+ All Categories
Home > Documents > Platelet Rich Fibrin (PRF) : un nouveau biomatériau de cicatrisation

Platelet Rich Fibrin (PRF) : un nouveau biomatériau de cicatrisation

Date post: 12-Nov-2023
Category:
Upload: independent
View: 0 times
Download: 0 times
Share this document with a friend
11
ARTICLE ORIGINAL Platelet Rich Fibrin (PRF) : un nouveau biomatériau de cicatrisation Biotechnologies et fibrine, plaquettes et cytokines, aspects immunitaires, implications thérapeutiques. 1 re partie : biotechnologies et fibrine Platelet Rich Fibrin (PRF): a new healing biomaterial 1st part: biotechnologies and fibrin S. Dohan a , J. Choukroun c , A. Dohan b , J.M. Donsimoni b , D. Gabrieleff a , F. Fioretti a , D. Dohan a,d, * a Hôpital Albert-Chenevier, 94000 Créteil, France b Centre antidouleur, 49, rue Gioffredo, 06000 Nice, France c Faculté de médecine dentaire, université Saint-Joseph, Beyrouth, Liban d Laboratoire de radiologie–imagerie–biophysique, faculté de chirurgie dentaire, 1, rue Maurice-Arnoux, 92120 Montrouge, France Reçu le 10 mai 2004 MOTS CLÉS Colle de fibrine ; Gel de fibrine ; PRF ; PRP Résumé Introduction. – Le PRF (Platelet Rich Fibrin) appartient à une nouvelle généra- tion de concentrés plaquettaires recherchant des modes de production simplifiés et sans manipulation biochimique du sang (héparine, EDTA, thrombine bovine, chlorure de calcium...). But. – Dans ce premier article, nous nous sommes intéressés à la molécule clé de tout concentré plaquettaire, la fibrine, afin d’en rappeler la nature, les fonctions angiogéni- ques et cicatricielles et les synergies entretenues avec certaines cytokines du milieu. Ces données nous permettent d’évaluer la portée biochimique des différentes technologies cherchant à utiliser la fibrine comme adjuvant chirurgical : les colles de fibrine, les cPRP (concentrated Platelet Rich Plasma) et enfin le PRF (Platelet Rich Fibrin). Conclusion. – En effet, la fibrine voit l’architecture de son assemblage tridimensionnel profondément perturbée par la plupart des modes de polymérisation artificielle mis en œuvre en clinique, en particulier par l’ajout massif de thrombine bovine. Seule la polymérisation lente issue du PRF semble actuellement se rapprocher d’une matrice de fibrine physiologique, et donc naturellement plus efficace pour la migration et la prolifération cellulaire, et donc pour la cicatrisation. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Dohan). Implantodontie 13 (2004) 87–97 www.elsevier.com/locate/implan © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.implan.2004.06.001
Transcript

ARTICLE ORIGINAL

Platelet Rich Fibrin (PRF) : un nouveaubiomatériau de cicatrisationBiotechnologies et fibrine, plaquettes et cytokines, aspectsimmunitaires, implications thérapeutiques.1re partie : biotechnologies et fibrine

Platelet Rich Fibrin (PRF): a new healingbiomaterial1st part: biotechnologies and fibrin

S. Dohan a, J. Choukroun c, A. Dohan b, J.M. Donsimoni b,D. Gabrieleff a, F. Fioretti a, D. Dohan a,d,*a Hôpital Albert-Chenevier, 94000 Créteil, Franceb Centre antidouleur, 49, rue Gioffredo, 06000 Nice, Francec Faculté de médecine dentaire, université Saint-Joseph, Beyrouth, Liband Laboratoire de radiologie–imagerie–biophysique, faculté de chirurgie dentaire,1, rue Maurice-Arnoux, 92120 Montrouge, France

Reçu le 10 mai 2004

MOTS CLÉSColle de fibrine ;Gel de fibrine ;PRF ;PRP

Résumé Introduction. – Le PRF (Platelet Rich Fibrin) appartient à une nouvelle généra-tion de concentrés plaquettaires recherchant des modes de production simplifiés et sansmanipulation biochimique du sang (héparine, EDTA, thrombine bovine, chlorure decalcium...).But. – Dans ce premier article, nous nous sommes intéressés à la molécule clé de toutconcentré plaquettaire, la fibrine, afin d’en rappeler la nature, les fonctions angiogéni-ques et cicatricielles et les synergies entretenues avec certaines cytokines du milieu. Cesdonnées nous permettent d’évaluer la portée biochimique des différentes technologiescherchant à utiliser la fibrine comme adjuvant chirurgical : les colles de fibrine, les cPRP(concentrated Platelet Rich Plasma) et enfin le PRF (Platelet Rich Fibrin).Conclusion. – En effet, la fibrine voit l’architecture de son assemblage tridimensionnelprofondément perturbée par la plupart des modes de polymérisation artificielle mis enœuvre en clinique, en particulier par l’ajout massif de thrombine bovine. Seule lapolymérisation lente issue du PRF semble actuellement se rapprocher d’une matrice defibrine physiologique, et donc naturellement plus efficace pour la migration et laprolifération cellulaire, et donc pour la cicatrisation.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (D. Dohan).

Implantodontie 13 (2004) 87–97

www.elsevier.com/locate/implan

© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.implan.2004.06.001

KEYWORDSFibrin gel;Fibrin glue;PRF (Platelet RichFibrin);PRP (Platelet RichPlasma)

Abstract The PRF (platelet rich fibrin) belongs to a new generation of platelet concen-trates, with simplified modes of production and without biochemical handling of blood(heparin, EDTA, bovine thrombin, calcium chloride...). In this first article, we wereinterested in the key molecule of all platelet concentrates, fibrin, in order to emphasizeits nature, angiogenic and cicatricial functions and its synergies with cytokines. Thesedata enable us to evaluate the biochemical range of various technologies using fibrin assurgical additive: fibrin adhesives, cPRP (concentrated platelet rich plasma) and PRF(platelet rich fibrin). The tridimensional architecture of fibrin is indeed deeply disturbedby most clinical processes of artificial polymerization, particularly by the massive bovinethrombin addition. Only slow polymerization resulting from the PRF process currentlyseems to approach a matrix of physiological fibrin, naturally more effective for themigration and the cellular proliferation, and thus for the cicatrization.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

La mise au point d’adjuvants chirurgicaux bioactifscapables de réguler l’inflammation et de potentia-liser la cicatrisation fait partie des grands défis dela recherche clinique. En effet, toutes les discipli-nes médicochirurgicales, en faisant appel aux capa-cités d’autoréparation des tissus, doivent faire faceà des phénomènes de remodelage tissulaire diffici-lement contrôlables et dont les conséquences àl’échelle de l’individu peuvent être dramatiques.

