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L'UTILISATION DE «PROXIES» DU WEB POUR LA PRÉDICTION DES MARCHÉS: Une application au marché...

Date post: 27-Nov-2023
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Décisions Marketing N°57 Janvier-Mars 2010 – 9 Web prédictif L’UTILISATION DE « PROXIES » DU WEB POUR LA PRéDICTION DES MARCHéS Une application au marché cinématographique BERTRAND BELVAUX ET LAURENT FLORES D ans un contexte où les délais d’exploitation se raccourcissent, il n’a jamais été aussi im- portant pour l’entreprise de prédire l’évolu- tion future de ses activités. La justesse et la précision des prédictions commerciales contribuent à optimiser l’utilisation des ressources lors du lancement du pro- duit. Analyser la manière dont sont perçus les produits et marques constitue une préoccupation importante pour les praticiens du marketing. Ce besoin de mieux connaître les marchés explique en grande partie la croissance régulière du secteur des études que l’on ob- serve depuis de nombreuses années (croissance mon- diale de 6,5 % en 2007 selon l’Esomar). De nombreuses méthodes de prévision des ventes existent (tableau 1). La plupart du temps, les entreprises réalisent des études de marché, ou tests de potentiels, auprès de consomma- teurs pour anticiper le marché et ajuster leurs actions marketing. Cette approche a l’avantage d’être utilisable en amont du lancement et s’avère en général plutôt ef- ficace (pour exemple, 95 % des tests de potentiel réa- lisés par AC Nielsen BASES 1 donnent des prédictions à +/-20 % des ventes réelles du nouveau produit lancé). Cependant, l’importance des investissements ne per- met pas de se prémunir contre l’échec commercial de nombreux produits (selon AC Nielsen Bases, seuls 20 à 30 % des produits nouveaux dépassent l’année d’exploi- tation). Les méthodes actuelles de prédiction des marchés souffrent de plusieurs limites : coût, complexité dans l’utilisation, délais pour obtenir l’information et effica- cité parfois médiocre. Elles reposent généralement sur le principe d’interrogation du consommateur, ce qui conduit à deux principales limites méthodologiques : la relation intention-comportement et la représentativité des répondants. A l’heure où les produits se différen- cient de plus en plus par leurs dimensions hédoniques et sociales, la verbalisation des motivations devient pro- blématique pour les répondants. Par ailleurs, les taux de participation s’érodent d’année en année (pour 37 % des professionnels du secteur, il s’agit d’une des princi- pales menaces pour les 5-10 prochaines années, source : Etude Esomar - Vision 2010) et l’on peut observer une certaine professionnalisation des répondants. En riva- lisant d’ingéniosité, les sociétés d’études continuent à faire évoluer leurs techniques (marchés tests simulés réels, nouvelles formes de questionnaires, ou encore études de type prediction markets (11), mais l’interro- gation reste généralement le principe de fond. Bertrand Belvaux, MCF, Université Paris Panthéon-Assas LARGEPA. Contact : [email protected] Laurent Flores, MCF, Université Paris Panthéon-Assas LARGEPA, chercheur associé Inseec, Fondateur de CRM- METRIX. Contact : lfl[email protected] Les auteurs tiennent à remercier les lecteurs anonymes pour leurs commentaires qui ont permis d’améliorer cet article. Cet article propose de montrer l’intérêt des proxies du web à la prévision des marchés. Relativement faciles à collecter et peu coûteuses, ces mesures permettent d’analyser rapidement l’intérêt des consommateurs à l’égard d’un sujet, d’une marque ou d’un produit tout en évitant les biais liés au déclaratif. Elles peuvent être de remarquables indicateurs de l’évolution d’un marché.
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Décisions Marketing N°57 Janvier-Mars 2010 – 9

Web prédictif

L’UTILISATION DE « PROXIES » DU WEB POUR LA PRéDICTION DES MARCHéS

Une application au marché cinématographique

Bertrand BeLVaUX et LaUrent FLOreS

Dans un contexte où les délais d’exploitation se raccourcissent, il n’a jamais été aussi im-portant pour l’entreprise de prédire l’évolu-

tion future de ses activités. La justesse et la précision des prédictions commerciales contribuent à optimiser l’utilisation des ressources lors du lancement du pro-duit. Analyser la manière dont sont perçus les produits et marques constitue une préoccupation importante pour les praticiens du marketing. Ce besoin de mieux connaître les marchés explique en grande partie la croissance régulière du secteur des études que l’on ob-serve depuis de nombreuses années (croissance mon-diale de 6,5 % en 2007 selon l’Esomar). De nombreuses méthodes de prévision des ventes existent (tableau 1). La plupart du temps, les entreprises réalisent des études de marché, ou tests de potentiels, auprès de consomma-teurs pour anticiper le marché et ajuster leurs actions marketing. Cette approche a l’avantage d’être utilisable en amont du lancement et s’avère en général plutôt ef-ficace (pour exemple, 95 % des tests de potentiel réa-lisés par AC Nielsen BASES1 donnent des prédictions à +/-20 % des ventes réelles du nouveau produit lancé). Cependant, l’importance des investissements ne per-met pas de se prémunir contre l’échec commercial de nombreux produits (selon AC Nielsen Bases, seuls 20 à

30 % des produits nouveaux dépassent l’année d’exploi-tation).

