges, Auxerre, Châlons et ~ e s a n ~ o n ( ~ ~ ) ,alors qu'il fut ignoré pendant longtemps à la Chapelle Royale. Une

(26) POLLIO,op. cit., p. lix. BROSSARD, op. cit., f. 69r, précise que le contrepoint fugué est le plus difficile et le plus parfait de tous. Sur le sens et l'usage du terme de 'fugue' en France au XVILIe siècle, cf. Jean-Paul MONTACNIER, «La fugue pour clavier en France vers 1700-1730:à propos des deux fugues de Pierre Février», Revue de Musicologie, LXXVI (1990),pp. 174-176.

(27) OUVRARD,op. cit., f. 74v-75r. Le faux-bourdon n'a rien de commun avec le chant sur le livre. Pour une brève étude du faux-bourdon en France au siècle des Lumières, cf. MONTACNIER, «Le Chant sur le Livre», pp. 61-62.

(28) Ernst FERAND, Die Improvisation in der Musik (Zünch, Rhein-Verlag, 1938), p. 140; IDEM, «Histon- cal introduction», Improvisation in nine Centuries of Western Music (Koln, Arno V o k Verlag, 1961), p. 8. Pour un historique plus complet d'après les sources imprimées, cf. MONTACNIER, «Le Chant sur le Livre», pp. 42-44.

(29) ûenise LAUNAY, La musique religieuse en France du Concile de Trente à 1804 (Paris, Société Française de Musicologie, Editions Kiincksieck, 1993),pp. 414 et 416; Arthur-Emile PREVOST, Histoire de la maîtrise de la cathédrale de Troyes (Troyes, S. n., 1906;reprint: Genève, Minkoff, 1972),p. 147: au XVIDe siècle, on y exécutait le jour de Pâques après none le Regina coeli en chant sur le livre; Georges D w , La musi-que de la cathédrale d'Amiens avant la Révolution (Amiens, S. n., 1922; reprint: Genève, Minkoff, 1972). p. 42; PRIM, art. cit., p. 44; MARCHAND,op. cit., p. iii. Cf. encore Marie-Reine RENON, La maîtrise de la cathédrale Sc Etienne de Bourges aux XVle, XVIIe et XVIIIesiècles (thèse de 3e cycle, Poitiers, 1972),p. 65.

trentaine d'années plus tard, Charles Bumey signale encore, lors de son passage à Lille, que le plain-chant est plus souvent exécuté à l'unisson qu'en polyphonie, et que ce n'est que «les dimanches et jours de fêtes que des parties sont ajoutées au canto fermo ou plain chant»(30). En conséquence les églises où l'on pratiquait le chant sur le livre n'étaient peut-être pas très nombreuses(31). Quant à l'affirmation d'ouvrard selon laquelle les Français seraient les seuls en Europe à encore employer (à la fin du XVIIe siècle) le chant sur le livre et le faux-bourdon, elle est sérieusement mise en doute par R. Wangermée et l'abbé ~ r i m ( ~ ~ ) .

De ce bref survol historique, nous pouvons conclure que le chant sur le livre prend racine dans une tradition bien établie, et que son usage en France à l'époque baroque n'était plus aussi répandu que ce que l'on voudrait croire. C'est peut-être dans l'intention de plus largement (ré-)implanter cette pratique dans les paroisses françaises, ou dans l'espoir de mieux former les futurs déchanteurs - ceux-ci étaient de plus en plus difficiles à trouver au fur et à mesure que le siècle s'avançait(33) - que nos auteurs entreprirent la rédaction de leurs traités.

Limite de la pratique du chant sur le livre :l'effectif vocal et les types de voix

Les règles du chant sur le livre, comme toutes règles, doivent être aisément mémorisables, faciles à mettre en pratique, et suffisamment précises pour «parer a mille occasion[s] de ~ h a r i v a r y » ( ~ ~ ) dues à l'improvisation collective. Dans le cadre d'une telle pratique, il est effectivement impossible de prévoir ce que va chanter l'autre. Pollio, qui met ouvertement en doute l'improvisation collective(35), remarque d'une façon désabusée :

(30j Charles BURNEY, The Present State of Music in France and Italy (London, T . Becket, J. Robson, G. Robinson, 1773, 2e éd.), p. 10: «It is only on Sundays and festivals that parts are added to the canto fermo or plain chant». Bumey fait-il référence à la pratique du chant sur le livre ou à celle du faux-bourdon ?

1") L'Abbé Jean LEBEUF affirme dans son Traité historique et pratique sur le chant ecclesiastique (Paris. J . B. et Jean Th. Hérissant, 1741; reprint: Genève, Minkoff, 1972), p. 11 1, que l'«on chante plus sou- vent certaines piéces en pur Plain-chant sans accords, & que dans un Diocèse il y a beaucoup plus d'Eglises où l'on se passe de Chant-sur-le-livre ou fleuretis». Cette assertion est contredite par MADIN,op. cit., p. 1 , mais n'oublions pas que ce dernier devait justifier l'intérêt de son volume pour attirer l'acheteur potentiel.

I3*j WANGERMÉE,art. rit., p. 341; PRIM, art. cit., pp. 45-46. Signalons ici que l'usage du chant sur le livre à Venise avant Willaert a été récemment démontré par Iain FENLON, «St Mark's before Willaert*, Early Music, XXI (1993), pp. 547-563.

(33) Alexandre-Etienne CHORON et Adrien de LA FACE, Nouveau manuel complet de musique vocale et instrumentale (Paris, Imprimerie et Fonderie de Fain, 1838), seconde partie, tome III, p. 13: «Si cet usage a été aboli, ce n'est point que le goût se soit perfectionné, c'est seulement que l'on n'a plus trouvé de chanteurs qui possédassent la tradition de cette baroque et indécente harmonie.»

(34) POLLIO,op. rit., p. IXV. (35) Ibid., p. lxiv: «Quant au chant sur Le Livre à plusieures [sic]parties faites impromptu, mon sentiment

est qu'il est presqu'impossible de le bien faire*.

