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Saint-Germain-des-Prés, première nécropole des rois de France

Date post: 02-May-2023
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MEDIEn*L

LESN' 31 - AUTOMNB 1996

LA MORTDES GRANDS

Médiévales 31, automne 1996, pp. 29-36

Patrick PÉRIN

SAINT.GERMAIN.DES.PRES,

PREMIÈRE NÉCNOPOLE DES ROIS DE FRANCE

En 558 Childebert I"', I'un des quatre fils de Clovis, fonde à Parisl'église Sainte-Croix-et-Saint-Vincent - plus tard appelée Saint-Germain-des-Prés. Cette fondation inaugure chez les Mérovingiens un nouveau modede sépulture, qui sera désormais celui des rois de France'.

Des funérailles pai'ennes aux funérailles chrétiennes

Roi franc mais aussi administrateur de la province de Belgique secondepour le compte de l'autorité romaine en Gaule, Childéric Ier (t en 481 ou482), père de Clovis, tout en ayant manifesté des sympathies pour I'Eglisscomme en témoignent les relations qu'il entretint avec sainte Geneviève',était encore par'en. Il fut donc enseveli suivant l'usage des élites barbaresde son temps, comme le montre sa tombe, découverte fortuitement à Tournaien 1653 ei soigneusement publiée par Jean-Jacques Chiflet3, et diversestrouvailles contemporaineso. Revêtu de la tenue d'apparat qui empruntait àla fois à celle des officiers supérieurs romains (notamment le paludamentumet la fibule cruciforme en or) et à celle des chefs barbares (bracelet en ormassif, épée et scramasaxe de parade, ainsi que des accessoires vestimen-taires à décors d'orfèvrerie cloisonnée), et accompagné de divers objets per-sonnels (restant de son armement, harnais de son cheval), il fut vraisembla-blement déposé dans une chambre funéraire faite de madriers et surmontéed'un vaste tumulus. A la périphérie de celui-ci furent creusées trois fossesdans lesquelles on enterra les chevaux de l'écurie royale, abattus pour lacirconstance5. Childéric fut le dernier roi franc à bénéficier d'un tel faste

1. A. EnI-INos-BRANDENBURG, Le roi est mort. Étude sur les funérailles, les sépultures et lestombeaux des iois de France jusqu'à la fin du xrrt" siècle, Paris, 1975.

2. M. HETNZELMAN et J.-C. PouLrN, I€s vies anciennes de sainte Geneviève de Paris. Etudescitiques, Paris, 1986.

3. J.-J. Csmmr, Anasrasis Childerici I. Francorum regis sive thesaurus sepulchralis, TomaciNeruiorum effossus et commentario illustrû|us, Anvers, 1655.

4. M. KAZANsKT et P. PÉRIN, « Le mobilier funéraire de la tombe de Childéric I"'. Etat de laquestion et perspectives >>, Revue archéologique de Picartlie,3-4, 1988, p. l3-38.

5. R. BRULET et al., ks fouilles du quartier Saint-Brice à Tournai- L'environnement funérairede la sépukure de Childéric,2 vol., Louvain-la-Neuve, 1990 et 1991.

30 P. PERIN

funéraire. La conversion et le baptême de son fils clovis I"' (vers 496/499)allaient en effet provoquer un chàngement radical des coutumes funéraires

de la dynastie, dônt les lieux de sépulture seraient désormais indissociablesdes églises.

Àu lendemain de son triomphe à Tours (508), Clovis prit Paris pourcapitale et décida d'y construire un mausolée dy_nastique.qu.'il édifia avec

Cl'otilde sur la tombe de sainte Geneviève (t 502) et dédia aux Saints-Apôtres6. C'est effectivement en ce lieu que,, devenu roi des Francs, il futenterré en 511, non pas dans la confession abritant le sarcophage de,sainteGeneviève, comme 1e veut une tradition tenace et erronée, mais dans lesacrarium de l'édifice, c'est-à-dire dans une annexe dont la première cha-pelle rayonnante nord de l'ancienne église Sainte-Geneviève' a pu^reprendre

ie plan, sinon même les fondations. La tombe royale n'ayant fait l'obietd'aïcune description avant la disparition dtt sacrarium, accomplie.au plus

tard au xr sièclê lors de l'agrandissement de l'église sainte-Geneviève, on

ne peut se livrer à son propos qu'à des conjectures que les données archéo-logiques ne permettent-pai actuellement de confirmer. Ol est_cependant en

arôit Oe se àemander ii le roi des Francs, déià considéré de son vivantcomme un nouveau Constantins, ne fut pas amené par son entourage cléricalet savant à adopter, en même temps què d'autres usages, !e mode de sépul-

ture qui était albrs celui des empeieurs byzantins, c'est à dire des sarcopha-ges piacés à même le sol (ou dans des arcosolia) d'une annexe funéraire,ôomir" avaient été ensevelis Constantin et ses successeurs aux Saints-Apô-tres de Constantinoplee. On aurait par la suite perdu toute trace de la tombede clovis, détruite iors des raids vikings du rx" siècle, enfouie sur place lorsde I'agrandissement du sanctuaire ou transférée dans celui-ci à cette occa-sion "'.