Parmi les nombreux protocoles développés, l’uti-lisation de colles de fibrine est déjà bien documen-tée. Mais leurs applications restèrent pendant long-temps limitées en raison de la complexité de leurmode de production et des risques de contamina-tion de pathologies infectieuses. L’essor de techno-logies sœur, celles des concentrés plaquettaires, apermis la mise au point de modes de productionsimplifiés et optimisés de ces colles de fibrine.L’une d’entre elle va même jusqu’à mimer unematrice cicatricielle ad integrum : le PRF.

Un peu de biologie...

Qu’est ce que la fibrine ?

La fibrine est la forme activée d’une moléculeplasmatique dénommée fibrinogène. Cette molé-cule fibrillaire soluble circule dans le plasma san-guin à une concentration de 2 à 4,5 g/l. C’est unemolécule de 46 nm de long dont le masse molécu-laire est de 340 kDa. Elle est faite de six chaînespolypeptidiques identiques deux à deux : deuxchaînes aA, deux chaînes bB et deux chaînes c. Leschaînes identiques se lient par leur extrémitéN-terminal au centre de la molécule au niveau dudomaine globulaire E. Les deux extrémités de lamolécule contenant les extrémités C-terminal sontdes domaines globulaires, appelés domaines D. Ledomaine E est lié aux domaines D par des segmentsoù les trois chaînes sont spiralées (Fig. 1.) [1].Le fibrinogène est massivement présent à la fois

dans le plasma et les granules a des plaquettes caril joue un rôle déterminant dans l’agrégation desplaquettes entre elles au cours de l’hémostase : ilse transformera en une véritable colle capable deconsolider l’amas plaquettaire dans un premiertemps, puis de former un véritable mur de protec-

Figure 1 Modélisation simplifiée en images de synthèse d’une molécule de fibrinogène.(D-TEP© v1.3).

88 S. Dohan et al.

tion le long d’une brèche vasculaire au cours de lacoagulation. En fait, le fibrinogène est le substratfinal de toutes les réactions de coagulation : pro-téine soluble, il est transformé en fibrine insolublepar la thrombine. Et le gel ainsi formé constitue lapremière matrice cicatricielle du site lésé.

Fibrine et hémostase

L’hémostase pourrait presque se résumer au colma-tage d’une brèche vasculaire à l’aide d’un lit defibrine, matrice initiale de tout processus de cica-trisation.Deux voies d’activation de la coagulation sont

classiquement décrites : la voie extrinsèque et lavoie intrinsèque qui se rejoignent au niveau del’activation du facteur X. Dans les deux cas, la voiefinale commune correspond à l’activation du fac-teur X. Ce facteur, une fois activé, s’intégrera dansun complexe appelé prothrombinase qui comprendégalement le facteur V activé, des phospholipidesde la surface cellulaire et du calcium. Ce complexeprotéolyse la prothrombine en thrombine. Et lathrombine clive alors le fibrinogène soluble en mo-nomère de fibrine permettant l’initiation de lapolymérisation du gel de fibrine.Une molécule de thrombine peut permettre la

polymérisation de 1000 fois son poids de fibrino-gène. En outre, la thrombine catalyse sa propreformation.Enfin, il est important de noter le rôle fondamen-

tal du calcium en tant que cofacteur au cours descascades de réactions enzymatiques menant à laconstitution du gel de fibrine.

Mécanismes biochimiques de la constitutiondu gel de fibrine

La thrombine clive d’abord extrémité N-terminaldes chaînes aA du fibrinogène. Cela démasque alorsles premiers sites de polymérisation du domaine E,qui se lient de façon non covalente aux domaines Dde monomères adjacents. Ce même phénomène sedéroule au niveau des chaînes bB du fibrinogène.L’établissement progressif de ces liaisons

(liaisons D–E) non covalentes entre monomères per-met la constitution d’une fibrille de fibrine, puis deprotofibrilles double-brin et enfin d’un réseau tri-dimensionnel qui gélifie la solution [1].Cependant ce premier polymère de fibrine est

instable, soluble dans l’urée. Il va être stabilisé parun dernier facteur de la coagulation, le facteur XIII(facteur stabilisant la fibrine : FSF) qui est activépar la thrombine. Ce facteur XIIIa permet aux mo-nomères de se lier entre eux de façon covalente parleurs domaines D (liaison D–D), l’alignement des

monomères réalisé par les liaisons non-covalentes(liaisons D–E) ayant permis le rapprochement de cesdomaines D (Fig. 2).Le réseau tridimensionnel de fibrine est alors

insoluble et emprisonne les globules rouges : lethrombus rouge définitif est ainsi formé.