Les méthodes actuelles de prédiction des marchés souffrent de plusieurs limites : coût, complexité dans l’utilisation, délais pour obtenir l’information et effica-cité parfois médiocre. Elles reposent généralement sur le principe d’interrogation du consommateur, ce qui conduit à deux principales limites méthodologiques : la relation intention-comportement et la représentativité des répondants. A l’heure où les produits se différen-cient de plus en plus par leurs dimensions hédoniques et sociales, la verbalisation des motivations devient pro-blématique pour les répondants. Par ailleurs, les taux de participation s’érodent d’année en année (pour 37 % des professionnels du secteur, il s’agit d’une des princi-pales menaces pour les 5-10 prochaines années, source : Etude Esomar - Vision 2010) et l’on peut observer une certaine professionnalisation des répondants. En riva-lisant d’ingéniosité, les sociétés d’études continuent à faire évoluer leurs techniques (marchés tests simulés réels, nouvelles formes de questionnaires, ou encore études de type prediction markets (11), mais l’interro-gation reste généralement le principe de fond.

Bertrand Belvaux, MCF, Université Paris Panthéon-Assas LARGEPA.Contact : [email protected] Laurent Flores, MCF, Université Paris Panthéon-Assas LARGEPA, chercheur associé Inseec, Fondateur de CRM-METRIX. Contact : [email protected] Les auteurs tiennent à remercier les lecteurs anonymes pour leurs commentaires qui ont permis d’améliorer cet article.

Cet article propose de montrer l’intérêt des proxies du web à la prévision des marchés. Relativement faciles à collecter et peu coûteuses, ces mesures permettent d’analyser rapidement l’intérêt des consommateurs à l’égard d’un sujet, d’une marque ou d’un produit tout en évitant les biais liés au déclaratif. Elles peuvent être de remarquables indicateurs de l’évolution d’un marché.

10 – Bertrand BELVAUX et Laurent FLORES

L’utilisation de « proxies » du Web pour la prédiction des marchés

Avec Internet, de nouveaux modes d’observation et d’analyse des consommateurs sont nés. Avec un usage démocratisé et de plus en plus inséré dans la vie quoti-dienne, les sphères virtuelles et réelles se rapprochent au point d’être parfois confondues. Ainsi, les manifesta-tions du public que l’on peut observer à l’égard d’un événement, une personne, un produit ou une marque y deviennent de plus en plus comparables. Internet de-vient une nouvelle place publique où se croisent et se rencontrent, comme dans les sphères plus réelles, les individus, les entreprises, etc. Ainsi, ce qui se passe sur Internet devient de plus en plus une représentation, une manifestation de ce qui peut s’observer dans la réalité. Les activités des internautes sur le web peuvent donc constituer de véritables proxies, des indicateurs de l’at-tractivité ou de l’intérêt d’une société pour un phéno-mène quelconque, utilisables dans les modèles de pré-diction des marchés.

Pour le professionnel des études de marchés, ces don-nées sont particulièrement intéressantes, car, dans les pays où la pénétration d’Internet est forte, tout phéno-mène de société (et particulièrement de consommation) peut ainsi être facilement observé par l’intermédiaire de la toile, à moindre frais et en limitant les biais liés à l’interrogation du consommateur. Cet article montre quelques opportunités offertes par la technologie liée aux réseaux Internet pour l’analyse de la popularité,

de l’attractivité d’une personne (homme politique, star, etc.), d’idées, de modes, de marques, de produits, etc. La première partie montrera en quoi le web, par l’ob-servation des comportements d’un nombre important d’individus, apporte des informations utiles à la prédic-tion des marchés. La deuxième soulignera les princi-paux avantages de ces nouvelles méthodes d’études de marché. Une troisième partie illustrera la manière dont ces proxies du web peuvent aider à mieux prédire les entrées de films cinématographiques, avant même le lancement sur le marché.

Le web : une manifestation de la dynamique des foules ?

Les technologies liées au réseau Internet s’intégrant de plus en plus dans la vie quotidienne des individus, il semble relativement intuitif de penser que les activi-tés réalisées sur le web peuvent devenir de véritables proxies des phénomènes d’attention ou d’intérêt por-tés par les individus. Cette intuition fait référence au concept de « sagesse des foules », champ peu étudié d’un point de vue académique, mais bénéficiant d’un début de popularité auprès des professionnels du mar-keting, notamment sous l’impulsion des écrits de James Surowiecki (16). D’après ce courant, l’agrégation d’in-

Tableau 1Avantages et inconvénients des méthodes de prévision

Méthode de prévision Avantages Inconvénients

Extrapolation du passé

- Coût faible - Efficacité des prévisions lorsque le marché est stable

- Délais d’obtention des données - Données parfois difficiles à agréger - Evénements exceptionnels difficiles à prévoir - Nécessite des historiques longs - Le passé n’explique pas forcément le futur

Utilisation de variables prédictives

- Utilisation facile - Coût faible - Efficacité des prévisions lorsque le marché est stable

- Prévisions pas forcément stables - Nécessite des historiques longs - Les variables prédictives ne sont pas forcément explicatives (pertinence du levier d’action ?) - Le passé n’explique pas forcément le futur

Modèles de simulation

- Prévisions très efficaces- Permet de donner des clés d’amélioration de la stratégie opérationnelle

- Essentiellement utile pour le lancement de produit - Nécessite de lancer préalablement le produit sur une partie du territoire - Prévision tardive, délai faible pour corriger les actions marketing - Peu confidentielle du fait de l’exposition du produit en conditions réelles sur une période relativement longue - Méthode coûteuse

Enquêtes auprès d’experts- Bonne connaissance du marché - Pertinence des avis sur l’évolution du marché

- Avis biaisés (partialité des experts) - Problèmes de confidentialité des informations - Nécessite des efforts et du temps

Enquêtes auprès de consom-mateurs

- Bons indicateurs pour la décision - Coûteuses et délais plus ou moins importants - Données déclaratives

