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Claire THEacuteMANLYS Publications Cosmiques 7 ru e Gui ch ard - PAHIS (XVIlt)
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~ LE MOUVEMENT COSMIQUE ljen lIlle les roslilopiiles P ril si lois 01 11 1
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L e m o n t a u t d e s lI hO l lC IUClI lS doil ( 101 1 1 IEII lnb linrh eacutecure 7 ru e Url ch d Puris I X VI
INTRODUCTION AUX ETUDES COSMIQUES T IJE III-IYS L e s A rue s V t vn u t e s 1
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~LIil sibe~ ~i ce ~in 1 ~p r i q t e m p ha~1 ~~ it middotmiddot ~ ~ t-le soleil est deJagrave SI chaud que Je p~~ j
~ugraveIcirc l~erb ~ verte comme en eacuteteacute da~~ ucirc~ ~ ~ qui me baigne des prellli~rs parfums
~ill~~~ seacutevlIPrent dans lair qui tinte comm~ des cloches l eacutelnlaines comme des cloches joyeuses mes [aclnthecircs roses el mauves s eacutevaporent en ondes subtiles
et eacutenivrantes et je comprends que leur effluve estleur rh Ymntl- li la vie leu hymne au prinlemps l bull
l ~ m agrave n if e s t ll t i o n de leur acircme qui muette et
prisonni egravere se libegravere ainsi pour sunir au grand concert
r~ en tecircte lagaicircteacute la frnicircche puret eacute tout Iespoir et la
de torce- juveacutenile f eacuteconde quapportent ces pre
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3
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A ~ LA CONQUETE DE L IDEAL
iiI
Et je suis heureuse
Le printemps est bien la saison aimeacutee deacutesireacutee de tous
ceux qui aspirent HU renouvellement et agrave la vie nouvelshyle L et qui atteuden t avec amour le spectacle grandiose de la renaissance des choses Jans lessor Je la terre
apregraves lassoupissement de lhiver conceutrateur La vie est rayonnante el mes dix-huit ans palpitent de
tant de foi en elle Paris chaque anneacutee meacutetonne pal la transformation
si vive que le soleil opegravere en lui son allure tout de
suite devient plus jeune son aspect plus enchanteur
Les femmes en un instant deacutelaissent fourrures et cosshy
tumes fonceacutes pour revecirctir des robes de lumiegravere des chashy
peaux fleuris des bottines claires
Du petit coin ougrave je suis assise japerccedilois lavenue Rashyphaeumll oit se trouve lentreacutee du jardin et les grandes peshy
louses du Banelagh toutes animeacutees de plusieurs tennis
Une quantiteacute denfants de beacutebeacutes seacutebattent en riant
sous lœil vigilant des nourrices et des nurses et tout ce
petit monde paraicirct formeacute agrave linstant mecircme par la bashy
guette magique des rayons du soleil
Je voudrais savoir chan ter le cantique dadoration dont
certains peuples saluent tous les matins le soleil levant
comme le symbole de la lumiegravere de lintelligence de
leacutepanouissement universel
Et jentends en moi le cri sublime du Gloire agrave l Asshy
tre Gloh-e au jour de la vierge-deacuteesse de la
Walkyrie radieuse eacuteveilleacutee dun lourd sommeil par le
baiser de Siegfried son heacuteros vainqueuri
Tandis que laccompagneiaent des harpes leacutegegraveres et
qlle les trilles cristallins des violons sourdines seblent
iii -) il jJ _ - il ll Il- ~ j
LA OONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
se diffuser autour de moi dans lair pur matinal lumishyneux japerccedilois grand-pegravere qui sort de la maison eu haut des marches du perron
JI est beau grand-pegravere mon seul parent avec sa lonshy
gue barbe blanche et ses cheveux de neige aureacuteolanl ses yeux fonceacutes
Il sapproche el deacutejagrave je devine la phrase que vont dire ses legravevres
- Michegravele il fait si beau 1 Allons au bois
Ce matin jaimerais faire le tour du lac Veux-lu Il sarrecircte en roule el cherche du bout de sa canne
les premiegraveres violettes sous leurs feuilles humides
Il se baisse el les cueille pour moi
Poarquoi suis-je sucircre que cesl au Lac que grand-pegravere veut aller ce matin
Dhabitude il preacutefegravere les alleacutees plus mondaines Javeshynue du Bois les Acacias
Aujourdhui je sais quil vient de deacutecider de faire le
tour du grand Lac Cest extraordinaire eomrae toujours je devine ses penseacutees
Et le voici maintenant qui mappelle
- Michegravele JI fait si beau Allons au bois 1Veux-tu ce matin Jaire le tour du Lac
22 Mai
Seule dans ma chambre close je pense je recircve Je seas la beauteacute de cette phrase de Socrate cette mecircme
phrase qui pendant des siegravecles tul graveacutee agrave Delphes sur le temple dApollon Connais-loi toi-mecircme
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raquo ra J bull A~ rll ---lJ j ~ ~ 11 Il
LA CONQUiTB DE UgraveDEacuteAL
cest une eacutetude importante et profonde que celle de la connaissance du soi une eacutetude tregraves utile aussi et qUOD
neacuteglige totalemenl agrave notre eacutepoque Dailleurs agrave lhenre actuelle en Occident qui sait
prendre le temps de penser
1 Les hommes tournent en tourbillon chacun dans leur milieu dans leur cercle damis dans leur cercle dhabitushydes dans leur cercle doccupations comme ~6S manegraveges de chevaux de bois aoins calmes que les chevaux de bois 1 comme des insectes autour dune lampe
Ils courent sans cesse ils parlent vite colportant de
bouche en bouche les nouvelles du jour ou les potins sensationnels
Les plus raffineacutes les acircmes supeacuterieures suivent avec
enthousiasme les manifestations dart les expositioBs de peinture les concerts les confeacuterences les piegraveces davantshygarde
Mais au milieu de tant de reacuteelles intelligences actives
ougrave SORt les penseurs profonds 08 na plus le temps de reacutefleacutechir de contempler
de meacutediter
Il Y a beaucoup de destructeurs de ceux qui vocishy fegraverent sur la socieacuteteacute qui condamnent le code civil qui
critiquent le gouvernement qui battent en bregraveche la
magistrature et le reste
Ils ont raison et ne pouvant mieux faire sont utiles eh essayant de deacutetruire lei abus les preacutejugeacutes les laideurs
SeulementIeur œuvre me paraicirct fort incomplegravete on peut arracher dun champ les mauvaises herbes qui leacuteshypuisent et labourer la terre en tous sens si la bonne graine aussitocirct ny est semeacutee ea abonacircance le premier
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i1
LA CONQUEcircTE DE LIcircDliAL
effort devient nul cal dautres mauvaises herbes repousshyseront bien vite
Et ougrave sont aujourdhui les graines merveilleuses
la penseacutee humaine capables deacutetouffer livraie enlegraveve vainement chaque jour
~ Un ami de grnndpegravere un vieillard original
me lacon tait hier quil a connu au Laos pregraves du Thishyi _ bet ougrave -il voyageait il y a un an un bonze qui
resteacute enfermeacute soixante mois dans une grotte entiegraverement
obscure afin de pouvoir penser sans ecirctre
1
pal rien ( Il avait dailleurs perdu pa~ celte retraite volontaire
la possibiliteacute de voir la lumiegravere du jour qui
aveugleacute Et bien quaussi celle meacutethode me exageacutereacutee je ne puis mempecirccher decirctre en admiration
devan 1 le temps les efforts les sacrifices que consacr~nt certains peu ples agrave leacutevolution de lin telligence
A Paris de nos jours il est tregraves certain heacutelas que
hommes ny songent guegravere et que pour la plupart is he sont pas plus conscients de limmensiteacute du reacuteel plus capables de lorganiser et Je le former agrave trente
ans quils ne leacutetaient agrave vingt ans ni agrave quarante
cinquante ans quils ne leacutetaient agrave trente
EL je mimagine parfois avec une terreur triste
qui doit advenir dune nation ougrave les classes dirigeantes se consument dans Ieqitsugraveou agrave vide selonH
de Michelet en vaines paroles en gestes steacuteriles
r~~ La route du progregraves-infini serait-elle perdue ~ - Assureacutemenl non - Elle est voileacutee latente mais
toujours pregravete il souvrir
5
de
quon
et sage
eacutetait
distrait
laurait
paraisse
les
pas
ou agrave
ce
le mot
J~
------ -- -
e LACONQU~TE DE LIDEacuteAL
JI doit y avoir une science de penser une scieace de vouloir Notre intelligence est trop livreacutee au hasard elle est en proie aux tourbillons des choses incessamment Yibrante de lactiviteacute quotidienne
Tout grand deacuteveloppement a besoin de calme 1 Cest dans le non-usage actif de son intelligence que le
beacutebeacute accumule son eacutetonnante et rapide compreacutehension de la vie cest dans la tranquilliteacute dune terre non reshymueacutee que la graine germe et devient larbre majestueux cest dans limmobiliteacute de leau que le cristal se forme
Un mouvement dans leau un coup de becircche dans la terre une volonteacute hacirctive fatiguant le jeune ecirctre cornshypromeltraien t leacutepanouissemen1
Auni je veux rester de longues heules dans la paix
1 et la solitude tantocirct dehors en aspiran t la RAture le grand air le fluide vital lodeur de la terre et des pintes tantocirct comme aujourdhui dans ma chambre intime et douce
Jai mis une robe flottante en crecircpe de chine bleu ciel je sUIS eacutetendue sur un large divan ougrave sentassent mes coussins de velours pacircles et de soie molle et pregraves de moi dans un brucircle-parfum oriental fume une huile odorante
Il est joli ce brucircle-parfum La tige mince de cuivre ciseleacute seacutelance droite et hieacuteratique agrave deux megravetres du sol et soutient la grosse veilleuse rose comme une belle fleur eacutepanouie
Avec lenteur en meacuteandres gr~cieux en fins dessins l fumeacutee embaumeacutee monte gravement et me repreacutesente bien loffrande dune acircme en aspiration vers lIdeacuteal
il 11 11 ----- Il Il LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 7
Je voudrais en ces heures paisibles me faire un COIPS
sain robuste eacutepanoui Pourquoi ne pas cultiver la beauteacute dans toutes ses
possihiliteacutes de manifestations comme on embellit un jarshydin de mille plunles rares aux fruits exquis aux floraishy
sons merveilleuses Je voudrais aussi augmenter approfondir eacutevoluer
mon cœur et mon esprit me preacuteparer une vie feacuteconde dans le recueillement le repos Et [e reviens agrave la phrashyse antique GnlIcirclhi Scauton
Je sens quil y a dinnombmbles ecirctres en moi
Quand ils ne sont pas daccord je souffre Quand lun deux fatigueacute las dattendre la vie (lue
je ne peux lui donner encore sc plaint en soupirs inshy~ quiets sourds ct muets en langueurs meacutelancoliques
Ul autre sait lu-ureuscment seacutelever et chanter plus hau que lui celui qui monte ainsi des profondeurs
~ cest mon espeacuterance cest tout ce que jai voulu me forshygel ct me construire avec de la lumiegravere de la joie du soleil avec lessence de tout ce que je connais de beau
et de grand dans le monde Il sait chanter lhymne de lespoir de la volonteacute puisshy
sante et forte miseacutericordieuse et bonne et il chante souvent en moi il chante pour rendre sa voix plus Iorshyte il chaille pour eacutetouucircer les miegravevres tristesses les inushytiles inquieacutetudes il chnnlc pour le bonheur il chante pour lillfini il chante p01l1 lIdeacuteul
Il est tout lessor des recircves que jeacutelegraveve poII les vivre un jOlll Et je leacutepanouis SIIlS cesse volontairement acircprement en lui ouvrant lespace ct laction en le baishygnant de penseacutees merveilleuses en eacutevoquant autour de
--8
~
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
middotlui les richesses de la forme les lys sous les grands bois les roses au soleil les gazons cendreacutes de lune lorienshytale splendeur dune nuit blonde et douce la mer calme et bielle forte et feacuteconde loceacutean des eacutetoiles leau crisshytalline des gemmes preacutecieuses leacutemeraude aux tons dal shygue mouilleacutee la topaze dor le diamant cascade de lushymiegravere et les parfums qui nourrissent lacircme les encens rares lambre royale
Et mon imagination restaure et purifie les souvenirs de la vie moindre de la vie salie et abicircmeacutee par les so cieacuteteacutes meacutediocres
Cest ce moi fort et vaillant que jappelle aux heures de doute ce moi enthousiaste qui est mon direeteur choisi
Car je veux penser agrave lavenir pour espeacuterer non pour craindre Et si je me fais un motif ideacuteal de joie et dacshytion peut-ecirctre le v~rrai-je se reacutealiser un jour
En chaque homme lutte sans cesse des tendances diffeacuterentes parfois mecircme opposees Des ideacutees des habishytudes des acircmes le siegravecle le milieu les lectures les ex- peacuteriences les hasards les amours les recircves les meacutedishytations leacuteducation lexemple lheacutereacutediteacute la race lanshycecirctre latavisme lespegravece etc
Lutte immense des eacuteleacutements petite eacutevolution syntheacuteshytique microcosme une des plus feacutecondes analogies que nous nit leacutegueacutees lantiquiteacute la Paix et la Guerre se disshyputent lacircme par mille intermeacutediaires cest toute une Iliade
Oh que tout cela est profond el vrai quelles imashyges merveilleuses terribles majestueuses
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y r LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAT P
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Un flambeau nous eacuteclaire et nous guide il faut le I~middot suivremiddot El quel est ce Jlambeau radieux Lharmonie
1 8 la beauteacute La reacutealisation de cel ideacuteal est difficile agrave v trouver quelquefois et agrave mesure que je progresse mecircshy~ me celte sorte de conscience se transforme
~
Elle devient plus complexe et en mecircme tcmps moins eacutetroite moins simple moins pinne
Je devine aussi des parties de moi-mecircme (lIi dorment encore et que je connais mal ou (lIC je ne connais pas
Seule je narriverai point agrave me comprendre toute entiegravereuml Sans lamour lamour grand et sublime unique
et divin que jattends je ne puis eacuteveiller les laquo palais endormis n
Mais avant lIue vienne le heacuteros mysteacuterieux je voushydrais augmenter enrichir chucun de mesegravetres tout en ne les meacutelangeant pHS avec cc qui pourrait me venir de lexteacuterieur el ne serait pas reacuteellemcnf moi-mecircme
Puis je voudrais les multiplier encore et les unir en les faisant converger vers lin megraverne ideacuteal
Car si je deacutesire tellement nrriver il devenir queshyquun cest que mon recircve est laceomplir quelque chose de valable pOI1l le bien de lhomme
El comme a dit Goethe ( Si tu veux reacutealiser une grande œuvre fais-loi dahold une grande agravemeraquo
Ceux-Iagrave ont une lime qui out toujours marcheacute dans la megraveme direction
Chacun a sa loi il faut sy tenir Son HJUVIC il lt~ faut laccomplir Cest un problegraveme agrave deacuteterminer ct agrave
reacutesoudre
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1(_J~jOy)J~jl~rV~ rt~ 1~middot~ - l bull
10 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Oh Avancel sans crainte Ne reculer jamais Lhomshyme daudace ressemble ail dompteur au milieu des faushy
les sil a peur le dange surgit Il faut transformer en science le souvenir de tout ce
qui a passeacute dans le rayon de noire vie Il tant harmoniser lame actuelle hiernrchiser les
sentiments teindlP certaines penseacutees en aviver dautres U fat transformer les avenirs voulus logiques deacutesishy
reacutes ltlimeacutes
Il Iaul trouver le centre Ile 1I01le acircme et le proclashy
mel roi Connais-loi toi-mecircme
30 Mai
Je viens de relire les Poesies complegravetcs du preshymier poegravete qui me fitcornprendre la merveilleuse feacuteeshy
rie du vers Ephrniumlm Michltlil Ephraim Michaeumll Celui qui mouvrit dAbord le monshy
de des formes plastiques cl la richesse du verbe sonoshyre l Celui dont jes tristes poegravemes meacutelodieux donnegraverent
unmomenl une expression il Illon ecirctre inconscient de lui mecircme dont les accents uostalgiques me- parlaient dune untrie que moi aussi javais connue pal delagrave les monugravets Celui dont le rythme assoupli mn vuix et
qui me doun a lamour des paroles suaves Ame trop faible pour la vie quelle a conccedilue 1 acircme
eacutepique ne succombant que sous sa propr~ immensiteacute ou plutocirct corps deacutebile pour tant de splendeur
Jaime ses vers somptueux comme de lor
LA CONQuftTE DEL(DEAL
Cest une orchestration savante eacutevoeatrlce avec des notes triomphales chargeacutee danciennes vies et de visionsshy
merveilleusement pures de la beauteacute qui se deacuteroule Chant mineur aussi mais sans alanguissement chant
dattente et de recueillement chant de deacutefaite olt sonshyne fiegraverement lappel des combats nouveaux et des vicshytoires futures 1 Chant de regret dlin prophegravete que le monde a attireacute sans lassouvil et qui pleure vaguementej bull
quelque couronne perdue Michaeumll quel beau geacutenie il serait devenu sil avait
trouveacute sur sa route un ami puissant une intelligence flushyrifiante une source de celle torce qui lui manqua toujours
En raison mecircme de ladmimtion llue je professe pour
son talent et de lardeur impeacutetueuse avec laquelle je me suis nOllrrie de celte acircme deacutesespeacutereacutee pendant plusieurs anneacutees je voudrais aire lin examen critique au point de vue de leacutepanouissement vital de ce manshyque qui la empecirccheacute de seacutelever jusquaux sommets
quil avait su recircver
Ainsi dans laquo Recircves ct Deacutesirs Il
Les chants vllglles et les formes indeacutecises passen t Ces formes neip euvent egravetr e atteintes pal lepoegravete Deacuteshycevance de la recherche de la beauteacute ougrave I~ reacutealiseacute est
1
moins beau que le recircve Le deacutesir inassouvi vit donc dans cc cœur il peut
seacuteteindre pal leacutepuisement il nest pas accompli JI
ne donne pas le calme qui suit la reacutealisation Il reste apregraves chaque essai daccomplissement le regret des deacuteshysirs morts
Jeacutetudie celle condition qui lui a manqueacute quelle est-elle r
~j
f ~
LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL12
laquo Les formes passent raquo JI Iaut sen saisir les maishytriser les creacuteer
Condition la force POlir (lIC les formes snrregravetcnt cl quon jouisse du
calme il laul savoir les eacutevoquer ou les dissoudre
bull Condition h force
Ce qui est recircve pOlIl llin cest-agrave-dire ideacutee pacircle cmshybellie seulement des layons lunaires de lImagination peut-ecirctre reacutealiteacute poIll un autre plus Iort Cest essenshytiellemeal relatif
Cela deacutepend de la force
On vise toujours plus haut pOUl atteindre plus bas Cest une loiphysi(lue dont lexplication est facile agrave trouver Lartiste reacutealise tOlljOUIS au-dessous de son regraveshyve Mais il taut regravevcr cest-agrave-dire viser de plus en plus haut
Condition la force
Pour eteindre le deacutesir il faut laccomplissement ou le renoncement JI ny a pas de milieu Autrement lacircme suse dans une poursuite vaine Or le deacutesir nous pashyrait mauvais cal un deacutesil pcrpeacutelulaquo est une faiblesse qui est im mora le
POUl renoncer ou pour accomplir que faut-il
La Iorce
PC)Il endormir son uumlmc dans la seacutereacuteniteacute des recircves accomplis il faut egravetrc maitre de ses recircves et les choishysir ou reacutealisables immeacutediatement ou reacutealisables dans lavenir
La vie actuelle eacutetant donneacutee telle quelle est il faut (sans po ur cela reuoacer agrave la mieux eacutepaaouir ) se conshy
a -1 -- ~W -- - ~
LA CONQUEcircTE DB LIDtAL 13
former agrave ses lois et agrave son but Ainsi on peut toujours accomplir son recircve
Mais si les recircves confus et discordauts de tous les hommes quelquefois pervers et troubles devaient ecirctre accomplis il ny aurait plus que le chaos
Vouloir ce qui doit ecirctre rom lharmonie totale Condition la force
( Ces deacutesirs jamais apaiseacutes et jamais accomplis toushy
jours fusant seacutepuisent en eacutepuisant lagraveme Il faudrait que lacircme se coneeatre au lieu de se dimiddot
soudre
Cest encore et toujours une question de force Et dans les Reacuteminiscences eacutepiques le poegravete qui U
dabord aime toutes les llleus de la civilisation dit aussi quil regrette le bonheur animal des geacuteants prishymitifs les luttes et la vie sauvage
Ces erreurs quil aime sont les lormes miegravevres les rocircles sans majesteacute les espoirs malsains toutes les faishyblesses dune eacutepoque deacutecadente
Puis par reacuteaction et polarisation ayan t eacuteteacute trop Ioia dans cet amour du faible le recircve se forme des teaps forts et des eacutequilibres anciens
Il voudrait la vie sauvage brutael animale sensuelle mais puissante
Et comme toute reacuteaction est exageacutereacutee lerreur eashygendre lerreur
Pour un ecirctre sain et intellectuelles temps preacutehistorishyques Dont rien denviable
On est sorti lentement et peacuteniblement de ce limbes oa eo a presque horreur
~i
] -J71 Iii~ W - --1 - -1~
44 U CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Lhomme inteacutegral naspire quagrave moaler Nul ne peut
sainement se lourner vers le passeacute deacutepasseacute
Et pOl1 eacuteviter agrave la fois cette tendresse des erreurs
miegravevres et ce regret contraire dun temps brutal que faut-il
Toujours la torce
MicJlaeumll Je sent bien celte fois-ci puisquil seacutecrie lui-ssegraveme
- Et dans ma nostalgie immense de la force je suis humilieacute de la splendeur des bois 1
Lhomme puissant nest pas humilieacute de la splendeur
bull es bois il communie avec eux et se fortifie de leur souffle feacutecond
Ainsi jai eacutecouteacute les chants dun poegravete que jaime
sans rien recevoir de ce qui en lui est moins pur quen moi-mecircme
Je me suis longuement berceacutee agrave son rythme enehanshy
teur jai vibreacute agrave ses sonoriteacutes agrave sa couleur agrave sa passion
agrave sa seacuteduction agrave son eacuteloquence Mais je veux me soushy
venir quau-dessus de tout cela il y a autre chose
Il y a la vie veacuteritable augmenteacutee ou diminueacutee
H y a linspiration sacreacutee venue de la lumiegravere et
celle issue des teacutenegravebres passionnelles aux lueurs troushybles
Nous avons appris dans le livre des grandes acircmes
que la gracircce et la beauteacute pouvaient revecirctir des esprits denfer Circeacute les Siregravenes Cleacuteopacirctre et tant de goershy
riers de savants mecircmes
Et puisque les œuvres que nous lisons deacuteterminent en
partie notre ecirctre plus je reacutefleacutechis et plus je pense quil
est on ne peut plus leacutegitime de nadmettre en nous
(
-1 - -r10 u l ( ~l~
LA CONQUEcircTE DE JIDEcircAL 15
par la lecture que des œuvres choisies et bienfaisantes
capables de nous aider agrave la reacutealisation de notre vie
Car tout individu qui a un but deacutefini ct fait des acshy
tions qui len eacuteloignent est contradictoire 01 nous flOUS deacutefendons des mauvaises actions parshy
ce quelles nous deacuteterminent dans le chemin que nous
reacuteprouvons et nous ne ferions pas de mecircme pour les
livres f Et puisque nous sommes obligeacutes de nous deacutefendre de
ces aclions mauvaises cest clone quelles sont tentatrishy
ces et quelles ont en elles quelque chose dattirant et
de seacuteducteur
Le mal nest pas toujours repoussant
Degraves lors pourquei nous eacutelonner que lœuvre llart
ait elle aussi un autre criteacuterium de sa valeur reacuteelle
que son degreacute dattraction et que ce criteacuterium soit sa
puissance dharmonisation de perfectionnement cie la
vie sa pureteacute Pourquoi proclamer belles et par lagrave au-dessus da
toute juridiction les œuvres qui seacuteduisent nos limes
puisque nous ne voudrions cGrtes en soutenir autant de
toutes les actions
Et malgreacute la grande admiration reconnaissante que
jai pour le poeumlte Michall je me sens plus forte dashy
voir ainsi sondeacute sor manque de force Ne dit-il pas lui-mecircme dans laquoCreacutepuscules pluvieux )
ses sentiments de vide du cœur sans raisoa damour
briseacute f Je ne meacutetonne pas de cette sensation de vide dans
ce pauvre cœur que rien na rempli non paree que rien ne pouvait le lemplir mais puce qatl aeacutetait
rempli par rien
48
JJ -Lbulltl~)A~l- r-i] Yi1 J~ ~ bull 1
LA CONQUEcircTE DE LIDiAL ----- - __----- shy
haule situation de sa famille el de tout ce que celui-ci avait dit pendant sa visite manifestant une acircme loyale
simple el tendre Et il ajouta _ Enfin depuis quatre ans deacutejagrave vit en lui SOD
amour pOUl toi amour tregraves sincegravere tregraves profond et que je trouve touchant je le lavoue
Lorsque dans un enthousiasme juveacutenile UB soir dans les montagnes il se laissa aller agrave le dire ses senti shymenls el que tu en fus si surprise je compris tregraves bien lattente de deux ans que tu reacuteclamas alors avant
de pouvoir songer agrave te marier Aujourdhui il Jen est plus de mecircme Tu as lacircme
dune femme el tu peux sentir comme moi le prix de cette affection fidegravele (lui dure depuis quatre ans et malgreacute deux anneacutees de seacuteparation complegravete
1
Enfin sans vouloir faire appel agrave ~es perpeetives mashyteacuterielles qui je le sais nont pas sur toi une bien grande influence ccpendant laisse-moi taffirmer que le bonheur dune femme esl bien embelli par la faciliteacute charmante quun certain luxe donne agrave la vie Et puis ma cheacuterie crois-moi cest quelque chose davoir un mari attentionneacute qui vous adore qui vous admire
qui se fait le reacutealisa leur de lous vos recircves 1
Le bon regard attendri de Srand-pegravere me laissait voir toute la joie quil aurait eacuteprouveacutee agrave laccomplissement
dun projet ltfui lui eacutetait tregraves cher Mais craignant peut-ecirctre davoir trop chercheacute agrave
-mIuiumlluencer il reprit uvee douceur ~ Toul ce que je te demande ma pelite Michegravele
cest de revoir Andreacute saas ideacutee preumlcoaccedilue avec un peu
~
J~J~W-J
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL -tg
de cette indulgeuco lfllc ge ne la pas donneacutee encore pour [cs hommes pour les choses pOlll la vic
Cependant tu sais nest-cc pas laquo(U~ comme je tai toujours laisseacutee libre dans tes penseacutees dans tes lectushyles dans les acles ayan tuute confinnce dans ta belle pureteacute dllns la lIcHe droiture je te laisserai Loushyjours absolument libre de deacutecider Loi-mecircme le chemin de ton desfin
Grand-pegravere el moi nous avons passeacute hier apregraves le dicircner une soireacutee tregraves intime Jo lc sentais preacuteoccupeacute dune deacutecision prochaine ct un peu meacutelancolique aussi car cc projet Ini taisait revivre sa jeunesse agrave lui etausshysi la jeunesse de ses enfants disparus ce projet auquel il tient pourfanl lui Iaisail revivre une eacutepoque deacutejagrave lointaine UgraveUTI passeacute ltiui Ile reviendra plus
3 Juin
Grand-pegravere a inviteacute rll(lll~ Calvis agrave dicircner pour la seshymaine prnchnlue PlliSlaquo(lIi veut absolument que je le revoie
Moi je snisbieu je sais ineacuteluctahlegravement que ce nest
pas Lui Mais pourquoi ne le reverr-ai-je pas Cest un ami nous avons beaucoup eacutechangeacute ensemble nos penshyseacutees et nos aspirations denfance el les liens damitieacute reacuteelle apportant leur joie sont si larcs
Peut-ecirctre ne voudra-I il las comprendre la h~allt~
dune affinileacute (lui dure t[llalll megraveme clic nest pas ehuishysie comme affiniteacute iUIg)ne
Les hommes do nos jours ne sont pas heroiumlques
_ _ _ J
l 1 Il ~ ~~ ~-~ ~ ~ ~ ~ 1J- -
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 21 20 LA CONQU~TE DE LtDEacuteAL
n y avait quelque chose de hien noble dans certaishynes ideacutees de la chevalerie dautrefois
Il me semble quaujourdhui 011 nc seacute garantit pas assez de la souffrance destructive on se reacutesigne trop facilement agrave leacutetat miseacuterable du monde et de lhumashyniteacute et au contraire lon eacutevite avec une veacuteritable lacircshycheteacute leacutecole de certaines douleurs psychiques qui disshyciplineraient et augmenteraient notre ecirctre Je veux dire que degraves mon relus il est probable quAnugravereacute prenshydra la reacutesolution de ne plus me rencontrer pour ne pas se souvenir
Au lieu de laisser vivre entre lui et moi tout ce qui peut de son admiration totale egravetre reccedilu par mon affecshytion partielle il cherchera agrave tout couper agrave tout reti shyrel agrave tout eacuteteindre Cest dommage 1
Tant de fleurs de tendresse sont ainsi faneacutees trop tocirct et souvent faneacutees il jamais pal ce manque de courage par celte crainte faible dune augmentation de peine
Oh ne jamais rien deacutetruire volontairement des amitieacutes des sentimen ts des pesseacutees des liens reacuteels 1 ne pas craindre la viedu cœur ne pas fuir devant les
( orages possibles
Je veux fortifier mon coura~e et je voudrais semer du courage en autrui car jaime la force etIenduranshyce Au contraire je nadraets pas la reacutesignation si annishy
hilante precirccheacutee agrave tort comme une vertu
Andreacute comprendra-t-il comme je le sens que nous devons conserver la vie coservel en elle ce qui est vivant et laugmenter et leacutepanouir
Mais quil faut avoir une volonteacute aussi forte que lintelligence pour rester harmonieux et une volonteacute morale plus forte que le deacutesir instinctif de vie
~ Dailleurs depuis deux ans Andreacute a certainement mucircri et progresseacute
t ~I
f Je sais quil est poegravete quil a de vrais dons lyriques une ugraveme pure et noble
Mais quimporte
Celui que je recircve est le seul qui puisse mentraicircner plus haut que moi-mecircme agrave la conquecircte incessante d~
mon ideacuteal infini
Et je veux quc reacutealiser son recircve quincarner son espeacuterance soit mon expression protonrle celle clue jentrevois comme une ~ ossibiliteacute merveilleuse encore lointaine dans mes instan ls de deacutesirs les plus eacuteleveacutes
Oui Grand-pegravere tu as raison Cest quelque chose davoir Il n mari qui se fait le reacutealisateur de toutes vos aspirations
Mais faut-il encore quil puisse sentir ces asplrnlions mecircme celles qui dorrncn 1 an fond (Je mol-mecircme fusshyquau temps ~ugrave sa penseacutee eacutevocatrice les eacuteveillera
Lorsque je le sentirai veuil de tous les cocircteacutes seacutelegraveveshyront des chants dalleacutegresse
Et le jardin dl mon ucircme fleurira enfin et vibrera comme le vent du soir fait reacutesonner sourdement le grand orgue des bois
Des accents de victoire eacuteclateront dans les airs des
fanfares joyeuses selanceront et ce sera lhosanna triomphal entonneacute dans mon cœur pOUl lnrriveacutee cie son roi
Tous les recircves se legraveveront en moi comme une foule et les phrases damour berccedileuses qui chantent dans
mon egravetre les paroles erubaumeacutees et douces qui sorashy
bull
1 )
2
j J J--J
LA CONQUEcircTE
j~ I~j~
DE LmEacuteAL
~ Il_ Il ~-
1 J
LA
----1 J shy
CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
)
23
-- 1
III i Il 9 heures du suu
(111 le (Ii 111 )
meillent encore mes knrs pourront enfin te le dire il loi que jalrllds
Tu mapprcndrns toujours mieux les secrets profonds
de la il mysteacuter-ieuse cl 1I011~ lIilli~(JOIl~ tous deux
lideacuteal Cil reacutealil eacute Cilrmiddot iIVI(~ loi la vie sela le Temple
du Beau Avec loi 1~lle S(il II~ illlclllail(~ du Biell
Et ta parole mlnlrnilleri mc MliVlIraml1xllllera
vers les hauts sommcs de la pell~le lrumainr-
Tous mes recircves lappellenl d mes souvenirs lous tont appeleacute un agrave un
O Viens hicnlugravel Viens mou unique soleil A la
lueur je veux COmpIIIIiII il Iii 1111111 je VIUX savoir
agrave ta lueur je veux chauler il la lil(III je V(IIX aimer
Triomphant rt adoreacute viens Iairc villII mun acircme ct
reacutesonner loules les con]lts de 1111 h ll In nd Il salis loi
Alljollrdhui jni ltIt prendre ilshy llil cll(z laur Kousta
que ie navais pas 1111 dp)lIi~ plus dl~ trois mnis
Cest une klIIme pcinlrc hilII connu 1 Pilis
maintenant pOlir SOli lalltolll cl SOli ldlIard( hlallI
Elle minltIlssait l)(illlCOIlP (II plIlsioli il v il qur-lshy
ques anneacutees lorsque la jeune Iilll~ clIIiells cl farouche quelle eacutetait alors soccllpnil iI 1( pilgtsion d( la 1011 (P
petite Michegravele
il
Jl
~
Elle eacutepousa depuis Wladimir Kousta comte poloshy
nais beaucoup plus ilgeacute qurllc dont lIndulgr-nce inshydiffeacuterente ct taihlr- lintcllicence savante compliqueacutee
fine ct douce laquo( lnimnil pntpllIdlelllcnt tout lII la laissant
entiegraverement IilllL)J comme dll Ille le dil en i-ianl pOUl
mannoncer ce singulier mariaulaquo
Jane eacutetait vraiment somptueusement belle cel apregravesshy
midi dans sa lohe souple de lil)(I1~- ornnge ses bras
magnifiques chnrgeacute de hrucr-Icls lourds
Tregraves entoureacutee elle parlait vivement son lIelllCl 5011shy
rire eacuteclairant son brun visage de grcc(flIe antique et
elle faisait de grands getes conservant pourtant la
gragravece distingueacutee ct harraonieusc si rare si d(~irlle si
impreacutevue qui est la sienne
Elle paraissait lrucircncr dans son vasle aldil~I luxueux
ail milieu du deacutesordre voulu eI nrrungeacute du pegravele-mele
garccedilonniel des tableaux des chevalets des bouquins
des hibelots el des toiles commenceacutees
Degraves que le domestique meucirct annonceacutee Jane flollssa
un grand cri enthousiaste ct mouvrit lar~cmclli ses hras
- Eh hien fOon enfant iHicnHa ch hien ~ mon hlond
oiseau vagabond cest comme cela que depuis des mois
et des mois tu nous as tOIlS ahn mlonneacutes t
Tout le grollpe ami surencheacuterit bruyamment
- Il sest sucircrement passeacute quelque chose t1lqrnn~c
dans la vie de Mademoiselle Vazuuuc cd hiver nfllrma
le pianiste Edmond Cnud
- Viens-tu lions annoncer les fiausaillrs r lplii Jashy
ne en mattirant pregraves delle tandis (Ie je svrru is enshy
core cinq ou six mains tendues vers moi
-------_
~~6~Uumli~~~~~middotmiddoti
GlIillaum~ Tara sinclina ~ 1 ~ Je ne puis vous feacuteliciter de voire 5uceegravesjMonsiellr
lui dismiddotojenayantni III ni YU toille piegravece Dune voix grassedeacutepl~isaDte ra1-a reacutepondit en ricirc~
caout 1 gt1 -Ma litteacuterature en effet Mademois~ll~ ~~est p~U preacuteciseacutement cc quon peut faire-lire aux jeunes filles
_ Ceci lqt ~rte peu pour Mad~m~i5el1~ V~zaDDe~ ~t dun tonelmable Edmond Gaud EUe a ungrand~pamp
re eacutepatant qui la laisse libre deacute lire tocircnt~ee qll~eacuteneveUt C~stvr~i repri~je Mai~ Il m~Jais~ecircceumlJtel~
teacute jllstem~lIt parce quil sail qui( Y~ (~ ~eri~in ~rl qlli ne jninteacuteresse pas du tout middot ~ ~
Tous eacuteclategraverent enriant 10 bull
~ Ehbien1 ~OD vieux Gui TareeUepe vriu~ 18 pas envoyeacute dire 1
He~reusementque tout le mondeaParisnest plis de vaireavis MademoiselJc murmuraGuil1a~me Tara
-Cest certain Monsieur reacutepliquai-Je Vous sentez tregraves justement que parmi vous tous je suis un peu comme
une eacutetrangegravere une provinciale si vous voulez
Et profitant dun instant de conversation geacuteneacuterlllede plus en plus bruyante je dis agrave Jane en aparteacute - Et voi~
lagrave preacuteciseacutement pourquoi je parais tabandonner mon ashymie Si lu voulais me voir seule agrave seule de temps en temps iuml~lurais le senliment dun eacuteocirchange damilieacute feacutetiUeentre nous deux Notr~ affection -aipsi ~rait vie et manifestationnaturelle devie ~ lt~ v
liais tu mas souvent fait c~anp~lidrequ~ je poubull shyvtPt te gecircner ~~ veacutenant middotautro~egravebt~qU~~~)Dmiddot1joure Qubull
gtlo
middotmiddotEt avent que jaie eu le temps d~reacutepoodrela peshy0 bullbullbull lttite R()se~Malie des- Franccedilais dont je nai jamais aimeacute ~ bull Ies yeux pointus tregraves brillants et tregraves vides seacutecria avec ~f+~alice _ 1( ~~ Mais cest vrai il Y a du nouveau pour vousb l (
li 4ndreacute CriJis est de retour agrave Paris gt gt Tuvas nous raconter tout cela pour te faire parshy f~onntlr ton lacircchage dit Jane mais tumiddot prendras des
forces avant lfagdeleinr ajoutat-elle servez-lui donc le theacute
Magdel~ille Lamarre un peu ridicule par lextrecircme ~ mJ9picq~ilIe lui permet pas de quitter un instante ~ 00 facebullbullbull mains et aussi par lair de jeunesse ingeacutenue ~J ~lJe cherchentagrave jouer ses trente-cinq ans de vi~iumlllefillr egrave Ee preacuteejpila gnmincmeni agrave ln table ougrave le samovar
bO~lrdQnnait doucement sa chnnsonmonptQne ~
Un~ Iorte odeur de cOleacuteopsis se reacutepnndait dnns la piegraverrochaqne mouvement de Magdeleine dont la fishy gure savamment maquilleacutee eacutetait eacutecraseacutee pal un chashy
0 lfll n monumental ougrave seacutetouflaient les plumes daulrushyche cil les rose tendres 1 bullbull
rregraves Ile Jane un petit jeune homme hlondesecvan ~ visage~legravellieaux vilnius yeux gris se ba1nnccedilagraveit dans uu
bull fauteuil debois fumant nonchalamment un gros cigare Son ail IlIS et fat me deacuteplut - Tu regardes notre nouvel intime interrogea Jane
Tq ne Je connais pas - Et sur ma reacuteponse neacutegative
~ - Jete preacutesente Guillaume Taraullhmiddotemeo~dit mon
ami middotGu Tare lauteur si connu par Vimmeuse( ~~lt ~JriQuf~e middotdemiddotl $ai$OO~ ~leFqu~~jre
~~tmiddotmiddot
1
~
succegraves eacuteclaboussant extrashy
parler du toute cette
EIlmJlId Gaud vint sasseoir pregraves de moi Il est intel-
nous avez que QOUS vous
ici qui
un instant la conversation
de Paris
dans cet dadjectifs vides
phrases presque toushy
les seules agrave peu pregraves quon puisse pla
mondain mi tout le monde veut par- 1
des eacutechanges fluishy
des sourires
nerveuses et deacuteseacutequilibreacutees
de Ia vie
Au contraire elles lemshy
vous voulez Il faut dQD
li
I
IWshy
~
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l 1 1
1 1 i
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~f~C~~~)~~~lt ~~~heacute~~i t~- ~ ~ lt lt gt
16 LA OONQuiTB DB LIDEacuteAL
eacuteela deacuterangerait ton travail tes seacuteances de modegraveles etc
Et je tavoue franchement que si aujourdhui par exem- pie rai la joie dadmirer ta bea Il teacute ce qui est deacutejagrave quelque chose cest vrai tout ce quune in limiteacute douce nous permettrait de reacutealiser et deacutechange de sincegravere et
de profond est empecirccheacute annihileacute par le convenu et lartificiel dont sbabille Paris mecircme dans ses reacuteunions
les plus restrein tes Comme pour me donner raison le domestique annonshy
ccedila le duc et Ia duchesse dArmiore Jane ell ce moment fait les portraits de la duchesse
et de ses enfants
Aussitocirct elle sempressa autour deux et commenccedila
les preacutesentations dlisage
Magdeleine Larnarre souriante et ingeacutenue retourna agrave la table de theacute et Jean Chermy qui flirtait avec elle
passa les assiettes de petits gacircteallx Puis coup sur coup en tregraverent dans latelier les
peintres Demerront et MaulIcircce Picot lactrice Nelly Reflet et plusieurs autres personnes
La conversation devint de plus en plus tapageuse et quelconque
Guillaume Tara le grand homme du jour que je senshy
t~is tregraves peacuteniblement dailleurs ecirctre en ce moment le fashyvori de Jane paraissait succomber sous le poids de ladshymiration que tous ces pan lins lui prodiguaient
O~ ne parlait plus que du Fou-Rire de ses actrices -de la scegravene extrordinaire du 3e acte ougrave la situation se complique si drocirclatiquement de larriveacutee des deux acircmants du compte-rendu de cet imbeacutecile de Veacutery qui aVilit preacutedit un four et de lavenir superbe que proshy
-~
r~~ middot~J~~~Jr h~~l~~~~~~ij~
LA C0NQU~TB DE LtDBll
mettait agrave Monsieur Tara le ordinaire affolant Ile cette premiegravere piegravece
loi qui navais jamais encore entendu Fou-RilC j~me sentais stupideparmi meacutediocriteacute
ligebullt et sympathique
-- Ainsi Mademoiselle me dit-il vous deacuteclareacute tout agrave lheure agrave mots couverts
rasIOns
- Seacutepareacutement il Y a IJuelques pelsoones sont chnrmantes
Mais soyez franc Ecoutez
de ce salon qui est un des plus intelligents
Et dites-moi linh~Iegravet que lon peut trouver eacutechange dexclamations dadverbes et
de sens dans ces lambeaux de
jours inacheveacutees
cer dans un salon (
ler et personne ne veut ecouter
~ Jy trouve des sensations nerveuses agreacuteables parshy
fois fortes reprit le jeune pianiste
diques des amitieacutes des flirts du parfum
-- Je VOllS comprends mais ces sensations lil me font leffet decirctres artificielles
elles ne reacutepondent agrave aucun besoin profond
et uexpansent pas le-bonheur poison rient
- Si j(~ ne me trompe Mademoiselle mettre en pratique la parole de M~rcAul~le ~
~
J~ J- - J~ - - --
28 LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
ner au corps ce qui est neacutecessnire pOUl lacircme et il lacircme ce qui est neacutecessaire pOIll quelle seacutelegraveve raquo
- Le plus possihle et je voudrais reacutealiser aussi cetshyte autre penseacutee dEacutepictegravete Sois libre malgreacute le monde
Mais la force du monde est infinie lloyez-le par rapport agrave la lorce de lindividu el le monde est enshycore anarchique el deacutesaccordeacute
Etre droit et eacutequilibreacute cest sisolcr difleacutercr du ruishy
lien et pOlir reacutesister il liuflncnce Iunc force si puisshysante influence dailleurs nerveuse cest-agrave db c pll~sqlle
physique ct ne venant pas des id(c- i-snes seulement de ces sensations passagegraveres que VOliS aimez je crois que
lhomme sain ne reacutesiste qucu sclcvau l tregraves haut cl en
bacirctissant autour de son acircme (les murs de diamant
- Vos ideacutees sont bien daccord avec votre forme exteacuterieure reacutepondit Gand I(~ crois voir une jeune filshyle de lantique Chaldeacutee dans le calme de ses regravevcs plirs
allant la cruche sur ln legravete puiser lcau bicntaisantc
Vous vivez plus avec les eacutetoiles quavec les hommes et vos yeux longs (jolientale hlonde reflegravetent ra nosshylalgie de lideacutealiteacute Moi jni gueacuteri celle nostalgie peut
ecirctre cette gllelison est-elle lin amoindrissement Ccpenshy
danl vous saurez heacutelas un jour que les pensees les
plus belles viennenl toutes de ces sensations nerveuses qlle vous croyez infeacuterieures souvent niegraveme nolre intelligence deacutepend de la fnccedilon dont nous avons digeacutereacute notre deacutejeushy
ner et tout nest que sensation
Cest pourquoi la musique est ma vie Quy n-t il an monde agrave cocircteacute de cela le me repreacutesente la terre comshy
me un lien Ie lhomme doit taire vibrer de toutes les faccedilons et le plus possible sil vent ecirctre vraiment heureux
-t--~ - -
LA
et vraiment quelquun Quy de leacutemotion Plus
CONQUEcircTE DB LmEacuteAL 29
a-t-il dans la vie hors lin ecirctre est capable deacutemotions de
tontes les sodes plus il est inteacuteressant plus il existe _ Pour VOliS reacutepondre repris-je en soudant jappel-
le toute la Chaldeacutee il mon aide VOliS dites tout est sensation pourquoi vous contreshy
diruis-je A travers mon enfance entiegravere jai su gilldel la notion du reacuteel le parfum des loses leffluve des arbres les affections les deacutesirs les penseacutees eacutelaient un monde vivant autour de moi Dunivers en univers de
hauteur en hauteur tout est reacuteel je le sens Comprendre savoir apercevoir espeacuterer cest toucher
par un sens ou par un autre Ce qui nest pas en conshy
tact avec moi est inexistant pour moi et le seul et unishy
versellien entre le monde et moi cest la sensation Vous dites tout est vibratiou Daccord La vibration
exteacuterieure peacutenegravetre en nous sous forme de sensation
MaIS ne remarquez-vous pas vons-mecircme quil y a une
infiniteacute de modes vibratoires
Londe musicale est pour vous le type et le centre
des possibiliteacutes rayonnantes mais la vibration de la
lumiegravere celle de lamour celle de lintelligence Si le piano que vous faites reacutesonner est faux ou a
des cordes briseacutees en ecirctes-vous pour cela moins musicien et votre eacutemotion mal servie ne seacutemane-t-elle pas imshy
patiente et complegravete
Si mauvais interpregravete VO1S trahissez le geacutenial comshypositeur lœuvre splendide enregistreacutee par les signes
en est-elle moins parfaite 1 Eh 1 bien quand votre corps physique alourdi de
sommeil 01 eacutepuiseacute dinsomnie accableacute par lexcegraves ou le
--
~
- -~ ~ ~ ~ ~ l
SO LA CONQUEcircTB DE LmEacuteAL
manque de nourriture par lexercice iiuquiegravetude ou
toute autre cause devient lin mauvais instrument lin
mauvais reacutecepteur est-ce que londe intellectuulte qui
dans de meilleures conditions laurait fait vibrer harshymonieusement est changeacutee
Croyez-le il y a des sensations de tous ordres Les sensations physiques peuvent apregraves avoir eacuteteacute comme
un cristal transparent devenir ugrave certains moments comme
un voile opaque pOlir les sensations supeacuterieures elles
nen sont pourtant que le vecirctement et la manifestation
Et les sensations immeacutediatement supeacuterieures agrave leur
tour transmettent de la mecircme faccedilon selon leur capashy
citeacute des vibrations plus hautaines encore
Jgtonc agrave mon avis non pas notre intelligence mais
seulement sa manifestation physique ce (lui est tout diffeacuteshy
rent pe~t deacutependre œdune digestionraquo comme vous dites
Pendant quelques instants Edmond Gaud et moi nous
causacircmes encore Puis je me levai pour partir au
milieu du brouhaha mondain Et Jane Kousta lacirccheacutee de me voir sortir sans presque mavoir parleacute maccomshy
pagDB jusquagrave la grande galerie deFlIIt(~ ct sexcusa
- Tu ne men veux pas petiJeacute Micllcline 1 Jo tassure
que si je ne te demande pas de venir me voit un jour
toute seule cest quen ce moment cr-ia mest vraiment impossible
- Tu as trop agrave travailler lui demanugravelIi-je
Et aussitocirct je sentis brusquement que bien autre chose
que la peinture la preacuteoccupait et labsorbait Je la regardai Elle rougit Et ma penseacutee eacutevoqua aupregraves delle la sishyhouette affreusement antipathique de Ouilla urne Tnrn
Je me rapprochai de Jane et lui prenant la main
~ ~ -~ ~~ ~ l )--~
LA C01llQUEcircTB DB LIDEacuteAL 3~
- Mori amie Les choses seacuterieuses et profondes sont les plus vraies les plus douces celles qui donnent la sensation de dureacutee dagraveme de vie Crois-moi ce qui
senvole inutilement ce qui brille un jour pour seacuteteinshy
dre vite cest le neacuteant Tu te laisses entraicircner dans un tourbillon trompeur
et hi ny es pas heureuse Jane car tu vaux beaucoup
mieux que la vie que tu te denues
- Tais-toi interrompit-elle tais-toi Je ne veux plus penser au moins pour quelque temps
Ce qui me rend le plus triste ajouta-t-elle cest que
je suis jalouse et sa voix tremblait
-- Au contraire insistai-je tu devrais prendre le
temps de penser Ce que tu as de plus beau en tei
peut seacuteveiller Seacutepanouir et te diriger mieux
- Me diriger Et ougrave 1 Depuis des mois et des mois
je suis une pauvre nef ballotteacutee sur un oceacutean en teshy
pegravete et ea tumulte tu ne peux savoir Plains Illoi
ne Ille juge pas Michegravele
-- Ma pauvre Jane je ne te juge pas certes et je
taime 1
Tu dejaandes comment te diriger 1 Fais le silence ee
toi dabord et autour de toi des sensations et des deacuteshy
sirs calme ton excitation et eacutecoute la voix inteacuterieushy
re la voix intime et profonde de ton ecirctre soupireacutee
chanteacutee moduleacutee au fond de ton acircme
Jaurais voulu Ionguemeat parler agrave mon alllie mais
la sonnette seacutetait tait entendre et le domestique (l1ashyvraitla porte dentreacutee agrave deux dames empresseacutees et
vlubiles
~~
Je suis
LA CONQUEcircTll DE LrDjAt
Jane courut agrave elles le sourireaux legravevres et memshy
l2
~C~- -n-t -~ 1 _ 1 bull l ~
LA CaNQUETE DB tIDEacuteAL 33
alleacutee avec grand-pegravere acheler des fleurs puis j~i eacutegayeacute la maison des taches dor des jonquilles elbrossa ~n hacircte pour retourner ail salon en mecircme temps jai piqueacute dans lous nos longs vases les liges droites que ces deux arrivantes des boules de neige gonfleacutees grosses el candides des
Mais dans son baiser prompt je sentis loute la tendresshy lys eacuteclatanls si purs dans leur blancheur resplendisshyse intease dont elle esl capable et toul ce que son ecirctre sante et des lilas blancs ou mauves an parfnm tiegravedlaquodeacuteseacutequilibreacute farouchement nelveux contien t encore de
Enfin seule au-salon jeacutetalais dans une potiche basse profond de puissant el aussi cette capaciteacute quelle a
sur le piano habilleacute de soie quelques grosses roses au milieu dune vie factice el trouble de garder oushy
rouges lorsque la porte souvrit sans bruit derriegravere moi vertes des eacutechappeacutees lointaines sur les vastes espaces
Javais devineacute qui entrait Plus timide que dhabitushyillumineacutes et de sembler avoir toujours uae part de son ecirctre plongeacute dans un oceacutean daspirations pures et innomshy de je nosai me retourner
- Oh 1 Michegravele murmura Calvis comme VOliS ecirctesbrables devenue belle 1
Surmontant mon eacutemotion je marchai Vers lui la main tendue
Il la serra longuement dans la sienne et leflleumlura rlun baiser rapide
9 Juin Minuit f2 Je le trouvai bien changeacute Plus grand plus Iort et
plus fin agrave la fois Je le lui dis
- Oui jai beaucoup changeacute Michegravele reacutepondit-il Andreacute Calvis sort dici agrave lInstant el je nai pas - En deux anneacutees dexil toujours seul aux pay~ loinshy
sommeil tains on comprend on senl bien des choses nouvelles
Quelle apregraves-midi agiteacutee jai passeacutee en lattendant je Ces deux anneacutees ont eacuteteacute dures Mais je ne les regrette me croyais moins nerveuse mais mon affection pour pas Elles furent pour moi une eacutecole merveilleuse qui lui souffrait deacutejagrave davoir agrave assombrir un passage du magrave ouvert la porte de mon acircme qui ma deacuteveloppeacutechemin de sa vie davoir agrave briser son premier lhe qui ma formeacute Celle eacutecole je suis heureux de lavoir
Vers ) heures jai joueacute du piano longuement et eue et cest agrave vous que je la dols Michegravele me suis mise agrave chanier cependant mes penseacutees sonshy
- Non pas cest vous Andreacute qui avez voulu partirgeaient tristement el impatiente jaurais voulu que
au loin et voyager Je ne vous ai jamais demandeacute celle les heures senvolassent plus vite Mais rien ne peut seacuteparationacceacuteleacuterer le temps que le bonheur ou le calme
3
J
34
r-lI- --- ----J JI 1 r-l ~ 1
TA eumlONQUEcircTE DE TrOEacuteAL
_ Vous aviez exigeacute que jaltende deux ans avant de
vous consideacuterer comme une jeune fille Comment penshysiez-vous que je pouvais vous voir pendant si longtemps sans vous parler de lunique espoir de tout mon ecirctre 1
Dailleurs cest votre grand-pegravere et mes parents qui ont
voulu ce deacutepart lis ont donc eu raison puisque ce long- voyage
vous a mucircri _ Mais parlons de vous Michegravele reprit-il Comme
vous ecircles devenue grande cl belle 1 Tous les recircves ltlune penseacutee toujours vers vous vous
aureacuteolaient moins encore que ne vous ideacutealise la deacutelishy
cieuse reacutealiteacute daujourdhui Voire casque dor est plus lourd et plus doreacute quaushy
trefois el la phosphorescence de vos grands yeux bleus
brille dun nouvel eacuteclal cl voile de nouvelles profonshy
deurs n eacutetait troubleacute Je massis sm un canapeacute el il vint
se mellre pregraves de moi _ Je suis tregraves eacutemu vous le voyez nest-ce pas ajoutashy
t-il lregraves eacutemu de me retrouver dans ce salon ougrave jai
passeacute de si belles heures de si doux moments de si chegraveshy
res anneacutees 1 Tregraves eacutemu de celle minute attendue appeleacutee deacutesireacutee
tant de fois el dans laquelle jai tellement de choses ugrave vous dire mais les paroles que je prononce ne corshyrespondenl pas il celles que VOlIS attendiez peut-ecirclre
el elles exprimenl si mal loul ce que je voudrais que
vous compreniez Je sens heacutelas quil esl facile de ne pas saisir le
bonheur qui passe
~-l j1 Jl-j1J Tl Jl Q
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 35
Et jaimerais savoir parler seulement pour ouvrir voh e agraveme el si vous le vouliez Lien ouvrir voire cœur Je menivre de votre preacutesence Michegravele mais je crains L
Jai une crainte affreuse deffaroucher loiseau melshyveilleux le papillon bleu
- Taisez-vous dis-je en liulerrompan l laisez-vous Andreacute Pourquoi vous laisser entrnincr pal vnlre penseacutee de poegravele avant de savoir ce que nous pourrons ecirctre lun pour laulre Apregraves une aussi longue seacuteparation
nous avons changeacute lous les deux el nous ne
nous connaissons plus Inlellectuellemenl jai parcollru
de grands espaces el le lieu de mon repos actuel est hien eacuteloigneacute de mes songesdautrefois
Aussi avons-nous preslllle il nous deacutecouvrir mainteshy
nant Parlons librement explorons ensemble les plus
complexes horizons de noire penseacutee mais croyez- moi
ne repren~z pas le dialogue ancien 1lt1 011 VOliS lavez laisshyseacute sans lenir compte du temps qui dans nos ucircmes il
depuis fail gerrnlI des floraisons ncuvelles
- Commenl pourrais-je VOliS parler librement 101sshyque Ioule mon inlelligence est annihileacutee pregraves de vous
par lextase de Illon cœur ardent cl enthousiaste
iumll~ ne sont pas des mols qui peuvent nous lapproshy
cher lun de lautre li mon amie ma chegravere amie
Le silence seul est leacutepanchement veacuteriluhle dies
yeux les yeux parlent si eacuteloquemnu-nt la langue de lacircme 1
Heureusement grand-pegravere entra agrave ce moment el intershy
rompit une conversation ougrave il IOPSUle quAudrlaquo sex alshytait je me sentais de plus en plus Iroide calme indifshyleacutereute
bull
jJrr
~
Il il III 1 1 r-~ 1] 11 Jl TU J~ J 1 ~ ~( bull ~
36 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ledicircner fut bientocirct servi el pendant Iout le temps quil dura jc me confirmais de pins en plus dan s cette conshyviction que jamais jamnis Calvis ne serail lOUI moi aushy
tre chose quun ami
Grand-pegravere et lui parlegraverent avec animation de la musique en Allemagne ougrave Andreacute avait passeacute six mois de la Chambre des Deacuteputeacutes et du Suffrage universel de Sarah Bernardt de Rostand des religions et de Mahoshy
met
De temps en temps je disais une phrase quAndreacute
approuvait toujours en mentour~rt dun chaud regard
de tendre et muette admiration
Mais une voix criait en moi que toute la partie la
plus haute et la plus feacuteconde de mon intelligence celte partie soupccedilonneacutee de moi seule cette vic pr(sque inconsshy
ciente encorequi me met en rapport avec lau-delagrave de mon ecirctre celte vie de certitudes mystiques de visions
merveilleuses dintuition nette et preacutecise cette vie Inshy
tente encore spiritualiseacutee mysteacuterieuse et profonde ce neacutetait pas Andreacute qui pourrait jamais la comprendre
la satisfaire leacutevoluer cc neacutetait pas Andreacute ~ui pourrait
jamais la cultiver et leacutepanouir ~
Lorsque dans la soireacutee grand-pegravere nous laissa dt nouveau seuls ensemble au salon Calvis reprit sa place
sur le canapeacute et avec une ardeur contenue il me deshy
manacirca
_ VOlllez-vol~S eacutecouter une leacutegende un recircve un
poegraveme qui me hante et que je nai pas eacutecrit 1
Je nosai refuser et il commenccedila
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL 37
- laquo Le lIalde recueillait avec ivresse le chant inteacuterieur Ie Iui versait sa lVTus~ O si tu es aimeacute disaitelle ruyonnc 11 Ile dlmallde pliS autre gloire
laquo 101 Elle la Terrestre qui taime deviens Inrt ct gllllld sois henu ct gillJde loi
laquo Crois Cil Elle iuvincihlcmen l el quelle soit ta magishycienne
laquo Tu contempleras son image radieuse et tu seras conshysoleacute
laquo Tu le suuviendrns de ses paroles douces et tu seras fortifieacute
laquo Happelle-Ioi Cest Elle Elle lunique la seule femshyme que tes yeux ont adm ireacute dans ce monde la seule que Ion ame a choisie la seule que til chair il deacutesireacutee
Celle-lit enfin qui sc donne il toi pour toujours COIlshy
finn te
laquo Sois fidegravele il la route quelle a traceacutee de sa main
cheacuterie et marche ardent vers le but sans voir le monshyde
fi Pour Elle
laquo lII jour III lallras conquise alors 10111 sera cuhue
et merveilleux raquo
Et voici JIU le Barde reacutepondait il la ~]ust en penshysant il sa hien aimeacutee
laquo Sur lin feuillet amoureusement choisi lhistoire est grllveacutee de nos amours ct de mes souffrnnccs et des lutshytes et des recircves
laquo Mon amour sy reflegravete mon cœur sy (st envole en ses plus hau taiues visions
laquo Cest la couronne de mon œuvre cest le livre dno mour
Il
_~__~==========iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiliiiI(iir--TT1rnliiumlmiddotlfllmrJInnlllllllll11111I_1_1bullbullbull11111111111middot11 bullbull 1 1
J -~ --1i1I~~~~~) J J 1 ~ ~ ~ 0 bull
ss LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquoltJe lui donnerai au jour beacuteni ougrave nous serons lun agrave lautre pOlir quelle y puise la confiance et lamour la fideacuteliteacute ct lenJhousiilsme la reconnaissance et la joie
( POUl quelle y apprenne la ~randeur de ce qui nous unira la merveille -de notre chaine dor lardeur de
ma penseacutee laquoSeule Elle le connaicirctra Et ce livre sera comme notregrave
jardin secret
laquo PJ1rc magnifique ougrave nous nous promegravenerons souvent ravis loin des foules loin des regards seuls seuls enshy
tre nos acircmes enlaceacutees en Ire nos COlPS attireacutes
laquo Irreacuteveleacute ce sera lagrave le coinecircde mystegravere ougrave lon se
retrempe aux jours de deacutesespeacuterance la fontaine damour
ougrave toute plaie sefface
laquo Le talisman fait de son acircme ougrave toute torce resplenshydit il sera le secret de la force silencieuse il SHa le lien indissoluble que nulle penseacutee indiscregravete naura souilleacutee
laquo Et apregraves avoir mis tout ce que jai de meilleur tout
ce que je sais de plus grandiose dans ces pnges jen ferai mon chef-dœuvre copieacute de ma main et je le
donnerai agrave mon amie
laquo Et un jour nous le lirons ensemhle en face de la
mer immense ct bleue SUI la haute falaise laquo Et middotpour qui~ ne soit pas profaneacute parce que nous
laurons graveacute dans nos acircmes je me legraveverai dans un geste royal et grave je lancerai dans Jabicircme lenfant
cheacuteri de ma penseacutee
laquo Cal ce sera un signe que jaurai renonceacute ft la 1510ishyre du monde pour la gloire dEUe
~~--- ~ )
DB LIDEacuteAL 39LA CONQUEcircTE
- Cc livre
Et un long silence accompagnera sa chute tandis quil
pll~sera magique eacutetoile dans le ciel recircveacute de notre recircve D
Apregraves un moment soudainement timide Andreacute ajouta damour il est presque termineacute Cest ma
vie Ile ugraveeux anneacutees celle des heures de meacutelancolie comme celle des heures despeacuterance
Le lirons-nous ensemble Michegravele avant que ne lenshysevelisse magnifique tombeau la mer fgtlysteacuterieuse proshyfonde insondable gardienne eacuteternelle de ce secret rashy
dieux de ce deacutepocirct sacreacute
Il parlait avec tant damour avec un prodigieux et
si tendre cnthousinsme que jen eacutetais troubleacutee et quun
instant jallais mecircme me laisser eacutemouvoir par lideacutee de cette œuvre damour conccedilue neacutee pour mourir et
mourant afin de lester le confident SIIcircl et fidegravele de deux acircmes unies
Mai1 aussitocirct je sentis plus fortemcnt encore latmosshy
phegravere miegravevre et presque malsaine dont cc scntiment mentourait
El (lune voix donce qui cherchait agrave atteacutenuer IJOIII
mon ami Allereacute ln rudesse dune pensee tellement eacuteloishyglllC de la sienne je Ini reacutepondis
- Ecoulez-moi Andleacute je vais vous faire de la peishyne p~IICC (lue je le sens un poegravete est comme exteacuteriorf
seacute dam son œuvre el ne pas vibrer il lunisson des mots et des rythmes ougrave il a mis sa vie cest le blesser
Et pourtant je ne puis laisser passel vers moi sans vous avertir leacutecho middotdun monde (lui esmiddott le vocirctre et qui manque non seulement de lumiegravere rnuis encore de force et de vie Heacutelas cest ainsi que les jeunes-gens recircvent
41
~44td-~Jp-middot~ 1 1 JI -- --)~ ~-
40 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Andreacute je VOliS parle ici avec mon amitieacute sincegravere el loyale
Vous pourriez ecirctre lin gl1lnd lin tregraves grand poegravete Vous savez laire eacutetinceler les mots passionneacutes et en vous eacutecoutant jai lII devant les jeux des visions de poulpre dazur etdor Vous savez faire jouer comshyme un orchestreles syllabes dansantes VOliS pouvez tailler lin vecirctement splendide capable de rendre visible limshypalpa ble Ideacutee
Mais votre Ideacutee nest pas assez haute pas assez pme [HIS assez coulageuse
Ce mot des anciens La Vertu cest aussi un monde un monde reacuteel celtl-Iagrave un monde qui se cousshyfruit
Vous vous consumez dans une sphegravere passionnelle que vous prenez pour le Cie
Cest de cela (lue je voudrais vous avertir Ce nest pas comme un artistc exteacuterieur agrave son œuvre qlle VOliS deacuteroulez lextase enfiegravevreacutec de votre heacuteros afin de nous montrer par de-Iagrave des horizons plus calmes votre heacuteshyros il est vous-mecircme vous lout entier VOliS ne conshycevant pas une destineacutee plus grandiose que celle de sabicircmer dans un gouffre damour
Cest donc vous-mecircme votre caractegravere voire philoshysophie votre infime conscience des choses (lui ecirctes enshyveloppeacute de ces bru mes 1011 rdernen t coloreacutees comme lin coucher de soleil pal 1111 soir dorage
Et moi jc suis hors de ces nuages
-Parce que VOliS ne maimez pas dit-il avec beaushycoup de tristesse
1 -f
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Laccent interrogateu- avec lequel il prononccedilait ces paroles me posait une question qui apportnit vers moi un e implorante attente Et comme jene me deacutecidais pns il reacutepondre reacutepugnant il la moindre dissimulntion mais troubleacutee pn cotte soulla nee _(II i III1jUlelltail aushypregraves de moi Andreacute ajouta dune voix mdallcoli(lue
- Oh quelle chose navrante que de revivre heure par heure les chegraveres journeacutees de Iautretois [ojeux de cet autrefois (IUC (lVPC UII peu dhuhileteacute 1111 peu de tenncite 1011 aurnit pu taire UgraveIlIP~ plus longtemps lon aurait pli deacutelicieusement prolonger et qui vivrait encore peut-ecirctre
llnintcnaltmiddot El alors ail serail heureux comme on lddt ~ ftrefois soi et Elle Elle la petite fille (lui riai] et qui
chantait qui ne sinquieacutetait pas de grandchose qui soushyriait aux regards de vos yeux et il la pression de votre main Mais non tout cela est envoleacute envoleacute plus loin
que les oiseaux snnvages que VOliS avez vu passer au-dessus de votre tegravete ail deacutebut de lhiver dans ICIlI luite vers les pays du Sud Tout cela est perdu perdri plus deacutefinitishyvement perdu que le navire (lue VOlIS avez vu sertir du port joyeux les grandes voiles deacuteployeacutees et qui nest jamais revenu jamais Que personne ne retrouvera parce que les vagues lont briseacute et quil est tombeacute au Iond d(~
la mel en lin lieu inconnu Et ill a 1111 morceau dl
mon lime dans ce navire perdu
- Vous ne doutez pas vous ne douterez jamais Andreacute je le sais de laffection profonde el dollce que jai pour Illon ami denfance Et cet ami si cher je veux quil me gnrde toujours une grandemiddot r place dans ses amitieacutes ~lais je voudrais je voudrais tant vous inspirer du coushy
-------------------
-- -- 1 ~ ~~-~-~ - bull 1 III ~ III T~r0
-~~
LA CONQuecircTE DE LIDEacuteAl 43 LA CONQU~TB DB LIDEacuteAL42
une force intense que je sentais monter et vibrer en rage de la puissance de vivre et de lutter aussi de la moi je l4r sa main dans la mienne et la serr nnt viveshybelle puissance feacutecondante et illurninatrice ment je tarlai plus haut en le regardant bien en face 11 Yadans le stoiumlcisme une racine tregraves vraie que neacuteshy
-- Si vous vouliez Andreacute si vous vouliez Compreshycessite le principe megraveme de la conselvation de la vie On peut tirer le beau et le bien de toutes les situations nez quels ltSOIS sublimes sont enfouis dans voire resshy
plendissante jeunesse et recevez de moi ce soir jeet comme la dit un penseur Nul na jamais le droit de deacutesespeacuterer puisque nul ne connaicirct avenir Mais il faut vous en prie un peu de ce courage lui pourrait illushy
miner votre chemin actuel un peu de cete foi enenvisager les eacutevegravenements avec couruge se chercher un nous-mecircmes celle foi qui transporte les montagnesbut heacuteroiumlque el suivre une voie droite qlli monte sans
Je voudrais pouvoir loucher voire agraveme et lallumer cesse
Accomplir un nohle ideacuteal cest toul ce qlle lon nouve comme un flambeau
de plus henu en ce monde Ne lu-isez pas ne brisez Ecartez ces vilains nuages ces brumes tipnisses et jamais rien que la vie OIIS don nt mais transformez troubles dont je vous parlaisfout-agrave-Iheure cl dont
je suis hors non pns seulement comme vous le croyez souvent Oh savoir se trnnsfomcr assez vite assez facilement parce que je neacuteprouve pas les mecircmes sentiments que
ceux que vous eacuteprouvez poar moi mais surtout je liens Andreacute pOlir ne pas snnnihilel contre les obstacles de agrave vous ll dire palce que j~ ne partage pas votre penshyln route Etre comme leau qui prend III forme du seacutee et que jai des conceptions inlellectuelles tregraves diffeacuteshyvase qui sait toujouls IrOUCl son niveau et qui ne renLes des vocirctreslaisse aucun vide Agil pour le mieux parmi les cirshy
constances avoir plusieurs plans pour la coftstruetion Le point culminant de la leacutegende que VOllS mavez de leacutedifice savoir prendre les mnteacutelIumlauJgt accessibles fait connaicirctre le geste somptueux qui la termine est et sans chercher lirreacutealisable ploglesser toujours cornshy une erreur me un homme vraiment digne de ce nom
Dabord vous preacutesentez cornmc une apotheacuteose la Un homme mou ami senllzmiddotvous comme moi tout
destruction dune œuvre dintelligence et damour Moi ce quun homme peut taire et peut devenir je ny vois quun sacrifice inuLile et coutre-nature une
Quelles limites existe-t-il aux lointains norizons de deacuteformation de la sensibiliteacute normale un acte reacutealisant
la penseacutee humaine une penseacutee chimeacuterique et deacutesordonneacutee Et comme Andreacute Calvis palaissail accableacute dune
Cest la neacutean tissement de reacutealiteacutes passeacutees preacutesenteslourde meacutelancolie dune deacutesillusion immense el cruelle et il venir pour lexaltation dune minute vaine
un sentiment de pitieacute me peacuteneacutetra toute Naurampient-illi donc jamais deacutesireacute le relire ce livre fJe meacutetais promis de lentourer despeacuterance et avec