Je viens d'entendre une fugues [sic],je la va[i]s rendre, je la commence, dans ce tems La meme j'entens un des musiciens qui entame une suitte de dissonances, je dois quitter ma fugues [sic]et chercher a L'accompagner. Je veux moi meme faire des Sincopes de quarte sur mon pleinchant, Le musicien qui chantera avec moi, Sçawa t-il comment il doit y assujettir son chant, il continwa son chant, moy Le mien, Le troisieme un autre, un quatrieme peutetre un cinquieme, un sixieme, sur tous principes differents. Si l'on apelle cela de la musique, je l'apelle moy un homble charivary. [...] ainsi ce chant sur le livre a plusieures [sic]parties impromptu ait été condanné par plusieurs Conciles provinciaux; L'usage, mais un mauvais usage et L'ignorance, où tout au moins une miserable routine, appuyés d'amis[,] L'on fait maintenir dans des Eglises Respectables contre Le bon Sens et tout principe de aiso on(^^).

Pollio apporte trois précisions. Premièrement, il est le seul auteur du corpus étudié ici à fournir un indice sur l'effectif vocal, qui semble pouvoir englober de un à six déchanteurs, en plus de celui (ceux) qui énonce(nt) le plain-chant(37). Tou- tefois, le nombre de parties improvisées, et partant le nombre de chanteurs, n'est jamais indiqué clairement. Deuxièmement, la confusion qui découle de cette prati- que orale collective, même si l'on convient à l'avance de la réalisation des endroits épineux(38), en a provoqué la condamnation dans plusieurs diocèses, ce qui sous- entend (une fois encore) que le chant sur le livre n'était peut-être pas aussi employé en France que ce que l'on aimerait croire aujourd'hui; ou du moins, que ce chant sur le livre n'était toléré qu'à une voix seule improvisant sur le plain- chant(39). C'est ce que semble préconiser Ouvrard en soulignant que «cette compo- sition n'est qu'à deux parties, parce que ce que chacun chante en particulier [...] n'a point de rapport avec ce que chantent les autres»(40). Sur ce point, Pollio ne cache pas qu'il ne donne les règles du chant sur le livre à plusieurs parties qu'à contre-cœur, «pour ceder a l'usage», et que ces règles «seront suivies si l'on veut, ou si on le peut»(41). Troisièmement, cette dernière pointe, associée au doute sur les capacités réelles de certains déchanteurs («sçaura t-il ...»), suggère que tous les chanteurs n'étaient pas aptes à improviser: la schola entière était-elle concernée,

(36) Ibid., p. lxv. Pollio note encore p. lxiv: «je m'explique encor. Je feray sur mi par exemple, dans Le pleinchant, L'accord de mi, sol, si, un autre fera celui d'ut, mi, sol, un troisieme fera celui de la, ut, mi». Une autre critique se trouve encore p. xi, sous l'exemple musical.

(37) MADIN,op. cit., p. 7, parle même d'«une trentaine de Musiciens*. (38) POLLIO,op. cit., p. lxvi: «Il faudroit Convenir le si L'on prendra touttes Les nottes pour toniques, ou

si on suivra L'échelle harmonique, dans chaque modulation [...] et Convenir encor quelles dissonan- ces fera un tel en tel cas, car dans les passages du pleinchant ou L'on fait des ~ e ~ t i e h e s , des neuvie- mes, on peut faire des quartes, L'accompagnement cependant est differentn. Pollio se fait ici l'écho d'un conseil déjà formulé par Tinctoris, qui considère «comme très dignes d'éloges, les Chantres qui se concertent entre eux avec prudence, et s'entendent d'abord sur le placement et l'ordre des conso- nances, car ils forment une harmonie beaucoup mieux remplie et plus suave». Cf. François-Léon CHARTIER,L'ancien chapitre de Notre-Dame de Paris et sa maîtrise d'après les documents capitulai- res (1326-1790)(Paris, Pemn, 1897; reprint: Genève, Minkoff, 1971), p. 214.

(39) C'est, semble t-il, l'usage que favorise Pollio; cf. ses Principes, p. lxiv. (40)OUVRARD,op. cit., f. 7%. (41)POLLIO,op. rit., p. lxvi. En raison de ce doute sur la possibilité de déchanter collectivement, Pollio

renonce à disserter longuement sur cette pratique, et renvoie son lecteur à un traité de composition (p. Ixvii).

ou uniquement les chantres solistes? D'après Brossard, il semblerait que tout le chœur déchantait(42).

Il apparaît donc que les règles du chant sur le livre relèvent essentiellement du contrepoint à deux voix régissant, comme celles du discantus médiéval, les rapports entre le cantusfirmus et la partie improvisée par le déchanteur, sans se préoccuper des rencontres entre cette ligne improvisée et les autres. Peut-être est-ce pour cette raison, et par excès de prudence, que Pollio conseille d'employer le plus possible les intervalles consonants entre le cantus et le discantus, afin d'éviter les rencontres trop hasardeuses entre les différentes parties improvisées(43).

Rares sont les indications sur les types de voix à utiliser. Pollio recommande sur- tout que les voix ne sortent pas de leur étendue naturelle, ni dans l'aigu, ni dans le grave. Brossard conseille, le cas échéant, de transposer les notes du plain-chant une quarte, une quinte, voire une octave «plus bas quelles [sic]ne sont nottées naturelle- ment, affin que les chants des differentes voix ou parties qui composent les choeurs des Eglises puissent estre toujours au dessus ou plus hautes que le sujet»(44). Pollio, en revanche, est très disert sur l'équilibrage et la conduite contrapuntique de chacune des trois ou quatre(45) parties (dessus, haute-contre, taille, basse): «la taille doit avec la haute contre faire le remplissage, et le dessus former le plus beau chant». Les croi- sements entre les voix doivent être évités le plus possible, notamment entre la taille et la basse qui entonne le plain-chant, afin de ne pas gêner la perception de ce der- nier(46). L'auteur anonyme de 1777 est catégorique sur ce point et met en garde contre la répétition pure et simple des mêmes notes qui s'échangeraient entre le cantus et le discantus: «Il faut eviter de croiser la Basse en montant de Tierce [dans la partie