Décisions Marketing N°57 Janvier-Mars 2010 – 11

Web prédictif

formations provenant d’un nombre important de per-sonnes converge mieux vers les vraies valeurs que les estimations d’experts. Ces derniers partageraient en ef-fet des cartes cognitives et des réseaux d’informations communs, et les interactions entre eux (notamment les imitations) conduiraient à une certaine myopie de leurs évaluations et de leurs prédictions. L’apport de la foule permettrait au contraire d’intégrer un ensemble beaucoup plus large d’informations, ce qui en moyenne, conduirait à une prédiction plus juste des phénomènes. Même si cette vision est un peu simpliste, elle met l’ac-cent sur l’idée de mesurer et d’utiliser l’attention portée par la population sur un phénomène, celle-ci signalant son importance et la dynamique future de celui-ci.

Ce courant de pensée a donné naissance aux marchés prédictifs (8, 15), dans lesquels on demande aux indivi-dus de parier sur un résultat particulier (résultat d’une élection, évolution d’un cours de bourse, réussite d’un film, etc.), les cotes finales reflétant l’opinion publique gé-nérale. Ces dernières permettent généralement d’avoir une assez bonne estimation de la réalité, car illustrant le potentiel du phénomène aux yeux de grand public. L’ensemble des paris forme une décision collective par-fois reconnue comme plus performante qu’un sondage en particulier. Dans le domaine politique, l’exemple le plus populaire est fourni par la prédiction du résultat des élections politiques par l’Université d’Iowa (9, 10). Le web a naturellement été utilisé pour mettre en place

des marchés prédictifs intégrant un nombre important de personnes. Dans le cadre du cinéma par exemple, le site Hollywood Stock Exchange (hsx.com), enregistre les paris de plus d’un million d’internautes américains sur le succès des films. D’après certaines recherches, les cotes finales constituent les meilleurs indicateurs dispo-nibles du succès futur des films (6).

En dehors de ces marchés prédictifs, de nombreuses autres informations web peuvent permettre d’observer les phénomènes de foules, citons par exemple :

– la popularité sur les moteurs de recherche et sur Internet (pagerank, évolution du volume de recherche sur mots-clés, évolution du trafic sur les sites Internet, nombre de pages référençant un mot-clé tapé sur un moteur de recherche) ;

– l’analyse des occurrences et des dispersions de ci-tations des marques et produits sur les blogs et forums ;

– l’analyse de l’évolution des fréquentations des pages internes, des fiches produits, etc. d’un site web à par-tir des outils d’analyse d’audiences de site appelés web analytics.

L’utilisation de ce type d’informations a notamment été utilisé dans le cadre de la prédiction des résultats à l’élection présidentielle française de 2007 (encadré 1).

Au final, toutes ces informations disponibles sur le web sont autant d’indicateurs susceptibles d’être utilisés

Encadré 1 : Un exemple d’utilisation de proxies du web pour la prédiction des résultats de l’élection présidentielle française de 2007

La mesure de visibilité sur le web proposée par la société Swammer2 se classe au deuxième rang, tous types d’analyses confondues, des firmes ayant prédit, avec plus ou moins de justesse, le résultat du second tour de l’élection présidentielle française. L’analyse des flux RRS se classe elle troisième. D’autres résultats disponibles dès juin 2006, mettaient déjà en avant l’étonnante capacité de « l’écho du web »3 (mesurant la présence ou visibilité de chacun des candidats grâce au nombre de pages référencées par Google) à reproduire les résultats de sondages sur les intentions de vote des Français (avec des corrélations supérieures à 0,9 voire plus selon les cas).

Institut Méthodes exploitéesEstimations (%) Ecart des estimations /

scrutinN. Sarkozy S. Royal

IFOP-CSA Sondage d’opinions 53,0 47,0 0,06 %

SWAMMER Veille stratégique d’images 52,6 47,4 0,46 %

BLASTFEED Analyse des flux RSS 53,8 46,2 0,74 %

AIXTAL Analyse presse écrite 52,3 47,7 0,76 %

IPSOS Sondage d’opinions 54,0 46,0 0,94 %

LH2 Sondage d’opinions 54,0 46,0 0,94 %

BVA Sondage d’opinions 52,0 48,0 1,06 %

OBSERVATOIREPRESIDENTIELLE

Analyse de la blogosphère 54,5 45,6 1,39 %

TNS SOFRES Sondage d’opinions 54,5 45,6 1,44 %

RESULTAT DU SCRUTIN 53,06 46,94Source : Swammer

12 – Bertrand BELVAUX et Laurent FLORES

L’utilisation de « proxies » du Web pour la prédiction des marchés

comme proxies de l’intérêt porté par la foule pour un produit, une marque ou plus largement une catégorie de produits. Nous revenons sur les avantages et l’intérêt de ce type de métrique pour les spécialistes des études de marchés.

Les avantages des mesures d’observation par Internet

L’observation sur Internet offre des informations com-plémentaires avantageuses pouvant aider à mieux com-prendre et quantifier les centres d’intérêt, et donc aider à prévoir les ventes futures. Il s’agit d’observation di-recte appareillée et automatisée. La méthode est non-intrusive, il n’y a pas d’interaction observateur-observé. Elle offre donc de précieux avantages (tableau 2).