L J J ~ l ~ f ~ t ~ 1 ~ 1 ~ ~ i 1 i ~ l~-~~--n n Ti
~5u r CONQUftTR na rmEacutee middot1 LA CONQUftTB nR LIDEacutelt
1
Non La pleacutenitude de la trame de la vil nest pas une chose si facile il atteindre quon puisse saul
pat neacutecessi teacute en (lnOlII1 des fi ls
El pourquni ne pas II~ donner aux hommes I~I~ poegrave
me chef-dœuvre ougrave tant deacutenclg-ies sont venues sinshy
carner Pour le poeacutelc et sa compagne ces pa~es sont vecues
donc deacutepasseacutees Ils vont vers des hauteurs nouvelles laissant pOUl
ceux qui les suivent cette marche dalhagravelle Toute la vie senchaicircne el se reacutepond rien nest
fermeacute Et ceux-lit dont la puissance laspiration le
geacutenie sont mulliplieacutes pI lamour ceux-Ill ont besoin
pOlll lenr lorce duellc dun chard dexpansion daushy
tant plus grand LIgOISIlI( il deux lst reacutealisahlc cornshy
me toutes petitesses mais il ne peut avoir iicu de
eontuun avec lheacuteroiumlsme el le suhlitue ~
Toutes mes penseacutees sont tourneacutees vers lutiliteacute tout
mon ecirctre seacutecrie ( Que la vie sail plus helle que
lhumanitlaquo soit plus nohle )J El toute action qui ne
tend pliS vers cc hui me parait un gllspillage cl une
perle Au plus haul point le poegravete le formateur le roi
dl la rcalisalion active est chargeacute dune grave resshy
pnnsnhiliteacute Cest lui qui jel tc dans le monde sous
une forme intenseacutement attractive et assimilahle les
ideacutees Et dans le vaste conflit lideacutee de lHarmonie na
jamais assez dannonciateurs et (1( hagraveaulls _ Ah Michegravele seacutecria Andreacute en portant arrlemshy
ment il ses legravevres mil main qui encore serrait la sienne moi je vous dis si vous aviez voulu si vous aviez voulu
Je suis plus plastique lue VOliS ne le pensez vous minfluencez tellernent Et je reccedilois voire ideacutee et jen suis dynamiseacute comme Il un grand jet magneacutetique lui deacutejagrave me transporte et mexalte
Si vous aviez voulu si vous aviez voulu Cest VOliS qui auriez eacuteteacute mon guide et mon appui
ma III use Illon iuspirah-ice Oh vos chegraveres penseacutees
hautes et braves comme jaurais eacuteteacute heureux et fier de les vegravettr de mots fervents lumineux passionneacutes
eacuteblouis
- Mais si vraiment je puis un instant aider mon ami poegravete pourquoi croyez-vous ndleacute que je ne le
voudrais pas
Il se meacuteprit un peu ou peut-ecirctre voulu se meacuteprenshy
dre sur le sens de mes paroles et il reacutepondit tout bas
sans lever les yeux sur moi - Quel espoir merveilleux voulez-vous donc encore
laisser dans mon cœur
Aucun autre Ilue celui (le vous ecirctre toujours une
amie sincegravere et fidegravele - Vous concevez alors des relations veacuteritables contishy
nuant agrave exister entre vous Michegravele qui De vibrez quashy
vec votre intelligence et 1 malheureux qui vous apshy
partient tout entier et dont la seule raison de vine
eacutetait leacutetoile despeacuterance quil avait mise en vous
11 parlait segravechemen l cette fois dun lOB ironique
lui voulait cacher son chagrin Je repris avec douceur - Vous avez tort de me parler avec tant damertushy
me Illon ami lorsque vous devriez comprendre la soutshyfrance vive que jai de lOUS aire du mal
6
~ l _ -J l ~~~11
LA egraveONQUirE DE LIirEacuteAL
Je veus ai dit ne brisez pas ne brisez jamais rien
que la vie vous donne maistransfolmez souvent
Comme lon a tort de couper des liens lorsque ces
liens auraient pu modifieacutes par la volonteacute et suivant les
eacutevegravenements temeurer toujours La vie passe les cilconstances ne se r~trouvent pas
deux fois les mecircmes et il est presque impossible de regraveshyfaire plus tard quand on les regrette les anciens liens
briseacutes
Andreacute minterrompit gravement _ Pensez-vous q~e facilement jarriverai comme VOliS
le deacutesirez agrave faire fleurir mon amour en une saine amitieacute
surtout surtout Michegravele si un eacutechange actuel subsisshy
tait entre nous
Ne songes-vous pas agrave Ja douleur que jemporte ce
soir en YOUS quittant apregraves que vous mavez verseacute tan t
de beauteacute tant de gracircce tant de lumiegravere et lorsque
telle quune pluie llautomne deacutelicieuse et cleacutemente vous avez baigneacute mon acircme deacuteserle assoiffeacutee avide
comme ~ne terre brucircleacutee apregraves un lourd eacuteteacute
Comprenez-moi je ne veux pas dire oh 1 loin
de lagrave quil soit bon de jouer pour un temps avec lil shy
Iusien de ce qui ne peul pas ecirctre Tant que YOUS
souffrirez en recircvant agrave vos recircves eacuteloignez-vous retirez
votre penseacutee si cest lagrave Totre moyen le plus doux le
plus sucircr de tranformntion Oui certes nous avons droit
ehacun agrave ce qui nous est propre
Seulement si vous Touiez me croire que cet eacuteloishy
gnement soit tempolaire que cette seacuteparation nait rien 4-irreacutevocable Car il me semble que la douleur ne peut
LA CONQUftTR DE LIDEacuteAl 17
avoir dacircpreteacute dans des liens qui se perpeacutetueat et
que en deacutefinitive tout ce qui unit est un bienfait
Mais je vous sens las et je voudrais savoir vous dire quelque chose de large et de sain qui vous fasse vraishy
ment du bien
Je serais moins triste de la deacutesillusion que je vous
cause si vous vouliez garder en souvenir de moi un
peu despoir un peu de force et UD vouloir defforts
URe foi rebuste dans la vie si impreacutevue si riche si
ianombrable
Soyez eacuteneacutereux envers elle onnezmiddotlui abondamment
faites de la joie autour de vous faites jaillir partout
de lespeacuteraace ne chutez dans vos poegravemes que le
courage lalleacutegresse le respleadissement des mershyl
veilles humaines appelez deacutesirez attendez eacutevoquez
sans cesse le bonheur 1
Il viendra on jour mon ami 1 je vous le promets
et je vous le preacutedis 1 Neacute formez rien en tristesse et
en deacutesespoir entourez-voas dune atmosphegravere sereine
tout apprschera de vous en beauteacute en douceur
Ua poegravete agrave dit Œ Celui qui chante au dieu un
chant despeacuterance Terra SOR vœu saccomplirraquo
Aspirez lenthousiasme soyez vibrant de vie et palshy
pitaat de foi Soyez fort pendant leacutepreuve
Et je vous auaonce en certitude que votre jeunesse
silluminera bientocirct dun retour splendide de la desshytiaeumle lt
Et je parlai je parlai loateps eacore sentant que
je tenais egrave soir comme dans mes maias Le cœur dhomme qui Tibrait agrave cocircteacute de moi j longtemps encore
9
J
LA CONQUEcircTE LIDiAt48 DE
je renveloppai de visions radieuses comme on en vemiddot loppe chaudement lin petit entant qui tremble de troid
car sa meacutelancolie cherchait il recevolr mou optimisme et sa lassitude buvait agrave flots [eacutenergie cl lenthousiasshy
me dont je cherchais agrave le reacutecontor ter
Puis GIandpegravere vint timidement nous interrompre
Mes enfants il est pregraves de minuit _ Heacutelas murmura Andreacute dune voix tregraves basse que
seule jentendis heacutelas heacutelas heacutelas Voici avant longshy
temps ma derniegravere joie finie
Crandpegravele un peu gecircneacute souriant dans sa barbe blanche un peu inquiet aussi reacutepeacutetait avec bienveilshy
laace __ ~lons mes enfants Dites-vous adieu Et VOliS
Andreacute venez je vous accompagnerai avec la lampe
jusquagrave la porte du jardin
Puis il sortit emportant la lumiegravere poseacutee sur le piano NOliS eacutetions mnintenantdebout lun devant lautre
Andreacute et moi dans une demi-obscuriteacute relativeIeacutetais
eacutemue car tr~s violemment je sentais palpiter le pauvre cœur dAndreacute comme un oiseau blesseacute aux battements
dailes douloureux II sapprocha dun cornet de cristal poseacute sur la conshy
sole de marbre il cassa la tige Jun lys tt me dit
_ Vous permettez que jemporte ce lys Michegravele
il vous ressemble si pur si eacuteclatant si fier avec la spiritualiteacute dc toute Ba blancheur avec son grand cœur
tout en or
Sa voix si triste mimprcBsionnait
Cardez-le reacutepondis-je doucement
il 1 1 1 l J
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Son COlm dol renfertne un mot pour le poegravete laquo COli jltlgc ct Espeacutelltlnce raquo
Alors il hnisa pieusement Iii llcur puis il O1UImlll8 apregraves un moment de silence - IgteacuteSOllllilis ce mot sera ma devise
Et il sot-lit lentement du salon agrave reculons h-s yeux fixeacutes SUI moi comme sil voulait emplir 10llt son ecirclre el
tout son souvenir de Illon image il cet instant
Que la vic est mysteacutelieuse plisltllIe ail milieu de ccLle villlanie eacutemotion hegraves helle ltpli cherchait 1 me peacuteneacutellcl je me sentais entoureacutee pal quelque chose dinvisible qui misolait et jeacutetais appeleacutee loule vers lAuhc le RlHlieux (Ille je connais el ltlIC jignore
14 Juill
Depuis quelques jOIIlS jiiIuml peu de temps agrave moi cal je sens glillldpegravelC soucicux et firligueacute cl jc vis beaucoup ashy
vec lui Pauvre cher ganJpegravere Il ma tout-agrave-fail appIollveacutec dl IlC pas avoir retardeacute III franchise de ma
deacutecision il Audleacute puisltjlle jc sentais si nettement (lue mes
sentiments Ile leacuteponJlllicut jamais aux siens Seulement il leglclle hCiIUCOUP jc crois quil en soil ainsi Cu il a
une protonde envie dl me voir tIlHIVlt~1 bientocirct mon honshy
hCIII cl puis il alme tendrement cc fils de ses vieux amis
Il ml parle sn liS cesse dc ses idees SUI la vic ougrave les lem mes selon lui ne peuveu l ecircti lt~ complegravelcmcnt hClIIcusrs (lue dans lin mariage damour il vaille aussi le malillgc tregraves tocirct dans la toute jeunesse union infiniment plus normale plus saine pour la santeacute merule ct physiquc dunc rnce
50
JI-1 j 1 j iumlI -l r--l l-~ lJ -J r-J r-J JJ bull
L COSQUEcircTF DE L1D~AL
f
Hier jai reccedilu un mot tleacuteidculi de Jane Iousta Elle
me demande de bien ouloir ehantCl deux duos agrave une ~
soireacutee musicale qui a lieu chez elle le ~O Juin avec son amie Lucette Pager Iii tille du peintre El e1h~ insiste si
affectueusement que je nv CuX pas refuser Et agrave linstant jOllVlC celte lettre ltlEdmeacutee Torguegraves
1) lujn Manoir (le Ker-Nollhi1
( Oui Cheacuterie nous sommes deacutejil il Kel-NoUheumll laman
Guy et moi Notre tleacutep1 t sest lkcideacute si sllhitement que
je nai pas eu megraveme le temps de cauri temIJIasser Mais
Papa vient decirctre forceacute Je nous quitter encore nue fois
pour Mew-Y 0 11 Et comme il avait besoin de passer
quelques jours 8 son usine de Saint-Nazaire avant sa
longue absence (il ne sera salis loutc dl re lour quen
Octobre) nOliS lavons accompagneacute jusquici tous les trois
et il a preacutefeacuteteacute nous lluiller il Ker-Nouhi1 tout installeacutes
pour leacuteteacute qu de nous iuisscr laire sans lui 1111 Illois plus
tard le voyage compli(Ill~ (le Pai-is jusquici Aussi nous avons nIisIS un IOIlI de torce en expeacutediant
tous les preacutepillatifs en lin [our et une nuil Avant hier au SOil mon cher Papa nous li quitteacutes tregraves
courageux mais 1011 triste El maintenant 1aman cl moi nous tronVODS sans
nous lavoue l la gande maison bien grande et bien vide 1
Pour-lan l le mois de luin est une fecircte perpeacuteluelle un
eacuteblouissement enchanteur et le jardin nest quun fouilshy
lis de roses les roses roues et les roses blanches les
roses theacutes et les loses roses qui nssaillenl les vieux murs qui enlacent les branches qui surmonlent les
LA CONQURTE DE rmEacuteu 51
cimes des jeunes ormes et des ch(~nesliegraveges el qui se balancent au vr-nl pleines dUn parfum IOIIld comme de grands encensoirs
Puis devant la maison au hou] du champ hordlt des tamaris en 11(~UIS la Illel emplil jhMiwn la Iller
merveilleusom-ut changeante opaline el aZllIe tranquilshy
le ou anxieuse avec ses innomblables valiegravels de nuanshyces et sa musique eacuteternelle
Bientocirct Juillct i et alors tout lepanouissernent Iles
genecircts dQI des bluyegraveles des lavandes dcs cbegravevrc-Ieuilles
des œillets des verveines ci des grands lys sous le petit bois
Et je vienS te demander Michl~le si tu ne voudrais pas loi aussi veuil il Ker-Nou heacutel dans cc cortegravege de leacuteteacute
Cest mon recircve depuis longlemps tu sais de tavoir id
Ton cher grilndpegravele aiderait si hien ~lnan lemplir
les heures cruelles de Iubsence d loi ilia grande cheacuterie
lu me donnerais tant de joie tant de bonheur
Je ten prie vile un mot 111I mol qui nous tela 1011shy
ner ici de joie ct dimpaticncc L Cal jai lanl de choses agrave le dire raquo
Jai bien envie moi aussi ltatTivet Jans lenchanshy
tement de Kel-Nouluumll ail milieu ltIII cortegravego de leacuteteacute
Et pal celle lettre jni limpression dt~Ite a ppele vers
la Bretagne dune maniegravere si torle ri si prntoude ltlle
cela metonne presque malgreacute lamitieacute qui me lie t Edmeacutee
Mainlenant je me sens euveloppclaquo comme pal la
main dune feacutee de milles petits fils lumineux invishy
53
-- JI ~-- - JI JI JI J n LA CONQllEcircTR DE ImEacuteAL
sibles qui mattirent qui mattirent doucement mais
invinciblement
bull
16 Juin
Apregraves une longue seacuterie dexpeacuterimentations il ce sujet je suis arriveacutee fi me convaincre quc [es songes de la nuit sont dune infiniteacute despegraveces diffeacuterentes Comme
il y a plusieurs genres de sommeils qlle lon commence un peu agrave connaicirctre en sciences psychiques il y a plushy
sieurs tenres de recircves Dnbord le recircve ordinaire qui me paraicirct purement
ph) sique comme les exlrnva~nnl(s penseacutees du cervelet
pendant le sommeil tandis JIJ( la partie controcircleuse du cerveau est endormie comme hien des cauchemars
aussi qui viennent simplement dune digestion difficile
ou dune couverture trop lourde sur le corps
Cependant il y a dautres recircves (lue ceux-lagrave dont tout
le monde na pas connaissance d ailleurs mais seulement
les personnes sensitives Et ces regraveves me semblent venir dune partie inconsciente de notre ecirctre qui e se reacutevegravele agrave
~
la part ltle nous-mecircmes la plus nor-malemenl ctnsciente
et active que lorsque celle-ci est elllo)mie
Je connais une dame tregraves intelligente et aussi meacutedium
remarquable qui est toujours preacutevenue la nuit en recircve de tous les eacutevegravenements importants heureux ou malshyheureux qui arriveront dans SR vie ou dans la vie de
ceux quelle aime quelques jours plus tarltil
-~
i1
r LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Je connais aussi une petlte liJe de douze ans qui Il eu if y il deux mois lin songe asse curieux elle recircvait qll(lle cnlendaitllne voix lui crier Iorterncnt dans 101 ciJe Legraveve foi vile 101 lit 111 teacutecrascr
Acceplallt cel extraordinaires paroles avec la faciliteacute dont on il(elleiJlt tIi ri( souvent les plus soties ideacutees ell(~ IlIt prie rlllll irdelse ICllelll el se levant
precipitamment cuu ru t jusquau land de sachamhrc en
criant Elle J eacutetait il pein arriveacutee (1111 les g)OS ornements de bronze SlPP0llillll les lideillix de son lit tombaient dll pleacutellond en Inisant 111 tracas (pollvantablc
Le rlornainn rlu Bel est ceres illimite
Le monde est infini Le monde esl dune cornplex ie infinie
El je sais et je sens el loul mon (Ire atlirmlaquo ltflle certains de mes recircves sont des eacutealileacutel
Rt~aliles dun autre ordre sans doute actions acles et pensees existant POIl ainsi dire dans un domaine dif Ieacuterent un domaine (li est je leur existant dans une
partie plus subtile du Cosmos mais une partie qui
esl aussi reelle par lnploI il elle-mecircme quune main
physique est reacuteelle pal rapport il des yeux physirJlles Tout esl )cJalil
Celle nuit jai fail 1111 de ces recircves El il ma particullshyegraverement impression lieacutee
Jeacutetais seule Sll une haute laaise dans IR nuit imrneacuten se sans lune el sans eacutetoiles
Devant moi je devinai dans Jombre la mer-houleuse qui IrappnIcirct je locher et qui mariait sa plainte terrible aux lonis geacutemissemenls des vents
----
__ bull - J1-_____
1
04 LA CONqIJEcircTI DE LIDEacuteAL
UIIC alxid~ metreignait ct aussi une iltenle comme lespoir dun honheur
TOIII il coup le dei parucirc] souvr-ir d lin jel de lumiegravere
rudieuso en descendit qll1 Irancha lohscuritc
Puis 1111 nllage dDI el dlzu duue merveilleuse splr-nshy
deur se 101l1li au-dessus de caux illuminnn la mer
Cc nlligc apportait 111 grand calme (pli mc peacuteneacuteh-a Ioule cl qui ilpliia megraveme h-s flols pl les vcns
Alorsl1l milieu du nuagl huuiucu x je vis se (orrncr
progressivement et de plus Cil plus nettement lima~e
dun jeune ho III 11I( I(UII( rcsplcudissaute beauteacute cl donl
la physionomie n()hll~ el grlve sous les longnes boucles
bull1LA CONQUEcircTE DK 1IIgtJlAL 55
-----shy
o viens agrave moi f ocirc viens agrave moi raquo
Et le nllag-e Iumineus sembla se diwlldlc dans leau t lappilli Iio n ceumllete dispnrucirct
Comment rxpillllIeacuternolion jnmuis ltssrdie 11 jlshy
follvili lII (nlellllili Je 1II111mlllt de lltic voix iu ouhlinshy
Idl Cette loix lt111 i(~cnls tendres et gruves ((Ill voix
1 l1 i Il(lai (lII C()IIII1l(~ I~ prolongemcnl (1t linle eacutem lit
Des lthos(s infillis ct innomhrahles Sl~ pneisairnl Cil
moi remuees pal ClS PillOJ(S El ce mct laquo Souviens toi
avait leacuteveilleacute au fond d(~ moi-megraveme tO~lt UII pilSSC loin fain vndormi dalls IIIOIi ecirctre
Drs choses infinies cl inllolllhrahks contilluellcs veshybrunes semhl il contenir des mondes de Iorces el des mondes de penseacutees
Ses )(UX dor (jUII( protoudcur iuuumlnic rndinnts cornshy
mc deux (Ioills melllplissaient i1(middotspuumlilnce El lorsquIl mc pilrla une all(IsS(~ inconnue lit vibrer lout mon ecirctre
Souviens loi nie Iii-il Souviens loi Depuis laquoes siegraveshy
cles ct des sicclcs ln es il moi d (Ppllis des siegravecles el des
siegravecles j(~ tappilrlicns ilia hicn-aiuHl
Cherche-moi EL viens il moi
Sur la terre jardin en triche sur 111 lerre demeure
des hommes joyau des dieux je li1t1ends
o viens il moi
Nous avons dl plll I(~ monde dl~ ~Iarllirs choses il Iaire
ensemble (1111 de J(~t$ lalisel dl conquecirctes 1 pourshy
suivre (iioCspoils il Inn-e naIcirclre dc deslins il magnifier
Je reacutecoltes il moissonner dl victolres il remporter
nues de tregraves Ioin passnIcircPIII pilssairlll tians mon souvenir
cl sy pressaient lII foule avec des visions dEgyple et dCnde anlique
Ellolsle lappillilioll ceacuteleste disPilllIcircI la nuit etait
devenue le jou r Les eacutetoiles avaient dahord illumineacute le frlmnrncllt dc leurs millions deacutelincellcs dal puis le
solril seacutelai leveacute dans 1I11(~ lespielldissalilc aurore lfui PlIlflouplilil despIII11P lholizon dlloui
~Iols je meacutevcillai dans mil chlllhe close penetree dlin houheu r selin el mClveillellx
91 Juin
Oh 1 Silliall dl VII r k p01l1 piano lI violon crs pages si compldes de 1lIIlIS el L1sflili1lions ces cris de ddr esse June ame incomprise cette seacutereacuteniteacute espeacuteshy
tt
r _
- bull bull bull bull
iHi L~ ON(~ J Jh I~ DR LID( AL LA cUNQurhg UF LlDEacuteAL 7
lalit celle ruclaucoic el lItle glUgraveel charmantes sunrinnt
uvee houleacute devant a plwriil( duue vie qlli heurle le
~eacuteuic r l toutes (es (IIIols huutninr-s 11 dtSslI(CS l(IS
la cime nouvelle elllOle jillilais a lleiu le
Oh lCS plmii~)(s pliass illlpllises lillIes qui
surtenl du nI( el illi Il pl~IIII1l1 lIl dlic(lIdll l1Icirc plashy
uen l 1I11-desSlIs des ehmes 1 1l1i (lIelellelil (Il lillonnanl
le plus lumineux chern in pOlIr monter pillS halll cucurr
Oh ce second rnurccuu somhle d 11011(11 d IUIIe
la dOlllllll pesante iipn d (11111 qlli (lIilse le 111111
el (sil de lllIlislP lI l(S llvoiles vinlcul cs qlli hashy
versent el flIldelli la nuil 10111 (OllflllIir toutes les torees
du Ciel el ces cnthousinsuu-s dSPIIiIlIC( qui f01l1 sortir
de soi-mecircme comme IUIH)IIs plll la Itmpegravel(~ des sons
lmd igiell x d ((S llili 1(S dOlilolllCIISIS rnvnrc qui ensshy
seul hlqllelll(IlII(SSOI lII Ilrillll lespoir suhluue ri qlli
sillIgloltrd IUlIf has 1111 SIII ~rall 1(ITildl
Perulnu t 1( IllIl1s qui lllllllll si Ilill1Il11I1 quelque
rclI suuvaae el d(sol 1clqlll 11I~1I1le mannir sulishy
laire comin cel IIi dll le ade dl Tristuu javais hier
soir c1I1)I luu Iollsln pns dl moi la mailrcssc de la
maison lui Ille sllIddail vivrlaquo (II SOli 111111 IOIlI It drillle
puissant de les trois lrclIIilrs IlIUITliIX
Sun sourire orgll(illlu vuilai] sur SOIl visilgl dulle
pMen de 111 ilrllll ladlIh~ Jdless( d~ SOli 111)( el lIle
se Illait IOllil~ Irtlit- irnluollih tOCllllie 1111 sphYIIX eacutegpshy
lien dalls ulle mil Iloil( Sllleacute( doIumll 1IlI(Igeail lOllle lil
IJlilllchcul illquidalll~ d sa loillill lit SIS eacutepallll~s d
de ses hnls sl(lltlit1(IUlll nas
Une lose louge saiguail (1 S( mUllIail dalls SUII chigllOIl
deacutebegravene el cdaillagrave SOLI seul bijou
----
- IJe quel dtsil (j~(u portes-tu dOliC le deuil pensai-je
(II la rgil(lillIl hlllliis qlle dam Il lerilalif Ilagilll( passhy
~ilii h~ souvenir Iii Iillliise des phrases irnplugraveis(s cl lilshy
gllS du deacutehut CIS phrases qui sollelll ou reve cl (IIi Ill
peuveut en dscrlltln qui plilll(lIl ilu-dlsSUS des chosls cl
qui dlllc1wlIl lIl lilollllllnL h plus lumineu s ClllHlill
10111 111011(1 plus ha ul Puis la f(wIioll 1Ii11lanlr
de la lil illidc el solilailI Jlltulail (lIeOI~ tl de 1I0l(shy
veau je elllIlIlais ds veux la somhrt silholltll(~ de 1111~
(lui cerfaiuement frissollllilil 1111111 dlHmalillH illg()bsl~ el semhlnlt plIil pillilllIcolC
Puis llllleacutegrello 11glI eornl1len~a El Ct Iul la Iill SOIlshy
liillllr cllIn~ gllI si distillglleacutee ces llpollses tlt~galltes tIlI liHIIO 1111 violon duo tI(~ charmu enjolleacute cl impreacutevu
FIanck 1I01lS peignallt les hadillilgcs dilllUUI tlt~ 11lOs dl 1h(illr( d~ usse]
El 011 lun toup celll elllolle 1lIll1e qui lIOIlS lalll(lIt~ rlillIs ii joie dt ftITt ilplegraves 1ln~ lIlOllts s IIHlIL el
11111 ndosilJlI Siliw de ~Iitlt~ lalgl~lI fOIII (li Iiliss( au CIClIl 111 dlsir d~ 111111 illIioll
1 011 Iii IIlelill(lIse sOllale lIII 11 bien supllilu
l~nllIlt infelpllIeacutee pal e lcmilllJlIagtl liololish umand Cousin el Son paltellilile Pilulo Cegravezan
plegraves lue Lilcellc Pagel el moi IUIIS ellmes charlleacute lt~ jolis dllos de CllilUSSOJl IIne challIallltmiddot lillelle dc luilze
1IIIS enlevil SUl Iii harpe c1l1ollil1ilue L(s DlIlIses SashyCIllS et Plolilnts de DelIIISS)
1)lIdles inrplegtsiolls deacutelicieuses fll-i1i les lUllIlle
cllalll aeacuteriln Comm( I frissoll Illli1ire tlislallillts clmme
Ulle SOlllce Inurlllulalllc paleilles agrave UII soupit agrave IIne
(()Nllflh~ OR lIIlI~ A 1 1~
fumeacutee capricieuse Ugrave une vapellr qui seacutelegravevlaquo des riviegraveres
desseacutecheacutees ougrave Ileurissent les lauriers-roses el viln-anlcs
dune alleacutegTessc de vol dhilonddles qui (kchilltnl dlin
cli sl rldent le ~r(nd silence rlrs nlHIges dalltomne
Ilans C(S 1lilmts lcnls volu pl ucu x in((IIlillS ascI(S
enivres pllSSCll1 cl Iourbillonuuut en lg(S Iaulocircmes
les visions Iltnlallic(s liIIli0IlIltII(middotS el lasses des danshy
seusrs lvdiennes
Milis celle lascin aliou maniugraverce cl malsaine paleacutee de
couleurs faneacutees de deuri-Ir-iutcs impreacutecises a une odeur
dl poison cl de mensonge cl Debussy diffuse dans lair
des parfums subtils et Irouhles
En allant leacutelicitvr III jeune halpisle Il husard d la
cohue mondaine me Iacilif n nn 1(lc-il-I(lt impreacutevu avec
Jane
le n avais pu lui parler encore cl je lui demandai il voix hasse
-- Comment St lnif-il qlll ni lon amie Hose-Marie ui
Edmond (lIld ni lnuleur du 101 Hire ne soient ici
ce soir
Une ombre passa1I1 le hrau visage pille
- Edmond Gaud est en tourneacutee dans le n011 de lAushy
~Ietelre reacutepondit-elle Ouau l aux dellx 811 Ires (cl de
nOUV(llU elle me parugrave pugravelil plus encore) je ne sais pas
grilndchosc le les espeacuterais bien ce soir cest loul cc
Ilue je puis le dircmiddot
11 devinai toutes les souffrances de ma pauvre amie sa
singuliegravere passion pour ce Guillaume Tara et le caprice
de celui-ci pOUl la petite Itose-ecirclarie du Theacuteacirctre Franccedilais
II 1 II ~ 1J I~7
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL ~9
qui avail d chercher il enlever ft Jane un amant si utile pour ouvrir laccegraves des premiers rocircles
Iane ajouta - Tu avais raison ~lichegravele dl~ ne pas aimr-r lIos( 111( Illa si hilII lrahie
Malgl( 1~lIvil que jcil eus je Ilosai pas Cil er moment
lui la issr r voir C( (JlJ( pensais de lanliplllhiCfue Tarn Et je dis seulement
- Tu es si hltIIlt lan e PI si infiniment plus digne decirctre aimeacutee ]lH Ile lonl jamais su la pillpnrl de ceux
qui laimegraverent jllsquf1lolmiddotS Tu peux lembellir encore en
augmentant Il aulant ton esprit de luttes diniliative de
courage dendulallce que lu as souffert de deacuteceptions
dl chagrins de truhfsous dl deacutesillusiolls El tu lenshy
con 1lllilS enfin UII jour la slIll joie l)Iofonde el durable de
la vic un amour eacutegal il celui laquo(IIi sommeille en loi ri qui
lsi encore in lac] el plll palc Cf Ut nul na su leacuteveiller 11I1 amour digne lII fi 11 d( Il posseacuteder toute
iis 1 ce moment le comte Kousln sapprochait
-- Pardon lanlaquo veui llr-z vous occuper un peu de OS
amis cal il est lheure dl failI pass(~r au hu(fltl
El tandis que la noile silhouelle seacuteloignait apregraves ma
voir jeteacute un chaud rcglrd de lendnssp pour aller lljoindre
les groupes qui lranstormaicut ce snir le vaste atelier eu voliegravere le comte Kousta moffrit aimablement le liras
- Quel singulier homme Cfue ce mari affable lt1 comshy
plaisant pensai-je pendant quil me cOR1rlirnlIlail
SUI la faccedilon dont javais chanteacute Comment sexpliquer
de le lles unions Puis je constatai combien il avait
vieilli l maigri JI il peul -rire beaucoup souffert Qui sait
bull 1---- middot - 1 bull i
~ 60 LA CONQUKTE J)P LIIH~AL
-- -- ------__- ----------------__-shy
Et reacutepundaul dune lnccedilon distraite aux amabiliteacutes du
Comte de Jean ChellllY el de Magdelciue Lamarre isoler pu Il tourhillon lui se pressnil autour du huflcl je mishysolais plus encore en mui-m egravenu- tImil pensee poursuivi
son ((J1I1~ I( Comment SI fait-il It jaime lanl lou le la nature k Jane la vO)ilnl si dl~Iquilil)II dons UII tlill tfue jl~ trouve lelllIfII1 inhIIcirctlIr1 la il 11iI1l1t el PI(
Et je me reacutepondais I( C(~l Ilaprl~s milrf~ plu dans cz le monde pendant quelques mois je snis deacutejugrave d(~s~nshychanteacutee pal ek almosphegraveru tod~ (1 (aussI dt soireacutees des bals des 1heacutelti lres i nlJlIignre heacutelas cornrue de la deacutecadence dune eacutepoque ougrave lon sent que tout vouloir en lhousiaste geacuteneacutelf~u deacutesinteacuteresseacute lout apostolat pour sel vil mecircme une admira hie cause paraicirctrait ridicule et deacuteplaceacute tant ces steacuteriles Ianlnches modernes ont COIIIshy
plegravetemenl rempli leurs vies ri leurs ames de tous ces petits gtslfs de Inules ces petites paroles de toutes ces petites danses cie toutes ces petites penseacutees de feacutebriles
nrarionnetles chez lesquels larrivisme seul apporte encore UII pen de seacuterieux et de volonteacute
JIIi assez de ce monde inutile chic el improductif et parmi sa vaniteacute je sens ma grande lane comme une arne pleine et vivante capable de profondeur et cie progregraves
Elle est helle Loulageuse ardente riche de forces somptueuses el complexes mais ces forces nont pas trouveacute deacutepanchement normal il leur besoin de manifesshytation et elles ont deacutevie du chemin (Ir-oit pal manque de satisfaction parce que nulle rencontre JlIl eacuteteacute assez belle assez puissan le SUI ce chemin droit pour les lier pour les garder pour les eacutepanouir
1
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAl tii 1
Malheurense dans le cours normal de sa vie lnne sest preacutecipitee de cocircteacute et dautres
Et ce quelle cherche inconsciemment cest lutilisation de ses eacutenergies car il ny bull de bonheur que tians la manishyfestatioD
Il faudrait que celle superbe natur de femme puisse trouver une nature masculine pins intense encore quelleshymecircme qui sache la comprendre la domine r Jeacutequilibrer la diriger
Mes reacutellexions furent aors interrompues
Dans latelier la musique recommenccedilait
Paulo Cezare joua avec beaucoup dentrain et de brio la valse de Chopin en la beacutemol et la XI rapsodie de Liszt
Apregraves lui heacutelas un Italien vin] exeacutecuter sur la guitare
quantiteacute de morceaux longs et fastidieux Il eacutetait dailshyleurs un fort vinuese qui ellthousiasma lauditoire pal ses acrobaties vertig-ineuses
~bis ~randmiddotpegravere eacutetait fatigueacute cette guitare lobseacutedait comme moi
](ous nous en allacirc mes en sourdine
Ln musiqlle quel puissant levier pour faire vibrer notre ecirctre Quel connexion intime elle a avec nos nerfs avec notre imll~inalion avec notre acircme et quel grand domshymage de jouer si confuseacutement sm le lavier de nos eacutemoshyIious dl 1I0S aspilaliollsde 1I0S deacutesirs et de placer le centre harmonique dans chaque murceau dans chaque frag-rnenl 011 dans chaque cIIVIe IIU lieu de le mettre dans lensemble mecircme de laudition musicale et du pro-
Il
I------~$_---_---middotmiddot_-----------shy--- --~~- --------------shy------------======
~I ) j J 1 J j J ~ J W J 1 bull J 1 J 111 JI il il J 1 -L ~-
6 LA CONQUEcircTE DR LmEacuteAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 63
Flamme choisi de mecircme quun beau tahleau ne pourrail
suffire agrave satisfaire lœil dans lin salon disgrarielx et en
deacutesordre de mecircme lin beau moment musical ne suffit pas agrave faire resplendil uos eacutenrrgies et nos torees sil est
suivi de meacutediocriteacute ou de perversion
Milis quel sentit le musicien il notre eacutepoque capable de
traduire pal exemple la magnificence Je cette page qui
monte vers le Ciel conlhe une pyramide de gloire le canshytique dAzilriils dans le livre du prophegravete Daniel
El que de ressuurces lorgue aux mugissantes splenshy
1 ) j
Et voici que je meuvole dans le recircve de lUniteacute la vie ~ deurs le violon (peldu dattente la voix hUIIl aine eacutemoushy
vante inspireacutee innornbrahle la harpe aux accents mysshyest tout toujours plus de vie el la vie saglandit du tiques au langage fluide et visionnaire sans parler dechamp de lintellipcnce el linldli~ence seacutepanouit dans
lamour Et je recircve dune musique pleine dt vie wrnpshy lorchestre de sa prestigieuse puiss ance et de tous les
tueusement intellectuelle indiciblement aimante dont cuines aux sonneries triomphales
toutes les plnases sont calculeacutees non plus seulemenl tIl Alors on reviendrait dune de ces soireacutees enivreacutegt eacutebloui
harmoaie sonore non plus seulemeRt en ~uirlandes freacuteshy aYill t chasseacute pour longlem ps lou tes les pensees grises on
reviendrait les nerfs fortifieacutes limagination embellie lucircme missantes qui expliquent et dominent lin drame mais renouveleacutee avec autour Je soi dans les lointains feacuteeacuterishyharmoniseacutees il tous les dtgreacutes pour lapaisemenl la pacilishyques les scegravenes merveilleuses du Bonheur conquis de la cation laugmentation la uumloraisou inteacutegrale de la vie de Rencontre eacutelue lintelligence de lamour dirigees insuflleacutees agrave travers
lenthousiasme docile et confiant de lauditcur jusque Ce nest pllS ainsi que je suis lentreacutee hier Et encore dans les racines les plus profondes de sa vie de son intelshy une fois latmosphegravere artificielle des convenances monshy
ligence de son amour daines et des conversations insipides mil deacuteccedilue et attristeacutee Une musique volontail( une musique plmiddotopheacutetique Heureusement nous purloas bientocirct pour Ker-Nouheacutel
l1on la capricieuse arabesque des regravevelies philosophishy et lagrave je sais bien que la nature en tecircte et le ciel et la
ques mystiques ou sentimentales de lauteur ni les eacutevoshy mel et les fleurs et les arbres toujours purs toujours
cations de formes et de matiegravere mais la sculpture incesshy vrais toujours pareils el toujours nouveaux ne terniront
saale intense de notre ecirctre la symphonie du Courage de - pas mes recircves
lHeacuteroiuml5me la cantate de lArnoul lhymne dt la Victoire
loratorio de la Joie tout Iappel de lIdeacuteal sans heurt sans coDlraste dans lideacutee sans une plainte de faiblesse 30 Juin SaDamp une descente dans les labyrinthes lt111 regret dans
ManoIumlI de KermiddotNouhiq lobscuriteacute de la vie moindre fluant de tout son poids de
Apregraves le lon~ V()yIg(~ (II rhcmiu d( flr el ses troistout son eacutelan de eertitudes vers le bill lHomme changemenls de train Crund-pegravere et moi sommes arriveacuteslhomme plus grand lhomme plus hcureux
V J iumlJ v fJ V J 1 J J ij J ~ J 1 J f - il - H 1
_
64 LA CONQUEcircTE DE LmEacuteAL
hier agrave deux hCIIIes de lapregraves-midi agrave la petite gaIe russhytique de la lleumlrt ougrave Madam~ Torgnegravesiuml Edmeacutee el le jeune
GU) nous attendaient avec leur votture
Que] accueil joyeux el enthousiaste nous avons reccedilu el quelle belle heure amicale passeacutee dans le vieux lnndau tout fleuri pour ce jou r de tegravete de ~ends dor cr iant
leur or bien fort bien haut dans le lumineux soleil en ouvrant grande leur petite gueule casqueacutee donllhaleine est si parfumeacutee de fleur doranger
Tout le long de la rouir merveilleuse tailleacutee dans le
rocher qui suit la mer pendant huil kilomegravetres de Ln Heacutert il Ker-Nouheumll dautres grands genecircls dor eacuteclatants
au milieu des bruyegraveres roussies dressaient leur gloire
leur richesse leur noblesse liers comme les vieux seishy
gneurs de ces terres hrelonnes
Et tout cet or dans les loches violettes SlI loceacuteun
dull hleu fonceacute leacutepandait des chants ltl811ltgTlt~sSI des promesses de bonheur un ivresse lie lumiegravere de deacutesirs de feacuteconditeacute heureuse
Vive la vie meacutecriai-je
Et vive la Bretagne reacutepondit Edmeacutee
Et je repris
- Vive la joie
Et jajoutai Vive lamour
- Eh hien Michegravele sourit Gland Jli~IC
En arrlvant agrave K~r-Nouheumllccfulent denouvenux eacuteblouisshysements
LA CONQUEcircTB DE tIDEacuteAL es
Oh ladorable vieille maison en grosses pierres eacutepaisses qui lui fout des murs dancien couvent et luge longue Lasse ct couver-le dun siruple toit hor]shy
zontal tout JI oit ltfui Iorme la plus commode des tershyrasses
Devant elle un pelil chemin de passage puis un champ tout blond et lumineux bordeacute de lamaris ces
jolis arbres marins dont le feuillage nest quune JUID~e verte et la fleur une fumeacutee lose
Au bout de ces deux centsmegravetres de thbmps18dubegrave
blanche et lumineuse aussi et les loches violenes puis
la mer la mer profonde el mlljcslueuse changeaole bull capricieuse la mer immense et toujours belle
Mais la plus jolie sUJIiseest eacuteserveacutec encore il fugravel entrer dans la maison taversel la glarllic stllie li h1at~h vitreacutee dont la baie sureacuteleveacutee domine loccall haefs~ aussi le salon vieillot 1UX meubles anciens Ilui eumltcittts suranneacutees et puis ouvrir la pollc-f~necirctte qui donncSliilt penon du jardin et alors le legallt1 eacuteUlelreillecirc seacutelend~ijl une feacuteerie
Comment deacutepeindre ce vieux perron agrave double escliliegraver engutrlandeuml de oses ougrave chacunc des larges maloches
csl bordeacutee de trois poIs degeacutelapiuws de ces merveilleuses
espegraveces de geacuteraniums si sonores quils semblent HoIumll
retenu en eux la lumiegravere et lalllclIl dt ltfucllfue f1aIQshyboyant coucher de soleil
Comment deacutepeindre la souplesse des lignes COUIO~CS de celle longue pelouse verte doucemeu] vallonueacutee rt encadreacutee tantocirct Je massifs opulents el d~boldjlnls duue exubeacuterance de fleurs tantocirct ltle hautes luliies de peuplicl) dItalie et de peupliers-helllbies au frileux feuillage
5
J
~ ~- ~ 1 V 1 f ~~-J ---w ~ t11 ) AI
66 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
ltli~eiteacute tantocirct deacutenormes touffes de lavande qui jettent dagravens hiumli~ embaumeacute leur jolie note violette et tantocirct de y~ccas depalmiers hauts et maigres de figuiers lourds qugravei~eumlvOque~t lOrient lointain
Et sous les arbustes dans le plein soleil court un ruisshysellen1ent de loses dheacuteliotropes aux senteurs de vanille J~ dahlias dœillets de fuchsias lie lobeacutelias dun bleu de
roi etagravee mauves louges et de jasmins de reacuteseacutedas de pavoIs superbes de glaiumleuls hautains et toutes les varieacuteshyteacutes-dune flore deacutebordante innombrable
Auuml tond du jardin se dresse UA bois dormes de hecirctres
er 4efrecircnes un bois profond calme et grave tans le deacutelicieux dessin de ses petites alleacutees sinuaules et mysteacuteshy
rieuses il est impreacutegneacute dune atmosphegravere intense parejlle
agrave une acircme eacuteparse et flottante parmi la haute futaie et dans le taillis eacutepaisdes centaines et des centaines de touffes de lys blancs et de lys louges bordent les sentiers et achegravevent pal leur couleur et leur parfum mystique cet
aspect de bois sacreacute exhalan t malgreacute leurs odeurs mielshy
leuses des penseacutees de pureteacute et de paix
LOls(lue jentrai dans ce bois je fus plus impressionneacutee
et plus recueillie quen peacuteneacutetrant dans la plus haute et la plus fervente des catheacutedrales
- Voici notre Bois des Lys (lit gaiement Edmeacutee
El je ne pus mempecirccher de lui ltpondre
- Lagrave il fant parler agrave voix basse
Sens-lu Edmeacutee toute lambiance (lui demeure ici On dirait que de grandes choses humaines se sont passhyseacutees derriegravere ees arbres el quils sont impreacutegneacutes de soushyvenirs puissants et lourds Cest un temple de Recircve et de Secret
LA CONQUEcircTB DB Lmltn 67
-- Je te lacontclai reprit E lmeacutee bien des leacutegendes bretonnes sur le Bois des Lys
- Ah Cest un lieu leacutegcndaile Je lalIai devineacute Des Ieacutees des auges et des geacutenies sy promegravenent ugravelelU~lIt pendant les soirs de lune vois il y a SUI ce rocher COUVClt de mousse lempreinle dune main de nvmphe Ougrave est donc la SOIIce enchanteacutee ougrave clic doit saller haigllel t
Edmeacutee sourit - Tu es eacutetonnante fit elle III sais (IIC tu dis vrai ct111le la SOlllce (le la feacutee (ICi Ly~ e-t tout aufond du bois
NOliS lIOUS sommes assises tOlites deux SUI le jocher moussu
- Cheacuterie commenccedila EJmie en me uren mt la main je suis sans lloute SUI e point de reacutealiser bien lot ie recircve de ma vic
- Tu aimes f dis-je
Je le crois
Til es aimeacutee f leplis-je en lemhrasant avec eacutemotion
- Je lespegravere
Et comme je multipliais alors les feacutelicitations joyeuses et les questlons presseacutees Edmeacutee mintelTompil
- Pas si vite Michegravele pas si vite Rien nest certain encore rien nest deacutecideacute ni mecircme COmmenceacute Mais mil
nature timide et lroidlaquo (lte tu counais bien sest eacuteveilleacutee
agrave UII eacutelan tel quil me semble impossible (Ille celui (11I~ Il
ainsi remueacute mon ecirctre ne soit pas celui-Iagrave megravem- (lIi lapaisera et Ieacutepauouu-a
- Qui est-ce cOIDn~1I1 le counats-tu
---------------
- J bull 1 1 --- bull il J 1 ~ I~ 1 ~ 1 iiiiiiiumlI C -1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL68
_ Jai dineacute avec Jean-Reneacute Formant il y a pri~s dun
an chez UII dc nos cousins et deacutejugrave ce jOlll-lil javais
eacuteleacute attireacutee par son altilude silencieuse et silencieuse
de ce silence qui est vibrant de vie el dintelligence
javais eacuteteacute alors fascineacutee par ce Iront lumineux et calme
par ces ~rands yeux eacutellanges qui paraisscnl emhellis
encore des reflets de hcuuleacutes cntJevucs ou de mystegraveres
compris
Depuis je navais plus rencontreacute MonsieUl Formant
el aussi je lavais presque oublieacute
~ Comment l lu avais si profondeacutemenl remarqueacute ce
jeune homme el lu navais pas mecircme essayeacute de le reshy
voir _ Quaurais-je pn taire
~ Nimperle oo enfin continue ma petite Edmeacutee
--- Je lavais donc presque oublieacute oIS(IUC le) juin
dernier quelquun mania dans notre corapartiment de chemin de ter au morncat ougrave allait seacutebranler lexshy
press dc Paris-Nantes el cc quelquun
_ CeacutellIcircllui meacutecriai-je
_ Justement Je le reconnus immeacutediatement mais il ne saperccedilul quan boul dun ccrtain temps quil se
trouvait au milieu de cette famille avec laquelle il J avait dicircneacute chcz Lucien Torguegraves quclques mois aupashy
ravan t Papa cl lui se mireul alors il causer el quant agrave
moi ne me lassant pas de ladmirer je buvais agrave flots
ses paroles et ses penseacutees comme 1011 boit une eau
exquise Ce long voya~e mc pa ru t ne dul(1 quune scconde
Et dcpuis lespoir du OOllcHI Iwt ltJe laile autour dt
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL r 69
mon fron l
lII dois donc le revo ir
Oui d hientocirct Il palait de Paris pour aller - retrouver sa megravere SUI une pla~e du Finistegravere
Ali houl de Ilois semuiucs il (lli(~ra cctte plage PI
Ina il lIcirc((I Il( paril d(s (ltIcircles hrelonncs cornrnc il
passera agrave Ker-Nouheacutel lapa la iuvilaquo ugrave venir nous voir et il en ~ palu tregraves heureux
Joyeuse Ellm(~e parlait doucement cl souriait en proie il un tOlIhle d(1ica
Elle me dit la vie helle ct seacuterieuse de lean-Reneacute Formant qui trnvnil le ltlprernent SUI Ini-megraverne ct qui
n donneacute aussi toute sa delle jeunesse et SOli avenir lucile n une glandc œuvre dIlartuonisnfion Humaine
Cette œuvre Edmeacutee me pm-ait la comprendre encore
assez mal mais elle admire tant lapocirctrlaquo que sa cause aussi il tout son respect
j
Cependant il mesure que jeacutecoutais avec affection Edmeacutee qui faisait en moi deborder SOli cœur sensible
trop plein d(sp(ocircrallccs cou tenues il me snmhlait que Ic
jeune homme quclllaquo aime est pIIS profond llus haut
plus inlelligcld (11Ie1le Luhncrn tmiddotil Poullallt elle sc
donnera sans doute il lui toute entiegravere avec labandon complet de sa nature simple chaudr- amoureuse el pcnshysive
Chegravere pelile Edrn(c Malgreacute ses vingt et un ans elle mappelle en rinnl sa sœul aill(~e et elle dit vrai cest
lin peu moi qui rai cOllduite cl plokg-(e jusque lagrave cl
aussi jnuruis 111I vrni bOIlllt1I1 si ic P(OX hien locirct voir sa vic construite et assureacutee dans lin azur tregraves doux (pli
a 1 bull bull 1 1 1 ~ 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ~ J1 1 1 1 J
70 LA CONQU~TR DE LIDHAL
bercera sa lregravele joliesse
gt Juillet
6 heures du malin
Devant la fenecirctre ouverte qui laisse entrer un peu
de linfini dans ma chambre avec lail matinal frais
et leacuteger lodeur du varech et la vue magnifique du ciel
elair et de la me l bleue je viens deacutecrire longuement agrave Jane Kousta
Une leltre inquieacutetante de Lucelle Pager reccedilue hier
soir ma avertie pour ilia pauvre amie dun certain
danger que je ne comprends guegravere encore mais qui me
tourmente
laquo VOliS comprenez que si je vous eacutecris ainsi chegravere
Mademoiselle dit la lettre de Lucelle cest parce que je
sais la grande influence que vous avez sur Jane el
que je la crois vraiment en danger
Il Vous ignorez peut ecirctre que le Comte Kousla a
demandeacute le divorce ct bien (JIll celle seacuteparation ne
eaase pas de chagrin agrave Jane sa situation va ecirctre comshy
plegravetement changeacutee Cal elle a eacutenergiquement refuseacute
daccepter quoi que ce soit de la grosse fortune de son
mari
Vous ignorez peut-ecirctre aussi la grande douleur
quelle II elle derniegraverement en mecircme temps quune
deacuteception Jamitieacute et quune blessure grave damourshy
propre
laquo Mais vous connaissez sa nature violente emporshy
teacutee orageuse et vous pouvez vous imaginer la deacuteshy
tresse aeluelle de celle lionne abattue
Il Je vous demande donc chegravere Mademoiselle daller
ri
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 71
lIU plus vite voir notre amie de lattirer-agrave des ~()n
fidences et de la diriger vers un espoir reacutealisable que
votre en-ur el votre intelligence sauront trouver l facilemenl raquo
~
le suis bien reconnaissante il Mademoiselle Pager 11 mavnir avertie ainsi
- ~
Seulement je ne suis pas agrave Paris ct malgreacute la
longueur de la lettre (lle jenvoie agrave la helle lionne
attristeacutee jaurais eacuteteacute plus sucircre de lanimer en elle 1 flamme de lespeacuterance ct du courage pal une conshyversation in lime
Rien ne peut remplacer leacutechange du cœur to~t aupregraves du cœur
Pauvre grande Jane que na-t-elle rencontreacute ~U1 Son chemin deacutesert la main assez puissante 1011I lenshyt rainer vers les cimes radieases
~est celle rencon lre que je lui souhaite si 1lIemshy
mentvcest pour celle rencontre (Ille je la supplie dans ma lettre de rester forte haute belle et droil~middot
Et je dresse devant ses yeux par dessusto~t~~
les figures du passeacute triste et morne une flgure slIper
be la figure de lavenir de cet avenir si souventfait
de noIre preacutesent de cet avenir que nous devons tacirccher
de formel en or et en diamant pur
le crains tant que Jane ne se laisse tom bel lJus
bas et aller agrave la deacuterive par deacutegoucirct de sa vie manqueacutee
) Juillet
Les jours passent Lesjours plissent et passent
ii - _
ll ( i 1 i J i i j 1 3 l bull A J i 1 1 1 1 ~ -1 ~ 1 ~-I ~
7 LA CONQUiTE DE ~IDiAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 73
nec une rapiditeacute cruelle dans latmosphegravere de ce Kershy
Nouheumll dont on aime chaque heure davantage les axshy
pecls les arbres les fleurs cl les prairies el les sourshy
ces el III mer
On dirail quil plni] il leacuteteacute decirctre radieux pour
tecircter ces belles journeacutees paiaihles
Mais elles passent toujours plus vite et le temps
inflexihle dit il Ioule minute qui senvole Adieu minushy
te Tu es partie maintenant Tu ne reviendras plus
Le temps manileste III Justice la Justice stricte
sana chnriteacute lorsquon la gaspill( il ne le pardonne
pas
lt1ais celui qui cherche il toujours graudir nuhlic
celle rigueur ct ne peut sentir le regrcl steacuterile des
extases envolees lal lheure suivante apporte en elle lespoir nouveau du progregraves Iulur
Et jaime ladmirable fin du Second Fnust lorsshy
que Meacutephistopheacutelegraves vient leacutedamer larne du vieux Docteur qui doit lui appartenir sil agrave reacuteussi l la sashy
listai11 Faust en homme de deacutesirs en aspirant inlasshyable quaucun progl egraves na rassasieacute quaucune joie na
endormi peut lui reacuteponure vicloricuscment
laquo Si jamais jai dit agrave llieure arrecircte-loi raquo
Et devant lui cest le ciel qui souvre
Pourtant on devrait cherchcr avec amour la posshy
sibiliteacute de prolonger la vie en lriornphant pour ainsi
dire du temps an lieu dorienter les merveilles des
deacutecouvertes de la science moderne vers des engins de gU(IIl YeIS daffreux moyens de dcstruction
QueU~ tri~t~ss~ agrave la reJl~eacute~ des efforts et du tlavili
bull
ql11 donnent certains cerveaux de geacutenie pOUf arriver
il perfectionner la lulle de lhumaniteacute coutre lhumashy
niteacute lhorreur cl la ddlessc des combats brutaux
ries sOlllfrarJ(es et des morts augmenteacutees
Si tous k-s hom nu-s voulaient cons lruire au iir-u dl deacutetruire sils voulnicu Iormer el beacutenir nu lieu de d(filir(~ el d(~ maudirt- les vieilles lorm ules eacutetroites les
IIIUIS des cachots sombres e des forteresses prOOCilshy
tric 5 Iumhernicn t Iiell vite t~1I ruines devanl la mashy
g-nifieerce des pells((S neuves cl des palais splc~dides seacutelevant sur Ioule la lcrre sous la caresse du grard
soleil
Pregraves du sol de cette merveilleuse Bletagne leacutecrnde
el complexe comme lon sent ce que pOllnail egravetre la
vie si elle neacutetait Iausseacutec par lnrtificiel ligneshy
rance ct les perversions des sncieacuteteacutes miegravevres ct
su perficielles
Quelquun a dit laquo Lhomme meur de Inirn au milieu
d(~ laholldancr))
Cst vrai l)lIeik lnmile PilUITC sai combien Iarshy
g(~m(lIl eIe pnurta i s(~ nuurt-ir avec d(s plats dorshy
ties des haies dilllblpinces algues de la mer des
pousses de pin el avec lan l de substances encore si
repandues et si utilisables
Lhomme meurt aussi de rhagrin au milieu de la joie ou de douleur lorsque la vie mieux comprise pOIIImiddot
lail diminuer tant de maux lant de souffrances et
pourrait lII llvauche apporter tellcmeut de reacuteconfort
Le poegravete des laquo Ames Vivan les raquo a penseacute qlle Cl 1)lIllqlltlois la vie celle (orme de la jouissance seacuteton
pl el pleure parce que nous ne la comprenons pas 1
-1 1
H LA CONQUftTE DE L~DiAL
Mais comme la vie est souvent inconsciente cest agrave lhumaniteacute intelligente quapparl ient cc rocircle suprecircme de lintellectualiser de leacutevoluer de la rendre toujours
plus consciente rie ce dont 111( a hesnin afin (lfi 11(1
Ioujours mieux (1 toujours plus vers 1( bonheur
Edmeacutee me disail ((~ malin une palolt~ de lenrishy
Rtneacute Forrnnnt laquo Le (III dt-voir de lhomme rst de
rendre lhommlaquo plus heurcux l raquo
Comme je partage cc senlirnent
Pendant des heures entiegraveres nous parlons des proshy
jets dEmceet nous passons (nStlllhle de bons moments
tantocirct assises Slll 11 haule falaise qui domine loceacutean
et dolt la vue seacutetend sur nue cocircte de roches lantasshy
tiques sans cesse hatlues pal les vagues chantantes
tantocirct allongeacutees SUI le snhllaquo chaud fin et doreacute de la
plnge tantocirct dans le jardin riant et emhaullIeacute de fleurs
el aussi dans lltl bois des lys que jaime comme ou aishy
me une acircme solitaire qui garde un mysteacuterieux secret
Pregraves de la source de la Feacutee il y a deux gTands
saules pleureurs qui cachent 1111 vieux dolmen tregraves
beau dans leurs branches basses et caressantes laime
masseoir SUI ce vieux dolmen et degraves quon a peacuteneacutetreacute
sous le feuillage mouvant ct deacutelicat des saules on pour
lait se croire perdu car on ne voit plus rien ni devant
ni derriegravere soi que ces feuilles fines tremblantes et bull innombrables comme une eacutepaisse dentelle verte
La source chante doucement un ruisseau dargent
paraicirct heureux de naicirctre lagrave et traverse les Lois en
zig-zag refletant agrave travers leurs ombres les taches dor du soleil qui dansenl el miroitent sur leau claire
Sous les arbres des touffes de monnaies du pa-
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 75 ------gt-- -------shy
pe hieacuteratiques et droites semblent des verges sacreacutees
fleuries pal UI1 miracle et patineacutees pal les lAyons lushynaires dont elles ont la pilleur ( leacutelrnujre lclat noclurne
La pdile slthoue lle mince dEdmeacutee anime ~entilllenl
la heauleacute de 1(1- ouhl1 mais (II(~ est hors de Ct qui l(nloure ct 011 la SPlit perdue lhorizun infini dHIS laagrave
douceur de ses recircves
Pourquoi parfois llla me lait-il souffrir de Iii voir
ainsi recircveuse le crains pour elle une deacuteceplion un
chagrin peut-ecirctre
le suis cependant lemplie pal un espoir i rnmense qui vit en moi ct de temps en lemps une appreacutehension
triste vient me surprendre
Allons Michi-ll Slcoue la poussiegravere des ideacutees g1Icircshy
ses ltfui alourdit inufilcmenl tes ailes et avec de la vomiddot
Ionie tu arriveras il donner une forme harmonieuse aux
espoirs qui le hantent ~
Il faut pOUl [e bonheur et pour la joie se mainshytenir forl pal la joie elle-mecircme
10 luillet
Je reccedilois un mot hien vague de Jane Kousta el ces
phrases etranges ne me salisfonl guegravere
Elles leacutepandent si peu il ce (lue jespeacuterais apregraves
ma longue lettre
laquo Michegravele
laquo Ie mennuie cest vrai je mennuie agrave pleurer
0 mais en ce momenl je suis trop lasse et eacutecœureacutee
~ ~~--~
76 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquo pour laisser 11I011 UgravellH dramal iqnc dl amaliser Ics
eacutevegravenements ( comme III sembles le crnindre
laquo Il est vrai que 1111 IIi rnest plus dalliellieux
laquo peut-(~LIl que la lnrcur le r1i~( ou la folie
Il Mon oivorce 11I1 11)(1(11111 prouveacute Iuuo la deacutelishy
l(atls~ (xquisl du COIllI( Iousa qui voulu il IIW [nissr-tshy
laquo 1I11t glalllk paIl dl Sil lortunc
laquo 111 orgueil [ai refuseacute lu llIISCS
laquo SCUllIHlIt Illon lIIUI a llt~ eacutemu de laffeclion
laquo (lue me temuignc Illon mari rnalgleacute lous mes torts
~la vic est laide nest-ce-pas ma Michegravele
laquo Lorsque je la contemple du haut de ce que jai de laquo meilleur en moi I11 haul d~ loul ce qlle javais esshy
laquo 1)(1( Cl gland pa nurtuuu d lemps passeacute toujours
laquo pluvicu x Ille hante d~ trisf csse
laquo Continue il IIlC plniudrc cal lon cœur qui seul
laquo il compris tregraves jeune un pen du mien me console
Il d me purifie
Il Emhrasse Edml si elle veu l de mon haiser
1 cd ange au x ailts doie hlnnche
lle lis ldadan la Princesse qui ne pardonshy
I( nai] las il son temps d~ lollhli dans son palais
laquo princesse- salis gloire dlInc poqne 011 Il comeacutedien I( seul porte cncore IIl1e cnurunuc )1
laquo Une lpoque ougrave le comeacuteriieu seul porte encore une
laquo couronne raquo) Heacutelas
laquo Dis agrave la mel combien je laime Iii mel libre la Il mer audncieusr
laquo Et laisse-moi embrasser tes main douces comme
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 77
laquo autrefois en pension lorsque tu avais sept ans que je laquo te prenais SUl mes genoux et lue tu posais tes mcnolshylaquo tes SUI ma bouche
bull Jane Kousta nest plus laquo Appelle-moi maintenant
Doloregraves JI
15 Juillet l O heures du soir
Quel inoubliable jour quelle heure eacutemouvante passhyseacutee sur la gregraveve deacuteserte agrave lapproche du creacutepuscule
quelle rencontre 1 quel espoir quel recircve reacutealiseacute
Tout resplendit en moi dune lumiegravere nouvelle qui
meacuteblouit et me transporte car celle lumiegravere adoreacutee
nest que laube du soleil prochain que laurore du matin qui ne connaicirctra plus de soir
1(OU5 nous promenions au bord de la mer montanshyte Edmeacutee son petit fregravere Guy et moi la journeacutee allait
finir et nous cherchions encore dans le sable sec et
brillant les coquillages nacreacutes et les algues roses lorsshyquEdmeacutee me saisit le bras en poussant un cri eacutetouffeacute
Je suivis la direction de son regard et japerccedilus au loin ua homme lui descendait la falaise
- Jean-Reneacute Formant murmura mon amie
Mais une impression eacutetrange forte profonde ja_ mais resentie menvahissait toute enliegravere et agrave mesure que la silhouelle lointaine se preacutecisait en approchan t joubliais la pauvre Edmeacutee joubliais tout ce qui menshytourait joubliais le monde entier et je ne voyais plus
-1 ~ ~ t ~ ri ril 1 78 LA CONQtJ~TE DE LmitAL
que ce grand jeune homme hrun tout entoureacute de beaushyleacute de penseacutee -Inspirnliun didtal cl mon ecirctre seacuteshy
1IIIlta vers lui
Tout en moi el autour d(~ moi chnntnll cl me reacutepeacuteshy
tait oc Cest lui raquo
(( Cest Luiraquo battail mon cœur avec transportsen
pulsations preacutecipiteacutees laquo Cest Lui raquo raurrnurait le souffle du vent (lli me caressait le visage oc Cest Lui raquo)
disaient les vagues victorieuses berccedilant mon espeacuterance de leur musique eacuteternelle cest Lui cest Lui Cest Lui Et cc mot ladieux vibra el reacutesonna ct retentit dans
la nature entiegravere et je ne savais plus rier (lle ce
mot unique el tricmphnl
Il entrait dans mon acircme il peacuteneacutetrait mon cœur
et mon Iront ct mes mains et ma chail cl il ouvrait des lodes fermeacutees de mon ecirctre irr-adiant mes yeux
de la beauteacute des chemins nouveaux
Alors Jean Reneacute eacutetait presquaupregraves de nous
Et je lconnus nettement limage cherie dun recircve
de mes nuits cette figure dune resplendissante beauteacute
el dont la ph) siouornie noble et grave sous les boumiddot
des brunes semble contenir des mondes de lorce cl des
mondes de penseacutee
Ses yeux dor dUne profondeur infinie rud ianls comme deux eacutetoiles mempliren t despeacuterance
Et lorsquil parla sa voix IIlC Iii tressaillir celte voix aux ncceuls tendres lIUX inflexions moduleacutees celle voix inoubliable qui nest que comme le prolongeshyment de lame eacutemue
~iais il sadressait agrave Edmeacutee El brusquement ceci
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 79
me lappela 1 preacutesence de mon amie el la reacutealiteacute si triste de SOli amour lour celui que jattendais el (lUI ja i reucontreacute maintenant
1~le la laune lllite eacutetait tellement troublee quelle balbutiait des mots sans suite el ne songeait mecircme pas agrave me preacutesenter Jean-Reneacute
Dailleurs ce geste maurait choqueacute par sa convenshylion moderne
El sans doute Lui eacutetait de mon avis car il dit en me peacuteneacutetrant du grand cha lme ugravee ses grands yeux il dit comme sil mavait toujours connue _
- Quel moment splendide nest-ce-pas celte heushyre ougrave le soleil el la mer sappellent el se confondenl dans un eacuteblouissement de rayons cl de reflets On dirait
que la lumiegravere se mateacuterialise en fleuve dor el de pourshypre et que les vagues sapaisent parce lfU lagraveme des flols est heureuse
Et je Ile pus mempecirccher de penser que celle phrashy
se apportait vers moi plus lJlIe les mols prononceacutes
El jai repondu plesQlle il voix basse
Cest une heure admirable cest un tableau de recircve
Il est tregraves tard malheureusement fil alors Edmeacutee el noas sommes forceacutes de rentrer pour dicircner
Viendrez-vous demain au Manoir Monsiellr Formant
- Avec une grande joie illldellloiselle llprit la voix grve et meacutelodieuse
Edmeacutee ojoulait
- Combien agravee temps resterez-vous dans ce village de Ker-Nouheacutel
- Je Ile sais pas encore
J-~~~J~ [middot1 Il -)~ l-J jI~J~1 t~~~r ~~~- bull - ~ bull bull Icirc middot~l~_
8Ugrave LA CONQUiTE DE LugttAY
Ils se tendirent la main elle eacutemue et confiante lui poli et indiffeacutereat Il se pencha vers le petit Guy pour lembrasser
Puis il me salua lentement et de nouveau il me
sembla que dans le chalme profond de ses yeux longs il menvoyait tout ce que jespeacuterais recevoir de son admiratioa noble et spontaneacutee
MoD bras passe sous le bras dEdmeacutee silencieuses toutes deux nous regagnions le Manoir et lespeacuterance illuminait mon cœur dun bonheur eacuteblouissant et je pensais Illarcher dans un recircve feacuteeacuterique au milieu de fleurs lumineuses et de ftambeaux de joie
Les roses de ma ceinture seffeuillegraverent sous mes lt
doigts eacutemus et la brise du soir emporta leurs peacutetales vers la mer
Comment le trouves-tu murmura Edmeacutee
Cette question me saisit et moppressa
Et la reacutealiteacute triste des souffrances de ma petite amie fit encore un nuage sombre agrave coteacute du tableau de lumiegravere
Que reacutependre Je fus sur le point de dire laquoIl est mOA Ideacuteal raquo
Je nen eus pa5 le courage et je gardai le si shylence eacutetrangement
Tout de suite Edmeacutee reprit - Tu as une ideacutee que tu noses pas exprimer Michele cette ideacutee je la deshyine Iaeilement tu as sur les legravevre s il Il l faim l pH et ce mot tu ne veu~ pas le pronoucer parshyce que tu crains de me faire pleurer
Mais tranquillise-toi jai confiance dans lavenir car
~ cmiddot ~~
~~
-_7middoto -~~~~Zmiddot ~Icircif~ -
LA CONQUEcircTE
maintenant je sais que jaime quagrave lorce damour je suis taire aimer
Cette phrase si simple les larmes me tecircte blonde et je
- su avait entendu serait-il pas toucheacute 1
Nous approchions de la maison qui taire SUI la route deacuteserte un refuge protecteur un abri
Calme insouciante heureuse Edmeacutee v
agrave chanter cependant quau-~
poir une lassitude menvahissait lourdie palpitante eacutemue eacutetait gonfleacutee de regraveves souffrir
tmiddot
Aujourdhui pour Le Nouheumll seacutetait
Le ciel agrave lorient avait des vent parfumeacute de jasmin dheacuteliotrope layait de jolis nuages floconneux plumes envoleacutees de laile dun
Celte journeacutee rose souriait lion rayounemen] javais rose fraicircche et ravissante tandis quEdmeacutee lineacutee de blanc se faisait
l bull jattendais comme elle
8l
JiJ~
DB IIDRAL
i
tant Jean-Reneacute FOlmant bien sucircre darriver agrave men
si douce me fitmiddot mal et montegraverent aux yeux Jattirai la petite
lembrassai en disant - Ma cheacuterie
ces paroles pensai-je nen
grande et soUgrave au soleil couchant semblait
bienveillant
seacutetait mise milieu du merveilleux esshy
~t que mon acircme ashyjusquagrave
i6 juillet au soir
recevoir sans doute Kershypareacute de toutes les richesses de leacuteteacute
nuances daurore et le et de genecirct bashy
comme de leacutegegraveres 1
cygne
Et en harmonie avec eacutetrenneacute une toilette de Ilncn
emmousse- belle aussi pour Celui que
r
6
- - -_ - d _
~~_ _ ~--J~~~III Il il --- J---t i -~Ji 1 Il _ ~bull1 oe
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL82
Ensemble eraves loutes deux moi plus quelle enshycore p1lrce que consciente des larmes qui couleront ici hientocirct en mecircme temps que ~eacutelegravev(la le g1lt1lld honneur nous descendicircmes HU jardin rejoindre Madame Torguegraves
et grandpegraverc Ils causaient assis sur un hanc dans le
bois aupregraves du ruisseau dnrgent
- Comme elles sont jolies 1I0S jeunes filles seacutecrie
grandpegravere rieur Ce Monsieur annonceacute est donc un Prince Cha lma ni
Madame Torguegraves aussi plaisante - Elles ont vite
saisi loccasion de mettre chacune une lOhe neuve
Mais nous sommes ressorties du bois Edmeacutee et moi
cherchant dans le jardin des fleurs pOUl nos cheveux
Lentement nous flacircnions lune aupregraves Ile lautre et
tregraves lointaines lune de lautre seacutepareacutees maintenant par
eette penseacutee pareille
- Comment cela finira-t-il soupirait mon cœur
Trois heures sonnegraverent iI leacuteglisr du village
- Deacutejagrave trois heures et il nest pas IiI dit Edmeacutee
Penses-tu quil va sucircrement venir Midlegravele
- Mais oui
Ces continuelles questions me tntigucnt minquiegraveshytent et Iumbiguiteacute de la si lua liun 1II1~ navre je fais
tout lOUI la faire soupccedilonner il Edmeacutee qui snhstiue il
ne rien refleacuteter que sa IHoIH~ espeacuter-ance el qui sem hie saveugler volontairement
Cette ignorance est dautant plus douloureuse dautant plus dangereuse que lorsque la veacutelite dessilshy
lera ses yeux son chagrin sera plus profond 1
Fo
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 83
Pal momen 1 une immense pitieacute memplit et me jette vers elle
Puis la l(alilt iloille de son lcstln moppresse et
la fr istesse laquoII(~ 1(pOIlSSe ma jeunesse entre en moi pu la tristesse dautrui
La soutlrnnce est-elle donc la loi neacutecessaire
Oh Illon seul ideacuteal Rendre lhomme plus heushyleux
Mais (IatlP heures sonnegraverent aussi A mon ton l
jeacutetais fdJlile imna Lien te su lexciteacutee pal la lten te qui
est presque malaise tant elle met au cœur dagitation
et de joie et de trou ble
- Quatre hern-es un quart soupirait Edmeacutee
Les rafales deacutechirant la nuit du second acte de
Tristun roulaient en moi comme III 1 orage et je pensais au geste enfiegravevre et crescendo de leacutecharpe apregraves lexshytinction de la torche
Oh tout lappel III mon (llc vers Toi la palpitashy
tion de mon cœur le tnmulle de mes recircves le Ireacutemisseshyment de mon espoir las-tu senti lean-Reneacute
Soudain un granll calme me peacuteneacutetra
Quatre heures el demie avaient sonneacute
- Quil est tard disait Edmeacutee
lai reacutepondu - Il vient
- Couuncul lu 1( vois
- Non pas encore mais je le I~nine lts pregraves dir i Edrneacutelaquo sdonnait
Le marteau du grand porche avait flppt PI le domestique venait ouvrir agrave l lntleacutel du jardin
Nous nous dirigeacircmes au-devant deJattendu
IL-middot- -------= _-==
H~ __ j i 1 l j j j 1 1 1 1 1 J 1 l J 1 1 1 1 1 ~ ~bullbullgt~
84 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ceacutetait bien Lui
Dans lalleacutee blonde et molle faite du sable des plages il avanccedilait vers nous
Et de nouveau un eacuteblouissement millumina et seacutepareacutee de tout ce qui mentourait je ne savais plus que Lui et jeacutetais comme isoleacutee dans son regard
- Quel merveilleux jardin dit-il tandis quapregraves Edmeacutee je lui tendais la main Quel cadre exquis calshy
me poetique pour la penseacutee meacutedita tive
- Un cadre pour le bonheur ai-je reacutepondu
- Cest vrai ajouta-t-il un coin de paradis
Nous sommes retourneacutes sous le bois ougrave eacutetaient resteacutes Mme Torguegraves Grandpegravere et Guy
A loreacute~ du taillis Jean-Reneacute sest arrecircteacute et il a
murmureacute
Quel mystegravere sest accompli lagrave qui a laisseacute ainsi le parfum de son souvenir
Oh grands arbres droits qui vous eacutelancez vers le ciel avec la foi de votre torce quelles eacutemotions avezshyvous sen li passer SUI vous autrefois pour conserver ainshy
si dans vos branches et dans vos feuilles celte aura cette atmosphegravere intense et dilluse
- VOliS parlez comme Michegravele a pai leacute en peacuteneacutetrant ici pour la premiegravere fois dit Edmeacutee avec eacutetonnement Til te souviens Micheline de limpression profonde que tu as ressentie lagrave aussi
Tu pensais que de grandes choses humaines a-
tA CONQuiTB DE LIDEacuteAL 85
valent ducirc vivre sous ces arbres et quils eacutetaient imshypreacutegneacutes de passeacute et de leacutegendes
Jean -Reneacute me regarda et sourit dlIl1 sourirlaquo joyeux
Nous approchions de Mme Forgues qui reccedilut aishymahlement le jeune homme et le preacutesenta il Gl1l1t1
pegravere
La conversation devint geacuteneacuterale et animeacutee
Mais le bonheur mentonrait le bonheur cnlrn i l en moi le bonheur paraissait fluer vers moi comme une riviegravere splendide qui descendait de son regald el qui me peacuteneacutetrait
Et la fleur de vie aœoureusement seacutepanouissait en mon cœur
Je me sentais forte je me sentais belle je me sentais admireacutee et ma beauteacute augmentait encore irrnshydieacutee sous la caresse de ses yeux voileacutes de recircverie
- Combien de temps comptez-volis rester il KershyNoueumll interrogeait Mill Torguegraves
- Ker-Nouheumll me semble ecirctre Madame Jendroit de toute la terre que lon espegravere souvent Cil legraveve et que 108 trouve une seille fois SUI le chemin Je pense donc y derneu lCI longtemps
Pourquoi poursuivre insaliahle 1111 voyage ougrave le lendemain regretter-ait salis doute nnjourdhui
Mme Torguegraves di agrave Edmeacutee daller il la maison faire preacuteparer le goucircter El comme chacun eacutetait debout sacheminant vers le jardin jeus la gvande joie de senshytir Jean-Reneacute chercher un tecircte-agrave-tecircte
-------