(421 BROSSARD,op. rit., f. 59r; cf. encore la note 44. Pour information, nous attirons l'attention sur le fait que dans les quatre volumes de l'Office de I'Eglise [...] Chant sur le livre à 3 Parties de François- Louis PERNE (F-Pcmss D. 12.634 [l-41). l'indication «Le Célébrant» apparaît au-dessus de I'intona- tion et «Les Choristes)) au-dessus des passages à trois voix. Toutefois, comme il s'agit d'une source datant du XIXe siècle, il est légitime de s'interroger sur la validité de ce détail pour la pratique dix- huitièmiste. Ceci soulève néanmoins le problème de l'enchaînement entre l'intonation et la portion du plain-chant 'en polyphonie' : d'après les exemples de chant sur le livre fournis par les divers traités, il semblerait que l'improvisation pouvait soit commencer sur la première note du plain-chant, soit après l'intonation initiale; dans ce dernier cas, doit-on entonner cet incipit en obéissant au tactus qui va régir toute la section polyphonique suivante? Nous penchons pour l'affirmative. Cependant, à la fin du XVIIIe siècle, J. B. METOYEN, dans son Recueil de chants d'église, contenant les antiennes de la Vierge et les hymnes du Carême, mis en contre-point en trio pour haute-contre, taille et basse (s.1.. S.

n., s.d.; exemplaire: F-Pc D. 8098), imprime toutes les intonations en plain-chant mesuré. Reproduit-il simplement ce plain-chant tel qu'il apparaît dans les livres liturgiques, ou veut-il signifier par là que l'intonation doit vraiment être mesurée? Ce problème de tempo est comparable à celui rencontré dans les organa de 1'Ecole de Notre-Dame qui alternent avec les monodies grégoriennes.

("1 POLLIO,op. rit., p. xlix: «VOUS devez faire usage des intervalles consonants, par rapport au plein- chant[,] de preference, Et n'user des dissonances qu'avec la precaution de les bien preparer et les bien sauver.».

(44) BROSSARD,op. cii., f. 59r. La place du plain-chant à la voix la plus grave est confirmée par POLLIO, op. cit., p. xix.

(45)POLLIOsuggère l'improvisation à trois ou quatre parties dans ses Principes, p. xi. (46)POLLIO,op. cil., pp. lxvi-lxvii.

improvisée] lorsqu'elle [la basse] descend de ~ i e r c e » ( ~ ~ ) . Pollio n'indique pas si la par- tie de dessus était assurée par des enfants, mais il recommande que celle-ci soit mise en valeur par sa qualité mélodique, ce qui est tout à fait compréhensible à une époque où la basse et le dessus étaient les parties privilégiées de la polyphonie. D'ailleurs, il men- tionne encore l'usage du serpent pour renforcer le plain-chant, c'est-à-dire le soubasse- ment de tout l'édifice sonore. En fait, Pollio idéalise une réalisation harmonique équili- brée, facile sur le papier, mais plus périlleuse à obtenir 'impromptu'(48). L'absence d'indication verbale sur l'ornementation possible des lignes improvisées ne signifie pas que ces dernières étaient de froids contrepoints: quelques croix marquant la présence d'ornements se rencontrent parfois dans les exemples de ~ o l l i o ( ~ ~ ) .

Le plain-chant: un cantusfîrmus isochrone

Les définitions du chant sur le livre suggèrent sans ambiguïté que le plain-chant est le fondement sur lequel les déchanteurs improvisent. Ouvrard et Brossard s'accor- dent pour dire que l'on n'improvise pas sur n'importe quel plain-chant, mais uni- quement sur des répons, antiennes, introïts, hymnes, graduels qui servent «de sujet ou de fondement»(50). Par ailleurs, Brossard nous apprend que ce plain-chant est énoncé en valeurs égales, sans égard à la quantité des syllabes.

Souvent on donne a chacque notte La valeur d'une mesure, c'est ad. d'un battue et d'un lever et pour lors on bas la mesure fort Legerement. mais pour l'ordinaire, on ne donne a chacque notte que la Valeur d'une blanche, ou d'une demie mesure a deux temps, c'est [à] dire d'un battue ou d'un lever, et pour lors on bat la mesure un peu plus gravement(51).

En somme, ce plain-chant est chanté suivant un mouvement régulier, sans se préoccuper du texte littéraire qu'il véhicule. De plus, le tempo est fonction de l'unité de valeur choisie (ronde ou blanche). Aux dires de Brossard, la division du tactus serait obligatoirement binaire, mais certaines sources imprimées autorisent aussi sa division ternaire(52).

Aucun auteur, en revanche, n'aborde ouvertement le problème de la modalité inhérent au plain-chant. Peut-être que Brossard aurait abondamment discuté ce point

(47) ANONYME,«Regles...» (table no 1-10), p. [9].Nous publions ces «Regles» dans «Le Chant sur le Livre en France d'après un traité anonyme du XVIIIe siècle», Recherches sur la musique française classique, XXIX (à paraître).

(48) BROSSARD,au f. 66r de son Traitté, dresse une liste des voix en relation avec les clés utilisées, mais elle n'est en aucun cas spécifique au chant sur le livre.

(49)Cf. POLLIO,op. cit., p. xcvii; exemple reproduit ici en Ex. 4. L'usage des ornements est encore sug- géré par Brossard qui les mentionne dans son Traitté, f. 67v. Notons que Brossard ne fait pas explici- tement référence à leur usage dans le chant sur le livre. BROSSARD, op. rit., f. 75r (voir la citation ci-dessus). Notons que op. rit., f. 54r et 59r; OUVRARD, PERNE,op. cit., vol. 4, compose - au début du XIXe siècle, il est vrai - des contrepoints sur les cinq pièces de l'Ordinaire.