Des données faciles d’accès et peu coûteusesLes proxies du web sont généralement très facilement accessibles. Les mesures d’audience, par exemple, per-mettent de connaître en temps réel les comportements de fréquentation des internautes sur chacune des pages d’un site web (encadré 2). Cette remontée instantanée d’informations constitue un avantage sur les études consommateurs qui demandent un délai de mise en ap-plication et d’analyse. De plus, l’obtention de ces infor-mations reste peu coûteuse. La mise en place d’un outil de mesure d’audience est la plupart du temps gratuite et permet d’accéder rapidement aux statistiques de fréquentation d’un site, via un tableau de bord ou une plateforme de consultation qui met en forme les résul-tats de façon visuelle. L’observation et le comptage du nombre de visites des pages produits d’un site web peut très vite renseigner le manager sur l’intérêt et la popu-larité des produits et services qu’il propose. La variable « nombre de visites » est dans ce cas un proxy intéres-sant qui peut permettre d’estimer l’intérêt d’un produit

nouvellement lancé par exemple. Plus le nombre de vi-sites est important et progresse, plus l’intérêt pour le produit peut alors s’avérer fort.

Des données d’observation directe des comportementsIl n’y a pas besoin d’interroger les individus pour me-surer leur intérêt à l’égard d’un sujet, d’une marque ou d’un produit, puisqu’ils le signalent en visitant les pages concernées ou en tapant leurs requêtes dans un moteur de recherche. Il n’y a donc pas de biais lié au déclaratif, ces mesures étant de nature comportementale. En ob-servant les actes des internautes liés à l’objet d’étude, on mesure un phénomène nécessitant davantage de ressources et d’implication que leurs déclarations. Ces mesures seraient finalement plus proches du compor-tement étudié, donc plus prédictives (2). L’intensité de ces réponses permettrait de déduire le niveau d’intérêt et l’attractivité générale des individus envers l’élément consulté, niveau permettant d’expliquer le comporte-ment de l’individu (12).

Des internautes de plus en plus représentatifs de la population françaiseLes internautes représentent désormais plus 60 % des français de plus de 11 ans (source Médiamétrie, février 2009) et le profil de l’internaute se confond de plus en plus avec celui du Français (source Ipsos, septembre 2008). Une mesure relevée à partir de l’audience Inter-net permet donc d’évaluer, avec une précision de plus en plus satisfaisante, l’intérêt général à l’égard d’un item.

Ces informations peuvent être utiles, sans pour autant toucher à la vie privée des internautes. Si relier l’identité de l’individu à ses activités est très utile à des fins de seg-mentation et de ciblage client, l’utilisation des proxies du web ne s’intéresse qu’aux phénomènes de masse, à l’agrégation des intérêts suscités par les internautes. L’essentiel est d’analyser à un niveau macro si le pro-

Tableau 2 Synthèse des avantages et inconvénients des méthodes d’études

Avantages Inconvénients

Enquêtes- données d’attitude- représentativité

- mesure déclarative - coût - délais d’obtention de l’information

Observation

- représentativité des données- richesse de l’information

- coût de la collecte des informations - données pas forcément utiles pour la prédiction- délais d’obtention de l’information - peu de collecte automatique

Observation des sites web

- disponibilité - coût faible - mesures comportementales, données d’observation directe des comportements- représentativité de plus en plus forte

- données macro (évaluation du marché)- pas d’information sur la valence de l’intérêt porté par l’internaute

Décisions Marketing N°57 Janvier-Mars 2010 – 13

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duit, la marque, etc. suscite de l’intérêt et une attractivité quelconque auprès du grand public.

L’intégration de ces proxies du web dans des modèles de prévision des ventes pourrait s’avérer fort utile. Ceux-ci ont pour objectif de réduire l’incertitude concernant l’avenir de l’activité commerciale et d’optimiser les res-sources à déployer lors de l’opérationnalisation de la stratégie marketing. Toutefois, il faut au préalable établir la fiabilité de cette méthode, tout en minimisant les coûts et les délais de mise en œuvre. Nous proposons une telle approche, dans un contexte de prédiction de marché menée dans le secteur de l’industrie cinématographique.

Les proxies du web appliqués à la prédiction du succès des films cinématographiquesLe cinéma constitue un bon secteur pour tester les nou-veaux modèles de prédiction, car il rassemble les prin-cipales limites auxquelles sont confrontés les modèles plus classiques : délai d’exploitation court, concurrence importante, volatilité des comportements, etc. Les mo-dèles développés dans le cadre du cinéma peuvent

donc ensuite aider à compléter les modèles de prédic-tion des marchés sur des catégories de produits moins « expérientiels » et plus durables.

Les spécificités du marché

La qualité de la prédiction des ventes est importante sur ce marché, car les délais d’exploitation sont courts et les investissements importants. Après avoir acheté le film au producteur, le distributeur cherche à amortir ce coût et optimiser sa rentabilité sur le marché, en ajustant le nombre de copies et les investissements promotionnels, avant et pendant l’exploitation de celui-ci. De la justesse de l’estimation du potentiel commercial découlera donc la rentabilité de l’exploitation du film. Le distributeur doit savoir si le marché lui sera plus ou moins favorable. Cependant, ces évaluations sont encore souvent réali-sées de manière intuitive, malgré un important courant de recherche récent sur ce domaine (1, 6,7, 14).