Malgré le souhait de Clovis, les Saints-Apôtres de Paris ne servirentpas de màusolée à la dynastie mérovingienne ; seuls {eu1 d9 ses petits-fils,irne de ses filles et clôtilde (I 544) y furent ensevelis. suivant le modèlede leur père, au moins deux des fils de Clovis choisirent de placer leursépulturé dans les églises qu'eux-mêmes-avaient fondées' Le sarcophage de

cÉildebert I- (51 l-558), fut enfoui dans le sous-sol du sanctuaire de sainte-Croix-et-Saint-Vincent de Paris, et celui de Clotaire I* (5 1 I -56 1) de la même

manière à Saint-Médard de Soissons". Pour autant qu'on en puisse jugerpar des sources historiques et archéologiques parcimonieuses '', seule Sainte-

broix-erSaint-Vinceni devint une véritable nécropole royale, utilisée (épi-sodiquement) au moins jusqu'en 675 par les rois de Neustrie, bien_ qu'elleait été en partie relayée par Saint-Denis à partir de Dagobert I" (628-639)'En revanc'he, saint-Médàrd de soissons, où fut encore inhumé Sigebert I"'

6. P. PÉRIN, avec la coll. de P. vELAy et L. RËNOU, collettions mérovingiennes, Paris, Impri-rncrie municipale , ]|985 (Catakryues tl'Art et d'Histoire du Musée curnavaLet, t. II),.p. 148 sq.

7. p. ËÉ;nru « La tombe àe Clovis »,, d,ans Media in Fruncia. Recueil de mélanges ollerts à

Kttrl-1,?rdirutrul Werner à l.'tx'c'usitn de sort Ô5" anniversaire par ses amis et utllègues.fiançuit,Maulévrier, Hérault. 1989, p. 363-37tt.

3. Ci prrallèle est soirligné par GnÉcornp oE ToIRS, Libri h.ittori.arum X. B. KRUscH et W. [-EVI-

solt ét1., Hanirvrc, 1936-1951 (MGH, SRM,l, l). lt,3l9. Cl. PtlRIN. /oc. t/1. note 7. p.366 sc1.

l(). Voir ccr diverscs hyptrthi'se5. i/,ir1.. p..l7l sq.

f l. K,-H. KriÜriER, Ki;nk.r(nhkixhett ilr'r [irun'ktn, Angelsuthsen urul Lungohurdett bis z.ur

h4itt? d(,s 8. .luhrhnntk'rts. Ein hisktrisrher Krrtrrlog, Munich, 1971.

12. lbitl.

ST-GERMAIN-DES-PRÉS, PREMIÈRE NÉCROPOLE DES ROIS 3I

(I 575), fils de Clotaire, ne s'imposa pas par la suite, sans doute en rarsonde sa situation en Neustrie. Si plusieurs souverains austrasiens furent enter-rés à Metz, leur capitale, les autres, de même que les rois burgondes, n'eurentapparemment pas de lieu de sépulture dynastique. C'est en ce sens que lanécropole mérovingienne de Sainte-Croix-et-Saint-Vincent de Paris offre unintérêi documentaiie exceptionnel 13.

De Sainte-Croix-et-Saint-Vincent à Saint-Germain-des-Prés

On a longtemps admis que I'ancienne basilique mérovingienne Sainte-Croix-et-Saint-Vincent avait été fondée par Childebert I" (511-558/559) auretour de son expédition de 542 contre lès Wisigothsra: il aurait alors rap-porté d'Espagne deux reliques prestigieuses, la tunique de saint Vincent deSaragosse et une croix d'orfèvrerie de Tolède (renfermant peut-être un frag-ment de bois de la Vraie Croix). Cette tradilion. relatée parle Liber historiaeFrancorumts, n'est en îait étayée par aucune source sûre 16.

Quant à Grégoirede Tours, contemporain des fâits, il est en la matière fort laconique dans lesDix livres d'histoires et indique seulement que Childebert fut enterré dansla basilique « qu'il avait con§truite lui-mêmè »17.