0') BROSSARD,op. cit., f. 59r. Pour le problème de l'intonation, cf. la note 42. MADIN,op. cit., p. 6 et MARCHAND, op. cit., pp. 35-40.

délicat dans le chapitre sur le plain-chant qu'il se proposait d'écrire dans son traité, puisqu'il souligne à plusieurs reprises la nécessité de connaître les tons ecclésiasti- ques et la nécessité d'accorder le «mode ou ton» aux paroles(53). Les quelques propos de Pollio sur ce sujet méritent un commentaire, car ils suggèrent que le théoricien n'a pas compris la nature même de la modalité. Pollio est aveuglé par les découvertes de Rameau. Il ne peut raisonner sans l'aide de la basse fondamentale, et ne pense qu'en termes de tonalité :

La Dominante Tonique est la cinquieme notte du ton dans le quelle [sic]on est, elle doit porter tierce majeure dans Son accord parfait, et la 7e mineure, mais comme le pleinchant par la Comp- tion ou il se trouve maintenant a tres peu de nottes sensibles, on fait Sa tierce mineure ou majeur; a Volonté a moins qu'on ne monte de la tierce a une tonique alors la tierce doit essentiellement etre majeure. La raison de tout cela n'est fondée que sur un usage qui sent encore bien fort L'enfance de L'art de la Composition, et qui Vient encore un coup du deperissement du pleinchant, et de la facon de le chanter, qui ne recoit plus souvent pour veritable tonique, dans la modulation[,] que la notte du chant la plus basse dans le genre diatonique, mais cette plus basse notte devroit etre souvent une notte sensible: que celle qui se porte sur la tonique pour terminer un chant avec cadence: Lequel chant est souvent mal fini, mal terminé, mais cela ne rend point L'art fautif, il demontre la mauvaise façon de chanter Le pleinchant et le peu de soin qu'ont eu les imprimeurs dans les differentes Editions; il rapelle L'insuffisance de caractteres avec les quels il est notté, et la routine enfin par la quelle il nous a eté transmit(54).

Pour conclure une discussion sur l'évolution de la tierce majeure et de son usage, Pollio remarque encore :

Or si La 3Cemineure faisoit une dissonance, La 3Cemajeure devoit donc etre moins rare dans L'exe- cution du pleinchant. Le pleinchant se chantoit donc autrement autrefois qu'a present, on y admet- toit donc du moins dans la pratique L'usage des diezes & &. on a commence dans ces derniers tems a En faire usage dans les nouvelles editions De Lyon. Dans Les Repons Brefs chantés de routine, on en fait [des dièses] dans certains Endroits; Les Rou- tineurs En font, conduits par

Contrairement à tous les auteurs de l'Ancien Régime, Pollio est persuadé que le plain-chant originel faisait usage de la note sensible et que l'outrage du temps, et par la suite les éditeurs (par un manque de caractères d'imprimerie adéquats), l'ont per- verti en lui ôtant tous ces agréments, à savoir la note sensible, si utile dans le monde tonal. Peut-être croyait-il, en homme des Lumières, que le «plain-chant musical» (dont les modèles les plus connus sont les cinq Messes en plain-chant qu'Henry Du Mont publia en 1669)était le seul et unique vrai plain-chant(56)? Son obsession de la tonalité se manifeste pleinement dans sa description des huit modes ecclésiasti- q u e ~ ( ~ ~ ) :chaque ton contient plusieurs tonalités potentielles. Ainsi, Pollio apparente

'53' BROSSARD,op. cit., f. 54v, 59v, 61r et 72r. '") POLLIO, op. rit.. pp. xxxvii-xxxviii. 'j5'Ibid.,p. xliv. '56) Par .plain-chant musical», l'on désigne le corpus de pièces monodiques originales composées selon

les lois de la tonalité récente. ( 5 7 ) POLLIO,op. cit.,pp. lxx-lxxii. Cette description fut rédigée après les Principes proprement dits, et est

datée du 23 août 1770.

le premier et le deuxième ton (finale ré) aux tonalités de ré, sol et la mineur et de fa majeur, en fonction de l'usage ou non du si bémol, ce qui aboutit à expliquer la muance en terme de tonalité(58).

Cette dualité modal/tonal revêt d'autant plus d'importance qu'elle conditionne la conception et la manière même de présenter les règles afférentes au chant sur le livre. Si cette dualité est particulièrement sensible dans les traités imprimés de Marchand (1739) et Madin (1742)(~~), elle l'est beaucoup moins chez les trois auteurs (Loulié, Pollio et l'anonyme de 1777) qui se sont réellement penchés sur ces-dites règles. Loulié, qui écrit vers 1695-99, est de toute évidence le plus attaché à la pratique modale. Pollio et l'anonyme de 1777 usent, en revanche, d'un langage tonal bien affirmé, Pollio utilisant même abondamment la basse fondamentale ramiste pour étayer ses explications; il suggère même de se représenter une basse fondamentale sous le plain-chant pour faciliter «Cessort de ~ ' i m a ~ i n a t i o n » ( ~ ~ ) .

Remarques sur les règles du chant sur le livre d'après Loulié, Pollio et l'auteur anonyme de 1777

Dans le cadre de ce travail, il est impossible de commenter chacune des règles du chant sur le livre, d'autant que plusieurs d'entre elles peuvent se regrouper en une même rubrique. Il est, en effet, utile de souligner que bien souvent les auteurs de cette époque manquent d'un vocabulaire technique précis, ce qui les oblige à des explica- tions parfois fastidieuses. Ainsi, ils ne peuvent formuler brièvement des règles aussi simples que 'quintes et octaves directes sont défendues'. Au contraire, ils ont l'obliga- tion de passer tous les cas de figure en revue, ce qui donne parfois lieu à de longs développements difficiles à mémoriser. Il faut néanmoins remarquer que les règles énoncées dans les ouvrages de Loulié, Pollio, et surtout de l'anonyme de 1777 sont bien plus concises que celles rencontrées dans le traité imprimé de Marchand, et qu'elles sont très proches des règles utilisées de nos jours dans l'étude du contrepoint rigoureux à deux voix. Loulié et l'auteur anonyme évitent notamment l'écueil consis- tant à présenter les règles de manière 'locale', c'est-à-dire en fonction des mouvements particuliers du cantus firmus. Cet écueil est fréquent dans les traités d'obédience modale, et il est remarquable que Loulié ait su s'en préserver car Pollio n'y put résister, nonobstant sa position ramiste. Pollio, en effet, commence par énoncer des règles par- faitement claires et peu nombreuses (pp. xviii-xxi), puis ne peut s'empêcher de détail- ler un grand nombre de situations en fonction des mouvements particuliers du cantus firmus (pp. xxi-xxxi). Par ailleurs, il se perd en explications confuses, faisant sans cesse appel à la notion de basse fondamentale, notamment lorsqu'il aborde le contre- point fleuri. De fait, Pollio manque complètement son objectif, car il superpose une