Méthodologie

Ce marché bénéficie en France d’un site web majeur : allociné.fr. Celui-ci draine environ 70 % de l’audience Internet sur le cinéma (source Médiamétrie-NetRatings, février 2008). Sachant que plus de 90% des cinéphiles

Encadré 2 : Les différentes méthodes de mesure d’audience et de fréquentation d’un site web

Il existe plusieurs familles de méthodes pour mesurer l’audience d’un site web.– Les mesures user centric Celles-ci sont centrées sur l’observation des comportements des internautes et en particulier de l’ensemble de leurs visites et navi-gations sur les sites web qu’ils peuvent visiter sur une période donnée. Les internautes dont on observe le comportement online sont sélectionnés pour faire partie d’un panel représentatif des Français connectés. Ils acceptent de télécharger un meter qui transmet de façon invisible à la société exploitante l’ensemble des statistiques de fréquentation des différents sites web qu’ils ont visités sur la période. Selon les cas, d’autres statistiques sont également disponibles tels que le taux d’ouverture d’e-mails, etc. En France, les principaux panels de mesure d’audience Internet sont ceux des sociétés Comscore et Médiamétrie-Netratings.– Les mesures site centricCes mesures reposent sur l’observation ou plutôt le « comptage » des visites par le site web lui-même. Ces mesures sont générale-ment réalisées en utilisant les web logs ou des tags javascript. Dans les web logs ou fichiers logs sont enregistrés tous les échanges entre le serveur hébergeant le site web et l’internaute. Ils ré-pertorient les informations du type nom de la page servie, adresse IP, type de navigateur, date, heure, etc. Un logiciel d’analyse se charge ensuite d’analyser les informations du fichier log et de les présenter sous forme de tableaux et de graphiques. Les tags javascript sont aujourd’hui les plus populaires et quantité de logiciels de web analytics se sont développés car plus souples, et plus riches en informations que les fichiers logs. Les plus connus en France portent le nom de Xiti ou encore Google Analytics. La plupart sont disponibles de façon gratuite pour leur version de base. Un tag javascript, inséré dans chacune des pages web, transmet au logiciel d’analyse les mêmes informations que les fichiers logs mais aussi les cookies, lien ou mot-clé qui ont permis au visiteur de trouver le site, etc. Les statistiques sont généralement disponibles le jour suivant ou en temps réel pour les logiciels et les versions les plus développés.– Développements plus récentsPour faire face aux inconvénients de ces approches, certains acteurs tels que Hitwise ou encore Compete (aux Etats-Unis) proposent des approches hybrides, intégrant des mesures comportementales (de fréquentations) et de profiling (des questions d’identification sont posées aux participants). Ils passent un accord avec des fournisseurs d’accès Internet qui les autorisent à suivre le comporte-ment de leurs abonnés online à des fins de mesure d’audience. On obtient ainsi des statistiques de fréquentation et un premier profil d’audience. La représentativité est donc limitée, même si les informations disponibles s’avèrent être très utiles pour un benchmark concurrentiel et pour des sites au trafic relativement important. Plus récemment encore, la mise à disposition gratuite de l’outil AdPlanner par Google permet également de disposer d’autres éléments de comparaisons de fréquentation par pays. D’autres études de profiling en continu, telles celles proposées par Crmmetrix (via son outil SiteCRM) permettent une connaissance approfondie de l’audience.

14 – Bertrand BELVAUX et Laurent FLORES

L’utilisation de « proxies » du Web pour la prédiction des marchés

sont internautes (source Médiamétrie Ciné-Hebdo), on peut estimer que les audiences de ce site sont approxi-mativement représentatives des comportements ciné-matographiques des Français.

Les entrées d’un film suivent très majoritairement une courbe décroissante semaine après semaine (à de rares exceptions près). Afin de prédire les entrées et d’en es-timer la dynamique, nous recourons à un modèle expo-nentiel négatif (encadré 3).

Ce modèle repose sur deux variables-clés de la réussite d’un film :

– le niveau d’entrées en première semaine d’exploita-tion (coefficient alpha) ;

– la vitesse de décroissance des entrées au fil des se-maines (coefficient bêta). Le coefficient alpha décrit la capacité du film à attirer les premiers spectateurs et mesure la performance de la campagne publicitaire. Le coefficient bêta, en re-vanche, signale la capacité du film à continuer à attirer

Encadré 3 : Le modèle exponentiel négatif

Ce modèle prend la forme suivante :

Avec t (semaine), Et (entrées en semaine t), f (film),

f (facteur d’ouverture du film f) et

f (facteur d’évolution du film f). Les para-

mètres ont été estimés pour chacun des films par la méthode des moindres carrés, après linéarisation de l’équation :

Encadré 4 : Méthodologie de l’étude

Un échantillon de 270 films a été observé sur une durée d’un an (de début 2006 à début 2007). L’observation des comportements web liés aux différents films a été réalisée à partir des statistiques du service allocinepro.com (service destiné aux professionnels communiquant les audiences détaillées du site allocine.com).

Les variables suivantes ont été étudiées : – entrées totales du film ;– nationalité du film (français, américain, européen et autres pays) ;– saison : coefficient mensuel à partir d’une période de 10 ans (1997 à 2007) ; – distributeur : nombre de films distribués sur la période (pour prendre en compte la taille du distributeur) ; – genre du film (14 classes) ;– budget production (budget officiel communiqué par le producteur) ;– acteurs : nombre de films où est apparu l’acteur avant la sortie du film (prise en compte des deux principaux acteurs du film) ;– réalisateur : nombre de films réalisés par le réalisateur avec la sortie du film ;– critiques : évaluation moyenne du film par un panel de dix principaux magazines et journaux ;– pages visitées : nombre de fois que la page dédiée au film sur le site allocine.com a été visitée la semaine précédent sa sortie en salles ;– BA : nombre de fois que la bande-annonce du film a été visionnée par les visiteurs du site allocine.com la semaine précédent sa sortie en salles.