Fibrine et cicatrisation

Suite à une lésion tissulaire, le caillot de fibrine vaêtre rapidement colonisé par des cellules inflam-matoires, des fibroblastes, des cellules endothélia-les qui vont le remodeler en un tissu de granulationpuis en tissu conjonctif mature [2].En effet, si la matrice de fibrine constituée lors

de la coagulation permet d’obturer la brèche vas-culaire, elle constitue également un guide essentielpour orchestrer cette cicatrisation. Par sa configu-ration spatiale, par l’exposition de ses résidus seliant aux intégrines et par les facteurs de croissancequ’elle renferme, cette matrice de fibrine va per-mettre le recrutement, la migration, l’adhésion etorienter la différenciation des différents types cel-lulaires nécessaires à la reconstruction tissulaire.De plus, l’association de cette matrice provisoire

de fibrine avec la fibronectine stimule l’afflux desmonocytes [3], des fibroblastes [4] et des cellulesendothéliales. En fait, il a même été montré qu’unematrice de fibrine ou de fibronectine pouvait mo-duler la réponse des fibroblastes à certaines cyto-kines et moduler l’expression des intégrines à lasurface des cellules endothéliales [5].L’effet capital de cette matrice transitoire sur

les différents types cellulaires peut être égalementévalué lorsqu’elle persiste dans le tissu suite à undéfaut de la fibrinolyse. En effet, quand cettematrice ne peut être dégradée, elle semble induireune fibrose du site. Ainsi des dépôts de fibrineassociés à une suppression de la fibrinolyse ont étédétectés chez les patients atteints de fibroses pul-monaires. De même, des souris transgéniques su-rexprimant le PAI (inhibiteur de l’activateur duplasminogène) accumulent plus de collagène suiteà une blessure et celles n’exprimant pas le plasmi-nogène ont une cicatrisation cutanée sérieusementretardée [2].Enfin, d’un point de vue immunitaire, les fibrino-

peptides issus de la dégradation de la fibrine par laplasmine [6] sont de puissants chemoattractantspour les neutrophiles et les monocytes.

Fibrine et angiogénèse

L’angiogenèse correspond à la formation de nou-veaux vaisseaux à partir des cellules endothélialesdes vaisseaux résiduelles. C’est une étape fonda-mentale pour tout phénomène de cicatrisation.

89Platelet Rich Fibrin (PRF) : un nouveau biomatériau de cicatrisation

La rupture de la membrane basale provoque lapremière stimulation « matricielle » des cellulesendothéliales, puis c’est la matrice transitoireconstituée de fibrine, de glycoprotéines circulantes(fibronectine, vitronectine...) et de cytokines asso-ciées, qui orchestre l’angiogenèse. Ces moléculesvont en particulier orienter la prolifération de cescellules ainsi que leur expression de protéases re-modelant la matrice.Pour comprendre les mécanismes qui génèrent la

formation des tubes et l’invasion de la matrice defibrine par les cellules endothéliales, il existe unmodèle : des cellules endothéliales de microvais-seaux humains sont incorporées dans une matricetridimensionnelle de fibrine et forment des struc-tures tubulaires de type capillaire [7].Dans ce modèle, pour que l’angiogénèse s’initie,

il faut que les cellules soient exposées simultané-ment à un facteur angiogénique (VEGF, FGFa,b,HGF et angiopoïetine) et à du TNF-a [7]. Les struc-tures tubulaires sont visibles dés le 2e ou 3e jourpuis s’étendent dans le gel de fibrine en un réseaucomplexe en cinq à dix jours.L’étude en microscope électronique de ces gels

révèle une dégradation importante de la fibrineadjacente aux cellules envahissantes. Ce qui sug-gère que de nombreux processus de protéolyse sont

menés par les cellules endothéliales. À ce titre lesactivités de la plasmine et du PA-u membranaire(activateur du plasminogène) jouent un rôle majeurdans l’invasion de la fibrine par les cellules endo-théliales, comme l’ont montrées les différentesexpérimentations visant à inhiber ces deux protéa-ses [7,8]. Ceci pourrait expliquer l’importance duTNF-a dans l’angiogenèse. En effet, il induit à lafois l’expression du PA-u et de nombreuses MMPs(métalloprotéases matricielles) par les cellules en-dothéliales [9].S’ils permettent d’étudier l’effet des différentes

cytokines, les modèles d’angiogenèse permettentégalement de démontrer à quel point les propriétésstructurales de la matrice de fibrine dictent l’an-giogenèse. Ainsi une étude [10] s’est attachée àcomparer le comportement des cellules endothé-liales dans des gels de fibrine différents structura-lement de part leur pH de polymérisation. Ceuxpolymérisés à pH 7 sont malléables et opaquesconstitués de fibres épaisses. En revanche, polymé-risés à pH 7,8, les gels sont rigides, translucides,faits de fibres fines et moins sensibles à la plas-mine. Ceux polymérisés à pH 7,4 ont des propriétésintermédiaires. Les cellules endothéliales sont dé-posées à la surface de ces différents gels. Suite àune induction de type FGFb/TNF-a ou de type

Figure 2 Modélisation théorique en images de synthèse de la constitution d’une fibrille de fibrine. Dans un premier temps, des liaisonsnon covalentes permettent l’alignement des molécules de fibrinogène activé (a), puis l’action du facteur XIII permettra l’établisse-ment de liaisons covalentes qui stabiliseront la molécule de fibrine (b) et permettront l’assemblage d’un long polymère stabilisé (c).(D-TEP© v1.3).

90 S. Dohan et al.

VEGF/TNF-a, la croissance des capillaires est beau-coup plus importante dans les gels souples. Cepen-dant, plus le gel est rigide plus ces structuresnaissantes sont stables. En effet, les gels pH 7 rapi-dement lysés perdent prématurément leur fonctionde charpente matricielle.Cette importance de la stabilisation de la ma-

trice de fibrine est connue et en particulier cellepermise par le facteur XIIIa ou par la transglutami-nase tissulaire. On sait, en effet, que l’administra-tion in vivo de transglutaminase tissulaire et lesliaisons covalentes stabilisatrices de la fibrine quis’ensuivent améliorent la cicatrisation [11].D’autres auteurs [12] ont modifié la structure

des gels de fibrine en incorporant des héparinoïdes.On aboutit alors à des gels plus rigides, mais égale-ment à une croissance plus réduite des structuresvasculaires. De même l’expression d’une fibrinemutée au niveau d’un site cible de la transglutami-nase tissulaire (stabilisation) modifie l’angioge-nèse. L’adhérence des cellules endothéliale n’estpas modifiée mais la formation des structures tubu-laires est remarquablement ralentie [13] à cause decette différence structurale de la fibrine.La structure spatiale de la fibrine est donc un

élément déterminant de la progression de l’angio-genèse in vitro. Tout d’abord parce qu’elle déter-mine la sensibilité de la fibrine à la protéolyse, etensuite parce qu’elle module la croissance des cel-lules endothéliales. De plus, l’incorporation de vi-tronectine et d’autres protéines plasmatiques amé-liorerait la colonisation du gel par les différentstypes cellulaires.Ainsi, toutes ces études permettent de montrer

que la vitesse et la qualité de l’angiogenèse sontmodulées par la structure de la matrice de fibrine,les molécules qui y sont associées mais aussi lesprotéases que synthétisent les cellules endothélia-les et les autres cellules colonisant le caillot.Forts de ces connaissances biochimiques élémen-

taires, nous pouvons désormais nous intéresser auxdifférents protocoles mettant en œuvre des adju-vants chirurgicaux à base de fibrine.