08)WANGERMÉE,art. cit., ne mentionne aucun de ces problèmes. G9) Cf. notre article «Le Chant sur le Livre», p. 38, n. 4. (60) POLLIO,op. cit., p. xxxii. Il définit la basse fondamentale p. xv. La position ramiste de Pollio est

présentée par WANGERMÉE,art. cit., pp. 343-346.

donnée théorique nouvelle, l'harmonie, au contrepoint qui fut à la base de tout ensei- gnement musical jusqu'aux travaux de Rameau. Ceci explique sa conception tonale du plain-chant telle que nous l'avons montrée ci-dessus. La position de Pollio est d'autant plus cocasse que, malgré son admiration profonde pour Rameau, il ne s'aperçoit pas qu'il appartient à ces «gens sans goût [...] qui s'attachent vainement à former une bonne & agréable Harmonie sur ces sortes de Chants [plains-chants modaux]»(61). En conséquence, son traité est à déconseiller à tout débutant désireux d'apprendre le con- trepoint, et la complexité de cet ouvrage prouve avec éloquence que le chant sur le livre demande «beaucoup d'habitude et même plus de Routine que de

Les règles du chant sur le livre, ou plus généralement du contrepoint simple à deux voix, sont de deux ordres: harmonique et mélodique. Sur le plan harmonique tout d'abord, notons que Loulié et l'auteur anonyme utilisent le terme d'«Accord» pour désigner l'«Intervalle» entre la note du plain-chant et la note du d i~can tus (~~) . De plus, chaque auteur distingue entre les intervalles consonants 'agréables à l'oreille' (soit l'unisson, la tierce, la quinte, la sixte et l'octave) et les intervalles dissonants 'pas agréa- bles à l'oreille' (soit la seconde, la quarte, la septième et la neuvième). Brossard distin- gue encore entre consonances parfaites (unisson, quinte, octave) et imparfaites (tierces majeure et mineure, sixtes majeure et mineure)(64). Quant aux tritons, fausses relations (de triton et d'octave) et quintes diminuées, ils sont évidemment interdits. Si la seconde et la neuvième sont regardées comme identiques, Pollio les différencie par leur fonction: la seconde est un intervalle mélodique (une motte de goût», c'est-à-dire une note étrangère), tandis que la neuvième est une dissonance harmonique(65). De plus, il classe les accords en accords parfaits ou consonants (on les «entend avec plaisir») et accords dissonants (accord de septième et accord de sixte-quinte, c'est-à-dire l'accord de grande sixte) qui sont «l'ouvrage de l'art»; ces accords dissonants sont «dur[s] à l'oreille»(66).

Chaque auteur préconise le mouvement contraire entre le cantus et le discantus, afin d'éviter les quintes et octaves parallèles, et demande que toute dissonance soit préparée et résolue. Pollio, en auteur de la fin du XVIIIe siècle, tolère toutefois que la septième mineure ne soit pas préparée lorsqu'elle est entendue dans un accord de septième de dominante, mais elle doit être résolue(67). Loulié détaille le mécanisme

(61) Jean-Philippe RAMEAU, Traité de l'harmonie (Paris, Ballard, 1722), p. 147. (62) BROSSARD,op. cit., f. 59r. 63) LOULIÉ,op. cit., f. 223r: «Un Accord est un son qui est sur le meme degré ou a quelqu'autre degré

plus haut que la notte du plainchant et qui se chante en meme temps». Loulié assimile l'unisson à un intervalle, ce qui n'est pas de l'avis des auteurs des sources imprimées.

(64) BROSSARD,op. cit., f. 71r. '65) POLLIO,op. cir.,p. xii. (66) Ibid., pp. xiii-xvi. iM7 ' Ibid., p. liii. C'est pour cette raison qu'il est le seul auteur à autoriser les intervalles harmoniques de

quinte diminuée et de triton sur le temps, car ils se justifient par rapport à la basse fondamentale: ce ne sont que des 'renversements' de l'accord de septième de dominante (cf. Principes, pp. lii-liii). Loulié et l'anonyme de 1777 n'acceptent ces deux intervalles harmoniques que sur un temps faible ou une partie faible de temps, considérant la note faisant triton ou quinte diminuée comme une note de passage reliant deux consonances harmoniques. Brossard ne dit rien sur ce problème.

de la dissonance de façon remarquable en l'illustrant d'un exemple et en mettant l'accent sur les trois phases du retard: la préparation, la dissonance elle-même et son << sauvement :

Exemple no 1 Loulié, Méthode, f" 226v.

Par ailleurs, Loulié recommande de ne pas aller de la quinte à l'octave, ni de l'octave à la quinte, car ces enchaînements harmoniques ne sont pas élégants(69).