l_j t ~ i ~ ~ 1 1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL86 ---- ------__----------- ~_ _o
Habilemen l il Ille qlltsiiollllaii SUI la leacute~(~lIde dl la
Feacutee des Lys ct me pria d(~ lui montrer la Source
Enchanteacutee
Nous 1I0US Iqoi~nugravelIcs dOIl( lous leux vers le Iond (lu
petit bois el je palpitais un peu dune tregraves douce anshy
~oisse
_ Aimez-vous lhumaniteacute me demanda-t-B ugrave brucircle
pourpoint
_ Je voudrais quelle se Ilansformugravel Ie voudrais
aussi la connailre mieux ie la plains cal elleeouffre
el je laime parce qlle Ihommc esl rapable de bonteacute
et de ploglegraves infinis
11 continua
_ Vous avez raison SltIII(~ment ne trouvez-vous pas
(Ille laclion est p()Ilr ainsi dire le gage de la sinceacuteshy
rileacute f qut tlOp souvcut nous sommes satista its dlin senshy
liment qui proll(~ 1I01lc i-affiuement de conscience mais
qui est entiegraverement inefficace pOlll soulager lobjet de ce
sentiment
Pour moi aimer lhumaniteacute cest la servir
Comprenez-vous
_ Oui je comprends Et vous Ile faites que mexshy
pliquer Illon ideacuteal Pourf aul comment une femme ou
1111( [euuc fille duns la socieacuteteacute actuelle pourrait-elle utiliser ses dons pOlir le bien de lhomme
NOliS causerons de cela lon~uemellt plus tard
Je vous affirme que ~ts moyens reacuteels intenses dutilishy
ser toutes Jus capaciteacutes loutes les bonnes veloutes exisshy
teat Limportaat est que celte bonne volonteacute soit inteacutegrashy
le et cest ce qui est rare
~711 J -l ~ M ~ -----shy
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 87
le VOliS lassure Mademoiselle agrave ceux qui veillent
les loules ne manquen l pas Le principe dune action
vraimeut puissante esl duns lIdentification croissante
i mleacutefiuiment plo~ressiv(~ de toutes 1I0S forces avec le
hut que nous UOIIS proposons
-Je le crois Mai~ il faut justement dabord avoir
un but puis savoir comment faire eacutepanouir les Iaculshy
teacutes individuelles ail service de ce but
- Un but leprit-il navons-nous pas dil servir
Ihumanifeacute Cesl-agrave -dire conqueacuter-ir pour lIle plus de
bonheur
Certes le champ est vaste complexe semeacute dubsshy
curiteacute et je comprends que vous vous demandiez le
comment de celte œuvre les points interrueacutediuires les meacutethodes parce que ce mot reacutealiser le possihle es l pour vous en e( mornenl impreacutecis
Pour moi il est deacutebordnut de netteteacute de direction
car je sais un peu Je cc quil contient
- y aurait-il donc une science secregravete des posshy
sibiliteacutes humaines
- Certainement il y a toute une science des possishy
hilif eacutes humaines Si elle est secregravete cc nest pas quelle
soit cacheacutee anormalement mais simplement que lhornshy
me se bande les cu pOUl Ile pas III conuaitre ou m111middot
che les yellx ouverts dans UII sens oppose
Vous souvenez-vous d(~ ldie pilloll~ dun livr
f regraves ancien laquo La sagessr- (Tic dans les calrefours elle
appelle SUI les places puhliques ruais lou refusent
son invitation raquo
- Alors ce nest donc pas sur le nombre ltJue le
~tltCcedil~--1 gt
---------
89
i1--~----j~---t ~rJ -Ocircq J i bull i bull i bull bull i i bull i bulllJJ cI
LA CONQUFTE DE LmiAL88
mouvemen t don1 vous vous OCCII pez met son espoir de
reacuteussite
_ Le nombre pOllna venir en son lemps Mllis
un seul cœur riche denthousiasme dintelligenc~ et de
zegravele qui se donne toul entier vaut plus que dix mille
adheacutesions inertes
Le but immeacutediat de nos groupeltlents est de coorshy
donner les forces inlellccluelles et spirituelles les plus hautes acluellement manifesteacutees par des hommes isoshy
leacutes de faccedilon agrave former un orgllne speacutecial de connaisshy
sance et de direction un cerveau pOlir lhumaniteacute Il sagit de reacuteunir en faisceau les aspirations et la libre recherche des pionniers nliu qlle dans cette phalange eouune dans lin ceutrc solaire soient reccedillles et diffushyseacutees abondllmmenl les tnrccs ellpnhles deacutevoluer 111 mashy
tiegravere (lIIcirc nous entoure
Savants poegravetes allisles meacutedecins et toutes capashyciteacutes aujollrdhui meacuteconnues sans usages et mecircme
perseacutecuteacutees doivent en ordre concourir agrave cette
orgllnisalion
Il Y a ceux qui par le geacutenie philosophique la disshy
cipline de soi-mecircme lenseignement reccedilu et lexpeacuterishy
ence acquise sont comme la si hien exprimeacute Platon lei laquo harmonisuteurs JI de ces eacuteleacutements tel le chef dorshy
cheslre ail milieu de ses musiciens
Les recollllllilltmiddot les suivre les aider cest entrer
dans la pratique effective cest sengager sur le seul chemin qui ne soit pas une impasse Je ne parle pas toujours de ces chuses et je nen ai presque rien dit
ici
LA CO~QUEcircTIl DE LrmhL
Si vous Ole trouvez bien grave en lin moment ougrave tout autour de nous semble chanter la joie de la beauteacute de vivre cest justement parce que vous necirctes pas comme les autres
La splendeur de linstant me fait monter dans les reacutegions actives ougrave ma ecirctre le plus reacuteel se meut
Pourtant mille eacutenergies en moi respirent les parshyfums de lheure el ce bois est agrave mes yeux non plus
une forecirct de leacutegendes mais le jardin feacuteeacuterique des renshy
contres heureuses 1
Sa voie meacutelodieuse et cheacuterie mysteacuterieusement faishysait vibrer mon acircrne et en prononccedilant ces derniegraveres
paroles il avait leveacute SUI moi ses yeux profonds et ne les abaissait plus Je sentais le poids de son regard
unique mentourer le visage liIune lourde aureacuteole dashymour et vers moi semblaient mouler des oceacuteans
dattente
Je murmurai simplement
- Pourquoi ne pai vous dire que deacutejagrave je vous ai
vu que deacutejagrave je vous ai parleacute et que ceacutetait dans le plus beau des recircves de mes nuits que vous mecirctes
apparu
Pourquoi ne pas vous dire lue votre œuvre je le sens elle est mon ideacuteal encore inexprimeacute et que je my donnerai toute comme VOUI voudrez que je my donne f
Alors il se transfigura intenseacutement et la protonshylieur expressive de ses yeux eacutevoqua un espoir de boaheur infini Et nous nous egardugravernes comme pour la premiegravere fois avec des yeux extasieacutes
~( lt 1 l 1 -- --- bull ~-l ----J ~ ~J bull
f
90 LA CONQU~TE DE LIDEAL
--------------------_-~-------- shy
- MlIci replil-il avpe une eacutemotion contenue qui meacutemouvait plus encore merci de vos paroles si courageuses si confia nies Vous ecirctes helle Vous ecirctes
etranegravere il la vic han ale VOliS ocirctes libre des attnshy
bull ches du preacutejugeacute Nous SOIllJlIS llin et lnutre porteurs de la mecircme eacuteternelle veacuteriteacute Pl en cet instant lumishy
aeux ougrave nous le comprenons celte veacuteriteacute se legraveve et
chan te en nous et la voix de la joie du monde la voix de lhumaniteacute tressaille et passc agrave travers notre
espeacuterance illumineacutee Sentez-vous devant nous les immensiteacutes inconnues que le heau legraveve dune nuit ocirc
mon amie vous a sans doute laisseacute apercevoir bullbullbull POlir
moi de tels recircves sont lessence mecircme cl u reacuteel
NOliS eacutetions devan t la source de la Feacutee debout
tout pregraves lun de Inulre ct nous nous regardions au
fond des yeux comme pOlir nous reconnaicirctre
_ Oui ai-je reacutepondu el pal ce recircve je VOliS ai
compris et je vous ai peacutenegravetre autant lflle je suis actuelshy
lement capable el de vous comprendre et de VOllS peacuteshy
aeumltrer
A ce momest un brait de pas parvint jusshyquagrave nous et nous ne prononccedilacircmes plus lin mot
Seulement une ivresse de bonheur sexaltait et monshytait de la Fontaine Enchanteacutee et de la corolle qui Slllrouvre des branches qui seacutetcndent du papillon qui deacuteploie ses ailes du parfum mystique des grands lys blancs et rouges de loiseau qui plane de la lerre qui feacuteconde se deacutegageait seacutelevait simposait une harmonie sonore de force despeacuterance dalleacutegresse et sotre acircme confondue la seatait seacutepanouir en une tend lesse
miraculeuse
LA CONQViTE DE LIDEacuteAL 91
- Michegravele Michegravele Ougrave ecirctes -vous donc criait Edmeacutee
- Nous reatrous ai-je reacutepondu en tressaillant leshy~rettaNt la fin ds lheure envoleacutee deacutejagrave lointaine et
adorable
- M Vazaonegrave et Maman sont installeacutes pour roucircshy1
ter dans I~ bosquet de roses sous I~ grand magnolia continuait Edmeacutee essouffleacutee
Jy ai fait dresser la table agrave theacute pour jouir de
la vue de la mer de la beauteacute des roses et de ce parfum magique et ehaud des belles fleurs blanches du
magnolia
Elle souriait toute animeacutee et les cheveux eacuteboushy
riffeacutes par sa course sous bois pour nous retrouver elle souriait conten te et regardait Reneacute
Lui ne la voyait pas Je le sentais entoureacute de moishy
mecircme comme jeacutetais enveloppeacutee desou charme puissant Qund reviendra- t-il
-
1 7 Juillet 8 h du matin
Une grande lettre de Jane Kousta me navre et meacutepouvante Lucette Pagel avait raison de la sentir en danger 1
Ce que jai tellement craint pour elle il y a un an ce preacutecipice dont sa route semblait maintenant secirctre
eumlearteacutee voici quil est evaut elle et quelle y roule r Heacutelas se relegravevera-t-elle 1
~ _- -~~-- -
1 -~ JI JI Jl -- -- J - ~ 1 J r-r--r--r- C
9~ LA CONQUEcircTE DE LTD~AL
Ils existent doue C(~S ecirctres affreux peints pal les
romanciers ces ecirctres ljui ne songent quagrave leurs basses jouissances ces ecirctres pareils lUX vautours guellant leur proie des nuits entiegraveres ces ecirctres qui ne pouvant conqueacuterir une lemme ni pal lamour ni pal lestime ni par laffection IIi pal ladmii-ation attendent le moment de deacutetresse ougrave un laux-pas lie leur victime la fera tomber dans leurs bras
Ainsi pendant des mois lanneacutee passeacutee jai rencontreacute chez ma pauvre grande Jane un de ces ecirctresmiddot abjects Raoul Falbrut qui rocircdait sans cesse autour de sa beauteacute
Cest un horrible petit honmme avec une eacutenorme
tegravete agrave la nuque eacutepaisse au cou de taureau La simshyple eacutevocation Je son visage memplit de deacutegoucirct
Dailleurs sportman connu pilier des salles desshycrime grand joueur aux courses et richissime cercleux
Quil faut que Jane ait cruellement souffert pour meacutecrire aujourdhui cette nouvelle atroce
IlJe crois que jai toucheacute labicircme du tond de laquoma misegravere Michegravele
laquoApregraves de bien douloureuses journeacutees me voici
laquo maintenant plus tranquille mais aussi malheureuse
Je voyage en Suisse avec Raoul Falbrut dont CI tu dois te souvenir
laquo Royalement installeacutee agrave Interlaken la vue de la CI Jungfrau seule me lappelle quil pourrait y avoir CI de la beauteacute Mais pourquoi te mecircle agrave ces tristes laquochoses si ce nest pour tavertir (Oh 1 tu nas pas laquobesoin davertissement ) de limportance de chaque
LA CONQUEacuteTE DE LIDEacuteAL 13
CI peacuteriode de notre vie et des enchaicircnements eflarants CI de celle lulle agravepre et cruelle lorsque nous nous Il trompons de chemin
( Pourquoi nai-je jamais rencontreacute sur ma lalite Il que mensonges et vaniteacutes Ai-je donc toujours menti
laquo Michegravele Michegravele il y a de la lumiegraveres encore Cl dans le monde Dis Moi je Ile sais plus 1 Et pou1shy
(( tant je sens en moi tant de choses tant denergies (( tant de deacutesirs La somme de mes deacutesirs eut fait
laquo une trop grande espeacuterance une irreacutealisable espeacuterance laquo tu comprends AIOlS je nai pas pu lier ma gerbe
laquo De tous cocircteacutes mes desirs tiraient disloquaient mon laquo ecirctre
laquo Jai connu le teu des passions sans motif sans Il bu t par excegraves de mes propres forces
laquo Ah si quelquun avait passeacute si quelquun (( avait dompteacute si quelquun avait tait de moi la (( reacutealisa triee de ses recircves
(( Michegravele neacutetais -je pas comme une feacutee cornille laquo une magicienne Neacutetais-je pas puissante
laquo Et maintenant voilagrave jai trente ans tout ce que laquo jai veacutecu est derriegravere moi comme du vide
laquo Devant moi entre moi et lespeacuterance il y il
cc un abicircme infranchissable
laquo Avec tout ce que jeacutetais que suis-je deacutesormais
([ Je pleure sur moi-mecircme pareille agrave une heacuteroiumlne laquo( dEuripide je pleure sur ce qui aurait pu ecirctre Je CI pleure sur la part de splendeur de vie que jai mushye tileacutee en moi 1
95
~ ~ r IJ~~
9i LA CONQuiTE DE ~l~AL -_ ------_ _-shy
(( A quoi servent les lannes Elles sont inutiles laquocomme les regrets
laquole suis 111I tourhillon je suis emporteacutee je me laquo laisse emporter quv a t-il SUl celle pente (lue je
laquo deacutevale comme UIIC avalanche le lOCS
laquo Et sais-tu ~lichegravele pourquoi ma misegravere sest laquo eacuteclaireacutee subitement trop tard Cest parce que
laquo japerccedilois de lautre cocircte de labicircme parOli mes esshy
laquo peacuterances impossibles lEacutetoile dune reacutealiteacute
laquo Adieu cheacuterie Toi sois heureuse Tu es si droite
a si pue que tu aurais (Iii 1111 ta seule preacutesence me
laquo purifier
laquo Seulement jeacutetais trop aveugle trop enfieacutevreacutee
laquo trop enivreacutee des [eux eacutecœurants des salons ougrave lon Il madmirait
laquo Je t (limais sans tc regar(1eImiddot Tu avais raison
laquoDe toi me vieilt comme un rayon le deacutesir si
laquo cela eacutetait possible ugravee retrouver un chemin un
laquo chemin renouveleacute mais j~ suis prisonniegravere comme
laquo dans un cercle de montagnes
laquo Tout est fini
laquo Il ny a que des ruines autour de moi et en Il moi J)
Oui ma merveilleuse magicienne je connais ta richesse ta puissance ct tes dons et je te plains de toute mon affection
Mais III nas pas assez tocirct compris que III faisais naicirctre parlais des souffrances SUI ton chemin et que nos deacutesirs doivent se limiter lagrave ougrave ils produiraient
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
le deacutesordre tu nas pas assez tocirct compris que laquo les ronces que nous semons 5111 la route de la vie 1I0US les retrouvons tocirct ou tard au relour raquo tu nas pas assez tocirct compris que 1I0llS Ile sommes rion pOUl 1I0USshy
mecircmes ma gralld(~ Jane d que l(~(hallg-c seul llchallshyge charitable leacutechange qui sc douue lait Iii joie de vine
Si toutes tes forces et toutes les aspirations et tous tes recircves tu Ics avais plus souvent que sur toishymecircme tourneacute VCIS luumaniteacute tu aurais peut-ecirctre
ainsi connu un bonheur digne de loi
Un mot pourtant dans celte lettre navrante lourshy
de de tristesse encore inavoueacutee me donne pour Jane
un espoir de relegravevement possible un espoir davenir
malgreacute ce Raoul Falbrut dont elle a accepteacute une
royale installation en subissant un honteux esclavage
que jose agrave peine penscl El celle espeacuterance qui me reste cest celle eacutetoile de reacutealiteacute qui a si subiteshyment eacuteclaireacute sa misegravere et (lui peut-ecirctre pourr-ait comshy
me un soleil levant illuminer maintenant ses lendeshymains
Le ciel qui vient de s ouvrir pour moi ne pourshyrait-il pas sirradier devau t ellc bull
Moi je ne vis plus ici avec GrandPegravere ct nos amies
je vis seulement dans le souvenir de la beauteacute dhier dans lespoir du prochain revoit
Je suis comme endormie et la meilleure partie de moi-mecircme seacutechappe recircveuse vers Le Vuiuqueur qui mcntraicircne dans les lointains teacuteeacuterlques plus merveilleux que les merveilles du recircve
Instantaneacutement il IDa prise toute entiegravere parce
_OH 2 t 2amp middot
F=3 -~ RR ~~~~~-_-~-JL ~
l6 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
quinstantaneacutement je lai reconnu palce quinstantaneacuteshy
ment jai senti quIl eacutetait mon Heacuteros celui qui memshy
megravenera plus haut (Ille moi-mecircme vers mes plus hautes
capaciteacutes latentes vers les avenirs Ionjours glandissants
de beaute en heaulc de splendeur en spendeur despoir en espoir damolli (1 amour Oh seacutelever seacutelever
sans cesse seacutelever toujours plus haut Planer au-desshy
sus tics petitesses el monter vers la lumiegravere solaire
Parfois jc recircve quun aigle royal est mon coursier et
quil memporte vers les hauteurs et ses ailes trishy
omphales toutes rilndes deacuteployeacutees comme un eacutetandard
de victoire hatlent les airs cl seacutelegravevent majestueusement
en hymne de libeacutera tion
Et mainleuant jai lrnuveacute Illon coursier rOYIII et
avec lui je Irnnchirni les steppes arides je traverserai les deacuteserts jescaladerai les collines et lions gagnelons
la Terre Promise
Je laime dans tout ce quil dit dans tout ce quil croit dans tout ce quil pense dans tout ce quil veut
dans tout ce quil aime
Oh Jean Rene Songez-vous en cc moment fi moi
comme je sonne agrave vous cl savez-vous agrave quel point je
vous aime
Je ne connais rien de votre vie Hi de votre passeacute et deacutejagrave je suis il vous complegravetement el je souffre de la
lenteur des heures qui me seacuteparent de vous et de ce que vous ne mayez point encore serreacutee
dans vos bras sur votre cœur bien fort et longueshy
ment
Mais votre legllni dor intense comme la flamme dune pierre preacutecieuse infini comme les profondeurs
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 97
inconnues de la mel profonde votre regard ne me quille plus el menveloppe de son prodige
Dites-moi Jean-Heneacute dites-moi dites-moi (Ille
VOliS ne pourriez plus sans moi construire les avenirs
comme je ne pourrais plus les construire sans vous
l~ Juillet
1 deacuteshait autant me revoir degraves hier que je deacutesirais noi I~ rejoindre
El nous avons passeacute une magnifique journeacutee
ensemble il matin SUI ln haule [alaise ensemble lapregraves-midi sur la plage libre ensemble au c1nIcirc1 de lune apregraves le dicircner SUI les dunes doreacutees hOI deacutees
des loches sombres bordeacutees des loches devenues
farouches el eacutetraugcs sous les reflets lunaires
Quoique nous ayons eacuteteacute presque conlinllelleshyment en groupe puurtunl nos llgillds IIlIUS isolent lun dans lautre nos limes se parlent salis 1111(
et les moindres minutes lIe legravele il tegravete sont mainshy
tenant pour nous des siegravecles de honheul
La pauvre petite Edmeacutee dnbonl ne nous quishy
lait pas Puis elle a enfin comm-is quil ne dvsishy
lail pas rester seul aupregraves delle el suhitemenl lapregraves-midi lIle (51 devenue lrisle el songeuse Main tenan t je sens Et mee heacutelas tlegraves loin de moi elle sest complegravetement lermeacutee el ne resle plus en ma preacutesence ~(lw lorsquune autre PI(SCIlC(~ lui assure mon sillnce
Elle me lait pitieacute cl hien (Ie je ne puisse regretter pour elle la lin dune illusion de ce qui ne
- ~- l Jgt~~~~~
LA CONQUEcircTE DE LID~AL98
peut pas ecirctre je suis narreacutee de la voir malheureushyse de ce lui me lend si heureuse l Jui agrave certains momenls envie de provoquel bientocirct une scegravene deacuteshycisive qui changerait celle situation peacutenible entre nous deux Que faire Je ne sais encore Peut-ecirctre preacutevenir Crandpegravere el partir poursuivre mon bonheur loin des yeux de la pauvre cheacuterie
Ah pourquoi la vie est-elle si rude pOUl cershytains La frecircle petite Edmeacutee souffre deacutejagrave de soufshyfrances damour la frecircle petite Edmeacutee qui semble faile pour la tendresse et pOUl 1 joie Et dans son cœur ce ne sont plus les fleurs du recircve ce ne sont plus les fleurs vivantes ce ne sont que fleurs desseacutecheacutees vite eacutecloses locircl faneacutees
Et pourquoi Ocirc mon Edmeacutee faut-il (lle ce soit pal moi que tu souffres
Jai deacutejagrave rendu Andleacute Calvis malheureux et voilagrave que maintenant je te rends malheureuse moi qui cherche acircprement le honheur et qui voudrais aider pOUl lous son prodigieux eacutepanouissement
Limpuissance dagi l cest le plus terrible mal limpuissance devant le deacutesordre limpuissance devant le malheur Comment lhomme ne concentre-t-Il ras Ioules ses faculteacutes loutes ses eacutenergies tous ses efforts lous ses deacutesirs Ioules ses penseacutees toutes ses aspirations vers la seule chose neacutecesshysaire devenir de plus en plus maitre des forces appeleacutees forces inconnues (mais 1101 ineorrshynaissables ) devenir de plus lli plus maicirctre des eacutevegraveshynemenls de la vic Quexiste-t-il hors de cd Inteacuterecirct si intense Que SUlI t agrave cocircteacute de cela les distrac tiens-
LA CONQUEcircTE DE L[DRAL 09
ou les plaisirs ou les luttes de politiciens ou les luttes de partis ou de castes ou de laces ou tous ces gestes quelconques dans lesquels lhomme gaspille une si innombrable somme de forces inutiliseacutees
Jean-Reneacute sent autant et plus (lue moi-mecircme cette perte deacutenergies preacutecieuses ct le cher apocirctre qui a conquis mon ecirctre nous a ouvert un Instant SOli acircme geacuteneacuterruse cl vibrante si douloureuse de la souffrance humaine mais si vaillante dans leffort
Ce malin sur la falaise ensoleilleacutee nous eacutetions assis lui Edmeacutee et moi et nous aYons padeacute longuement de celle Philosophie Cosmique de celte meacutethode de vivre inleacutegralement rationnelle aussi bien Tndividuelle que sociale terrestre mondiale
Que dimmenses possibiliteacutes quels merveilleux espoirs quels horizons infinis il ouvrait devant mon intellishygence et mon cœur
Je veux me sou venir de ses paroles
oc La vic Tout ce qui csl tout ce qui a eacuteteacute tout ce qui sem la source ineacutepuisable la base sans limites la manifestation originelle de lInconnu pal laquelle et dans laquelle toutes nouvelles manifestations sont reacutealisables La Vie 1 Telle quelle nous apparnit actuelshylemen t elle est deacutejagrave le mystegravere sans bornes leacutepanouisshysement incessant la complexiteacute innombrable la leacuteerie continuelle des transformations inouiumles
Pourtant ce qui en est deacutejagrave reacutealiseacute est seulement comme un embryon aupregraves de Iegravelre magnifique et parshyfait A mesure que notre intelligence reacuteussit agrave seacutelever
-
1
100 LA CONQUEcircTE DE TlIJ~AL
dans la reacutegion conceptiveacute les formes lalentes seacuteveillent
autour de nous cl notre penseacutee constructive deacuteveloppe notr-e ideacuteal cl ccsl ln vic plus 1)I()f()ud(~rncnl heureuse
ln vie prollgo(r donl toutes les transformations sonl
bienfaisantes dont toutes Ics eacutenergies sont utiliseacutees
dont les fleurs ne se fanent pns dont les eacutepis g-erment ct (lui chante la joie cllalleacutegrcsse de limmortaliteacute
- Mais pal (1lels moyens ai-je demande peut-on
diminuer la souffrance
- Puisque la vie continua-I-il sc deacuteveloppe cl
seacutevolue suivant des lois que lon peut connuilre el
appliquer il est eacutevident pour un esprit philosophique
(cestil-dile snchaul penser dans une sphegravere logique
sans ecirctre enchaicircneacute pal It~s faits actuels qui S01l1 les
effets ct non les causes) il est eacutevident qlll la science
est la veritable resfitutricc de ricircge dor
Celle science il [aul quelle seacutetende aussi loin que
la vie elle-mecircme parlou ougrave lharmonie cl lerreur sont
capables ugraveapporleI la paix ou la souflrnnce
Pour conqueacuterir telle ltelle science indeacutefiniment proshy
gressive il faut des savants qui soient aussi des philososhy
phes ou qui adhegraverent il ln Philosophie libre cl audacishy
cuse cette vraie Philosophie annonciatrice de cont reacutees
toujours nouvelles
Si celle science cl ai l lrouvce ou en voic de lecirctre il
lesterait encore ugrave lllppliqu(( Mais les hommes se conshy
duisent pal imitation pal habitude pnr instinct
JI y aurait donc une œuvre immense de propagande
agrave enlreprendre pOlir fairc counaitre les conclusions scishy
entifiques inteacutegrales capables de modifier lexistence en
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL toI
ln conduisant dharmonies en harmonies vers un eacutetat de l-onheu l croissnn L
Il faudlnit plus eucorr- connaitll~ nest pa assez il
faut comprendre aimer Illaliquel celle scie nec li~leacutelashy
lrice il faul que Ioules les faculleacutes hUUlltlines euf rent
en jeu pour leacutepandre pour lllNil pour reacutealiser la par-ole daffranchissement
01 cette science existe ses bases en sont poseacutees Et
tandis que les savants et les philosophes voileacutes les precircshy
tres du sanctuaire doivent continuel la recherche el
la deacutecouverte en mocircme temps ct pnrallegravelernent il est
neacutecessaire ltlle les reacutesultats acquis soient diffuseacutes
Chaque grudation dhumaniteacute est apte agrave comprendre
et il utiliser celle pn de connaissance (lui lsi dans son
hor-izon normal el dont lIle peut efllcaccmeut sc servi
POUl llIll raison la diffusion mecircme de ce (lui esl
deacutejagrave connu et cn(gistll ne peut egravehe faite que par de
gr(~s pal seacuteries Celle loi eacutetablit linilialion pogIesivl
la classification le groupement hieacuterurrhiquc
Et maintenant je puis reacutepondre il votre question en
la preacutecisant quelles connaissnnees pouvez-vous actuelshy
lement donner pour commencer rameacuteiolalion conscishyente de leacutetat humain
Oh la veacuteriteacute est simple mais O1Il1ll dit Iiuml~ldeacutesjilsshyle Cl ils onl chercheacute beaucoup de discours raquo
Il y il dhumbles cailloux rouleacutes dans les lorrt-u ts de
la mentaliteacute seacuteculaire qui sont en reacutealiteacute des gelllmes
preacutecieuses De loin ils semblent sans valeur si on les lamasse si on les COIII(lIIple Iougucment 011 slfHrccediloit
quils sont tlane IrallIlrtnc pallaile el Ille I(~ monde sy reflegravete
--~ _~--~---------- _-
JIll
~~~JA~~~)~rJ~~~t~~ - iir~i ~ c lt ~~~
LA CONQutTB DBtot LA CONQUEcircTB DEuml LmhL -----------------------shy
but uMqu-e le culte deOui ce nest pas lous les joars quune vnouvelle loi niteacute
peut ecirctre trouveacutee quune nouvelle promesse peut temshy~Et lhomme doitber du ciel 1
tion des diverses capaciteacutes humaines Mais agrave travers le temps bien des deacutecouvertes se sont nir la progression in~essante
C amasseacutees bien des sentences de sagesse ont parsemeacute la bull
1 lhomme qui est ~ terre
le proteeteur le libeacuterateur deDes proverbes dont lorigine se perd dana la nuitiX la terre to~tes les torees
des iges sont comme des phares sur la route de leacute- fuseacutees par le regravegne r volutien individuelle et collective des rites et coushy ~ laquoAidemiddottoi le ciel taidera 1 J)tumes ~n divers pays maaitestent encore sous leur 1s-i
~~ symbolisme incompris la science des eacutepoques passeacutees u Chariteacute bien middot middotmiddotmiddotmiddotmiddot~~
laquo Bien faire et laisser dire Pour les peuples le progregraves ce sont des lois meilshy1middot~K~ leures le culte de la santeacute et de la vertu un pen de ~ TOlite cette sagesse ~W science au lieu de superstition un eacuteveil intellectuel Ion vrai rocircle sa responsabiliteacute~laquo qui ne peut venir quen enlevant le terrible poids de seignait quil doit avant tout~1rmiddot
la croyance irralsonneacutee et quen mesure seulement~r middot POUl ldite leacutevolltlioD ce~t ladheacutesion persistante des aides peuvent devenir
~l bullbullbull agrave la logique il lexpeacuterience ail maximum de bonheur Ainsi Jean-Reneacute~ ~ cest le plissage IU crible de lamas coolus et impur 10pque~ ~ ~
( des arts sans spirituahteacute des poeacutesies sans propheacutetisshy moi mes~ propres horizons1 me des sciences trop borneacutees ner dans le soir tiegravede etil~ Cest la reconstruction des mœurs des litteacuteratures finie que nous veacutecucircmes(~) (- - - des lois sur une base de bonne volonteacute complegravete et~( Etait-ee parce que les eacutetoiles brillantes nOlis parlaiententiegraverement libre
1 de paix et -damour eacutetait-cePour Itndlvidualiteacute qui aspire agrave ecirctre par soi-mecircme
plus seuls sous le manteaule cettel marcher en avant comme un pionnier et comme un
ce parce que nousluidechaque helire ehaque acte chaque penseacutee est
cœurs tout pregraves lun deuneacute voie de perfectionnement Cest le seuil des grands de nos corps neacutetaient plus agravedestins mecircme de nos Ames Pour toutes i~s gredutions ensemble le moyen deacutetashy
Silllpienle~t puisque 1I01ll(blil la eoopeacuterntlon harmonieuse est de reeonnaltre ~un
1~3LmAL
lideacuteal manifesteacute dacircns lhuma
comprendre que c~st de lfllljlisnshy
que lui peut veshy
vers le bonheur Cest linitiateur Ieacutevoluteur le gueacuterlsseur
lhomme Parce que sur
eosmtqueaeont ~ccedilues et ditshy
humain lhuman~teacute intellectuelle
ordonneacutee commence par sQi mecircme raquo J) bull
antique qui donnait agrave lhomme reacuteelle et qui Iui enshy
compte SUI lui-mecircme de sa propre pnissance
ses toUaborateurs raquo
parlait intalissablement et par uneIcircsuperbe illumineacutee despoir i1deacuteployait devant
Mais cest le soir apregraves dicircshy
constelleacute de limmensiteacute in-lheUJed~ recircve
parce que nous eacutetions nuit douceeacutetaitshy
sentions vers le vaste ciel pur nos
lautre et que les silhouettes celle heure que limage bull
OOIIS SOUlme t
------- ---- ------
104 LA CaNQUETE DR LlDF-A L
que aussi impeacuterieusement llin qlle lautre nous avion S
soif de certitude eacutel ail-ce parce ltlIC la minute avait
sonneacute p01l1 nous de taire du recircve exquis IIl1e ardente reacutealiteacute mais soudain nous nous sommes arrecircteacutes lonshygllcment en arriegravere tandis que les autres venaient de disparaicirch-e dans tin tournant du chemin et comme je Jaltendais comme je le deacutesir-ais comme je le voulais
Jean-Reneacute me prit la main dans les deux siennes et
avec une torce de lendresse passionneacutee il dit seulement
- Michegravele
Oh la douceur de ce nom tians sa bouche Oh
(~IIe lpeleacutee ainsi [Jill Lui ce me parut ecirctre comme une
pltlIIii~le eacutetreinte ct je Irissonnni dun frisson inconshy
IIU Dans lcs mains puissantes qui pressaient mes
ltjoils il me semblait sentir Ioule la substance de SOli
amour descendre en moi el monvelopper dune vague
somplueuse t luurde dexlase alauguie
ldais look alalldolllleacutee lt lorsque sasseyant SUI
UII talus killl-Itcneacute lUilUiliI aupregraves de lui je sentis
avec deacutelice ma faiblcssc devant sa (oree et je rae sershylai 10111 coulrc lui
Michidc 1(~plmiddotlililil il mi-voix ~Iiehegravele Michegravele
1 (lorn 1I1i1 ruuin il ses legravevres
- VOliS OcircII~S mou ideacuteal Michegravele reprit-il vous ecirctes la beauteacute dl mes llves el lintelligence de mon espeacuteshylance Mais Iii vie lttue je dois vivre sera souvent agraveshypre cl padois douloureuse La Cause que je SCIS est
cumhat lue car bien peu la comprennent Vouloir le
honhcur (ie hnuunr-s cest accepter Iisolemeut cl Iii hardiesse des idees cosmiques a besoin de soldats coushyrageux et pcrseacuteveacuteJanls toujours precircts agrave la deacutefense tou
~ ~ 1 1 ~
LA CONQUEcircTR DE LIDEacuteAL 105
jours precircts il subir Iii conlJadietion des preacutejuges les
assauts les plus deacutecevants et surtout les incompreacutehenshy
sions les plus navrantes Quand il est question tfeacutequishylihrcr le deacutesordre colossal des socieacuteteacutes chacun a des
yeux de lynx 10111 npercevoir tontes les dilficuleacutes de lœuvre les milieux ne sont pas preacutepareacutes les hommes
sont trop insoucieux dun bonheur encore lointain quil sagit de conqueacuterlr et les objections abondent
Cest justement parce que linertie est graude quil
nous faut plus deacutenelgie pour commencer ladmirable
tacircche ct aussi toulc ma viegt VOliS compr-euez Mishy
chegravele tou te ma vie est deacutevoueacutee lt1 cette Cause et ma vie est seacuterieuse ct seacutevegravere
Je veux que vous ayez bien compris Iii glaviteacute de
cette existence mon il mie avant de me permettre de
vous dire tout cc (lui de moi deacutesire senvoler vers VOliS
avant de vous dire que mon lime est pleine de vous
el que mon W~III bal biea tort dans ma poitrine ce
soir en vous parlant de vous sentir si pregraves de moi
si confiante si honne jIon unique recircve est eu vous
mon espoir sacreacute chclcheacute depuis des anneacutees cet in fi ni de feacuteliciteacute cet apaisllment de taut ltle peines ma
lumiegravere mon bonheur mon amour tout ce (UC je suis et tout ce que jespegravere tout est Vous
leacuteprouvais un bien-ecirctre deacutelicieux une eacutemoliou de
douceur (ode Une pleacutenitudlaquo de joie immense tandis que
sa voix enveloppante me parlait ainsi et de tout ce
que jentendais ct de tout ce que je voyais du ciel illumineacute de la mel argenteacutee par la 11Inl toute 10nshy
de qui moulait dans le zenith lcalalllt el maistnenshysv Ieclosion de 11I111I egravelr e stnrichissilil eacutemelveifleacutee de leacuteclosion paleille fie celui que jaime
l ------shy
~-t f~t
~~~~~~~ ~ ~ ~J~
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL106
- Reacutepondez-moi Michegravele leprit-il avec une allenshy
te freacutemissante
MOIl visage heureux seacutetait appuyeacute sm sa large eacutepaule et je ne pus lui dire quune phrase mais je
la lui dis du fond de lacircme - Je vous appar liens toute en liegravere
Un eclair de bonheur parlurna son regard et dans un eacutelan subit il se mil debout devant moi puis il
se pencha doucement et mc baisa sur le Ironl
Et nous nous regardagravernes sans plononcer une parole Ce fut Jean-Reneacute lui rompit le silence A voix basshy
se presque timidement il me dit laquo Ma cheacuterie je
taime Jt El moi comme un eacutecho jai reacutepondu laquo Je
taimbull raquo
A ce moment la nuit triomphait
La lune au dessus des flots laissait tomber une
gnmde lueur qui faisait SlI la mel une infiniteacute
leacutetoiles se balanccedilant agrave lhorizon multiples Itlellugraveshytres dans un sentier (largent tout caresseacute deacutecume
_ Comme celte Duit esl grande murmura Jean-Reneacute
comme celle nuit est belle et glolIcirceuse
Et YOUS ma cheacuterie vous ecirctes plus feacuteerique que jashy
mais sous ce ciel fleuri deacutetoiles ct dans vos yeux
bleus si infinis je vois encore un ciel aussi profond
a1l8si pur aussi radieux que lautre _ Jean-Reneacute lean-Reneacute 1
Et en lappelanl ainsi toul mon ecirctre seacutelanccedilait vers
lui Lorsque nous avons rejoint nos hocirctes il ma quitteacute
le bras et nous 1I0tlS sommes dun commun accord
tacite lIU peu daigneacutes lun de lautre
= LA CO~QUFTR ilE rmRA L 107
Ceci le fit sourire de son sourire si jeune cl charshymant SOIIS la graviteacute habituelle de sa physionomie
- Oh 1 une eacutetoile filante criait le petit Guy
Une graade fuseacutee de joie venait eu effet de sillonner
le ciel du nord au sud apportant un eacutellange mouveshyment dans lapparente immobiliteacute de lordre ceacuteleste
Et Jean-Rene (fui avait rejoint Mme Torguegraves lui pli shy
lait des mondes stellaires
- Le livre des Etoiles disait-il La lahle des grands
secrets La route hieacuteroglyphique imuuuhle qui pour
ceux qui savent en deacutechiffrer les figures mouvantes
ouvre l-s portes Ile la connaissance les arcanes de lharmonie
20 J uillet
Chaque heure tailleacutee dnns notre bonheur 1I0US (nshy
traicircne plus avant vers la communion infinie de lamour
et de la pensee el notre tendresse augmente irreacutesisshytihle comme le flux puissant avance agrave la mareacutee monshy
tante sans que rien ne puisse le retarder
Assis sur le vieux dulmen aupregraves de la source qui
chante nous avons hier passeacute un momen t exquis cashy
cheacutes par le rideau des feuilles tremhlautes du saule ishysoleacutes de tous isoleacutes (UII dans lautre
Nons~eacutetions tregraves eacutemus de ce tegravete- agrave-tegravete facile et charshymanl A voix basse Jean- Heneacute prononccedila - Maintenant donnez-moi votre regard longuement
Nos yeux se conlondiu-ut el 1111 charme Iascinateur- intensement fluidique 1I0US unit llin agrave lliure
- Comme notre agravellle rayonne dis-je doucement
~~
108 LA
Alors lui se pencha et nos legravevres se sont unies
Avant de quitter notre retraite Jean-Reneacute cueillit brin de genecirct dal pousseacute seul parmi les nissantes des vieux saules
- Mon Elue ma Fianceacutee dit-il Irant la fleur embaumeacutee
Et comme serreacutee dans ses sur sa luge eacutepaule il con tinua avec
- Vous me permettez de vous
- jen suis tregraves fiegravere et jen suis reacutepondu
- Une vieille leacutegende galloise negravet parle bonheur aux fianceacutes agrave cause
de soleil couleur de lessence et de la vie et agrave cause aussi de son parfum doranger fleur de la marieacutee Nc que ce porte-bosheur soit venu
gage de promesse agrave cette heure divine fianccedilons
Sa voix eacutemouvante faisait trembler
- Vous ecirctes lideacuteal de mon ideacuteal ecirctes la vic de ma vie vous ecirctes mon Tout et je suis li toi ajoutai-je en serrant tegravete cheacuterie en tre mes mains je suis agrave jours eacuteternellemen t sans
- Oui reacutepeacuteta mon ami tu as nous sommes lun agrave lautre depuis jours eacuteternellemen l sa us limites
109
J ~~J ~pri-1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
--
Notre amour est noble et grandiose et profond Qui peut dire quand ila commenceacute
Alors allant vers le Bois des Lys nous regardacircmes ail loin le ciel breton pacircle et deacutelient le jardin en fleurs il lentreacutee du bois qui semblait 1Ir deacutecor de recircve sous les vapeurs mauves et lOses du prochain creacutepuscule
Puis nous nous regarducircmes longtemps jusquau fond de lacircme Et nous nous sommes embrasseacutes silencieushysement comme poII sceller notre promesse nos fianshyccedilailles notre han hem dans un silence lcm pli dUne eloquence vibrante et dun eacutechange eacutemu et sacreacute
Lui sembla descendre et se recueillir dans les proshyfondeurs de son egravetre el comme sil revenait de quelshyque contreacutee lointaine lentement gravement il ma dit
- Savez -vous Michegravele pourquoi nous avons eacuteteacute
attires avec tant de forccet de certitude vers le lieu
de notre rencontre Saveuroz-VOUS pourquoi degraves le plC-middot mier jour tout cc que nous sommes sest combineacute illumineacute magnifieacute lun dans lautre savez-vous pOlllshyquoi notre premier regard a eacuteteacute extasieacute pourquoi no tre premier contact a eacuteteacute comme un repos POlIlqIlO degraves 10 rs notre penseacutee na plus cesseacute de nous unir ct pourquoi des mondes se sont eacuteveilleacutes en nous comme des musiques de lumiegravere ct savez-vans pourquoi vous
mavez vous vu dans un de vos recircves en 1111 soir ougrave votre lime parlait
Cest Michegravele que Ics helles leacutegendes sont vraies que tout senchaicircne et recommence que dc tels que nous sont venus et revenus deacutejagrave sur celle terre cest
-
CONQUEcircTE DE LTDRAT
passionneacutement eumlperdumen t
un branches beacuteshy
lentemeat en mofshy
bras jappuyais ma tecircte douceur
appeler ainsi
si heureuse ai-je
raconte que le ge de sa couleur
la germination de pareil agrave la fleur
pensez-vous pas fleurir ici comme un
01 nous nous
mon agraveme
Jean-Reneacute vous en fout
agrave mon tour sa toi pour toushy
limites bull agrave jamais
raison ma Michegravele toujours et il Loushy
pou l jaurais
--l
-
1 ------
LA CONQUEgraveTE DE LIDEacuteAL110
lue nous nous sommes reconnus parce que nous nous
sommes retrouveacutes
Viens ma Bien-Aimeacutee ma Toute-Belle ma TouteshyRadieuse viens te souvenir
Viens revivre les anciens bonheurs plus somptueux
plus mCICill~ux llus magnifiques parce que toute lexplirience et toute la science et toute la joie de nos arnes seacuteculaires S~ cnndcnscnl maintenant pour reacutealiser toujours pllIS toujours mieux uulre ideacuteal notre ideacutee
notre dualiteacute
_ Oui llpoudis-je comme eacuteveilleacutee par ces paroles
en des temps anliqlles je sens tout cela depuis toushy
jours Mais ce que mes recircveries apportaient en moi agrave
certaines heures intenses de splendides contempl bullbull tions
ceHe sorte dextase certaine en laquelle rien naurait pu enlever ma foi eacutechappait padois fugitive il ma
penseacutee consciente et maintenant je sais quavec VOliS
je trouverai les chemins qui reacutevegravelent qui affirment la reacutealiteacute des veacuteriteacutes que connaicirct nol1p ecirctre inconshy
scient el dont nuhe esprit nentrevoit trop souvent que
de Iaihles lueurs je sais quavec VOliS je trouverai les chemins mysteacuterieu x qui peacutenegravetrcn t un pell da ns cel te
complexiteacute eacutetonnante et occulte quest la vie
Dans la vision radieuse ougrave je vous ai reconnu pour la premiegravele fois Jenn-Rcneacute VOliS avez deacutejagrave fait vibrer (1) mon cœur les libres du souvenir et celles du travail
magnifique actuel et celles dun g(and espoir
Vous mavez appeleacutee il vous comme vous venez de le faire encore et vous mavez deacutejagrave padeacute des belles choses quIl y a de pal le monde agrave accornplir ensem ble des recircves agrave reacutealiser des reacutecoltes agrave moissonner
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL III
des conquecirctes agrave poursuivre des espoirs agrave faire renaicircshytre des victoires agrave remporter des destins agrave magnifier
Et votre voix inoubliable a reacuteveilleacute en moi tout IIn passeacute lointain endormi dans mon egravelre
- Ma bien-aimeacutee leprit-il avec une eacutemotion heureuse je veux vous dire aujourdhui qlle moi aussi avant dnvoir le bonheur de vous rencontrer ici je VOliS ai vile souvent je vous ai padeacute souvent et qlle degraves
mon premier reg-ard en vous approchant SUI la plac creacutepusculaire devant ce coucher de soleil feacuteerique jai reconnu celle que jairnc Celle (lue jai toujours aimeacutee
Degraves ce sail lagrave jaurais voulu pOSC1 mes legravevres sur vos cheveux el vous dire simplement
- Tu es il moi comme je suis agrave toi te souviensshytu comme je me souviens
le VOliS avais d(~jagrave si souvent admireacutee et peacuteneacutetreacutee et comprise
Et depuis des mois jP vous cherchais tellement
Si souvent je vous ai vue toute semblable agrave ce que vous ecirctes en ce moment avec vos g~ands yeux hleus
pensifs pareils agrave limmensiteacute avec vos cheveux (101
releveacutes sur la nuque avec vos mains fines et votre bouche joyeuse
Si souvent je vous ai contempleacutee je vous ai admireacutee assise SUI un large sopha chargeacute degt coussins eacutepais dans une chambre toute rose dune eacuterugravece 1111 peu olishyentale avec son lit mauresque tregraves bas ses vases lII
terre ses crucheltes ct son brucircle-parfum de cuivre cishyseleacute ses etoffes roses et 01 de soie algerienne ses kashykeacutemonos japonais et tout le confort de ses grands
Il
tAJi ~ --~ ~4 J-t 14 1 t l 1 f J J 1 1 1 il iuml==f F1 -1 1
LA CONQUFTR DR LInRAL112
Iaulcuils de son vaste hurcau de ses souples tapis de
sa haule lampe iudicnue el toute latmosphegravere chaude
ct Illll( dIlne piegravece ougrave hm aime il vivre il penser
il 1((1
Ma surprislaquo S(illllI(illaii plo~I(s~iv(mclit c(lle
de~eliplioll si plOllllallllllplil (adc el lIillarlllable de ma
chamhre de jeune tille
Il lul sur mon yisa3c ccl (mcrveillemenl et continua
en som-innI
-le lit suis pas lili SOITi(I ma cheacuterie El je ne
lais pas de mirerles Quand YOllS aurez lin pell lravailleacute
avec moi la science psychiille tladitiollnelle VUliS
comprendrez 1legraves litt~ilcmell lcpliealion de cc qui peu maintenant YOliS palailrc mvslcrivux el qui vous
parait ainsi un iqucuu-ul pa rrc qll( VOliS i~nollz eucnshy
n les raisons sciculiflqucs les ra uscs dies tfrels nashy
turels de pheacutenomegravenes semhlahles
LOISqllOIl peul etudier (I)lIlplelldll~ analyser ex 1)shy
ruucn lrr lIplod IIi 11 il volon l lII un mot lursqunn
arrivlaquo il (xpliqll(1 scieilliliqlltnltill CP qui (si appeshy
leacute le laquo Slllll3tlllcl raquo 011 sil)tr~oil IllIe rien ues surgt
naturel (lIe le muaclaquo tI 1( hasard nexistent pas el
(l(~ la nature contenunt tout rieu ne peut eacutetre en
delierraquo delle _ Al()s dites-moi queslionunije l regraves interessee 101sshy
11t~ vous dl~s venu il l(I-~ollhd saviez-volis aussi qlle jy (Iais my aviez-vous vue
lai senti qll( je devais vr-nir ici cl(Z 1lnll 101shy
gllis POlU une raison plofonde mais je neacutet ais pas
assez conscient pOlll me lClIdle comple de cc qlle poushyvail rtre ceUe ltiSOll Cependalll c~lle inluition elait
LA CONQUEcircTR DR rIDRAL 113
si intense 1IH cIsi pour lui oheacute i r qll( jil quitte cel
eacutel ma III e a(~e lalIIII il passe lamilialrment cihllhillld~ lous les ans rr(s vacances
rou~ ne pouviez dOliC pas Ille voir il distance dans llI-)ldl(~1 couuu e OIlS mavez VIII dans ma cha rulm- il la ris
- i01l 011 du moins bcall(ollfl plus dilricilernenl
Cc qui Ia il Ille je VOliS i si souvent r(lald dans voshyIll jolie chambre lost c(sl qlle cet te piegraveclaquo est toute
spccialemen l (IIi(r dt vos fllOfllts forces cl qlle
celte au risn lio n lsi (OIllIU( Ill ldlt~cf(lIr Ill phare
une aid( pour Il seusil it IllIi chere ho ~ oil il distance
lnunsatton c(1 la mdiegraverr nerveuse matiJc plus
rilleacutefieacutee JIH la mlIiiI( plnsilllc qui ltlcllilppanl de
IlnlIS impregravegne lallllOsplllll d(lrllI( 11
Iormunt 1I11e amhinuce 11I11IillllS( plus 01
rahle visihle pour le vovaut cIsl-il-dilI
qui pl~1l1 voir dans ce dtgl~ plus rmfil (le Je dis alors
dl 101(es
moins dushy
pour celui
la matiegravere
Chaque 111 lII rt lsi 1111 vruan a leur lit forshylls
Plus 011 moins puissant rpolldil-iI plus 011 moins
deacuteveloppeacute Nous a vons lous (11110111 dl 1I01lS 1111 eutoushy
rage lin en velnppeman] fluidiqll( d ces fOlrts Ille
nous eacutemanons ((st re qui cuu s li lue Iuurn La coushy
leur la forme les eaparilts de laurn S01l1 multiples
ri immense est ItIldlll dlt (~(~llt~ slilrH des auras si lIeacuteg-lieacute~ si ill(~olllei uo lre liPOIIl
-- Que je str1i bCIlIrll~(~ qlland VOliS (10I1IItZ 1111(1shyprenlre tous crs mOllths d(ludlS pl de ~ilgISSr meacuteshyeriai-je
-------~----------------~
114 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
~
Puis je lai lluestionn( encore
_ AIOI~ lorsque d ans tonte la Bible on peut seacutetonshyner de voir ces hommes de Inie les palriarches les
pl()phi~le~ choisir en 111I moment la comparll~ de
leur vie nest-ce pas justement luce que rwchiqlleshyment ils se reconnaissaient lun lautre immeacutediatement
eacutetant assez lvol lieacutes usez conscients POIII agir ainsi
_ La Bibl comme les Veacutedas comme lAvesta comshy
me tant daulres livres sacreacutes renfr-rm des prolonshy
deurs sublimes malgreacute les traduefions insatisfaisantes
malgll hien des passa~es mutileacutes prrlills ou translorshy
meacutes et votre penseacutee est juste ma r-herre
_ Je suis si heureuse ai-je poursuivi clIe VOliS
connaissiez ma chambre car je ne sais pourquoi p~r une sode de pudeur jl nai iamais voulu y laisser enshytrer que de lregraves rares amies Elle est bien mon cadre
le plus intime et il me semble que de lavoir ainsi
peacuteneacutetreacutee cest un peu plus rie moi -mecircme qne vous
avez pris JI
laquo Il Y il plus de secrets dans le ciel et sur III terre Horashy
tio quils nen ont trouveacutesdllnl toutes leurs philosophies JI
dans laLI soir je suis entreacutee comme dhabitude honnechambre de ~rand pegravere rOll lui souhatter une lui etnuit En membrassant il me releva la tecircte vers
me regarda jUSCJUllll fond des YfIlX_
Je le sentais vibrant et tregraves lmil _ Sais-tu 10011 entant dit-il simplemlnt drpuis comshy
bien de jours lu connais M Formant
J - J J LA CONQUEcircTH DE LIDEacuteAL 115
1 l lOU gis palce lJ ue jaurais vou111 pouvoir garder plus longtemps pour moi seule notre grand secret
- Tn ne veux doue plus me consideacuterer comme ton vieil ami reprit-il
- (rand-pegravere cheacuteri meacutecriai-je lu sais bien que tu
seras le premier agrave qui je parlerai de mon bonheur Mais pourquoi me Ir demander si icircle
- Comprends ma petite fille qlle je ne deacutesire aushy
cnne confldence de Cl que lu veux ~-arder comme lin
treacutesor cacheacute tout ail fond de ton cœur Seulement ne
suis-]e pas lagrave encore et respnnsable de la jeune exisshytence nest-ce point faire mon devoir qlle de guider
les pas
- Til as raison ai-je murmureacute alors et si ton affecshy
tion pOli l la petite Michegravele ta fait deviner la veacutelIcirc leacute
pourquoi le la cacherais je J Et puis je suis heureuse ~rand pegravere je suis deacuteshy
licieusernent heureuse de pouvoir enfin te parler de
Lui
Ah tu me demandes depuis combien de jours je le conaais
Grand pegravere gland pegravere jl ne puis le dire je nen
sais plus rien mais c( qlll je sais ce que tout mun ecirctre eacutepanoui alliumlrllH PI proclame av(r alleacutenssl cest qlll deshypuis crs quelques jours jai veacutecu rlt-s mondes cest quenshy
tin jc Ill suis nl(~ qlll depuis nohc rcnconlre je Ile vis
je ne sens jl lit comprends jl nexiste que depuis quII est ici
Voilagrave coulinua ~rand pegravere soucieux ce que je pensais Mais je Ile croyais pas que tu le serais ainshy
~If f =1 If If H H H ~ H ~ -1 ~ ~~t
LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL -1116
li laisseacutee aller si vite comme une enfant
Je linterrompis
- Que dis-tll Comment toi tu ne l)[lImiddottag~s pas
ma joie
Sa voix tremblait lin peu lorsquil rem-it
- ~Ia Michegravelc mon treacutesor Pour Ion bonheur je donshy
nerais volontiers tout cc qlle je suis et jespegravere avec
une force dont on pourrnit lmire un vieux cœur cornshyme le mien incapable qlle lu as trouveacute le bonheur de ta vie Ton avenir mais ma cheacuterie ton avenir cest
ma penseacutee cest Illon espoir cest aussi mon lourment Si lu me vois troubleacute il un moment OlJ tu tattends de
ma part il une joie deacutebordante cest que je crains enshy
core que trop tocirct tu aies loi en lin espoir qui mest
cher mais qlle jaurais voulu llus certain avant quil
ne grandisse ainsi en toi
Jai si pelll lOUI ma Michegravele (ie la moindre souffranshy
ce de la molndre deacutesillusion Rent Formant me Tait
leffet je le lavoue dlin ecirctre exceptionnel par le cœur
comme par lintelligence el jai pour lui une immense
sympathie
Comment apregraves ces mots ne las linterrompre
-- Laisse moi tembrasser tregraves 1011 grand pegravere pour
cette parole
- Mais cheumlrie tu comprendrus facilement que jai
mille renseignements agrave prendre sur co jeune homme
sur sa famille SUI sa vie sur sa situation el quil seshy
rail peu sage a toi de lui faire aucuue promesse avant
de connaicirctre davantage les pnssibiliteacutes dlin projet vous
concernant tous deux
LA cONQuin DE LlDEacuteAL 1I7
Celte ideacutee de laquo prendre des renseignelllents J) sur JeanmiddotReneacute me fit eclater de rire
Cependllnl une lnruu deacutelllOtion (pli roulait sur la belle harhe blanche 11I( lendil aussiugravel moumiddotseacuteieux
- Ne spis pas inquiet mon cher grand pegravere ta petite Michegravele est sIcircrre duvoir trouveacute son bonheur et elle est
tranquille deacutesormais dans un chemin si noblement beau
ii eacutetincelant de lumiegraveres pures et diamantines (IUC
rien de deacutecevant ou damer ne pourra ly surprendre
Ali conlraire je monterai maintenanl de beauleacute en beauteacute velslIdeacuteal qui ne le voilera plus
- Je veux que lu dises vrai reprit-il glavemenl Seulement je dois le rappeleraquo que la vie est seacuterieuse
que tu es tregraves jeune et que si rnalgeacute tes dix-huit ans
je te laisse aussi libre dans tes allures aussi lespollsahfe
de ton deslin cest laquoIle je llois profondeacutement en le
jug~me[Jl saie el sain de ton Ame et de ton inlelljtncf~
~e me donne donc pas de regrets pas de l(morlls
plus tard de tavoir eacutelevtie pal celte meacutethole que jai
ClU bonne en te preacuteparant tregraves lot il la lihelleacute cons shycienle eu te formant tregraves tocirct un cœur Je femme
Leacutemolion du bon visage hienveilJalll milvait gaglHt~
- Oh oui je sais tout ce laquone je te dois glalll pegravere cheacuteri et ma lecoullilissallce aUeudrit veul pour Il~ lCshy
mercier de Iaut de vrnio tendresse devenir 10UjOUlS plus
digne de la confiance rare si encourageante si preacutecishyeuse que lu as mise en moi
~ ~ ~ ~ ~)
LA CONQuecircTE DR LtDeacute~L ll~118 LA COllQUEcircTIl DR LIDEAL
- Ne me tais pas plus de mal Oh pourquoi es-tu venue ici cet eacuteteacute r Pourquoi esmiddot tu venue
21 Juillet
Jai provoqueacute ce matin la conversation tlue je senshyJe lentraicircnai sur Il canapeacute oit je lattirni Ioule PlOshylais neacutecessaire entre Edrnee et moi
che _ Laisse moi Michegravelt seacutecria -l-elle brnsluemenl sishy
tocirct tlue jentrai dans sa chambre CIl se levant du fall shy -- Til as tort de regret ter ma preacutesence cheacuterie Qui teuil ougrave elle eacutetait assise laisse-moi Jai besoin decirctre peut dire que si je neacutetais pas 11 J~all-Itcllt~ et moi Ile
nous serions pas rencontreacutes un jour et que plus dt soulshyseule 1 Irances encore auraient pu samonceler CI~ SOllt les _ Non reacutepondis-je en la serrant dans mes bras non atfiniteacutes qui (ont les attractions el lorsque deux destins je ne te laisserai pas Je sais ton chagrin je pleure tendenllun vers lautre tout leur est lin chemin pOUlde tes larmes el jai le droit de venir pregraves de toi te se retrouverconsoler tentourer te bercer dans ma tendresse Ne
suis-je donc plus ton amie - Non Michegravele interrompit Edmeacutee je Ile crois pas
-Tu as pu remarquer pourtant Michegravele reprit-elle cela Avant de te connaicirctre il eacutetnit heureux deacutejagrave de nous
avec amerlume que je vous laisse suffisamment lun agrave venir voir agrave Kel-NouH el ce Il~tail pas pour loi puisshyquil tignoraitlauhe lean-Heneacute et toi sous diffeacuterents preacutetextes que
mon cœur sait bien trouver Et maintenant jai beshy Mais t es passeacutee aupregraves de nous el la beauteacute la eacuteshy
soin de me recueillir et toi lu naurais pas de pitieacute Bloui f tu es passeacutee aupregraves de moi illI moment ougrave poushy
_ Oui rai va la tendre bailleacute mais jai VII 1Iussi que
vait naicirctre mon honhem- et jaul ais dugrave It~ preacutevoir cl
lorsque je vieas agrave toi d que lu me repousses avec un cela nest pas -je la [aute el jf l( len veux pas llIais
ail larouche lu ten us plm loin toute seule pleurer la ton eacutehlouissanlaquo jCllntssc a lail pagravelir il Ctlll dt loi la
pacircle Edmeacutel el luij] na plus apcrccedilu qUl le illag-e ciesolitude lumiegravere el de Icerio Ille tu laisses pal dellitIe toi
Laisse moi meacutelanger Illon atteclion qui comprend agrave ta Mainlenant mou co-ur lt 1111 momie iumlermc la Ileur
douleur cluelle po11 qulaquo jose encore croire que notrl de mon arne est lIeacutetlie
amitieacute si pure si fidegravele ne seffeuillera pas bientocirct cornshyDe grosses larmes roulaient des eux candides desme une lose faneacutee
puvts vellx qlle jelllhlassltlis Elit palIilil Ugrave voix IrugravesChegravere petite Edmeacutee deacutechireacutee et souffruute je veux basse el llit ajouta SIII 11 1011 dur d agraveJlll lII rhtlTlliInt
te laire du hien je peux le taire du bien ne me reponsshy agrave se deacuterober se pas je teD prie 1raquo
- Je tassure laisse moi le taime lu le sai d jeElle alors toute taihle et leacutegegravere fiappuya sur mon taimerai toujours tHais je lit peux pas te pmler en
eacutepaule ct uuglota doucement 1
IRRR R R R R R~ 120 LA CONQUEcircTE DB t1DEacuteU
ce moment Laisse moi Je veux ecirctre seule Si tu as pour moi quelque pitieacute Ile me parle plus 1
- Au contraire parlons Lit parole peut ecirctre un baushyme elle peut elle doit nd ra icircchir nparer reacuteunir oushyvrir les portes closes
Laisse entre nousIa parole laire de la lumiegravere ne descends pas dans la douleur farouchement instinctive comme dans une prison teacuteneacutebreuse
Cest dans lIntelligence ltlue nous devons vivre Comshyprendre cest triompher et SOli venl la souffrance serail moins amegravere si nous ne voulions pa~ laisser notre desshytin ecirctre an ecircte egravetre tenue par elle Aussi je ne te quitshy
terai pas Il faut que tu voies les choses telles quelles sont non agrave travers le brouillard illusoire de linexpeacuterishy
ence et du desir
Ecoute ma cheacuterie tu dis ltlue Jean-Reneacute eacutetait heushyreux avant de me connaicirctre de venir le retrouver mais pensesmiddot tu que souvent el souvent deacutejagrave son agraveme de poegraveshyte a dIIcirc seacutemerveiller ltles rencontres virginales qui ont
traverseacute Son chemin 1
Crots tu quad miration eacutechange affiniteacute tranquille
est comparable agrave linteacutegral amour
Il est venu vers toi mais pour combien de temps
Ah 1 la vie est plus complexe plus plastique plus oceacuteshyanienne (lue IIOS Iaihles eœurs 11 serait si beau desshy sayer chaque jour de nous rendre plus vasles et plus vasles encore pur ecirctre moins indignes dlaquo ses doas (
1 somptueux 1 1
La douleur dont tu souffres mon amie Ile sera pas 1
si tu le veux la tristesse lourde qui eacutepuise qui aneacuteshy bull
f- ~~ ~ ~ ~ ~ LA CONQuecircTB DR UgraveD~U li1
antit mais la douleur leacutegegravere qui sans deacutechiremeat sans rupture par II seule transformation de neas mecircshy
mes agrandit tout el preacutepare dei bonheurs futurs
Aucune ucircpreteacute nest en elle puisquelle nest uniqueshyment formeacutee (lue de notre reacutesistance injuste au bien reacuteneacuteral el que dans ce bien DOUS devoas ecirctre compris
Non Edmeacutee IID peu plus deacuteclat lin pen plus de 101shyce un p~u plus de recircve ce nest pas cela qui peut deacute sunir les agravemes unies cal chaque ecirctre a sa direction el tend vers un ecirctre Cest lont UD ensemble de qualiteacutes qui sont attendues et neacutecessaires pour le repos et lIl
lumination du destin et comment deux nalures disshysemblables pourraient-elles sa tistaire le mecircme problegraveme
Edmeacutee si tu eacutetais conscien te si tu savais choisir tu ne laurais pa~ choisi r puisquil est mien PI j suis agrave lui puisque nous eveillons lun OIIlS lautre de hauteur eD hauteur lindicible flamme du sanctuaire puisque 110US sommes un monde nouveau et UR monde ancien un monde eacuteternel
Acirc moins que - mais il faut pour cela aussi un cœur
qui sache souffrir pour la plus haute ideacutee un cœur qui sache trouver la joie dans limmeasiteacute de SIl propre reacuteso-shylution dans le deacutevouement dans lacceptation des deshygreacutes naturels qui nieacuternrchisent toutes choses - agrave moins que tu DC sois de celles dont la 100ce est daimer et qui se donnent salis rien attendre salis rien espeacuterer
Cettegrave femme Iii est heureuse de voir le bonheur de celui quelle aime sans en ecirctre le centre elle se reacuteshyjouit de participer agrave sa vie lans en ecirctre leacutetoile elle st satisfaite de recevoir sa penseacutee et no son amour elle
~ ~ ra r-
122 LA CONQUiTE DE rrn~AL
sait que sur la terre entiegravere il ny a pas lin homme si ce aest lui
El plutocirc qlle Je cherche il amoindrir son ideacuteal elle preacutefegravere renoncer aux banales salisfuctious dune union
saas rayons el slins aureacuteole Elle LII vu de loin elle La compris non pas avec ses possibiliteacutes actuelles el capables dl lui reacutepondre mais avec ses possibiliteacutes fushytures et la vision confuse de la splendeur heacuteroiumlque quII
est en tics sphegraveres encore inaccessibles
Edmeacutee minterrompit et seacutecria
- Tu parles de sur humains 1 Quelle vie que celle
dune Iemme qui contemplerait tous les jours son bonshy
heur perdu Quoi nne femme donnerait toul et sn eacutechange elle ne recevrait quune pari de lecirctre quelle
aime et quelle pa rt
Jai reacutepondu encore mais je savais bien celle fois que cela eacutetait inutile
- Pourquoi toujours j ugel (la pregraves un princi pc faux
parce quabsolu leacutechelle infinie des ldations et des correacutelation
Pourquoi exiger coarne un droit pour ce vide que couvrent leacuteg-oiumlsme et Iorgueil ce que peut-ecirctre la uashy
turc la reacutealiteacute la vie ne peut nous accorder comme
un fait t
Mais ce n f~sl pa pOlll loi cheacuterie (lue jai deacutevelopshy
peacute celle alternative el III me connais assez pOUl savoir que le seul souci de ne pas truhir lideacutee ma euh-aicircneacutee
jusque lagrave
POlir toi je le sais je le sens Inn destin nest pas fermeacute tu nes pas faite pOUl egravetre une renonciatrice
~ bull ~ --- ~~~-- - ~r~~
LA CONQUEcircTE DE LIDRAL 1~3
damour el dans ce moment mecircme je vois au loin quelquun dont tu saurais bercer les enthousiasmes fiegraveshyvreux dont ln saurais apaiser les soifs ardentes el que laltractinn (fui mesure laffiniteacute amegravenera sans doushyte tocirct ou ta ld au devant de tes recircves reacuteveilleacutes
22 J uillet 1
Jean-Reneacute heureux et grav ma donneacute tout 1 lheure cette lettre quil venait de reeevoir
laquo Hon Fregravere
Quoiqne VOlIS ne nous layez pas eacutecrit nous savons combien votre yoyage au h0111 de lOceacutean vous apporte comme le vent du large un flol dexpansion et r1~ )i~
sur la route du bonheur
Nous avons beaucoup daffiniteacute pour la pure aUrl blanche que nous sentientons pregraves de vous et qui vous donne le repos
Soyez deacutechargeacute en Cl moment de lous les soucis et
le responsabiliteacutes de votre rocircle qui sera rempli sous notre direction par vos aides habituels afin que vous preniez dans ces moments radieux de la Reucoutre tout
ce que vous ecirctes capable dy prendre en force et en joie afin quaussi VOliS puissiez donner bull celle (lui
desormais attend tout de YOUS linteacutegraliteacute dont elle a faim et soif lOUI leacutepanouissement de son ecirctre Jean-Reneacute Vous aimant comme je vous aime nul plus que moi ne se reacutejouit de limmense joie de votre cœur 1
Je vous embrasse Fregravere et no Maitre rous ento
t Jr- J1- J=t J=-=-i J==f R J==-f J~ ~ 1 R r-1 ri ri rl rl 1U LA CONQURTE DE LIDEacuteAL
rent Reneacute J)
Intriguee el eacutemue je relus plusieurs fois ces Iilnes
Jean-Reneacute alors me dit qnil y il une demeure pour lui
sacreacutee 11I1 fOY(~I II( paix de lumiegravere el damour qui dans le chaos parisien est un refuge pour la penseacutee un abri pour le cœur cl lagraveme
- Dans celle maison ajouta-l-il jai compns ce que
pourrait ecircfre la vil dans sa reelle beauteacute Jy ai beaushy
coup appris je veacuteliegravere ses hocirctes el jai la joie dy ecirctr e
aimeacute
Son nom lOuslaquo indique ce quelle est pour ceux
qui se sentent isoleacutes dans le deacutesert du monde pal leur
penseacutee mecircme Mes maicirctres y hahitcnl d ils vivent lagrave
comme en un large phalanstegravere il plusieurs qui font
lŒuvre Cosmique ensemble La solide fraterniteacute de leur communion inteacuterieure les aide il aplanir les dilflculles
les obstacles il supporIer les iucmnpreacutehensous les
deacutecevanees parfois ruegraveme les trahisons dl~ Inules sodes
La je voudrais vous conduire Michegravele avant que
vous soyez ma lemme
La ie vous lrai coanaitre le pegravere de mon inlegravelishygence Sarama lun de mes maicirctres Lit vous applenshy
drez agrave cOlllplendJ(~ cl il admirer mes deux chers et
grands amis Relieacute qui meacutecrit comme ils ont senti el
vu psychiquune~ll la beauteacute de notre reneoulre el sa
deacutelicieuse compaglle Stella qui deviendra bientocirct votre plus reacuteelle amitieacute feacuteminine et dunt la belle eacutevolution aidera la vocirctre
Je plisse lIl general chaque j01l1 dl longues heures agrave lOasis Jy travaille de lout Illon egravetre pour notre Cause
LA CONQEcircTE DE LIDEacuteAL 125
Je vais reacutepondre toul dl suite il Reneacute ltIne desormais
nos forces rluelles seront il t~UX pOUl les aider dans leur
lourd [lacircche nest-ce pas Michegravellaquo et combien [eur
lettre qui a devanceacute celle que je voulais lem ecrire el
(flli nous montre i ltflJ( 1 point ils nous devinent nous connaissent el nous prolegravezlnl 1I0US t~sl infinimr-n t douce il lous deux r
bull Ali milieu du monde ougrave ils 0111 choisi dl rester afin(
dy travailler ils sont lit hors du monde Ils ne touchent le monde quc p01l1 le Iormrr le classilil~I leacutevoluer
i le transformer Ils Ile S01l1 las touches pill lui el eushy1 sent son contact Cc qui VOliS eacutetonnera peul-ecirctre Iicbegraveshy
le ils ne participent pas aux joies de lad actuel dans
lequel vous lrouvez encore d( si hauts moments parce
que cet al est pOUl eux diminueacute el sali pal les reflets
du deacutesordre qllil l(~oil el incorpore comme sil les
acceptait La Haie 5pililllillitp lsi leur loi leur vie il
toutes heures (II est baieneacutee d lII eacutemane Ce sont des
JJJis-i-I selon 11111 vjpillt pillOf pOUl la seule chose neacutecessaire la lransfnrmation (le lhomme pt de lecirctre
23 Juillet
Grand pegravere a leccedilu de mvsterieuses lettres de Paris
qui lont eacutepanoui le dpvilll lexcellence (les lallltux
laquo lenseignements) quelles contenaien t
1 ma regardeacute longuement doucement apregraves leur
lecture el nous eacutetions heureux de 1I0US sentir vibrer
lous deux agrave lunisson dlin espoir magnifique qui est
laube merveilleuse dl ilia jeunesse ardente le soleil couchant de ses vieilles anneacutees
~---~~
LA=t J=i J=t J-t J--f J~ Jiiumlif ~
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL126
A preacutesent il nous considere un peu comme fianceacutes
Hier Jean-Bene proposa pOIlf dcma in il ~lildame
TOI~lIegraves une proruenadc 1~1I bateau 111Ielll~ declin a cr aishy
~nallt de lrop IIIa1 sn pporter la mer
- Quel lomm are Madalll( insi1lIailmiddotjljai 10111 une
si jolie hal1lle il vnilrlaquo e l jalllais laul illll VOliS COli
duire tous il lH(~ IItS Hluvi~Ies
Edmeacutee relnsa eacutegalmcnl ~ran(l-pegravet Il a las non
plIS k pied marin el ce 1111 11Ii qui salis heacutesiter dit en
souriaul aV(C malice dl~ son bon sourire heureux
_ Eh bien MOllsillIr Formant emmenez Michegravele avec
VOU Je suis sugraver qlll~ son acircme av(nlllrluc SI lI~jollmiddot
la beaucoup dl conllaillI le charmant ilot d de voshy
~uer une heure sur les flots bleus
25 Juillet
EIIP fllt exquise cette iollllleacutee dhil~r elle (Ill rna~iue
et plciue de 1egraveve celte premiegravere liberteacute il deux cette
promenade rvthmeacutee par le baluuccment eacuteterne] des vashy
~lIes il la surface dlin infini ehanzean l
NOliS nous eacutetions assis sur la mecircme banque Ile tourshy
nant le dos ail marin hacircleacute qui tendait de temps en temps
la voile et qui ne nous gegravenait pas heuucnu] plus tllW les
cheveliues vertes 011 bleues des alg-ues IIollarlles parmi
lopale nuanceacutee des flots calmes et profonds
Oh douceur de lheure charme intense de la vnix
ltlimeacutee chantant les paroles de vic oh rkht1IsI~ des choses neuves inconnues insnu pccedilon neacutees queacuteveille en mon ecirctre eacutebloui le moindre gestl la moindre inflexion