Comme on a pu établir que le précepte de fondation de la basiliqueSainte-Croix-et-Saiirt-Vincent, daté dù 6 décembre 558r8, n'est pas un faux,mais seulement la copie maladroite, au x" siècle, d'un acte authentique, onpeut admettre que la basilique fut fondée à l'initiative de saint Germain(évêque de Paris depuis 556), sur un terrain faisant partie du fisc d'Issy, etqu'elle n'était pas achevée à la fin de 558. C'est pourquoi Childebefi, sentantsa fin approcher, prit soin de faire donation de ce fisc à 1'église, afin d'assu-rer l'entretien de son clergé. Ceci est confirmé par la Vie de Droctovée (findu xrsiècle)re dont I'auteur, Gislemar, dit avoir eu connaissance d'un pri-vilège d'immunité de Clotaire I"'en date du 23 décembre 558 (ou 559). quisignalait la coïncidence entre la mort de Childebert et la dédicace de labasilique Saint-Vincent. A cette même date saint Germain, qui avait placéson disciple Droctovée à la tête de la nouvelle communauté-monastique20,fit confirmer par Clotaire I"'et par les évêques présents le privilège d'immu-nité dont devait jouir la basilique Saint-Vincent (afin surtout d'éviter la

13. PÉRrN, op. cit. note 6, p.268 et sq.14. Cf. ôntre autres M. VIErLLano-TnotsKouRoFF, D. FossARD, E. Cuerr,l et C. LAMY-LAS-

sALLE « Les anciennes églises suburbaines de Pris (v.x" siècles) », dans Parl.ç et lle-de-Franc'e,Mémoires de la Fédération des Sociétés hisToriques et archéologiques de Paris er de I'lle-de-France,t. XI, 1960, p.90.

15. Liber historiae Francorum, KRUscH éd., Hanovre, 1888 (MGH, SRM, II), chap.26,p.284.C'est à ABBoN, Le siège de Paris par les Normands (WaQuer éd., Paris, 1942), v. 301-302 et 308-309,p.88, que l'on doit quelques précisions sur la croix d'orfèvrerie.

16. Cela a été démontré par J. DÉnrns « Les origines de Saint-Germain-des-Prés : nouvelleétude sur les deux plus anciennes chartes de l'abbaye », Journal des saÿants, jànÿier-mars 1973,p. 28-60.

17. GRÉGorRE DE TouRs (?. cir. note 8, III, 29.18. R.DELASTEvRIE,CartulairegénéraldeParis,t.I(528-1180),Paris,Imprimerienationale,

1887 (Histoire générale de Paris), n" 2, p. 3-5.19. GISLEMAR, Vita Droctroevi abbatis parisiensls, KRUSCH éd., Hanovre, 1888 (MGH, SRM.

VII), chap. ll, 12.20. Saint-Vincent étant ainsi l'un des plus anciens monaslères de Paris. Cf. H. ArsN,Lq, « Les

monastères urbains du nord de la Gaule », Revue d'Hisîoire de I'Eglise de France, t. 62, 1916, p. 173.

32 P. PÉRTN

nomination des abbés par les évêques de Paris). on peut.encore. inférer de

.à oiiriten. oue la basiÎique était dê plan cruciforme. une donnée importante

nn,i. ton iirdoire architeôturale. Saiht Germain joua ainsi un rôle essentiel

i.lans la fondation de la basilique Sainte-Croix-et-Saint-Vincent'- Quelques années après les funérailles de Childebert, saint Germain (T

576) iut irihumé dans uà portique (porticus) du sanctuaire et de nombreux

miiâcles se produisirent sür son tombeau". On comprend donc que le voca-

bi; a" sainf Germain ait progressivement remplacé à partir du vn" siècle

celui de saint Vincent qui, nàanmoins, est encôre attesté jusqu'au xtt" siè-

cle22.

La nécropole royale mérovingienne

La basilique de saint-vincent, de même que.les basiliques parisiennes

des Saints-Apôtres et de Saint-Denis, fut l'unè des principales. nécropoles

;;ïàfi"$r; mérovingienne er, de 55g à 675, elle.reçur les sépultures de

la plup,irt des rois de Ne-ustrie et d'un grand nombre de leurs proches, comme

i;uït"it"nt les sources écrites23 : Chilàebert (T 558) et sans doute sa femme

Uiiiàg.tt", Chilpéric I* (T 584), ry f9mrye Frédégonde tT.618/619r,et deux,

,tràrïàt.'ae làrs fils (Clovis, Mérovée et peut-être Thlegry), Clotairell(1 Agf ", sa femme gêrtrude, Childéric II (T 675), Bilihilde et leur filsDagobert." L'approche archéologique du monument du Haut Moyen.Age ne peut-