Afin de réduire le nombre de variables nominales, des premières analyses (anova) ont conduit à montrer que :– la nationalité du film explique les entrées en salles : les films américains et français attirent davantage les spectateurs que les films européens ou provenant du reste du monde. La variable finale utilisée pour analyser l’effet de la nationalité est donc binaire (Américain-Français / Européen-reste du monde) ;– les effets du genre sur les entrées donnent lieu à quatre groupes homogènes que l’on peut nommer de la façon suivante : l’anima-tion, l’action, la comédie et le film dramatique (quatre variables binaires concernant le genre).

Afin de réduire les problèmes d’hétéroscédasticité des données et pour tenir compte des effets non-linéaires, les variables continues ont été transformées sous forme logarithmique (entrées, saison, distributeur, budget production, acteurs, réalisateur, critiques, pages visitées, BA). Au final, le modèle étudié est le suivant :

Décisions Marketing N°57 Janvier-Mars 2010 – 15

Web prédictif

Schéma 1 : Dynamique générale des entrées d’un film (exemple : le film La science des rêves)

des spectateurs au fil des semaines. Par exemple, il est généralement reconnu que le bouche-à-oreille contri-bue à ce rythme d’évolution des entrées (3, 13). Plus le coefficient bêta est important (en valeur absolue), plus les entrées diminuent à un rythme élevé semaine après semaine.

Dans ce cadre, prédire les entrées d’un film consiste à évaluer les paramètres alpha (entrées en première se-maine) et bêta (évolution des entrées) du modèle. La précision des prévisions au niveau des entrées est liée à celle de ces paramètres. Afin d’en estimer la valeur pour chacun des films, nous recourons aux variables classi-quement utilisées dans la prédiction des entrées ciné-matographiques (1, 6, 7, 14), auxquelles nous adjoignons les proxies du web (encadré 4).

Le site web étudié procure également de nombreuses autres informations (nombre de critiques émises par les internautes, d’alertes posées et de messages écrits dans les forums et les blogs). Cependant, bien qu’intéres-santes, ces informations concernent principalement des comportements réalisés après le lancement du film. Des analyses complémentaires ont montré que ces variables n’exercent pas de rôle significatif dans la prédiction des marchés lorsqu’elles sont analysées avant le lancement. Elles n’ont donc pas été intégrées à l’analyse finale.

Résultats

A l’instar de précédentes recherches (14), nous consta-tons que le modèle exponentiel négatif s’avère par-ticulièrement performant pour décrire la dynamique temporelle des entrées cinéma. En effet, une fois les paramètres du modèle connus, les estimations des en-trées par semaine sont assez précises (coefficient de corrélation = 0,972), l’erreur quadratique moyenne en première semaine étant inférieure à 65 000 entrées (schéma 1 pour illustration).Afin de mettre en évidence le rôle des proxies du web dans l’estimation des paramètres du modèle de prévi-sion des entrées, nous comparons un modèle utilisant

les variables explicatives classiquement utilisées (genre, acteurs, budget, etc.) à un autre intégrant également les données du web observées la semaine précédent la sor-tie du film (tableau 3).

Les entrées en première semaine sont assez bien éva-luées (coefficient alpha, R²=0,625). Le budget du film permet d’expliquer une bonne partie de ce démarrage. Cependant, toutes les autres variables ne semblent pas jouer, notamment la nationalité du film, son genre, l’ex-périence des acteurs, du réalisateur et les critiques pro-fessionnels (5). L’ajout des proxies du web contribue fortement à l’explication des entrées en première se-maine (la variance expliquée passe de 40,6 % à 62,5 %).

En revanche, la vitesse de décroissance des entrées s’avère difficile à estimer avec des variables disponibles uniquement avant le lancement du film (coefficient bêta, R²=0,213). Cela rejoint les constatations des pro-fessionnels et des chercheurs soulignant qu’une fois le film lancé, les critères d’attraction (comme les caracté-ristiques du film et la communication) ne jouent pas sur le rythme d’évolution des entrées, contrairement au bouche-à-oreille (3, 13).

Une fois ces paramètres estimés, il devient possible d’es-timer les entrées d’un film, semaine après semaine, avant son lancement sur le marché. L’ajout des proxies du web permettant d’améliorer la précision des paramètres du modèle, les prévisions sont meilleures (tableau 4).

Les proxies du web apportent un complément impor-tant d’information, réduisant ainsi l’incertitude de l’ex-ploitation du produit, d’où la mise en place d’un plan marketing plus efficace. Dans cette illustration cinéma-tographique, ces variables réduisent l’erreur quadra-tique moyenne d’environ 50 000 entrées en première semaine. Celle-ci décroît ensuite au fil des semaines. De nombreuses décisions peuvent être prises en fonction de ces prédictions, concernant par exemple l’évolution en termes d’écrans ou de la stratégie promotionnelle à adopter.