Colles de fibrine : les adjuvantschirurgicaux

Malgré le développement de techniques chirurgica-les antihémorragiques efficaces, la recherched’agents hémostatiques est un problème récurrent.Il en existe une grande variété, qu’il s’agissed’éponges de collagène, de cellulose oxydée ou decolles cyanoacrylates synthétiques. Au sein de no-tre arsenal thérapeutique, les colles de fibrine sontcertainement les mieux documentées ; elles exis-

tent depuis plus de 30 ans [14], et ont fait l’objetd’essais thérapeutiques dans toutes les configura-tions chirurgicales. Leur principal atout provient deleur nature même. À base de fibrinogène, ellescorrespondent à un mécanisme biologique naturelamplifié de manière artificielle : la polymérisationde la fibrine au cours de l’hémostase.Mais pendant longtemps, elle présentait l’incon-

vénient d’être des produits dérivés du sang : pro-duites par l’industrie pharmaceutique (par exem-ple, le Tisseel® de Baxter Healthcare Corp.), ellesprésentaient un risque de contamination virale,minime mais pas nul. Et les outils simplifiés néces-saires à la fabrication de colles de fibrine autolo-gues ne furent développés qu’avec l’essor de tech-nologies sœur, celles des concentrés plaquettairesde type cPRP.

Modus operandi

Le mode de fonctionnement des colles de fibrinereproduit les dernières étapes des cascades enzy-matiques de la coagulation, au cours desquelles lefibrinogène est converti en fibrine en présence dethrombine, de facteur XIII, de fibronectine etd’ions calcium [15].Le kit commercialisé par Baxter Healthcare

Corp. (Tisseel®) en est le parfait exemple. Il secompose :

• d’un concentré de fibrinogène lyophylisé, asso-cié à de la fibronectine et à du facteur XIII ;

• d’une solution d’aprotinine (inhibiteur des pro-téases) d’origine bovine, à l’activité antifibri-nolytique permettant d’accroître la durée devie du scellement de fibrine ;

• d’un concentré de thrombine bovine ;• d’une solution de chlorure de calcium.Dans un premier temps, le fibrinogène est mé-

langé à la solution d’aprotinine, et la solution Aainsi constituée est réchauffée à 37 °C. Puis, lathrombine bovine est mélangée à la solution dechlorure de calcium : on obtient alors la solution B.Les solutions A et B sont mélangées au moment

de l’application de la colle grâce à un emboutautomélangeur monté sur une seringue à deux car-touches.Il est important de noter que la rapidité de la

prise de la colle est fonction des quantités dethrombine utilisées pour reconstituer la solution B.En général, on recherche une activité hémostati-que, ce qui implique une prise rapide de la colle etun taux de thrombine élevé. Cependant, il demeurepossible de choisir une prise lente, même si l’onsacrifie alors une grande part de l’intérêt chirurgi-cal de cet adjuvant.Ce dernier point est important pour comprendre

le devenir biologique de notre colle.

91Platelet Rich Fibrin (PRF) : un nouveau biomatériau de cicatrisation

De nombreuses applications cliniques

Malgré de considérables variations entre tous lesprotocoles décrits dans la littérature, la plupart desétudes démontrent l’efficacité des colles de fibrinepour contrôler des foyers de saignements lents etdiffus, ainsi que les exsudats lymphatiques, lescollections séreuses et de manière générale tous lessaignements diffus des parenchymes. Cependant,ces colles ne permettent pas le contrôle d’hémor-ragies artérielles ou veineuses importantes, et neremplaceront en aucun cas la maîtrise d’une tech-nique chirurgicale de contrôle des hémorragies enamont [15].Les colles de fibrine trouvèrent de nombreuses

applications en chirurgie cardiothoracique et vas-culaire. Par exemple, en chirurgie cardiaque, cescolles ont été utilisées avec succès pour le scelle-ment des foyers de saignements microvasculairesdiffus par application en spray.Mais les colles de fibrine sont avant tout connues

pour leurs applications idéales dans le scellementdes berges de plaies et la réapplication des revête-ments cutanés en chirurgie plastique et général.Les chirurgiens utilisent alors tant les propriétésmécaniques de la colle que les propriétés biologi-ques cicatricielles de la fibrine.Ces colles furent également particulièrement

bien décrites en chirurgie orale et maxillofaciale.Le scellement par colle de fibrine est classique-ment décrit pour réduire le risque d’hématomepost-opératoire et accélérer la cicatrisation [16].Au final, de nombreuses disciplines chirurgicales

tentèrent l’application de ces colles dans la plupartdes sites opératoires, d’abord chez l’animal puisparfois chez l’Homme. Les résultats sont assez hé-térogènes, et même parfois controversés : c’est enparticulier le cas en orthopédie ou en neurochirur-gie, où le scellement de dure-mère ou de nerfs enchirurgie réparatrice traumatique ou tumorale de-meure peu documenté.Au final, ces adjuvants demeurent avant tout des

colles dont les principales activités biologiques sontl’adhérence aux tissus et la biodégradabilité.

Les cPRPs (concentrated Platelet RichPlasma) : colle biologique ou thérapiecellulaire ?