être dissàôiée de celle de ia nécropole qui lui est associée, qu'il s'agisse des

;èpriü;;r ;"yàles mérovingiennès,ou de. innombrables inhumations ad

sinctos qui s;accumulèrentàutour du sanctuaire ou à l'intérieur'- Jusqï,aux travaux de 1656, des gjsants.remontant à1'épo.que gothique

*u.q*iàit àans le chæur de Sainrêermain-des-Prés l'emplagement des

tomdes de Childebert I"., d'Ultrogothe, de Chilpéric l"', de Frédé^gonde, de

Clotaire II, de Bertrude, de Childéric II, de Bilihilde et de leur fils Dago-

t.itr1 O"'l'époque mérovingienne aux transformations du xn" siècle, on

semblait doni avoir conr"rué le souvenir, que I'on estimait précis, de la

21. En témoignent les récits contemporains de GÉgoire de Tours et de Fortunat, auteur de la

Vita .y. Germani; GnÉco,nsosiô;xs, Liber'in gloria conJèisorum, KRUSCH éd., Hanorre_, 1885 (MGII,

sitw',t,il, sB i ÿ."o,rcu f'onruNer,'Vna s. Gimani, episcopi parisiati'NRUscH ei].{a11i1' tezo

iiliCi, iiiU. VIt). p.372-418. ôn peut noler qre. tandit gtqe^Gregoire de Tours donne à l-eglise la

i.ule tirrlature saini Vincent ttiU"i i,, gloria ionJessorum'. 88 Lihri historiarum X, op. (i1' note 8'

iü,'id;'vi;;À,îiI, to "t:ji po.tunât se timiie à celle de Sainre croix (vita.s.,German.i,xLrr,

n.isai. L" martvrolose a'u.i,uia Qx'siècle) cont'ime cependant la double titulature-primitive:Üi*iàt à,iiir,)iiiirÏ, aàri urcri pr, t. cÎrv, col.83g.-ceue-ci apparaît également dans le tes-

ùÂàni a's..'in"tt iuae , I_esrsvR;., coriuloire..., op. cit. note 18. n" t4. p. 2l ( voir dans PenrN, col-

lections mérovingiennes, op. clr. note6, p.818 sq', la dernière edition de cet acte pirr H ATSMA et

J. VEzrN).- -22. LASTEYRII, Curtuluirc.... o/, (iI.note18.n'12'p 18:n'15'p 22:n"22'-p 29,:R Pou'

r,,nr<rll, Rr,.r,,i/ d(.\ t hltrt(s di l'ubOuye tle Sninr-Germqin-àas-Prés rlrs ,iriyint: uu tleh.ut du xtrr sià-

,;;, p;* lôôôl§ir"teie ae l,Histoire tle paris et tte t'Île-de-France), rf lX,.p. l3 et X, p. 15, en ce

i,,ii'.ü.".n" l'association de la titulature saint Germain à celle de saint vincent dès le vtt"siècle I

;;i-";.î, ti,ï. aiiîi-Lri. p. gZ, en ce qui concerne la survivance de la titulalure saint vinccnt

just;rr'aux xt'-xtt' siÈ'clcs.'" " 2-i: L'r(tirt lc plus c()rnplct dc la question ligtrrc tlans Ktttr;rt. .)P. ( it. nrrtc l l. p. 10.1 sq.

24. l)trrn .l.111,tl.r.,tt1r, iliti,i'i'1iil t'r,t,tu,i.' rt'\ttl('d( Sttint-Girmuin lt's Pn'z' l'aris' 1724:

l)onr'll llrrrN,rrtr'. Dc reguli uLbutiu Suncli Gtrtnmi ulnttis., 1699 (à l:r suite tlc l'édition des ([irtÿrcs

rlc (irégoirc du'littrrs), ié6,1. Mrril'rrl, /'1,' t l.XXI, col ll94'

ST-GERMAIN-DES-PRÉS. PREMIÈRE NÉCROPOLE DES ROIS 33

disposition primitive des sarcophages royaux. Des travaux exécutés en1645-1646 dans le chæur de l'abbatiale, à l'occasion de la construction dunouveau maître-autel, entraînèrent la réfection du pavement et la découvertede plusieurs sépultures. En 1656 de nouveaux travaux furent effectués dansle chæur pour aménager des stalles; on crut constater que les sépulturesdécouvertes dix ans plus tôt avaient été alors bouleversées par les ouvriers ;

cette fois les « tombeaux » (c'est-à-dire les gisants gothiques) des souverainsmérovingiens furent déplacés, ainsi que les sarcophages sous-jacents quiétaient censés leur correspondre, et notamment ceux de Childéric II et deBilihilde, tandis que d'autres sarcophages de pierre et de plâtre étaient misau jour. Ces diverses trouvailles n'ayant pas fait l'objet, semble-t-il, de pro-cès-verbaux contemporains, on ne les connaît que par la relation de DomBouillart, largement postérieure (1124), mais fort précieuse car elle paraîtreposer sur la transmission orale de témoignages15.