16 – Bertrand BELVAUX et Laurent FLORES

L’utilisation de « proxies » du Web pour la prédiction des marchés

Tableau 4Qualité des prévisions en veille de sortie

Tableau 3Le rôle des proxies du web dans la prévision des entrées

Sans Avec

Ln α b Ln α b

Coeff. t Coeff. t Coeff. t Coeff. t

Constante 10,571 24,997* -0,572 -4,836* 3,853 4,574* -1,532 -5,244*

Ln (saison) 0,615 1,534 0,034 0,763 0,186 0,582 -0,010 -0,092

Ln (distributeur) 0,026 0,245 0,003 0,086 0,007 0,088 0,006 0,190

Nation 0,255 1,191 -0,040 -0,663 -0,164 -0,899 -0,058 -0,917

Animation 0,430 0,857 0,109 0,775 0,612 1,546 0,106 0,774

Action 0,075 0,210 -0,081 -0,816 -0,380 -1,341 -0,147 -1,493

Comédie 0,324 0,140 -0,020 -0,196 -0,002 -0,008 -0,055 -0,546

Drame -0,020 -0,056 0,110 1,087 -0,178 -0,625 0,089 0,905

Ln (acteur principal) 0,014 0,214 0,009 0,511 0,072 1,383 0,010 0,548

Ln (acteur secondaire) 0,049 0,783 0,022 1,286 0,085 1,685 0,026 1,506

Ln (réalisateur) 0,101 1,319 -0,021 -0,986 0,068 1,129 -0,032 -1,505

Ln (budget) 0,379 5,419* -0,007 -0,371 0,081 1,266 -0,036 -1,628

Ln (critiques) 0,116 0,577 0,071 1,273 -0,131 -0,774 0,041 0,704

Ln (pages visitées) - - - - 0,371 3,139* 0,047 1,146

Ln (BA regardées) - - - - 0,399 3,737* 0,056 1,520

F (sign.) R²R² ajustéDW

7,122 (0,000)0,4060,3492,070

1,896 (0,041)0,1540,0731,987

13,924 (0,000)0,6250,5802,062

2,260 (0,009)0,2130,1191,995

* : significatif au seuil d’erreur de 5%Note : l’estimation des coefficients de régression n’est pas perturbée par l’autocorrélation des erreurs et les modèles semblent valides, car les tests de Chow montrent des valeurs de F de 0,319 pour le coefficient alpha et de 0,132 pour le bêta (sur les modèles complets).

Sans proxies du web Avec proxies du web

Coef. de corrélation

RMSE % d’erreurCoef. de

corrélationRMSE % d’erreur

Semaine 1 0,509 243 501 110,095 % 0,796 173 669 75,240 %

Semaine 2 0,428 163 984 77,332 % 0,697 128 311 56,600 %

Semaine 3 0,346 131 914 58,451 % 0,597 107 957 54,288 %

Semaine 4 0,359 105 221 54,748 % 0,541 87 811 52,848 %

Semaine 5 0,285 102 171 60,811 % 0,448 87 327 58,593 %

ConclusionNous avons montré que la simple observation des com-portements sur Internet offre de nouvelles perspectives à la prévision de marché. Pour l’industrie du cinéma en France, l’ajout de variables de fréquentation du site al-locine.fr améliore de façon significative la qualité d’un modèle de prévision des ventes classique. En augmen-tant la précision des prévisions, le décideur peut simple-ment et rapidement optimiser la répartition des risques,

mieux réorienter la promotion de ses films pour maxi-miser les chances de succès.

Ces résultats sont encourageants et suggèrent que l’ob-servation d’Internet constitue un bon indicateur des phénomènes liés à un événement, un individu, une marque, etc. L’analyse des comportements sur Internet pourrait donc être un bon complément, voire un subs-titut des méthodes classiques d’études de marché. Si l’intérêt du public peut être suscité par une campagne

Décisions Marketing N°57 Janvier-Mars 2010 – 17

Web prédictif

données simples et disponibles gratuitement sur Inter-net permet de simplement mieux décider. Dans cette perspective, la mise à disposition gratuite de Google AdPlanner ou encore de Google Trends offre à tous d’énormes possibilités pour une meilleure connaissance et compréhension des comportements online. Un res-ponsable de marque ou d’entreprise peut ainsi cerner les différentes dynamiques d’un marché, les forces en présence, les stratégies mises en place, et déceler rapi-dement les menaces et opportunités. La facilité d’accès à l’information implique de disposer de moyens simples et rapides pour intégrer ces possibilités dans la prise de décision quotidienne. Pour des entreprises qui dépen-dent fortement d’Internet dans leur développement, la capacité à mieux intégrer et digérer au quotidien ces nouvelles données et ressources issues de l’observation d’Internet est primordiale (4).

Cependant, la seule prise en compte des données com-portementales ne doit pas se faire au détriment du dia-logue que peut permettre d’installer une enquête ou encore un forum sur un site par exemple. Le meilleur exemple de l’importance de l’échange en continu avec les clients nous est peut-être fourni par l’industrie du web analytics elle-même, qui après avoir favorisé l’uti-lisation et l’optimisation des statistiques de fréquenta-tion des sites web, redécouvre l’intérêt du questionnaire pour apporter des informations supplémentaires que l’observation des comportements sur un site ne peut fournir. Cette nouvelle tendance de l’industrie du web analytics5 rappelle que l’analyse de données attitudi-nales et comportementales complémentaires permet une meilleure décision et un meilleur service pour ses clients. Apparaissent ainsi de belles perspectives de re-cherche pour contribuer au développement et à la vali-dation de ces nouvelles méthodes d’études de marchés, certains n’hésitant pas à prédire l’émergence d’une nou-velle science, la webométrie6 qui s’intéresse à l’analyse du corpus du web.

u

Notes

1 Voir htt://www.bases.com

2 Pour plus d’informations : http://www.swammer.com/fichiers/documents/contenu/DossierSpecial_Presiden-tielles-2_FR2.pdf

3 Pour plus d’informations : http://customerlistening.ty-pepad.com/customer_listening/2006/08/quand_lecho_du_.html

4 On the Predictability of Search Terms : http://googlere-search.blogspot.com/2009/08/on-predictability-of-search-trends.html

5 On parle d’écoute en continu des sites Internet : http://fr.crmmetrix.com/solutions/ecoute_des_sites_internet

6 Voir, par exemple les travaux de Gauvin, Université La-val, Canada (http://entreprisedigitale.typepad.com/main).

de communication, les comportements des internautes constituent des indicateurs intéressants de la perfor-mance publicitaire. Ces proxies du web peuvent donc compléter la boîte à outils du praticien. En émettant suffisamment tôt une vague de communication sur un nouveau produit (quelques semaines à quelques mois avant le lancement), ces indicateurs Internet captent l’écho suscité auprès du grand public et déterminent le potentiel de réussite. En fonction de ces premières estimations, il devient possible d’adapter le plan de lan-cement du produit.