Face au risque de transmission des hépatites, lescolles de fibrine commercialisées furent interditesaux États-Unis dès 1978. Dès lors, les tentatives demise au point de colles de fibrine autologues devin-rent de plus en plus nombreuses, mais avec des

succès mitigés. En effet, il était difficile d’obtenirpar une technique « artisanale » des taux de fibri-nogène aussi élevés que dans un produit industrielde type Tisseel®. Et lorsque la technologie permet-tait la production d’une colle autologue accepta-ble, le praticien se heurtait à des protocoles extrê-mement longs et complexes : lorsque Tayapongsakdécrit son AFA (Autologous fibrin Adhesive) en 1994[17], colle de fibrine autologue lui servant à main-tenir les fragments des greffes osseuses dans unemasse cohérente (afin d’éviter les séquestres os-seux postopératoires), il utilise un sang prélevé uneà trois semaines avant l’intervention et nécessitantdeux jours de manipulation avant d’être prêt àl’emploi !Ces efforts auraient pu rester vains, mais l’appa-

rition d’un nouveau concept thérapeutique permitle brutal essor de ces technologies si longtempsquiescentes : les concentrés plaquettaires, en sur-fant sur l’engouement des cliniciens pour leconcept de thérapie cellulaire par facteurs decroissance, ont relancé la recherche technologiquesur les colles de fibrine autologues. Mais ces adju-vants chirurgicaux sont-ils encore de simples collesde fibrine ?

Définitions

Au sens strict, les concentrés plaquettaires PRP(Platelet-Rich Plasma) sont des produits dérivés dusang utilisés pour la prévention et le traitement deshémorragies dues à des thrombopénies gravesd’origine centrale : aplasie médullaire, leucémieaiguë. Elles demeurent donc d’un usage très limité.Les concentrés plaquettaires utilisés comme ad-

juvants chirurgicaux ont donc été arbitrairementdénommés PRP, comme les concentrés plaquettai-res standards de l’hématologie transfusionnelle.Or, les protocoles décrits utilisent en général unedouble centrifugation, afin de concentrer davan-tage les plaquettes à recueillir. Pour reprendrecette erreur de vocabulaire, bien des noms ont étéproposés : cPRP (concentrated PRP) [18], PRGF(Plasma Rich Growth Factors) [19], etc. Ils sem-blent cependant que le terme de cPRP (concentra-ted Platelet Rich Plasma) soit le plus simple et leplus adéquat.Ces protocoles sont fondés sur une idée simple :

la prise de sang se fait juste avant l’intervention, etle prélèvement est immédiatement transformé enconcentré plaquettaire à l’aide d’un séparateur decellules tout droit sorti du laboratoire d’hématolo-gie (les premières années) puis à l’aide de machinesde plus en plus spécifiques, simples et automati-sées (dont l’exemple le plus étonnant est la HarvestSmartPReP®) [20]. Le concentré plaquettaire est

92 S. Dohan et al.

ensuite combiné avec de la thrombine et du chlo-rure de calcium afin de provoquer l’activation mas-sive des plaquettes concentrées et la gélificationde la préparation.C’est à ce stade que sont normalement libérées

les cytokines plaquettaires, dont les vertus cicatri-cielles sont déjà bien documentées. Et c’est cetteidée de thérapie par adjonction de facteurs decroissance autologues qui généra un engouementcroissant des cliniciens pour cette approche bio-technologique de la potentialisation des cicatrisa-tions.

Modus operandi

Il existe de nombreux protocoles différents pourmettre en application le concept de cPRP. Mais onpeut schématiquement les diviser en deux fa-milles : les techniques lourdes utilisant des sépara-teurs de cellules d’hématologie et les techniquessimplifiées, commercialisées sous forme de kits,qui utilisent une centrifugation en deux temps pourrécupérer un culot de concentré plaquettaire. Cesderniers systèmes sont de plus en plus automatisés,ce qui a permis le développement exponentiel deleur mise en œuvre clinique.Nous décrirons donc un concept général plus

qu’un système particulier :• le sang veineux est prélevé sous anticoagulant,afin d’éviter l’activation et la dégranulationplaquettaires ;

• une première centrifugation (« soft spin »)permet la séparation du sang en trois stratesdistinctes (Fig. 3) :C au fond du tube, un culot d’hématies et deleucocytes, qui occupe 55 % du volume total ;

C en surface, un plasma acellulaire, principa-lement constitué de molécules plasmatiquescirculantes (en particulier le fibrinogène) etpauvre en plaquettes, dénommé PPP(Platelet-Poor Plasma ou plasma pauvre enplaquettes). Il occupe 40 % du volume total ;

C entre les deux, une strate où les concentra-tions en plaquettes (et en fibrinogène) sontlargement accrues. Elle ne fait que 5 % duvolume total et son aspect blanchâtre carac-téristique l’a fait appeler « buffy coat »(manteau blanchâtre). C’est elle qui compo-sera la majeure partie du futur cPRP, mais àce stade, elle est encore difficilement sépa-rable de façon scientifique des autres stra-tes.

• à l’aide d’une seringue stérile, on aspire lePPP, le PRP et un peu d’hématies (attirées demanière malencontreuse et systématique aucours de la manœuvre). Puis l’ensemble est

transféré dans un autre tube, sans anticoagu-lant ;

• ce second tube subira à son tour une centrifu-gation, décrite comme devant être plus longueet plus rapide que la précédente (« hardspin »). Elle permet de faire sédimenter lesplaquettes au fond du tube, de manière àobtenir à nouveau trois strates distinctes(Fig. 3) :C quelques hématies résiduelles piégées aufond du tube ;

C une masse de plasma acellulaire (PPP) occu-pant 80 % du volume total ;

C entre les deux, une couche blanchâtre : lecPRP ;

• à ce stade, il devient aisé de recueillir le cPRP.Avec une seringue, on se débarrasse de lamajeure partie du PPP, de manière à n’enlaisser que le strict nécessaire à la remise ensuspension des plaquettes concentrées. Puis onagite l’ensemble est l’on obtient un cPRP ensuspension prêt à l’emploi.À noter que les hématies piégées au fond du tube

sont, elles aussi, remises en suspension par cettedernière manœuvre, ce qui explique l’aspect rosédu cPRP final ;

• il ne reste plus qu’à mélanger le cPRP avec dela thrombine bovine et du chlorure de calciumau moment de l’application grâce à une serin-gue d’automélange. Cette dernière étape per-mettra la gélification du concentré plaquet-taire par la polymérisation du fibrinogène(concentré également au cours de la prépara-tion du cPRP) qui constituera une trame defibrine aux propriétés hémostatiques et adhé-sives particulièrement intéressantes.De plus, l’application du cPRP peut se faire en

gel ou en spray (selon l’embout choisi pour laseringue). Dans les deux cas, la polymérisation dela fibrine se fait en quelques minutes. À noter quepour obtenir un gel plus dense, voire une mem-brane à base de cPRP, il est possible de rajouter duTisseel® à notre mixture [21].