Sur le plan mélodique, Brossard interdit tous les intervalles mélodiques de triton, de quinte diminuée, de sixte majeure et de septième, ainsi que tous les intervalles mélodiques sortant de l'octave(70). Par ailleurs, les traités s'attachent à décrire l'usage des notes ornementales (c'est-à-dire qui n'appartiennent pas à l'harmonie) servant à relier deux consonances harmoniques. Ces notes ornementales «doivent n'occuper que les tems faibles» et les parties faibles des temps(71). Elles sont, d'après les com- mentaires ou les exemples musicaux les illustrant, essentiellement des notes de pas- sage ou des broderies, c'est-à-dire des notes procédant conjointement des notes réel- l e ~ ( ~ ~ ) .En effet, si Loulié condamne l'échappée (sans la nommer)(73), les autres auteurs (Pollio et l'anonyme) restent silencieux sur ce point. Pareillement, il n'y a rien sur l'anticipation. Pollio conseille encore de prolonger la résolution d'une neu- vième par un mouvement conjoint descendant afin de ne pas pécher «contre Le goût>>(74):

(68) LOULIÉ,op. cit., f. 226v et 232r. W9) Ibid., f. 224v. (70> BROSSARD,op.cit., f. 71r. (71) POLLIO,op. cit., pp. lvi-lviii. 11 coupe court à tout commentaire en concluant: «dans les choses de

goût, Chacun doit s'ecouter et etre son juge* (p. Iviii). (72) Les exemples musicaux comportent quelques très rares appoggiatures. (73) LouLIÉ, op. ci?., f. 231v. Signalons qu'il est le seul théoricien à employer l'expression «note de pas-

sage» (f. 231v). L'échappée est aussi interdite par les sources imprimées; cf. notre article «Le Chant sur le Livre», p. 53.

(74) POLLIO,op. cit.,p. liv.

Exemple no2 Pollio, Principes,p. LIV

Faute de goûtBon Mauvais

. I 1

[Basse fondamentale]

Pour conclure leurs ouvrages, nos théoriciens s'étendent sur la pratique de l'imi- tation, tant directe que renversée, que la terminologie ancienne appelle «fugue». L'imitation, à l'octave, à la quinte ou à la quarte, est toujours brève(75) et se réduit à l'imitation des intervalles, sans tenir compte du rythme :

Exemple no3 Anonyme, "1777, Regles, Ou Chant Sur le Livre," p. [IO] :

Exemple de fugue

('3 La brièveté de l'imitation serait due à la nature même du plain-chant, car Loulié note, (op.cit., f. 227r et 232v: «Le Plainchant souvent est fait de maniere qu'on ne peut pas faire de fugue par repetition exacte [des notes du cantus], on est obligé de la faire par Imitation*. Cette phrase, par ailleurs, fait une légère distinction entre la «fugue» qui répète exactement le modèle, et l'«imitation» qui suggère plus qu'elle ne répète ledit modèle.

Pollio estime que l'imitation à la quarte est «La moins parfaite, La plus difficile, et celle qui peut le moins etre Suivie». Quant à la fugue à l'octave, il considère qu'elle «doit etre entierement Semblable au chant que L'on veut imiter; [...] Semblable non seulement quant aux nottes, mais [aussi] quant aux paroles»(76). Pollio, en dernier lieu, décrit la mutation (sans la nommer), car sans elle, «on sortiroit du ton»(77).

Pour plus de clarté, nous regroupons dans la table no 2 les règles du chant sur le livre disponibles dans les sources manuscrites.

Table no 2 Résumé des règles du Chant sur le Livre

d'après les sources manuscrites (c'est-à-dire peu ou prou celles du «contrepoint rigoureux* à deux voix)

Type de voix

1 Plain-chant: voix graves (basses) + serpent.

2 Parties improvisées :dessus, hautes-contre et tailles.

Plain-chant

1 Extrait des Hymnes, Antiennes, Graduels, Répons, introïts.

2 Chaque note est chantée en valeur égale et régulière, sans respiration ni ornement.

3 Le plain-chant est toujours la partie la plus grave de la polyphonie.

4 Le mètre est binaire (Brossard).

Styles

1 Contrevoint note-contre-note.

2 Contrepoint fleuri.

3 Contrepoint en imitation simple ou renversée.

3 Les parties improvisées peuvent être ornementées.

4 L'usage des silences est possible (d'après les exemples).

5 Contrepoint à trois parties en plus du cantusfirmus.

Règles harmoniques

1 Intervalles consonants: unisson, tierce, quinte, sixte, octave; intervalles disso- nants: seconde, quarte, septième, neuvième. Ces intervalles peuvent être majeurs ou mineurs.

2 Les intervalles harmoniques de quarte augmentée et de quinte diminuée sont interdits.

(76) POLLIO,op. cit., pp. lix-lx. (77) Ibid., p. lix.

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3 L'intervalle harmonique de quarte augmentée est autorisé en tant que note de pas- sage entre la tierce et la sixte. L'intervalle de quinte diminuée est autorisé en note de passage entre la quinte et la tierce.

4 Les quintes et octaves consécutives en mouvement parallèle ou contraire sont interdites. Les quintes consécutives en mouvement contraire sont tolérées par Pollio dans la fugue, ou pour un «beau chant».

5 Quintes directes interdites, même si le discantus est conjoint.

6 Octaves directes interdites, sauf si le discantus est conjoint.

7 Tout retard doit être préparé et résolu.

8 Les fausses relations sont interdites.

9 Il faut que la sixte soit majeure pour monter à l'octave.

10 Il faut privilégier le mouvement contraire entre cantus et discantus.

11 Il faut éviter d'aller de la quinte à l'octave, et vice-versa (Loulié).

Règles mélodiques

1 On doit commencer par l'octave [ou l'unisson?], la tierce ou la quinte.

2 On doit conclure par l'octave, la quinte ou la tierce majeure [picarde].

3 Intervalles mélodiques interdits : triton, quinte diminuée, sixte majeure, septième et neuvième (Brossard).

4 L'imitation simple ou fuguée, brève ou étendue, peut se prendre sous deux for- mes: directe ou renversée. L'imitation concerne les intervalles et non le rythme.

5 L'imitation est autorisée à l'octave, la quinte ou la quarte.

6 La mutation est autorisée pour préserver le cadre tonal.

7 Notes étrangères : essentiellement note de passage (sur temps faible), et broderie.

L'exemple no 4 reproduit un extrait de l'antienne chantée aux Vêpres du samedi avant le premier dimanche de l'Avent et précédant le ~ a ~ n i f i c a t ( ~ ~ ) telle qu'elle apparaît dans l'ouvrage de Pollio :

(78) Le cantus firmus est disponible dans I'Anriphonale Monasticum (Paris-Tournai-Rome, Desclée, 1934), p. 186.