La tombe de Childéric II (f 675)

Selon Dom Bouillart, le contenu de plusieurs des sarcophages ouvertsen 1656 était intact et on y observa des corps enveloppés de suaires ouencore habillés (sans que I'on signale des accessoires vestimentaires ou desobjets mobiliers). D'autres tombes, au contraire, avaient été violées, notam-ment celles de Childéric II et de Bilihilde que l'on croyait avoir vues intactesen 1645. À cette date, en effet, des témoins confessèrênt qu'ils « ... avoientvu sur la tête du Roy un grand passement d'or en forme de couronne, unmorceau de toile d'or qui lui couvroit le visage, des éperons et que sa cein-ture, qui paroissoit entière et d'un pouce de largeur. étoit enrichie d'espaceen espace de quelques boucles et ornements d'argent... ,'zb. Or, en 1656,I'inventaire présumé de la même sépulture, considérée comme violée, com-portait : « ... Un grand bâton de coudre et une canne fort longue, tous deuxde la longueur du tombeau; une épée rompüe par la poignée et mangée deroüille ; la boucle du baudrier composée de trois pièces de fin or ; quelquespetites plaques d'argent fort minces d'une figure quarrée, où étoit gravé unselpent amphibène, c'est à dire qui a deux têtes, et qui mord par la tête etpar la queue ; ces plaques avoient à chaque angle ou coin un petit clou pourles attacher à la ceinture ou baudrier...; quelques morceaux de liège et decuir, dont ses bottes étoient composées, et un grand vase de gros verre cassépar le bas du col, où restoient quelques padums... ),r/.

Ces deux témoignages ne nous semblent pas suffisants pour accréditerla thèse de la violation du sarcophage de Childéric II entre 1645 et 1656 etparaissent plutôt correspondre au contenu de deux tombes différentes, l'uneet l'autre intactes lors de leur ouverture. Le commentaire de Dom Bouillart

25. Dom BourLLARr. op. r'il. note précédente. p.251 sq.26. tbid.,p.252.2l . Ibid. A.ucun des objets mobiliers mentionnés n'a été conservé, bien que ces trouvailles aient

sans doute été déposées dans le .. cabinet » de l'abbaye, comme d'autres antiquités (dont l'existencenous est connue piil les ouvrages de Dom MoNrr,q.ucoN, L'Antiquilé expliquée eî représentée en

figures,Paris, 1719, t. III, pl. XX[, et Dom MARTIN, La ReLigion des Gaulois tirée des plus puressources de I'Antiquité, Pais, 1727, t. II, pl. 44, p. 350). L'une des appliques à décor animalier a étéreproduite par Dom MoNTFAUCoN, L€ s Monumens de La monarchie françoise, Paris, 1729, t. 1, p. I14.

34 P. PÉRIN

reflète d'ailleurs bien les incertitudes qui existaient alors quant à l'identifi-tutià, A"t sépultures, dont la relation directe ay99 lgs-gi-sants n'était pas

iouiours évidénte. On ne put ainsi attribuer à Childéric II le sarcophage au

.i"t àL"Uif iËi fureiuo. masculin avant de découvrir. grâce at !e_tt!Y!ge {urombeau, à l,emplacem"Jàâi" tôt", l'inscription giîvée CHILDR' REX28 -

Les autres tombes roYales

Les observations concernant la tombe attribuée à la reine Bilihilde sem-

blent plus ià.ruaincantes puisqu'il est indi.scutable que la-sépulture ouverte

à" ioSo érair rotalement toulêversée et pillée, ce qui n'était_p."T.1". cas du

|orr.Ë; àit iUue en tà+S à l'épouse Ae Cfritaericll: « ... Bilihilde avoit

;;;"* ses habits royaux et un coussin d'herbes odoriférantes sous la

tête... »2e.-- - Dom Bouillart demeure aussi imprécis en ce qui concerne les autres

to-b", ;;y"ier, ,r" signalant ni mobiliers_ funéraires ni violations. Il est

.lr"raunt'Ui.n certain"que Ies très riches sépultures de plusieurssouverains

;ilil;i;; .i O"'i."i, proches furent^viôlées entre 1645 et 1656. ainsi

àrüiliiàiÀne Dom Berirard de Montfaucon3o. Il relate, en effet, q''unË|igi""* de îabbaye cànfessa sur son lit de mort avoir négocié au poids du

*e1ï orécieux des'obiets découverts dans les tombes, remettant à son supé-

;i.*',ï;:.;liq;;i,; <ie l3 000livres qui servir. en 1664. à la consrruoion

des orgues de l'abbatiale !