le moindre eacutelan de Illon fianceacute
~ -1 ~~ ~ ~ ~ ~ ~
LA CONQUEcircTE DB LmftAL 127
Heure inoubliable
La granlll ilill blanche du bateau gonlleacutecplI lin zeacuteshyphyl tregraves chaud parlIlUeacute de senteurs marines 1111 Il S
eulruina silt~rHillIsl~ment jIlS(IUagrave la petic ill solitaire
pilreacute~ de gemmes dO et dr gemmes rosex les ~enegravels el les hruyegraveres
Puis tandis qlle I~ marin jet ait lancre cl seacutetendait
SIII la goregraveve nous somm(s partis ugrave la deacutecouverte ivres
de vent el despilcl seucircls deacutelicieusement seuls il h-avers III lande perdue dans lnceacutean
NOliS nous sommes arregraveleacutes agrave lornhre dun eacuteglantier
en fleurs Jcnn-Beae Cil cassa plusieurs hrauches pour
men laire lin gros bouquet blanc Il eacutetait joyeux comme
un entant davoir trouveacute ltlaAs licircle cette gelhe de fianccedilailshyles
Pins loin lin hanc des roches Ianlastiques nous eacutemershy
veilla Nous avons pli y admirer 1111lCil dt III pleacutenitude
intense dn fond dl la IIICI si riche et si (xplIumlmugrave dans
le hIXI~ de la cuuleur dans la cmnple xitlaquo inoure gt dts formes
Tnut dun coup je lus surprise dapercevoir en haut
dun ~rilnd rocher une inscription en grilS caractegraveres
Nous nous en approenagravemes le plus possible Mais
quelle main avait pu ainsi eacutecrire il cette haul cur
Depuis cornhien dt lernps CIS lr-ltres agrave demi-cflaceacutees
confiaient-elles leur secret au cilI el agrave la mer
Avec Jifficuleacute nous sommes parvenus agrave deacutechiffrer
celle phrase qui SII celte place eacutetrange dus ce deacutecor
feacuteeacuterique nous apporta comme une vague immense de mystegravere dincoauu ugrave recircve et de penseacutee
bull
t2lLA CONqU~TE DE LIQEumlu
dun trouble ex(luis ce mot ma peacuteneacutetreacutee dun enchan lemen t ladieux
- Cela ne peul pas aller si vite soullal-Je
Et il me fallut bien longtemps bien longtemps parshyIer sans encore le convaincre tout-Agrave-fait pour aboutir il III solution normale et neacutecessaire
Bien (lue celle seacuteparation me navre autant quelle le liane bien quelle mapPolte deacutejagrave une loUlde ruclancoshy
lit je ne peux pas trusquement quitter Edmeacutee et je lui consacrerai quelques jours avant daiier lehouver celui qui est toute mil vie et qui doit heacutelas partir si
tocirct maintenant Oh que je vais ecirctre isoleacutee lorsque mon acircme toujours proche seacutelancera agrave travers les plnishy es cl loin vers lhorizon pU III reumljoiudre son agraveU1~ Uais il doit eu ecirctre ainsi et puis ce temps sera court
La megravere de JeanReneacute lentre il Paris demain et y
attend SOli fils duns quelques jours pour llpartir avec lui en Belgique ougrave elle a des parents
Il est UgraveOllC naturel quil nille la rejoindre Il lui anshynoncera son bonheur dont elle doit se douter deacutejagrave pense-t-u et il la prier-a dattendre agrave Puis M Vazanne et sa petite-fille
Lorsque notre lrecircle esquif regagna le petit por-t de Ker Nouheumll le soleil en globe louge rayonnant plonshygealt deacutejagrave (Ialls loceacutean et 1111 vent ltlu soir seacutelevait
humide el Sil leacute La mel moins calme deacuteferlait 5111 les galets de la gregraveve en dessous des falaises ct des dunes et menaccedilait de sagitel insoucieuse de notre pllh intime insoucieuse de loutes choses humaines
- La fraicirccheur tombe vite nous dit le marin et ce
Dans lelaquo jnulnf-es douces Olt dans les[ours amer~ Dans les lilles (Ill dons les eSlloil~ Pregraves de toi ou tregraves loiutuinement Toute ma vie et All-rirlagrave
LA CflNQUEcircTB DB LrnEacuteAL128
Emus 1I0llS avons compris ensemble ce (Ille nous eacutetions peul ecirctre pregraves doublier crue daulres vies etaient venues Jouir Il la petitlaquo icircle deacuteserte que daullls idylles
avaient pu y ecirclre deacutelicieuses quc dautres amours ~y
eacutelnIumltil cacheacutes et y avaient deacuterouleacute les anneaux du bonshyheur el que Ct~S rochers (lui eacutetaient seacuteculaires avaient
dil entendre hien des paroles graves avaient assisteacute
de g-eacutenclation Cil ~eacuteneacuteriltion il hien des excursions semblables et jamais semblables comme toutes les choses humaines
Jean -Reneacute a copi pour 1II0i sur une page arracheacutee
de son carnet la middotphrase presqueffaceacutee Cil haut du
gland rocher De ([lwl lointain des lins 1I0US est-elle
parven ue
El nest-ce pas ce que je lui pourrais lire de toul mon
ecirctre et nest-ce pas ce ~i1 me dit lui aussi ces vieilles
paroles dun amour tendre fidegravele eacuteternel
Au retour dans la barque nous IlVODS 1tInguemenl parleacute dEdmeacutee Il ne croyait pas possihle quelle souffrit ainsi pour lui le lui ai affirmeacute quil me serail peacutenible de poursuivre aupregraves de ce cœur blesseacute nos fianccedilailles si
heureuses cette grande tecircte de 111 vie pleine ct splendide
- Eh bien quittons Ker-Mouheacutel ensemble ma Mishychegravele et rentrons loul de suite 1I0US marier agrave Paris 1 seacutecria-l-i1
Nous marier l ce mot ma profondement troubleacutee
_qCcedilsLt~_
~_~lt~~ (~~-
LA CONQuiiTE OR LIDEacuteAL130
soleil couchanl annonee nu pruchain changemenl de
Lemps En oflel lail froid ml taisait frissonner malgreacute ilia
jaC(luelle de drap 1
El lcan-ltcneacute mahlila sous la large cape qui lui cnuvruil les (pallies et qui alors nous enveloppail tOIlS
deux Oh quuvee deacutelices je me hlot lis toul contre lui
_ Nolis voici ail pori mllllIlllla-l-il el [e le remercie
de celle jOllrneacutee (lIi csl comme une halte alolnhle dans
notre chemin montant vers les so mme ls COIIIue une
parle ouverte sur la vie qne nous ferons eomllle une
fleur magnifIcircflle eacutepanollie aux hrauchcs de Iadlle
iamollr je le remercie de celte jUIlIlIle qui est lin
souvenil iuteuse preacutecieux Inoubliable 1l1 fond de mon
cœur indicihlement eacutemu
lc tentoure de Illon manteau el ucst-ce pas un
symhole Ic tcuvcloppe dans la lciul ressc de Illon acircme
comme dans lin nuage protecteur le le berce dans les
flols de mon amour comme dans une cali vivifianle le deacuteroule 11 Illuur de toi la spirale de ines recircves lenvoleacutee
de mon intelligence comme lin jarugravein ougrave lu te promegraveshy
neras somptllellSemenl voilee COlllllle 1111 temple ougrave ln
rcglleras hieraliumllillellcnl lumineuse cuuuuc lin ciel ougrave
III blilleras nu-dessus de 10111 leacuteelal des etoiles
La barque sarrecirctait lenlement el nous aperccedilIcirclmes
grand pegravere qui arrivait aU-ltevant Je nOUS avec un
chaud raantcau pOlir moi
Ainsi que Jans lIle des Brllyegraveres mon fianceacute avait
passeacute son bras sous le mien cl lorque nOUS lljoignicircmes
LA CONQlnhE DE LIDEAL m
larrivant Jcnu-Hcneacute ne sccnrta pas dl moi el il lui
dit dun lon grave
- le voudrns VOliS cruln-asscr iHIlIISil~lIr el VOliS
dire merci de llIle jOIIlIl( superbe lplllheacuteosl dl 111011
seacutejour ici qui l~l la III a rchlaquo dor dl no re V i t
Le cher vieillard ouvrit S(S Ilr]~ rl une eacutemolion noushy
velle rndleig-Ilit lIIlOIl tandis (Ie dalls lair du soir
la erbc dglailline dont il muvail Ilcurilaquo embnushy
mait
27 Juillet
Lille tempecircte terrible sest eacuteleveacutee depuis lhlX jours
Dnburd un e pluie ch anrlc il lillg-ls gllllltes quun vent
violent a repousseacutee puis lin orag-e sec IJlI tonnerre deacuteshy
chiranlle ciel chargeacute lin combat de 1I11ages Iourhi llonshy
nants et les snulegravevcmen ls farIadiles de la mer halshy
lan le lor illolldalll la dllll( se pncipilant avec
furie coutre lu falaise
Oh (ltelles Iorccs incalculahlcs dans ces eacuteleacutements deacutechaineacutes
Les vaglles suuuveacuters se co~nallt les unes sur les
autres scmhl aicut UIIl allII(~ de eacuteallts dans le dlsllrdre
dIlne lutle I1III cl la rdalt Il (ollparI ail SOIllshy
Illet llIkvail IOIlI ltlII11l1 Idaflrhl Id 1(fllolail V(IS
la ealllpag-fle CO 11III( 1111( fI(i~t f101~01lIleUs(
Et celle armeacutee devcuai l de plus Cil plus eacutelccu-iseacuteegt
diaboliqulaquo fuulastiqucment impetueuse el meacutechante
11 fut impossihllaquo de sortir IHlr II~ vent eacutepouvantable
donl Je fracas hurlant el plain lit dont la lorce menaccedilanshy
132
~~~~~ ~~1J
)A CON~U~TB DB LtOilAL
te sacharnait sur le vieux manoir tremblant malgreacute ses murs si eacutepais malgreacute ses bases si solides
De la grnndebuie de la salle i manger nous avons contempleacute Edmeacutee el moi ce spectacle extraordinaire de furie et de tourrnente
Allcune voile Slll ln mel rieu il lhorizon mais la vile ne seacutetend pas loin ct nous savons que des navires et des barques de pecircche sont lagrave-bas dans le brouillurd
Aussi malgreacute la beauteacute eacutetrange et tormidnhle de ce spectacle d~ne lulle grandiose IIf)US avons eacuteteacute utlristeacutees car lacircme de lhumaniteacute sent combicn clic est solidaire lorsquelle est pregraves dun danger ou uune catastrophe
Edmeacutee a vibreacute comme moi nous avons veacutecu ensemble les mecircmes eacutemotions les mecircmes eacutetonnements les mecircmes admiraliins pendant celle tempecircte et ainsi pal lagrave-mecircme nous avons mieux encore retrouveacute notre eacutechauge dalshy
Iection
Elle sait que Jean-Heneacute sen va CclII la rend pensive Et toujours elle demeure dans sa rOUCCUI tris le
Lui est venu plusieurs fois nous voir malgreacute lourashygan Tout agrave lheure 1I1l instant nous avons eacuteteacute seuls Il
a releveacute ma ucircgure vers lui et comme lon boit dans une soif ardente il ma embrasseacutee sur les legravevres Notre ie nolre amour satttraleut seacutechangenicut se fondaient SlIshy
nissaient Jans ce baiser Et nous songions il la seacutepnration prochaine et 1I0lS nous aimions plus encore avec un pen de Irouble et dinquieacutetude de sentir linstant fugitif
~9 Juillet
Il nous a quitteacutes ce malin Une journeacutee seulejaent
LA CONQU~T DB LIDfuL iagrave3
depuis ce deacutepart Je suis comme seacutepareacutee en deux f Toute une partie de mon ecirctre la plus haute III plus belle tend vers lui j ce qui de moi leste ici ne peut que sentir la lourdeur des heures le potds de III solitude et je repasse sans cesse en 100n cœur ce mOlceau de temps qui vient de Seacutecouler ces quinze jours ladieux en lesshyquels jai plus veacutecu que dans toute ma vie jusque-Ii et
qui viennent de finir COmme emporteacutes par lui lui que jaime dont labsence meacutetonne et deacutejagrave me lasse A lavance jenvisageais celle seacutepalalion cOmme lon pcnse
dans les songes Elle me semblait lointaine presquilshyreumlellebull Maintenant il nest plus lagrave 1
Oh agrave bien tocirct mon Jean-Reneacute je ne peux plus vivre sans toi POlIItant ta penseacutee est une preacutesence continnel_ le enveloppante et Iu es tout pregraves de moi comme je
suis aupregraves de toi par le souvenir des 11~lIres lumineushyses par leacutechange actuel et par le merveilleux espoir
Telle quune immense confiance ma entraicircneacutee vers lui tel que mon amour sest de suile donneacute telle je veux que ma volonteacute ne soit plus que la sienne
Combien il me deacutepasse Combien souvent dun grand coup daile il sait memporter par SOn cœur noble par son intelligence profonde~ vers les recircve de mes recircves Jaime sa maniegravere saine et grave denvisager de comshyprendre et de vivre la vie 1 et parfois je me sens par rapport i lui comme une enfant trop urtificielle Une parisienne trop modelne trop peu de chose trop ocshycupeacutee encore de penseacutees miegravevres
Oh 1devenir de plus en plus el indeacutefiniment plus Une femme une vraie femme royale et somptueus ra enshynant autour delle le calme de J terce 1 pureteacute lulllibull
1 CONQUUgraveTE DR LIDEacuteAL134
1neuse le charme ct le repos attirent en elle les rayons toujours nouveaux de lintelligence et de lamour les 1 magnificences de la vie et toute la leacuteeacuterie des formes
parfaites
Oh reacutealiser en moi tout ce que lideacutee de femme eacutevoshyque de tendresse de beauteacute denthonsiasme de gragravece la lemme heacuteroiumlque des temps chevaleresques la lemme splendide des siegravecles de la Gregravece la lemme inspireacutee des Orients lointains Etre du soleil vivant 1 ecirctre le reflet des cieux et des mers ecirctre limage de la nature inshynombrable de la nature eacutepanouie ecirctre un fruit une
fleur un jardin Et quil en soit le Roi 1
Plus jeacutecoute la voix inteacuterieure la plus reacutefleacutechie la plus seacuterieuse la plus reacuteelle de mon cœur etmiddot plus je sais que la conception du vrai du bien J-lu beau du naturel qui esl celle de mon fianceacute est la meilleure et
la plus juste raison de vic ct de honneur
Ne ma-t-il pas dit
_ Tout ce qui neacutelegraveve pas iumlecircuraquo le diminue li taut que lc corps physique qui est la base de tout laccord psychique et intellectuel se manifeste et se deacutetermine par des actions droites et saines qui permettent seules son deacuteveloppement continu Il faut que lintelligence se libegravere salis cesse par lamour de la veacuteriteacute il law que lagraveme sagrandisse constamment dans le service de la
veacuteriteacute et de lutiliteacute
Et pour cela ne laissons entrer en nous par la penseacutee les actes les habitudes lemploi des jours lart
le travail que des eacutemotions et des aelions naturelles ~ tontes courageuses ennoblissantes et hautes li
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 135
En causant avec Edmeacutee hier je me rendais compte de leacutetat desprit de ln plupart des jeunes filles de netre eacutepoque en geacuteneacuteral elles nont pas assez confiance dans la vie elles manquent de deacutesir de courage despoir dattente elles se reacutesignent Avant davoir oseacute elles coupent elles-mecircmes les ailes lie leur recircve de jeunesse elles reacutefregravenent tout ce qui deacutepasse le milieu mesquin ougrave elles ont veacutecu et ougrave elles acceptent consciemment de maintenir leur propre destin Elles preacutetendent trop soushyvent que lhomme est mauvais que le Iland amou~shyest impossible agrave reacutealiser el concluent quon doit se conshytenter dlin bonheur agrave peu pregraves sur un chemin moins eacuteleveacute et ne pas recircver agrave limpossible
Cest quelles ne comprennenl pas quelles ne parlent lagrave que de la seule vie quelles savent vivre la vie allifi- cielle
Artificiel le monde ougrave elles sagitent artificiels ses vains plaisirs artificielles les passionnettes auxquelles les jeunes filles se laissent prendre et artificiels les jeunes gens laquo deacuteguiseacutes en hommes JI quelles croien t dignes du nom dhommes
Oh ne SUiVIC que la route de la vie naturelle si humshyble sentier quelle soit dabord 1 Ne plus se morceler dans linutile ne plus se donner au rien et vouloir senrichir seulement de ce qui augmente de ce qui inshytellectualise vivifie eacutevolue magnifie nulre ecirctre comshyplexe si feacutecond si riche pour qui veut sincegraverement leacutepanouir
Je veux arracher complegravetement en moi les mauvaises herbes eacutetouffantes que le monde quune eacuteducation pleshymiegravere superficielle peut y laisser encore afin de faire
gt ~
- ~
gt
~
~
LA CO~QEcircTR DR IIlFAL136
ccrmer croilre ct flcurlr mngnlflqncmcnt le grnnd
allire de vic
le veux repousser tout acle qui naccroit pas snshychant que lilutile est nuisible je veux savoir rompre avec roulage les ehaicircncs cntravantcs les prrjureacutes stushypides etrechelcher avec ardeur il raide de mon ineacuteshyhrnnlable appui la vraie vocalion de mon acircme ln plus haule et sa veacuterilnblc utiliteacute cal laquo nous naissons parshyleurs dun pli cnchcleacute raquo quil faut apprendre il ouvrir
pour y lire noire mission terrestre
o Jeunes filles mes sœurs l lc voudrais vous ouvrir ume porte sur la vic heureuse du mieux de mon pouvoir le voudrais vous dire combien lorsque lon entrevoit la reacutealiteacute haute on contemple avec un regret triste le vide et lagitation infructueuse du monde ininshy
tellectualiseacute f
Je voudrais vous dire quel immense bonheur on trouve il seacutelancer hors de lexistence banale jusquau lihre horizon de la conduite unifieacutee toute entiegravere tendue vers un but conscient puis apercevant les eacutetoiles de
lumiegravere il seacutelever vers elles en poursuivant son individushy
el ideacuteal r Car si les premiers pas sont arides en quittant
les distractions mondaines ou les habitudes que lon aime et qui prennent en soi tant de place faussement remplie lorsque lon commence il gravir la belle roushytc naturelle on y reacutecolte Ics fruits rares et exquis de ln joie dl vivre sur celle loule III sinceacuteriteacute et lashy
rnour Ilr-urlsse n t
Il Iant cultiver rn soi dabord les forces que lon
rl1fl(he et qlle 1011 d(isire trouver pour son han heur car c-s fOIClS dtvriorrrrl ntlircn il elles pnr affinileacute
LA CONQUlhE DR LIDEacuteAL f37
les forces semblables il faut avoir au moins en posshysibilileacute cc que lon veut recevoir dautrui le courage si lon veut sentir le courage des autres la sinceacuteriteacute qui attire la droiture lamour qui appelle lamour
Et ainsi naturellement fncilemenl la vic de noshyblesse ardente et volontaire incarne lideacuteal vers lequel
elle tend
Ilier soir un instant Il est monteacute jusque dans ma chambre Nous sentions que lheure passait rapide et quelle allait sonner la lin de ces premiers beaux jours
O mon hien aimeacute quand lu vins aupregraves de
moi ton front eacutetait soucieux ct chargeacute de meacutelancolie
Alors jai poseacute mes deux mains sur ta pauvre tecircte lourde et puis je lai caresseacutee doucemen l c 11 Ill celle
dlin tout petit enfant Et il me semblait que tu eacutetais vraime-nt mon petit enfant et que mes mains eacutelaien t
celles dune megravere
Peu agrave pen les plis de ton front se dissipegraverent et tu me souris longuement
Puis tu me pris III main tu la portas il tes legravevres ct tu la baisas avec tant de tendresse quun grand eacutelan
parcourucirct tout mon ecirctre 1
Alors - tout dun COllp - il me sembla quagrave mon 10111 jeacutetais un tout petit enfant dans les bras de son pegravere
Et je lnissai tomber ma tecircte sur ton eacutepaule et je me mis il pleurer de douces larmes de joie
Ce matin lorsque lu partis tu eacutetais si pucircle que jaurais voulu pouvoir de suite tout quitter pour te suivre
J
138 IA OONQUl~TE OK LWtAL
Mais tu mas dit avec force - Michegravele rien mainshyteuaul nest capable de nous seacuteparer Nous sommes deux en un il tout jamais Sois heureuse sois en paix ne laisse den le troubler Bienlocirct nous troushyverons dans la preacutesence de toules les heures le repos qui apaiseacute lharmonie qui fait eacuteclore la joie qui vishyvifie leacutelan victorieux qui dans l action feacuteconde affirshyme lindividualiteacute croissante parmi les champs infinis que lamour eacutetendra comme un ciel sans limites aushytour de nous Et je fais miennes les vieilles paroles
dont leacutecho nous a berceacutes
laquo Dans les journeacutees douces ou dans les jours amers Cl Dans les luttes ou dans les espoirs c Pregraves de toi ou tregraves lointainement laquo Toute ma vie et Au-delagrave raquo
31 Juillet
Quel bonheur Une lettre de Jean-Reneacute que je
relis mille et mille fois et dont le chant damour imshymense jaillit meacutelodieusement vers moi en cascades
protectrices et irradiantes
laquo0 bien-aimeacutee bieu -aimeacutee l Soyons unis dans lushyniteacute de lamour je laime ocirc lys ocirc rose dont le parshy
fum est de jasmin
Tu es douce tu ~s vaste ta mentaliteacute est droite et lucide tu eacutevolueras eacuteternellement en rectitude 1
Librement dans la lumiegravere tu agrandiras ton ecirctre par leacuteveil de toutes les possibiliteacutes 0 grande reine aimeacutee tu teacutelegraveveras jusquagrave toi-mecircme tu te legraveveras dans vta splendeur 1
IA CONQtl1~TE DI LIDEacuteAL 139
Tes paroles reviennent vers moi une il une tes penshyseacutees sont comme des colombes blanches
Tu me reacutevegraveles leacutequilibre agrave chaque instant aucune de tes paroles de veacuteriteacute nest perdue 0 chegravere lumiegravere damour jai taut agrave apprendre par toi
Comme tu sais eacutetreindre laction comme tu sais avancer sans cesse ta perfection sera une perfection inteacutegrale la blancheur de leacutequilibre sera autour de toi
Ta robe sera verte eacutemeraude et la vitaliteacute sen eacutemanera ton manteau sera rose ocirc indiciblement patheacutetique aimeacutee Les voiles saphirs de lin telligence seront autour de ta tecircte 1Tu teatourcras du violet de la puissance lor cie lessence parsegravemera tes echarpes
Que rlen de trouble ne puisse mrnro percevoir mon limeacutee
Je veux lui ecirctre un repos de force je veux ecirctre comme la protection de sa liberteacute 1
Tu eacuteclaires de ta preacutesence tout mon ecirctre qui sans cesse tentoure et tadmire et de tendresse iaeacutepuishysable te revecirct 1
Afin que les heures soient plus leacutegegraveres bien-aimeacutee que ta penseacutee vienne vers moi comme la mienrie est vers toi
Oh 1 combien tu embellis des rayons de ton pur et merveilleux ~mour mon agraveme deuml deacutesir et despoir1
Sois beacutenie dans leacutequilibre lamour la lumiegravere et la vie 1
Profondes sont nos profondeurs les aneacutees eumlpanoushy
__________millAlwn1itl6Mtmmiddotmiddotf bull bullbullmiddotbullrn----------------shy ~
140 LA CONQU~TE DB LIDEacuteAL
LA CONQllEgraveTE DB LIOacirc-lL 141
iront sans cesse lenivrante conscience de secirctre unis
~
il jamais 1
Unissons les trois torees en ure blanche hnrrnonie Enseigne-moi la miseacutericorde puisque ton acircme exquise
fer Aoucirct
Que la journeacutee dhier ma paru longue Comme jaurais voulu meacutechapper pour aller bien vile hien vile
L~~
~ veut accomplir partout le bien agrave faire
Tu es une fraicirccheur ombrageacutee ocirc donneuse de repos lui reacutepondre Enfin mil voici libre Il IIlC semble que toul mon cœur se reacutepand vers lui el tout Illon (llIl
que la lumiegravere en toi el en moi seacutechange est en alleacutegresse parce 1]l1C bientocirct il lira mil penseacutee
Que la force en mon ecirctre seacutelegraveve la force calme el bientocirct il tiendra en ses mains cc pnpier dans leque l
apaisante qui vivifie que toute nos penseacutees se perleeshy je veux infuser ma lendresse r~ tionnent jusquagrave leacutequilibre Teacutecrire quelle chose simple el eacutetruuge cl mCIshy
Depuis ton corps jusquagrave ta mentaliteacute et dans les veilleuse Teacutecrire eacutetats decirctre plus rareacutefieacutes tu es deacuteborJante de ta
beau leacute Je taime pour la beauteacute Michegravele je tIlimc Manoil de Ker-Noueacutel 1el Aoucirct
pour la splendeur 1 je taime pour tes recircves nobles 6 h du malin
et hauts pour ton enthousiasme sacreacute 1
o passive en qui le capable dutiliser et de
Etoile qui illumine la
Cosmos se reflegravete 0 sensitive diriger les forces bienfaisantes
terre 1
~
(( Oh elle est venue la belle lettre de mon bienshy
aimeacute elle est venue Ioule lumineuse comme un rashy
yon de soleil dans ln nuit milluminer et me reacuteshy
Jaime agrave laisser fluer vers toi lessor de mon admishylante tendresse vecirclement puissant du patheacutetisme inshy
chauffer dis apporteacutee
le malin el combien de joie elle ma
dissoluble qui conlient leacutetincelle la plus divine leacuteshy Oh Jean-Reneacute toul ce que vous me dites troushy
tincelle damour 1 ve 1Ii1 eacutecho profond dans mon cœur Parfois il Ille
Lamour f Lamour 1 Toutes les symphonies eacuteclatent 1 lous les poegravemes se reacuteveillent toutes les belles leacutegendes se legravevent 1
sem hie luc vous allez eacuteveiller louis en lui des germes tout decirctre cl parfois il me semble
des gelmes lnteuts enshyprecircts il chanter la joie
qllc cc sonl mes PlO
o musique extase ivresse ocirc Ideacuteal ocirc Recircve reacuteel 1ocirc chemin infini conjonction incessante 1 bull
ples penseacutees IC III exprimes comme eacutetant les tiennes El je lclis salis cesse cl sans cesse la chegravere messagegravere IIc Ion SOIlVCIIIcircI
Je taime et comme je taime tu maimes 1 Autour de toi avec toi en toi parmi toi agrave toi 1
A Ioule heure du jour ses phrases aimeacutees chantent en moi elles parfument les heures deacutesertes de labshy
c Jean-Reneacute _ sence elles me bercent de ta tendresse puissan le comme ~ le refrain tregraves doux dune musique exquise 1
-------lI
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteALH2
~
o les belles pages lant aimeacutees si remplies de toul ~
~ (1 ce que jespeacuteru is y trouver
La heau le de Ker-Nouegrave perd son charme depuis
que je suis scull il la contempler et il ln ViVlC Seule y suis-je vrnimeu] seule Non partout ougrave je suis jc sens votre pleacutesence ougrave je recircve je SCIIS votre
tendresse ougrave je pense je sens voire force ougrave jesshypegravere cc sonl OS yeux cest votre main cest votre cher visage qi mnpparaissent cl votre amour est url oland bercement dont les vagues me soulegravevent
mculrainent de bonheur en bonheur de pleacutenitude en
pleacutenitude vers un ciel dc supecircllle beauteacute
lrois jours oul passeacute avec lcnlcur depuis que nous sonunes loin lun de lnulrc Trois jours qui pegravesent
SUI moi deacutejagrave trop lourdement
Je suis hcnucoup avec Edmeacutec agrave laquelle je verse
dc Illon mieux qullllllS torees despeacuterance Je parle
aussi apregraves le dicircner i1V c glanu pegravere dans sa cham
bre L Et lors eesl vol re nom qui eacutemaille constammcnt
noire causerie inl irue
El puis le soir aV1I1 de me coucher je reste un
instant devnut ma tenegravetre grande ouverte SI)I la mel
el je pagraverle aux eacutetoiles qui mc reacutepondent Quelques
unes delles scintillent lollcmeut quelles paraissent me ~
regardcr ou IIlC sourire Et je mimagine (lue ce sont les mecircmes ltfliC III contemples Jean-Reneacute lagrave-bas agrave
~ Paris au mecircme moment
Et quelles lc chantent mon nom comme clics me disent le tien et que ccsl 1011 regard leveacute vers elles
~ quelles font redescendre SUI moi
LA CONQUtTB DB LIDEacuteAL H3
Hier je pensais avoir ainsi agrave travers les horizons
loinlains eacutechangeacute avec loi pal ma fenecirctre ouverte pendant quelques instants Jeacutetais entreacutee dans ma chambre VCIS dix heures Lorsque jai refermeacute ma croiseacutee minui sonnait
Peudaul deux heures je lai parle deux heures qui avaient passeacute comme des minutes mas-tu entendue las-tu comprise
o Jcan-Reneacute Je suis heureuse Jc suis heureuse que tu sois aupregraves Je moi comshy
me je suis aupregraves de toi
le suis heureuse ( Oh tellement heureuse ) dc poumiddot vcir tapporter du bonheur
Je suis heureuse hculeusc heureuse palce que je laime
Je voudrais en teacutecrivant savoir exprimer linexshy
primable Mais ne savons-nous IHIS (IIIC le silence parle
Lorsque nOlIS eacutetions aupregraves llin de lautre aucun
moment neacutetait perdu car nous avions toujours tant
de choses il nous dire ct (1 uand nous ne parlions
pas la graviteacute ardente des silences neacutetait-elle pas plus
belle notre communion plus luupide cncorc ne
seacutecha~geait-elle pas et ne 1I0llS cornpreuions 1I0llS
pas mieux ct davantage quagrave laide des paroles qui limitent
Notre retour agrave Paris est fixeacute au 4 aoucirct Mm lorgues
ft juslement eacuteteacute inviteacutee avec ses enlauts agrave passer ln liri du mois agrave Cabourg chez ugravees amis El agrave son eacutetonshynemenl (cal clic ne voil rien de leacutetnl ducircrue actuel desa Hile) Edmeacutee la supplieacutee daccepter cette disshytraction
LA OONQUEcircTR D~ LIDEacuteAL 1H
A bientocirct donc ocirc mon ami A bientocirct Que cest doux deacutecrire cela que de promesses et despoirs et de joies et deacutemoIions enfermeacutes dans ce petit mot magique
Allons ensemble pal les lumineux sentiers toujours
plus haut toujours plus loin vers les sommets fleuris et radieux et ltIlle llin de nous Ile deacutepasse jamais lautre llue pOlr Ientruicircner plus avant
Voici que jai penseacute lfue lideacuteal de la femme cest darriver agrave incarner lideacuteal de celui quelle aime
Et toi tu maugmenteras toujours et ce que tu ajoutes agrave mon ecirctre et que je veux sans arrecirct reacuteashyliser de mieux en mieux cest bien aussi moi-megraveme dans ce que jai de plus haut et de plus fort moi toute eacuteveilleacutee pal ton amour toute embellie ltle ta tendresse
A bientocirct mon cheacuteri mon aimeacute mon soleil et mon roi A bientocirct triomphal ce mot sonne et reacutesonne en ondes vivantes qui palpitent et en myriades de lushy
miegravercs eacuteblouissantes jaillissent et irrudient jusquau fond de mon cœur miraculeusement
Que degraves maintenant SUl la mel de notre vie notre nef enthousiaste vogue de force en force vers le port lointain ct monte plus encore dans la monteacutee
~nlinie qui par de lheure du temps pOUl jusquagrave leacuteterniteacute
Voici quelques peacutetulcs des loses pourpres qlle tu pl eacutelegravercs et puis voici mon agraveme abandonneacutee
Toute agrave toi Michegravele
laquo Michegravele 1 Michegravele 1
i~~
~ -- Ir ~ middoti
tA CONQu~rRDE L~OAL
(Et je nai rien dit agrave cocircteacute de ce que je voudrais dire )~ ))
or Aoucirct 0 heures du soir
(Cest une lettre de Jane Kousta que je viens de recevoir enfin 1)
CI - As-tu un peu penseacute agrave moi qui ai si soushyvent eacuteteacute dans mes recircves aupregraves de toi Tu sais le sombre destin ougrave je me suis traicircneacutee jusquagrave maintenant agrave travers des palais leacutethargiques parmi les fausses lumiegraveres dun monde sceptique sans foi et sans ideacuteal lumiegraveres brillantes qui attirent et qui brucirclent sans eacuteclairer tu sais combien mon deacutesespoir crise fatale paroxysme redou table me fi t deacutevaler lacircchemen t vers les gouffres sans fond
Sais-tu maintenant la torture de mon cœur dont les lambeaux eacutepars se reacuteunissent uri agrave un et aggloshymegraverent aujourdhui en Ionae vcomplegravete toute leur
1puissance retrouveacutee toute leur passion belle et ardente vers le Seul qui devait le posseacuteder tout entier inteacutegral cc malheureux cœur deacutechiqueteacute 1
Je Igtleure et jespegravere je pleure et jaspire 1 El peut-ecirctre ces larmes-lagrave les premiegraveres lalmes dignes de respect et sans doute aussi de pitieacute que verse mon ecirctre douloureusement meurtri peut-egravelre ces lar~es me laveront-elles de tant de souillures
Je sais heacutelas que le deacutesespoir regravegne et que la souffrance et la plainte eacutemanent de tous les porcs de lunivers 1
i
c
------- ---
Hn LA CUQU~TE DE IIDEacuteAL
---------~---__-- - --- ---__----shy
Oh 1 ces vagues qui se tordent sur la gregraveve en geacutemissant et qui allaient mengloulir Oh ce vent qui pleure lamentablement dans la forecirct et dont la plainte me hanle ct meacutetouffe 1 Oh ces nuages deacuteshychireacutes par leacuteclair et dont la foudre meacutepouvante 1 Oh tous ces arbres qui se penchent et qui se reshylegravevent sous Iassuul de la tempecircte pom retomber encore pour plier pour ecirctre rompus et terrasseacutes
pal le poids de celle souffrance effroyable de la
reacutesistance vaincue Oh 1 tous ces spectres vivants du
deacutelire du malheur du crime des maleacutedictions du deacuteshysespoir de la deacutefaite du deacutesir inassouvissable r
JI lem crie agrave lous Arrecirctez 1 Je leur vcrie Arshyriegravere arriegravere enfin 1 enfin 1
Car enfin jai rencontreacute ma torce ma protection mon sauveur et ma foi
El je veux quil ne soil pas Irop tard Oh 1 par pitieacute pas trop lard Je veux croire que loul ce que jai amonceleacute de drarnes pal derriegravere moi que tout ce
que jai attireacute de deacutesordre autour de ma vie ne pourra
assombrir la lumiegravere si pure ne poulra taire obstacle agrave la Destineacutee nohle ct large qui seacutelegraveve devant ma
roule Enfin enfin
Te souviens-lu dans ma derniegravere lettre de lEloile lumineuse cl lcelle (lui avait eacuteclaireacute la hideur de mon
miseacuterable sol
Cette Etoile ceacutetait celui que tu appelas un jour IL la figure de lavenir celui dont tu me parlais malgreacute ]t
rnes fautes en le deacutesignant sous le nom beacuteni de laquo ton premier amour )l bullbullbull
LA COXQUEcircT DE LlD~Ar H7
Cheacuterie je viens dans lespeacuterance encore humble et timide de tout mon ecirctre cruinfil Je laul de bonheur je
viens le dire merci davoir compris ce quil ) avnit de meilleur en ruoi merci el plus (IUll merci de III avoir aideacutee sans ten douter peul-ecirctre (el Iau l aideacutee lal les bonnes derniegraveres lettres encore) agrave reconnailre ougrave eacutet aicnt les nais henuleacutes de la vic merci merci d rna rCConshy
naissance repenlnnte il toi qui sus garder pal 111 douce droiture Vestale sacreacutee la derniegravere eacutetincelle pUIC
qui vacillait au-dessus de moi au-dessus de ma vie de
deacutesordres eacutetincelle que tu proteacutegeas pieusern-nt pendant plusieurs annees qui sans toi se serait eacuteteinte et qui
fient splendidement de silluminer toute en aurore radieuse dans 111 rencontre de mon premier amou
Il est lagrave 1 Il est ici 1 El cest bien Lui 1
Oh je voudrais que tu le connaisses bientocirct mon amie
celui qui a pris tout mon ecirclrc celui qui seul peut
effacer le passeacute moindre celui qui peul trrcnnohlir en macceptant comme sienne dans la commuuion pro
fonde de nos limes ravies lune par lau Ire pour toujours
Je laime dun noble amour fidegravele infini et pOUl la premiegravere lois ce quil y a de plus pur en mon ecirctre sincline eacuteveilleacute charmeacute exalteacute en admiration devant
celle Intelligence complexe et merveilleuse devant ce
haut caractegravere de volonteacute et de rectitude
[larry Wannshield est un homme
Oh comme jai longtemps llreacute avaul de le conuailre 1
que la terre est un grallJ dSI tJIIil y a peu dhommes SUI lcrre l Et cruira is-f u ltJUl si ma rie jusquici avait lleacute plus droi llaquo nous 1l11lIumlltJflS pu nous trouver plus locirct Il ma rcncoutreacutelaquo il y il trois ans
Hg LA COlQUEcircTB DR LIDEacuteAL
ans deacutejagrave plusieurs fois agrave Paris chez Lady Baret et malgreacute une intense attraction vers moi malgreacute mecircme de reacuteelles souffrances il sest eacuteloigneacute sans me laisser le temps de le comprendre devant tous les troubles infeacuterieurs dont jeacutetais alors prisonniegravere et desquels je
na vais pas encore la force de sortir r
Degraves mon arriveacutee agrave Interlaken il ma reconnue
Nous eacutetions descendus au mecircme hocirctel et moi jai eacuteteacute dabord profondeacutement blesseacutee et malheureuse de son
meacutepris
Oh comme jai pleureacute que de regrets inextinguibles de remords brucirclants de lourde tristesse 1 Puis jai
compris
Jai comprisque ma nature violente et indompteacutee eacutetait seule cause de ma deacutetresse et que ceacutetait peut-ecirctre un avertissement salutaire que je sois ainsi arrecircteacutee agrave temps sur une pente fatale par un laquo Halle-lagraveraquo de la Destineacutee
La doulesr comme un chien mord les talons du lacircche Qui dun jour neacutegligeacute surcharge an lendemain
Oh1 que je les ai meacutediteacutes ces deux vers 1 quils sont justes 1 Et comme la douleur est bonne parfois agrave celui qui nest pas capable heacutelas deacutevoluer sans elle 1
Seulement vois-tu Michegravele il vnul mieux la devancer il faut que lintelligence humaine du sage arrive agrave preacuteshy
ceacuteder lexpeacuterience ce qui fuI impossible agrave linsenseacutee que
jeacutelais
Jai Ileaucoup reacutefleacutechi agrave tout cela
Enfin il est venu un moment ougrave jai accepteacute comme une purification et mecircme cheacuteri loceacutean de peDseacute~~ dou-
LA CO~QUEcircTE DE LIDEacuteAl 149
loureuses agrave travers lequel seulement je pouvais remonter vers lui
Alors jai brusquement rompu avec Talbrut Je savais en le faisant que celle rupture eacutetait deacutefinitivement la lin Je mes deacutesordres Et forceacutee de vivre dune faccedilon beaucoup plus simple jai ducirc quitter lhocirctel ct bullhabiter la modeste petite chambre ougrave je suis reacutefugieacutee et~ seule maintenant
Michegravele1 Miehegravele1je suis tellement sucircre de necirctre plus Of -
la mecircme et de lui apporter tout ce quil espegravere trouver en moi de nouveau de sain de bon de vrai
Oh il faut quil le sache il faut quil ait confiance fout agrave fait il faut quil soit sucircr de moi
Je lespegravere si intenseacutement et je le crois Je sens quil plaint le cocircteacute sauvage avide bondissant et deacuteseacutequilibreacute de mon ecirctre comme il comprend mes aspiralions proshyfondes et belles
Il maime ma petite Michegravele il maime Oh1 ces mots 1 Mon cœur brucircle en les eacutecrivant Des larmes tombent de mes yeuxi Cest mon agraveme qui se fond El je pleure davoir trop pleureacute 1
Je suis tantocirct dans lextase calme et espeacuterante du vrai bonheur enlin cornpris enfin trouveacute Dans ees mornenls-lagrave cest en tendresse reconnaissante eacuteleveacutee respectueuse vibrante dune eacutemotion douce et profonde que je meacutelance vers lui et tantocirct un poignant sentiment de deacutecouragement mabat ct me terrasse
Jai peur mysteacuterieusement de souffrir de souffrir encore
Mais toi cheacuterie toi que penses- tu de ta Jane
110- - ______________________ _ bullbull _ bullbull __ 0 __ bullbull bullbullbullbull _ ~u ~ fl~ n JJJIIIIIII
HiO lA CON(~UlhR DR LmEacuteAt
Iliconlc-moi cc quclic doil Iaire Et puis parle donc un p~1I Je toi aussi Jai cru sentir dans la derniegravere lettre 1In souffle dalleacutegresse lellemeul parfumeacute despoir que je voudrais de les nouvelles plus preacutecises Me suis-je trompeacutee Ai-je lu seulement dans tes lignes affectueuses
et for-les le reflet de ma proplc espeacuterance Pari Micaeumlla1 Et pense agrave la pauvre acircme tourmenteacutee en laquelle
viennent deacutemerger impreacutevues et superbes tant de possishyLilileacutes enfin joyeuses et sereines
Doloregraves raquo 2 Aoucirct
Tout-agrave lheure une amicale discussion eut lieu encore SUI cc sujet qui lanl de fois fut abordeacute indirectement
pendant notre seacutejour ici et qui fut preacuteciseacute davantage
aujourdhui Mme Torguegraves seacutetonne agrave chaque inslanl du systegraveme
deducation trop large agrave son greacute avec lequel je suis eacuteleveacutee cl mentendant causer de Jane avec Edmeacutee elle dit agrave grand-pegravere - Javoue lue je ne vous comprends pas M Vnzanne de luisser ainsi Michegravele se lie l Jc plus en plus avec ~11Umiddot Kousla Cal elle a une conduite plus qucxtrnordinaire et toutes ses amies de pension comme Edmeacutee cl lanl dautres ont ducirc dabord espaCCI puis inlerrom pre les rela lions avec elle
- Par quelle loi Madame me suis-je eacutecrieacutee aurait-on le soi-disant devoir Je mentir agrave ses sentimenls reacuteels Cest agrave-dire pour quelles raisons dcvrnis-je eacuteteindre en moi laucircectiou sincegravere el profonde qui me lie agrave un ecirctre
Pourquoi retrancher quelque chose de vrai et dintense que nous apportc la vic J-~-Qn jamais trop deacutechanges
gt
LA CONQUEcircTE DR LIDF-AL 15t
veacuterltables raffineacutes et intelligents Amiddott-on jamais trop damitieacutes vraies A-t-on donc jamais trop de tout ce qui embellilla vie de lhomme par la preacutesence de lhomme
- Vous ne savez pas le tort que peut vous faire dans le monde cl pour votre avenir Michegravele reprit Mnbull Torguegraves lintimiteacute que vous avez avec une Jane Kousla
- Du tort aupregraves de qui repris-je doucement Ceux qui me connaissent ne peuvent se laisser influencer par rien de cela je pense
Oh t je vous assure Madame nont agrave redouter les opinions du monde que ceux qui reacuteellement veulent lui cacher quelque chose lEt nous nous coupons davantage les chemins de lavenir par tout ce que nous retranchons de lexistence craignant les preacute]ugeumls ou les jugemenls seacutevegraveres que par ce que nous faisons geacuteneacutereusement fleurir et eacutepanouir de ce que la vie libre forte et complexe nous oflre de reacuteelt
- 11 est certain comme le disaient les Latins quune amitieacute nest vraiment solide que si elle est baseacutee sur lintelligence interrompit Edmeacutee
- Cependant lintelligence nest pas tout reprit Mm Torguegraves
Et jai continueacute
- Jai foi en le relegravevement possible de Jane el je crois que je peux souvent lui faire un peu de bienEt puis jadmire les somptuositeacutes de sa nature sincegravere chaud et douloureuse
Jane souffre personne ne sail combien elle souffre1 Elle-mecircme lignore peut-ecirctre encore car il y a souvent
middot middot middot~-~V111V1l1-)middot tlbullbullrl~IY~~middotfmiddot~imiddottril1f~lrVljmiddot7i11~~fmiddotI mAr~~~rHI(fCcedilr~1riTT11-1111~V1((lI~~nnT(IonrVINnwfVampGVr u-__bull ~ _ _
1 LA COQll~m DI LlD 1
dans un cœur aussi vnsle des larmes verseacutees par une pari inconsciente de Iegravelre donl la conscience plus complegravete ne sent (Iur plus larel toule lamertume
Et la souffrance de ma pauvre et tragique amie deacutepasse tellement ses excegraves lt]Ui1 ne seruit pas charitable de lui jcler la pierre
- La seule chose quon puisse lui reprocher agrave mon sens dit grand-pegraverr cest que parfois ellc a fait souffrir le ne suis ni eacutetroit ni piniluin III le sais Michegravele mais
je nai jamais pu admettre la morale de ceux qui
foulent sans scrupules sous leurs pas orgueilleux les
bonheurs d~utrui
Lhomme a en lui une notion du juste et de linjuste et ce qui est injuste el coupahle surtout pOUl une intel shyligence cest le mal fait agrave dautres raquo
Comme M Torguegraves semparait aussitocirct de lideacutee de
grand-pegravere pour laccentuer encore jai de nouveau
reacutepondu
-- Bien entendu je ne veux pas deacutefendre les deacutetauls de mon amie mais seulement ses vertus
Elle est malgreacute ses torts un ornement de valeur et de
beauteacute dans ces landes arides qui forment ln terre landes qui pourraient devenir un merveilleux jardin de richesses feacutecondes si les ecirctres qui composent lhumaniteacute eacutetaient plus souvent de preacutecieux ornements de valeur ct de beauteacute Jase a une acircme vaste une acircme pleine de posslhilileacutes pleine de gClmes et de treacutesors J~lIe peut passer Cil heacuteroiumlne dans la vic au milieu des foules amorphes ougrave clic resplendit comme un phare dans 1i4 nuit comme un diamant parmi du silex
LA CONQJ~TE DI LmFAL Jr)3
Pourquoi nc pas admirer ce que son ecirctre a de supeacuterieur et de royal malgreacute les deacutesordres dont elle soul1re el quelle arrivera sans doute agrave dominer
Et puis mecircme agrave Paris qui esl cependant un centre de lumiegravere reacuteelle la plupart de ceux qui deacutepassent la moyenne des ecirc lres par une belle et noble in1lividualiteacute
son t pris - eu x aUS5~ - da ns lous les capriees ct les plaisirs qui agitent les inutiles existences de tant de Iutiles creacuteatures ils vivent trop en parade et ne sentent
que peu profondement ce qui nest pas leur inteacuterecirct immeacutediat ou linteacuterecirct des quelques oersonnes famille
ou amis auxquelles i1s_ ont dor aeuml de leur affection
Jane elle a une intelligence extlnordinailement vibrante pour tout ce (lui est geacuteneacuterositeacute P()UI lout ce qui est vie progregraves efforts volonteacute de transformer volonteacute de Iairo de faire mieux de faire plus de lclisel
un peu de tout cc que lhomme endormi peut eacuteveiller en lui agrave certains momenls dnspilntions haules el volonlaires despeacuterances de justice plus noble de bonleacute plus grande de bonheurs plus harmonieux Elle est une
de ces trop rares natures qui osenl qui cherchent qui
palpitent qui franchissent hardiment les vieilles ideacutees dhier pour sans cesse recircver plus haut
1shy
AJlIcircl
Il pleut La Bretagne est grise Ker-Nouheumll est morne
Temps de deacutepart Nous quiltols le M1noir demain malin lous ensemhle cl jen suis bien heureuse lIII
pour moi lacircme de cc pays est partie
__
t5~ LA CONQr~TR DE (rDecirclL
Tout me semble ville deacutecoloreacute le preacutesent me paraicirct deacutejagrave dans le passeacute Je hacircle les preacuteparatifs et voudrais
pouvoir hacircter lheure
) AoucircL au sail
Une nouvelle messagegravere de mon Bien-Aimeacute qui me reacutechauffe le cœur dans un grand eacutelan damour
Paris 2 Aoucirct
Ma toute Cheacuterie mon Etoile de Bonheur Je reccedilois agrave
linstant la douce lettre dhier la lettre exquisement douce agrave tout mon cœur et je teacutecris tout de suite afin que tu aies un peu plus de moi eucore avanl la merveilleuse rencontre degraves apregraves-dcman soir nest-ce pas ma rose -~
aimeacutee
Et je tenvoie louLe ma penseacutee tout mon merci eacutemu et glorifieacute des lignes a-lor-ables ct magnifiques qui chantent en moi les hymnes de la conjonction eacuteternelle 1
Si vous saviez ma Michegravele adoreacutee comme voIre eacutecriture votre style lous -cs mouvements de votre ecirctre si beau sont ceux que je comprends que je peacutenegravetre que je reccedilois quc jadmire que jaime
Ce fut pour moi un tel enchantement de YOUS lire 1 un tel eacutemerveillemen t un~ telle extase 1
Depuis que je suis ft Paris je me promegravene tous les matins ail RanclaglI cl je passe reacuteguliegraverement avenue Raphaeumll devant vulre joli home cc deacutelicieux hocirctel enfoui dans la verdure
Et hier ce me fut UIlC grande joie dapercevoir les volets ouverts les domestiques preacuteparant la maison pour
___~A~__
LA coxcuugravera DR LiDEacuteAL 155
votre retour le jardinier dehors toute la vie revenue tou t orgnnisan t votre proche arr veacutee
Si vous quittez KermiddotNollhiH apregraves-dematn matin vous serez sans doule gare Saint-Lazare agrave onze heures et demie du soil Je nose aller vous y chercher malgreacute len vie ardente que jen ai
Mais voici ce que je compte faire si M Vazanne ny voit pas dinconveacutenient jatlendrai vers minuit devant la porte du jardin avenue Raphaeumll Je vous aiderai agrave descendre
de voilure je vous souhaiterai 1 le bonsoir et si votre gland-pegravere me II permet si ma preacutesence ne doit pas vous gecircner si vous necirctes pas trop faligueacutee du long voyage bull jentrerai avec VOliS dans votre demeure ougrave nous passerons de suile les premiers les deacutelicieux instants f
Ne trouvez-vous pas que voilagrave une combinaison hellleuse
Ainsi en tous les cas je vous aurai vite degraves apregravesshydemain je vous aurai parleacute je vous aurai entendue ocirc ma cheacuterie cheacutelIcirce1
Quel bonheur Que de choses agrave se dire Ecirclre pregraves 1 tout pregraves de toi ma Michegravele approfondir sans cesse notre harmonie 1 Aimer 1 el ecirctre aimecirc Jai un besoin infini de tendresse de compreacutehension de libre sinceacuteriteacute de coopeacuteration et de Ion serait impossible dalleudre Je suis tellement insatiable incessanle Cil Comment
bercement fidegravele Il me encore pour le rt~v~r de loi el de ta preacutesence
pourrnis-jn patienle jusshyquliu Iendemaln de Ion relum- eacutetant si pregraves apregraves si longtemps
Lorsque tu arriveras je ne saurai peut-ecirctre que me
bull
1f) L cO(~lJlhE 08 LIDEacuteAL
taire ct te regarder et prendre la main mais nous aurons la cerfilude que les immensiteacutes de nos acircmes el de tout notre egravelre seacutelancent ct se confondent ct en silence ou en paroles banales dans lesquelles eacutetincellcron l les g-emme~ damour ou en mols enlaceacutes nous senti rons lextase de la rencontre ideacuteale
Mon cœur vers loi sen va sen va deacutelicieusement
Et toi tu viens agrave moi li mon royal treacutesor 1
Viens viens je taltends A toujours cl il toujours sois couronneacutee de mon amour sans fin ct snus limites
Jean-Reneacute
gt1shy Paris 5 AoIcircrt
Lomnibus du chemin de fer snrregravea devant notre porte
Une eacutemotion profonde metreignait Dans le SOli deacuteteacute la haute silhouette attendue sapprocha
Et tandis que gland-pfre descendait Je voilure nous nous serracircmes la main intenseacutement
Les dome~ti(IUeS accouraient chercher les bagages
Et nous sommes entreacutes tous les trois agrave la maison une exquise surprise my attendait
Dans le salon ougrave les lumiegraveres beaucoup (le lumiegraveres
toutes allumeacutees brillaient gaiemenl une abondance prodigieuse de fleurs blanches envahissaient les meubles et en profusion garnissaient les potiches et les vases samoncelaient en gerbes Ieacuteeacuteriques seacutelululcnt en bouquets eacuteparses
gt sur les lapis ou piqueacutees autour de palmiers et
de plantes vertes
LA COXQV~TE DE LWKAL 157
Des lilas blancs et des lys surtout et des roses et des arorncs ct des jasmius ct des aneacutemones et des orchideacutees teinteacutees de mauve et des tubeacutereuses enivrantes
TOlite une recircverie de fleurs damour
Jean-Reneacute sexcusait preslue aupregraves de grand-pegravere de la Iiberl(~ prise de cet envoi laquo mais comment ne pas mateacuteriiJlisel lin peu disait-il tous les chants dattente cl
de bienvenue qui milluminent ct quexhale en ondes si puissantes mon ecirctre profond raquo
Etle bon vieillard linterlOmpit doucement
- Vous avez bien fait mon ami de transformer ce salon en un jardin damour pousseacute et fleuri pour ma
petite Michegravele don t les yeux brillants me disent toute la joie eacutemue et douce
Vous avez raison de laimer comme VOliS laimez et je suis heureux lIegraves heureux croyezmoi bien de donner
son avenir et sa jeune vie si riche agrave votre grand ct noble CŒlII
Aimez-la bien aimez-la chaque jour davantage
Dans peu danneacutees peut-ecirctre VOliS serez son seul protecteur son seul appui dans lexistence et je voushy
drais que vous VOliS appliquiez agrave deacutecouvrir toujours
mieux tous les treacutesors enfouis dans sa vaillante nature tous les treacutesors que vous pourrez y eacuteveiller encore et y faire naicirctre par votre amour
Cal lamour vral comme celui qui vous unit mes enfants est le plus merveilleux creacuteateur deacutepanouisseshymen t con lin uel de transformatlons et de progregraves incessants D
Alors grand-pegravere passa le bras de mon bien-aimeacute aulour de ma ceinture et seacuteloigna agrave pas rapides
bull_
11
_
158 LAgrave COQUEcircTR DR LIDEacuteAL
Jean-Reneacute avec une force passionneacutee mallira vers lui et notre longue etreinte fut radieuse
Comment deacutecr-ire linexprimable Comment limiter par des mots Iimmcsurnb le
Ou mieux pourquoi mecircme deacutevoiler en moi jusquagrave vouloir me les deacutepeindre consciemment toutes les eacutemotions ressenties si profondes teus les bonheurs les plus sacreacutes toutes les secregravetes espeacuterances
Non je veux me taire je ne veux pas amoindrir en lexprimant la beauleacute des sphegraveres cacheacutees les plus hautes et les plus lumineuses de notre eacutechange et de notre communion
El mon acircme a son sanctuaire que Lui seul peut peacuteneacutetrer
- Merci mon Jean-Reneacute disais-je de celle symshyphonie de fleurs el de parfums qui entoure notre tenshydresse de son alleacutegresse de gragraveceet de torce de son charme meacutelodieux de son mystegravere peacuteneacutetrant
Les fleurs sont si bien laites ponr bercer lamour et latmosphegravere toute lemplie delles est si douce si extasieacutee pour envelopper cette heure inoubliable de notre rencontre eacuteternelle
Et ce fut le grand bercement des paroles
- Il Y a si longtemps si longtemps Michegravele que je luis seul tregraves seul si peu compris
Il y a beaucoup plus que des anneacutees il y a lanl de penseacutees1 il Ya lant de deacutesirs tant despeacuterances deacuteccedilues t
Mais ln es venue el te voilagrave1 El comme il est vrai que lon grandit quand 01 aime un ecirctre nouveau il est bien vrai que ln vic ne commence que Iorsquelle se
LA aONQueacuteTR DE LlDEacuteAL 159
retrouve Se peacutenegravetre sexalte cl seacutemerveille dans 14me droite lidegravele tendre de celle qui ltun geste lent et sucircr
dune ligne volonlaire vient en feacutee des jours anciens nous eacuteveiller agrave notre recircve mecircme
Vous changez ma nuit en IllIniegravere cl le flambeau de votre ideacuteal qui nous illuminera sans cesse est auss] haut et pur quune eacuteloile de infini Merci de renoncer par amour agrave la vie brillanle joyeuse eacuteclatanle que vous pourlIumlez avoir si taciement dans le monde et de libreshymenl accepter ma voie de rcaiiteacutes seacutevegraveres de disciplines incessantes el de classification de LOIILes choses en vue de lŒuvre agrave accomplir
- En choisissant ainsi lui aimiddotje reacutepondu j~chilDge le meacutetal clinquanl pour de lor pur et le simple cristal pour du diamant sans prix
Et puis si noIre chemin na pas le faux eacuteclat des vaniteacutes mondaines nesli1 pas eacuteclaireacute des lumiegraveres si douces de la paix de lharmonie nesl-il pas beacuteni dans ses espeacuterances merveilleuses JI
Longtemps nous avons eacuteoqlleacute ensemble les projels dun avenir de lIavai et de tcnuresse longlemps les imiges de nos recircves dresseacutees au Iour de nous nous ont entoureacutes et nous ont berceacutes dans un grand souille denthousiasme
Et les heures senfuyaient leacutegegraveles pleine ef adrables
Il ma parleacute de la bague de fia1iccedilailles bull et ensemble nous avons convenu ltun beau rubis cllneacute qui est la pieTe damour lIl toureacute ugravee peliles eacutemelaudes
- Bientocirct me dit-il je vous passerai 8U doigf cet lInneau symbolique en signe de la prolection et de
_~1 )~Inl~~i ~~~~ ~~i~~WSj ())i~Iii(tiiiii~rTxW ~~ X Y )~ r~)ji~ ~i i li) ~X~gi~ i i)1gt1)gtmiddotiI~ ~ f l ll bullbullbullbullbull _ bull
161
1GU LA CONQUI1TE DE LIDEacuteAL
lamour dont je vous entoure et vous enveloppe cela sera le sceau visible de nOS merveilleuses flanccedilaillesi
Michegravele je te confie mon bonheur je te confie mon espoir cl mes ar-lents deacutesirs pOUl toute la vie Jai en toi une confiance infinie que tu feras fleurir ce quil y a de meilleur en moi ct que je te donne avec toute la foi pure et haute de mon amour enivreacute
Michegravele 1 Michegravele 1 laisse-moi agrave toute heure vivre aupregraves de toi deacutesormais les minutes qui nous seacuteparent sont des amoindrissements de seacutereacuteniteacute et de vie
Et sois radieuse et belle Ocirc ma cheacuterie et sois toute baigneacutee damour el aspire vers tout ce qui augmente et vivifie notre ecirctre
Sois eacutepanouie dans ta beauteacute teacuteerlque sois rayonnante de notre joie raquo
Lorsque grand-pegravere enIra nous preacutevenir de lheure tregraves tardive dans la nuit deacutejagrave avanceacutee Jean-Reneacute lui demanda sil pourrait bientocirct venir nous voir avec s~
megravere qui a si grande envie de me connaicirctre
Il fut alors deacutecideacute quapregraves demain malin Mme Formant et son fils deacutejeuneraient avec nous
Je le reconduisis jusquagrave la porte au boul du jardin ougrave longuemeat encore sous la nuit molle et chaude qui seacutetalait autour de nous comme on boit le parfum des fleurs deacutelicieuses nous avons eacuteehangeacute et confondu la douceur de notre extase
tA bONQU~TB bE LIDtUuml il
xx UAoucirct
r ute io baigneacute des grande~ co~v~rsafioris ~ui ~Jllt
pendant ces que(lues jours illunUgraveneacutee et c6mme g~ndie jeacutecouteacute nies penseacutees ea eacutecho
Tout ce qui naugmente pas Jecirctre le diaHilue Tout ce qui ne grandit pas abalsse Tout ce qui nembellit pasabIcircme Rienmiddot nesl indiffeacuterent Rien
Pas une penseacutee pas un acte pas une paroJe pas un ~este pas Une heure
Leacutechange moindre la conversatidn banaJe eutraven t celui qui veut monter
Pour reacutealiser un grand id~al il faut que toute Ja ie tout ce qui Ja tait tout ce qui JJanime tout ce qui rapproche tendent vers cet ideumlal Il ny a pas de demi mesurs Linit~eacute a horreur des tiegravedes et comme la dit Nielzche li il faut ecirctre dur JI pour lIdeacutee Cenest pas eh acceptant les habitudes ordinaires te nest pas en parshy
Iicipant aux mœurs dUne Civilisation deacutecadegte agrave ce point ce nest pas en se nieacutelangeant au monde tel quil est quon peut former le monde futur
Daucuns crient laquoNotre eacutepoque est feacuteconde admirable supeacutelIcirceure raquoEn veacuteliteacute leur ideacuteal nest pas eacuteleveacute et ceuxshylagrave nont pas complis ce que pourrait ecirctre la vie les posshysibiliteacutes admirables qui sont en elle et (luels effroyable gasplUages on tail du temps
1 Cest un grand piegravege que celui de Jamitieacute Lecirctre qui aime mais qui refuse de suivre celui qui va plus Joln
versla sagesse sait se plain1re et apitoyer autrui nest-il pas abandandonneacute par lami hautaiD orgueilshy
_ ---shy
162 L~ CONQU~Tll DB LIDhi
Leux infidegravele qui pour une ideacutee supeacuterieure ou soi-disant telle a le cœur doublier laffection la tendresse le deacutevouement lamour peut-ecirctre de celui qui leste le niegraveme
Mais toi qui aspires agrave monter suis ton chemin Ne te laisse pas fixer par celui qui veut rester le mecircme Essaye de lentraicircner lagrave ougrave te portent tes pail hardis explique-lui ta penseacutee et console-toi de ce que Ion incompreacutehension fait pleurer en toi en essayant
de lui euvrir la porte du Sentier
Sil laime assez il comprendra ou alors cest quil est trop loin de toi et tu nas plus le droit darrecircter la vie et le progregraves en toi pour rester proche de lui en arriegravere
Cherche leacutechange de celui qui teacutelegraveve (lui tapporte qui teacutevolue
Donne agrave ceux qui suivent ton chemin et que tu peux aider agrave marcher vers la lumiegravere Ne te limite pas agrave ceux t1ui refusent daimer son eacuteclat ou (lui nient sa reacutealiteacute
Si tu en souffres deviens-en plus fort Nobscurcis jamai~ ce que tu ~s compris en le meacutelangeant et en le teintant de la penseacutee qui lamoindrait Il Garde toa cœur pius que toute chose quon garde raquo Et comme la dit lApocirctre ~e divise pas en toi le corps unifieacutebull
Souviens-toi du Lekhlekha (i) Biblique Avant de donner agrave Abraham sa haute mission agrave remplir lEternel dit agrave Abraham laquo Tu quitteras ton pays et le lieu de ton parentage raquo
Et pourtant Abraham eacutetait neacute il Or (Lumiegravere) en ClutIcleacutee Et la lumiegravere chaldeacuteenne (Aor) eacutetait deacutejagrave pro fonde
(t) Abandol1ne
tA dONQU~TE illt LIDEacuteAL 163
Mais On ne peut servir Dieu et le monde On ne doit poin t entraver en soi la malche de lideacutee Sois fort sois courageux La sentimentaliti ambiante tassume de toutes parts Ne confonds plIS sensibiIiteacuteavec affection ou bonteacute ou miseacutericorde Ln vraie miseacutericorde est une avec III Justice et il est juste avant toutes choses que tu protegraveges en toi le Divin que si peu reccediloivent et comshyprennent
Entretiens-toi sans cesse de la Sagesse qui es] lagrave science de la vie Refuse les paroles flivoles Fuis lentretien quelconque eacuteloigne-tot toujours plus de ceux qui acceptent le monde tel quil est ou qui douten t de ta mission
Sois fidegravele agrave ta mission par dessus tout
Sois le serviteur de lideacutee
En agissant ainsi tu deacutelivres lideacutee tului frayes uri gland chemin de respect et de seacuterieux tu la gardes
agraveplus pure et ceux qui riennent elle la comprendront plus nettement et oseront parce que tu lauras oseacute Se seacuteparer des ideacutees confuses et obscures se Seacuteparer des mœurs du monde
Ainsi un peu du monde futur pourra se ormel
4tbull
12 Aoucirct minuit
Oh 1 dramatique destin June pa uvre acirclDegrave si forte arrecircteacutee en plein eSSOr pal le reacuteseau dinextlicables obstacles quelle a elle-mecircme dresseacutes sur sa route
_-__-_-------------shy
tamp C()NQU~TE DR LroEAgraveLiucirc4
Pourquoi oh pourltJuoi Quand jc suis au milieu des recircves les plus beaux quand la vie magnlflque eomme un oceacutean prodigieux toule en ses flots puissants toutes les splendeurs dun udmirable eacuteteacute toutes les feacuteconditeacutes tou tes les richesses de la na ture lJuand les journeacutees ltIue nous vivons mon bien-aimeacute et moi sont tellement hautes intenses joyeusement sereines et remplies que je nai plus le deacutesir den exprimer les rythmes tant il est vrai que les profondeurs du bonheur sont silencieuses quand toute la lumiegravere pourrait devenir eacuteblouissante pourquoi oh pourquoi le soleil sarrecircte-t-il de luire soudainement sur cette miseacuterable
)
vie deacuteserte qui allait eumlnfin fleurit dans sa merveilleuse
pleacutenitude
Combien cela mattristc et je sens seulement mainshytenant agrave quel point je laime
Pauvre pauvre chegravere Jane Lexistence tc fut au fond toujours cruelle malgreacute les apparences brillantes dont elle tavait orneacutee et qui saura jamais tout ce que
lu as souffert
Moi-mecircme ai-je eacuteteacute pour toi ce quc jaurais ducirc ecirctre Peut-ecirctre si javais su parfois mieux tentourer aurais-lu eacuteteacute moins malheureuse moins heacutesitante moins troubleacutee
Je ne puis croire agrave cette reacutesolution eacutetrange deacutesesshypeacutereacutee Et lamentablement la silhouette douloureuse de Iane me hante Image tragique sans cesse preacutesente dans mon cœur elle syntheacutetise son Passeacute mysteacuterieux deacuteseacutequilibreacute et dont la reacuteaction Inexorable lencercle et
leacutetreint
Mais non cela nest pas possible 1 Elle est trop belle trop jeunc trop ardente pour renoncer agrave toutes joies
LA OONQm~TE DE LIDfAL 165
pour abandonner lespeacuterance au moment mecircme ougrave le bonhcur lui apparaissait si proche ougrave lnltcnte dc III reacutedemption irrndiuil tout son ecirctre
Cependant qua done cclie soireacutee cette nuit de si lourd de si trlstc
Et je lelis encore la lettre deacutechirnnle quelle a crieacutee vers moi
laquo Ma ltllch61e cheacuterie
laquo Au milieu des ruines de mon acircme je cherche pour un mornen t la force de te dire ma deacutetresse parce que tu as le droit de savoir parce que je veux Ique tu comprennes
laquo Trop tard ~ Trop tard l Tout trop tard 1 1
laquo( Trop tard venu lavertissement qui arrecircta ma course folle
laquo llOp lard la rencontre merveilleuse Trop tard ma rupture des indignes chaicircnes
laquo Trop tard tout leffort de ma volonteacute tendue pour reacutepare l Ics fau tes des truel rices
En avaut quand jo regarde au loin je naperccedilois plus quune route en Ieu des ponts qui secroulent des torrents qui ravagent et qui brisent
En arriegravero si je regarde je ne vois quun marais brumeux sordide miseacuterable slins une fie III de beauteacute
sans une lumiegravere damour sans une icircle de recircve Hien rien seulement langoisse du laquo cela alraillu ecirctre )
Je ne peux pas lutter Cest trop Je mentuierai loin loin
Je ne peux pas revoir ecmonde ce piegravege Ma lettreacute
u t
fifi LA CONQU~TR DB LIDEAL
est un adieu Si tu maimes ne cherche jamais agrave rien lavoir de moi
Jeacutetals freacutemissante despoir et de reacutesolution jc me sentais capable de remuer des montagnes jeacutetais eertaine de maffranchir de me relever Ile me purifier Oh 1 jeacutetais sucircre de resplendir
Mais voilagrave Lui il cst marieacute
Ah 1 il r a Irais ans Quand il maimait quand je lai deccedilu quand je ne lai pas reconnu quand jai ignoreacute lia souffrance quand jai joui de sa souffrance - comme 1
de celles des autres - alors il eacutetait libre
Cest bien moi qui nai pas su qui nai pas voulu Loo
La reacutealiteacute lagrave veacuteriteacute la vie tout sest offert1Moi je neacutetais pas precircte - Maintenant je pleure
Lui if est droit il est noble il a un foyer une femme des enfants - sa droiture est c onlregrave moi Il maime et toute sa vie aussi sera marteleacutee de mon souvenir il maime dans un regard dans un mot au fond de son agraveme voileacutee la lueur dUne eacutetoile au lieu de la clarteacute sans limites du soleil
Ah 1 je serais resteacutee jau~ais dompteacute lassoiffement de mon corps Jaunis domineacute le tumulte des vagues de ma tendresse impuissante jaurais veacutecu des mieIles de bonheur qui me seraient venIles de lui agrave travers lespace comme se nourrissent les oiseaux familiers 1
Cela mecircme est impossible Le fauve sest deacutechaicircneacute la colegravere la jalousie lorgueil ont allumeacute la farouche passhysion dUD homme qui se croit le droit de me garder par
Ia menace pal la violence pal la haine
s veageance plane oh 1 ras sur moi sur Lui
LA CONQutTE DB LIDEacuteAL 167
- _
Comprends-tu Michegravele
Sur Lui il est comme un otage qui reacutepond pour moi 1
Chacun de mes gestes est eacutepieacute par celui qui fut mon amant Talbrut 1 ne reculerait devant rien
Et lagrave cest linexorable Cet homme est en fer Je ne peux ni rester avec lui que jabhorre ni approcher Wanneshield dont la preacutesence est mon tout une parole une rencontre serait le duel peut-ecirctre le guet-apens 1
Alan je pars je menfuis Ne me demande pas ougrave je vais Le nuage informe quentraicircne louragan sait-il co quil sera demain
Ne me regarde plus
Tout est fini Ce soir je ne serai pas ici
Quelques-uns seacutetonneront Dautres me chercheront peut-ecirctre Iais nul ne me verra plus jamais jamais
Et la vie est ainsi laite quil faut que je leacutecrive mon adieu au moment ougrave tu mapprends la chegravere nouvelle de tes fianccedilailles
Dans ma douleur sans fond je taime pourtant assez Ocirc
ma cheacuterie pOUl sentir une eacutemotion p~ofonde et douce qui me pousse vers toi si tendrement
Michegravele bien aimeacutee je comprends en ce moment tant de choses nouvelles qui entrent brusqusmen t en moi par la grande blessure de mon cœur 1
Ah les plus hauts despsychologues qui nous peignent en tableaux admirables les passions les sensations les actes et les deacutesirs de lhomme ne vivent que dans un domaine infeacuterieur et au-delagrave de cette sphegravere active il y ~ tous les eacutelans plus protonds de lecirctre et toute la
_
(68 LA OONQUtTB DB L~DtAT-
ie reacuteelle - celle que je nai pas veacutecue - cette vie ineacuteshypuisable infinie mysteacuterieuse (lui nous frocircle de ses crandel ailes aux seuls moments heacutelas ougrave la douleur bat ~urnous
Pourquoi attendons-nous les heures si graves pour penser plus gravement
Pourquoi lacircme profonde ne seacuteveille-t-elle dans les ecirctres ou dans les peuples que lorsquun drame les eacutetreint
Bientocirct je serai loin tregraves loin et je sens seulement agrave cel instant terrible ougrave ma reacutesolution inexorable doit laccomplir - comme si je voyais deacutejagrave ma vie dici avec beaucoupde recul ou de ti egraves haul - je sens seulement mainlenant combien lexistence humaine est remplie dheures vaines steacuteriles superficielles distraites pal tout linutile et combien elle pourrait devenir splendide si chacun roulait comprendre 1 Le grand ennemi de lhomo megrave heacutelas cest lhomme lui-mecircme Et moi javais peutshyecirctre reccedilu plus de forces quil nen doit ecirctre accordeacute aux humains pour aimer