Des résultats cliniques indissociablesde l’activité de la fibrine

Les cPRP sont des technologies très récentes, maisdéjà bien documentées. Malheureusement, les pre-miers résultats semblent indiquer que leurs effetssont très proches de ceux observés avec des collesde fibrine conventionnelles. En effet, l’effet poten-tiel des cytokines plaquettaires, pourtant massive-ment relarguées au sein de nos préparations, sem-ble extrêmement limité dans le temps, laissant laplus grande part de l’effet biologique de l’adjuvant

93Platelet Rich Fibrin (PRF) : un nouveau biomatériau de cicatrisation

chirurgical à la seule matrice de fibrine ; celle-ciest sensée servir de support à l’action des cytoki-nes, mais ces petites molécules solubles semblentrelarguées trop violemment pour être incorporéesintimement au sein du gel de fibrine en cours depolymérisation. Cette dernière théorie pourrait ex-pliquer les effets mitigés, voire controversés, deces préparations dès que l’on soustrait l’effet de lafibrine ; cependant, de nombreuses études sontencore nécessaires pour valider cette idée.

Le PRF (Platelet Rich Fibrin) :une matrice naturelle

Modus operandi

Le PRF a été mis au point en France par Choukrounet al. [22]. Cette technique ne nécessite ni anticoa-gulant, ni thrombine bovine (ou tout autre agentgélifiant). Il ne s’agit que de sang centrifugé, sansaucun ajout, ce qui lui permet d’esquiver toutes lesrestrictions des lois françaises liées à la réimplan-tation de ce qui pourrait être considéré comme undérivé de produit sanguin.Le protocole est très simple : un prélèvement de

sang total est réalisé dans des tubes de 10 ml sansanticoagulant qui sont immédiatement centrifugésà 3000 tours/minute (soit environ 400 G selon noscalculs) durant dix minutes.L’absence d’anticoagulant induira l’activation,

en quelques minutes, d’une grande partie des pla-quettes contenues dans notre prélèvement au

contact des parois du tube, et le déclenchementdes cascades de réaction de la coagulation. Lefibrinogène est dans un premier temps concentrédans la partie haute du tube, avant que la throm-bine circulante ne fasse son effet et ne le trans-forme en fibrine. On obtient ainsi un caillot defibrine en plein cœur de la masse de plasma acel-lulaire (Fig. 4), dont on suppose qu’il contient unmaximum de plaquettes piégées au sein des maillesde fibrine.

Figure 3 Concept technologique de production de cPRP.

Figure 4 La centrifugation de sang total, immédiatement aprèsle prélèvement, permettra la constitution d’un caillot de fibrinestructuré et résistant au cœur du plasma acellulaire, et s’éten-dant jusque dans les premières strates du culot d’hématies.

94 S. Dohan et al.

Au final, le protocole PRF permet donc de re-cueillir un caillot de fibrine chargé de sérum plas-matique et enrichi en plaquettes. Et en chassant lesfluides piégés dans cette trame de fibrine, on ob-tiendra une membrane très résistante à base defibrine pontée.

Une biologie encore méconnue

La grande particularité de cette méthode provientde l’absence d’anticoagulant : elle déclencheradonc inexorablement l’activation massive de toutesles plaquettes, et ainsi le relargage de toutes lescytokines qu’elles contiennent. S’il est fort proba-ble que ces molécules solubles soient partiellementpiégées dans les mailles de fibrine du PRF, aucundosage comparatif n’est encore venu étayer cettethéorie.L’objectif de cette série d’articles sera donc

d’approfondir l’ensemble des mécanismes biologi-ques associés au PRF, de les corréler aux résultatsdéjà validés en clinique et d’entrevoir de nouvellesperspectives pour l’utilisation de ce biomatériauprometteur.

Discussion

Polymérisations différentes, biologiesdifférentes

L’une des principales différences entre les colles defibrine, les cPRP et le PRF provient de leur mode degélification. En effet, colles de fibrine et cPRPutilisent une association de thrombine bovine et dechlorure de calcium pour déclencher les dernièresétapes de la coagulation et la polymérisation bru-tale de la fibrine. La rapidité de cette réaction estdictée par le mode d’utilisation de ces adjuvantschirurgicaux, et leur fonction hémostatique impli-que une prise quasi immédiate et donc des quanti-tés de thrombine importantes. Un tel mode depolymérisation influera considérablement sur lespropriétés mécaniques et biologiques de la tramede fibrine ainsi constituée [1].Le PRF, quant à lui, a la particularité de polymé-

riser naturellement et lentement au cours de lacentrifugation. Et les concentrations de thrombineagissant sur le fibrinogène du prélèvement sontquasiment physiologiques, puisqu’il n’y a aucunrajout de thrombine bovine.Cet aspect est crucial pour déterminer l’organi-

sation tridimensionnelle d’un réseau de fibrine. Eneffet, lors de leur gélification, les fibrilles de fi-brine peuvent s’assembler entre elles selon deux

architectures biochimiques différentes : jonctionscondensées tétramoléculaires ou bilatérales etjonctions branchées trimoléculaires ou équilatéra-les [1]. Les jonctions bilatérales se constituent à defortes concentrations de thrombine et permettentl’épaississement des polymères de fibrine : celamène à la constitution d’un réseau rigide, peupropice à la migration cellulaire et au piégeage descytokines (Fig.5). Cependant, de par sa granderésistance, un tel gel convient totalement poursceller solidement des tissus : on aura donc unecolle de fibrine, et par extension un cPRP.À l’inverse, à de faibles concentrations de

thrombine, on obtient un très fort pourcentage dejonctions équilatérales. Ces jonctions branchéespermettent l’établissement d’un réseau de fibrineen forme de filet à fine maille, favorisant la migra-tion cellulaire et le piégeage des cytokines (Fig.6).