Dïautres découvertes anciennes, également effectuées à f intérieur de

t'egme, Àeritent encore d'être signilées, même si leur identification

d;fi;;;; iànjecturale. En 1643, on irit au-jour deux sarco-phages. de pierre

a p-"iÀitè Ée ta porte au cloîire, au nord"de l'édifice3'. L'un d'entre eux

oJ.tuit I'inscription HILPERICUS gravée à I'extérieur de la cuve et peinte

5r'r.ï*iii"" a-i;interieur: so, mo6ili.r ne comportait qu'une_petite.lampe

à; ";i;;; t laquelle était suspend,e une croix portant l.q representation du

ôt.irt. Ces données ne suffisent évidemment pàs à attribuer la sépulture à

aiiiiÉri"]"., dont on sàit qu'ilfut inhumé à SainçGermain-des-Prés en 584.

On découvrit encore "i tiU,lors de nouveaux travaux à l'emplacement du

maître-autel, un sarcophage dont la cuve de pierre blanche, gravée à la tête

à;;"dr" cioix, était'fetirée par un couveicle tectiforme de marbre aux

"*trË*iièr abaitoest'. Ce derniér, aujourd'hui conservé au musée du Louvre,

éiirt-ôÀe d'imbrications avec, en rës"rv" sur l'une des faces, un cartouche

iectangulaire portant la représentation class.iquq d,l :tPt 4: "-lqry :t*11d'un v'ase. bei exemple de sculpture funéraire de I'Antiquité.tardlve lssue

à"r ut"fi".r du sud-ouest de la tiaule. D'abord attribué au roi Caribert, ce

*nn"Ààrt fut ensuite considéré comme celui de l'abbé Morard, les argu-

28. Dom BoullLent, op. cit. noæ24,p'253'29. lbid., P.252.30. DomMoNTFAUCON, LesMonumensdelamonarchiefrançaise,op-cit.nolezJ't'I,p'174'31. tbid.. p. 175 : Dom RulNARr. op' cit' note 24

.

12. DoM Boult.l.ART. ,,p.-tit. note'24. p'251' Laissé en place' ce sarcophage futà.nouveau

.*nu.è pui Legrand,I'Aussy'.n'iïS9. é ".i

àlo^ qr. le couveicle fur déposéàu récent Musée der

ffiilffiÀ tia"nçais, pul* a'Soirt-n"ni, et enfin au Louvre: cf. VIetLLano-TnoEKoURoFF et al., op.

cit., p. 105-106.

ST-GERMAIN-DES-PRÉS, PREMIÈRE NÉCROPOLE DES ROIS 35

ments allégués dans un sens comme dans I'autre ne pouvant apporter aucunecefiitudeir. Les travaux entrepris en 1854 dans le collatéral méridional del'église révélèrent encore une grande quantité de sarcophages de plâtre mouléet de pierre, trois de ces derniers portant un décor gravé de crolx multiplessur leur panneau de têter4. Compte tenu de leur situation, ces tombes setrouvaient très vraisemblablement dans le sous-sol même de la basiliqueSaint-Vincent et elles devaient abriter, comme aux Saints-Apôtres de pariô3s,la dépouille des grands qui avaient eu le privilège de reposer au plus prèsdes saintes reliques.

La nécropole mérovingienne extra muros

D'autres travaux, exécutés depuis le milieu du siècle dernier autour deSaint-Germain-des-Prés, ont par ailleurs permis de circonscrire le vastechamp de sépultures ad sanctos, de type tout à fait classique pour paris,rassemblées autour du tombeau de saint Germain et sans doutè aussi destombes royales mérovingiennes36. Au nord, la nécropole s'étendait ainsijusqu'à Ia rive septentrionale de la rue de I'Abbaye: à I'est. elle atteignaitIa rue de l'Echaudé ; au sud, elle se développait âu moins jusqu'au m-ilieudu boulevard Saint-Germain ; à l'ouest, enfin, elle a été reconnue jusqu'àI'extrémité occidentale de la place Saint-Germain-des-Prés (c'est-à-diie àl'emplacement de I' ancien passage Saint-Benoît).