Lacircme profonde ~veut nous parler mais sa voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffent
Michegravele cheacuterie je sais que celui avec lequel tu vas vivre la vie a compris deacutejagrave plus que je ne sens encore Ecouleshyle suis-le comme tu laimes Il est de ces rares (lui cherchent agrave ouvrir les portes scelleacutees par ougrave notre espeacuteshyrance monte vers En-Haut et par ougrave un peu de la grande lumiegravere du ciel pourra descendre sur les hommes
Oh Iloyez heureux soyez beacutenis 1 Vous deux qui vivrez P9ur fair lavenir meilleur Je VQuS comprends et je
L CONQU~TB DE LIDEacuteAL Hm
vous regarde je vous comprends et je vous admire Oh Vous Deux soyez heureux 1
Et ce vœu est la seule eacutetincelle ardente qui seacutechappe de la Douloureuse qui sen va nemportant avec elle que remords deacutetresse regrets et renoncement
Car jai enfin renonceacute agrave Tout
Jane
16 Aoucirct
Nul ne sait ce quest devenue ma pauvre grande amie
A Interlakenon ne la pas revue depuis le 11 Aoucirct
Plusieurs preacutetendent quelle est partie par Je train du soir qui rejoint IExpress-Orlent Russie Sibeacuterie Chine - qui sait
Je lui avais teacuteleacutegraphieacute aussitocirct apregraves le reccedilu de sa lettre
La deacutepecircche nela plus trouveacutee heacutelas et mest reve~ue
TOIlI le pays est en eacutemoi de cette disparition subite ct complegravete
Sans doute celui pour lequel elle a tout abandonneacute a-t-il eu tille derniegravere leltre delle
Mais elle Ile lui aura padeacute qlle de lamour qui aurait pu ecirctre son relegravevemeu t et (fui est devcnu la cause de sa deacuteroute
Peut-ecirctre recevrat-je un JOUI lin mot delle venu le cel Orient lointain qui la toujours attireacutee Et je Jeacutevoque
je la revois si belle avec ses grands yeux de vertige
__________bull ~ ~ ~ t _ lt bullbullbullbull ~ ~ - j ~1middotbull11 nmiddotv 1 1 I~ IN H l~ Il~ Z 1Jl~~~f 1middot~~yv ~ l~ ( Ii l i l(gtgtmiddot~middot ~ ~ I~ ~r-r~ 1iI l~ l~ iuml~~llll~i) ~fi gt~~ 1 l)) iygt~middotg ~ 1~l 1 ~ 1lt ~i 1~S lt1 ~ iFS~W1~~~Icircmiddot~r(tmiddot~~~1~~ ~~n~~~(Fmiddot1
l70 LA CONQUI~TE Dn LIDEacuteAL
quand elle me prenait sur ses genoux et quelle me serrait contre son CŒlUI vibrant et passionneacute
Pauvre Jane 1 Nentends-tu pas lappel de ma tendresse qui seacutelance vors toi et qui voudrait si Iortemen t te sou tenir et te bercer
Il Y a dei moments ougrave la vie touche linsondable
Et malgreacute la consolation terme et douce de mon grand soutien je ne puis deacutetourner ma penseacutee de ce drame eacutetrange
Jean-Reneacute aurait eacuteteacute si capable de comprendre et daider Jane 1
Il a aimeacute la fin de sa lettre laquo Lacircme profonde veut 1
nous parler mais Sl voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffentraquo
- laquo Cela est vrai memiddot disait-il tout-agrave -lheure Ta
pauvre amie Michegravele a compris de nouvelles veacuteriteacutes
dans Sil lourde souffrance
Auxlleures tragiques qui sonnent dans la vie soudain son cocircteacute seacuterieux apparaicirct et lecirclre est tout precirct alors agrave
seo tir les progregraves agrave reacutealiser les ameacuteliorations agrave accomshyplir les efforts reacuteels il faire en soi et autour de soi pour abolir ce que lon peut des souffrances humaines
Mais heacutelas trop souvent presque toujours (lue le soleil ~u bonheur reacutechauffe lecirctre meurtri que la vie seacutepashynouisse de nouveau et avec la paix qui revient renaicirct lindiffeacuterence de lecirctre son inertie sa Irivoliteacute mecircme
Voilagrave une des immenses reacutealiteacutes symboliques de lAnshycien Testament chaque fois que le peuple dIsraeumll tombe en deacutetresse il se tourne vers ion Dieu pour limplorer j
~~
tA CONQuecircTB DE L~DacircAL 171
Dais degraves que la prospeacuteriteacute lui sourit de nouveau il deacute tourne ses pas des sentiers de la justice et il adore les idoles impures du monde profane D 1 Nous eacutetions dans un courant de penseacutee ougrave Jean-Reneacute est ineacutepuisahle Il continua Ionguement
-- laquo Tant ltflle la vie reste veacutegeacutetative inconsciente elle est heureuse telle quelle est parce quelle nexiste que dans le preacutesen t En geacuteneacuteral elle se conten te de ce quelle est puisquelle ne conccediloit pas le mieux-ecirctre
laquo iIais degraves que la conscience seacuteveille et que lintelligence
compare se souvient espegravere il ny a plus aucun bonheur possihle dans les conditions de la vie primaire classifieacutee alors comme insuffisante douloureuse instahle
laquo Lorsque la vic nest plus satisfaite par II sensation la sensualiteacute leacutepanouissement naturel et ltflle lintellishygence commence il formel des modes nouveaux de jouisshysance -les plaisirs intellectuels ou intellectualiseacutes - cest que la conscience est eacuteveilleacutee et par conseacutequent lhomme
qui touche cette phase ne peut plus sauf par un effort daveuglement volontaire se deacutetourner de la recherche constante du mieux-vivre
laquo Deacutesormais toute la sphegravere de laction possible appashyraicirct sous deux aspects llin constructeur lantre destrucshyteur lun (lui tend il ameacuteliorer lautre agrave deacuteteacuteriorer les conditions deacutejagrave acquises
laquo Sous cet angle les jouissances naturelles qui furent toute la vie primaire restent neacutecessairement la base de la vie intellectualiseacutee mais comme Iinlellectualisatten de ces jouissances est susceptible de les fausser il y a agrave
deacutevelopper une volonteacute de na tm-alisme balanceacute Iortifian t ~aiQ
-
-
1
_
173 112 LA CONqUlhE ns LIDEacuteAL
bull ci De plus pregraves encore il faut passer au crible les plaisirs intellectuels (lui si facilement peuvent devenir des excitants ruineux des stupeacutefiants des eacutepuisants
laquoAutrefois la saugraveuetlaquo de la vie consistait reacuteellemen 1
dans celte balance celle hieacuterarchie harmonieuse dc toutes les faculteacutes
CI La destruction vient de lexcegraves cest pourquoi Iasceacutetisaie nest quune caricature de la vie sainte parce quil cherche agrave saper la base fondamentale et naturelle
laquo Lorsquon a compris ces choses lorsquon sait que lintelligence peut transformer lorsquon sent tout ce qui manqlle que deviennent les plaisirs futiles les gasshypillages de forees les tempecirctes passionnelles et toutes ces distractions vaines tout ce (lui deacutesagregravege ce que nous voulons ce que nous devons organiser
laquo Les mots contiennent de grands enseignementsmiddot parshyce que lantiquiteacute savante les a formeacutes syntheacutetiquement selon les lois reacuteelles de lecirctre eacutetymologiquement distracshytion laquo distrahere raquo veut dire laquo tirer-hors raquo nous tirer hors de nous-mecircmes hors de notre preacuteoccupation de notre responsabiliteacute de notre espeacuterance nous faire oushyblier les choses seacuterieuses
laquo Et croyez-moi Michegravelesi la tlistraction peut ecirctre leacutegitime dans certains CfJS il certains moments 0 elle est ponr ainsi dire neacuteceSSaire combien elle est illeacutegitime et neacutefaste pOUl ceuz qui sen serveltt dans linsttuuuml Olt
pleins de [oree ils pourraient trtniailler agrave JeacuteaLiser lideacuteal cest-agrave-dire agrave mateacuterialiser dans la vie ambiante la conshyception in tellectuelle du mieux 1
laquo Que les homaes depuis si longtemps quils souffrent
tl CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
et se deacutebattent entre le Jardin de lInconscience et lacirc Terre Promise soient si pcu nombreux agrave prendre virileshyment la route qui les megravenera vers le bonheur intellectuel cest lagrave leacutetonnant mystegravere que la complexiteacute de lhistoire politique du genre humain explique en partie
laquo La frivoliteacute la leacutegegravereteacute inouiumle larrivisme eacutegoiumlste lindilTeacuterence cultiveacutee de la plupart des intelligences est comme un voile qui cache la graviteacute de la vie la proshyfondeur merveilleuse des possibiliteacutes quelle contient 1raquo
Une lettre dAndreacute Calvis
Florence 18 Aoucirct
Vous sentez tout ce que jeacuteprouve en apprenant vos fianccedilailles Michegravele 1 Par-dessus el au-dessuslife tous les sentiments divers et complexes que celle rande neuvelle
eacuteveille si profondeacuteœent en moi mes vœux seacutelancent ardents graves fervents et conscients de tout ce quils impliquent 1 Soyez heureuse chegravere Michegravele vous et celui que vous avez trouveacute digne de vous
Plus tard un peu plus tard quand VOliS serez mariee et lorsque je me sentirai plus fort je viendrai vers vous deux et jespegravere que vous maccueillerez comme je vienshydrai en ami et en fregravere Car je me souviens de vos paroles du dernier soir CI quil faut garGler comme des clioses tregraves preacutecieuses les liens reacuteels neacutes dans nos vies D
bullbullbullbullbullbulll lt~) ~~middot 1 bullbull~ bullbull bullbull ~Il~lt bullbull ~ _~ bullbull __ 0
__ __ __ _ _
174 LA CONQu~rE DK ~IDeacuteAL
Oui nous deacutetruisons parfois inconsideacutereacuterneul pal inconsshycience ou pHI fuihlesse ces lieus qui soa l en reacutealiteacute cl
en essence de la vic mecircme de la beauteacute de lamour dans le sens le plus eacuteleveacute du mol Nous tuons ainsi en nous de la vie en nous diminuant en veacuteriteacute nous-mecircmes
Parmi les ruines des souvenirs somplueux que vous mavez laisseacutes il esl neacute un nouveau poegraveme tel un jeune arbre plein de vigueur Je llais quen lachevant jaushyrai triompheacute de mon chagrin Michegravele El quoique ce puisse sembler choquant que jose encore aujourdhui Iait-e une allusion au passeacute il me Iait lanl de hien de POUVOil agrave cause de vos fianccedilailles mecircme vous redire ma respectueuse affection raon deacutevouement inalteacuterable Dites agrave velre fiasceacute combien deacutejagrave je laime puisquil vous rend heureuse Et sachez lous les deux quen ces heures inlenses lue vous vivez ougrave tanl davenirs ~erlllent parmi linconnu mysteacuterieux des destins (lui se nouent et se peacutenegraveshy
trent nul plus que moi nappelle vers vous le bonheur le gTand lunique hsnheur qui illumine la vie 1
SUl la terrasse dougrave je VOliS ecris le parfum intense des loses dItalie se reacutepand III moule dans lair du soir Quainsi montent jUS(IUagrave vous respectueux et profonds les neux de celui (lui meure un ami
hdreacute Calvis
Andreacute Calvis 1 Edmeacutee Torguegraves 1
Tons deux sc sonl trompeacutes dabord SUI leur veacuteritable chemin
Comme il esl facile de se tromper degraves quon ne parle
LA CONQUEcircTE DE LIDEAL 175
pa~ en soi un sens indeacutefinissable de la direction el de leacuteloile Les nuuges te lil seatiuieataliteacute tendre romashynesque el faible comme les voiles de 1 serrtiurenluliteacute somptueuse lyrique el dramatique suffisent 1 enteacuteneacutebrer la reute lour ceux-lagrave il faut ne main secourable qui tosse luire un rayon de veacuteriteacute Il me semble que de ces deux erreurs uae belle reacutealiteacute pourrait surgir Edmeacutee 1
Acircndleacute Ils Ile savent pas combien leurs natures se reacutepondent 1
Linterpeumlneumltratien cest lillimiteacute linfini 1
Mal~reacute lintensiteacute te leur ecirctre et sa valeur selon SI
propre loi tous deux furent agrave nous deux limiteacutes et finis parce que leur monde neacutetait pas notre monde parce (lue leur attente neacutetait pas notre attente 1
)Iais jai liatuilioa certaine quen se rencontrant ils se retrouveront et quen se trouvant ils vibreront eux I1Issi leur accord infini
~
20 Aoucirct
li Y a tnt de choses (IUC jaurais voulu pouveir eacutecrire de tout ce que me dit Jean-Reneacute Les coavershysatieas degraves quelles se dirigent vers les hauteurs deacuteroushyleat tes livres entiers Et je ne rappelle agrave la surface de ma meacutemoire que des fragments infiniment petits
laquoLa vie est ce que nous la faisons Or la vie de lhomme actuel nest pas encore consciente ni reacuteellement
Tbull yumiddot lxcv l7_Vf l rimiddot lt~~ li i i ili f v~l ~middoti1 middotmiddotGmiddot middotI~i~ ~WYINiumlW llPt 1 V)Ilt1tnJ~bull bullbull _ u bullbull bullbull on u
1
1iuml6 LA CONQUEcircTE DE il~tlU
formeacutee Lhomme dont les cinq sens ordinaires sont seushyIement eacuteveilleacutes veacutegegravete dans un eacutetat dinconscience grus~
siegravere et de leacutevolution de ses sens latents deacutepend le raffishynement et le progregraves veacuteritable de la vit
Quelques-uns conccediloivent mal comme quoi ce que Pdn appelle communeacutement de ce mot mal choisi loccullisshyme (mot qui ue veut rien dire en veacuteriteacute puisque tout est occulte jusquau jour ougrave cela devient objet de science cest-agrave-dire dexpeacuterience el de connaissance ce qui est preacuteciseacutement le cas actuel pour ce que lon appelleocculshytisme) quelques-uns conccediloivent donc mal que ce que lon appelle plus justement les sciences psychiques puissent aider par leur progregraves le honheur humain et la reacutealisashy
tioa dune vie plus haute et plus noble Comment ne pas comprendre cependant qlle si nous
voyons tous la vie agrave travers nos propres yeux que si nous n~ voyons que ce que nos orglInes actuels sont capables dapercevoir notre champ dinvestigation dintelligence de compreacutehension et de connaissances augmentera proshygressivement au fur et il mesure du deacuteveloppement de lhomme lui-mecircme et des sens supeacuterieurs quil possegravede latents Comment ne pas deacutesirer eacutevoluer au plus haut de son individualiteacute dans toutes les directions possibles
Comment ne pas mecircme essayer sincegraverement et avec perseacuteveacuterance leacuteveil de ces faculteacutes psychiques traditionshynellemenl connues et qui enrichissant lecirctre en profonshydeur et en reacutealileacute lui permellent de sentir Iil vie agrave un
eacutechelon quil ne soupccedilonnait pas encore auparavant de soulever un voile sur le mystegravere de linvisible et daccroicircshytre infini~ent la connaissance humaine en lui permetshytant de peacuteneacutetrer dans ce que lon pourrait appeler laquo lenshyvers ou lautre cocircteacute des choses D
LA CONQU~TE DR LIDEacuteAL i77
Alors lhomme eacutevolueacute ainsigt peut comprendre non seulement ce que paraissent les actes les paroles les penseacutees mais ce quelles Salit AlOlS sil cherche agrave trashyvailler au bonheur humain son effort raffineacute et compreacuteshyhensif visera juste et aura chance daider la vie en sa reacutealiteacute ct en Son essence mecircme en sa ~randeur en sa diviniteacute
Cal lhomme actuel ne se meut et nagit en geacuteneacuteral que dans lapparence primaire dun mouvement inslincshytit et suractiiuml quil prend pour la vie et qui est ocirc Comshybien loin dela reacutealiteacute des choses 1
laquo Lhomme ne vit que lorsquil est au plus haut de ses possibiliteacutes D a dit un poegravete Lorsque lon songe agrave cette penseacutee avec quelle meacutelancolie on constate corablen peu decirctres vivants vivent et combien rarement ceux-lagrave aussi qui savent monter au plus haut deux-mecircmes se maintienshynent sur ces cimes lumineuses 1
Toule lorganisa lion des socieacuteteacutes Con temporaines tend agrave ramener lhomme vers en bas Les habitudes les Conshyversa lions les usages les foules les fecirctes les reacuteunions mondainas amicales 011 familiales les eacutechanges les mœurs les amitieacutes les relalions rien nest fait en vue de leacuteleacutevation spirituelle de lindividu en vue de Son eacutevolution profonde et tout au contraire cherche agrave le faire descendre vers le niveau moyen - du Tout-leshyMonde ordinaire
l Comment ne pas voir que le progregraves de la vie ne peut
ecirctre quen mesure du progregraves de lhomme qui forme cette vie Comment ne pas sentir ce que la connaissance de la vie vi~~lIte et la peacuteneacutetration du soi-disant invisible ajoute il la conscience humaine Comment ne pas comshy
Ibullbullbullbullbullbullbullbull middotmiddot~~middotllt~ lt~ L Il
bull 1
li9 l bull
LA CONQU~TE DE LlOiAL
Mal nos doles eacutetreintes siIIumi~aient lune par lautre i 1 ) 1 r
DOS lents baisers sapprofondissaient lamour descendait sur nous nous baiaant de ses vagues envel~ppantes
Amollir seule reacutealiteacute que mon etre conccediloive hor~ de tespace et hors da temps amour unique loi de vie orishygine des choses et suprecircmebut de toutes lecircs choses
Puis comme ties profondeurs dun lac montent peu agrave peu et seacutepanouissent les fieurs du neacutenupbar lentement du profond de nos ecirctres seacutelevegraverent les paroles i
- Il fait eacuteternel murmura Jeaa-Beneuml
Et ioucement il eacutevoqua lavenir
- Dans quelques semaines Michegravele cheacuterie le cadre de notre solitude sera plus vaste et plus solitaire lorsque nous partirons quelques jours apregraves notre mariage dans ma petite maison deacuteteacute ougrave Octobre nous sera si beau
Dans ce pays de montagnes et de forecircts les automnes sont feacuteeriques et lagrave nous nous peacuteneacutetreacuterons chaque heure davantage ~t nous eacutetablirons une vie noble et haute sur cette base physique lI1erveilleuie la nature 1
Avec leacutechange constant de nos ecirctres les jotJis~IDeacutee5 clviendrent exquises et nous apprendrons de mieux en mieux agrave aimer les richesse que nous offre la terre la beaateacute des grands arbres la splendeur des champs les lointains des montagnes mauves les torrents dargent qui sautent si librement et qui forment les claires cascades voisines de notre home ougrave le murmure des chutes deau et de la brise dans les feuillllge~ enchanteront de leur musique notre alJloulmiddot recueilli Puis cc sera lheule Oi1
le soir tombe et ougrave DOS promesses seront si tendres dans chaque mot pronccedilnceuml tout bas t ce sera lheure ougrave les
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL
24 aoucirct
bull
o belle soireacutee dhier si intime el si douce atmosphegravere deacutelicieuse-de ma chambre alourdie pal les fumeacutees du haut brucircle-parfum et des odeurs mielleuses de toutes les gerbes de fianccedilailles qui remplissen t les vases les potiches et les cruchons de cuivrebull
Oh 1 charme de ces heures intenses deacutelices de vivre eacutechange abondant de tendlesse silencieuse bercement de bonheur eacuteclosion despoirs richesse de deacutesirs infiai
merveilleux
Nous ne nous parlions pas trop perdus dans loceacutean de notre regraveve
bullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullirr
prendre que tous les grands geacutenies qui formegraverent en veacuterileacute la civilisation actuelle furent des initieacutes des proshyphegravetes ou des occullisles El quc les penseurs de second rang ne veacutecurent que de ce quils pr-irent agrave ceuxshylagrave El pourquoi ne pas aller jusquau fond des choses 1
Toutes les civilisations qui anoblissent lhumaniteacute sont uniquement formeacutees sous linfluence des anciens livres sacreacutes la Chine intellectuelle est tout entiegravere contenue dans Confucius et LaoTseu lInde a ses Veacutedas les lois de Manou la reacuteforme de Siddharta Ce qui leste de Parsis garde lAvestha et limmensiteacute musulmane prend ses racishy
nes dans la Bible par Mahomet
Enfin notre penseacutee occidentale est davantage encore
fil~~ de la Bible ce splendide livre de sciences profondes que comprennent si peu ceux-lagrave mecircme (lui le veacutenegraverentraquo
178
gR A
HW LA CONQUEcircTE DE Lwh
eacutetoiles montent dans Ic ciel (lIi vient de seacuteteindre et ougrave nos penseacutees aussi libres (lIC linfini des cieux sans limites
chercheront de nouveaux horizons ~
Car nous voulons nest-ce pas ma Michegravellaquo mainlenir
nos legards vers toujours plus loin
Nous sen tons en neus un moi supeacuterieur (lIi demande
ft se manifester el qui cherche il seacutepanlllllir Et il ne faut pas encombrer nos vies de banaliteacutes doccupations quelshy
conques ou dideacutees mesquines si nous voulons progressishyvement chercher agrave monter vers ces crecirctes eacuteleveacutees ougrave
lhomme ne sait pas assez se maintenir
La spiritualiteacute nesl pas une qualiteacute mysi ique irnpreacuteshycise et vague de seacuteveacuteriteacute ou de pm-ilnnisme cesl la plus sage et la plus meacutethodique volonteacute dl reclvoir et dutiliser
toujours mieux nos capaciteacutes ces] la Iorcc de progregraves et deacutevolu lion que doi t deacutevelopper con1in uellemen t en elle
toute intelligence veacuteritable
Si chaque homme appliquait ses efforts de perfeclionshy
nement sur lui-mecircme si chacun cherchait avant tout agrave se construire sans cesse un corps plus sain et plus robuste
un caruclegravere plus souple el plus ouvert une volonteacute plus ferme une mentaliteacute plus savante el plus forle combien
toute la vie serail vite changeacutec-
Cest lagrave la a seule chose neacutecessaire raquo mais 011 a si peu
cempns 1
Il faut aussi -vouloir laquoatteiRdre raquo il la seacutereacuteniteacute il laut ~trecalme joyeux espeacuterant sans heur et sans trouble Tout trouble est nuisible surtout aux heures de danger et dangoisse ougrave il fait perdre III luciditeacute la clairvoyance
et la deacutecision deacutesirables
JA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 1Rl
-----------------------shy
Il faut ecirctre comme un grand arbre majestueux dont les racines sont profondes don la cime monte vers la lushymiegravere et dont les branches souples ct flexibles savent en se balanccedilant mollement reacutesisler agrave la tempecircte
Et si cet arbre porte des fruits agrave la maturiteacute ce fruit sc deacutetachera pal la loi naturelle de mecircme si lecirctre arrive
agrave ecirctre riche de puissances vitales et de dons spirituels il devra les manifester el reacutepandre SUI autrui la vision plus pure de son in lelligence
On ne doit ct lon ne peut rien garder jalousement pour soi si lon veul faire croicirctre la richesse de son ecirctre
Mais il faut seulement donner agrave ceux qui sont capahles de recevoir Et il nous faudra Iormer Michegravele degraves que nous reviendrons agrave Paris tout un milieu sympathique et raffineacute don] les tendances seront semhlahles dont les eacutechanges seront ha rmonieux don t la volon teacute sera intelshylectuelle ~eacuteneacuteleusegt eacuteleacutegante et pure
Au centre et au sommet de cc groupe nos Maicirctres shyaupregraves desquels jaurai tant de joie agrave vous conduire hienshy
tocirct en cet Oasis eugrave jai appris agrave penser - seront notre
lumiegravere ct le grand abri protecteur lArche sain le qui conlient les germes dun monde futurgt malgreacute la confushy
sion cl les chaos exteacuterieurs
J)jI ils me demandent de prnser i cet entourage eacuteleveacute (lui VOliS conviendra puisque nous aUlOIlS agrave voir beau cou p di ndividuali leacutes not re travail tan t avec les homshyeacute
mes Il faul vivre intenseacutement il Iaul entendre le plus possible les grandes symphonies eacuteternelles que chantent les mondes et comprendre toujours mieux les splendeurs de lart de la science de la vie prodigieusement infinie Mais er veillant agrave la mise en forme progressive ltte tout
~rlt~~middot~~ y ~ ~r~ middot~lt~middot~middot ~(tlt ~ 11-~ ~ ~~ JFf~~frY~ ~ N~middot~middotmiddot~~~~middot~i(~middot~~ ~~y~~)~ 1bull- bullbull rf bull H ~Il f r r 1 ~ r1H~n 1~~ (1 e ~ l v~~~~~~~lV~ V~middot-~l~~~~in~~ ~~ tmiddotR~middot ~V~I r~~ ~ Y~~~~~00~ ~ gt~ ~ ri~~gt~middot~middot~middot~middot~~ ~(1 imiddotmiddotmiddot~middotmiddot~ ~ ~
i8tmiddot LA OONQUTB DB LIDEacuteAr
lecirctre ct se mettre en lorme Cest se maicirctriser se discibull plinerbull
Il faut former eacutegalement lamhianee amicale et cher cher les affiniteacutes reacuteelles ascendantes
Ce groupe nous sera preacutecieux et nous aidera agrave surshymonter les niveaux infeacuterieurs dexistence qui se meacutelanshy~ent trop dans la civilisation actuelle et dans lorganisashytion de lactiviteacute des grandes villes nous ne pouvons savolr agrave quel point nOU5 ahsorbons les deacutefauts dautrui et surtout ce qui ne nous paraicirct pas un mal en lui-mecircme (et qui nen est peut-ecirctre en effet pas un pour lautre personne mais qui devient mauvais pour nous si nous voulons tendre plus haut) Nous ne pouvons savoir agrave quel point dans une seule conversation nous pouvons absorshyber de deacutecouragement e futiliteacutes dinertie de vulgariteacute de frivoliteacute dideacutees inutiles et banales quimiddot rempliront de longs jours et agrave tort les espaces de notre acircme
Je voudrais ma Michegravele pouvoir tentourer dun corshytegravege damis nobles et enthousiastes qui chercheraient agrave gravir avec nous les sentiers abrupts de la connaissance les sentiers fleuris de laffiniteacute reacutealisatrice et dont la
plastique intelligence sornptueuse vibrante eacutechangeacutee ferait une harmonie vivante et deacutelicieuse un grand coushylan t de formes joyeuses dans lequel nous eacutepanouirons doucement notre action au sein duquel nous voilerons meacutelodieusement notre bonheur raquo
Malgreacute moi une tristesse menvahit je voyais une tache sombre au tableau de lumiegravere la place vide de Jane parmi ce groupe ideacuteal ougrave sa belle intelligence aurait ai bien pu se spiritualiser
Mon bjeJ-oilJleacute ~~fltit lOIlllgtre qui venait de paner sur
JA CONQun DE L~IQEacute4L J83
moi Il mattira vers lui et il menlaccedila de toute sa tenshydresse forte et protectrice
--- Tu es dans mes bras mainlenan t cheacuterie et lagrave il ne doit plus rien y avoir pour toi que la paix la joie lespeacuterance
- Et il ny a que tout cela en effet Jean-Reneacute avec aussi lamour le plus profond que mon cœur puisse renfermer
Je lui ai dit eneore - Il faudrait que notre bonheur solt un forma leur
dautres bonheurs quil soit un eacutepanouisseur de vie un (acteur deacutechanges plus intenses et plus complets
Dans lentourage dont nous parlons et que nous espeacuteshyrons attirer autour de nous il faudra chercher agrave taire eacutetinceler sans cesse de nouvelles sympathies de noushyvelles amitieacutes de nouvelles amours l
Il faudrait y faire naicirctre toules les eacuteclosions des possihishyliteacutes y relever les fleurs pencheacutees comme ma petite amie Edmeacutee Torguegraves y deacutevelopper les faculteacutes les talents enshycourager les nobles essais et surtout taire de lavie middotmeilmiddot leure par ce geacuteneacuterateur admirableacute de la force humaine les eacutechanges en affiniteacutes reacuteelles
Car lexistence comprise et reacutealiseacutee volontairement par lunion profonde et laide spontaneacutee dintelligences qui comprennent qui veulent ensemble qui se suromhrent et sencouragent les unes les autres deviendrait comme un splendide feu dartifice aux bouquets ininterrompus alors quaujourdhui nous ne voyons que de pacircles fuseacutees sillonner de loin en loin la nuit
- Plus de vic plus de beauteacute plus damour mur mura Reneacute
egrave ~vrmv(~middot~~middotmiddotmiddot v lt1middotmiddotmiddotmiddot~middot~ 1 bull lt(~ii~)~1~~Wry)gmiddotr~~l~W~m_~
ilH LA CONQUlhn DR LIDEacuteAL
Vivre chaque heure eR beauteacute 1 A notre eacutepoque lart nest que limmense inassouvissement des acircmes qui voushydraient plus de libc~l plus dessor plus deacutepanouisseshyment plus de naturalisme plus de splendeur plus dideacuteal el qui sont forceacutees de chercher cela en dehors de la vic
Lart actuel nest pas une certaine partie dun tout magniflque il est leacutetincelle lumineuse seacutepareacutee solitaire vers laquelle se legraveve enivreacute le regard des egravetres de deacutesirs et de recircve 1
Et pourquoi ne pas reacutealiser toute lexistence en ltCIIVIe da rt pourquoi ne IHIS chercher il rendre plastiques
chacun de nos gestes chacune Ugravec nos altitudes chacune de nos penseacutees
Pour cela il faudrait que tout homme aille aussi loin que possible sur la route quil poursuit
Leacutevolution constante voulue ucircpremcnt avec une pelmiddot seacuteveacuterance inlassnbic est la Ta ride transforma triee
Penser aimer agir Penser de plus en plus prolondeacuteshyment aimer de plus en plus intenseacutement agir de plus en
plus activement
Et aire croicirctre en chaque ecirctre son moi le plus eacuteleveacute
laquo La philosophie a dit Novalis est lexcitation du moi reacuteel par le moi ideacuteal raquo
tA CoNQUEcircTB DE LIDEacuteAL
~--------------------
des dignorance sources des erreurs et des preacutejugeacutes les veacuteriteacutes illuminatriccs (lui libegraverent des impulsions et des passions et conduisent agrave lactivilegrave constante de notre ecirctre divin dougrave reacutesulte le regravegnc de lharmonie SUI les terres cela seul est un but digne de lintelligence une œuvre de sagesse et de reacutealisation solaire
Sous le regravegne de la raison et de la science plus haute quelle est apte agrave manifester la science intuitive il ny a plus de place pour les obstacles que lhumaniteacute instincshytive jette continuellement sur sa propre route il ny a
plus de place pour lobscure tyrannie des peuples sur les peuples pour les haines teacuteneacutebreuses des sectes contre les sectes pour les narcotiques empoisonneacutes qlle versent les
fausses morales eacutet les croya~ces eacutetroites
foutes ces entraves tontes ces laideurs seffondrent
se dissolvent disparaissen t et lcu 1 peu surgit lHumaniteacute nouvelle comme en un jardin comme en un temple eacutepanouie miseacutelicordieuse eacutepureacutee lHumaniteacute llormoshynieuse qui du sommet de la pyramide jusquagrave sa hase innomhrahle agit en union pour eacutetreindre en chaque heure lagrave heacuteatilude de lEternel Preacutesent
Je conternplais le deacuteroulcment des visions ct aperceshyvant dans le passeacute tant de snmhrcs trageacutedies faites au
nom du progregraves et de la spiritualisation des masses Ce moi supeacuterieur Ile seacuteveille que dans le calme de la
meacuteditation et il est un fait dun orQIC plus eacuteleveacute que lhomme eacuteleveacute saisira seul Mais lous peuvent sefforcer de le taire naicirctre en eux et cest la seconde naissance
Comme Spinoza le montre dune faccedilon si simple et si noble cultiver en nous-mecircmes et dans les autres hommes leacuteclosion de la raison substituer aux ideacutees confusesJourshy
iuml jajoutai comme une affirmation cl comme un deacutesir
_ Oui Guider lhumaniteacute la transformcr mais par
la joie
Loin de nous le fouet de la crainte et laiguillon de la terreur attirons- par un foyer de pleacutenitude vers le perlecuumlonuement de tentes choses
middotI
f~gt
Jshy
f liltMt limiddotW~middot(~~~f~~~nmiddot~lr(~1)~~~~Iuml ~ ~ - raquo~ ~~i~r~ Y~i ~i~ ~ imiddot~t ~I ~ ~ylt 1~ i~ lI~ (~ 1 gt(i~~~_ Y~~i~ ~ ~ 1~ ~ t l~~~~t~~ ~1 Sr ~~ ~ - ~~Y I~ ~~~ ~~
________
18u LA CONQUEcircTE DE ~II)eacute4~
Te souviens-tu lean-Reneacute de ces beaux vers philososhyphiques et propheacutetiques
laquo Profonde est la douleur bull Plus profonde est la joie r
La deuleur dit Passe el finis laquo Mais la joie veut leacuteterniteacute laquo Veut la profonde eacuteterniteacute gt
Je meacutetais leveacutee devant lui el je passai mes bras autour de son COll
- Et jaspire de tout mon ecirctre et je suis dans la pleacutenishytude du bonheur lui dis-je car maintenant jai trouveacute mon Ideacuteal
- Ma chi rie reacutepondit Jean-Reneacute en membrassant il y aune vieille parole laquo Lhomme nest jamais heureux mais il va toujours lecirctre raquo Cette parole est bien vraie car le bonheur Jeacuted cest lasoiralion et le bonheur ne
consiste pas dans lacquisition dune chose deacutesireacutee mais (( dans la poursuile dun recircve avec espoir raisonnable de succegraves D
LIdeacuteal est le maximum deacutenergie dharmonie deuml beauteacute quil soit donneacute agrave noire faiblesse actuelle denshytrevoir
LIdeacuteal le Bonheur lAmour sont les sommets dune route infinie les sommets lointains qui seacutelegravevent sans cesse li mesure que la route monte
raquo Mais lIdeacuteal nest pas la Chimegravere il est le but voulu et espeacutereacute reacutealisable Le conqueacuterir cest le graver dans son acircme dans Ion corps dans sa vie Le conqueacuterir cest avoir trouveacute un chemin de progregraves constants cest avoir comshypris que lIdeacuteal comme lAmour ne sont les cimes radieushyses de la vie que parce quils appartiennent agrave lillimiteacute
Iuiu-Uctobre 1908
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~LIil sibe~ ~i ce ~in 1 ~p r i q t e m p ha~1 ~~ it middotmiddot ~ ~ t-le soleil est deJagrave SI chaud que Je p~~ j
~ugraveIcirc l~erb ~ verte comme en eacuteteacute da~~ ucirc~ ~ ~ qui me baigne des prellli~rs parfums
~ill~~~ seacutevlIPrent dans lair qui tinte comm~ des cloches l eacutelnlaines comme des cloches joyeuses mes [aclnthecircs roses el mauves s eacutevaporent en ondes subtiles
et eacutenivrantes et je comprends que leur effluve estleur rh Ymntl- li la vie leu hymne au prinlemps l bull
l ~ m agrave n if e s t ll t i o n de leur acircme qui muette et
prisonni egravere se libegravere ainsi pour sunir au grand concert
r~ en tecircte lagaicircteacute la frnicircche puret eacute tout Iespoir et la
de torce- juveacutenile f eacuteconde quapportent ces pre
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3
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A ~ LA CONQUETE DE L IDEAL
iiI
Et je suis heureuse
Le printemps est bien la saison aimeacutee deacutesireacutee de tous
ceux qui aspirent HU renouvellement et agrave la vie nouvelshyle L et qui atteuden t avec amour le spectacle grandiose de la renaissance des choses Jans lessor Je la terre
apregraves lassoupissement de lhiver conceutrateur La vie est rayonnante el mes dix-huit ans palpitent de
tant de foi en elle Paris chaque anneacutee meacutetonne pal la transformation
si vive que le soleil opegravere en lui son allure tout de
suite devient plus jeune son aspect plus enchanteur
Les femmes en un instant deacutelaissent fourrures et cosshy
tumes fonceacutes pour revecirctir des robes de lumiegravere des chashy
peaux fleuris des bottines claires
Du petit coin ougrave je suis assise japerccedilois lavenue Rashyphaeumll oit se trouve lentreacutee du jardin et les grandes peshy
louses du Banelagh toutes animeacutees de plusieurs tennis
Une quantiteacute denfants de beacutebeacutes seacutebattent en riant
sous lœil vigilant des nourrices et des nurses et tout ce
petit monde paraicirct formeacute agrave linstant mecircme par la bashy
guette magique des rayons du soleil
Je voudrais savoir chan ter le cantique dadoration dont
certains peuples saluent tous les matins le soleil levant
comme le symbole de la lumiegravere de lintelligence de
leacutepanouissement universel
Et jentends en moi le cri sublime du Gloire agrave l Asshy
tre Gloh-e au jour de la vierge-deacuteesse de la
Walkyrie radieuse eacuteveilleacutee dun lourd sommeil par le
baiser de Siegfried son heacuteros vainqueuri
Tandis que laccompagneiaent des harpes leacutegegraveres et
qlle les trilles cristallins des violons sourdines seblent
iii -) il jJ _ - il ll Il- ~ j
LA OONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
se diffuser autour de moi dans lair pur matinal lumishyneux japerccedilois grand-pegravere qui sort de la maison eu haut des marches du perron
JI est beau grand-pegravere mon seul parent avec sa lonshy
gue barbe blanche et ses cheveux de neige aureacuteolanl ses yeux fonceacutes
Il sapproche el deacutejagrave je devine la phrase que vont dire ses legravevres
- Michegravele il fait si beau 1 Allons au bois
Ce matin jaimerais faire le tour du lac Veux-lu Il sarrecircte en roule el cherche du bout de sa canne
les premiegraveres violettes sous leurs feuilles humides
Il se baisse el les cueille pour moi
Poarquoi suis-je sucircre que cesl au Lac que grand-pegravere veut aller ce matin
Dhabitude il preacutefegravere les alleacutees plus mondaines Javeshynue du Bois les Acacias
Aujourdhui je sais quil vient de deacutecider de faire le
tour du grand Lac Cest extraordinaire eomrae toujours je devine ses penseacutees
Et le voici maintenant qui mappelle
- Michegravele JI fait si beau Allons au bois 1Veux-tu ce matin Jaire le tour du Lac
22 Mai
Seule dans ma chambre close je pense je recircve Je seas la beauteacute de cette phrase de Socrate cette mecircme
phrase qui pendant des siegravecles tul graveacutee agrave Delphes sur le temple dApollon Connais-loi toi-mecircme
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LA CONQUiTB DE UgraveDEacuteAL
cest une eacutetude importante et profonde que celle de la connaissance du soi une eacutetude tregraves utile aussi et qUOD
neacuteglige totalemenl agrave notre eacutepoque Dailleurs agrave lhenre actuelle en Occident qui sait
prendre le temps de penser
1 Les hommes tournent en tourbillon chacun dans leur milieu dans leur cercle damis dans leur cercle dhabitushydes dans leur cercle doccupations comme ~6S manegraveges de chevaux de bois aoins calmes que les chevaux de bois 1 comme des insectes autour dune lampe
Ils courent sans cesse ils parlent vite colportant de
bouche en bouche les nouvelles du jour ou les potins sensationnels
Les plus raffineacutes les acircmes supeacuterieures suivent avec
enthousiasme les manifestations dart les expositioBs de peinture les concerts les confeacuterences les piegraveces davantshygarde
Mais au milieu de tant de reacuteelles intelligences actives
ougrave SORt les penseurs profonds 08 na plus le temps de reacutefleacutechir de contempler
de meacutediter
Il Y a beaucoup de destructeurs de ceux qui vocishy fegraverent sur la socieacuteteacute qui condamnent le code civil qui
critiquent le gouvernement qui battent en bregraveche la
magistrature et le reste
Ils ont raison et ne pouvant mieux faire sont utiles eh essayant de deacutetruire lei abus les preacutejugeacutes les laideurs
SeulementIeur œuvre me paraicirct fort incomplegravete on peut arracher dun champ les mauvaises herbes qui leacuteshypuisent et labourer la terre en tous sens si la bonne graine aussitocirct ny est semeacutee ea abonacircance le premier
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LA CONQUEcircTE DE LIcircDliAL
effort devient nul cal dautres mauvaises herbes repousshyseront bien vite
Et ougrave sont aujourdhui les graines merveilleuses
la penseacutee humaine capables deacutetouffer livraie enlegraveve vainement chaque jour
~ Un ami de grnndpegravere un vieillard original
me lacon tait hier quil a connu au Laos pregraves du Thishyi _ bet ougrave -il voyageait il y a un an un bonze qui
resteacute enfermeacute soixante mois dans une grotte entiegraverement
obscure afin de pouvoir penser sans ecirctre
1
pal rien ( Il avait dailleurs perdu pa~ celte retraite volontaire
la possibiliteacute de voir la lumiegravere du jour qui
aveugleacute Et bien quaussi celle meacutethode me exageacutereacutee je ne puis mempecirccher decirctre en admiration
devan 1 le temps les efforts les sacrifices que consacr~nt certains peu ples agrave leacutevolution de lin telligence
A Paris de nos jours il est tregraves certain heacutelas que
hommes ny songent guegravere et que pour la plupart is he sont pas plus conscients de limmensiteacute du reacuteel plus capables de lorganiser et Je le former agrave trente
ans quils ne leacutetaient agrave vingt ans ni agrave quarante
cinquante ans quils ne leacutetaient agrave trente
EL je mimagine parfois avec une terreur triste
qui doit advenir dune nation ougrave les classes dirigeantes se consument dans Ieqitsugraveou agrave vide selonH
de Michelet en vaines paroles en gestes steacuteriles
r~~ La route du progregraves-infini serait-elle perdue ~ - Assureacutemenl non - Elle est voileacutee latente mais
toujours pregravete il souvrir
5
de
quon
et sage
eacutetait
distrait
laurait
paraisse
les
pas
ou agrave
ce
le mot
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e LACONQU~TE DE LIDEacuteAL
JI doit y avoir une science de penser une scieace de vouloir Notre intelligence est trop livreacutee au hasard elle est en proie aux tourbillons des choses incessamment Yibrante de lactiviteacute quotidienne
Tout grand deacuteveloppement a besoin de calme 1 Cest dans le non-usage actif de son intelligence que le
beacutebeacute accumule son eacutetonnante et rapide compreacutehension de la vie cest dans la tranquilliteacute dune terre non reshymueacutee que la graine germe et devient larbre majestueux cest dans limmobiliteacute de leau que le cristal se forme
Un mouvement dans leau un coup de becircche dans la terre une volonteacute hacirctive fatiguant le jeune ecirctre cornshypromeltraien t leacutepanouissemen1
Auni je veux rester de longues heules dans la paix
1 et la solitude tantocirct dehors en aspiran t la RAture le grand air le fluide vital lodeur de la terre et des pintes tantocirct comme aujourdhui dans ma chambre intime et douce
Jai mis une robe flottante en crecircpe de chine bleu ciel je sUIS eacutetendue sur un large divan ougrave sentassent mes coussins de velours pacircles et de soie molle et pregraves de moi dans un brucircle-parfum oriental fume une huile odorante
Il est joli ce brucircle-parfum La tige mince de cuivre ciseleacute seacutelance droite et hieacuteratique agrave deux megravetres du sol et soutient la grosse veilleuse rose comme une belle fleur eacutepanouie
Avec lenteur en meacuteandres gr~cieux en fins dessins l fumeacutee embaumeacutee monte gravement et me repreacutesente bien loffrande dune acircme en aspiration vers lIdeacuteal
il 11 11 ----- Il Il LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 7
Je voudrais en ces heures paisibles me faire un COIPS
sain robuste eacutepanoui Pourquoi ne pas cultiver la beauteacute dans toutes ses
possihiliteacutes de manifestations comme on embellit un jarshydin de mille plunles rares aux fruits exquis aux floraishy
sons merveilleuses Je voudrais aussi augmenter approfondir eacutevoluer
mon cœur et mon esprit me preacuteparer une vie feacuteconde dans le recueillement le repos Et [e reviens agrave la phrashyse antique GnlIcirclhi Scauton
Je sens quil y a dinnombmbles ecirctres en moi
Quand ils ne sont pas daccord je souffre Quand lun deux fatigueacute las dattendre la vie (lue
je ne peux lui donner encore sc plaint en soupirs inshy~ quiets sourds ct muets en langueurs meacutelancoliques
Ul autre sait lu-ureuscment seacutelever et chanter plus hau que lui celui qui monte ainsi des profondeurs
~ cest mon espeacuterance cest tout ce que jai voulu me forshygel ct me construire avec de la lumiegravere de la joie du soleil avec lessence de tout ce que je connais de beau
et de grand dans le monde Il sait chanter lhymne de lespoir de la volonteacute puisshy
sante et forte miseacutericordieuse et bonne et il chante souvent en moi il chante pour rendre sa voix plus Iorshyte il chaille pour eacutetouucircer les miegravevres tristesses les inushytiles inquieacutetudes il chnnlc pour le bonheur il chante pour lillfini il chante p01l1 lIdeacuteul
Il est tout lessor des recircves que jeacutelegraveve poII les vivre un jOlll Et je leacutepanouis SIIlS cesse volontairement acircprement en lui ouvrant lespace ct laction en le baishygnant de penseacutees merveilleuses en eacutevoquant autour de
--8
~
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
middotlui les richesses de la forme les lys sous les grands bois les roses au soleil les gazons cendreacutes de lune lorienshytale splendeur dune nuit blonde et douce la mer calme et bielle forte et feacuteconde loceacutean des eacutetoiles leau crisshytalline des gemmes preacutecieuses leacutemeraude aux tons dal shygue mouilleacutee la topaze dor le diamant cascade de lushymiegravere et les parfums qui nourrissent lacircme les encens rares lambre royale
Et mon imagination restaure et purifie les souvenirs de la vie moindre de la vie salie et abicircmeacutee par les so cieacuteteacutes meacutediocres
Cest ce moi fort et vaillant que jappelle aux heures de doute ce moi enthousiaste qui est mon direeteur choisi
Car je veux penser agrave lavenir pour espeacuterer non pour craindre Et si je me fais un motif ideacuteal de joie et dacshytion peut-ecirctre le v~rrai-je se reacutealiser un jour
En chaque homme lutte sans cesse des tendances diffeacuterentes parfois mecircme opposees Des ideacutees des habishytudes des acircmes le siegravecle le milieu les lectures les ex- peacuteriences les hasards les amours les recircves les meacutedishytations leacuteducation lexemple lheacutereacutediteacute la race lanshycecirctre latavisme lespegravece etc
Lutte immense des eacuteleacutements petite eacutevolution syntheacuteshytique microcosme une des plus feacutecondes analogies que nous nit leacutegueacutees lantiquiteacute la Paix et la Guerre se disshyputent lacircme par mille intermeacutediaires cest toute une Iliade
Oh que tout cela est profond el vrai quelles imashyges merveilleuses terribles majestueuses
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Un flambeau nous eacuteclaire et nous guide il faut le I~middot suivremiddot El quel est ce Jlambeau radieux Lharmonie
1 8 la beauteacute La reacutealisation de cel ideacuteal est difficile agrave v trouver quelquefois et agrave mesure que je progresse mecircshy~ me celte sorte de conscience se transforme
~
Elle devient plus complexe et en mecircme tcmps moins eacutetroite moins simple moins pinne
Je devine aussi des parties de moi-mecircme (lIi dorment encore et que je connais mal ou (lIC je ne connais pas
Seule je narriverai point agrave me comprendre toute entiegravereuml Sans lamour lamour grand et sublime unique
et divin que jattends je ne puis eacuteveiller les laquo palais endormis n
Mais avant lIue vienne le heacuteros mysteacuterieux je voushydrais augmenter enrichir chucun de mesegravetres tout en ne les meacutelangeant pHS avec cc qui pourrait me venir de lexteacuterieur el ne serait pas reacuteellemcnf moi-mecircme
Puis je voudrais les multiplier encore et les unir en les faisant converger vers lin megraverne ideacuteal
Car si je deacutesire tellement nrriver il devenir queshyquun cest que mon recircve est laceomplir quelque chose de valable pOI1l le bien de lhomme
El comme a dit Goethe ( Si tu veux reacutealiser une grande œuvre fais-loi dahold une grande agravemeraquo
Ceux-Iagrave ont une lime qui out toujours marcheacute dans la megraveme direction
Chacun a sa loi il faut sy tenir Son HJUVIC il lt~ faut laccomplir Cest un problegraveme agrave deacuteterminer ct agrave
reacutesoudre
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1(_J~jOy)J~jl~rV~ rt~ 1~middot~ - l bull
10 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Oh Avancel sans crainte Ne reculer jamais Lhomshyme daudace ressemble ail dompteur au milieu des faushy
les sil a peur le dange surgit Il faut transformer en science le souvenir de tout ce
qui a passeacute dans le rayon de noire vie Il tant harmoniser lame actuelle hiernrchiser les
sentiments teindlP certaines penseacutees en aviver dautres U fat transformer les avenirs voulus logiques deacutesishy
reacutes ltlimeacutes
Il Iaul trouver le centre Ile 1I01le acircme et le proclashy
mel roi Connais-loi toi-mecircme
30 Mai
Je viens de relire les Poesies complegravetcs du preshymier poegravete qui me fitcornprendre la merveilleuse feacuteeshy
rie du vers Ephrniumlm Michltlil Ephraim Michaeumll Celui qui mouvrit dAbord le monshy
de des formes plastiques cl la richesse du verbe sonoshyre l Celui dont jes tristes poegravemes meacutelodieux donnegraverent
unmomenl une expression il Illon ecirctre inconscient de lui mecircme dont les accents uostalgiques me- parlaient dune untrie que moi aussi javais connue pal delagrave les monugravets Celui dont le rythme assoupli mn vuix et
qui me doun a lamour des paroles suaves Ame trop faible pour la vie quelle a conccedilue 1 acircme
eacutepique ne succombant que sous sa propr~ immensiteacute ou plutocirct corps deacutebile pour tant de splendeur
Jaime ses vers somptueux comme de lor
LA CONQuftTE DEL(DEAL
Cest une orchestration savante eacutevoeatrlce avec des notes triomphales chargeacutee danciennes vies et de visionsshy
merveilleusement pures de la beauteacute qui se deacuteroule Chant mineur aussi mais sans alanguissement chant
dattente et de recueillement chant de deacutefaite olt sonshyne fiegraverement lappel des combats nouveaux et des vicshytoires futures 1 Chant de regret dlin prophegravete que le monde a attireacute sans lassouvil et qui pleure vaguementej bull
quelque couronne perdue Michaeumll quel beau geacutenie il serait devenu sil avait
trouveacute sur sa route un ami puissant une intelligence flushyrifiante une source de celle torce qui lui manqua toujours
En raison mecircme de ladmimtion llue je professe pour
son talent et de lardeur impeacutetueuse avec laquelle je me suis nOllrrie de celte acircme deacutesespeacutereacutee pendant plusieurs anneacutees je voudrais aire lin examen critique au point de vue de leacutepanouissement vital de ce manshyque qui la empecirccheacute de seacutelever jusquaux sommets
quil avait su recircver
Ainsi dans laquo Recircves ct Deacutesirs Il
Les chants vllglles et les formes indeacutecises passen t Ces formes neip euvent egravetr e atteintes pal lepoegravete Deacuteshycevance de la recherche de la beauteacute ougrave I~ reacutealiseacute est
1
moins beau que le recircve Le deacutesir inassouvi vit donc dans cc cœur il peut
seacuteteindre pal leacutepuisement il nest pas accompli JI
ne donne pas le calme qui suit la reacutealisation Il reste apregraves chaque essai daccomplissement le regret des deacuteshysirs morts
Jeacutetudie celle condition qui lui a manqueacute quelle est-elle r
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LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL12
laquo Les formes passent raquo JI Iaut sen saisir les maishytriser les creacuteer
Condition la force POlir (lIC les formes snrregravetcnt cl quon jouisse du
calme il laul savoir les eacutevoquer ou les dissoudre
bull Condition h force
Ce qui est recircve pOlIl llin cest-agrave-dire ideacutee pacircle cmshybellie seulement des layons lunaires de lImagination peut-ecirctre reacutealiteacute poIll un autre plus Iort Cest essenshytiellemeal relatif
Cela deacutepend de la force
On vise toujours plus haut pOUl atteindre plus bas Cest une loiphysi(lue dont lexplication est facile agrave trouver Lartiste reacutealise tOlljOUIS au-dessous de son regraveshyve Mais il taut regravevcr cest-agrave-dire viser de plus en plus haut
Condition la force
Pour eteindre le deacutesir il faut laccomplissement ou le renoncement JI ny a pas de milieu Autrement lacircme suse dans une poursuite vaine Or le deacutesir nous pashyrait mauvais cal un deacutesil pcrpeacutelulaquo est une faiblesse qui est im mora le
POUl renoncer ou pour accomplir que faut-il
La Iorce
PC)Il endormir son uumlmc dans la seacutereacuteniteacute des recircves accomplis il faut egravetrc maitre de ses recircves et les choishysir ou reacutealisables immeacutediatement ou reacutealisables dans lavenir
La vie actuelle eacutetant donneacutee telle quelle est il faut (sans po ur cela reuoacer agrave la mieux eacutepaaouir ) se conshy
a -1 -- ~W -- - ~
LA CONQUEcircTE DB LIDtAL 13
former agrave ses lois et agrave son but Ainsi on peut toujours accomplir son recircve
Mais si les recircves confus et discordauts de tous les hommes quelquefois pervers et troubles devaient ecirctre accomplis il ny aurait plus que le chaos
Vouloir ce qui doit ecirctre rom lharmonie totale Condition la force
( Ces deacutesirs jamais apaiseacutes et jamais accomplis toushy
jours fusant seacutepuisent en eacutepuisant lagraveme Il faudrait que lacircme se coneeatre au lieu de se dimiddot
soudre
Cest encore et toujours une question de force Et dans les Reacuteminiscences eacutepiques le poegravete qui U
dabord aime toutes les llleus de la civilisation dit aussi quil regrette le bonheur animal des geacuteants prishymitifs les luttes et la vie sauvage
Ces erreurs quil aime sont les lormes miegravevres les rocircles sans majesteacute les espoirs malsains toutes les faishyblesses dune eacutepoque deacutecadente
Puis par reacuteaction et polarisation ayan t eacuteteacute trop Ioia dans cet amour du faible le recircve se forme des teaps forts et des eacutequilibres anciens
Il voudrait la vie sauvage brutael animale sensuelle mais puissante
Et comme toute reacuteaction est exageacutereacutee lerreur eashygendre lerreur
Pour un ecirctre sain et intellectuelles temps preacutehistorishyques Dont rien denviable
On est sorti lentement et peacuteniblement de ce limbes oa eo a presque horreur
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] -J71 Iii~ W - --1 - -1~
44 U CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Lhomme inteacutegral naspire quagrave moaler Nul ne peut
sainement se lourner vers le passeacute deacutepasseacute
Et pOl1 eacuteviter agrave la fois cette tendresse des erreurs
miegravevres et ce regret contraire dun temps brutal que faut-il
Toujours la torce
MicJlaeumll Je sent bien celte fois-ci puisquil seacutecrie lui-ssegraveme
- Et dans ma nostalgie immense de la force je suis humilieacute de la splendeur des bois 1
Lhomme puissant nest pas humilieacute de la splendeur
bull es bois il communie avec eux et se fortifie de leur souffle feacutecond
Ainsi jai eacutecouteacute les chants dun poegravete que jaime
sans rien recevoir de ce qui en lui est moins pur quen moi-mecircme
Je me suis longuement berceacutee agrave son rythme enehanshy
teur jai vibreacute agrave ses sonoriteacutes agrave sa couleur agrave sa passion
agrave sa seacuteduction agrave son eacuteloquence Mais je veux me soushy
venir quau-dessus de tout cela il y a autre chose
Il y a la vie veacuteritable augmenteacutee ou diminueacutee
H y a linspiration sacreacutee venue de la lumiegravere et
celle issue des teacutenegravebres passionnelles aux lueurs troushybles
Nous avons appris dans le livre des grandes acircmes
que la gracircce et la beauteacute pouvaient revecirctir des esprits denfer Circeacute les Siregravenes Cleacuteopacirctre et tant de goershy
riers de savants mecircmes
Et puisque les œuvres que nous lisons deacuteterminent en
partie notre ecirctre plus je reacutefleacutechis et plus je pense quil
est on ne peut plus leacutegitime de nadmettre en nous
(
-1 - -r10 u l ( ~l~
LA CONQUEcircTE DE JIDEcircAL 15
par la lecture que des œuvres choisies et bienfaisantes
capables de nous aider agrave la reacutealisation de notre vie
Car tout individu qui a un but deacutefini ct fait des acshy
tions qui len eacuteloignent est contradictoire 01 nous flOUS deacutefendons des mauvaises actions parshy
ce quelles nous deacuteterminent dans le chemin que nous
reacuteprouvons et nous ne ferions pas de mecircme pour les
livres f Et puisque nous sommes obligeacutes de nous deacutefendre de
ces aclions mauvaises cest clone quelles sont tentatrishy
ces et quelles ont en elles quelque chose dattirant et
de seacuteducteur
Le mal nest pas toujours repoussant
Degraves lors pourquei nous eacutelonner que lœuvre llart
ait elle aussi un autre criteacuterium de sa valeur reacuteelle
que son degreacute dattraction et que ce criteacuterium soit sa
puissance dharmonisation de perfectionnement cie la
vie sa pureteacute Pourquoi proclamer belles et par lagrave au-dessus da
toute juridiction les œuvres qui seacuteduisent nos limes
puisque nous ne voudrions cGrtes en soutenir autant de
toutes les actions
Et malgreacute la grande admiration reconnaissante que
jai pour le poeumlte Michall je me sens plus forte dashy
voir ainsi sondeacute sor manque de force Ne dit-il pas lui-mecircme dans laquoCreacutepuscules pluvieux )
ses sentiments de vide du cœur sans raisoa damour
briseacute f Je ne meacutetonne pas de cette sensation de vide dans
ce pauvre cœur que rien na rempli non paree que rien ne pouvait le lemplir mais puce qatl aeacutetait
rempli par rien
48
JJ -Lbulltl~)A~l- r-i] Yi1 J~ ~ bull 1
LA CONQUEcircTE DE LIDiAL ----- - __----- shy
haule situation de sa famille el de tout ce que celui-ci avait dit pendant sa visite manifestant une acircme loyale
simple el tendre Et il ajouta _ Enfin depuis quatre ans deacutejagrave vit en lui SOD
amour pOUl toi amour tregraves sincegravere tregraves profond et que je trouve touchant je le lavoue
Lorsque dans un enthousiasme juveacutenile UB soir dans les montagnes il se laissa aller agrave le dire ses senti shymenls el que tu en fus si surprise je compris tregraves bien lattente de deux ans que tu reacuteclamas alors avant
de pouvoir songer agrave te marier Aujourdhui il Jen est plus de mecircme Tu as lacircme
dune femme el tu peux sentir comme moi le prix de cette affection fidegravele (lui dure depuis quatre ans et malgreacute deux anneacutees de seacuteparation complegravete
1
Enfin sans vouloir faire appel agrave ~es perpeetives mashyteacuterielles qui je le sais nont pas sur toi une bien grande influence ccpendant laisse-moi taffirmer que le bonheur dune femme esl bien embelli par la faciliteacute charmante quun certain luxe donne agrave la vie Et puis ma cheacuterie crois-moi cest quelque chose davoir un mari attentionneacute qui vous adore qui vous admire
qui se fait le reacutealisa leur de lous vos recircves 1
Le bon regard attendri de Srand-pegravere me laissait voir toute la joie quil aurait eacuteprouveacutee agrave laccomplissement
dun projet ltfui lui eacutetait tregraves cher Mais craignant peut-ecirctre davoir trop chercheacute agrave
-mIuiumlluencer il reprit uvee douceur ~ Toul ce que je te demande ma pelite Michegravele
cest de revoir Andreacute saas ideacutee preumlcoaccedilue avec un peu
~
J~J~W-J
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL -tg
de cette indulgeuco lfllc ge ne la pas donneacutee encore pour [cs hommes pour les choses pOlll la vic
Cependant tu sais nest-cc pas laquo(U~ comme je tai toujours laisseacutee libre dans tes penseacutees dans tes lectushyles dans les acles ayan tuute confinnce dans ta belle pureteacute dllns la lIcHe droiture je te laisserai Loushyjours absolument libre de deacutecider Loi-mecircme le chemin de ton desfin
Grand-pegravere el moi nous avons passeacute hier apregraves le dicircner une soireacutee tregraves intime Jo lc sentais preacuteoccupeacute dune deacutecision prochaine ct un peu meacutelancolique aussi car cc projet Ini taisait revivre sa jeunesse agrave lui etausshysi la jeunesse de ses enfants disparus ce projet auquel il tient pourfanl lui Iaisail revivre une eacutepoque deacutejagrave lointaine UgraveUTI passeacute ltiui Ile reviendra plus
3 Juin
Grand-pegravere a inviteacute rll(lll~ Calvis agrave dicircner pour la seshymaine prnchnlue PlliSlaquo(lIi veut absolument que je le revoie
Moi je snisbieu je sais ineacuteluctahlegravement que ce nest
pas Lui Mais pourquoi ne le reverr-ai-je pas Cest un ami nous avons beaucoup eacutechangeacute ensemble nos penshyseacutees et nos aspirations denfance el les liens damitieacute reacuteelle apportant leur joie sont si larcs
Peut-ecirctre ne voudra-I il las comprendre la h~allt~
dune affinileacute (lui dure t[llalll megraveme clic nest pas ehuishysie comme affiniteacute iUIg)ne
Les hommes do nos jours ne sont pas heroiumlques
_ _ _ J
l 1 Il ~ ~~ ~-~ ~ ~ ~ ~ 1J- -
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 21 20 LA CONQU~TE DE LtDEacuteAL
n y avait quelque chose de hien noble dans certaishynes ideacutees de la chevalerie dautrefois
Il me semble quaujourdhui 011 nc seacute garantit pas assez de la souffrance destructive on se reacutesigne trop facilement agrave leacutetat miseacuterable du monde et de lhumashyniteacute et au contraire lon eacutevite avec une veacuteritable lacircshycheteacute leacutecole de certaines douleurs psychiques qui disshyciplineraient et augmenteraient notre ecirctre Je veux dire que degraves mon relus il est probable quAnugravereacute prenshydra la reacutesolution de ne plus me rencontrer pour ne pas se souvenir
Au lieu de laisser vivre entre lui et moi tout ce qui peut de son admiration totale egravetre reccedilu par mon affecshytion partielle il cherchera agrave tout couper agrave tout reti shyrel agrave tout eacuteteindre Cest dommage 1
Tant de fleurs de tendresse sont ainsi faneacutees trop tocirct et souvent faneacutees il jamais pal ce manque de courage par celte crainte faible dune augmentation de peine
Oh ne jamais rien deacutetruire volontairement des amitieacutes des sentimen ts des pesseacutees des liens reacuteels 1 ne pas craindre la viedu cœur ne pas fuir devant les
( orages possibles
Je veux fortifier mon coura~e et je voudrais semer du courage en autrui car jaime la force etIenduranshyce Au contraire je nadraets pas la reacutesignation si annishy
hilante precirccheacutee agrave tort comme une vertu
Andreacute comprendra-t-il comme je le sens que nous devons conserver la vie coservel en elle ce qui est vivant et laugmenter et leacutepanouir
Mais quil faut avoir une volonteacute aussi forte que lintelligence pour rester harmonieux et une volonteacute morale plus forte que le deacutesir instinctif de vie
~ Dailleurs depuis deux ans Andreacute a certainement mucircri et progresseacute
t ~I
f Je sais quil est poegravete quil a de vrais dons lyriques une ugraveme pure et noble
Mais quimporte
Celui que je recircve est le seul qui puisse mentraicircner plus haut que moi-mecircme agrave la conquecircte incessante d~
mon ideacuteal infini
Et je veux quc reacutealiser son recircve quincarner son espeacuterance soit mon expression protonrle celle clue jentrevois comme une ~ ossibiliteacute merveilleuse encore lointaine dans mes instan ls de deacutesirs les plus eacuteleveacutes
Oui Grand-pegravere tu as raison Cest quelque chose davoir Il n mari qui se fait le reacutealisateur de toutes vos aspirations
Mais faut-il encore quil puisse sentir ces asplrnlions mecircme celles qui dorrncn 1 an fond (Je mol-mecircme fusshyquau temps ~ugrave sa penseacutee eacutevocatrice les eacuteveillera
Lorsque je le sentirai veuil de tous les cocircteacutes seacutelegraveveshyront des chants dalleacutegresse
Et le jardin dl mon ucircme fleurira enfin et vibrera comme le vent du soir fait reacutesonner sourdement le grand orgue des bois
Des accents de victoire eacuteclateront dans les airs des
fanfares joyeuses selanceront et ce sera lhosanna triomphal entonneacute dans mon cœur pOUl lnrriveacutee cie son roi
Tous les recircves se legraveveront en moi comme une foule et les phrases damour berccedileuses qui chantent dans
mon egravetre les paroles erubaumeacutees et douces qui sorashy
bull
1 )
2
j J J--J
LA CONQUEcircTE
j~ I~j~
DE LmEacuteAL
~ Il_ Il ~-
1 J
LA
----1 J shy
CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
)
23
-- 1
III i Il 9 heures du suu
(111 le (Ii 111 )
meillent encore mes knrs pourront enfin te le dire il loi que jalrllds
Tu mapprcndrns toujours mieux les secrets profonds
de la il mysteacuter-ieuse cl 1I011~ lIilli~(JOIl~ tous deux
lideacuteal Cil reacutealil eacute Cilrmiddot iIVI(~ loi la vie sela le Temple
du Beau Avec loi 1~lle S(il II~ illlclllail(~ du Biell
Et ta parole mlnlrnilleri mc MliVlIraml1xllllera
vers les hauts sommcs de la pell~le lrumainr-
Tous mes recircves lappellenl d mes souvenirs lous tont appeleacute un agrave un
O Viens hicnlugravel Viens mou unique soleil A la
lueur je veux COmpIIIIiII il Iii 1111111 je VIUX savoir
agrave ta lueur je veux chauler il la lil(III je V(IIX aimer
Triomphant rt adoreacute viens Iairc villII mun acircme ct
reacutesonner loules les con]lts de 1111 h ll In nd Il salis loi
Alljollrdhui jni ltIt prendre ilshy llil cll(z laur Kousta
que ie navais pas 1111 dp)lIi~ plus dl~ trois mnis
Cest une klIIme pcinlrc hilII connu 1 Pilis
maintenant pOlir SOli lalltolll cl SOli ldlIard( hlallI
Elle minltIlssait l)(illlCOIlP (II plIlsioli il v il qur-lshy
ques anneacutees lorsque la jeune Iilll~ clIIiells cl farouche quelle eacutetait alors soccllpnil iI 1( pilgtsion d( la 1011 (P
petite Michegravele
il
Jl
~
Elle eacutepousa depuis Wladimir Kousta comte poloshy
nais beaucoup plus ilgeacute qurllc dont lIndulgr-nce inshydiffeacuterente ct taihlr- lintcllicence savante compliqueacutee
fine ct douce laquo( lnimnil pntpllIdlelllcnt tout lII la laissant
entiegraverement IilllL)J comme dll Ille le dil en i-ianl pOUl
mannoncer ce singulier mariaulaquo
Jane eacutetait vraiment somptueusement belle cel apregravesshy
midi dans sa lohe souple de lil)(I1~- ornnge ses bras
magnifiques chnrgeacute de hrucr-Icls lourds
Tregraves entoureacutee elle parlait vivement son lIelllCl 5011shy
rire eacuteclairant son brun visage de grcc(flIe antique et
elle faisait de grands getes conservant pourtant la
gragravece distingueacutee ct harraonieusc si rare si d(~irlle si
impreacutevue qui est la sienne
Elle paraissait lrucircncr dans son vasle aldil~I luxueux
ail milieu du deacutesordre voulu eI nrrungeacute du pegravele-mele
garccedilonniel des tableaux des chevalets des bouquins
des hibelots el des toiles commenceacutees
Degraves que le domestique meucirct annonceacutee Jane flollssa
un grand cri enthousiaste ct mouvrit lar~cmclli ses hras
- Eh hien fOon enfant iHicnHa ch hien ~ mon hlond
oiseau vagabond cest comme cela que depuis des mois
et des mois tu nous as tOIlS ahn mlonneacutes t
Tout le grollpe ami surencheacuterit bruyamment
- Il sest sucircrement passeacute quelque chose t1lqrnn~c
dans la vie de Mademoiselle Vazuuuc cd hiver nfllrma
le pianiste Edmond Cnud
- Viens-tu lions annoncer les fiausaillrs r lplii Jashy
ne en mattirant pregraves delle tandis (Ie je svrru is enshy
core cinq ou six mains tendues vers moi
-------_
~~6~Uumli~~~~~middotmiddoti
GlIillaum~ Tara sinclina ~ 1 ~ Je ne puis vous feacuteliciter de voire 5uceegravesjMonsiellr
lui dismiddotojenayantni III ni YU toille piegravece Dune voix grassedeacutepl~isaDte ra1-a reacutepondit en ricirc~
caout 1 gt1 -Ma litteacuterature en effet Mademois~ll~ ~~est p~U preacuteciseacutement cc quon peut faire-lire aux jeunes filles
_ Ceci lqt ~rte peu pour Mad~m~i5el1~ V~zaDDe~ ~t dun tonelmable Edmond Gaud EUe a ungrand~pamp
re eacutepatant qui la laisse libre deacute lire tocircnt~ee qll~eacuteneveUt C~stvr~i repri~je Mai~ Il m~Jais~ecircceumlJtel~
teacute jllstem~lIt parce quil sail qui( Y~ (~ ~eri~in ~rl qlli ne jninteacuteresse pas du tout middot ~ ~
Tous eacuteclategraverent enriant 10 bull
~ Ehbien1 ~OD vieux Gui TareeUepe vriu~ 18 pas envoyeacute dire 1
He~reusementque tout le mondeaParisnest plis de vaireavis MademoiselJc murmuraGuil1a~me Tara
-Cest certain Monsieur reacutepliquai-Je Vous sentez tregraves justement que parmi vous tous je suis un peu comme