Figure 5 Modélisation théorique en images de synthèse de jonc-tions condensées tétramoléculaires ou bilatérales. Noter la rigi-dité de cette architecture.(D-TEP© v1.3).

Figure 6 Modélisation théorique en images de synthèse de jonc-tions branchées trimoléculaires ou équilatérales. Noter la sou-plesse de cette architecture en filet.(D-TEP© v1.3).

95Platelet Rich Fibrin (PRF) : un nouveau biomatériau de cicatrisation

De plus, cette organisation tridimensionnelle don-nera une grande élasticité au gel de fibrine : c’estce que l’on observe au sein d’une membrane PRF,solide mais souple et élastique.Les différentes technologies des fibrines ont

donc des modes de polymérisation différents quiimpliquent des mécanismes d’intégration biologi-que très différents.

Fibrine et processi tumoraux

Il s’agit là d’une question récurrente, quelle quesoit la technologie des fibrines utilisée.De manière générale, la mise en place d’un

matériau, même autogène, sensé accélérer la cica-trisation se doit de prouver son innocuité. Ceci estd’autant plus important sur des sites de cicatrisa-tion après exérèse tumorale, car les cellules mu-tées ont toujours des réactions prolifératives beau-coup plus rapides que les cellules normales. Etpourtant, ce sont souvent les patients atteints parces pathologies qui présentent les plus gros trou-bles de la cicatrisation (chimiothérapies, radiothé-rapies, polymédications,...) et qui auraient donc enthéorie le plus besoin d’une potentialisation de leurmodeste potentiel d’autoréparation. Les donnéesactuelles associant fibrine et processi tumorauxpermettent de développer des raisonnements thé-rapeutiques au cas par cas, dans le respect le plusstrict du principe de précaution.Des dépôts de fibrine ou de fibrinogène sont

observés dans le stroma de la majorité des types detumeurs où ils contrôleraient la croissance des cel-lules tumorales et la progression des métastases. Ilssont disposés selon des schémas très hétérogènesdans les différents types de tumeurs [23]. Cepen-dant on les trouve généralement à l’interface entreles cellules saines et les cellules tumorales [24] ouentre les cellules tumorales et le stroma environ-nant. Un amas de fibrinogène est une caractéristi-que des mésothéliomes, des cancers du côlon et deslymphomes.La matrice extracellulaire de fibrine peut

contrôler la prolifération cellulaire de part sa confi-guration et ses motifs de liaison aux cellules, maisaussi de part sa capacité à séquestrer certainsfacteurs de croissance. On sait par exemple que lefibrinogène est capable de séquestrer le FGFb [25]et le VEGF [26]. Le VEGF étant très impliqué dansl’angiogenèse, cette séquestration modulerait lavascularisation de la tumeur nécessaire à sa crois-sance.Cependant, il est important de rappeler que la

fibrine des sites tumoraux est très différente decelle issue de la polymérisation de fibrinogène cir-culant.

En effet, l’étude des cellules tumorales a permisde montrer que de nombreuses autres cellules queles hépatocytes pouvaient synthétiser le fibrino-gène : c’est en particulier le cas des cellules decarcinomes intestinaux, utérins ou pulmonaires[27,28]. Le fibrinogène secrété par ces cellulestumorales est souvent incomplet, ne présentantseulement, par exemple, qu’une chaîne bB et unechaîne c [29]. Cette observation est très rare auniveau du fibrinogène des hépatocytes sains : eneffet, les trois chaînes sont assemblées avant sé-crétion et de façon généralement complète. Il estvraisemblable que ces fibrinogènes anormalementconstitués, sécrétés par les cellules tumorales doi-vent ensuite générer dans la matrice extracellu-laire des signaux hérétiques, ce qui contribuerait àentretenir le processus tumoral.

En l’état actuel de nos connaissances, il estencore difficile de porter un jugement sur le risquepotentiel de l’utilisation de biomatériaux à base defibrine sur des sites anciennement tumoraux. Ce-pendant, il faut bien se souvenir que tout sitechirurgical se remplira de toute façon d’un caillotde fibrine très proche du PRF, et cela de façon toutà fait physiologique : cela s’appelle tout simple-ment l’hémostase et la cicatrisation naturelle.

L’adjonction d’un gel de fibrine issu du fibrino-gène circulant présente donc en soi un risque mo-déré en termes de prolifération tumoral, mais unintérêt très élevé en termes de protection du sitechirurgical et de contrôle de la cicatrisation.

Conclusion

Si le PRF fait partie d’une nouvelle génération deconcentrés plaquettaires, il n’en demeure pasmoins, avant tout, une technologie des fibrines. Eneffet, l’activité biologique de cette molécule suffiten elle-même à donner un pouvoir cicatriciel im-portant au PRF, d’autant que son mode de polymé-risation lent confère à notre membrane une archi-tecture physiologique particulièrement propice ausoutien de la cicatrisation.

Cependant, il est désormais important d’appro-fondir les aspects plaquettaires et inflammatoiresde ce biomatériau, car seule une parfaite connais-sance de ses constituants et de leur agencementnous permettra de comprendre les résultats clini-ques constatés, puis d’étendre les champs d’appli-cations thérapeutiques de ce protocole.

96 S. Dohan et al.

Références

[1] Mosesson MW, Siebenlist KR, Meh DA. The structure andbiological features of fibrinogen and fibrin. Ann N Y AcadSci 2001;936:11–30.

[2] Clark RA. Fibrin and wound healing. Ann N Y Acad Sci2001;936:355–67.