Cependant la nécropole royale mérovingienne de Sainte-Croix-et-Saint-Vincent, qui paraît donc avoir coincidé avec le chæur de I'actuelle égliseSaint-Germain-des-Prés, demeure -encore fort mal connue et on ne peutqu'espérer, comme à Saint-Denis37, l'exécution dans l'avenir de fouillesméthodiques dans les secteurs du monument dont le sous-sol n'a pas étébouleversé par les travaux modernes3s.

. 33. Ces attributions reposaient en effet à la fois sur la trâdition, fort imprécise comme on I'avu, ainsi.que sur l'interprétation du plan de Dom Bouillart (op. cit. note 24), à'vrai dire schématiqueen ce qui concernait l'emplacement effectif des tombes royales, lesquelles ne coihcidaient pas nécès-sairement avec les gisants censés leur correspondre.

34. A.-P.-M. Gnssnr, « Mémoire sur les anciennes et nouvelles réparations de l,église del'abbaye de Saint-Germain-des-Prés>>, Revae archéologique,1854-1855, p-.531-543; F. o-e Guu_-HERMy, Nrres sur les monuments religieux de Paris, f 298 (BnF, ms. n.a.fr. 6l 19, t. II). Les dessinsdes trois panneaux de sarcophages de piere ornés de croix multiples sônt reproduits, d'après Gilbert,dans Vmuano-TRorEKouRoFF eî al, op. cit. note 14, fil. 14, p- 2T.

35. PÉnrN, op. cit. note 6, p. 148 sq.36. On trouvera l'inventaire détaillé de ces trouvailles dans pÉnrN, op. cit. rfite 6, p. 278 sq.37. P. PÉnlu, « Quelques considérations sur la basilique de Saint-Denis et sa nécropôle à l'édo-

que mérovingien_ne »r dans villes et campagnes dans I'occident médiévat- Mélanges Geôrges Deipy,Liège, 1991, p. 599-624.

38. Les travaux effectués en 1854 dans le collatéral sud de Saint-Gemain-des-Prés ont ainsimis en évidence l'existence d'une importante zone de sarcophages mérovingiens encore en place, cf.GLsenr, op- cit. note34.

36 P. PÉRIN

Patrick PÉmN, Musée des Antiquités Nationales' Château - B'P' 30'

f-ZS f O: Saint-Germain-en-Laye Cedex

Saint-Germain'des'Prés, première nécropole des rois de France

Éoites par clovis et Clotilde au lendemain de la victoire de vouillér5O7) les Saints_Apoir", de paris (devenus Sainte-Geneviève)

;ï;;;"i;*î'àËr,i,ieï- à; *n mau solée dy nasri oue. En revanche. I a

basi lique sainte-croix-.t-suinr-v in.ent (dévenud sai nt-Germai n-des-

piËrlliàraeà à la gendratiàn suivante-par ChildebertI"" s'imposa

ffi;";à;;;pôr" .Jvuià"âup.Cr à" la plüpart des Neustriens tle 558

i;;;;t;" àii,'tout en étant ên parlie relayée par Saint-Denis à partir

àibi;;#ioîüfolôi'ôe reur'cote. tes iois âusrrasiens et burgondes

;: iJri;I.,ïàiri*iiiâirp"* àe lieux de sépulture dynasriques. uellà; ;;;l;;;; iiiuitegie à.§ ioi. mérovi ngiens' Saint-Germain-des-Prés

;ïi,it bi"t'J rn. îeri" ï" àe.6uu.tt.i*chéologiques d u xv tr sièc le

a n6t iouit. Il est ainsi permis d'avoir une certalne connalssance uE

la néciopole royale et de son environnement'

Archéologie funéraire - Mérovingiens - nécropole - Paris - Saint-

Germain-des-Prés

saint-Germain-des-Prés, the First Necropolis of the Kings of

France

ErectedbyClovisandClotildasoonafterthevictorvofVouillé(507)';rî"S;#r1À;àoËr"àipiiir^irru*qr"rtryrenamedSainte-Geneviève);;r;;;i d";iüed to u.*hà , avriastic'mausoleum' It was rather the

parisian basilica ;i----s"irÉ-aroix-er-S^ainr-vincent (renamed^S"i"t-G.-"in-des-Prés1, fàunded in the following .generation

par

ôîiià"[à" t, which urr"ii.a itr.tf as rhe royal necrooolis of the Neus-

trians from 55g to 6ii ';

S;i;t-Denis beéame an alternative burial

,iu." f-* the time oinugoUt't's reign (628-639)' As for the Aus-

ffiî;';;:iii,à Èjiiii*jairi[üei. tr,"ioo not seem ro have disposed

àËr*;üi. ov;a;ric"bu;i;i_g.oufrar. Saint-cermain-des-Prés. the place

;i Ëu;;i'F;àràa uv ;h; IÇi;;;i"sian kings' has been the site or a

;;tü;i *"Àuàotogi"al finds from the seventeenth century to our

îi*"i ir,rt piàriaiig" uàâi-tionai tnowteoge of the royal necropolis

and its environment.