une eacutetrangegravere une provinciale si vous voulez
Et profitant dun instant de conversation geacuteneacuterlllede plus en plus bruyante je dis agrave Jane en aparteacute - Et voi~
lagrave preacuteciseacutement pourquoi je parais tabandonner mon ashymie Si lu voulais me voir seule agrave seule de temps en temps iuml~lurais le senliment dun eacuteocirchange damilieacute feacutetiUeentre nous deux Notr~ affection -aipsi ~rait vie et manifestationnaturelle devie ~ lt~ v
liais tu mas souvent fait c~anp~lidrequ~ je poubull shyvtPt te gecircner ~~ veacutenant middotautro~egravebt~qU~~~)Dmiddot1joure Qubull
gtlo
middotmiddotEt avent que jaie eu le temps d~reacutepoodrela peshy0 bullbullbull lttite R()se~Malie des- Franccedilais dont je nai jamais aimeacute ~ bull Ies yeux pointus tregraves brillants et tregraves vides seacutecria avec ~f+~alice _ 1( ~~ Mais cest vrai il Y a du nouveau pour vousb l (
li 4ndreacute CriJis est de retour agrave Paris gt gt Tuvas nous raconter tout cela pour te faire parshy f~onntlr ton lacircchage dit Jane mais tumiddot prendras des
forces avant lfagdeleinr ajoutat-elle servez-lui donc le theacute
Magdel~ille Lamarre un peu ridicule par lextrecircme ~ mJ9picq~ilIe lui permet pas de quitter un instante ~ 00 facebullbullbull mains et aussi par lair de jeunesse ingeacutenue ~J ~lJe cherchentagrave jouer ses trente-cinq ans de vi~iumlllefillr egrave Ee preacuteejpila gnmincmeni agrave ln table ougrave le samovar
bO~lrdQnnait doucement sa chnnsonmonptQne ~
Un~ Iorte odeur de cOleacuteopsis se reacutepnndait dnns la piegraverrochaqne mouvement de Magdeleine dont la fishy gure savamment maquilleacutee eacutetait eacutecraseacutee pal un chashy
0 lfll n monumental ougrave seacutetouflaient les plumes daulrushyche cil les rose tendres 1 bullbull
rregraves Ile Jane un petit jeune homme hlondesecvan ~ visage~legravellieaux vilnius yeux gris se ba1nnccedilagraveit dans uu
bull fauteuil debois fumant nonchalamment un gros cigare Son ail IlIS et fat me deacuteplut - Tu regardes notre nouvel intime interrogea Jane
Tq ne Je connais pas - Et sur ma reacuteponse neacutegative
~ - Jete preacutesente Guillaume Taraullhmiddotemeo~dit mon
ami middotGu Tare lauteur si connu par Vimmeuse( ~~lt ~JriQuf~e middotdemiddotl $ai$OO~ ~leFqu~~jre
~~tmiddotmiddot
1
~
succegraves eacuteclaboussant extrashy
parler du toute cette
EIlmJlId Gaud vint sasseoir pregraves de moi Il est intel-
nous avez que QOUS vous
ici qui
un instant la conversation
de Paris
dans cet dadjectifs vides
phrases presque toushy
les seules agrave peu pregraves quon puisse pla
mondain mi tout le monde veut par- 1
des eacutechanges fluishy
des sourires
nerveuses et deacuteseacutequilibreacutees
de Ia vie
Au contraire elles lemshy
vous voulez Il faut dQD
li
I
IWshy
~
~
l 1 1
1 1 i
1
d
~f~C~~~)~~~lt ~~~heacute~~i t~- ~ ~ lt lt gt
16 LA OONQuiTB DB LIDEacuteAL
eacuteela deacuterangerait ton travail tes seacuteances de modegraveles etc
Et je tavoue franchement que si aujourdhui par exem- pie rai la joie dadmirer ta bea Il teacute ce qui est deacutejagrave quelque chose cest vrai tout ce quune in limiteacute douce nous permettrait de reacutealiser et deacutechange de sincegravere et
de profond est empecirccheacute annihileacute par le convenu et lartificiel dont sbabille Paris mecircme dans ses reacuteunions
les plus restrein tes Comme pour me donner raison le domestique annonshy
ccedila le duc et Ia duchesse dArmiore Jane ell ce moment fait les portraits de la duchesse
et de ses enfants
Aussitocirct elle sempressa autour deux et commenccedila
les preacutesentations dlisage
Magdeleine Larnarre souriante et ingeacutenue retourna agrave la table de theacute et Jean Chermy qui flirtait avec elle
passa les assiettes de petits gacircteallx Puis coup sur coup en tregraverent dans latelier les
peintres Demerront et MaulIcircce Picot lactrice Nelly Reflet et plusieurs autres personnes
La conversation devint de plus en plus tapageuse et quelconque
Guillaume Tara le grand homme du jour que je senshy
t~is tregraves peacuteniblement dailleurs ecirctre en ce moment le fashyvori de Jane paraissait succomber sous le poids de ladshymiration que tous ces pan lins lui prodiguaient
O~ ne parlait plus que du Fou-Rire de ses actrices -de la scegravene extrordinaire du 3e acte ougrave la situation se complique si drocirclatiquement de larriveacutee des deux acircmants du compte-rendu de cet imbeacutecile de Veacutery qui aVilit preacutedit un four et de lavenir superbe que proshy
-~
r~~ middot~J~~~Jr h~~l~~~~~~ij~
LA C0NQU~TB DE LtDBll
mettait agrave Monsieur Tara le ordinaire affolant Ile cette premiegravere piegravece
loi qui navais jamais encore entendu Fou-RilC j~me sentais stupideparmi meacutediocriteacute
ligebullt et sympathique
-- Ainsi Mademoiselle me dit-il vous deacuteclareacute tout agrave lheure agrave mots couverts
rasIOns
- Seacutepareacutement il Y a IJuelques pelsoones sont chnrmantes
Mais soyez franc Ecoutez
de ce salon qui est un des plus intelligents
Et dites-moi linh~Iegravet que lon peut trouver eacutechange dexclamations dadverbes et
de sens dans ces lambeaux de
jours inacheveacutees
cer dans un salon (
ler et personne ne veut ecouter
~ Jy trouve des sensations nerveuses agreacuteables parshy
fois fortes reprit le jeune pianiste
diques des amitieacutes des flirts du parfum
-- Je VOllS comprends mais ces sensations lil me font leffet decirctres artificielles
elles ne reacutepondent agrave aucun besoin profond
et uexpansent pas le-bonheur poison rient
- Si j(~ ne me trompe Mademoiselle mettre en pratique la parole de M~rcAul~le ~
~
J~ J- - J~ - - --
28 LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
ner au corps ce qui est neacutecessnire pOUl lacircme et il lacircme ce qui est neacutecessaire pOIll quelle seacutelegraveve raquo
- Le plus possihle et je voudrais reacutealiser aussi cetshyte autre penseacutee dEacutepictegravete Sois libre malgreacute le monde
Mais la force du monde est infinie lloyez-le par rapport agrave la lorce de lindividu el le monde est enshycore anarchique el deacutesaccordeacute
Etre droit et eacutequilibreacute cest sisolcr difleacutercr du ruishy
lien et pOlir reacutesister il liuflncnce Iunc force si puisshysante influence dailleurs nerveuse cest-agrave db c pll~sqlle
physique ct ne venant pas des id(c- i-snes seulement de ces sensations passagegraveres que VOliS aimez je crois que
lhomme sain ne reacutesiste qucu sclcvau l tregraves haut cl en
bacirctissant autour de son acircme (les murs de diamant
- Vos ideacutees sont bien daccord avec votre forme exteacuterieure reacutepondit Gand I(~ crois voir une jeune filshyle de lantique Chaldeacutee dans le calme de ses regravevcs plirs
allant la cruche sur ln legravete puiser lcau bicntaisantc
Vous vivez plus avec les eacutetoiles quavec les hommes et vos yeux longs (jolientale hlonde reflegravetent ra nosshylalgie de lideacutealiteacute Moi jni gueacuteri celle nostalgie peut
ecirctre cette gllelison est-elle lin amoindrissement Ccpenshy
danl vous saurez heacutelas un jour que les pensees les
plus belles viennenl toutes de ces sensations nerveuses qlle vous croyez infeacuterieures souvent niegraveme nolre intelligence deacutepend de la fnccedilon dont nous avons digeacutereacute notre deacutejeushy
ner et tout nest que sensation
Cest pourquoi la musique est ma vie Quy n-t il an monde agrave cocircteacute de cela le me repreacutesente la terre comshy
me un lien Ie lhomme doit taire vibrer de toutes les faccedilons et le plus possible sil vent ecirctre vraiment heureux
-t--~ - -
LA
et vraiment quelquun Quy de leacutemotion Plus
CONQUEcircTE DB LmEacuteAL 29
a-t-il dans la vie hors lin ecirctre est capable deacutemotions de
tontes les sodes plus il est inteacuteressant plus il existe _ Pour VOliS reacutepondre repris-je en soudant jappel-
le toute la Chaldeacutee il mon aide VOliS dites tout est sensation pourquoi vous contreshy
diruis-je A travers mon enfance entiegravere jai su gilldel la notion du reacuteel le parfum des loses leffluve des arbres les affections les deacutesirs les penseacutees eacutelaient un monde vivant autour de moi Dunivers en univers de
hauteur en hauteur tout est reacuteel je le sens Comprendre savoir apercevoir espeacuterer cest toucher
par un sens ou par un autre Ce qui nest pas en conshy
tact avec moi est inexistant pour moi et le seul et unishy
versellien entre le monde et moi cest la sensation Vous dites tout est vibratiou Daccord La vibration
exteacuterieure peacutenegravetre en nous sous forme de sensation
MaIS ne remarquez-vous pas vons-mecircme quil y a une
infiniteacute de modes vibratoires
Londe musicale est pour vous le type et le centre
des possibiliteacutes rayonnantes mais la vibration de la
lumiegravere celle de lamour celle de lintelligence Si le piano que vous faites reacutesonner est faux ou a
des cordes briseacutees en ecirctes-vous pour cela moins musicien et votre eacutemotion mal servie ne seacutemane-t-elle pas imshy
patiente et complegravete
Si mauvais interpregravete VO1S trahissez le geacutenial comshypositeur lœuvre splendide enregistreacutee par les signes
en est-elle moins parfaite 1 Eh 1 bien quand votre corps physique alourdi de
sommeil 01 eacutepuiseacute dinsomnie accableacute par lexcegraves ou le
--
~
- -~ ~ ~ ~ ~ l
SO LA CONQUEcircTB DE LmEacuteAL
manque de nourriture par lexercice iiuquiegravetude ou
toute autre cause devient lin mauvais instrument lin
mauvais reacutecepteur est-ce que londe intellectuulte qui
dans de meilleures conditions laurait fait vibrer harshymonieusement est changeacutee
Croyez-le il y a des sensations de tous ordres Les sensations physiques peuvent apregraves avoir eacuteteacute comme
un cristal transparent devenir ugrave certains moments comme
un voile opaque pOlir les sensations supeacuterieures elles
nen sont pourtant que le vecirctement et la manifestation
Et les sensations immeacutediatement supeacuterieures agrave leur
tour transmettent de la mecircme faccedilon selon leur capashy
citeacute des vibrations plus hautaines encore
Jgtonc agrave mon avis non pas notre intelligence mais
seulement sa manifestation physique ce (lui est tout diffeacuteshy
rent pe~t deacutependre œdune digestionraquo comme vous dites
Pendant quelques instants Edmond Gaud et moi nous
causacircmes encore Puis je me levai pour partir au
milieu du brouhaha mondain Et Jane Kousta lacirccheacutee de me voir sortir sans presque mavoir parleacute maccomshy
pagDB jusquagrave la grande galerie deFlIIt(~ ct sexcusa
- Tu ne men veux pas petiJeacute Micllcline 1 Jo tassure
que si je ne te demande pas de venir me voit un jour
toute seule cest quen ce moment cr-ia mest vraiment impossible
- Tu as trop agrave travailler lui demanugravelIi-je
Et aussitocirct je sentis brusquement que bien autre chose
que la peinture la preacuteoccupait et labsorbait Je la regardai Elle rougit Et ma penseacutee eacutevoqua aupregraves delle la sishyhouette affreusement antipathique de Ouilla urne Tnrn
Je me rapprochai de Jane et lui prenant la main
~ ~ -~ ~~ ~ l )--~
LA C01llQUEcircTB DB LIDEacuteAL 3~
- Mori amie Les choses seacuterieuses et profondes sont les plus vraies les plus douces celles qui donnent la sensation de dureacutee dagraveme de vie Crois-moi ce qui
senvole inutilement ce qui brille un jour pour seacuteteinshy
dre vite cest le neacuteant Tu te laisses entraicircner dans un tourbillon trompeur
et hi ny es pas heureuse Jane car tu vaux beaucoup
mieux que la vie que tu te denues
- Tais-toi interrompit-elle tais-toi Je ne veux plus penser au moins pour quelque temps
Ce qui me rend le plus triste ajouta-t-elle cest que
je suis jalouse et sa voix tremblait
-- Au contraire insistai-je tu devrais prendre le
temps de penser Ce que tu as de plus beau en tei
peut seacuteveiller Seacutepanouir et te diriger mieux
- Me diriger Et ougrave 1 Depuis des mois et des mois
je suis une pauvre nef ballotteacutee sur un oceacutean en teshy
pegravete et ea tumulte tu ne peux savoir Plains Illoi
ne Ille juge pas Michegravele
-- Ma pauvre Jane je ne te juge pas certes et je
taime 1
Tu dejaandes comment te diriger 1 Fais le silence ee
toi dabord et autour de toi des sensations et des deacuteshy
sirs calme ton excitation et eacutecoute la voix inteacuterieushy
re la voix intime et profonde de ton ecirctre soupireacutee
chanteacutee moduleacutee au fond de ton acircme
Jaurais voulu Ionguemeat parler agrave mon alllie mais
la sonnette seacutetait tait entendre et le domestique (l1ashyvraitla porte dentreacutee agrave deux dames empresseacutees et
vlubiles
~~
Je suis
LA CONQUEcircTll DE LrDjAt
Jane courut agrave elles le sourireaux legravevres et memshy
l2
~C~- -n-t -~ 1 _ 1 bull l ~
LA CaNQUETE DB tIDEacuteAL 33
alleacutee avec grand-pegravere acheler des fleurs puis j~i eacutegayeacute la maison des taches dor des jonquilles elbrossa ~n hacircte pour retourner ail salon en mecircme temps jai piqueacute dans lous nos longs vases les liges droites que ces deux arrivantes des boules de neige gonfleacutees grosses el candides des
Mais dans son baiser prompt je sentis loute la tendresshy lys eacuteclatanls si purs dans leur blancheur resplendisshyse intease dont elle esl capable et toul ce que son ecirctre sante et des lilas blancs ou mauves an parfnm tiegravedlaquodeacuteseacutequilibreacute farouchement nelveux contien t encore de
Enfin seule au-salon jeacutetalais dans une potiche basse profond de puissant el aussi cette capaciteacute quelle a
sur le piano habilleacute de soie quelques grosses roses au milieu dune vie factice el trouble de garder oushy
rouges lorsque la porte souvrit sans bruit derriegravere moi vertes des eacutechappeacutees lointaines sur les vastes espaces
Javais devineacute qui entrait Plus timide que dhabitushyillumineacutes et de sembler avoir toujours uae part de son ecirctre plongeacute dans un oceacutean daspirations pures et innomshy de je nosai me retourner
- Oh 1 Michegravele murmura Calvis comme VOliS ecirctesbrables devenue belle 1
Surmontant mon eacutemotion je marchai Vers lui la main tendue
Il la serra longuement dans la sienne et leflleumlura rlun baiser rapide
9 Juin Minuit f2 Je le trouvai bien changeacute Plus grand plus Iort et
plus fin agrave la fois Je le lui dis
- Oui jai beaucoup changeacute Michegravele reacutepondit-il Andreacute Calvis sort dici agrave lInstant el je nai pas - En deux anneacutees dexil toujours seul aux pay~ loinshy
sommeil tains on comprend on senl bien des choses nouvelles
Quelle apregraves-midi agiteacutee jai passeacutee en lattendant je Ces deux anneacutees ont eacuteteacute dures Mais je ne les regrette me croyais moins nerveuse mais mon affection pour pas Elles furent pour moi une eacutecole merveilleuse qui lui souffrait deacutejagrave davoir agrave assombrir un passage du magrave ouvert la porte de mon acircme qui ma deacuteveloppeacutechemin de sa vie davoir agrave briser son premier lhe qui ma formeacute Celle eacutecole je suis heureux de lavoir
Vers ) heures jai joueacute du piano longuement et eue et cest agrave vous que je la dols Michegravele me suis mise agrave chanier cependant mes penseacutees sonshy
- Non pas cest vous Andreacute qui avez voulu partirgeaient tristement el impatiente jaurais voulu que
au loin et voyager Je ne vous ai jamais demandeacute celle les heures senvolassent plus vite Mais rien ne peut seacuteparationacceacuteleacuterer le temps que le bonheur ou le calme
3
J
34
r-lI- --- ----J JI 1 r-l ~ 1
TA eumlONQUEcircTE DE TrOEacuteAL
_ Vous aviez exigeacute que jaltende deux ans avant de
vous consideacuterer comme une jeune fille Comment penshysiez-vous que je pouvais vous voir pendant si longtemps sans vous parler de lunique espoir de tout mon ecirctre 1
Dailleurs cest votre grand-pegravere et mes parents qui ont
voulu ce deacutepart lis ont donc eu raison puisque ce long- voyage
vous a mucircri _ Mais parlons de vous Michegravele reprit-il Comme
vous ecircles devenue grande cl belle 1 Tous les recircves ltlune penseacutee toujours vers vous vous
aureacuteolaient moins encore que ne vous ideacutealise la deacutelishy
cieuse reacutealiteacute daujourdhui Voire casque dor est plus lourd et plus doreacute quaushy
trefois el la phosphorescence de vos grands yeux bleus
brille dun nouvel eacuteclal cl voile de nouvelles profonshy
deurs n eacutetait troubleacute Je massis sm un canapeacute el il vint
se mellre pregraves de moi _ Je suis tregraves eacutemu vous le voyez nest-ce pas ajoutashy
t-il lregraves eacutemu de me retrouver dans ce salon ougrave jai
passeacute de si belles heures de si doux moments de si chegraveshy
res anneacutees 1 Tregraves eacutemu de celle minute attendue appeleacutee deacutesireacutee
tant de fois el dans laquelle jai tellement de choses ugrave vous dire mais les paroles que je prononce ne corshyrespondenl pas il celles que VOlIS attendiez peut-ecirclre
el elles exprimenl si mal loul ce que je voudrais que
vous compreniez Je sens heacutelas quil esl facile de ne pas saisir le
bonheur qui passe
~-l j1 Jl-j1J Tl Jl Q
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 35
Et jaimerais savoir parler seulement pour ouvrir voh e agraveme el si vous le vouliez Lien ouvrir voire cœur Je menivre de votre preacutesence Michegravele mais je crains L
Jai une crainte affreuse deffaroucher loiseau melshyveilleux le papillon bleu
- Taisez-vous dis-je en liulerrompan l laisez-vous Andreacute Pourquoi vous laisser entrnincr pal vnlre penseacutee de poegravele avant de savoir ce que nous pourrons ecirctre lun pour laulre Apregraves une aussi longue seacuteparation
nous avons changeacute lous les deux el nous ne
nous connaissons plus Inlellectuellemenl jai parcollru
de grands espaces el le lieu de mon repos actuel est hien eacuteloigneacute de mes songesdautrefois
Aussi avons-nous preslllle il nous deacutecouvrir mainteshy
nant Parlons librement explorons ensemble les plus
complexes horizons de noire penseacutee mais croyez- moi
ne repren~z pas le dialogue ancien 1lt1 011 VOliS lavez laisshyseacute sans lenir compte du temps qui dans nos ucircmes il
depuis fail gerrnlI des floraisons ncuvelles
- Commenl pourrais-je VOliS parler librement 101sshyque Ioule mon inlelligence est annihileacutee pregraves de vous
par lextase de Illon cœur ardent cl enthousiaste
iumll~ ne sont pas des mols qui peuvent nous lapproshy
cher lun de lautre li mon amie ma chegravere amie
Le silence seul est leacutepanchement veacuteriluhle dies
yeux les yeux parlent si eacuteloquemnu-nt la langue de lacircme 1
Heureusement grand-pegravere entra agrave ce moment el intershy
rompit une conversation ougrave il IOPSUle quAudrlaquo sex alshytait je me sentais de plus en plus Iroide calme indifshyleacutereute
bull
jJrr
~
Il il III 1 1 r-~ 1] 11 Jl TU J~ J 1 ~ ~( bull ~
36 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ledicircner fut bientocirct servi el pendant Iout le temps quil dura jc me confirmais de pins en plus dan s cette conshyviction que jamais jamnis Calvis ne serail lOUI moi aushy
tre chose quun ami
Grand-pegravere et lui parlegraverent avec animation de la musique en Allemagne ougrave Andreacute avait passeacute six mois de la Chambre des Deacuteputeacutes et du Suffrage universel de Sarah Bernardt de Rostand des religions et de Mahoshy
met
De temps en temps je disais une phrase quAndreacute
approuvait toujours en mentour~rt dun chaud regard
de tendre et muette admiration
Mais une voix criait en moi que toute la partie la
plus haute et la plus feacuteconde de mon intelligence celte partie soupccedilonneacutee de moi seule cette vic pr(sque inconsshy
ciente encorequi me met en rapport avec lau-delagrave de mon ecirctre celte vie de certitudes mystiques de visions
merveilleuses dintuition nette et preacutecise cette vie Inshy
tente encore spiritualiseacutee mysteacuterieuse et profonde ce neacutetait pas Andreacute qui pourrait jamais la comprendre
la satisfaire leacutevoluer cc neacutetait pas Andreacute ~ui pourrait
jamais la cultiver et leacutepanouir ~
Lorsque dans la soireacutee grand-pegravere nous laissa dt nouveau seuls ensemble au salon Calvis reprit sa place
sur le canapeacute et avec une ardeur contenue il me deshy
manacirca
_ VOlllez-vol~S eacutecouter une leacutegende un recircve un
poegraveme qui me hante et que je nai pas eacutecrit 1
Je nosai refuser et il commenccedila
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL 37
- laquo Le lIalde recueillait avec ivresse le chant inteacuterieur Ie Iui versait sa lVTus~ O si tu es aimeacute disaitelle ruyonnc 11 Ile dlmallde pliS autre gloire
laquo 101 Elle la Terrestre qui taime deviens Inrt ct gllllld sois henu ct gillJde loi
laquo Crois Cil Elle iuvincihlcmen l el quelle soit ta magishycienne
laquo Tu contempleras son image radieuse et tu seras conshysoleacute
laquo Tu le suuviendrns de ses paroles douces et tu seras fortifieacute
laquo Happelle-Ioi Cest Elle Elle lunique la seule femshyme que tes yeux ont adm ireacute dans ce monde la seule que Ion ame a choisie la seule que til chair il deacutesireacutee
Celle-lit enfin qui sc donne il toi pour toujours COIlshy
finn te
laquo Sois fidegravele il la route quelle a traceacutee de sa main
cheacuterie et marche ardent vers le but sans voir le monshyde
fi Pour Elle
laquo lII jour III lallras conquise alors 10111 sera cuhue
et merveilleux raquo
Et voici JIU le Barde reacutepondait il la ~]ust en penshysant il sa hien aimeacutee
laquo Sur lin feuillet amoureusement choisi lhistoire est grllveacutee de nos amours ct de mes souffrnnccs et des lutshytes et des recircves
laquo Mon amour sy reflegravete mon cœur sy (st envole en ses plus hau taiues visions
laquo Cest la couronne de mon œuvre cest le livre dno mour
Il
_~__~==========iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiliiiI(iir--TT1rnliiumlmiddotlfllmrJInnlllllllll11111I_1_1bullbullbull11111111111middot11 bullbull 1 1
J -~ --1i1I~~~~~) J J 1 ~ ~ ~ 0 bull
ss LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquoltJe lui donnerai au jour beacuteni ougrave nous serons lun agrave lautre pOlir quelle y puise la confiance et lamour la fideacuteliteacute ct lenJhousiilsme la reconnaissance et la joie
( POUl quelle y apprenne la ~randeur de ce qui nous unira la merveille -de notre chaine dor lardeur de
ma penseacutee laquoSeule Elle le connaicirctra Et ce livre sera comme notregrave
jardin secret
laquo PJ1rc magnifique ougrave nous nous promegravenerons souvent ravis loin des foules loin des regards seuls seuls enshy
tre nos acircmes enlaceacutees en Ire nos COlPS attireacutes
laquo Irreacuteveleacute ce sera lagrave le coinecircde mystegravere ougrave lon se
retrempe aux jours de deacutesespeacuterance la fontaine damour
ougrave toute plaie sefface
laquo Le talisman fait de son acircme ougrave toute torce resplenshydit il sera le secret de la force silencieuse il SHa le lien indissoluble que nulle penseacutee indiscregravete naura souilleacutee
laquo Et apregraves avoir mis tout ce que jai de meilleur tout
ce que je sais de plus grandiose dans ces pnges jen ferai mon chef-dœuvre copieacute de ma main et je le
donnerai agrave mon amie
laquo Et un jour nous le lirons ensemhle en face de la
mer immense ct bleue SUI la haute falaise laquo Et middotpour qui~ ne soit pas profaneacute parce que nous
laurons graveacute dans nos acircmes je me legraveverai dans un geste royal et grave je lancerai dans Jabicircme lenfant
cheacuteri de ma penseacutee
laquo Cal ce sera un signe que jaurai renonceacute ft la 1510ishyre du monde pour la gloire dEUe
~~--- ~ )
DB LIDEacuteAL 39LA CONQUEcircTE
- Cc livre
Et un long silence accompagnera sa chute tandis quil
pll~sera magique eacutetoile dans le ciel recircveacute de notre recircve D
Apregraves un moment soudainement timide Andreacute ajouta damour il est presque termineacute Cest ma
vie Ile ugraveeux anneacutees celle des heures de meacutelancolie comme celle des heures despeacuterance
Le lirons-nous ensemble Michegravele avant que ne lenshysevelisse magnifique tombeau la mer fgtlysteacuterieuse proshyfonde insondable gardienne eacuteternelle de ce secret rashy
dieux de ce deacutepocirct sacreacute
Il parlait avec tant damour avec un prodigieux et
si tendre cnthousinsme que jen eacutetais troubleacutee et quun
instant jallais mecircme me laisser eacutemouvoir par lideacutee de cette œuvre damour conccedilue neacutee pour mourir et
mourant afin de lester le confident SIIcircl et fidegravele de deux acircmes unies
Mai1 aussitocirct je sentis plus fortemcnt encore latmosshy
phegravere miegravevre et presque malsaine dont cc scntiment mentourait
El (lune voix donce qui cherchait agrave atteacutenuer IJOIII
mon ami Allereacute ln rudesse dune pensee tellement eacuteloishyglllC de la sienne je Ini reacutepondis
- Ecoulez-moi Andleacute je vais vous faire de la peishyne p~IICC (lue je le sens un poegravete est comme exteacuteriorf
seacute dam son œuvre el ne pas vibrer il lunisson des mots et des rythmes ougrave il a mis sa vie cest le blesser
Et pourtant je ne puis laisser passel vers moi sans vous avertir leacutecho middotdun monde (lui esmiddott le vocirctre et qui manque non seulement de lumiegravere rnuis encore de force et de vie Heacutelas cest ainsi que les jeunes-gens recircvent
41
~44td-~Jp-middot~ 1 1 JI -- --)~ ~-
40 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Andreacute je VOliS parle ici avec mon amitieacute sincegravere el loyale
Vous pourriez ecirctre lin gl1lnd lin tregraves grand poegravete Vous savez laire eacutetinceler les mots passionneacutes et en vous eacutecoutant jai lII devant les jeux des visions de poulpre dazur etdor Vous savez faire jouer comshyme un orchestreles syllabes dansantes VOliS pouvez tailler lin vecirctement splendide capable de rendre visible limshypalpa ble Ideacutee
Mais votre Ideacutee nest pas assez haute pas assez pme [HIS assez coulageuse
Ce mot des anciens La Vertu cest aussi un monde un monde reacuteel celtl-Iagrave un monde qui se cousshyfruit
Vous vous consumez dans une sphegravere passionnelle que vous prenez pour le Cie
Cest de cela (lue je voudrais vous avertir Ce nest pas comme un artistc exteacuterieur agrave son œuvre qlle VOliS deacuteroulez lextase enfiegravevreacutec de votre heacuteros afin de nous montrer par de-Iagrave des horizons plus calmes votre heacuteshyros il est vous-mecircme vous lout entier VOliS ne conshycevant pas une destineacutee plus grandiose que celle de sabicircmer dans un gouffre damour
Cest donc vous-mecircme votre caractegravere voire philoshysophie votre infime conscience des choses (lui ecirctes enshyveloppeacute de ces bru mes 1011 rdernen t coloreacutees comme lin coucher de soleil pal 1111 soir dorage
Et moi jc suis hors de ces nuages
-Parce que VOliS ne maimez pas dit-il avec beaushycoup de tristesse
1 -f
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Laccent interrogateu- avec lequel il prononccedilait ces paroles me posait une question qui apportnit vers moi un e implorante attente Et comme jene me deacutecidais pns il reacutepondre reacutepugnant il la moindre dissimulntion mais troubleacutee pn cotte soulla nee _(II i III1jUlelltail aushypregraves de moi Andreacute ajouta dune voix mdallcoli(lue
- Oh quelle chose navrante que de revivre heure par heure les chegraveres journeacutees de Iautretois [ojeux de cet autrefois (IUC (lVPC UII peu dhuhileteacute 1111 peu de tenncite 1011 aurnit pu taire UgraveIlIP~ plus longtemps lon aurait pli deacutelicieusement prolonger et qui vivrait encore peut-ecirctre
llnintcnaltmiddot El alors ail serail heureux comme on lddt ~ ftrefois soi et Elle Elle la petite fille (lui riai] et qui
chantait qui ne sinquieacutetait pas de grandchose qui soushyriait aux regards de vos yeux et il la pression de votre main Mais non tout cela est envoleacute envoleacute plus loin
que les oiseaux snnvages que VOliS avez vu passer au-dessus de votre tegravete ail deacutebut de lhiver dans ICIlI luite vers les pays du Sud Tout cela est perdu perdri plus deacutefinitishyvement perdu que le navire (lue VOlIS avez vu sertir du port joyeux les grandes voiles deacuteployeacutees et qui nest jamais revenu jamais Que personne ne retrouvera parce que les vagues lont briseacute et quil est tombeacute au Iond d(~
la mel en lin lieu inconnu Et ill a 1111 morceau dl
mon lime dans ce navire perdu
- Vous ne doutez pas vous ne douterez jamais Andreacute je le sais de laffection profonde el dollce que jai pour Illon ami denfance Et cet ami si cher je veux quil me gnrde toujours une grandemiddot r place dans ses amitieacutes ~lais je voudrais je voudrais tant vous inspirer du coushy
-------------------
-- -- 1 ~ ~~-~-~ - bull 1 III ~ III T~r0
-~~
LA CONQuecircTE DE LIDEacuteAl 43 LA CONQU~TB DB LIDEacuteAL42
une force intense que je sentais monter et vibrer en rage de la puissance de vivre et de lutter aussi de la moi je l4r sa main dans la mienne et la serr nnt viveshybelle puissance feacutecondante et illurninatrice ment je tarlai plus haut en le regardant bien en face 11 Yadans le stoiumlcisme une racine tregraves vraie que neacuteshy
-- Si vous vouliez Andreacute si vous vouliez Compreshycessite le principe megraveme de la conselvation de la vie On peut tirer le beau et le bien de toutes les situations nez quels ltSOIS sublimes sont enfouis dans voire resshy
plendissante jeunesse et recevez de moi ce soir jeet comme la dit un penseur Nul na jamais le droit de deacutesespeacuterer puisque nul ne connaicirct avenir Mais il faut vous en prie un peu de ce courage lui pourrait illushy
miner votre chemin actuel un peu de cete foi enenvisager les eacutevegravenements avec couruge se chercher un nous-mecircmes celle foi qui transporte les montagnesbut heacuteroiumlque el suivre une voie droite qlli monte sans
Je voudrais pouvoir loucher voire agraveme et lallumer cesse
Accomplir un nohle ideacuteal cest toul ce qlle lon nouve comme un flambeau
de plus henu en ce monde Ne lu-isez pas ne brisez Ecartez ces vilains nuages ces brumes tipnisses et jamais rien que la vie OIIS don nt mais transformez troubles dont je vous parlaisfout-agrave-Iheure cl dont
je suis hors non pns seulement comme vous le croyez souvent Oh savoir se trnnsfomcr assez vite assez facilement parce que je neacuteprouve pas les mecircmes sentiments que
ceux que vous eacuteprouvez poar moi mais surtout je liens Andreacute pOlir ne pas snnnihilel contre les obstacles de agrave vous ll dire palce que j~ ne partage pas votre penshyln route Etre comme leau qui prend III forme du seacutee et que jai des conceptions inlellectuelles tregraves diffeacuteshyvase qui sait toujouls IrOUCl son niveau et qui ne renLes des vocirctreslaisse aucun vide Agil pour le mieux parmi les cirshy
constances avoir plusieurs plans pour la coftstruetion Le point culminant de la leacutegende que VOllS mavez de leacutedifice savoir prendre les mnteacutelIumlauJgt accessibles fait connaicirctre le geste somptueux qui la termine est et sans chercher lirreacutealisable ploglesser toujours cornshy une erreur me un homme vraiment digne de ce nom
Dabord vous preacutesentez cornmc une apotheacuteose la Un homme mou ami senllzmiddotvous comme moi tout
destruction dune œuvre dintelligence et damour Moi ce quun homme peut taire et peut devenir je ny vois quun sacrifice inuLile et coutre-nature une
Quelles limites existe-t-il aux lointains norizons de deacuteformation de la sensibiliteacute normale un acte reacutealisant
la penseacutee humaine une penseacutee chimeacuterique et deacutesordonneacutee Et comme Andreacute Calvis palaissail accableacute dune
Cest la neacutean tissement de reacutealiteacutes passeacutees preacutesenteslourde meacutelancolie dune deacutesillusion immense el cruelle et il venir pour lexaltation dune minute vaine
un sentiment de pitieacute me peacuteneacutetra toute Naurampient-illi donc jamais deacutesireacute le relire ce livre fJe meacutetais promis de lentourer despeacuterance et avec
L J J ~ l ~ f ~ t ~ 1 ~ 1 ~ ~ i 1 i ~ l~-~~--n n Ti
~5u r CONQUftTR na rmEacutee middot1 LA CONQUftTB nR LIDEacutelt
1
Non La pleacutenitude de la trame de la vil nest pas une chose si facile il atteindre quon puisse saul
pat neacutecessi teacute en (lnOlII1 des fi ls
El pourquni ne pas II~ donner aux hommes I~I~ poegrave
me chef-dœuvre ougrave tant deacutenclg-ies sont venues sinshy
carner Pour le poeacutelc et sa compagne ces pa~es sont vecues
donc deacutepasseacutees Ils vont vers des hauteurs nouvelles laissant pOUl
ceux qui les suivent cette marche dalhagravelle Toute la vie senchaicircne el se reacutepond rien nest
fermeacute Et ceux-lit dont la puissance laspiration le
geacutenie sont mulliplieacutes pI lamour ceux-Ill ont besoin
pOlll lenr lorce duellc dun chard dexpansion daushy
tant plus grand LIgOISIlI( il deux lst reacutealisahlc cornshy
me toutes petitesses mais il ne peut avoir iicu de
eontuun avec lheacuteroiumlsme el le suhlitue ~
Toutes mes penseacutees sont tourneacutees vers lutiliteacute tout
mon ecirctre seacutecrie ( Que la vie sail plus helle que
lhumanitlaquo soit plus nohle )J El toute action qui ne
tend pliS vers cc hui me parait un gllspillage cl une
perle Au plus haul point le poegravete le formateur le roi
dl la rcalisalion active est chargeacute dune grave resshy
pnnsnhiliteacute Cest lui qui jel tc dans le monde sous
une forme intenseacutement attractive et assimilahle les
ideacutees Et dans le vaste conflit lideacutee de lHarmonie na
jamais assez dannonciateurs et (1( hagraveaulls _ Ah Michegravele seacutecria Andreacute en portant arrlemshy
ment il ses legravevres mil main qui encore serrait la sienne moi je vous dis si vous aviez voulu si vous aviez voulu
Je suis plus plastique lue VOliS ne le pensez vous minfluencez tellernent Et je reccedilois voire ideacutee et jen suis dynamiseacute comme Il un grand jet magneacutetique lui deacutejagrave me transporte et mexalte
Si vous aviez voulu si vous aviez voulu Cest VOliS qui auriez eacuteteacute mon guide et mon appui
ma III use Illon iuspirah-ice Oh vos chegraveres penseacutees
hautes et braves comme jaurais eacuteteacute heureux et fier de les vegravettr de mots fervents lumineux passionneacutes
eacuteblouis
- Mais si vraiment je puis un instant aider mon ami poegravete pourquoi croyez-vous ndleacute que je ne le
voudrais pas
Il se meacuteprit un peu ou peut-ecirctre voulu se meacuteprenshy
dre sur le sens de mes paroles et il reacutepondit tout bas
sans lever les yeux sur moi - Quel espoir merveilleux voulez-vous donc encore
laisser dans mon cœur
Aucun autre Ilue celui (le vous ecirctre toujours une
amie sincegravere et fidegravele - Vous concevez alors des relations veacuteritables contishy
nuant agrave exister entre vous Michegravele qui De vibrez quashy
vec votre intelligence et 1 malheureux qui vous apshy
partient tout entier et dont la seule raison de vine
eacutetait leacutetoile despeacuterance quil avait mise en vous
11 parlait segravechemen l cette fois dun lOB ironique
lui voulait cacher son chagrin Je repris avec douceur - Vous avez tort de me parler avec tant damertushy
me Illon ami lorsque vous devriez comprendre la soutshyfrance vive que jai de lOUS aire du mal
6
~ l _ -J l ~~~11
LA egraveONQUirE DE LIirEacuteAL
Je veus ai dit ne brisez pas ne brisez jamais rien
que la vie vous donne maistransfolmez souvent
Comme lon a tort de couper des liens lorsque ces
liens auraient pu modifieacutes par la volonteacute et suivant les
eacutevegravenements temeurer toujours La vie passe les cilconstances ne se r~trouvent pas
deux fois les mecircmes et il est presque impossible de regraveshyfaire plus tard quand on les regrette les anciens liens
briseacutes
Andreacute minterrompit gravement _ Pensez-vous q~e facilement jarriverai comme VOliS
le deacutesirez agrave faire fleurir mon amour en une saine amitieacute
surtout surtout Michegravele si un eacutechange actuel subsisshy
tait entre nous
Ne songes-vous pas agrave Ja douleur que jemporte ce
soir en YOUS quittant apregraves que vous mavez verseacute tan t
de beauteacute tant de gracircce tant de lumiegravere et lorsque
telle quune pluie llautomne deacutelicieuse et cleacutemente vous avez baigneacute mon acircme deacuteserle assoiffeacutee avide
comme ~ne terre brucircleacutee apregraves un lourd eacuteteacute
Comprenez-moi je ne veux pas dire oh 1 loin
de lagrave quil soit bon de jouer pour un temps avec lil shy
Iusien de ce qui ne peul pas ecirctre Tant que YOUS
souffrirez en recircvant agrave vos recircves eacuteloignez-vous retirez
votre penseacutee si cest lagrave Totre moyen le plus doux le
plus sucircr de tranformntion Oui certes nous avons droit
ehacun agrave ce qui nous est propre
Seulement si vous Touiez me croire que cet eacuteloishy
gnement soit tempolaire que cette seacuteparation nait rien 4-irreacutevocable Car il me semble que la douleur ne peut
LA CONQUftTR DE LIDEacuteAl 17
avoir dacircpreteacute dans des liens qui se perpeacutetueat et
que en deacutefinitive tout ce qui unit est un bienfait
Mais je vous sens las et je voudrais savoir vous dire quelque chose de large et de sain qui vous fasse vraishy
ment du bien
Je serais moins triste de la deacutesillusion que je vous
cause si vous vouliez garder en souvenir de moi un
peu despoir un peu de force et UD vouloir defforts
URe foi rebuste dans la vie si impreacutevue si riche si
ianombrable
Soyez eacuteneacutereux envers elle onnezmiddotlui abondamment
faites de la joie autour de vous faites jaillir partout
de lespeacuteraace ne chutez dans vos poegravemes que le
courage lalleacutegresse le respleadissement des mershyl
veilles humaines appelez deacutesirez attendez eacutevoquez
sans cesse le bonheur 1
Il viendra on jour mon ami 1 je vous le promets
et je vous le preacutedis 1 Neacute formez rien en tristesse et
en deacutesespoir entourez-voas dune atmosphegravere sereine
tout apprschera de vous en beauteacute en douceur
Ua poegravete agrave dit Œ Celui qui chante au dieu un
chant despeacuterance Terra SOR vœu saccomplirraquo
Aspirez lenthousiasme soyez vibrant de vie et palshy
pitaat de foi Soyez fort pendant leacutepreuve
Et je vous auaonce en certitude que votre jeunesse
silluminera bientocirct dun retour splendide de la desshytiaeumle lt
Et je parlai je parlai loateps eacore sentant que
je tenais egrave soir comme dans mes maias Le cœur dhomme qui Tibrait agrave cocircteacute de moi j longtemps encore
9
J
LA CONQUEcircTE LIDiAt48 DE
je renveloppai de visions radieuses comme on en vemiddot loppe chaudement lin petit entant qui tremble de troid
car sa meacutelancolie cherchait il recevolr mou optimisme et sa lassitude buvait agrave flots [eacutenergie cl lenthousiasshy
me dont je cherchais agrave le reacutecontor ter
Puis GIandpegravere vint timidement nous interrompre
Mes enfants il est pregraves de minuit _ Heacutelas murmura Andreacute dune voix tregraves basse que
seule jentendis heacutelas heacutelas heacutelas Voici avant longshy
temps ma derniegravere joie finie
Crandpegravele un peu gecircneacute souriant dans sa barbe blanche un peu inquiet aussi reacutepeacutetait avec bienveilshy
laace __ ~lons mes enfants Dites-vous adieu Et VOliS
Andreacute venez je vous accompagnerai avec la lampe
jusquagrave la porte du jardin
Puis il sortit emportant la lumiegravere poseacutee sur le piano NOliS eacutetions mnintenantdebout lun devant lautre
Andreacute et moi dans une demi-obscuriteacute relativeIeacutetais
eacutemue car tr~s violemment je sentais palpiter le pauvre cœur dAndreacute comme un oiseau blesseacute aux battements
dailes douloureux II sapprocha dun cornet de cristal poseacute sur la conshy
sole de marbre il cassa la tige Jun lys tt me dit
_ Vous permettez que jemporte ce lys Michegravele
il vous ressemble si pur si eacuteclatant si fier avec la spiritualiteacute dc toute Ba blancheur avec son grand cœur
tout en or
Sa voix si triste mimprcBsionnait
Cardez-le reacutepondis-je doucement
il 1 1 1 l J
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Son COlm dol renfertne un mot pour le poegravete laquo COli jltlgc ct Espeacutelltlnce raquo
Alors il hnisa pieusement Iii llcur puis il O1UImlll8 apregraves un moment de silence - IgteacuteSOllllilis ce mot sera ma devise
Et il sot-lit lentement du salon agrave reculons h-s yeux fixeacutes SUI moi comme sil voulait emplir 10llt son ecirclre el
tout son souvenir de Illon image il cet instant
Que la vic est mysteacutelieuse plisltllIe ail milieu de ccLle villlanie eacutemotion hegraves helle ltpli cherchait 1 me peacuteneacutellcl je me sentais entoureacutee pal quelque chose dinvisible qui misolait et jeacutetais appeleacutee loule vers lAuhc le RlHlieux (Ille je connais el ltlIC jignore
14 Juill
Depuis quelques jOIIlS jiiIuml peu de temps agrave moi cal je sens glillldpegravelC soucicux et firligueacute cl jc vis beaucoup ashy
vec lui Pauvre cher ganJpegravere Il ma tout-agrave-fail appIollveacutec dl IlC pas avoir retardeacute III franchise de ma
deacutecision il Audleacute puisltjlle jc sentais si nettement (lue mes
sentiments Ile leacuteponJlllicut jamais aux siens Seulement il leglclle hCiIUCOUP jc crois quil en soil ainsi Cu il a
une protonde envie dl me voir tIlHIVlt~1 bientocirct mon honshy
hCIII cl puis il alme tendrement cc fils de ses vieux amis
Il ml parle sn liS cesse dc ses idees SUI la vic ougrave les lem mes selon lui ne peuveu l ecircti lt~ complegravelcmcnt hClIIcusrs (lue dans lin mariage damour il vaille aussi le malillgc tregraves tocirct dans la toute jeunesse union infiniment plus normale plus saine pour la santeacute merule ct physiquc dunc rnce
50
JI-1 j 1 j iumlI -l r--l l-~ lJ -J r-J r-J JJ bull
L COSQUEcircTF DE L1D~AL
f
Hier jai reccedilu un mot tleacuteidculi de Jane Iousta Elle
me demande de bien ouloir ehantCl deux duos agrave une ~
soireacutee musicale qui a lieu chez elle le ~O Juin avec son amie Lucette Pager Iii tille du peintre El e1h~ insiste si
affectueusement que je nv CuX pas refuser Et agrave linstant jOllVlC celte lettre ltlEdmeacutee Torguegraves
1) lujn Manoir (le Ker-Nollhi1
( Oui Cheacuterie nous sommes deacutejil il Kel-NoUheumll laman
Guy et moi Notre tleacutep1 t sest lkcideacute si sllhitement que
je nai pas eu megraveme le temps de cauri temIJIasser Mais
Papa vient decirctre forceacute Je nous quitter encore nue fois
pour Mew-Y 0 11 Et comme il avait besoin de passer
quelques jours 8 son usine de Saint-Nazaire avant sa
longue absence (il ne sera salis loutc dl re lour quen
Octobre) nOliS lavons accompagneacute jusquici tous les trois
et il a preacutefeacuteteacute nous lluiller il Ker-Nouhi1 tout installeacutes
pour leacuteteacute qu de nous iuisscr laire sans lui 1111 Illois plus
tard le voyage compli(Ill~ (le Pai-is jusquici Aussi nous avons nIisIS un IOIlI de torce en expeacutediant
tous les preacutepillatifs en lin [our et une nuil Avant hier au SOil mon cher Papa nous li quitteacutes tregraves
courageux mais 1011 triste El maintenant 1aman cl moi nous tronVODS sans
nous lavoue l la gande maison bien grande et bien vide 1
Pour-lan l le mois de luin est une fecircte perpeacuteluelle un
eacuteblouissement enchanteur et le jardin nest quun fouilshy
lis de roses les roses roues et les roses blanches les
roses theacutes et les loses roses qui nssaillenl les vieux murs qui enlacent les branches qui surmonlent les
LA CONQURTE DE rmEacuteu 51
cimes des jeunes ormes et des ch(~nesliegraveges el qui se balancent au vr-nl pleines dUn parfum IOIIld comme de grands encensoirs
Puis devant la maison au hou] du champ hordlt des tamaris en 11(~UIS la Illel emplil jhMiwn la Iller
merveilleusom-ut changeante opaline el aZllIe tranquilshy
le ou anxieuse avec ses innomblables valiegravels de nuanshyces et sa musique eacuteternelle
Bientocirct Juillct i et alors tout lepanouissernent Iles
genecircts dQI des bluyegraveles des lavandes dcs cbegravevrc-Ieuilles
des œillets des verveines ci des grands lys sous le petit bois
Et je vienS te demander Michl~le si tu ne voudrais pas loi aussi veuil il Ker-Nou heacutel dans cc cortegravege de leacuteteacute
Cest mon recircve depuis longlemps tu sais de tavoir id
Ton cher grilndpegravele aiderait si hien ~lnan lemplir
les heures cruelles de Iubsence d loi ilia grande cheacuterie
lu me donnerais tant de joie tant de bonheur
Je ten prie vile un mot 111I mol qui nous tela 1011shy
ner ici de joie ct dimpaticncc L Cal jai lanl de choses agrave le dire raquo
Jai bien envie moi aussi ltatTivet Jans lenchanshy
tement de Kel-Nouluumll ail milieu ltIII cortegravego de leacuteteacute
Et pal celle lettre jni limpression dt~Ite a ppele vers
la Bretagne dune maniegravere si torle ri si prntoude ltlle
cela metonne presque malgreacute lamitieacute qui me lie t Edmeacutee
Mainlenant je me sens euveloppclaquo comme pal la
main dune feacutee de milles petits fils lumineux invishy
53
-- JI ~-- - JI JI JI J n LA CONQllEcircTR DE ImEacuteAL
sibles qui mattirent qui mattirent doucement mais
invinciblement
bull
16 Juin
Apregraves une longue seacuterie dexpeacuterimentations il ce sujet je suis arriveacutee fi me convaincre quc [es songes de la nuit sont dune infiniteacute despegraveces diffeacuterentes Comme
il y a plusieurs genres de sommeils qlle lon commence un peu agrave connaicirctre en sciences psychiques il y a plushy
sieurs tenres de recircves Dnbord le recircve ordinaire qui me paraicirct purement
ph) sique comme les exlrnva~nnl(s penseacutees du cervelet
pendant le sommeil tandis JIJ( la partie controcircleuse du cerveau est endormie comme hien des cauchemars
aussi qui viennent simplement dune digestion difficile
ou dune couverture trop lourde sur le corps
Cependant il y a dautres recircves (lue ceux-lagrave dont tout
le monde na pas connaissance d ailleurs mais seulement
les personnes sensitives Et ces regraveves me semblent venir dune partie inconsciente de notre ecirctre qui e se reacutevegravele agrave
~
la part ltle nous-mecircmes la plus nor-malemenl ctnsciente
et active que lorsque celle-ci est elllo)mie
Je connais une dame tregraves intelligente et aussi meacutedium
remarquable qui est toujours preacutevenue la nuit en recircve de tous les eacutevegravenements importants heureux ou malshyheureux qui arriveront dans SR vie ou dans la vie de
ceux quelle aime quelques jours plus tarltil
-~
i1
r LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Je connais aussi une petlte liJe de douze ans qui Il eu if y il deux mois lin songe asse curieux elle recircvait qll(lle cnlendaitllne voix lui crier Iorterncnt dans 101 ciJe Legraveve foi vile 101 lit 111 teacutecrascr
Acceplallt cel extraordinaires paroles avec la faciliteacute dont on il(elleiJlt tIi ri( souvent les plus soties ideacutees ell(~ IlIt prie rlllll irdelse ICllelll el se levant
precipitamment cuu ru t jusquau land de sachamhrc en
criant Elle J eacutetait il pein arriveacutee (1111 les g)OS ornements de bronze SlPP0llillll les lideillix de son lit tombaient dll pleacutellond en Inisant 111 tracas (pollvantablc
Le rlornainn rlu Bel est ceres illimite
Le monde est infini Le monde esl dune cornplex ie infinie
El je sais et je sens el loul mon (Ire atlirmlaquo ltflle certains de mes recircves sont des eacutealileacutel
Rt~aliles dun autre ordre sans doute actions acles et pensees existant POIl ainsi dire dans un domaine dif Ieacuterent un domaine (li est je leur existant dans une
partie plus subtile du Cosmos mais une partie qui
esl aussi reelle par lnploI il elle-mecircme quune main
physique est reacuteelle pal rapport il des yeux physirJlles Tout esl )cJalil
Celle nuit jai fail 1111 de ces recircves El il ma particullshyegraverement impression lieacutee
Jeacutetais seule Sll une haute laaise dans IR nuit imrneacuten se sans lune el sans eacutetoiles
Devant moi je devinai dans Jombre la mer-houleuse qui IrappnIcirct je locher et qui mariait sa plainte terrible aux lonis geacutemissemenls des vents
----
__ bull - J1-_____
1
04 LA CONqIJEcircTI DE LIDEacuteAL
UIIC alxid~ metreignait ct aussi une iltenle comme lespoir dun honheur
TOIII il coup le dei parucirc] souvr-ir d lin jel de lumiegravere
rudieuso en descendit qll1 Irancha lohscuritc
Puis 1111 nllage dDI el dlzu duue merveilleuse splr-nshy
deur se 101l1li au-dessus de caux illuminnn la mer
Cc nlligc apportait 111 grand calme (pli mc peacuteneacuteh-a Ioule cl qui ilpliia megraveme h-s flols pl les vcns
Alorsl1l milieu du nuagl huuiucu x je vis se (orrncr
progressivement et de plus Cil plus nettement lima~e
dun jeune ho III 11I( I(UII( rcsplcudissaute beauteacute cl donl
la physionomie n()hll~ el grlve sous les longnes boucles
bull1LA CONQUEcircTE DK 1IIgtJlAL 55
-----shy
o viens agrave moi f ocirc viens agrave moi raquo
Et le nllag-e Iumineus sembla se diwlldlc dans leau t lappilli Iio n ceumllete dispnrucirct
Comment rxpillllIeacuternolion jnmuis ltssrdie 11 jlshy
follvili lII (nlellllili Je 1II111mlllt de lltic voix iu ouhlinshy
Idl Cette loix lt111 i(~cnls tendres et gruves ((Ill voix
1 l1 i Il(lai (lII C()IIII1l(~ I~ prolongemcnl (1t linle eacutem lit
Des lthos(s infillis ct innomhrahles Sl~ pneisairnl Cil
moi remuees pal ClS PillOJ(S El ce mct laquo Souviens toi
avait leacuteveilleacute au fond d(~ moi-megraveme tO~lt UII pilSSC loin fain vndormi dalls IIIOIi ecirctre
Drs choses infinies cl inllolllhrahks contilluellcs veshybrunes semhl il contenir des mondes de Iorces el des mondes de penseacutees
Ses )(UX dor (jUII( protoudcur iuuumlnic rndinnts cornshy
mc deux (Ioills melllplissaient i1(middotspuumlilnce El lorsquIl mc pilrla une all(IsS(~ inconnue lit vibrer lout mon ecirctre
Souviens loi nie Iii-il Souviens loi Depuis laquoes siegraveshy
cles ct des sicclcs ln es il moi d (Ppllis des siegravecles el des
siegravecles j(~ tappilrlicns ilia hicn-aiuHl
Cherche-moi EL viens il moi
Sur la terre jardin en triche sur 111 lerre demeure
des hommes joyau des dieux je li1t1ends
o viens il moi
Nous avons dl plll I(~ monde dl~ ~Iarllirs choses il Iaire
ensemble (1111 de J(~t$ lalisel dl conquecirctes 1 pourshy
suivre (iioCspoils il Inn-e naIcirclre dc deslins il magnifier
Je reacutecoltes il moissonner dl victolres il remporter
nues de tregraves Ioin passnIcircPIII pilssairlll tians mon souvenir
cl sy pressaient lII foule avec des visions dEgyple et dCnde anlique
Ellolsle lappillilioll ceacuteleste disPilllIcircI la nuit etait
devenue le jou r Les eacutetoiles avaient dahord illumineacute le frlmnrncllt dc leurs millions deacutelincellcs dal puis le
solril seacutelai leveacute dans 1I11(~ lespielldissalilc aurore lfui PlIlflouplilil despIII11P lholizon dlloui
~Iols je meacutevcillai dans mil chlllhe close penetree dlin houheu r selin el mClveillellx
91 Juin
Oh 1 Silliall dl VII r k p01l1 piano lI violon crs pages si compldes de 1lIIlIS el L1sflili1lions ces cris de ddr esse June ame incomprise cette seacutereacuteniteacute espeacuteshy
tt
r _
- bull bull bull bull
iHi L~ ON(~ J Jh I~ DR LID( AL LA cUNQurhg UF LlDEacuteAL 7
lalit celle ruclaucoic el lItle glUgraveel charmantes sunrinnt
uvee houleacute devant a plwriil( duue vie qlli heurle le
~eacuteuic r l toutes (es (IIIols huutninr-s 11 dtSslI(CS l(IS
la cime nouvelle elllOle jillilais a lleiu le
Oh lCS plmii~)(s pliass illlpllises lillIes qui
surtenl du nI( el illi Il pl~IIII1l1 lIl dlic(lIdll l1Icirc plashy
uen l 1I11-desSlIs des ehmes 1 1l1i (lIelellelil (Il lillonnanl
le plus lumineux chern in pOlIr monter pillS halll cucurr
Oh ce second rnurccuu somhle d 11011(11 d IUIIe
la dOlllllll pesante iipn d (11111 qlli (lIilse le 111111
el (sil de lllIlislP lI l(S llvoiles vinlcul cs qlli hashy
versent el flIldelli la nuil 10111 (OllflllIir toutes les torees
du Ciel el ces cnthousinsuu-s dSPIIiIlIC( qui f01l1 sortir
de soi-mecircme comme IUIH)IIs plll la Itmpegravel(~ des sons
lmd igiell x d ((S llili 1(S dOlilolllCIISIS rnvnrc qui ensshy
seul hlqllelll(IlII(SSOI lII Ilrillll lespoir suhluue ri qlli
sillIgloltrd IUlIf has 1111 SIII ~rall 1(ITildl
Perulnu t 1( IllIl1s qui lllllllll si Ilill1Il11I1 quelque
rclI suuvaae el d(sol 1clqlll 11I~1I1le mannir sulishy
laire comin cel IIi dll le ade dl Tristuu javais hier
soir c1I1)I luu Iollsln pns dl moi la mailrcssc de la
maison lui Ille sllIddail vivrlaquo (II SOli 111111 IOIlI It drillle
puissant de les trois lrclIIilrs IlIUITliIX
Sun sourire orgll(illlu vuilai] sur SOIl visilgl dulle
pMen de 111 ilrllll ladlIh~ Jdless( d~ SOli 111)( el lIle
se Illait IOllil~ Irtlit- irnluollih tOCllllie 1111 sphYIIX eacutegpshy
lien dalls ulle mil Iloil( Sllleacute( doIumll 1IlI(Igeail lOllle lil
IJlilllchcul illquidalll~ d sa loillill lit SIS eacutepallll~s d
de ses hnls sl(lltlit1(IUlll nas
Une lose louge saiguail (1 S( mUllIail dalls SUII chigllOIl
deacutebegravene el cdaillagrave SOLI seul bijou
----
- IJe quel dtsil (j~(u portes-tu dOliC le deuil pensai-je
(II la rgil(lillIl hlllliis qlle dam Il lerilalif Ilagilll( passhy
~ilii h~ souvenir Iii Iillliise des phrases irnplugraveis(s cl lilshy
gllS du deacutehut CIS phrases qui sollelll ou reve cl (IIi Ill
peuveut en dscrlltln qui plilll(lIl ilu-dlsSUS des chosls cl
qui dlllc1wlIl lIl lilollllllnL h plus lumineu s ClllHlill
10111 111011(1 plus ha ul Puis la f(wIioll 1Ii11lanlr
de la lil illidc el solilailI Jlltulail (lIeOI~ tl de 1I0l(shy
veau je elllIlIlais ds veux la somhrt silholltll(~ de 1111~
(lui cerfaiuement frissollllilil 1111111 dlHmalillH illg()bsl~ el semhlnlt plIil pillilllIcolC
Puis llllleacutegrello 11glI eornl1len~a El Ct Iul la Iill SOIlshy
liillllr cllIn~ gllI si distillglleacutee ces llpollses tlt~galltes tIlI liHIIO 1111 violon duo tI(~ charmu enjolleacute cl impreacutevu
FIanck 1I01lS peignallt les hadillilgcs dilllUUI tlt~ 11lOs dl 1h(illr( d~ usse]
El 011 lun toup celll elllolle 1lIll1e qui lIOIlS lalll(lIt~ rlillIs ii joie dt ftITt ilplegraves 1ln~ lIlOllts s IIHlIL el
11111 ndosilJlI Siliw de ~Iitlt~ lalgl~lI fOIII (li Iiliss( au CIClIl 111 dlsir d~ 111111 illIioll
1 011 Iii IIlelill(lIse sOllale lIII 11 bien supllilu
l~nllIlt infelpllIeacutee pal e lcmilllJlIagtl liololish umand Cousin el Son paltellilile Pilulo Cegravezan
plegraves lue Lilcellc Pagel el moi IUIIS ellmes charlleacute lt~ jolis dllos de CllilUSSOJl IIne challIallltmiddot lillelle dc luilze
1IIIS enlevil SUl Iii harpe c1l1ollil1ilue L(s DlIlIses SashyCIllS et Plolilnts de DelIIISS)
1)lIdles inrplegtsiolls deacutelicieuses fll-i1i les lUllIlle
cllalll aeacuteriln Comm( I frissoll Illli1ire tlislallillts clmme
Ulle SOlllce Inurlllulalllc paleilles agrave UII soupit agrave IIne
(()Nllflh~ OR lIIlI~ A 1 1~
fumeacutee capricieuse Ugrave une vapellr qui seacutelegravevlaquo des riviegraveres
desseacutecheacutees ougrave Ileurissent les lauriers-roses el viln-anlcs
dune alleacutegTessc de vol dhilonddles qui (kchilltnl dlin
cli sl rldent le ~r(nd silence rlrs nlHIges dalltomne
Ilans C(S 1lilmts lcnls volu pl ucu x in((IIlillS ascI(S
enivres pllSSCll1 cl Iourbillonuuut en lg(S Iaulocircmes
les visions Iltnlallic(s liIIli0IlIltII(middotS el lasses des danshy
seusrs lvdiennes
Milis celle lascin aliou maniugraverce cl malsaine paleacutee de
couleurs faneacutees de deuri-Ir-iutcs impreacutecises a une odeur
dl poison cl de mensonge cl Debussy diffuse dans lair
des parfums subtils et Irouhles
En allant leacutelicitvr III jeune halpisle Il husard d la
cohue mondaine me Iacilif n nn 1(lc-il-I(lt impreacutevu avec
Jane
le n avais pu lui parler encore cl je lui demandai il voix hasse
-- Comment St lnif-il qlll ni lon amie Hose-Marie ui
Edmond (lIld ni lnuleur du 101 Hire ne soient ici
ce soir
Une ombre passa1I1 le hrau visage pille
- Edmond Gaud est en tourneacutee dans le n011 de lAushy
~Ietelre reacutepondit-elle Ouau l aux dellx 811 Ires (cl de
nOUV(llU elle me parugrave pugravelil plus encore) je ne sais pas
grilndchosc le les espeacuterais bien ce soir cest loul cc
Ilue je puis le dircmiddot
11 devinai toutes les souffrances de ma pauvre amie sa
singuliegravere passion pour ce Guillaume Tara et le caprice
de celui-ci pOUl la petite Itose-ecirclarie du Theacuteacirctre Franccedilais
II 1 II ~ 1J I~7
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL ~9
qui avail d chercher il enlever ft Jane un amant si utile pour ouvrir laccegraves des premiers rocircles
Iane ajouta - Tu avais raison ~lichegravele dl~ ne pas aimr-r lIos( 111( Illa si hilII lrahie
Malgl( 1~lIvil que jcil eus je Ilosai pas Cil er moment
lui la issr r voir C( (JlJ( pensais de lanliplllhiCfue Tarn Et je dis seulement
- Tu es si hltIIlt lan e PI si infiniment plus digne decirctre aimeacutee ]lH Ile lonl jamais su la pillpnrl de ceux
qui laimegraverent jllsquf1lolmiddotS Tu peux lembellir encore en
augmentant Il aulant ton esprit de luttes diniliative de
courage dendulallce que lu as souffert de deacuteceptions
dl chagrins de truhfsous dl deacutesillusiolls El tu lenshy
con 1lllilS enfin UII jour la slIll joie l)Iofonde el durable de
la vic un amour eacutegal il celui laquo(IIi sommeille en loi ri qui
lsi encore in lac] el plll palc Cf Ut nul na su leacuteveiller 11I1 amour digne lII fi 11 d( Il posseacuteder toute
iis 1 ce moment le comte Kousln sapprochait
-- Pardon lanlaquo veui llr-z vous occuper un peu de OS
amis cal il est lheure dl failI pass(~r au hu(fltl
El tandis que la noile silhouelle seacuteloignait apregraves ma
voir jeteacute un chaud rcglrd de lendnssp pour aller lljoindre
les groupes qui lranstormaicut ce snir le vaste atelier eu voliegravere le comte Kousta moffrit aimablement le liras
- Quel singulier homme Cfue ce mari affable lt1 comshy
plaisant pensai-je pendant quil me cOR1rlirnlIlail
SUI la faccedilon dont javais chanteacute Comment sexpliquer
de le lles unions Puis je constatai combien il avait
vieilli l maigri JI il peul -rire beaucoup souffert Qui sait
bull 1---- middot - 1 bull i
~ 60 LA CONQUKTE J)P LIIH~AL
-- -- ------__- ----------------__-shy
Et reacutepundaul dune lnccedilon distraite aux amabiliteacutes du
Comte de Jean ChellllY el de Magdelciue Lamarre isoler pu Il tourhillon lui se pressnil autour du huflcl je mishysolais plus encore en mui-m egravenu- tImil pensee poursuivi
son ((J1I1~ I( Comment SI fait-il It jaime lanl lou le la nature k Jane la vO)ilnl si dl~Iquilil)II dons UII tlill tfue jl~ trouve lelllIfII1 inhIIcirctlIr1 la il 11iI1l1t el PI(
Et je me reacutepondais I( C(~l Ilaprl~s milrf~ plu dans cz le monde pendant quelques mois je snis deacutejugrave d(~s~nshychanteacutee pal ek almosphegraveru tod~ (1 (aussI dt soireacutees des bals des 1heacutelti lres i nlJlIignre heacutelas cornrue de la deacutecadence dune eacutepoque ougrave lon sent que tout vouloir en lhousiaste geacuteneacutelf~u deacutesinteacuteresseacute lout apostolat pour sel vil mecircme une admira hie cause paraicirctrait ridicule et deacuteplaceacute tant ces steacuteriles Ianlnches modernes ont COIIIshy
plegravetemenl rempli leurs vies ri leurs ames de tous ces petits gtslfs de Inules ces petites paroles de toutes ces petites danses cie toutes ces petites penseacutees de feacutebriles
nrarionnetles chez lesquels larrivisme seul apporte encore UII pen de seacuterieux et de volonteacute
JIIi assez de ce monde inutile chic el improductif et parmi sa vaniteacute je sens ma grande lane comme une arne pleine et vivante capable de profondeur et cie progregraves
Elle est helle Loulageuse ardente riche de forces somptueuses el complexes mais ces forces nont pas trouveacute deacutepanchement normal il leur besoin de manifesshytation et elles ont deacutevie du chemin (Ir-oit pal manque de satisfaction parce que nulle rencontre JlIl eacuteteacute assez belle assez puissan le SUI ce chemin droit pour les lier pour les garder pour les eacutepanouir
1
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAl tii 1
Malheurense dans le cours normal de sa vie lnne sest preacutecipitee de cocircteacute et dautres
Et ce quelle cherche inconsciemment cest lutilisation de ses eacutenergies car il ny bull de bonheur que tians la manishyfestatioD
Il faudrait que celle superbe natur de femme puisse trouver une nature masculine pins intense encore quelleshymecircme qui sache la comprendre la domine r Jeacutequilibrer la diriger
Mes reacutellexions furent aors interrompues
Dans latelier la musique recommenccedilait
Paulo Cezare joua avec beaucoup dentrain et de brio la valse de Chopin en la beacutemol et la XI rapsodie de Liszt
Apregraves lui heacutelas un Italien vin] exeacutecuter sur la guitare
quantiteacute de morceaux longs et fastidieux Il eacutetait dailshyleurs un fort vinuese qui ellthousiasma lauditoire pal ses acrobaties vertig-ineuses
~bis ~randmiddotpegravere eacutetait fatigueacute cette guitare lobseacutedait comme moi
](ous nous en allacirc mes en sourdine
Ln musiqlle quel puissant levier pour faire vibrer notre ecirctre Quel connexion intime elle a avec nos nerfs avec notre imll~inalion avec notre acircme et quel grand domshymage de jouer si confuseacutement sm le lavier de nos eacutemoshyIious dl 1I0S aspilaliollsde 1I0S deacutesirs et de placer le centre harmonique dans chaque murceau dans chaque frag-rnenl 011 dans chaque cIIVIe IIU lieu de le mettre dans lensemble mecircme de laudition musicale et du pro-
Il
I------~$_---_---middotmiddot_-----------shy--- --~~- --------------shy------------======
~I ) j J 1 J j J ~ J W J 1 bull J 1 J 111 JI il il J 1 -L ~-
6 LA CONQUEcircTE DR LmEacuteAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 63
Flamme choisi de mecircme quun beau tahleau ne pourrail
suffire agrave satisfaire lœil dans lin salon disgrarielx et en
deacutesordre de mecircme lin beau moment musical ne suffit pas agrave faire resplendil uos eacutenrrgies et nos torees sil est
suivi de meacutediocriteacute ou de perversion
Milis quel sentit le musicien il notre eacutepoque capable de
traduire pal exemple la magnificence Je cette page qui
monte vers le Ciel conlhe une pyramide de gloire le canshytique dAzilriils dans le livre du prophegravete Daniel
El que de ressuurces lorgue aux mugissantes splenshy
1 ) j
Et voici que je meuvole dans le recircve de lUniteacute la vie ~ deurs le violon (peldu dattente la voix hUIIl aine eacutemoushy
vante inspireacutee innornbrahle la harpe aux accents mysshyest tout toujours plus de vie el la vie saglandit du tiques au langage fluide et visionnaire sans parler dechamp de lintellipcnce el linldli~ence seacutepanouit dans
lamour Et je recircve dune musique pleine dt vie wrnpshy lorchestre de sa prestigieuse puiss ance et de tous les
tueusement intellectuelle indiciblement aimante dont cuines aux sonneries triomphales
toutes les plnases sont calculeacutees non plus seulemenl tIl Alors on reviendrait dune de ces soireacutees enivreacutegt eacutebloui
harmoaie sonore non plus seulemeRt en ~uirlandes freacuteshy aYill t chasseacute pour longlem ps lou tes les pensees grises on
reviendrait les nerfs fortifieacutes limagination embellie lucircme missantes qui expliquent et dominent lin drame mais renouveleacutee avec autour Je soi dans les lointains feacuteeacuterishyharmoniseacutees il tous les dtgreacutes pour lapaisemenl la pacilishyques les scegravenes merveilleuses du Bonheur conquis de la cation laugmentation la uumloraisou inteacutegrale de la vie de Rencontre eacutelue lintelligence de lamour dirigees insuflleacutees agrave travers
lenthousiasme docile et confiant de lauditcur jusque Ce nest pllS ainsi que je suis lentreacutee hier Et encore dans les racines les plus profondes de sa vie de son intelshy une fois latmosphegravere artificielle des convenances monshy
ligence de son amour daines et des conversations insipides mil deacuteccedilue et attristeacutee Une musique volontail( une musique plmiddotopheacutetique Heureusement nous purloas bientocirct pour Ker-Nouheacutel
l1on la capricieuse arabesque des regravevelies philosophishy et lagrave je sais bien que la nature en tecircte et le ciel et la
ques mystiques ou sentimentales de lauteur ni les eacutevoshy mel et les fleurs et les arbres toujours purs toujours
cations de formes et de matiegravere mais la sculpture incesshy vrais toujours pareils el toujours nouveaux ne terniront
saale intense de notre ecirctre la symphonie du Courage de - pas mes recircves
lHeacuteroiuml5me la cantate de lArnoul lhymne dt la Victoire
loratorio de la Joie tout Iappel de lIdeacuteal sans heurt sans coDlraste dans lideacutee sans une plainte de faiblesse 30 Juin SaDamp une descente dans les labyrinthes lt111 regret dans
ManoIumlI de KermiddotNouhiq lobscuriteacute de la vie moindre fluant de tout son poids de
Apregraves le lon~ V()yIg(~ (II rhcmiu d( flr el ses troistout son eacutelan de eertitudes vers le bill lHomme changemenls de train Crund-pegravere et moi sommes arriveacuteslhomme plus grand lhomme plus hcureux
V J iumlJ v fJ V J 1 J J ij J ~ J 1 J f - il - H 1
_
64 LA CONQUEcircTE DE LmEacuteAL
hier agrave deux hCIIIes de lapregraves-midi agrave la petite gaIe russhytique de la lleumlrt ougrave Madam~ Torgnegravesiuml Edmeacutee el le jeune
GU) nous attendaient avec leur votture
Que] accueil joyeux el enthousiaste nous avons reccedilu el quelle belle heure amicale passeacutee dans le vieux lnndau tout fleuri pour ce jou r de tegravete de ~ends dor cr iant
leur or bien fort bien haut dans le lumineux soleil en ouvrant grande leur petite gueule casqueacutee donllhaleine est si parfumeacutee de fleur doranger
Tout le long de la rouir merveilleuse tailleacutee dans le
rocher qui suit la mer pendant huil kilomegravetres de Ln Heacutert il Ker-Nouheumll dautres grands genecircls dor eacuteclatants
au milieu des bruyegraveres roussies dressaient leur gloire
leur richesse leur noblesse liers comme les vieux seishy
gneurs de ces terres hrelonnes
Et tout cet or dans les loches violettes SlI loceacuteun
dull hleu fonceacute leacutepandait des chants ltl811ltgTlt~sSI des promesses de bonheur un ivresse lie lumiegravere de deacutesirs de feacuteconditeacute heureuse
Vive la vie meacutecriai-je
Et vive la Bretagne reacutepondit Edmeacutee
Et je repris
- Vive la joie
Et jajoutai Vive lamour
- Eh hien Michegravele sourit Gland Jli~IC
En arrlvant agrave K~r-Nouheumllccfulent denouvenux eacuteblouisshysements
LA CONQUEcircTB DE tIDEacuteAL es
Oh ladorable vieille maison en grosses pierres eacutepaisses qui lui fout des murs dancien couvent et luge longue Lasse ct couver-le dun siruple toit hor]shy
zontal tout JI oit ltfui Iorme la plus commode des tershyrasses
Devant elle un pelil chemin de passage puis un champ tout blond et lumineux bordeacute de lamaris ces
jolis arbres marins dont le feuillage nest quune JUID~e verte et la fleur une fumeacutee lose
Au bout de ces deux centsmegravetres de thbmps18dubegrave
blanche et lumineuse aussi et les loches violenes puis
la mer la mer profonde el mlljcslueuse changeaole bull capricieuse la mer immense et toujours belle