Exemple no4 Pollio, "Antienne Des feries pendant L'aventl

Samedi Avant Le ler Dimanche D'aventl A Vespresl Magnificat," Principes, p. XCVII.

' Ec- ce men 3.

II Ec- ce nomen Domini ve-

LSI Do-

II nit delon- nin-

L-J nit de ion- gin-*O

Wl et ch,,,

Dans cet exemple, on remarquera la présence d'une intonation avant l'entrée du d i s ~ a n t u s ( ~ ~ ) ,et la cohabitation des trois espèces de contrepoint recensées par nos théoriciens : l'imitation initiale à la quinte (mes. 4-7), le contrepoint note contre note (mes. 4-6) et le contrepoint fleuri (mes. 7-20). On remarquera encore le large usage des syncopes, le si bécarre injustifié de la mesure 9 qui forme un triton mélodique guère heureux avec le fa de la mesure 11,et les octaves parallèles peu élégantes entre le do de la mesure 9 et le la de la mesure 10: ces maladresses ne reflètent-elles pas la réalité de l'improvisation ?

('9 L'intonation est écrite en notes carrées; lorsque la partie improvisée entre, le plain-chant est noté en rondes. bien que le mètre soit de toute évidence 214. Le registre dans lequel le plain-chant doit-être chanté n'est pas clair, Pollio l'écrivant avec une «combinaison» entre la clé de fa 4e ligne (indiquant de le chanter à l'octave inférieure?) et une clé d'ut l e ligne. Comme les croisements entre cantus et dis-carztus sont interdits par les théoriciens, nous transcrivons avec une clé de ténor. Voir aussi la note 42.

Aspect littéraire du chant sur le livre

Peu d'auteurs se préoccupent du texte littéraire. Bien que le plain-chant soit dénaturé rythmiquement, et malgré son exécution sans égard au texte qu'il véhicule, les parties improvisées doivent être susceptibles d'expression. Pour Brossard, le choix du mode doit convenir aux paroles et au «beau chant» que le déchanteur se propose d'improviser (le «dessein»)(80). Pollio, lui, est beaucoup plus précis sur ce point. Tout d'abord, il considère que la connaissance du latin est indispensable afin d'éviter des contresens qui «depareroient la partie musical le^(^^). Ensuite, il demande que le déchanteur utilise des «desseins» (motifs) qui correspondent à «l'expression» des paroles, motifs qu'il pourra répéter dans plusieurs tons si nécessaire. Enfin, Pollio conclut qu'une

Belle musique qui n'a que peut [sic]ou point de rapport aux parolles peut bien remplir son objet phisique, mais ne remplira jamais son objet moral; c'est cependant ce dernier qui doit rendre tout habile artiste : car il n'est pas seulement necessaire de faire un certain Bruit, il faut plaire(82).

Cette dernière remarque en appelle deux autres : (1) son auteur réduit le déchan- teur à un simple «artiste», alors que celui-ci est avant tout un homme d'Eglise qui se doit de prier en pensant au texte plus qu'à la musique; (2) Pollio achève son raison- nement par une formule lapidaire («il faut plaire») qui s'appliquerait plus volontiers à la musique profane (l'opéra, par exemple) qu'à la musique liturgique. Le chant sur le livre ne doit-il pas avant tout transmettre le message biblique, même de manière austère ?

Remarquons enfin que le rapport textelmusique suggère à Ouvrard une hypo- thèse intéressante: pour lui, c'est du contrepoint en imitation sur le plain-chant qu'est née «la repetition en Musique des memes mots». Pour preuve, le théoricien soutient qu'il est plus agréable que le déchanteur répète plusieurs fois les mêmes paroles pen- dant que les chantres vocalisent sur une seule syllabe en entonnant le plain-chant(83).

L'influence du chant sur le livre

De toute évidence, les traités de chant sur le livre sont un écho de l'enseigne- ment du contrepoint pratiqué dans les maîtrises. Pollio s'adresse à la «jeunesse» qu'il doit former à l'art musical; Brossard fait souvent référence au «maistre». Tous deux supposent que leurs étudiants sont déjà rompus à la pratique du plain-chant: ceux-ci sont censés connaître les huit modes ecclésiastiques, tous les «chants de l'Office divin» et pouvoir les chanter à vue. Cet enseignement n'est probablement pas étran- ger à la conception du premier mouvement de la Messes des Morts d'André Campra,

BROSSARD,op. cit., f. 72r. POLLIO,op. cit., p. v.

(82) Ibid., p. lxviii. (83) OUVRARD,op. cit., f. 75r.

comme nous l'avons démontré ailleurs(84). Nous pourrions multiplier ces exemples en puisant dans les messes d'orgue du XVIIIe siècle, qui sont un autre reflet de cette pratique orale fondée sur le plain-chant. Il est, en effet, légitime d'assimiler le déchanteur à l'organiste improvisant sur des versets de plain-chant pour répondre au chœur. En guise d'illustration, nous reproduisons le début du «Premier Agnus» extrait du Premier Livre d'Orgue de Nicolas de Grigny. Le plain-chant (l'Agnus Dei de l'ordinaire IV) est en valeurs isochrones à la basse (notons la division binaire prônée par Brossard) et soutient une polyphonie à trois voix utilisant des ornements et les notes étrangères autorisées par nos auteurs, à savoir des notes de passages et des broderies(85). De plus, ce plain-chant ne génère guère d'imitations évidentes de la part des autres parties; seule la progression ascendante des trois premières notes fa, sol et la, fournit matière à développement. Finalement, l'on remarquera l'emploi fré- quent du mouvement contraire, mouvement conseillé par tous les théoriciens. Il ne manque guère à cet exemple que le texte latin pour en faire un véritable 'chant sur le livre noté'(86) :

Exemple no5 Grigny, "Premier Agnus", Premier Livre d'Orgue, p. 34.