Funerarv archaeology - Merovingians - necropolis - Paris - Saint-

Germain-des-Prés

Médiévales 31, automne 1996, pp. 37-5i

Alain DIERKENS

LA MORT, LES FUNERAILLES ET LA TOMBBDU ROr pÉprN LB BREF (763)

Un récent téléfilm (1993) consacré au règne de Charlemagne de sonavènement à son couronnement impérial s'ouvre sur l'évocation de la mort,à l'abbaye de Saint-Denisle24 septembre 768. du roi Pépin le Brefr. Audébut de cette «grande fresque télévisuellerr', on peut ainsi voir Pépinprocéder sur carte murale au pafiage de son royaume entre ses deux fils,Charles et Carloman, prononcer, devant sa femme Berthe, quelques parolesd'une rare prescience politique. puis mourir « les yeux ouvérts (...), èommeil a vécu, comme un roi,,'. Certes, ce film (comme le livre qui en contientle texte) ne se veut pas strictement historique ; Marcel Jutlian ne recule nidevant les invraisemblances, ni devant les anachronismes... mais on ne peuts'empêcher de penser que ce que l'on sait de la mort, des funérailles el dela tombe de Pépin dépasse de loin en intérêt (et même en pathos ou enpossibles effets visuels) l'æuvre artistique et que la réalité apparaît commesingulièrement plus percutante que le scénario.

Il y a près de dix ans que Stéphane Lebecq me parlait pour la premièrefois de son idée d'écrire une biographie scientifique de Pépin le Brefa; ce

. 1. Co-production Pathé Télévision, France 2, France 3, Rai Uno, Lux Spa et Beta film. Scé-nario : Jack Russel et Marcel Jullian. Réalisation : Clive Donner. Voir aussi le ûvre (. roman tumul-tueux ») tiré du film par M. Julr-reN, Charlemagne ou la jeunesse r)u monde, Paris, i993.. ,. , 2. Ce n'est pas le lieu ou le moment pour procéder à une critique historique (ou, mieux,idéologique) du film et du livre - véritabies plaidoyers pour une Europe chiétienne. Lés contre-véritéset les erreurs abondent ; les arguments « politiques » me semblent bien souvent pemicieux et nonfondés... Voir J.-L. KUPPER, <, Le Charlemagne de Marcel Jullian ", Cahiers de aüo, î" l2O, hiyer1994, p.89-92.

3. Le fait de mourir « les yeux ouverts », belle image pour un roman, va à l'encontre del'humilité de la mort chrétienne alors proposée en exemple, voir, notamment, le témoignage de lapremière Vita sancti Huberti, qu?siment contemporaine de la morr de Pépin (puisqu'Hu6ertlévêquede_Maastricht (Liège). meurt en727 et que sa Vlra est rédigéepeu.après 743.y.-Surèe point Fr. Berx,<< Saint Hubert. Sa mort, sa canonisation. ses reliques -, dans Eludes sur I'histoire du pays mosan auMoyen Age. Mélanges FélLx Rousseau, Bruxelles, 1958, p. 71-80.

4. On manque en effet cmellement d'une bonne biographie sur Pépin. I1 faut recourir, pour lesfaits, à L. OI-sNnn, Jalzrbrcher des .frtinkischen Reiches untei Kanig Pi.ppin 741-768, Leipzig, 1871,ou, pour la période consécutive au coup d'Etat de 751, à J.-F. Bôsuoi, Regesta tmperli, LI: DieRegesten rles Kaiserreiches unter den Karolingern 751-918, neu bearbeitet vôn E. MÙn1-secuen undJ. LecuNnn, nouvelle édition sous la dir. de C. BRüHL et H. H. KAMrNsKv, Hildesheim, 1966. Ondispose aussi de très abondantes synthèses sur les Carolingiens, dans lesquelles de nombreuses pagessont coxsacÉes à Pépin ; par exemple P. RrcHÉ, Ics Carolingiens. Une famille qui fit I'Europe,Paris,I 983 ; R. McKnrenIcr, 7ft e Frankish Kingdoms under îhe Carolingians, 75 1-987,Londres-New York,


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