Mais la plus jolie sUJIiseest eacuteserveacutec encore il fugravel entrer dans la maison taversel la glarllic stllie li h1at~h vitreacutee dont la baie sureacuteleveacutee domine loccall haefs~ aussi le salon vieillot 1UX meubles anciens Ilui eumltcittts suranneacutees et puis ouvrir la pollc-f~necirctte qui donncSliilt penon du jardin et alors le legallt1 eacuteUlelreillecirc seacutelend~ijl une feacuteerie
Comment deacutepeindre ce vieux perron agrave double escliliegraver engutrlandeuml de oses ougrave chacunc des larges maloches
csl bordeacutee de trois poIs degeacutelapiuws de ces merveilleuses
espegraveces de geacuteraniums si sonores quils semblent HoIumll
retenu en eux la lumiegravere et lalllclIl dt ltfucllfue f1aIQshyboyant coucher de soleil
Comment deacutepeindre la souplesse des lignes COUIO~CS de celle longue pelouse verte doucemeu] vallonueacutee rt encadreacutee tantocirct Je massifs opulents el d~boldjlnls duue exubeacuterance de fleurs tantocirct ltle hautes luliies de peuplicl) dItalie et de peupliers-helllbies au frileux feuillage
5
J
~ ~- ~ 1 V 1 f ~~-J ---w ~ t11 ) AI
66 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
ltli~eiteacute tantocirct deacutenormes touffes de lavande qui jettent dagravens hiumli~ embaumeacute leur jolie note violette et tantocirct de y~ccas depalmiers hauts et maigres de figuiers lourds qugravei~eumlvOque~t lOrient lointain
Et sous les arbustes dans le plein soleil court un ruisshysellen1ent de loses dheacuteliotropes aux senteurs de vanille J~ dahlias dœillets de fuchsias lie lobeacutelias dun bleu de
roi etagravee mauves louges et de jasmins de reacuteseacutedas de pavoIs superbes de glaiumleuls hautains et toutes les varieacuteshyteacutes-dune flore deacutebordante innombrable
Auuml tond du jardin se dresse UA bois dormes de hecirctres
er 4efrecircnes un bois profond calme et grave tans le deacutelicieux dessin de ses petites alleacutees sinuaules et mysteacuteshy
rieuses il est impreacutegneacute dune atmosphegravere intense parejlle
agrave une acircme eacuteparse et flottante parmi la haute futaie et dans le taillis eacutepaisdes centaines et des centaines de touffes de lys blancs et de lys louges bordent les sentiers et achegravevent pal leur couleur et leur parfum mystique cet
aspect de bois sacreacute exhalan t malgreacute leurs odeurs mielshy
leuses des penseacutees de pureteacute et de paix
LOls(lue jentrai dans ce bois je fus plus impressionneacutee
et plus recueillie quen peacuteneacutetrant dans la plus haute et la plus fervente des catheacutedrales
- Voici notre Bois des Lys (lit gaiement Edmeacutee
El je ne pus mempecirccher de lui ltpondre
- Lagrave il fant parler agrave voix basse
Sens-lu Edmeacutee toute lambiance (lui demeure ici On dirait que de grandes choses humaines se sont passhyseacutees derriegravere ees arbres el quils sont impreacutegneacutes de soushyvenirs puissants et lourds Cest un temple de Recircve et de Secret
LA CONQUEcircTB DB Lmltn 67
-- Je te lacontclai reprit E lmeacutee bien des leacutegendes bretonnes sur le Bois des Lys
- Ah Cest un lieu leacutegcndaile Je lalIai devineacute Des Ieacutees des auges et des geacutenies sy promegravenent ugravelelU~lIt pendant les soirs de lune vois il y a SUI ce rocher COUVClt de mousse lempreinle dune main de nvmphe Ougrave est donc la SOIIce enchanteacutee ougrave clic doit saller haigllel t
Edmeacutee sourit - Tu es eacutetonnante fit elle III sais (IIC tu dis vrai ct111le la SOlllce (le la feacutee (ICi Ly~ e-t tout aufond du bois
NOliS lIOUS sommes assises tOlites deux SUI le jocher moussu
- Cheacuterie commenccedila EJmie en me uren mt la main je suis sans lloute SUI e point de reacutealiser bien lot ie recircve de ma vic
- Tu aimes f dis-je
Je le crois
Til es aimeacutee f leplis-je en lemhrasant avec eacutemotion
- Je lespegravere
Et comme je multipliais alors les feacutelicitations joyeuses et les questlons presseacutees Edmeacutee mintelTompil
- Pas si vite Michegravele pas si vite Rien nest certain encore rien nest deacutecideacute ni mecircme COmmenceacute Mais mil
nature timide et lroidlaquo (lte tu counais bien sest eacuteveilleacutee
agrave UII eacutelan tel quil me semble impossible (Ille celui (11I~ Il
ainsi remueacute mon ecirctre ne soit pas celui-Iagrave megravem- (lIi lapaisera et Ieacutepauouu-a
- Qui est-ce cOIDn~1I1 le counats-tu
---------------
- J bull 1 1 --- bull il J 1 ~ I~ 1 ~ 1 iiiiiiiumlI C -1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL68
_ Jai dineacute avec Jean-Reneacute Formant il y a pri~s dun
an chez UII dc nos cousins et deacutejugrave ce jOlll-lil javais
eacuteleacute attireacutee par son altilude silencieuse et silencieuse
de ce silence qui est vibrant de vie el dintelligence
javais eacuteteacute alors fascineacutee par ce Iront lumineux et calme
par ces ~rands yeux eacutellanges qui paraisscnl emhellis
encore des reflets de hcuuleacutes cntJevucs ou de mystegraveres
compris
Depuis je navais plus rencontreacute MonsieUl Formant
el aussi je lavais presque oublieacute
~ Comment l lu avais si profondeacutemenl remarqueacute ce
jeune homme el lu navais pas mecircme essayeacute de le reshy
voir _ Quaurais-je pn taire
~ Nimperle oo enfin continue ma petite Edmeacutee
--- Je lavais donc presque oublieacute oIS(IUC le) juin
dernier quelquun mania dans notre corapartiment de chemin de ter au morncat ougrave allait seacutebranler lexshy
press dc Paris-Nantes el cc quelquun
_ CeacutellIcircllui meacutecriai-je
_ Justement Je le reconnus immeacutediatement mais il ne saperccedilul quan boul dun ccrtain temps quil se
trouvait au milieu de cette famille avec laquelle il J avait dicircneacute chcz Lucien Torguegraves quclques mois aupashy
ravan t Papa cl lui se mireul alors il causer el quant agrave
moi ne me lassant pas de ladmirer je buvais agrave flots
ses paroles et ses penseacutees comme 1011 boit une eau
exquise Ce long voya~e mc pa ru t ne dul(1 quune scconde
Et dcpuis lespoir du OOllcHI Iwt ltJe laile autour dt
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL r 69
mon fron l
lII dois donc le revo ir
Oui d hientocirct Il palait de Paris pour aller - retrouver sa megravere SUI une pla~e du Finistegravere
Ali houl de Ilois semuiucs il (lli(~ra cctte plage PI
Ina il lIcirc((I Il( paril d(s (ltIcircles hrelonncs cornrnc il
passera agrave Ker-Nouheacutel lapa la iuvilaquo ugrave venir nous voir et il en ~ palu tregraves heureux
Joyeuse Ellm(~e parlait doucement cl souriait en proie il un tOlIhle d(1ica
Elle me dit la vie helle ct seacuterieuse de lean-Reneacute Formant qui trnvnil le ltlprernent SUI Ini-megraverne ct qui
n donneacute aussi toute sa delle jeunesse et SOli avenir lucile n une glandc œuvre dIlartuonisnfion Humaine
Cette œuvre Edmeacutee me pm-ait la comprendre encore
assez mal mais elle admire tant lapocirctrlaquo que sa cause aussi il tout son respect
j
Cependant il mesure que jeacutecoutais avec affection Edmeacutee qui faisait en moi deborder SOli cœur sensible
trop plein d(sp(ocircrallccs cou tenues il me snmhlait que Ic
jeune homme quclllaquo aime est pIIS profond llus haut
plus inlelligcld (11Ie1le Luhncrn tmiddotil Poullallt elle sc
donnera sans doute il lui toute entiegravere avec labandon complet de sa nature simple chaudr- amoureuse el pcnshysive
Chegravere pelile Edrn(c Malgreacute ses vingt et un ans elle mappelle en rinnl sa sœul aill(~e et elle dit vrai cest
lin peu moi qui rai cOllduite cl plokg-(e jusque lagrave cl
aussi jnuruis 111I vrni bOIlllt1I1 si ic P(OX hien locirct voir sa vic construite et assureacutee dans lin azur tregraves doux (pli
a 1 bull bull 1 1 1 ~ 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ~ J1 1 1 1 J
70 LA CONQU~TR DE LIDHAL
bercera sa lregravele joliesse
gt Juillet
6 heures du malin
Devant la fenecirctre ouverte qui laisse entrer un peu
de linfini dans ma chambre avec lail matinal frais
et leacuteger lodeur du varech et la vue magnifique du ciel
elair et de la me l bleue je viens deacutecrire longuement agrave Jane Kousta
Une leltre inquieacutetante de Lucelle Pager reccedilue hier
soir ma avertie pour ilia pauvre amie dun certain
danger que je ne comprends guegravere encore mais qui me
tourmente
laquo VOliS comprenez que si je vous eacutecris ainsi chegravere
Mademoiselle dit la lettre de Lucelle cest parce que je
sais la grande influence que vous avez sur Jane el
que je la crois vraiment en danger
Il Vous ignorez peut ecirctre que le Comte Kousla a
demandeacute le divorce ct bien (JIll celle seacuteparation ne
eaase pas de chagrin agrave Jane sa situation va ecirctre comshy
plegravetement changeacutee Cal elle a eacutenergiquement refuseacute
daccepter quoi que ce soit de la grosse fortune de son
mari
Vous ignorez peut-ecirctre aussi la grande douleur
quelle II elle derniegraverement en mecircme temps quune
deacuteception Jamitieacute et quune blessure grave damourshy
propre
laquo Mais vous connaissez sa nature violente emporshy
teacutee orageuse et vous pouvez vous imaginer la deacuteshy
tresse aeluelle de celle lionne abattue
Il Je vous demande donc chegravere Mademoiselle daller
ri
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 71
lIU plus vite voir notre amie de lattirer-agrave des ~()n
fidences et de la diriger vers un espoir reacutealisable que
votre en-ur el votre intelligence sauront trouver l facilemenl raquo
~
le suis bien reconnaissante il Mademoiselle Pager 11 mavnir avertie ainsi
- ~
Seulement je ne suis pas agrave Paris ct malgreacute la
longueur de la lettre (lle jenvoie agrave la helle lionne
attristeacutee jaurais eacuteteacute plus sucircre de lanimer en elle 1 flamme de lespeacuterance ct du courage pal une conshyversation in lime
Rien ne peut remplacer leacutechange du cœur to~t aupregraves du cœur
Pauvre grande Jane que na-t-elle rencontreacute ~U1 Son chemin deacutesert la main assez puissante 1011I lenshyt rainer vers les cimes radieases
~est celle rencon lre que je lui souhaite si 1lIemshy
mentvcest pour celle rencontre (Ille je la supplie dans ma lettre de rester forte haute belle et droil~middot
Et je dresse devant ses yeux par dessusto~t~~
les figures du passeacute triste et morne une flgure slIper
be la figure de lavenir de cet avenir si souventfait
de noIre preacutesent de cet avenir que nous devons tacirccher
de formel en or et en diamant pur
le crains tant que Jane ne se laisse tom bel lJus
bas et aller agrave la deacuterive par deacutegoucirct de sa vie manqueacutee
) Juillet
Les jours passent Lesjours plissent et passent
ii - _
ll ( i 1 i J i i j 1 3 l bull A J i 1 1 1 1 ~ -1 ~ 1 ~-I ~
7 LA CONQUiTE DE ~IDiAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 73
nec une rapiditeacute cruelle dans latmosphegravere de ce Kershy
Nouheumll dont on aime chaque heure davantage les axshy
pecls les arbres les fleurs cl les prairies el les sourshy
ces el III mer
On dirail quil plni] il leacuteteacute decirctre radieux pour
tecircter ces belles journeacutees paiaihles
Mais elles passent toujours plus vite et le temps
inflexihle dit il Ioule minute qui senvole Adieu minushy
te Tu es partie maintenant Tu ne reviendras plus
Le temps manileste III Justice la Justice stricte
sana chnriteacute lorsquon la gaspill( il ne le pardonne
pas
lt1ais celui qui cherche il toujours graudir nuhlic
celle rigueur ct ne peut sentir le regrcl steacuterile des
extases envolees lal lheure suivante apporte en elle lespoir nouveau du progregraves Iulur
Et jaime ladmirable fin du Second Fnust lorsshy
que Meacutephistopheacutelegraves vient leacutedamer larne du vieux Docteur qui doit lui appartenir sil agrave reacuteussi l la sashy
listai11 Faust en homme de deacutesirs en aspirant inlasshyable quaucun progl egraves na rassasieacute quaucune joie na
endormi peut lui reacuteponure vicloricuscment
laquo Si jamais jai dit agrave llieure arrecircte-loi raquo
Et devant lui cest le ciel qui souvre
Pourtant on devrait cherchcr avec amour la posshy
sibiliteacute de prolonger la vie en lriornphant pour ainsi
dire du temps an lieu dorienter les merveilles des
deacutecouvertes de la science moderne vers des engins de gU(IIl YeIS daffreux moyens de dcstruction
QueU~ tri~t~ss~ agrave la reJl~eacute~ des efforts et du tlavili
bull
ql11 donnent certains cerveaux de geacutenie pOUf arriver
il perfectionner la lulle de lhumaniteacute coutre lhumashy
niteacute lhorreur cl la ddlessc des combats brutaux
ries sOlllfrarJ(es et des morts augmenteacutees
Si tous k-s hom nu-s voulaient cons lruire au iir-u dl deacutetruire sils voulnicu Iormer el beacutenir nu lieu de d(filir(~ el d(~ maudirt- les vieilles lorm ules eacutetroites les
IIIUIS des cachots sombres e des forteresses prOOCilshy
tric 5 Iumhernicn t Iiell vite t~1I ruines devanl la mashy
g-nifieerce des pells((S neuves cl des palais splc~dides seacutelevant sur Ioule la lcrre sous la caresse du grard
soleil
Pregraves du sol de cette merveilleuse Bletagne leacutecrnde
el complexe comme lon sent ce que pOllnail egravetre la
vie si elle neacutetait Iausseacutec par lnrtificiel ligneshy
rance ct les perversions des sncieacuteteacutes miegravevres ct
su perficielles
Quelquun a dit laquo Lhomme meur de Inirn au milieu
d(~ laholldancr))
Cst vrai l)lIeik lnmile PilUITC sai combien Iarshy
g(~m(lIl eIe pnurta i s(~ nuurt-ir avec d(s plats dorshy
ties des haies dilllblpinces algues de la mer des
pousses de pin el avec lan l de substances encore si
repandues et si utilisables
Lhomme meurt aussi de rhagrin au milieu de la joie ou de douleur lorsque la vie mieux comprise pOIIImiddot
lail diminuer tant de maux lant de souffrances et
pourrait lII llvauche apporter tellcmeut de reacuteconfort
Le poegravete des laquo Ames Vivan les raquo a penseacute qlle Cl 1)lIllqlltlois la vie celle (orme de la jouissance seacuteton
pl el pleure parce que nous ne la comprenons pas 1
-1 1
H LA CONQUftTE DE L~DiAL
Mais comme la vie est souvent inconsciente cest agrave lhumaniteacute intelligente quapparl ient cc rocircle suprecircme de lintellectualiser de leacutevoluer de la rendre toujours
plus consciente rie ce dont 111( a hesnin afin (lfi 11(1
Ioujours mieux (1 toujours plus vers 1( bonheur
Edmeacutee me disail ((~ malin une palolt~ de lenrishy
Rtneacute Forrnnnt laquo Le (III dt-voir de lhomme rst de
rendre lhommlaquo plus heurcux l raquo
Comme je partage cc senlirnent
Pendant des heures entiegraveres nous parlons des proshy
jets dEmceet nous passons (nStlllhle de bons moments
tantocirct assises Slll 11 haule falaise qui domine loceacutean
et dolt la vue seacutetend sur nue cocircte de roches lantasshy
tiques sans cesse hatlues pal les vagues chantantes
tantocirct allongeacutees SUI le snhllaquo chaud fin et doreacute de la
plnge tantocirct dans le jardin riant et emhaullIeacute de fleurs
el aussi dans lltl bois des lys que jaime comme ou aishy
me une acircme solitaire qui garde un mysteacuterieux secret
Pregraves de la source de la Feacutee il y a deux gTands
saules pleureurs qui cachent 1111 vieux dolmen tregraves
beau dans leurs branches basses et caressantes laime
masseoir SUI ce vieux dolmen et degraves quon a peacuteneacutetreacute
sous le feuillage mouvant ct deacutelicat des saules on pour
lait se croire perdu car on ne voit plus rien ni devant
ni derriegravere soi que ces feuilles fines tremblantes et bull innombrables comme une eacutepaisse dentelle verte
La source chante doucement un ruisseau dargent
paraicirct heureux de naicirctre lagrave et traverse les Lois en
zig-zag refletant agrave travers leurs ombres les taches dor du soleil qui dansenl el miroitent sur leau claire
Sous les arbres des touffes de monnaies du pa-
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 75 ------gt-- -------shy
pe hieacuteratiques et droites semblent des verges sacreacutees
fleuries pal UI1 miracle et patineacutees pal les lAyons lushynaires dont elles ont la pilleur ( leacutelrnujre lclat noclurne
La pdile slthoue lle mince dEdmeacutee anime ~entilllenl
la heauleacute de 1(1- ouhl1 mais (II(~ est hors de Ct qui l(nloure ct 011 la SPlit perdue lhorizun infini dHIS laagrave
douceur de ses recircves
Pourquoi parfois llla me lait-il souffrir de Iii voir
ainsi recircveuse le crains pour elle une deacuteceplion un
chagrin peut-ecirctre
le suis cependant lemplie pal un espoir i rnmense qui vit en moi ct de temps en lemps une appreacutehension
triste vient me surprendre
Allons Michi-ll Slcoue la poussiegravere des ideacutees g1Icircshy
ses ltfui alourdit inufilcmenl tes ailes et avec de la vomiddot
Ionie tu arriveras il donner une forme harmonieuse aux
espoirs qui le hantent ~
Il faut pOUl [e bonheur et pour la joie se mainshytenir forl pal la joie elle-mecircme
10 luillet
Je reccedilois un mot hien vague de Jane Kousta el ces
phrases etranges ne me salisfonl guegravere
Elles leacutepandent si peu il ce (lue jespeacuterais apregraves
ma longue lettre
laquo Michegravele
laquo Ie mennuie cest vrai je mennuie agrave pleurer
0 mais en ce momenl je suis trop lasse et eacutecœureacutee
~ ~~--~
76 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquo pour laisser 11I011 UgravellH dramal iqnc dl amaliser Ics
eacutevegravenements ( comme III sembles le crnindre
laquo Il est vrai que 1111 IIi rnest plus dalliellieux
laquo peut-(~LIl que la lnrcur le r1i~( ou la folie
Il Mon oivorce 11I1 11)(1(11111 prouveacute Iuuo la deacutelishy
l(atls~ (xquisl du COIllI( Iousa qui voulu il IIW [nissr-tshy
laquo 1I11t glalllk paIl dl Sil lortunc
laquo 111 orgueil [ai refuseacute lu llIISCS
laquo SCUllIHlIt Illon lIIUI a llt~ eacutemu de laffeclion
laquo (lue me temuignc Illon mari rnalgleacute lous mes torts
~la vic est laide nest-ce-pas ma Michegravele
laquo Lorsque je la contemple du haut de ce que jai de laquo meilleur en moi I11 haul d~ loul ce qlle javais esshy
laquo 1)(1( Cl gland pa nurtuuu d lemps passeacute toujours
laquo pluvicu x Ille hante d~ trisf csse
laquo Continue il IIlC plniudrc cal lon cœur qui seul
laquo il compris tregraves jeune un pen du mien me console
Il d me purifie
Il Emhrasse Edml si elle veu l de mon haiser
1 cd ange au x ailts doie hlnnche
lle lis ldadan la Princesse qui ne pardonshy
I( nai] las il son temps d~ lollhli dans son palais
laquo princesse- salis gloire dlInc poqne 011 Il comeacutedien I( seul porte cncore IIl1e cnurunuc )1
laquo Une lpoque ougrave le comeacuteriieu seul porte encore une
laquo couronne raquo) Heacutelas
laquo Dis agrave la mel combien je laime Iii mel libre la Il mer audncieusr
laquo Et laisse-moi embrasser tes main douces comme
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 77
laquo autrefois en pension lorsque tu avais sept ans que je laquo te prenais SUl mes genoux et lue tu posais tes mcnolshylaquo tes SUI ma bouche
bull Jane Kousta nest plus laquo Appelle-moi maintenant
Doloregraves JI
15 Juillet l O heures du soir
Quel inoubliable jour quelle heure eacutemouvante passhyseacutee sur la gregraveve deacuteserte agrave lapproche du creacutepuscule
quelle rencontre 1 quel espoir quel recircve reacutealiseacute
Tout resplendit en moi dune lumiegravere nouvelle qui
meacuteblouit et me transporte car celle lumiegravere adoreacutee
nest que laube du soleil prochain que laurore du matin qui ne connaicirctra plus de soir
1(OU5 nous promenions au bord de la mer montanshyte Edmeacutee son petit fregravere Guy et moi la journeacutee allait
finir et nous cherchions encore dans le sable sec et
brillant les coquillages nacreacutes et les algues roses lorsshyquEdmeacutee me saisit le bras en poussant un cri eacutetouffeacute
Je suivis la direction de son regard et japerccedilus au loin ua homme lui descendait la falaise
- Jean-Reneacute Formant murmura mon amie
Mais une impression eacutetrange forte profonde ja_ mais resentie menvahissait toute enliegravere et agrave mesure que la silhouelle lointaine se preacutecisait en approchan t joubliais la pauvre Edmeacutee joubliais tout ce qui menshytourait joubliais le monde entier et je ne voyais plus
-1 ~ ~ t ~ ri ril 1 78 LA CONQtJ~TE DE LmitAL
que ce grand jeune homme hrun tout entoureacute de beaushyleacute de penseacutee -Inspirnliun didtal cl mon ecirctre seacuteshy
1IIIlta vers lui
Tout en moi el autour d(~ moi chnntnll cl me reacutepeacuteshy
tait oc Cest lui raquo
(( Cest Luiraquo battail mon cœur avec transportsen
pulsations preacutecipiteacutees laquo Cest Lui raquo raurrnurait le souffle du vent (lli me caressait le visage oc Cest Lui raquo)
disaient les vagues victorieuses berccedilant mon espeacuterance de leur musique eacuteternelle cest Lui cest Lui Cest Lui Et cc mot ladieux vibra el reacutesonna ct retentit dans
la nature entiegravere et je ne savais plus rier (lle ce
mot unique el tricmphnl
Il entrait dans mon acircme il peacuteneacutetrait mon cœur
et mon Iront ct mes mains et ma chail cl il ouvrait des lodes fermeacutees de mon ecirctre irr-adiant mes yeux
de la beauteacute des chemins nouveaux
Alors Jean Reneacute eacutetait presquaupregraves de nous
Et je lconnus nettement limage cherie dun recircve
de mes nuits cette figure dune resplendissante beauteacute
el dont la ph) siouornie noble et grave sous les boumiddot
des brunes semble contenir des mondes de lorce cl des
mondes de penseacutee
Ses yeux dor dUne profondeur infinie rud ianls comme deux eacutetoiles mempliren t despeacuterance
Et lorsquil parla sa voix IIlC Iii tressaillir celte voix aux ncceuls tendres lIUX inflexions moduleacutees celle voix inoubliable qui nest que comme le prolongeshyment de lame eacutemue
~iais il sadressait agrave Edmeacutee El brusquement ceci
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 79
me lappela 1 preacutesence de mon amie el la reacutealiteacute si triste de SOli amour lour celui que jattendais el (lUI ja i reucontreacute maintenant
1~le la laune lllite eacutetait tellement troublee quelle balbutiait des mots sans suite el ne songeait mecircme pas agrave me preacutesenter Jean-Reneacute
Dailleurs ce geste maurait choqueacute par sa convenshylion moderne
El sans doute Lui eacutetait de mon avis car il dit en me peacuteneacutetrant du grand cha lme ugravee ses grands yeux il dit comme sil mavait toujours connue _
- Quel moment splendide nest-ce-pas celte heushyre ougrave le soleil el la mer sappellent el se confondenl dans un eacuteblouissement de rayons cl de reflets On dirait
que la lumiegravere se mateacuterialise en fleuve dor el de pourshypre et que les vagues sapaisent parce lfU lagraveme des flols est heureuse
Et je Ile pus mempecirccher de penser que celle phrashy
se apportait vers moi plus lJlIe les mols prononceacutes
El jai repondu plesQlle il voix basse
Cest une heure admirable cest un tableau de recircve
Il est tregraves tard malheureusement fil alors Edmeacutee el noas sommes forceacutes de rentrer pour dicircner
Viendrez-vous demain au Manoir Monsiellr Formant
- Avec une grande joie illldellloiselle llprit la voix grve et meacutelodieuse
Edmeacutee ojoulait
- Combien agravee temps resterez-vous dans ce village de Ker-Nouheacutel
- Je Ile sais pas encore
J-~~~J~ [middot1 Il -)~ l-J jI~J~1 t~~~r ~~~- bull - ~ bull bull Icirc middot~l~_
8Ugrave LA CONQUiTE DE LugttAY
Ils se tendirent la main elle eacutemue et confiante lui poli et indiffeacutereat Il se pencha vers le petit Guy pour lembrasser
Puis il me salua lentement et de nouveau il me
sembla que dans le chalme profond de ses yeux longs il menvoyait tout ce que jespeacuterais recevoir de son admiratioa noble et spontaneacutee
MoD bras passe sous le bras dEdmeacutee silencieuses toutes deux nous regagnions le Manoir et lespeacuterance illuminait mon cœur dun bonheur eacuteblouissant et je pensais Illarcher dans un recircve feacuteeacuterique au milieu de fleurs lumineuses et de ftambeaux de joie
Les roses de ma ceinture seffeuillegraverent sous mes lt
doigts eacutemus et la brise du soir emporta leurs peacutetales vers la mer
Comment le trouves-tu murmura Edmeacutee
Cette question me saisit et moppressa
Et la reacutealiteacute triste des souffrances de ma petite amie fit encore un nuage sombre agrave coteacute du tableau de lumiegravere
Que reacutependre Je fus sur le point de dire laquoIl est mOA Ideacuteal raquo
Je nen eus pa5 le courage et je gardai le si shylence eacutetrangement
Tout de suite Edmeacutee reprit - Tu as une ideacutee que tu noses pas exprimer Michele cette ideacutee je la deshyine Iaeilement tu as sur les legravevre s il Il l faim l pH et ce mot tu ne veu~ pas le pronoucer parshyce que tu crains de me faire pleurer
Mais tranquillise-toi jai confiance dans lavenir car
~ cmiddot ~~
~~
-_7middoto -~~~~Zmiddot ~Icircif~ -
LA CONQUEcircTE
maintenant je sais que jaime quagrave lorce damour je suis taire aimer
Cette phrase si simple les larmes me tecircte blonde et je
- su avait entendu serait-il pas toucheacute 1
Nous approchions de la maison qui taire SUI la route deacuteserte un refuge protecteur un abri
Calme insouciante heureuse Edmeacutee v
agrave chanter cependant quau-~
poir une lassitude menvahissait lourdie palpitante eacutemue eacutetait gonfleacutee de regraveves souffrir
tmiddot
Aujourdhui pour Le Nouheumll seacutetait
Le ciel agrave lorient avait des vent parfumeacute de jasmin dheacuteliotrope layait de jolis nuages floconneux plumes envoleacutees de laile dun
Celte journeacutee rose souriait lion rayounemen] javais rose fraicircche et ravissante tandis quEdmeacutee lineacutee de blanc se faisait
l bull jattendais comme elle
8l
JiJ~
DB IIDRAL
i
tant Jean-Reneacute FOlmant bien sucircre darriver agrave men
si douce me fitmiddot mal et montegraverent aux yeux Jattirai la petite
lembrassai en disant - Ma cheacuterie
ces paroles pensai-je nen
grande et soUgrave au soleil couchant semblait
bienveillant
seacutetait mise milieu du merveilleux esshy
~t que mon acircme ashyjusquagrave
i6 juillet au soir
recevoir sans doute Kershypareacute de toutes les richesses de leacuteteacute
nuances daurore et le et de genecirct bashy
comme de leacutegegraveres 1
cygne
Et en harmonie avec eacutetrenneacute une toilette de Ilncn
emmousse- belle aussi pour Celui que
r
6
- - -_ - d _
~~_ _ ~--J~~~III Il il --- J---t i -~Ji 1 Il _ ~bull1 oe
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL82
Ensemble eraves loutes deux moi plus quelle enshycore p1lrce que consciente des larmes qui couleront ici hientocirct en mecircme temps que ~eacutelegravev(la le g1lt1lld honneur nous descendicircmes HU jardin rejoindre Madame Torguegraves
et grandpegraverc Ils causaient assis sur un hanc dans le
bois aupregraves du ruisseau dnrgent
- Comme elles sont jolies 1I0S jeunes filles seacutecrie
grandpegravere rieur Ce Monsieur annonceacute est donc un Prince Cha lma ni
Madame Torguegraves aussi plaisante - Elles ont vite
saisi loccasion de mettre chacune une lOhe neuve
Mais nous sommes ressorties du bois Edmeacutee et moi
cherchant dans le jardin des fleurs pOUl nos cheveux
Lentement nous flacircnions lune aupregraves Ile lautre et
tregraves lointaines lune de lautre seacutepareacutees maintenant par
eette penseacutee pareille
- Comment cela finira-t-il soupirait mon cœur
Trois heures sonnegraverent iI leacuteglisr du village
- Deacutejagrave trois heures et il nest pas IiI dit Edmeacutee
Penses-tu quil va sucircrement venir Midlegravele
- Mais oui
Ces continuelles questions me tntigucnt minquiegraveshytent et Iumbiguiteacute de la si lua liun 1II1~ navre je fais
tout lOUI la faire soupccedilonner il Edmeacutee qui snhstiue il
ne rien refleacuteter que sa IHoIH~ espeacuter-ance el qui sem hie saveugler volontairement
Cette ignorance est dautant plus douloureuse dautant plus dangereuse que lorsque la veacutelite dessilshy
lera ses yeux son chagrin sera plus profond 1
Fo
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 83
Pal momen 1 une immense pitieacute memplit et me jette vers elle
Puis la l(alilt iloille de son lcstln moppresse et
la fr istesse laquoII(~ 1(pOIlSSe ma jeunesse entre en moi pu la tristesse dautrui
La soutlrnnce est-elle donc la loi neacutecessaire
Oh Illon seul ideacuteal Rendre lhomme plus heushyleux
Mais (IatlP heures sonnegraverent aussi A mon ton l
jeacutetais fdJlile imna Lien te su lexciteacutee pal la lten te qui
est presque malaise tant elle met au cœur dagitation
et de joie et de trou ble
- Quatre hern-es un quart soupirait Edmeacutee
Les rafales deacutechirant la nuit du second acte de
Tristun roulaient en moi comme III 1 orage et je pensais au geste enfiegravevre et crescendo de leacutecharpe apregraves lexshytinction de la torche
Oh tout lappel III mon (llc vers Toi la palpitashy
tion de mon cœur le tnmulle de mes recircves le Ireacutemisseshyment de mon espoir las-tu senti lean-Reneacute
Soudain un granll calme me peacuteneacutetra
Quatre heures el demie avaient sonneacute
- Quil est tard disait Edmeacutee
lai reacutepondu - Il vient
- Couuncul lu 1( vois
- Non pas encore mais je le I~nine lts pregraves dir i Edrneacutelaquo sdonnait
Le marteau du grand porche avait flppt PI le domestique venait ouvrir agrave l lntleacutel du jardin
Nous nous dirigeacircmes au-devant deJattendu
IL-middot- -------= _-==
H~ __ j i 1 l j j j 1 1 1 1 1 J 1 l J 1 1 1 1 1 ~ ~bullbullgt~
84 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ceacutetait bien Lui
Dans lalleacutee blonde et molle faite du sable des plages il avanccedilait vers nous
Et de nouveau un eacuteblouissement millumina et seacutepareacutee de tout ce qui mentourait je ne savais plus que Lui et jeacutetais comme isoleacutee dans son regard
- Quel merveilleux jardin dit-il tandis quapregraves Edmeacutee je lui tendais la main Quel cadre exquis calshy
me poetique pour la penseacutee meacutedita tive
- Un cadre pour le bonheur ai-je reacutepondu
- Cest vrai ajouta-t-il un coin de paradis
Nous sommes retourneacutes sous le bois ougrave eacutetaient resteacutes Mme Torguegraves Grandpegravere et Guy
A loreacute~ du taillis Jean-Reneacute sest arrecircteacute et il a
murmureacute
Quel mystegravere sest accompli lagrave qui a laisseacute ainsi le parfum de son souvenir
Oh grands arbres droits qui vous eacutelancez vers le ciel avec la foi de votre torce quelles eacutemotions avezshyvous sen li passer SUI vous autrefois pour conserver ainshy
si dans vos branches et dans vos feuilles celte aura cette atmosphegravere intense et dilluse
- VOliS parlez comme Michegravele a pai leacute en peacuteneacutetrant ici pour la premiegravere fois dit Edmeacutee avec eacutetonnement Til te souviens Micheline de limpression profonde que tu as ressentie lagrave aussi
Tu pensais que de grandes choses humaines a-
tA CONQuiTB DE LIDEacuteAL 85
valent ducirc vivre sous ces arbres et quils eacutetaient imshypreacutegneacutes de passeacute et de leacutegendes
Jean -Reneacute me regarda et sourit dlIl1 sourirlaquo joyeux
Nous approchions de Mme Forgues qui reccedilut aishymahlement le jeune homme et le preacutesenta il Gl1l1t1
pegravere
La conversation devint geacuteneacuterale et animeacutee
Mais le bonheur mentonrait le bonheur cnlrn i l en moi le bonheur paraissait fluer vers moi comme une riviegravere splendide qui descendait de son regald el qui me peacuteneacutetrait
Et la fleur de vie aœoureusement seacutepanouissait en mon cœur
Je me sentais forte je me sentais belle je me sentais admireacutee et ma beauteacute augmentait encore irrnshydieacutee sous la caresse de ses yeux voileacutes de recircverie
- Combien de temps comptez-volis rester il KershyNoueumll interrogeait Mill Torguegraves
- Ker-Nouheumll me semble ecirctre Madame Jendroit de toute la terre que lon espegravere souvent Cil legraveve et que 108 trouve une seille fois SUI le chemin Je pense donc y derneu lCI longtemps
Pourquoi poursuivre insaliahle 1111 voyage ougrave le lendemain regretter-ait salis doute nnjourdhui
Mme Torguegraves di agrave Edmeacutee daller il la maison faire preacuteparer le goucircter El comme chacun eacutetait debout sacheminant vers le jardin jeus la gvande joie de senshytir Jean-Reneacute chercher un tecircte-agrave-tecircte
-------
l_j t ~ i ~ ~ 1 1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL86 ---- ------__----------- ~_ _o
Habilemen l il Ille qlltsiiollllaii SUI la leacute~(~lIde dl la
Feacutee des Lys ct me pria d(~ lui montrer la Source
Enchanteacutee
Nous 1I0US Iqoi~nugravelIcs dOIl( lous leux vers le Iond (lu
petit bois el je palpitais un peu dune tregraves douce anshy
~oisse
_ Aimez-vous lhumaniteacute me demanda-t-B ugrave brucircle
pourpoint
_ Je voudrais quelle se Ilansformugravel Ie voudrais
aussi la connailre mieux ie la plains cal elleeouffre
el je laime parce qlle Ihommc esl rapable de bonteacute
et de ploglegraves infinis
11 continua
_ Vous avez raison SltIII(~ment ne trouvez-vous pas
(Ille laclion est p()Ilr ainsi dire le gage de la sinceacuteshy
rileacute f qut tlOp souvcut nous sommes satista its dlin senshy
liment qui proll(~ 1I01lc i-affiuement de conscience mais
qui est entiegraverement inefficace pOlll soulager lobjet de ce
sentiment
Pour moi aimer lhumaniteacute cest la servir
Comprenez-vous
_ Oui je comprends Et vous Ile faites que mexshy
pliquer Illon ideacuteal Pourf aul comment une femme ou
1111( [euuc fille duns la socieacuteteacute actuelle pourrait-elle utiliser ses dons pOlir le bien de lhomme
NOliS causerons de cela lon~uemellt plus tard
Je vous affirme que ~ts moyens reacuteels intenses dutilishy
ser toutes Jus capaciteacutes loutes les bonnes veloutes exisshy
teat Limportaat est que celte bonne volonteacute soit inteacutegrashy
le et cest ce qui est rare
~711 J -l ~ M ~ -----shy
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 87
le VOliS lassure Mademoiselle agrave ceux qui veillent
les loules ne manquen l pas Le principe dune action
vraimeut puissante esl duns lIdentification croissante
i mleacutefiuiment plo~ressiv(~ de toutes 1I0S forces avec le
hut que nous UOIIS proposons
-Je le crois Mai~ il faut justement dabord avoir
un but puis savoir comment faire eacutepanouir les Iaculshy
teacutes individuelles ail service de ce but
- Un but leprit-il navons-nous pas dil servir
Ihumanifeacute Cesl-agrave -dire conqueacuter-ir pour lIle plus de
bonheur
Certes le champ est vaste complexe semeacute dubsshy
curiteacute et je comprends que vous vous demandiez le
comment de celte œuvre les points interrueacutediuires les meacutethodes parce que ce mot reacutealiser le possihle es l pour vous en e( mornenl impreacutecis
Pour moi il est deacutebordnut de netteteacute de direction
car je sais un peu Je cc quil contient
- y aurait-il donc une science secregravete des posshy
sibiliteacutes humaines
- Certainement il y a toute une science des possishy
hilif eacutes humaines Si elle est secregravete cc nest pas quelle
soit cacheacutee anormalement mais simplement que lhornshy
me se bande les cu pOUl Ile pas III conuaitre ou m111middot
che les yellx ouverts dans UII sens oppose
Vous souvenez-vous d(~ ldie pilloll~ dun livr
f regraves ancien laquo La sagessr- (Tic dans les calrefours elle
appelle SUI les places puhliques ruais lou refusent
son invitation raquo
- Alors ce nest donc pas sur le nombre ltJue le
~tltCcedil~--1 gt
---------
89
i1--~----j~---t ~rJ -Ocircq J i bull i bull i bull bull i i bull i bulllJJ cI
LA CONQUFTE DE LmiAL88
mouvemen t don1 vous vous OCCII pez met son espoir de
reacuteussite
_ Le nombre pOllna venir en son lemps Mllis
un seul cœur riche denthousiasme dintelligenc~ et de
zegravele qui se donne toul entier vaut plus que dix mille
adheacutesions inertes
Le but immeacutediat de nos groupeltlents est de coorshy
donner les forces inlellccluelles et spirituelles les plus hautes acluellement manifesteacutees par des hommes isoshy
leacutes de faccedilon agrave former un orgllne speacutecial de connaisshy
sance et de direction un cerveau pOlir lhumaniteacute Il sagit de reacuteunir en faisceau les aspirations et la libre recherche des pionniers nliu qlle dans cette phalange eouune dans lin ceutrc solaire soient reccedillles et diffushyseacutees abondllmmenl les tnrccs ellpnhles deacutevoluer 111 mashy
tiegravere (lIIcirc nous entoure
Savants poegravetes allisles meacutedecins et toutes capashyciteacutes aujollrdhui meacuteconnues sans usages et mecircme
perseacutecuteacutees doivent en ordre concourir agrave cette
orgllnisalion
Il Y a ceux qui par le geacutenie philosophique la disshy
cipline de soi-mecircme lenseignement reccedilu et lexpeacuterishy
ence acquise sont comme la si hien exprimeacute Platon lei laquo harmonisuteurs JI de ces eacuteleacutements tel le chef dorshy
cheslre ail milieu de ses musiciens
Les recollllllilltmiddot les suivre les aider cest entrer
dans la pratique effective cest sengager sur le seul chemin qui ne soit pas une impasse Je ne parle pas toujours de ces chuses et je nen ai presque rien dit
ici
LA CO~QUEcircTIl DE LrmhL
Si vous Ole trouvez bien grave en lin moment ougrave tout autour de nous semble chanter la joie de la beauteacute de vivre cest justement parce que vous necirctes pas comme les autres
La splendeur de linstant me fait monter dans les reacutegions actives ougrave ma ecirctre le plus reacuteel se meut
Pourtant mille eacutenergies en moi respirent les parshyfums de lheure el ce bois est agrave mes yeux non plus
une forecirct de leacutegendes mais le jardin feacuteeacuterique des renshy
contres heureuses 1
Sa voie meacutelodieuse et cheacuterie mysteacuterieusement faishysait vibrer mon acircrne et en prononccedilant ces derniegraveres
paroles il avait leveacute SUI moi ses yeux profonds et ne les abaissait plus Je sentais le poids de son regard
unique mentourer le visage liIune lourde aureacuteole dashymour et vers moi semblaient mouler des oceacuteans
dattente
Je murmurai simplement
- Pourquoi ne pai vous dire que deacutejagrave je vous ai
vu que deacutejagrave je vous ai parleacute et que ceacutetait dans le plus beau des recircves de mes nuits que vous mecirctes
apparu
Pourquoi ne pas vous dire lue votre œuvre je le sens elle est mon ideacuteal encore inexprimeacute et que je my donnerai toute comme VOUI voudrez que je my donne f
Alors il se transfigura intenseacutement et la protonshylieur expressive de ses yeux eacutevoqua un espoir de boaheur infini Et nous nous egardugravernes comme pour la premiegravere fois avec des yeux extasieacutes
~( lt 1 l 1 -- --- bull ~-l ----J ~ ~J bull
f
90 LA CONQU~TE DE LIDEAL
--------------------_-~-------- shy
- MlIci replil-il avpe une eacutemotion contenue qui meacutemouvait plus encore merci de vos paroles si courageuses si confia nies Vous ecirctes helle Vous ecirctes
etranegravere il la vic han ale VOliS ocirctes libre des attnshy
bull ches du preacutejugeacute Nous SOIllJlIS llin et lnutre porteurs de la mecircme eacuteternelle veacuteriteacute Pl en cet instant lumishy
aeux ougrave nous le comprenons celte veacuteriteacute se legraveve et
chan te en nous et la voix de la joie du monde la voix de lhumaniteacute tressaille et passc agrave travers notre
espeacuterance illumineacutee Sentez-vous devant nous les immensiteacutes inconnues que le heau legraveve dune nuit ocirc
mon amie vous a sans doute laisseacute apercevoir bullbullbull POlir
moi de tels recircves sont lessence mecircme cl u reacuteel
NOliS eacutetions devan t la source de la Feacutee debout
tout pregraves lun de Inulre ct nous nous regardions au
fond des yeux comme pOlir nous reconnaicirctre
_ Oui ai-je reacutepondu el pal ce recircve je VOliS ai
compris et je vous ai peacutenegravetre autant lflle je suis actuelshy
lement capable el de vous comprendre et de VOllS peacuteshy
aeumltrer
A ce momest un brait de pas parvint jusshyquagrave nous et nous ne prononccedilacircmes plus lin mot
Seulement une ivresse de bonheur sexaltait et monshytait de la Fontaine Enchanteacutee et de la corolle qui Slllrouvre des branches qui seacutetcndent du papillon qui deacuteploie ses ailes du parfum mystique des grands lys blancs et rouges de loiseau qui plane de la lerre qui feacuteconde se deacutegageait seacutelevait simposait une harmonie sonore de force despeacuterance dalleacutegresse et sotre acircme confondue la seatait seacutepanouir en une tend lesse
miraculeuse
LA CONQViTE DE LIDEacuteAL 91
- Michegravele Michegravele Ougrave ecirctes -vous donc criait Edmeacutee
- Nous reatrous ai-je reacutepondu en tressaillant leshy~rettaNt la fin ds lheure envoleacutee deacutejagrave lointaine et
adorable
- M Vazaonegrave et Maman sont installeacutes pour roucircshy1
ter dans I~ bosquet de roses sous I~ grand magnolia continuait Edmeacutee essouffleacutee
Jy ai fait dresser la table agrave theacute pour jouir de
la vue de la mer de la beauteacute des roses et de ce parfum magique et ehaud des belles fleurs blanches du
magnolia
Elle souriait toute animeacutee et les cheveux eacuteboushy
riffeacutes par sa course sous bois pour nous retrouver elle souriait conten te et regardait Reneacute
Lui ne la voyait pas Je le sentais entoureacute de moishy
mecircme comme jeacutetais enveloppeacutee desou charme puissant Qund reviendra- t-il
-
1 7 Juillet 8 h du matin
Une grande lettre de Jane Kousta me navre et meacutepouvante Lucette Pagel avait raison de la sentir en danger 1
Ce que jai tellement craint pour elle il y a un an ce preacutecipice dont sa route semblait maintenant secirctre
eumlearteacutee voici quil est evaut elle et quelle y roule r Heacutelas se relegravevera-t-elle 1
~ _- -~~-- -
1 -~ JI JI Jl -- -- J - ~ 1 J r-r--r--r- C
9~ LA CONQUEcircTE DE LTD~AL
Ils existent doue C(~S ecirctres affreux peints pal les
romanciers ces ecirctres ljui ne songent quagrave leurs basses jouissances ces ecirctres pareils lUX vautours guellant leur proie des nuits entiegraveres ces ecirctres qui ne pouvant conqueacuterir une lemme ni pal lamour ni pal lestime ni par laffection IIi pal ladmii-ation attendent le moment de deacutetresse ougrave un laux-pas lie leur victime la fera tomber dans leurs bras
Ainsi pendant des mois lanneacutee passeacutee jai rencontreacute chez ma pauvre grande Jane un de ces ecirctresmiddot abjects Raoul Falbrut qui rocircdait sans cesse autour de sa beauteacute
Cest un horrible petit honmme avec une eacutenorme
tegravete agrave la nuque eacutepaisse au cou de taureau La simshyple eacutevocation Je son visage memplit de deacutegoucirct
Dailleurs sportman connu pilier des salles desshycrime grand joueur aux courses et richissime cercleux
Quil faut que Jane ait cruellement souffert pour meacutecrire aujourdhui cette nouvelle atroce
IlJe crois que jai toucheacute labicircme du tond de laquoma misegravere Michegravele
laquoApregraves de bien douloureuses journeacutees me voici
laquo maintenant plus tranquille mais aussi malheureuse
Je voyage en Suisse avec Raoul Falbrut dont CI tu dois te souvenir
laquo Royalement installeacutee agrave Interlaken la vue de la CI Jungfrau seule me lappelle quil pourrait y avoir CI de la beauteacute Mais pourquoi te mecircle agrave ces tristes laquochoses si ce nest pour tavertir (Oh 1 tu nas pas laquobesoin davertissement ) de limportance de chaque
LA CONQUEacuteTE DE LIDEacuteAL 13
CI peacuteriode de notre vie et des enchaicircnements eflarants CI de celle lulle agravepre et cruelle lorsque nous nous Il trompons de chemin
( Pourquoi nai-je jamais rencontreacute sur ma lalite Il que mensonges et vaniteacutes Ai-je donc toujours menti
laquo Michegravele Michegravele il y a de la lumiegraveres encore Cl dans le monde Dis Moi je Ile sais plus 1 Et pou1shy
(( tant je sens en moi tant de choses tant denergies (( tant de deacutesirs La somme de mes deacutesirs eut fait
laquo une trop grande espeacuterance une irreacutealisable espeacuterance laquo tu comprends AIOlS je nai pas pu lier ma gerbe
laquo De tous cocircteacutes mes desirs tiraient disloquaient mon laquo ecirctre
laquo Jai connu le teu des passions sans motif sans Il bu t par excegraves de mes propres forces
laquo Ah si quelquun avait passeacute si quelquun (( avait dompteacute si quelquun avait tait de moi la (( reacutealisa triee de ses recircves
(( Michegravele neacutetais -je pas comme une feacutee cornille laquo une magicienne Neacutetais-je pas puissante
laquo Et maintenant voilagrave jai trente ans tout ce que laquo jai veacutecu est derriegravere moi comme du vide
laquo Devant moi entre moi et lespeacuterance il y il
cc un abicircme infranchissable
laquo Avec tout ce que jeacutetais que suis-je deacutesormais
([ Je pleure sur moi-mecircme pareille agrave une heacuteroiumlne laquo( dEuripide je pleure sur ce qui aurait pu ecirctre Je CI pleure sur la part de splendeur de vie que jai mushye tileacutee en moi 1
95
~ ~ r IJ~~
9i LA CONQuiTE DE ~l~AL -_ ------_ _-shy
(( A quoi servent les lannes Elles sont inutiles laquocomme les regrets
laquole suis 111I tourhillon je suis emporteacutee je me laquo laisse emporter quv a t-il SUl celle pente (lue je
laquo deacutevale comme UIIC avalanche le lOCS
laquo Et sais-tu ~lichegravele pourquoi ma misegravere sest laquo eacuteclaireacutee subitement trop tard Cest parce que
laquo japerccedilois de lautre cocircte de labicircme parOli mes esshy
laquo peacuterances impossibles lEacutetoile dune reacutealiteacute
laquo Adieu cheacuterie Toi sois heureuse Tu es si droite
a si pue que tu aurais (Iii 1111 ta seule preacutesence me
laquo purifier
laquo Seulement jeacutetais trop aveugle trop enfieacutevreacutee
laquo trop enivreacutee des [eux eacutecœurants des salons ougrave lon Il madmirait
laquo Je t (limais sans tc regar(1eImiddot Tu avais raison
laquoDe toi me vieilt comme un rayon le deacutesir si
laquo cela eacutetait possible ugravee retrouver un chemin un
laquo chemin renouveleacute mais j~ suis prisonniegravere comme
laquo dans un cercle de montagnes
laquo Tout est fini
laquo Il ny a que des ruines autour de moi et en Il moi J)
Oui ma merveilleuse magicienne je connais ta richesse ta puissance ct tes dons et je te plains de toute mon affection
Mais III nas pas assez tocirct compris que III faisais naicirctre parlais des souffrances SUI ton chemin et que nos deacutesirs doivent se limiter lagrave ougrave ils produiraient
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
le deacutesordre tu nas pas assez tocirct compris que laquo les ronces que nous semons 5111 la route de la vie 1I0US les retrouvons tocirct ou tard au relour raquo tu nas pas assez tocirct compris que 1I0llS Ile sommes rion pOUl 1I0USshy
mecircmes ma gralld(~ Jane d que l(~(hallg-c seul llchallshyge charitable leacutechange qui sc douue lait Iii joie de vine
Si toutes tes forces et toutes les aspirations et tous tes recircves tu Ics avais plus souvent que sur toishymecircme tourneacute VCIS luumaniteacute tu aurais peut-ecirctre
ainsi connu un bonheur digne de loi
Un mot pourtant dans celte lettre navrante lourshy
de de tristesse encore inavoueacutee me donne pour Jane
un espoir de relegravevement possible un espoir davenir
malgreacute ce Raoul Falbrut dont elle a accepteacute une
royale installation en subissant un honteux esclavage
que jose agrave peine penscl El celle espeacuterance qui me reste cest celle eacutetoile de reacutealiteacute qui a si subiteshyment eacuteclaireacute sa misegravere et (lui peut-ecirctre pourr-ait comshy
me un soleil levant illuminer maintenant ses lendeshymains
Le ciel qui vient de s ouvrir pour moi ne pourshyrait-il pas sirradier devau t ellc bull
Moi je ne vis plus ici avec GrandPegravere ct nos amies
je vis seulement dans le souvenir de la beauteacute dhier dans lespoir du prochain revoit
Je suis comme endormie et la meilleure partie de moi-mecircme seacutechappe recircveuse vers Le Vuiuqueur qui mcntraicircne dans les lointains teacuteeacuterlques plus merveilleux que les merveilles du recircve
Instantaneacutement il IDa prise toute entiegravere parce
_OH 2 t 2amp middot
F=3 -~ RR ~~~~~-_-~-JL ~
l6 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
quinstantaneacutement je lai reconnu palce quinstantaneacuteshy
ment jai senti quIl eacutetait mon Heacuteros celui qui memshy
megravenera plus haut (Ille moi-mecircme vers mes plus hautes
capaciteacutes latentes vers les avenirs Ionjours glandissants
de beaute en heaulc de splendeur en spendeur despoir en espoir damolli (1 amour Oh seacutelever seacutelever
sans cesse seacutelever toujours plus haut Planer au-desshy
sus tics petitesses el monter vers la lumiegravere solaire
Parfois jc recircve quun aigle royal est mon coursier et
quil memporte vers les hauteurs et ses ailes trishy
omphales toutes rilndes deacuteployeacutees comme un eacutetandard
de victoire hatlent les airs cl seacutelegravevent majestueusement
en hymne de libeacutera tion
Et mainleuant jai lrnuveacute Illon coursier rOYIII et
avec lui je Irnnchirni les steppes arides je traverserai les deacuteserts jescaladerai les collines et lions gagnelons
la Terre Promise
Je laime dans tout ce quil dit dans tout ce quil croit dans tout ce quil pense dans tout ce quil veut
dans tout ce quil aime
Oh Jean Rene Songez-vous en cc moment fi moi
comme je sonne agrave vous cl savez-vous agrave quel point je
vous aime
Je ne connais rien de votre vie Hi de votre passeacute et deacutejagrave je suis il vous complegravetement el je souffre de la
lenteur des heures qui me seacuteparent de vous et de ce que vous ne mayez point encore serreacutee
dans vos bras sur votre cœur bien fort et longueshy
ment
Mais votre legllni dor intense comme la flamme dune pierre preacutecieuse infini comme les profondeurs
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 97
inconnues de la mel profonde votre regard ne me quille plus el menveloppe de son prodige
Dites-moi Jean-Heneacute dites-moi dites-moi (Ille
VOliS ne pourriez plus sans moi construire les avenirs
comme je ne pourrais plus les construire sans vous
l~ Juillet
1 deacuteshait autant me revoir degraves hier que je deacutesirais noi I~ rejoindre
El nous avons passeacute une magnifique journeacutee
ensemble il matin SUI ln haule [alaise ensemble lapregraves-midi sur la plage libre ensemble au c1nIcirc1 de lune apregraves le dicircner SUI les dunes doreacutees hOI deacutees
des loches sombres bordeacutees des loches devenues
farouches el eacutetraugcs sous les reflets lunaires
Quoique nous ayons eacuteteacute presque conlinllelleshyment en groupe puurtunl nos llgillds IIlIUS isolent lun dans lautre nos limes se parlent salis 1111(
et les moindres minutes lIe legravele il tegravete sont mainshy
tenant pour nous des siegravecles de honheul
La pauvre petite Edmeacutee dnbonl ne nous quishy
lait pas Puis elle a enfin comm-is quil ne dvsishy
lail pas rester seul aupregraves delle el suhitemenl lapregraves-midi lIle (51 devenue lrisle el songeuse Main tenan t je sens Et mee heacutelas tlegraves loin de moi elle sest complegravetement lermeacutee el ne resle plus en ma preacutesence ~(lw lorsquune autre PI(SCIlC(~ lui assure mon sillnce
Elle me lait pitieacute cl hien (Ie je ne puisse regretter pour elle la lin dune illusion de ce qui ne
- ~- l Jgt~~~~~
LA CONQUEcircTE DE LID~AL98
peut pas ecirctre je suis narreacutee de la voir malheureushyse de ce lui me lend si heureuse l Jui agrave certains momenls envie de provoquel bientocirct une scegravene deacuteshycisive qui changerait celle situation peacutenible entre nous deux Que faire Je ne sais encore Peut-ecirctre preacutevenir Crandpegravere el partir poursuivre mon bonheur loin des yeux de la pauvre cheacuterie
Ah pourquoi la vie est-elle si rude pOUl cershytains La frecircle petite Edmeacutee souffre deacutejagrave de soufshyfrances damour la frecircle petite Edmeacutee qui semble faile pour la tendresse et pOUl 1 joie Et dans son cœur ce ne sont plus les fleurs du recircve ce ne sont plus les fleurs vivantes ce ne sont que fleurs desseacutecheacutees vite eacutecloses locircl faneacutees
Et pourquoi Ocirc mon Edmeacutee faut-il (lle ce soit pal moi que tu souffres
Jai deacutejagrave rendu Andleacute Calvis malheureux et voilagrave que maintenant je te rends malheureuse moi qui cherche acircprement le honheur et qui voudrais aider pOUl lous son prodigieux eacutepanouissement
Limpuissance dagi l cest le plus terrible mal limpuissance devant le deacutesordre limpuissance devant le malheur Comment lhomme ne concentre-t-Il ras Ioules ses faculteacutes loutes ses eacutenergies tous ses efforts lous ses deacutesirs Ioules ses penseacutees toutes ses aspirations vers la seule chose neacutecesshysaire devenir de plus en plus maitre des forces appeleacutees forces inconnues (mais 1101 ineorrshynaissables ) devenir de plus lli plus maicirctre des eacutevegraveshynemenls de la vic Quexiste-t-il hors de cd Inteacuterecirct si intense Que SUlI t agrave cocircteacute de cela les distrac tiens-
LA CONQUEcircTE DE L[DRAL 09
ou les plaisirs ou les luttes de politiciens ou les luttes de partis ou de castes ou de laces ou tous ces gestes quelconques dans lesquels lhomme gaspille une si innombrable somme de forces inutiliseacutees
Jean-Reneacute sent autant et plus (lue moi-mecircme cette perte deacutenergies preacutecieuses ct le cher apocirctre qui a conquis mon ecirctre nous a ouvert un Instant SOli acircme geacuteneacuterruse cl vibrante si douloureuse de la souffrance humaine mais si vaillante dans leffort
Ce malin sur la falaise ensoleilleacutee nous eacutetions assis lui Edmeacutee et moi et nous aYons padeacute longuement de celle Philosophie Cosmique de celte meacutethode de vivre inleacutegralement rationnelle aussi bien Tndividuelle que sociale terrestre mondiale
Que dimmenses possibiliteacutes quels merveilleux espoirs quels horizons infinis il ouvrait devant mon intellishygence et mon cœur
Je veux me sou venir de ses paroles
oc La vic Tout ce qui csl tout ce qui a eacuteteacute tout ce qui sem la source ineacutepuisable la base sans limites la manifestation originelle de lInconnu pal laquelle et dans laquelle toutes nouvelles manifestations sont reacutealisables La Vie 1 Telle quelle nous apparnit actuelshylemen t elle est deacutejagrave le mystegravere sans bornes leacutepanouisshysement incessant la complexiteacute innombrable la leacuteerie continuelle des transformations inouiumles
Pourtant ce qui en est deacutejagrave reacutealiseacute est seulement comme un embryon aupregraves de Iegravelre magnifique et parshyfait A mesure que notre intelligence reacuteussit agrave seacutelever
-
1
100 LA CONQUEcircTE DE TlIJ~AL
dans la reacutegion conceptiveacute les formes lalentes seacuteveillent
autour de nous cl notre penseacutee constructive deacuteveloppe notr-e ideacuteal cl ccsl ln vic plus 1)I()f()ud(~rncnl heureuse
ln vie prollgo(r donl toutes les transformations sonl
bienfaisantes dont toutes Ics eacutenergies sont utiliseacutees
dont les fleurs ne se fanent pns dont les eacutepis g-erment ct (lui chante la joie cllalleacutegrcsse de limmortaliteacute
- Mais pal (1lels moyens ai-je demande peut-on
diminuer la souffrance
- Puisque la vie continua-I-il sc deacuteveloppe cl
seacutevolue suivant des lois que lon peut connuilre el
appliquer il est eacutevident pour un esprit philosophique
(cestil-dile snchaul penser dans une sphegravere logique
sans ecirctre enchaicircneacute pal It~s faits actuels qui S01l1 les
effets ct non les causes) il est eacutevident qlll la science
est la veritable resfitutricc de ricircge dor
Celle science il [aul quelle seacutetende aussi loin que
la vie elle-mecircme parlou ougrave lharmonie cl lerreur sont
capables ugraveapporleI la paix ou la souflrnnce
Pour conqueacuterir telle ltelle science indeacutefiniment proshy
gressive il faut des savants qui soient aussi des philososhy
phes ou qui adhegraverent il ln Philosophie libre cl audacishy
cuse cette vraie Philosophie annonciatrice de cont reacutees
toujours nouvelles
Si celle science cl ai l lrouvce ou en voic de lecirctre il
lesterait encore ugrave lllppliqu(( Mais les hommes se conshy
duisent pal imitation pal habitude pnr instinct
JI y aurait donc une œuvre immense de propagande
agrave enlreprendre pOlir fairc counaitre les conclusions scishy
entifiques inteacutegrales capables de modifier lexistence en
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL toI
ln conduisant dharmonies en harmonies vers un eacutetat de l-onheu l croissnn L
Il faudlnit plus eucorr- connaitll~ nest pa assez il
faut comprendre aimer Illaliquel celle scie nec li~leacutelashy
lrice il faul que Ioules les faculleacutes hUUlltlines euf rent
en jeu pour leacutepandre pour lllNil pour reacutealiser la par-ole daffranchissement
01 cette science existe ses bases en sont poseacutees Et
tandis que les savants et les philosophes voileacutes les precircshy
tres du sanctuaire doivent continuel la recherche el
la deacutecouverte en mocircme temps ct pnrallegravelernent il est
neacutecessaire ltlle les reacutesultats acquis soient diffuseacutes
Chaque grudation dhumaniteacute est apte agrave comprendre
et il utiliser celle pn de connaissance (lui lsi dans son
hor-izon normal el dont lIle peut efllcaccmeut sc servi
POUl llIll raison la diffusion mecircme de ce (lui esl
deacutejagrave connu et cn(gistll ne peut egravehe faite que par de
gr(~s pal seacuteries Celle loi eacutetablit linilialion pogIesivl
la classification le groupement hieacuterurrhiquc
Et maintenant je puis reacutepondre il votre question en
la preacutecisant quelles connaissnnees pouvez-vous actuelshy
lement donner pour commencer rameacuteiolalion conscishyente de leacutetat humain
Oh la veacuteriteacute est simple mais O1Il1ll dit Iiuml~ldeacutesjilsshyle Cl ils onl chercheacute beaucoup de discours raquo
Il y il dhumbles cailloux rouleacutes dans les lorrt-u ts de
la mentaliteacute seacuteculaire qui sont en reacutealiteacute des gelllmes
preacutecieuses De loin ils semblent sans valeur si on les lamasse si on les COIII(lIIple Iougucment 011 slfHrccediloit
quils sont tlane IrallIlrtnc pallaile el Ille I(~ monde sy reflegravete
--~ _~--~---------- _-
JIll
~~~JA~~~)~rJ~~~t~~ - iir~i ~ c lt ~~~
LA CONQutTB DBtot LA CONQUEcircTB DEuml LmhL -----------------------shy
but uMqu-e le culte deOui ce nest pas lous les joars quune vnouvelle loi niteacute
peut ecirctre trouveacutee quune nouvelle promesse peut temshy~Et lhomme doitber du ciel 1
tion des diverses capaciteacutes humaines Mais agrave travers le temps bien des deacutecouvertes se sont nir la progression in~essante
C amasseacutees bien des sentences de sagesse ont parsemeacute la bull
1 lhomme qui est ~ terre
le proteeteur le libeacuterateur deDes proverbes dont lorigine se perd dana la nuitiX la terre to~tes les torees
des iges sont comme des phares sur la route de leacute- fuseacutees par le regravegne r volutien individuelle et collective des rites et coushy ~ laquoAidemiddottoi le ciel taidera 1 J)tumes ~n divers pays maaitestent encore sous leur 1s-i
~~ symbolisme incompris la science des eacutepoques passeacutees u Chariteacute bien middot middotmiddotmiddotmiddotmiddot~~
laquo Bien faire et laisser dire Pour les peuples le progregraves ce sont des lois meilshy1middot~K~ leures le culte de la santeacute et de la vertu un pen de ~ TOlite cette sagesse ~W science au lieu de superstition un eacuteveil intellectuel Ion vrai rocircle sa responsabiliteacute~laquo qui ne peut venir quen enlevant le terrible poids de seignait quil doit avant tout~1rmiddot
la croyance irralsonneacutee et quen mesure seulement~r middot POUl ldite leacutevolltlioD ce~t ladheacutesion persistante des aides peuvent devenir
~l bullbullbull agrave la logique il lexpeacuterience ail maximum de bonheur Ainsi Jean-Reneacute~ ~ cest le plissage IU crible de lamas coolus et impur 10pque~ ~ ~
( des arts sans spirituahteacute des poeacutesies sans propheacutetisshy moi mes~ propres horizons1 me des sciences trop borneacutees ner dans le soir tiegravede etil~ Cest la reconstruction des mœurs des litteacuteratures finie que nous veacutecucircmes(~) (- - - des lois sur une base de bonne volonteacute complegravete et~( Etait-ee parce que les eacutetoiles brillantes nOlis parlaiententiegraverement libre
1 de paix et -damour eacutetait-cePour Itndlvidualiteacute qui aspire agrave ecirctre par soi-mecircme
plus seuls sous le manteaule cettel marcher en avant comme un pionnier et comme un
ce parce que nousluidechaque helire ehaque acte chaque penseacutee est
cœurs tout pregraves lun deuneacute voie de perfectionnement Cest le seuil des grands de nos corps neacutetaient plus agravedestins mecircme de nos Ames Pour toutes i~s gredutions ensemble le moyen deacutetashy
Silllpienle~t puisque 1I01ll(blil la eoopeacuterntlon harmonieuse est de reeonnaltre ~un
1~3LmAL
lideacuteal manifesteacute dacircns lhuma
comprendre que c~st de lfllljlisnshy
que lui peut veshy
vers le bonheur Cest linitiateur Ieacutevoluteur le gueacuterlsseur
lhomme Parce que sur
eosmtqueaeont ~ccedilues et ditshy
humain lhuman~teacute intellectuelle
ordonneacutee commence par sQi mecircme raquo J) bull
antique qui donnait agrave lhomme reacuteelle et qui Iui enshy
compte SUI lui-mecircme de sa propre pnissance
ses toUaborateurs raquo
parlait intalissablement et par uneIcircsuperbe illumineacutee despoir i1deacuteployait devant
Mais cest le soir apregraves dicircshy
constelleacute de limmensiteacute in-lheUJed~ recircve
parce que nous eacutetions nuit douceeacutetaitshy
sentions vers le vaste ciel pur nos
lautre et que les silhouettes celle heure que limage bull
OOIIS SOUlme t
------- ---- ------
104 LA CaNQUETE DR LlDF-A L
que aussi impeacuterieusement llin qlle lautre nous avion S
soif de certitude eacutel ail-ce parce ltlIC la minute avait
sonneacute p01l1 nous de taire du recircve exquis IIl1e ardente reacutealiteacute mais soudain nous nous sommes arrecircteacutes lonshygllcment en arriegravere tandis que les autres venaient de disparaicirch-e dans tin tournant du chemin et comme je Jaltendais comme je le deacutesir-ais comme je le voulais
Jean-Reneacute me prit la main dans les deux siennes et
avec une torce de lendresse passionneacutee il dit seulement
- Michegravele
Oh la douceur de ce nom tians sa bouche Oh
(~IIe lpeleacutee ainsi [Jill Lui ce me parut ecirctre comme une
pltlIIii~le eacutetreinte ct je Irissonnni dun frisson inconshy
IIU Dans lcs mains puissantes qui pressaient mes
ltjoils il me semblait sentir Ioule la substance de SOli
amour descendre en moi el monvelopper dune vague
somplueuse t luurde dexlase alauguie
ldais look alalldolllleacutee lt lorsque sasseyant SUI
UII talus killl-Itcneacute lUilUiliI aupregraves de lui je sentis
avec deacutelice ma faiblcssc devant sa (oree et je rae sershylai 10111 coulrc lui
Michidc 1(~plmiddotlililil il mi-voix ~Iiehegravele Michegravele
1 (lorn 1I1i1 ruuin il ses legravevres
- VOliS OcircII~S mou ideacuteal Michegravele reprit-il vous ecirctes la beauteacute dl mes llves el lintelligence de mon espeacuteshylance Mais Iii vie lttue je dois vivre sera souvent agraveshypre cl padois douloureuse La Cause que je SCIS est
cumhat lue car bien peu la comprennent Vouloir le
honhcur (ie hnuunr-s cest accepter Iisolemeut cl Iii hardiesse des idees cosmiques a besoin de soldats coushyrageux et pcrseacuteveacuteJanls toujours precircts agrave la deacutefense tou
~ ~ 1 1 ~
LA CONQUEcircTR DE LIDEacuteAL 105
jours precircts il subir Iii conlJadietion des preacutejuges les
assauts les plus deacutecevants et surtout les incompreacutehenshy
sions les plus navrantes Quand il est question tfeacutequishylihrcr le deacutesordre colossal des socieacuteteacutes chacun a des
yeux de lynx 10111 npercevoir tontes les dilficuleacutes de lœuvre les milieux ne sont pas preacutepareacutes les hommes
sont trop insoucieux dun bonheur encore lointain quil sagit de conqueacuterlr et les objections abondent
Cest justement parce que linertie est graude quil
nous faut plus deacutenelgie pour commencer ladmirable
tacircche ct aussi toulc ma viegt VOliS compr-euez Mishy
chegravele tou te ma vie est deacutevoueacutee lt1 cette Cause et ma vie est seacuterieuse ct seacutevegravere
Je veux que vous ayez bien compris Iii glaviteacute de
cette existence mon il mie avant de me permettre de
vous dire tout cc (lui de moi deacutesire senvoler vers VOliS
avant de vous dire que mon lime est pleine de vous
el que mon W~III bal biea tort dans ma poitrine ce
soir en vous parlant de vous sentir si pregraves de moi
si confiante si honne jIon unique recircve est eu vous
mon espoir sacreacute chclcheacute depuis des anneacutees cet in fi ni de feacuteliciteacute cet apaisllment de taut ltle peines ma
lumiegravere mon bonheur mon amour tout ce (UC je suis et tout ce que jespegravere tout est Vous
leacuteprouvais un bien-ecirctre deacutelicieux une eacutemoliou de
douceur (ode Une pleacutenitudlaquo de joie immense tandis que
sa voix enveloppante me parlait ainsi et de tout ce
que jentendais ct de tout ce que je voyais du ciel illumineacute de la mel argenteacutee par la 11Inl toute 10nshy
de qui moulait dans le zenith lcalalllt el maistnenshysv Ieclosion de 11I111I egravelr e stnrichissilil eacutemelveifleacutee de leacuteclosion paleille fie celui que jaime
l ------shy
~-t f~t
~~~~~~~ ~ ~ ~J~
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL106
- Reacutepondez-moi Michegravele leprit-il avec une allenshy
te freacutemissante
MOIl visage heureux seacutetait appuyeacute sm sa large eacutepaule et je ne pus lui dire quune phrase mais je
la lui dis du fond de lacircme - Je vous appar liens toute en liegravere
Un eclair de bonheur parlurna son regard et dans un eacutelan subit il se mil debout devant moi puis il
se pencha doucement et mc baisa sur le Ironl
Et nous nous regardagravernes sans plononcer une parole Ce fut Jean-Reneacute lui rompit le silence A voix basshy
se presque timidement il me dit laquo Ma cheacuterie je
taime Jt El moi comme un eacutecho jai reacutepondu laquo Je
taimbull raquo
A ce moment la nuit triomphait
La lune au dessus des flots laissait tomber une
gnmde lueur qui faisait SlI la mel une infiniteacute
leacutetoiles se balanccedilant agrave lhorizon multiples Itlellugraveshytres dans un sentier (largent tout caresseacute deacutecume
_ Comme celte Duit esl grande murmura Jean-Reneacute
comme celle nuit est belle et glolIcirceuse
Et YOUS ma cheacuterie vous ecirctes plus feacuteerique que jashy
mais sous ce ciel fleuri deacutetoiles ct dans vos yeux
bleus si infinis je vois encore un ciel aussi profond
a1l8si pur aussi radieux que lautre _ Jean-Reneacute lean-Reneacute 1
Et en lappelanl ainsi toul mon ecirctre seacutelanccedilait vers
lui Lorsque nous avons rejoint nos hocirctes il ma quitteacute
le bras et nous 1I0tlS sommes dun commun accord
tacite lIU peu daigneacutes lun de lautre
= LA CO~QUFTR ilE rmRA L 107
Ceci le fit sourire de son sourire si jeune cl charshymant SOIIS la graviteacute habituelle de sa physionomie
- Oh 1 une eacutetoile filante criait le petit Guy
Une graade fuseacutee de joie venait eu effet de sillonner
le ciel du nord au sud apportant un eacutellange mouveshyment dans lapparente immobiliteacute de lordre ceacuteleste