[3] Lanir N, Ciano PS, Van De Water L, McDonagh J, Dvorak AM,Dvorak HF. Macrophage migration in fibrin gel matrices. II.Effects of clotting factor XIII, fibronectin, and glycosami-noglycan content on cell migration. J Immunol 1988;140(7):2340–9.

[4] Brown LF, Lanir N, McDonagh J, Tognazzi K, Dvorak AM,Dvorak HF. Fibroblast migration in fibrin gel matrices. Am JPathol 1993;142(1):273–83.

[5] Feng X, Clark RA, Galanakis D, Tonnesen MG. Fibrin andcollagen differentially regulate human dermal microvascu-lar endothelial cell integrins: stabilization of alphav/beta3mRNA by fibrin1. J Invest Dermatol 1999;113(6):913–9.

[6] Gross TJ, Leavell KJ, Peterson MW. CD11b/CD18 mediatesthe neutrophil chemotactic activity of fibrin degradationproduct D domain. Thromb Haemost 1997;77(5):894–900.

[7] Koolwijk P, Van Erck MG, De Vree WJ, Vermeer MA,Weich HA, Hanemaaijer R, et al. Cooperative effect ofTNFalpha, bFGF, and VEGF on the formation of tubularstructures of human microvascular endothelial cells in afibrin matrix. Role of urokinase activity. J Cell Biol 1996;132(6):1177–88.

[8] Collen A, Koolwijk P, Kroon M, Van Hinsbergh VW. Influ-ence of fibrin structure on the formation and maintenanceof capillary-like tubules by human microvascular endothe-lial cells. Angiogenesis 1998;2(2):153–65.

[9] Van Hinsbergh VW, Van den Berg EA, Fiers W, Dooijew-aard G. Tumor necrosis factor induces the production ofurokinase-type plasminogen activator by human endothe-lial cells. Blood 1990;75(10):1991–8.

[10] Van Hinsbergh VW, Collen A, Koolwijk P. Role of fibrinmatrix in angiogenesis. Ann N Y Acad Sci 2001;936:426–37.

[11] Haroon ZA, Hettasch JM, Lai TS, Dewhirst MW, Green-berg CS. Tissue transglutaminase is expressed, active, anddirectly involved in rat dermal wound healing and angio-genesis. Faseb J 1999;13(13):1787–95.

[12] Collen A, Smorenburg SM, Peters E, Lupu F, Koolwijk P, VanNoorden C, et al. Unfractionated and low molecular weightheparin affect fibrin structure and angiogenesis in vitro.Cancer Res 2000;60(21):6196–200.

[13] Collen A, Maas A, Kooistra T, Lupu F, Grimbergen J,Haas FJ, et al. Aberrant fibrin formation and cross-linkingof fibrinogen Nieuwegein, a variant with a shortenedAalpha-chain, alters endothelial capillary tube formation.Blood 2001;97(4):973–80.

[14] Matras H. Effect of various fibrin preparations on reimplan-tations in the rat skin. Osterr Z Stomatol 1970;67(9):338–59.

[15] Gibble JW, Ness PM. Fibrin glue: the perfect operativesealant? Transfusion 1990;30(8):741–7.

[16] Matras H. Fibrin sealant in maxillofacial surgery. Develop-ment and indications. A review of the past 12 years. FacialPlast Surg 1985;2(4):297–313.

[17] Tayapongsak P, O’Brien DA, Monteiro CB, Arceo-Diaz LY.Autologous fibrin adhesive in mandibular reconstructionwith particulate cancellous bone and marrow. J Oral Max-illofac Surg 1994;52(2):161–5 discussion 166.

[18] Dugrillon A, Eichler H, Kern S, Kluter H. Autologous con-centrated platelet-rich plasma (cPRP) for local applicationin bone regeneration. Int J Oral Maxillofac Surg 2002;31(6):615–9.

[19] Anitua E. The use of plasma-rich growth factors (PRGF) inoral surgery. Pract Proced Aesthet Dent 2001;13(6):487–93quiz 487-93.

[20] Weibrich G, Kleis WK, Buch R, Hitzler WE, Hafner G. TheHarvest Smart PRePTM system versus the Friadent-Schutzeplatelet-rich plasma kit. Clin Oral Implants Res 2003;14(2):233–9.

[21] Sonnleitner D, Huemer P, Sullivan DY. A simplified tech-nique for producing platelet-rich plasma and platelet con-centrate for intraoral bone grafting techniques: a techni-cal note. Int J Oral Maxillofac Implants 2000;15(6):879–82.

[22] Choukroun J, Adda F, Schoeffler C, Vervelle A. Une oppor-tunité en paro-implantologie : le PRF. Implantodontie2001;42:55–62.

[23] Costantini V, Zacharski LR. Fibrin and cancer. ThrombHaemost 1993;69(5):406–14.

[24] Brown LF, Van de Water L, Harvey VS, Dvorak HF. Fibrino-gen influx and accumulation of cross-linked fibrin in heal-ing wounds and in tumor stroma. Am J Pathol 1988;130(3):455–65.

[25] Sahni A, Odrljin T, Francis CW. Binding of basic fibroblastgrowth factor to fibrinogen and fibrin. J Biol Chem 1998;273(13):7554–9.

[26] Sahni A, Francis CW. Vascular endothelial growth factorbinds to fibrinogen and fibrin and stimulates endothelialcell proliferation. Blood 2000;96(12):3772–8.

[27] Simpson-Haidaris PJ, Rybarczyk B. Tumors and fibrinogen.The role of fibrinogen as an extracellular matrix protein.Ann N Y Acad Sci 2001;936:406–25.

[28] Lee SY, Lee KP, Lim JW. Identification and biosynthesis offibrinogen in human uterine cervix carcinoma cells.Thromb Haemost 1996;75(3):466–70.

[29] Parrott JA, Whaley PD, Skinner MK. Extrahepatic expres-sion of fibrinogen by granulosa cells: potential role inovulation. Endocrinology 1993;133(4):1645–9.

97Platelet Rich Fibrin (PRF) : un nouveau biomatériau de cicatrisation


Recommended