(84) Cf. notre article «LeChant sur le Livre», pp. 59-60. (85) Nicolas de GRIGNY,Premier Livre d'Orgue (Paris, Le Mercier; Reims, l'auteur, 1699), p. 34; Gra-

duale Triplex (Paris, Abbaye Saint-Pierre de Solesmes; Tournai, Desclée, 1979), p. 727. D'après Elias Salomon, le théoricien rencontré ci-dessus, le contrepoint improvisé pouvait aussi se pratiquer sur les instruments; cf. CHARTIER, op. cit., p. 214.

(86) NOUS étudions le rapport entre polyphonie improvisée et polyphonie écrite dans «Le Chant sur le Livre en France au XVrne siècle: de la survivance d'une tradition orale ancienne à l'avènement d'un genre écrits, Actes du colloque «Un millennio di polifonia liturgica rra oralità e scrittura», Venise, 2-4 mai 1996.A paraître.

Conclusion

Au terme de ce survol, il semblerait que le chant sur le livre en France - une prati- que séculaire - reçut un regain d'intérêt dès la fin du XVIIe siècle auprès des théori- ciens. Si les embryons de traités d'ouvrard et de Brossard n'apportent pas grand-chose quant à la connaissance de ce contrepoint improvisé, les ouvrages de Loulié, Pollio et l'anonyme de 1777 sont riches d'enseignement. La Méthode de Loulié est concise, pragmatique et ne vise pas à décrire toutes les situations en fonction du cantus firmus. Dans une optique plus moderne, les quelques règles anonymes incluses dans un exem- plaire du Principe de l'art du chant de Lécuyer, sont remarquables de précision, et demeurent la meilleure source manuscrite disponible pour sa facilité à mémoriser et à mettre en pratique. L'ouvrage de Pollio, en revanche, se veut moderne, mais l'auteur y est aveuglé par l'usage de la basse fondamentale, qui obscurcit notablement l'exposé. Néanmoins, les Principes de Pollio élargissent la problématique à la composition à trois voix, l'auteur donnant de nombreuses «improvisations notées» à la fin de son ouvrage. A l'instar de ces modèles, des auteurs comme Adrien de La Fage et François-Louis Perne composèrent, à l'aube du romantisme, des Ordinaire de l'Office Divin et autres Ojfice de 1'Eglise qui ne sont rien d'autre que des exercices sans intérêt de contrepoint rigoureux à trois parties sur des plains-chants(87). Le chant sur le livre à la fin du XVIIIe et au début du X E e siècle n'était donc plus uniquement une simple tradition orale, il était aussi devenu un petit genre musical à part entière, mais un genre qui ne dura guère. En effet, dès 1838, Choron et La Fage étaient en mesure de déplorer que

la France, où le goût musical a été de tout temps plus ou moins aniéré, n'a jamais abandonné la manie d'improviser sur le plain chant [...], et si aujourd'hui [ca. 18381 le combat a cessé, ce n'est que faute de combattants; je dis le combat, et pour cause: car c'était bien une bataille perpétuelle, un massacre où tous les soldats semblaient s'égorger; c'était bien un champ de bataille que ces chœurs de cathédrales, où l'on entendait des chantres traîner sourdement les sons rauques du grave de leur voix, puis les hautes-contre criant à tue-tête, et les tailles leur correspondant du mieux possi- ble. Tous ces braves gens n'avaient pour cela d'autre règle que l'habitude; ils tâchaient de partir sur une des notes de l'accord, et pour le reste ils s'abandonnaient à la providence(8").

Ce tableau est peu flatteur, mais il résume parfaitement la pratique et les limites du chant sur le livre sous l'Ancien Régime. Il ne doit cependant pas décourager l'interprète moderne dans sa quête d'une réalisation polyphonique du plain-chant, réalisation qui devient urgente à retrouver pour qui désire appréhender tous les aspects de la musique liturgique de la France classique.

(87) Cf. Adrien de LA FACE (éd.), Ordinaire de I'OfJlce Divin arrangé en Chant sur le Livre par divers auteurs (Paris, auteur, Mme Hentz, Jouve, 1833) et PERNE, op. cir. D'autres exemples sont disponibles dans Alexandre-Etieme CHORON et Adrien de LA FACE, Manuel complet de Musique ou Encyclopé- die musicale, Partie élémentaire (Paris, Librairie encyclopédique de Roret, Schonenberger, s.d.).

(88) CHORONet LA FACE, Nouveau manuel.. ., seconde partie, tome III, p. 196. Une autre description peu louangeuse, datée de 1843 et due à René TIRON (enfant de chœur à la maîtrise d'Amiens entre 1771 et 1781), est citée dans DURAND, op. cit., pp. 42-43, n. 3 et MONTACNIER, «Le Chant sur le Livre*, pp. 62-63.

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Les sources manuscrites françaises du "Chant sur le livre" aux XVIIe et XVIIIe sièclesJean-Paul MontagnierRevue belge de Musicologie / Belgisch Tijdschrift voor Muziekwetenschap, Vol. 49. (1995), pp.79-100.Stable URL:

http://links.jstor.org/sici?sici=0771-6788%281995%2949%3C79%3ALSMFD%22%3E2.0.CO%3B2-L

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[Footnotes]

26 La fugue pour clavier en France vers 1700-1730: à propos des deux fugues de Pierre FévrierJean-Paul MontagnierRevue de musicologie, T. 76e, No. 2e. (1990), pp. 173-186.Stable URL:

http://links.jstor.org/sici?sici=0035-1601%281990%293%3A76%3A2%3C173%3ALFPCEF%3E2.0.CO%3B2-C

32 St. Mark's before WillaertIain FenlonEarly Music, Vol. 21, No. 4, Monteverdi I. (Nov., 1993), pp. 546-548+552+554-558+560-563.Stable URL:

http://links.jstor.org/sici?sici=0306-1078%28199311%2921%3A4%3C546%3ASMBW%3E2.0.CO%3B2-I

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