L’application empirique centrée sur le marché ciné-matographique illustre la convergence des comporte-ments entre sphères virtuelles et réelles. Si le phéno-mène semble adaptable à d’autres secteurs de produits et services, moins expérientiels et plus durables (pour lesquels la recherche d’information préalable peut être moindre), des vérifications empiriques sont néces-saires pour pouvoir généraliser nos résultats. D’autres proxies, tels l’évolution du volume de recherche d’un mot-clé sur un moteur de recherche pourraient égale-ment permettre d’évaluer l’évolution d’un marché. A ce titre, un récent rapport de Google en date du 17 août 20094, confirme l’utilité du volume de recherches pour prédire l’évolution des ventes d’un certain nombre de marchés moins expérientiels que le cinéma. Citons pour exemple les marchés des motocyclettes, des voitures, des assurances auto ou encore le marché de l’immobi-lier (ventes des maisons et appartements), voire l’évolu-tion du taux de chômage en Allemagne et aux Etats-Unis.

Si les présents résultats soulignent l’amélioration signi-ficative des prévisions des entrées cinématographiques avant même la sortie du film, il peut également être intéressant d’intégrer les données comportementales du web en cours d’exploitation. Cela permettrait de mieux prendre en compte l’intérêt porté au produit par les premiers adopteurs et d’incorporer les effets de bouche-à-oreille qui permettent de mieux comprendre l’évolution du phénomène (3, 13).

Une autre limite tient en l’utilisation d’un site web où se concentre l’essentiel de l’audience cinéma en France. Si cela permet d’accéder à des échantillons de données suffisamment importants et représentatifs de la popula-tion, il n’en serait sans doute pas de même sur des sites plus confidentiels. Ceux-ci en effet, sont susceptibles d’attirer des audiences aux profils plus particuliers, mais non moins intéressants si l’on étudie les phénomènes de diffusion entre influenceurs et adopteurs potentiels.

Cette recherche illustre les challenges, mais aussi les opportunités, offerts par Internet pour la prise de dé-cision marketing. Il est aujourd’hui possible de mieux comprendre et anticiper les évolutions des marchés par l’observation et la prise en compte des comportements sur Internet. En effet, l’accès à l’information est de plus en plus facile et le plus souvent gratuit. Certes, trouver la bonne information prend du temps, mais comme nous l’avons illustré, l’observation et la prise en compte de

18 – Bertrand BELVAUX et Laurent FLORES

L’utilisation de « proxies » du Web pour la prédiction des marchés

Opinion Quaterly, 72, 2, 190-215.

(9) Forsythe R., Nelson F., Neumann G.R. et Wright J. (1992), Anatomy of an experimental political stock market, American Economic Review, 82, 1142-1161.

(10) Forsythe R., Rietz T.A. et Ross T.W. (1999), Wishes, expectations and actions : price formation in election stock markets, Journal of Economic Behavior and Organization, 39, 83-110.

(11) Kearon J. (2007), Predictive markets: is the crowd consistently wise ?, Actes du congrès annuel de la Market Research Society, mars 2007, Brighton.

(12) LaBarbara P.A. et Tucciarone J.D. (1995), GSR recon-sidered: a behavior-approach to evaluating and improving the sales potency of advertising, Journal of Advertising Re-search, 35, septembre-octobre, 33-53.

(13) Larceneux F. (2007), Buzz et recommandations sur Internet : quels effets sur le box-office ?, Recherches et Ap-plications en Marketing, 22, 3, 45-64.

(14) Sawhney M.S. et Eliashberg J. (1996), A parsimonious model for forecasting gross box-office revenues of motion pictures, Marketing Science, 15, 2, 113-131.

(15) Spann M. et Skiera B. (2003), Internet-based vir-tual stock markets for business forecasting, Management Science, 49, 10, 1310-1326.

(16) Surowiecki J. (2004), The wisdom of crowds, Anchor Books.

n

Références

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(2) Ajzen I. (1988), Attitudes, personality, and behavior, Chicago, Dorsey Press.

(3) Belvaux B. et Marteaux S. (2007), Les recommanda-tions d’internautes comme source d’information. Quel impact sur les entées des films au cinéma ?, Recherche et Applications en Marketing, 22, 3, 65-82.

(4) Davenport T.H. et Harris J.G. (2008), Competiting on Analytics: the new science of winning, Boston, Harvard Bu-siness School Press.

(5) Debenedetti S. (2006), L’impact de la critique de presse sur la consommation culturelle : un essai de synthèse dans le champ cinématographique, Recherche et Applications en Marketing, 21, 2, 43-59.

(6) Elberse A. et Eliashberg J. (2003), Demand and sup-ply dynamics for sequentially released products in inter-national markets: the case of motion pictures, Marketing Science, 22, 3, 329-354.

(7) Eliashberg J., Jonker J.J., Sawhney M.S. et Wierenga B. (2000), MOVIEMOD: An implementable decision support system for pre-release market evaluation of motion pic-tures, Marketing Science, 19, 3, 226-243.

(8) Erikson R.S. et Wlezien C. (2008), Are political mar-kets really superior to polls as election predictors ?, Public

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