Et Jean-Rene (fui avait rejoint Mme Torguegraves lui pli shy
lait des mondes stellaires
- Le livre des Etoiles disait-il La lahle des grands
secrets La route hieacuteroglyphique imuuuhle qui pour
ceux qui savent en deacutechiffrer les figures mouvantes
ouvre l-s portes Ile la connaissance les arcanes de lharmonie
20 J uillet
Chaque heure tailleacutee dnns notre bonheur 1I0US (nshy
traicircne plus avant vers la communion infinie de lamour
et de la pensee el notre tendresse augmente irreacutesisshytihle comme le flux puissant avance agrave la mareacutee monshy
tante sans que rien ne puisse le retarder
Assis sur le vieux dulmen aupregraves de la source qui
chante nous avons hier passeacute un momen t exquis cashy
cheacutes par le rideau des feuilles tremhlautes du saule ishysoleacutes de tous isoleacutes (UII dans lautre
Nons~eacutetions tregraves eacutemus de ce tegravete- agrave-tegravete facile et charshymanl A voix basse Jean- Heneacute prononccedila - Maintenant donnez-moi votre regard longuement
Nos yeux se conlondiu-ut el 1111 charme Iascinateur- intensement fluidique 1I0US unit llin agrave lliure
- Comme notre agravellle rayonne dis-je doucement
~~
108 LA
Alors lui se pencha et nos legravevres se sont unies
Avant de quitter notre retraite Jean-Reneacute cueillit brin de genecirct dal pousseacute seul parmi les nissantes des vieux saules
- Mon Elue ma Fianceacutee dit-il Irant la fleur embaumeacutee
Et comme serreacutee dans ses sur sa luge eacutepaule il con tinua avec
- Vous me permettez de vous
- jen suis tregraves fiegravere et jen suis reacutepondu
- Une vieille leacutegende galloise negravet parle bonheur aux fianceacutes agrave cause
de soleil couleur de lessence et de la vie et agrave cause aussi de son parfum doranger fleur de la marieacutee Nc que ce porte-bosheur soit venu
gage de promesse agrave cette heure divine fianccedilons
Sa voix eacutemouvante faisait trembler
- Vous ecirctes lideacuteal de mon ideacuteal ecirctes la vic de ma vie vous ecirctes mon Tout et je suis li toi ajoutai-je en serrant tegravete cheacuterie en tre mes mains je suis agrave jours eacuteternellemen t sans
- Oui reacutepeacuteta mon ami tu as nous sommes lun agrave lautre depuis jours eacuteternellemen l sa us limites
109
J ~~J ~pri-1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
--
Notre amour est noble et grandiose et profond Qui peut dire quand ila commenceacute
Alors allant vers le Bois des Lys nous regardacircmes ail loin le ciel breton pacircle et deacutelient le jardin en fleurs il lentreacutee du bois qui semblait 1Ir deacutecor de recircve sous les vapeurs mauves et lOses du prochain creacutepuscule
Puis nous nous regarducircmes longtemps jusquau fond de lacircme Et nous nous sommes embrasseacutes silencieushysement comme poII sceller notre promesse nos fianshyccedilailles notre han hem dans un silence lcm pli dUne eloquence vibrante et dun eacutechange eacutemu et sacreacute
Lui sembla descendre et se recueillir dans les proshyfondeurs de son egravetre el comme sil revenait de quelshyque contreacutee lointaine lentement gravement il ma dit
- Savez -vous Michegravele pourquoi nous avons eacuteteacute
attires avec tant de forccet de certitude vers le lieu
de notre rencontre Saveuroz-VOUS pourquoi degraves le plC-middot mier jour tout cc que nous sommes sest combineacute illumineacute magnifieacute lun dans lautre savez-vous pOlllshyquoi notre premier regard a eacuteteacute extasieacute pourquoi no tre premier contact a eacuteteacute comme un repos POlIlqIlO degraves 10 rs notre penseacutee na plus cesseacute de nous unir ct pourquoi des mondes se sont eacuteveilleacutes en nous comme des musiques de lumiegravere ct savez-vans pourquoi vous
mavez vous vu dans un de vos recircves en 1111 soir ougrave votre lime parlait
Cest Michegravele que Ics helles leacutegendes sont vraies que tout senchaicircne et recommence que dc tels que nous sont venus et revenus deacutejagrave sur celle terre cest
-
CONQUEcircTE DE LTDRAT
passionneacutement eumlperdumen t
un branches beacuteshy
lentemeat en mofshy
bras jappuyais ma tecircte douceur
appeler ainsi
si heureuse ai-je
raconte que le ge de sa couleur
la germination de pareil agrave la fleur
pensez-vous pas fleurir ici comme un
01 nous nous
mon agraveme
Jean-Reneacute vous en fout
agrave mon tour sa toi pour toushy
limites bull agrave jamais
raison ma Michegravele toujours et il Loushy
pou l jaurais
--l
-
1 ------
LA CONQUEgraveTE DE LIDEacuteAL110
lue nous nous sommes reconnus parce que nous nous
sommes retrouveacutes
Viens ma Bien-Aimeacutee ma Toute-Belle ma TouteshyRadieuse viens te souvenir
Viens revivre les anciens bonheurs plus somptueux
plus mCICill~ux llus magnifiques parce que toute lexplirience et toute la science et toute la joie de nos arnes seacuteculaires S~ cnndcnscnl maintenant pour reacutealiser toujours pllIS toujours mieux uulre ideacuteal notre ideacutee
notre dualiteacute
_ Oui llpoudis-je comme eacuteveilleacutee par ces paroles
en des temps anliqlles je sens tout cela depuis toushy
jours Mais ce que mes recircveries apportaient en moi agrave
certaines heures intenses de splendides contempl bullbull tions
ceHe sorte dextase certaine en laquelle rien naurait pu enlever ma foi eacutechappait padois fugitive il ma
penseacutee consciente et maintenant je sais quavec VOliS
je trouverai les chemins qui reacutevegravelent qui affirment la reacutealiteacute des veacuteriteacutes que connaicirct nol1p ecirctre inconshy
scient el dont nuhe esprit nentrevoit trop souvent que
de Iaihles lueurs je sais quavec VOliS je trouverai les chemins mysteacuterieu x qui peacutenegravetrcn t un pell da ns cel te
complexiteacute eacutetonnante et occulte quest la vie
Dans la vision radieuse ougrave je vous ai reconnu pour la premiegravele fois Jenn-Rcneacute VOliS avez deacutejagrave fait vibrer (1) mon cœur les libres du souvenir et celles du travail
magnifique actuel et celles dun g(and espoir
Vous mavez appeleacutee il vous comme vous venez de le faire encore et vous mavez deacutejagrave padeacute des belles choses quIl y a de pal le monde agrave accornplir ensem ble des recircves agrave reacutealiser des reacutecoltes agrave moissonner
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL III
des conquecirctes agrave poursuivre des espoirs agrave faire renaicircshytre des victoires agrave remporter des destins agrave magnifier
Et votre voix inoubliable a reacuteveilleacute en moi tout IIn passeacute lointain endormi dans mon egravelre
- Ma bien-aimeacutee leprit-il avec une eacutemotion heureuse je veux vous dire aujourdhui qlle moi aussi avant dnvoir le bonheur de vous rencontrer ici je VOliS ai vile souvent je vous ai padeacute souvent et qlle degraves
mon premier reg-ard en vous approchant SUI la plac creacutepusculaire devant ce coucher de soleil feacuteerique jai reconnu celle que jairnc Celle (lue jai toujours aimeacutee
Degraves ce sail lagrave jaurais voulu pOSC1 mes legravevres sur vos cheveux el vous dire simplement
- Tu es il moi comme je suis agrave toi te souviensshytu comme je me souviens
le VOliS avais d(~jagrave si souvent admireacutee et peacuteneacutetreacutee et comprise
Et depuis des mois jP vous cherchais tellement
Si souvent je vous ai vue toute semblable agrave ce que vous ecirctes en ce moment avec vos g~ands yeux hleus
pensifs pareils agrave limmensiteacute avec vos cheveux (101
releveacutes sur la nuque avec vos mains fines et votre bouche joyeuse
Si souvent je vous ai contempleacutee je vous ai admireacutee assise SUI un large sopha chargeacute degt coussins eacutepais dans une chambre toute rose dune eacuterugravece 1111 peu olishyentale avec son lit mauresque tregraves bas ses vases lII
terre ses crucheltes ct son brucircle-parfum de cuivre cishyseleacute ses etoffes roses et 01 de soie algerienne ses kashykeacutemonos japonais et tout le confort de ses grands
Il
tAJi ~ --~ ~4 J-t 14 1 t l 1 f J J 1 1 1 il iuml==f F1 -1 1
LA CONQUFTR DR LInRAL112
Iaulcuils de son vaste hurcau de ses souples tapis de
sa haule lampe iudicnue el toute latmosphegravere chaude
ct Illll( dIlne piegravece ougrave hm aime il vivre il penser
il 1((1
Ma surprislaquo S(illllI(illaii plo~I(s~iv(mclit c(lle
de~eliplioll si plOllllallllllplil (adc el lIillarlllable de ma
chamhre de jeune tille
Il lul sur mon yisa3c ccl (mcrveillemenl et continua
en som-innI
-le lit suis pas lili SOITi(I ma cheacuterie El je ne
lais pas de mirerles Quand YOllS aurez lin pell lravailleacute
avec moi la science psychiille tladitiollnelle VUliS
comprendrez 1legraves litt~ilcmell lcpliealion de cc qui peu maintenant YOliS palailrc mvslcrivux el qui vous
parait ainsi un iqucuu-ul pa rrc qll( VOliS i~nollz eucnshy
n les raisons sciculiflqucs les ra uscs dies tfrels nashy
turels de pheacutenomegravenes semhlahles
LOISqllOIl peul etudier (I)lIlplelldll~ analyser ex 1)shy
ruucn lrr lIplod IIi 11 il volon l lII un mot lursqunn
arrivlaquo il (xpliqll(1 scieilliliqlltnltill CP qui (si appeshy
leacute le laquo Slllll3tlllcl raquo 011 sil)tr~oil IllIe rien ues surgt
naturel (lIe le muaclaquo tI 1( hasard nexistent pas el
(l(~ la nature contenunt tout rieu ne peut eacutetre en
delierraquo delle _ Al()s dites-moi queslionunije l regraves interessee 101sshy
11t~ vous dl~s venu il l(I-~ollhd saviez-volis aussi qlle jy (Iais my aviez-vous vue
lai senti qll( je devais vr-nir ici cl(Z 1lnll 101shy
gllis POlU une raison plofonde mais je neacutet ais pas
assez conscient pOlll me lClIdle comple de cc qlle poushyvail rtre ceUe ltiSOll Cependalll c~lle inluition elait
LA CONQUEcircTR DR rIDRAL 113
si intense 1IH cIsi pour lui oheacute i r qll( jil quitte cel
eacutel ma III e a(~e lalIIII il passe lamilialrment cihllhillld~ lous les ans rr(s vacances
rou~ ne pouviez dOliC pas Ille voir il distance dans llI-)ldl(~1 couuu e OIlS mavez VIII dans ma cha rulm- il la ris
- i01l 011 du moins bcall(ollfl plus dilricilernenl
Cc qui Ia il Ille je VOliS i si souvent r(lald dans voshyIll jolie chambre lost c(sl qlle cet te piegraveclaquo est toute
spccialemen l (IIi(r dt vos fllOfllts forces cl qlle
celte au risn lio n lsi (OIllIU( Ill ldlt~cf(lIr Ill phare
une aid( pour Il seusil it IllIi chere ho ~ oil il distance
lnunsatton c(1 la mdiegraverr nerveuse matiJc plus
rilleacutefieacutee JIH la mlIiiI( plnsilllc qui ltlcllilppanl de
IlnlIS impregravegne lallllOsplllll d(lrllI( 11
Iormunt 1I11e amhinuce 11I11IillllS( plus 01
rahle visihle pour le vovaut cIsl-il-dilI
qui pl~1l1 voir dans ce dtgl~ plus rmfil (le Je dis alors
dl 101(es
moins dushy
pour celui
la matiegravere
Chaque 111 lII rt lsi 1111 vruan a leur lit forshylls
Plus 011 moins puissant rpolldil-iI plus 011 moins
deacuteveloppeacute Nous a vons lous (11110111 dl 1I01lS 1111 eutoushy
rage lin en velnppeman] fluidiqll( d ces fOlrts Ille
nous eacutemanons ((st re qui cuu s li lue Iuurn La coushy
leur la forme les eaparilts de laurn S01l1 multiples
ri immense est ItIldlll dlt (~(~llt~ slilrH des auras si lIeacuteg-lieacute~ si ill(~olllei uo lre liPOIIl
-- Que je str1i bCIlIrll~(~ qlland VOliS (10I1IItZ 1111(1shyprenlre tous crs mOllths d(ludlS pl de ~ilgISSr meacuteshyeriai-je
-------~----------------~
114 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
~
Puis je lai lluestionn( encore
_ AIOI~ lorsque d ans tonte la Bible on peut seacutetonshyner de voir ces hommes de Inie les palriarches les
pl()phi~le~ choisir en 111I moment la comparll~ de
leur vie nest-ce pas justement luce que rwchiqlleshyment ils se reconnaissaient lun lautre immeacutediatement
eacutetant assez lvol lieacutes usez conscients POIII agir ainsi
_ La Bibl comme les Veacutedas comme lAvesta comshy
me tant daulres livres sacreacutes renfr-rm des prolonshy
deurs sublimes malgreacute les traduefions insatisfaisantes
malgll hien des passa~es mutileacutes prrlills ou translorshy
meacutes et votre penseacutee est juste ma r-herre
_ Je suis si heureuse ai-je poursuivi clIe VOliS
connaissiez ma chambre car je ne sais pourquoi p~r une sode de pudeur jl nai iamais voulu y laisser enshytrer que de lregraves rares amies Elle est bien mon cadre
le plus intime et il me semble que de lavoir ainsi
peacuteneacutetreacutee cest un peu plus rie moi -mecircme qne vous
avez pris JI
laquo Il Y il plus de secrets dans le ciel et sur III terre Horashy
tio quils nen ont trouveacutesdllnl toutes leurs philosophies JI
dans laLI soir je suis entreacutee comme dhabitude honnechambre de ~rand pegravere rOll lui souhatter une lui etnuit En membrassant il me releva la tecircte vers
me regarda jUSCJUllll fond des YfIlX_
Je le sentais vibrant et tregraves lmil _ Sais-tu 10011 entant dit-il simplemlnt drpuis comshy
bien de jours lu connais M Formant
J - J J LA CONQUEcircTH DE LIDEacuteAL 115
1 l lOU gis palce lJ ue jaurais vou111 pouvoir garder plus longtemps pour moi seule notre grand secret
- Tn ne veux doue plus me consideacuterer comme ton vieil ami reprit-il
- (rand-pegravere cheacuteri meacutecriai-je lu sais bien que tu
seras le premier agrave qui je parlerai de mon bonheur Mais pourquoi me Ir demander si icircle
- Comprends ma petite fille qlle je ne deacutesire aushy
cnne confldence de Cl que lu veux ~-arder comme lin
treacutesor cacheacute tout ail fond de ton cœur Seulement ne
suis-]e pas lagrave encore et respnnsable de la jeune exisshytence nest-ce point faire mon devoir qlle de guider
les pas
- Til as raison ai-je murmureacute alors et si ton affecshy
tion pOli l la petite Michegravele ta fait deviner la veacutelIcirc leacute
pourquoi le la cacherais je J Et puis je suis heureuse ~rand pegravere je suis deacuteshy
licieusernent heureuse de pouvoir enfin te parler de
Lui
Ah tu me demandes depuis combien de jours je le conaais
Grand pegravere gland pegravere jl ne puis le dire je nen
sais plus rien mais c( qlll je sais ce que tout mun ecirctre eacutepanoui alliumlrllH PI proclame av(r alleacutenssl cest qlll deshypuis crs quelques jours jai veacutecu rlt-s mondes cest quenshy
tin jc Ill suis nl(~ qlll depuis nohc rcnconlre je Ile vis
je ne sens jl lit comprends jl nexiste que depuis quII est ici
Voilagrave coulinua ~rand pegravere soucieux ce que je pensais Mais je Ile croyais pas que tu le serais ainshy
~If f =1 If If H H H ~ H ~ -1 ~ ~~t
LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL -1116
li laisseacutee aller si vite comme une enfant
Je linterrompis
- Que dis-tll Comment toi tu ne l)[lImiddottag~s pas
ma joie
Sa voix tremblait lin peu lorsquil rem-it
- ~Ia Michegravelc mon treacutesor Pour Ion bonheur je donshy
nerais volontiers tout cc qlle je suis et jespegravere avec
une force dont on pourrnit lmire un vieux cœur cornshyme le mien incapable qlle lu as trouveacute le bonheur de ta vie Ton avenir mais ma cheacuterie ton avenir cest
ma penseacutee cest Illon espoir cest aussi mon lourment Si lu me vois troubleacute il un moment OlJ tu tattends de
ma part il une joie deacutebordante cest que je crains enshy
core que trop tocirct tu aies loi en lin espoir qui mest
cher mais qlle jaurais voulu llus certain avant quil
ne grandisse ainsi en toi
Jai si pelll lOUI ma Michegravele (ie la moindre souffranshy
ce de la molndre deacutesillusion Rent Formant me Tait
leffet je le lavoue dlin ecirctre exceptionnel par le cœur
comme par lintelligence el jai pour lui une immense
sympathie
Comment apregraves ces mots ne las linterrompre
-- Laisse moi tembrasser tregraves 1011 grand pegravere pour
cette parole
- Mais cheumlrie tu comprendrus facilement que jai
mille renseignements agrave prendre sur co jeune homme
sur sa famille SUI sa vie sur sa situation el quil seshy
rail peu sage a toi de lui faire aucuue promesse avant
de connaicirctre davantage les pnssibiliteacutes dlin projet vous
concernant tous deux
LA cONQuin DE LlDEacuteAL 1I7
Celte ideacutee de laquo prendre des renseignelllents J) sur JeanmiddotReneacute me fit eclater de rire
Cependllnl une lnruu deacutelllOtion (pli roulait sur la belle harhe blanche 11I( lendil aussiugravel moumiddotseacuteieux
- Ne spis pas inquiet mon cher grand pegravere ta petite Michegravele est sIcircrre duvoir trouveacute son bonheur et elle est
tranquille deacutesormais dans un chemin si noblement beau
ii eacutetincelant de lumiegraveres pures et diamantines (IUC
rien de deacutecevant ou damer ne pourra ly surprendre
Ali conlraire je monterai maintenanl de beauleacute en beauteacute velslIdeacuteal qui ne le voilera plus
- Je veux que lu dises vrai reprit-il glavemenl Seulement je dois le rappeleraquo que la vie est seacuterieuse
que tu es tregraves jeune et que si rnalgeacute tes dix-huit ans
je te laisse aussi libre dans tes allures aussi lespollsahfe
de ton deslin cest laquoIle je llois profondeacutement en le
jug~me[Jl saie el sain de ton Ame et de ton inlelljtncf~
~e me donne donc pas de regrets pas de l(morlls
plus tard de tavoir eacutelevtie pal celte meacutethole que jai
ClU bonne en te preacuteparant tregraves lot il la lihelleacute cons shycienle eu te formant tregraves tocirct un cœur Je femme
Leacutemolion du bon visage hienveilJalll milvait gaglHt~
- Oh oui je sais tout ce laquone je te dois glalll pegravere cheacuteri et ma lecoullilissallce aUeudrit veul pour Il~ lCshy
mercier de Iaut de vrnio tendresse devenir 10UjOUlS plus
digne de la confiance rare si encourageante si preacutecishyeuse que lu as mise en moi
~ ~ ~ ~ ~)
LA CONQuecircTE DR LtDeacute~L ll~118 LA COllQUEcircTIl DR LIDEAL
- Ne me tais pas plus de mal Oh pourquoi es-tu venue ici cet eacuteteacute r Pourquoi esmiddot tu venue
21 Juillet
Jai provoqueacute ce matin la conversation tlue je senshyJe lentraicircnai sur Il canapeacute oit je lattirni Ioule PlOshylais neacutecessaire entre Edrnee et moi
che _ Laisse moi Michegravelt seacutecria -l-elle brnsluemenl sishy
tocirct tlue jentrai dans sa chambre CIl se levant du fall shy -- Til as tort de regret ter ma preacutesence cheacuterie Qui teuil ougrave elle eacutetait assise laisse-moi Jai besoin decirctre peut dire que si je neacutetais pas 11 J~all-Itcllt~ et moi Ile
nous serions pas rencontreacutes un jour et que plus dt soulshyseule 1 Irances encore auraient pu samonceler CI~ SOllt les _ Non reacutepondis-je en la serrant dans mes bras non atfiniteacutes qui (ont les attractions el lorsque deux destins je ne te laisserai pas Je sais ton chagrin je pleure tendenllun vers lautre tout leur est lin chemin pOUlde tes larmes el jai le droit de venir pregraves de toi te se retrouverconsoler tentourer te bercer dans ma tendresse Ne
suis-je donc plus ton amie - Non Michegravele interrompit Edmeacutee je Ile crois pas
-Tu as pu remarquer pourtant Michegravele reprit-elle cela Avant de te connaicirctre il eacutetnit heureux deacutejagrave de nous
avec amerlume que je vous laisse suffisamment lun agrave venir voir agrave Kel-NouH el ce Il~tail pas pour loi puisshyquil tignoraitlauhe lean-Heneacute et toi sous diffeacuterents preacutetextes que
mon cœur sait bien trouver Et maintenant jai beshy Mais t es passeacutee aupregraves de nous el la beauteacute la eacuteshy
soin de me recueillir et toi lu naurais pas de pitieacute Bloui f tu es passeacutee aupregraves de moi illI moment ougrave poushy
_ Oui rai va la tendre bailleacute mais jai VII 1Iussi que
vait naicirctre mon honhem- et jaul ais dugrave It~ preacutevoir cl
lorsque je vieas agrave toi d que lu me repousses avec un cela nest pas -je la [aute el jf l( len veux pas llIais
ail larouche lu ten us plm loin toute seule pleurer la ton eacutehlouissanlaquo jCllntssc a lail pagravelir il Ctlll dt loi la
pacircle Edmeacutel el luij] na plus apcrccedilu qUl le illag-e ciesolitude lumiegravere el de Icerio Ille tu laisses pal dellitIe toi
Laisse moi meacutelanger Illon atteclion qui comprend agrave ta Mainlenant mou co-ur lt 1111 momie iumlermc la Ileur
douleur cluelle po11 qulaquo jose encore croire que notrl de mon arne est lIeacutetlie
amitieacute si pure si fidegravele ne seffeuillera pas bientocirct cornshyDe grosses larmes roulaient des eux candides desme une lose faneacutee
puvts vellx qlle jelllhlassltlis Elit palIilil Ugrave voix IrugravesChegravere petite Edmeacutee deacutechireacutee et souffruute je veux basse el llit ajouta SIII 11 1011 dur d agraveJlll lII rhtlTlliInt
te laire du hien je peux le taire du bien ne me reponsshy agrave se deacuterober se pas je teD prie 1raquo
- Je tassure laisse moi le taime lu le sai d jeElle alors toute taihle et leacutegegravere fiappuya sur mon taimerai toujours tHais je lit peux pas te pmler en
eacutepaule ct uuglota doucement 1
IRRR R R R R R~ 120 LA CONQUEcircTE DB t1DEacuteU
ce moment Laisse moi Je veux ecirctre seule Si tu as pour moi quelque pitieacute Ile me parle plus 1
- Au contraire parlons Lit parole peut ecirctre un baushyme elle peut elle doit nd ra icircchir nparer reacuteunir oushyvrir les portes closes
Laisse entre nousIa parole laire de la lumiegravere ne descends pas dans la douleur farouchement instinctive comme dans une prison teacuteneacutebreuse
Cest dans lIntelligence ltlue nous devons vivre Comshyprendre cest triompher et SOli venl la souffrance serail moins amegravere si nous ne voulions pa~ laisser notre desshytin ecirctre an ecircte egravetre tenue par elle Aussi je ne te quitshy
terai pas Il faut que tu voies les choses telles quelles sont non agrave travers le brouillard illusoire de linexpeacuterishy
ence et du desir
Ecoute ma cheacuterie tu dis ltlue Jean-Reneacute eacutetait heushyreux avant de me connaicirctre de venir le retrouver mais pensesmiddot tu que souvent el souvent deacutejagrave son agraveme de poegraveshyte a dIIcirc seacutemerveiller ltles rencontres virginales qui ont
traverseacute Son chemin 1
Crots tu quad miration eacutechange affiniteacute tranquille
est comparable agrave linteacutegral amour
Il est venu vers toi mais pour combien de temps
Ah 1 la vie est plus complexe plus plastique plus oceacuteshyanienne (lue IIOS Iaihles eœurs 11 serait si beau desshy sayer chaque jour de nous rendre plus vasles et plus vasles encore pur ecirctre moins indignes dlaquo ses doas (
1 somptueux 1 1
La douleur dont tu souffres mon amie Ile sera pas 1
si tu le veux la tristesse lourde qui eacutepuise qui aneacuteshy bull
f- ~~ ~ ~ ~ ~ LA CONQuecircTB DR UgraveD~U li1
antit mais la douleur leacutegegravere qui sans deacutechiremeat sans rupture par II seule transformation de neas mecircshy
mes agrandit tout el preacutepare dei bonheurs futurs
Aucune ucircpreteacute nest en elle puisquelle nest uniqueshyment formeacutee (lue de notre reacutesistance injuste au bien reacuteneacuteral el que dans ce bien DOUS devoas ecirctre compris
Non Edmeacutee IID peu plus deacuteclat lin pen plus de 101shyce un p~u plus de recircve ce nest pas cela qui peut deacute sunir les agravemes unies cal chaque ecirctre a sa direction el tend vers un ecirctre Cest lont UD ensemble de qualiteacutes qui sont attendues et neacutecessaires pour le repos et lIl
lumination du destin et comment deux nalures disshysemblables pourraient-elles sa tistaire le mecircme problegraveme
Edmeacutee si tu eacutetais conscien te si tu savais choisir tu ne laurais pa~ choisi r puisquil est mien PI j suis agrave lui puisque nous eveillons lun OIIlS lautre de hauteur eD hauteur lindicible flamme du sanctuaire puisque 110US sommes un monde nouveau et UR monde ancien un monde eacuteternel
Acirc moins que - mais il faut pour cela aussi un cœur
qui sache souffrir pour la plus haute ideacutee un cœur qui sache trouver la joie dans limmeasiteacute de SIl propre reacuteso-shylution dans le deacutevouement dans lacceptation des deshygreacutes naturels qui nieacuternrchisent toutes choses - agrave moins que tu DC sois de celles dont la 100ce est daimer et qui se donnent salis rien attendre salis rien espeacuterer
Cettegrave femme Iii est heureuse de voir le bonheur de celui quelle aime sans en ecirctre le centre elle se reacuteshyjouit de participer agrave sa vie lans en ecirctre leacutetoile elle st satisfaite de recevoir sa penseacutee et no son amour elle
~ ~ ra r-
122 LA CONQUiTE DE rrn~AL
sait que sur la terre entiegravere il ny a pas lin homme si ce aest lui
El plutocirc qlle Je cherche il amoindrir son ideacuteal elle preacutefegravere renoncer aux banales salisfuctious dune union
saas rayons el slins aureacuteole Elle LII vu de loin elle La compris non pas avec ses possibiliteacutes actuelles el capables dl lui reacutepondre mais avec ses possibiliteacutes fushytures et la vision confuse de la splendeur heacuteroiumlque quII
est en tics sphegraveres encore inaccessibles
Edmeacutee minterrompit et seacutecria
- Tu parles de sur humains 1 Quelle vie que celle
dune Iemme qui contemplerait tous les jours son bonshy
heur perdu Quoi nne femme donnerait toul et sn eacutechange elle ne recevrait quune pari de lecirctre quelle
aime et quelle pa rt
Jai reacutepondu encore mais je savais bien celle fois que cela eacutetait inutile
- Pourquoi toujours j ugel (la pregraves un princi pc faux
parce quabsolu leacutechelle infinie des ldations et des correacutelation
Pourquoi exiger coarne un droit pour ce vide que couvrent leacuteg-oiumlsme et Iorgueil ce que peut-ecirctre la uashy
turc la reacutealiteacute la vie ne peut nous accorder comme
un fait t
Mais ce n f~sl pa pOlll loi cheacuterie (lue jai deacutevelopshy
peacute celle alternative el III me connais assez pOUl savoir que le seul souci de ne pas truhir lideacutee ma euh-aicircneacutee
jusque lagrave
POlir toi je le sais je le sens Inn destin nest pas fermeacute tu nes pas faite pOUl egravetre une renonciatrice
~ bull ~ --- ~~~-- - ~r~~
LA CONQUEcircTE DE LIDRAL 1~3
damour el dans ce moment mecircme je vois au loin quelquun dont tu saurais bercer les enthousiasmes fiegraveshyvreux dont ln saurais apaiser les soifs ardentes el que laltractinn (fui mesure laffiniteacute amegravenera sans doushyte tocirct ou ta ld au devant de tes recircves reacuteveilleacutes
22 J uillet 1
Jean-Reneacute heureux et grav ma donneacute tout 1 lheure cette lettre quil venait de reeevoir
laquo Hon Fregravere
Quoiqne VOlIS ne nous layez pas eacutecrit nous savons combien votre yoyage au h0111 de lOceacutean vous apporte comme le vent du large un flol dexpansion et r1~ )i~
sur la route du bonheur
Nous avons beaucoup daffiniteacute pour la pure aUrl blanche que nous sentientons pregraves de vous et qui vous donne le repos
Soyez deacutechargeacute en Cl moment de lous les soucis et
le responsabiliteacutes de votre rocircle qui sera rempli sous notre direction par vos aides habituels afin que vous preniez dans ces moments radieux de la Reucoutre tout
ce que vous ecirctes capable dy prendre en force et en joie afin quaussi VOliS puissiez donner bull celle (lui
desormais attend tout de YOUS linteacutegraliteacute dont elle a faim et soif lOUI leacutepanouissement de son ecirctre Jean-Reneacute Vous aimant comme je vous aime nul plus que moi ne se reacutejouit de limmense joie de votre cœur 1
Je vous embrasse Fregravere et no Maitre rous ento
t Jr- J1- J=t J=-=-i J==f R J==-f J~ ~ 1 R r-1 ri ri rl rl 1U LA CONQURTE DE LIDEacuteAL
rent Reneacute J)
Intriguee el eacutemue je relus plusieurs fois ces Iilnes
Jean-Reneacute alors me dit qnil y il une demeure pour lui
sacreacutee 11I1 fOY(~I II( paix de lumiegravere el damour qui dans le chaos parisien est un refuge pour la penseacutee un abri pour le cœur cl lagraveme
- Dans celle maison ajouta-l-il jai compns ce que
pourrait ecircfre la vil dans sa reelle beauteacute Jy ai beaushy
coup appris je veacuteliegravere ses hocirctes el jai la joie dy ecirctr e
aimeacute
Son nom lOuslaquo indique ce quelle est pour ceux
qui se sentent isoleacutes dans le deacutesert du monde pal leur
penseacutee mecircme Mes maicirctres y hahitcnl d ils vivent lagrave
comme en un large phalanstegravere il plusieurs qui font
lŒuvre Cosmique ensemble La solide fraterniteacute de leur communion inteacuterieure les aide il aplanir les dilflculles
les obstacles il supporIer les iucmnpreacutehensous les
deacutecevanees parfois ruegraveme les trahisons dl~ Inules sodes
La je voudrais vous conduire Michegravele avant que
vous soyez ma lemme
La ie vous lrai coanaitre le pegravere de mon inlegravelishygence Sarama lun de mes maicirctres Lit vous applenshy
drez agrave cOlllplendJ(~ cl il admirer mes deux chers et
grands amis Relieacute qui meacutecrit comme ils ont senti el
vu psychiquune~ll la beauteacute de notre reneoulre el sa
deacutelicieuse compaglle Stella qui deviendra bientocirct votre plus reacuteelle amitieacute feacuteminine et dunt la belle eacutevolution aidera la vocirctre
Je plisse lIl general chaque j01l1 dl longues heures agrave lOasis Jy travaille de lout Illon egravetre pour notre Cause
LA CONQEcircTE DE LIDEacuteAL 125
Je vais reacutepondre toul dl suite il Reneacute ltIne desormais
nos forces rluelles seront il t~UX pOUl les aider dans leur
lourd [lacircche nest-ce pas Michegravellaquo et combien [eur
lettre qui a devanceacute celle que je voulais lem ecrire el
(flli nous montre i ltflJ( 1 point ils nous devinent nous connaissent el nous prolegravezlnl 1I0US t~sl infinimr-n t douce il lous deux r
bull Ali milieu du monde ougrave ils 0111 choisi dl rester afin(
dy travailler ils sont lit hors du monde Ils ne touchent le monde quc p01l1 le Iormrr le classilil~I leacutevoluer
i le transformer Ils Ile S01l1 las touches pill lui el eushy1 sent son contact Cc qui VOliS eacutetonnera peul-ecirctre Iicbegraveshy
le ils ne participent pas aux joies de lad actuel dans
lequel vous lrouvez encore d( si hauts moments parce
que cet al est pOUl eux diminueacute el sali pal les reflets
du deacutesordre qllil l(~oil el incorpore comme sil les
acceptait La Haie 5pililllillitp lsi leur loi leur vie il
toutes heures (II est baieneacutee d lII eacutemane Ce sont des
JJJis-i-I selon 11111 vjpillt pillOf pOUl la seule chose neacutecessaire la lransfnrmation (le lhomme pt de lecirctre
23 Juillet
Grand pegravere a leccedilu de mvsterieuses lettres de Paris
qui lont eacutepanoui le dpvilll lexcellence (les lallltux
laquo lenseignements) quelles contenaien t
1 ma regardeacute longuement doucement apregraves leur
lecture el nous eacutetions heureux de 1I0US sentir vibrer
lous deux agrave lunisson dlin espoir magnifique qui est
laube merveilleuse dl ilia jeunesse ardente le soleil couchant de ses vieilles anneacutees
~---~~
LA=t J=i J=t J-t J--f J~ Jiiumlif ~
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL126
A preacutesent il nous considere un peu comme fianceacutes
Hier Jean-Bene proposa pOIlf dcma in il ~lildame
TOI~lIegraves une proruenadc 1~1I bateau 111Ielll~ declin a cr aishy
~nallt de lrop IIIa1 sn pporter la mer
- Quel lomm are Madalll( insi1lIailmiddotjljai 10111 une
si jolie hal1lle il vnilrlaquo e l jalllais laul illll VOliS COli
duire tous il lH(~ IItS Hluvi~Ies
Edmeacutee relnsa eacutegalmcnl ~ran(l-pegravet Il a las non
plIS k pied marin el ce 1111 11Ii qui salis heacutesiter dit en
souriaul aV(C malice dl~ son bon sourire heureux
_ Eh bien MOllsillIr Formant emmenez Michegravele avec
VOU Je suis sugraver qlll~ son acircme av(nlllrluc SI lI~jollmiddot
la beaucoup dl conllaillI le charmant ilot d de voshy
~uer une heure sur les flots bleus
25 Juillet
EIIP fllt exquise cette iollllleacutee dhil~r elle (Ill rna~iue
et plciue de 1egraveve celte premiegravere liberteacute il deux cette
promenade rvthmeacutee par le baluuccment eacuteterne] des vashy
~lIes il la surface dlin infini ehanzean l
NOliS nous eacutetions assis sur la mecircme banque Ile tourshy
nant le dos ail marin hacircleacute qui tendait de temps en temps
la voile et qui ne nous gegravenait pas heuucnu] plus tllW les
cheveliues vertes 011 bleues des alg-ues IIollarlles parmi
lopale nuanceacutee des flots calmes et profonds
Oh douceur de lheure charme intense de la vnix
ltlimeacutee chantant les paroles de vic oh rkht1IsI~ des choses neuves inconnues insnu pccedilon neacutees queacuteveille en mon ecirctre eacutebloui le moindre gestl la moindre inflexion
le moindre eacutelan de Illon fianceacute
~ -1 ~~ ~ ~ ~ ~ ~
LA CONQUEcircTE DB LmftAL 127
Heure inoubliable
La granlll ilill blanche du bateau gonlleacutecplI lin zeacuteshyphyl tregraves chaud parlIlUeacute de senteurs marines 1111 Il S
eulruina silt~rHillIsl~ment jIlS(IUagrave la petic ill solitaire
pilreacute~ de gemmes dO et dr gemmes rosex les ~enegravels el les hruyegraveres
Puis tandis qlle I~ marin jet ait lancre cl seacutetendait
SIII la goregraveve nous somm(s partis ugrave la deacutecouverte ivres
de vent el despilcl seucircls deacutelicieusement seuls il h-avers III lande perdue dans lnceacutean
NOliS nous sommes arregraveleacutes agrave lornhre dun eacuteglantier
en fleurs Jcnn-Beae Cil cassa plusieurs hrauches pour
men laire lin gros bouquet blanc Il eacutetait joyeux comme
un entant davoir trouveacute ltlaAs licircle cette gelhe de fianccedilailshyles
Pins loin lin hanc des roches Ianlastiques nous eacutemershy
veilla Nous avons pli y admirer 1111lCil dt III pleacutenitude
intense dn fond dl la IIICI si riche et si (xplIumlmugrave dans
le hIXI~ de la cuuleur dans la cmnple xitlaquo inoure gt dts formes
Tnut dun coup je lus surprise dapercevoir en haut
dun ~rilnd rocher une inscription en grilS caractegraveres
Nous nous en approenagravemes le plus possible Mais
quelle main avait pu ainsi eacutecrire il cette haul cur
Depuis cornhien dt lernps CIS lr-ltres agrave demi-cflaceacutees
confiaient-elles leur secret au cilI el agrave la mer
Avec Jifficuleacute nous sommes parvenus agrave deacutechiffrer
celle phrase qui SII celte place eacutetrange dus ce deacutecor
feacuteeacuterique nous apporta comme une vague immense de mystegravere dincoauu ugrave recircve et de penseacutee
bull
t2lLA CONqU~TE DE LIQEumlu
dun trouble ex(luis ce mot ma peacuteneacutetreacutee dun enchan lemen t ladieux
- Cela ne peul pas aller si vite soullal-Je
Et il me fallut bien longtemps bien longtemps parshyIer sans encore le convaincre tout-Agrave-fait pour aboutir il III solution normale et neacutecessaire
Bien (lue celle seacuteparation me navre autant quelle le liane bien quelle mapPolte deacutejagrave une loUlde ruclancoshy
lit je ne peux pas trusquement quitter Edmeacutee et je lui consacrerai quelques jours avant daiier lehouver celui qui est toute mil vie et qui doit heacutelas partir si
tocirct maintenant Oh que je vais ecirctre isoleacutee lorsque mon acircme toujours proche seacutelancera agrave travers les plnishy es cl loin vers lhorizon pU III reumljoiudre son agraveU1~ Uais il doit eu ecirctre ainsi et puis ce temps sera court
La megravere de JeanReneacute lentre il Paris demain et y
attend SOli fils duns quelques jours pour llpartir avec lui en Belgique ougrave elle a des parents
Il est UgraveOllC naturel quil nille la rejoindre Il lui anshynoncera son bonheur dont elle doit se douter deacutejagrave pense-t-u et il la prier-a dattendre agrave Puis M Vazanne et sa petite-fille
Lorsque notre lrecircle esquif regagna le petit por-t de Ker Nouheumll le soleil en globe louge rayonnant plonshygealt deacutejagrave (Ialls loceacutean et 1111 vent ltlu soir seacutelevait
humide el Sil leacute La mel moins calme deacuteferlait 5111 les galets de la gregraveve en dessous des falaises ct des dunes et menaccedilait de sagitel insoucieuse de notre pllh intime insoucieuse de loutes choses humaines
- La fraicirccheur tombe vite nous dit le marin et ce
Dans lelaquo jnulnf-es douces Olt dans les[ours amer~ Dans les lilles (Ill dons les eSlloil~ Pregraves de toi ou tregraves loiutuinement Toute ma vie et All-rirlagrave
LA CflNQUEcircTB DB LrnEacuteAL128
Emus 1I0llS avons compris ensemble ce (Ille nous eacutetions peul ecirctre pregraves doublier crue daulres vies etaient venues Jouir Il la petitlaquo icircle deacuteserte que daullls idylles
avaient pu y ecirclre deacutelicieuses quc dautres amours ~y
eacutelnIumltil cacheacutes et y avaient deacuterouleacute les anneaux du bonshyheur el que Ct~S rochers (lui eacutetaient seacuteculaires avaient
dil entendre hien des paroles graves avaient assisteacute
de g-eacutenclation Cil ~eacuteneacuteriltion il hien des excursions semblables et jamais semblables comme toutes les choses humaines
Jean -Reneacute a copi pour 1II0i sur une page arracheacutee
de son carnet la middotphrase presqueffaceacutee Cil haut du
gland rocher De ([lwl lointain des lins 1I0US est-elle
parven ue
El nest-ce pas ce que je lui pourrais lire de toul mon
ecirctre et nest-ce pas ce ~i1 me dit lui aussi ces vieilles
paroles dun amour tendre fidegravele eacuteternel
Au retour dans la barque nous IlVODS 1tInguemenl parleacute dEdmeacutee Il ne croyait pas possihle quelle souffrit ainsi pour lui le lui ai affirmeacute quil me serail peacutenible de poursuivre aupregraves de ce cœur blesseacute nos fianccedilailles si
heureuses cette grande tecircte de 111 vie pleine ct splendide
- Eh bien quittons Ker-Mouheacutel ensemble ma Mishychegravele et rentrons loul de suite 1I0US marier agrave Paris 1 seacutecria-l-i1
Nous marier l ce mot ma profondement troubleacutee
_qCcedilsLt~_
~_~lt~~ (~~-
LA CONQuiiTE OR LIDEacuteAL130
soleil couchanl annonee nu pruchain changemenl de
Lemps En oflel lail froid ml taisait frissonner malgreacute ilia
jaC(luelle de drap 1
El lcan-ltcneacute mahlila sous la large cape qui lui cnuvruil les (pallies et qui alors nous enveloppail tOIlS
deux Oh quuvee deacutelices je me hlot lis toul contre lui
_ Nolis voici ail pori mllllIlllla-l-il el [e le remercie
de celle jOllrneacutee (lIi csl comme une halte alolnhle dans
notre chemin montant vers les so mme ls COIIIue une
parle ouverte sur la vie qne nous ferons eomllle une
fleur magnifIcircflle eacutepanollie aux hrauchcs de Iadlle
iamollr je le remercie de celte jUIlIlIle qui est lin
souvenil iuteuse preacutecieux Inoubliable 1l1 fond de mon
cœur indicihlement eacutemu
lc tentoure de Illon manteau el ucst-ce pas un
symhole Ic tcuvcloppe dans la lciul ressc de Illon acircme
comme dans lin nuage protecteur le le berce dans les
flols de mon amour comme dans une cali vivifianle le deacuteroule 11 Illuur de toi la spirale de ines recircves lenvoleacutee
de mon intelligence comme lin jarugravein ougrave lu te promegraveshy
neras somptllellSemenl voilee COlllllle 1111 temple ougrave ln
rcglleras hieraliumllillellcnl lumineuse cuuuuc lin ciel ougrave
III blilleras nu-dessus de 10111 leacuteelal des etoiles
La barque sarrecirctait lenlement el nous aperccedilIcirclmes
grand pegravere qui arrivait aU-ltevant Je nOUS avec un
chaud raantcau pOlir moi
Ainsi que Jans lIle des Brllyegraveres mon fianceacute avait
passeacute son bras sous le mien cl lorque nOUS lljoignicircmes
LA CONQlnhE DE LIDEAL m
larrivant Jcnu-Hcneacute ne sccnrta pas dl moi el il lui
dit dun lon grave
- le voudrns VOliS cruln-asscr iHIlIISil~lIr el VOliS
dire merci de llIle jOIIlIl( superbe lplllheacuteosl dl 111011
seacutejour ici qui l~l la III a rchlaquo dor dl no re V i t
Le cher vieillard ouvrit S(S Ilr]~ rl une eacutemolion noushy
velle rndleig-Ilit lIIlOIl tandis (Ie dalls lair du soir
la erbc dglailline dont il muvail Ilcurilaquo embnushy
mait
27 Juillet
Lille tempecircte terrible sest eacuteleveacutee depuis lhlX jours
Dnburd un e pluie ch anrlc il lillg-ls gllllltes quun vent
violent a repousseacutee puis lin orag-e sec IJlI tonnerre deacuteshy
chiranlle ciel chargeacute lin combat de 1I11ages Iourhi llonshy
nants et les snulegravevcmen ls farIadiles de la mer halshy
lan le lor illolldalll la dllll( se pncipilant avec
furie coutre lu falaise
Oh (ltelles Iorccs incalculahlcs dans ces eacuteleacutements deacutechaineacutes
Les vaglles suuuveacuters se co~nallt les unes sur les
autres scmhl aicut UIIl allII(~ de eacuteallts dans le dlsllrdre
dIlne lutle I1III cl la rdalt Il (ollparI ail SOIllshy
Illet llIkvail IOIlI ltlII11l1 Idaflrhl Id 1(fllolail V(IS
la ealllpag-fle CO 11III( 1111( fI(i~t f101~01lIleUs(
Et celle armeacutee devcuai l de plus Cil plus eacutelccu-iseacuteegt
diaboliqulaquo fuulastiqucment impetueuse el meacutechante
11 fut impossihllaquo de sortir IHlr II~ vent eacutepouvantable
donl Je fracas hurlant el plain lit dont la lorce menaccedilanshy
132
~~~~~ ~~1J
)A CON~U~TB DB LtOilAL
te sacharnait sur le vieux manoir tremblant malgreacute ses murs si eacutepais malgreacute ses bases si solides
De la grnndebuie de la salle i manger nous avons contempleacute Edmeacutee el moi ce spectacle extraordinaire de furie et de tourrnente
Allcune voile Slll ln mel rieu il lhorizon mais la vile ne seacutetend pas loin ct nous savons que des navires et des barques de pecircche sont lagrave-bas dans le brouillurd
Aussi malgreacute la beauteacute eacutetrange et tormidnhle de ce spectacle d~ne lulle grandiose IIf)US avons eacuteteacute utlristeacutees car lacircme de lhumaniteacute sent combicn clic est solidaire lorsquelle est pregraves dun danger ou uune catastrophe
Edmeacutee a vibreacute comme moi nous avons veacutecu ensemble les mecircmes eacutemotions les mecircmes eacutetonnements les mecircmes admiraliins pendant celle tempecircte et ainsi pal lagrave-mecircme nous avons mieux encore retrouveacute notre eacutechauge dalshy
Iection
Elle sait que Jean-Heneacute sen va CclII la rend pensive Et toujours elle demeure dans sa rOUCCUI tris le
Lui est venu plusieurs fois nous voir malgreacute lourashygan Tout agrave lheure 1I1l instant nous avons eacuteteacute seuls Il
a releveacute ma ucircgure vers lui et comme lon boit dans une soif ardente il ma embrasseacutee sur les legravevres Notre ie nolre amour satttraleut seacutechangenicut se fondaient SlIshy
nissaient Jans ce baiser Et nous songions il la seacutepnration prochaine et 1I0lS nous aimions plus encore avec un pen de Irouble et dinquieacutetude de sentir linstant fugitif
~9 Juillet
Il nous a quitteacutes ce malin Une journeacutee seulejaent
LA CONQU~T DB LIDfuL iagrave3
depuis ce deacutepart Je suis comme seacutepareacutee en deux f Toute une partie de mon ecirctre la plus haute III plus belle tend vers lui j ce qui de moi leste ici ne peut que sentir la lourdeur des heures le potds de III solitude et je repasse sans cesse en 100n cœur ce mOlceau de temps qui vient de Seacutecouler ces quinze jours ladieux en lesshyquels jai plus veacutecu que dans toute ma vie jusque-Ii et
qui viennent de finir COmme emporteacutes par lui lui que jaime dont labsence meacutetonne et deacutejagrave me lasse A lavance jenvisageais celle seacutepalalion cOmme lon pcnse
dans les songes Elle me semblait lointaine presquilshyreumlellebull Maintenant il nest plus lagrave 1
Oh agrave bien tocirct mon Jean-Reneacute je ne peux plus vivre sans toi POlIItant ta penseacutee est une preacutesence continnel_ le enveloppante et Iu es tout pregraves de moi comme je
suis aupregraves de toi par le souvenir des 11~lIres lumineushyses par leacutechange actuel et par le merveilleux espoir
Telle quune immense confiance ma entraicircneacutee vers lui tel que mon amour sest de suile donneacute telle je veux que ma volonteacute ne soit plus que la sienne
Combien il me deacutepasse Combien souvent dun grand coup daile il sait memporter par SOn cœur noble par son intelligence profonde~ vers les recircve de mes recircves Jaime sa maniegravere saine et grave denvisager de comshyprendre et de vivre la vie 1 et parfois je me sens par rapport i lui comme une enfant trop urtificielle Une parisienne trop modelne trop peu de chose trop ocshycupeacutee encore de penseacutees miegravevres
Oh 1devenir de plus en plus el indeacutefiniment plus Une femme une vraie femme royale et somptueus ra enshynant autour delle le calme de J terce 1 pureteacute lulllibull
1 CONQUUgraveTE DR LIDEacuteAL134
1neuse le charme ct le repos attirent en elle les rayons toujours nouveaux de lintelligence et de lamour les 1 magnificences de la vie et toute la leacuteeacuterie des formes
parfaites
Oh reacutealiser en moi tout ce que lideacutee de femme eacutevoshyque de tendresse de beauteacute denthonsiasme de gragravece la lemme heacuteroiumlque des temps chevaleresques la lemme splendide des siegravecles de la Gregravece la lemme inspireacutee des Orients lointains Etre du soleil vivant 1 ecirctre le reflet des cieux et des mers ecirctre limage de la nature inshynombrable de la nature eacutepanouie ecirctre un fruit une
fleur un jardin Et quil en soit le Roi 1
Plus jeacutecoute la voix inteacuterieure la plus reacutefleacutechie la plus seacuterieuse la plus reacuteelle de mon cœur etmiddot plus je sais que la conception du vrai du bien J-lu beau du naturel qui esl celle de mon fianceacute est la meilleure et
la plus juste raison de vic ct de honneur
Ne ma-t-il pas dit
_ Tout ce qui neacutelegraveve pas iumlecircuraquo le diminue li taut que lc corps physique qui est la base de tout laccord psychique et intellectuel se manifeste et se deacutetermine par des actions droites et saines qui permettent seules son deacuteveloppement continu Il faut que lintelligence se libegravere salis cesse par lamour de la veacuteriteacute il law que lagraveme sagrandisse constamment dans le service de la
veacuteriteacute et de lutiliteacute
Et pour cela ne laissons entrer en nous par la penseacutee les actes les habitudes lemploi des jours lart
le travail que des eacutemotions et des aelions naturelles ~ tontes courageuses ennoblissantes et hautes li
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 135
En causant avec Edmeacutee hier je me rendais compte de leacutetat desprit de ln plupart des jeunes filles de netre eacutepoque en geacuteneacuteral elles nont pas assez confiance dans la vie elles manquent de deacutesir de courage despoir dattente elles se reacutesignent Avant davoir oseacute elles coupent elles-mecircmes les ailes lie leur recircve de jeunesse elles reacutefregravenent tout ce qui deacutepasse le milieu mesquin ougrave elles ont veacutecu et ougrave elles acceptent consciemment de maintenir leur propre destin Elles preacutetendent trop soushyvent que lhomme est mauvais que le Iland amou~shyest impossible agrave reacutealiser el concluent quon doit se conshytenter dlin bonheur agrave peu pregraves sur un chemin moins eacuteleveacute et ne pas recircver agrave limpossible
Cest quelles ne comprennenl pas quelles ne parlent lagrave que de la seule vie quelles savent vivre la vie allifi- cielle
Artificiel le monde ougrave elles sagitent artificiels ses vains plaisirs artificielles les passionnettes auxquelles les jeunes filles se laissent prendre et artificiels les jeunes gens laquo deacuteguiseacutes en hommes JI quelles croien t dignes du nom dhommes
Oh ne SUiVIC que la route de la vie naturelle si humshyble sentier quelle soit dabord 1 Ne plus se morceler dans linutile ne plus se donner au rien et vouloir senrichir seulement de ce qui augmente de ce qui inshytellectualise vivifie eacutevolue magnifie nulre ecirctre comshyplexe si feacutecond si riche pour qui veut sincegraverement leacutepanouir
Je veux arracher complegravetement en moi les mauvaises herbes eacutetouffantes que le monde quune eacuteducation pleshymiegravere superficielle peut y laisser encore afin de faire
gt ~
- ~
gt
~
~
LA CO~QEcircTR DR IIlFAL136
ccrmer croilre ct flcurlr mngnlflqncmcnt le grnnd
allire de vic
le veux repousser tout acle qui naccroit pas snshychant que lilutile est nuisible je veux savoir rompre avec roulage les ehaicircncs cntravantcs les prrjureacutes stushypides etrechelcher avec ardeur il raide de mon ineacuteshyhrnnlable appui la vraie vocalion de mon acircme ln plus haule et sa veacuterilnblc utiliteacute cal laquo nous naissons parshyleurs dun pli cnchcleacute raquo quil faut apprendre il ouvrir
pour y lire noire mission terrestre
o Jeunes filles mes sœurs l lc voudrais vous ouvrir ume porte sur la vic heureuse du mieux de mon pouvoir le voudrais vous dire combien lorsque lon entrevoit la reacutealiteacute haute on contemple avec un regret triste le vide et lagitation infructueuse du monde ininshy
tellectualiseacute f
Je voudrais vous dire quel immense bonheur on trouve il seacutelancer hors de lexistence banale jusquau lihre horizon de la conduite unifieacutee toute entiegravere tendue vers un but conscient puis apercevant les eacutetoiles de
lumiegravere il seacutelever vers elles en poursuivant son individushy
el ideacuteal r Car si les premiers pas sont arides en quittant
les distractions mondaines ou les habitudes que lon aime et qui prennent en soi tant de place faussement remplie lorsque lon commence il gravir la belle roushytc naturelle on y reacutecolte Ics fruits rares et exquis de ln joie dl vivre sur celle loule III sinceacuteriteacute et lashy
rnour Ilr-urlsse n t
Il Iant cultiver rn soi dabord les forces que lon
rl1fl(he et qlle 1011 d(isire trouver pour son han heur car c-s fOIClS dtvriorrrrl ntlircn il elles pnr affinileacute
LA CONQUlhE DR LIDEacuteAL f37
les forces semblables il faut avoir au moins en posshysibilileacute cc que lon veut recevoir dautrui le courage si lon veut sentir le courage des autres la sinceacuteriteacute qui attire la droiture lamour qui appelle lamour
Et ainsi naturellement fncilemenl la vic de noshyblesse ardente et volontaire incarne lideacuteal vers lequel
elle tend
Ilier soir un instant Il est monteacute jusque dans ma chambre Nous sentions que lheure passait rapide et quelle allait sonner la lin de ces premiers beaux jours
O mon hien aimeacute quand lu vins aupregraves de
moi ton front eacutetait soucieux ct chargeacute de meacutelancolie
Alors jai poseacute mes deux mains sur ta pauvre tecircte lourde et puis je lai caresseacutee doucemen l c 11 Ill celle
dlin tout petit enfant Et il me semblait que tu eacutetais vraime-nt mon petit enfant et que mes mains eacutelaien t
celles dune megravere
Peu agrave pen les plis de ton front se dissipegraverent et tu me souris longuement
Puis tu me pris III main tu la portas il tes legravevres ct tu la baisas avec tant de tendresse quun grand eacutelan
parcourucirct tout mon ecirctre 1
Alors - tout dun COllp - il me sembla quagrave mon 10111 jeacutetais un tout petit enfant dans les bras de son pegravere
Et je lnissai tomber ma tecircte sur ton eacutepaule et je me mis il pleurer de douces larmes de joie
Ce matin lorsque lu partis tu eacutetais si pucircle que jaurais voulu pouvoir de suite tout quitter pour te suivre
J
138 IA OONQUl~TE OK LWtAL
Mais tu mas dit avec force - Michegravele rien mainshyteuaul nest capable de nous seacuteparer Nous sommes deux en un il tout jamais Sois heureuse sois en paix ne laisse den le troubler Bienlocirct nous troushyverons dans la preacutesence de toules les heures le repos qui apaiseacute lharmonie qui fait eacuteclore la joie qui vishyvifie leacutelan victorieux qui dans l action feacuteconde affirshyme lindividualiteacute croissante parmi les champs infinis que lamour eacutetendra comme un ciel sans limites aushytour de nous Et je fais miennes les vieilles paroles
dont leacutecho nous a berceacutes
laquo Dans les journeacutees douces ou dans les jours amers Cl Dans les luttes ou dans les espoirs c Pregraves de toi ou tregraves lointainement laquo Toute ma vie et Au-delagrave raquo
31 Juillet
Quel bonheur Une lettre de Jean-Reneacute que je
relis mille et mille fois et dont le chant damour imshymense jaillit meacutelodieusement vers moi en cascades
protectrices et irradiantes
laquo0 bien-aimeacutee bieu -aimeacutee l Soyons unis dans lushyniteacute de lamour je laime ocirc lys ocirc rose dont le parshy
fum est de jasmin
Tu es douce tu ~s vaste ta mentaliteacute est droite et lucide tu eacutevolueras eacuteternellement en rectitude 1
Librement dans la lumiegravere tu agrandiras ton ecirctre par leacuteveil de toutes les possibiliteacutes 0 grande reine aimeacutee tu teacutelegraveveras jusquagrave toi-mecircme tu te legraveveras dans vta splendeur 1
IA CONQtl1~TE DI LIDEacuteAL 139
Tes paroles reviennent vers moi une il une tes penshyseacutees sont comme des colombes blanches
Tu me reacutevegraveles leacutequilibre agrave chaque instant aucune de tes paroles de veacuteriteacute nest perdue 0 chegravere lumiegravere damour jai taut agrave apprendre par toi
Comme tu sais eacutetreindre laction comme tu sais avancer sans cesse ta perfection sera une perfection inteacutegrale la blancheur de leacutequilibre sera autour de toi
Ta robe sera verte eacutemeraude et la vitaliteacute sen eacutemanera ton manteau sera rose ocirc indiciblement patheacutetique aimeacutee Les voiles saphirs de lin telligence seront autour de ta tecircte 1Tu teatourcras du violet de la puissance lor cie lessence parsegravemera tes echarpes
Que rlen de trouble ne puisse mrnro percevoir mon limeacutee
Je veux lui ecirctre un repos de force je veux ecirctre comme la protection de sa liberteacute 1
Tu eacuteclaires de ta preacutesence tout mon ecirctre qui sans cesse tentoure et tadmire et de tendresse iaeacutepuishysable te revecirct 1
Afin que les heures soient plus leacutegegraveres bien-aimeacutee que ta penseacutee vienne vers moi comme la mienrie est vers toi
Oh 1 combien tu embellis des rayons de ton pur et merveilleux ~mour mon agraveme deuml deacutesir et despoir1
Sois beacutenie dans leacutequilibre lamour la lumiegravere et la vie 1
Profondes sont nos profondeurs les aneacutees eumlpanoushy
__________millAlwn1itl6Mtmmiddotmiddotf bull bullbullmiddotbullrn----------------shy ~
140 LA CONQU~TE DB LIDEacuteAL
LA CONQllEgraveTE DB LIOacirc-lL 141
iront sans cesse lenivrante conscience de secirctre unis
~
il jamais 1
Unissons les trois torees en ure blanche hnrrnonie Enseigne-moi la miseacutericorde puisque ton acircme exquise
fer Aoucirct
Que la journeacutee dhier ma paru longue Comme jaurais voulu meacutechapper pour aller bien vile hien vile
L~~
~ veut accomplir partout le bien agrave faire
Tu es une fraicirccheur ombrageacutee ocirc donneuse de repos lui reacutepondre Enfin mil voici libre Il IIlC semble que toul mon cœur se reacutepand vers lui el tout Illon (llIl
que la lumiegravere en toi el en moi seacutechange est en alleacutegresse parce 1]l1C bientocirct il lira mil penseacutee
Que la force en mon ecirctre seacutelegraveve la force calme el bientocirct il tiendra en ses mains cc pnpier dans leque l
apaisante qui vivifie que toute nos penseacutees se perleeshy je veux infuser ma lendresse r~ tionnent jusquagrave leacutequilibre Teacutecrire quelle chose simple el eacutetruuge cl mCIshy
Depuis ton corps jusquagrave ta mentaliteacute et dans les veilleuse Teacutecrire eacutetats decirctre plus rareacutefieacutes tu es deacuteborJante de ta
beau leacute Je taime pour la beauteacute Michegravele je tIlimc Manoil de Ker-Noueacutel 1el Aoucirct
pour la splendeur 1 je taime pour tes recircves nobles 6 h du malin
et hauts pour ton enthousiasme sacreacute 1
o passive en qui le capable dutiliser et de
Etoile qui illumine la
Cosmos se reflegravete 0 sensitive diriger les forces bienfaisantes
terre 1
~
(( Oh elle est venue la belle lettre de mon bienshy
aimeacute elle est venue Ioule lumineuse comme un rashy
yon de soleil dans ln nuit milluminer et me reacuteshy
Jaime agrave laisser fluer vers toi lessor de mon admishylante tendresse vecirclement puissant du patheacutetisme inshy
chauffer dis apporteacutee
le malin el combien de joie elle ma
dissoluble qui conlient leacutetincelle la plus divine leacuteshy Oh Jean-Reneacute toul ce que vous me dites troushy
tincelle damour 1 ve 1Ii1 eacutecho profond dans mon cœur Parfois il Ille
Lamour f Lamour 1 Toutes les symphonies eacuteclatent 1 lous les poegravemes se reacuteveillent toutes les belles leacutegendes se legravevent 1
sem hie luc vous allez eacuteveiller louis en lui des germes tout decirctre cl parfois il me semble
des gelmes lnteuts enshyprecircts il chanter la joie
qllc cc sonl mes PlO
o musique extase ivresse ocirc Ideacuteal ocirc Recircve reacuteel 1ocirc chemin infini conjonction incessante 1 bull
ples penseacutees IC III exprimes comme eacutetant les tiennes El je lclis salis cesse cl sans cesse la chegravere messagegravere IIc Ion SOIlVCIIIcircI
Je taime et comme je taime tu maimes 1 Autour de toi avec toi en toi parmi toi agrave toi 1
A Ioule heure du jour ses phrases aimeacutees chantent en moi elles parfument les heures deacutesertes de labshy
c Jean-Reneacute _ sence elles me bercent de ta tendresse puissan le comme ~ le refrain tregraves doux dune musique exquise 1
-------lI
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteALH2
~
o les belles pages lant aimeacutees si remplies de toul ~
~ (1 ce que jespeacuteru is y trouver
La heau le de Ker-Nouegrave perd son charme depuis
que je suis scull il la contempler et il ln ViVlC Seule y suis-je vrnimeu] seule Non partout ougrave je suis jc sens votre pleacutesence ougrave je recircve je SCIIS votre
tendresse ougrave je pense je sens voire force ougrave jesshypegravere cc sonl OS yeux cest votre main cest votre cher visage qi mnpparaissent cl votre amour est url oland bercement dont les vagues me soulegravevent
mculrainent de bonheur en bonheur de pleacutenitude en
pleacutenitude vers un ciel dc supecircllle beauteacute
lrois jours oul passeacute avec lcnlcur depuis que nous sonunes loin lun de lnulrc Trois jours qui pegravesent
SUI moi deacutejagrave trop lourdement
Je suis hcnucoup avec Edmeacutec agrave laquelle je verse
dc Illon mieux qullllllS torees despeacuterance Je parle
aussi apregraves le dicircner i1V c glanu pegravere dans sa cham
bre L Et lors eesl vol re nom qui eacutemaille constammcnt
noire causerie inl irue
El puis le soir aV1I1 de me coucher je reste un
instant devnut ma tenegravetre grande ouverte SI)I la mel
el je pagraverle aux eacutetoiles qui mc reacutepondent Quelques
unes delles scintillent lollcmeut quelles paraissent me ~
regardcr ou IIlC sourire Et je mimagine (lue ce sont les mecircmes ltfliC III contemples Jean-Reneacute lagrave-bas agrave
~ Paris au mecircme moment
Et quelles lc chantent mon nom comme clics me disent le tien et que ccsl 1011 regard leveacute vers elles
~ quelles font redescendre SUI moi
LA CONQUtTB DB LIDEacuteAL H3
Hier je pensais avoir ainsi agrave travers les horizons
loinlains eacutechangeacute avec loi pal ma fenecirctre ouverte pendant quelques instants Jeacutetais entreacutee dans ma chambre VCIS dix heures Lorsque jai refermeacute ma croiseacutee minui sonnait
Peudaul deux heures je lai parle deux heures qui avaient passeacute comme des minutes mas-tu entendue las-tu comprise
o Jcan-Reneacute Je suis heureuse Jc suis heureuse que tu sois aupregraves Je moi comshy
me je suis aupregraves de toi
le suis heureuse ( Oh tellement heureuse ) dc poumiddot vcir tapporter du bonheur
Je suis heureuse hculeusc heureuse palce que je laime
Je voudrais en teacutecrivant savoir exprimer linexshy
primable Mais ne savons-nous IHIS (IIIC le silence parle
Lorsque nOlIS eacutetions aupregraves llin de lautre aucun
moment neacutetait perdu car nous avions toujours tant
de choses il nous dire ct (1 uand nous ne parlions
pas la graviteacute ardente des silences neacutetait-elle pas plus
belle notre communion plus luupide cncorc ne
seacutecha~geait-elle pas et ne 1I0llS cornpreuions 1I0llS
pas mieux ct davantage quagrave laide des paroles qui limitent
Notre retour agrave Paris est fixeacute au 4 aoucirct Mm lorgues
ft juslement eacuteteacute inviteacutee avec ses enlauts agrave passer ln liri du mois agrave Cabourg chez ugravees amis El agrave son eacutetonshynemenl (cal clic ne voil rien de leacutetnl ducircrue actuel desa Hile) Edmeacutee la supplieacutee daccepter cette disshytraction
LA OONQUEcircTR D~ LIDEacuteAL 1H
A bientocirct donc ocirc mon ami A bientocirct Que cest doux deacutecrire cela que de promesses et despoirs et de joies et deacutemoIions enfermeacutes dans ce petit mot magique
Allons ensemble pal les lumineux sentiers toujours
plus haut toujours plus loin vers les sommets fleuris et radieux et ltIlle llin de nous Ile deacutepasse jamais lautre llue pOlr Ientruicircner plus avant
Voici que jai penseacute lfue lideacuteal de la femme cest darriver agrave incarner lideacuteal de celui quelle aime
Et toi tu maugmenteras toujours et ce que tu ajoutes agrave mon ecirctre et que je veux sans arrecirct reacuteashyliser de mieux en mieux cest bien aussi moi-megraveme dans ce que jai de plus haut et de plus fort moi toute eacuteveilleacutee pal ton amour toute embellie ltle ta tendresse
A bientocirct mon cheacuteri mon aimeacute mon soleil et mon roi A bientocirct triomphal ce mot sonne et reacutesonne en ondes vivantes qui palpitent et en myriades de lushy
miegravercs eacuteblouissantes jaillissent et irrudient jusquau fond de mon cœur miraculeusement
Que degraves maintenant SUl la mel de notre vie notre nef enthousiaste vogue de force en force vers le port lointain ct monte plus encore dans la monteacutee
~nlinie qui par de lheure du temps pOUl jusquagrave leacuteterniteacute
Voici quelques peacutetulcs des loses pourpres qlle tu pl eacutelegravercs et puis voici mon agraveme abandonneacutee
Toute agrave toi Michegravele
laquo Michegravele 1 Michegravele 1
i~~
~ -- Ir ~ middoti
tA CONQu~rRDE L~OAL
(Et je nai rien dit agrave cocircteacute de ce que je voudrais dire )~ ))
or Aoucirct 0 heures du soir
(Cest une lettre de Jane Kousta que je viens de recevoir enfin 1)
CI - As-tu un peu penseacute agrave moi qui ai si soushyvent eacuteteacute dans mes recircves aupregraves de toi Tu sais le sombre destin ougrave je me suis traicircneacutee jusquagrave maintenant agrave travers des palais leacutethargiques parmi les fausses lumiegraveres dun monde sceptique sans foi et sans ideacuteal lumiegraveres brillantes qui attirent et qui brucirclent sans eacuteclairer tu sais combien mon deacutesespoir crise fatale paroxysme redou table me fi t deacutevaler lacircchemen t vers les gouffres sans fond
Sais-tu maintenant la torture de mon cœur dont les lambeaux eacutepars se reacuteunissent uri agrave un et aggloshymegraverent aujourdhui en Ionae vcomplegravete toute leur
1puissance retrouveacutee toute leur passion belle et ardente vers le Seul qui devait le posseacuteder tout entier inteacutegral cc malheureux cœur deacutechiqueteacute 1
Je Igtleure et jespegravere je pleure et jaspire 1 El peut-ecirctre ces larmes-lagrave les premiegraveres lalmes dignes de respect et sans doute aussi de pitieacute que verse mon ecirctre douloureusement meurtri peut-egravelre ces lar~es me laveront-elles de tant de souillures
Je sais heacutelas que le deacutesespoir regravegne et que la souffrance et la plainte eacutemanent de tous les porcs de lunivers 1
i
c
------- ---
Hn LA CUQU~TE DE IIDEacuteAL
---------~---__-- - --- ---__----shy
Oh 1 ces vagues qui se tordent sur la gregraveve en geacutemissant et qui allaient mengloulir Oh ce vent qui pleure lamentablement dans la forecirct et dont la plainte me hanle ct meacutetouffe 1 Oh ces nuages deacuteshychireacutes par leacuteclair et dont la foudre meacutepouvante 1 Oh tous ces arbres qui se penchent et qui se reshylegravevent sous Iassuul de la tempecircte pom retomber encore pour plier pour ecirctre rompus et terrasseacutes
pal le poids de celle souffrance effroyable de la
reacutesistance vaincue Oh 1 tous ces spectres vivants du
deacutelire du malheur du crime des maleacutedictions du deacuteshysespoir de la deacutefaite du deacutesir inassouvissable r
JI lem crie agrave lous Arrecirctez 1 Je leur vcrie Arshyriegravere arriegravere enfin 1 enfin 1
Car enfin jai rencontreacute ma torce ma protection mon sauveur et ma foi
El je veux quil ne soil pas Irop tard Oh 1 par pitieacute pas trop lard Je veux croire que loul ce que jai amonceleacute de drarnes pal derriegravere moi que tout ce
que jai attireacute de deacutesordre autour de ma vie ne pourra
assombrir la lumiegravere si pure ne poulra taire obstacle agrave la Destineacutee nohle ct large qui seacutelegraveve devant ma
roule Enfin enfin
Te souviens-lu dans ma derniegravere lettre de lEloile lumineuse cl lcelle (lui avait eacuteclaireacute la hideur de mon
miseacuterable sol
Cette Etoile ceacutetait celui que tu appelas un jour IL la figure de lavenir celui dont tu me parlais malgreacute ]t
rnes fautes en le deacutesignant sous le nom beacuteni de laquo ton premier amour )l bullbullbull
LA COXQUEcircT DE LlD~Ar H7
Cheacuterie je viens dans lespeacuterance encore humble et timide de tout mon ecirctre cruinfil Je laul de bonheur je
viens le dire merci davoir compris ce quil ) avnit de meilleur en ruoi merci el plus (IUll merci de III avoir aideacutee sans ten douter peul-ecirctre (el Iau l aideacutee lal les bonnes derniegraveres lettres encore) agrave reconnailre ougrave eacutet aicnt les nais henuleacutes de la vic merci merci d rna rCConshy
naissance repenlnnte il toi qui sus garder pal 111 douce droiture Vestale sacreacutee la derniegravere eacutetincelle pUIC
qui vacillait au-dessus de moi au-dessus de ma vie de
deacutesordres eacutetincelle que tu proteacutegeas pieusern-nt pendant plusieurs annees qui sans toi se serait eacuteteinte et qui
fient splendidement de silluminer toute en aurore radieuse dans 111 rencontre de mon premier amou
Il est lagrave 1 Il est ici 1 El cest bien Lui 1
Oh je voudrais que tu le connaisses bientocirct mon amie
celui qui a pris tout mon ecirclrc celui qui seul peut
effacer le passeacute moindre celui qui peul trrcnnohlir en macceptant comme sienne dans la commuuion pro
fonde de nos limes ravies lune par lau Ire pour toujours
Je laime dun noble amour fidegravele infini et pOUl la premiegravere lois ce quil y a de plus pur en mon ecirctre sincline eacuteveilleacute charmeacute exalteacute en admiration devant
celle Intelligence complexe et merveilleuse devant ce
haut caractegravere de volonteacute et de rectitude
[larry Wannshield est un homme
Oh comme jai longtemps llreacute avaul de le conuailre 1
que la terre est un grallJ dSI tJIIil y a peu dhommes SUI lcrre l Et cruira is-f u ltJUl si ma rie jusquici avait lleacute plus droi llaquo nous 1l11lIumlltJflS pu nous trouver plus locirct Il ma rcncoutreacutelaquo il y il trois ans
Hg LA COlQUEcircTB DR LIDEacuteAL
ans deacutejagrave plusieurs fois agrave Paris chez Lady Baret et malgreacute une intense attraction vers moi malgreacute mecircme de reacuteelles souffrances il sest eacuteloigneacute sans me laisser le temps de le comprendre devant tous les troubles infeacuterieurs dont jeacutetais alors prisonniegravere et desquels je
na vais pas encore la force de sortir r
Degraves mon arriveacutee agrave Interlaken il ma reconnue
Nous eacutetions descendus au mecircme hocirctel et moi jai eacuteteacute dabord profondeacutement blesseacutee et malheureuse de son
meacutepris
Oh comme jai pleureacute que de regrets inextinguibles de remords brucirclants de lourde tristesse 1 Puis jai
compris
Jai comprisque ma nature violente et indompteacutee eacutetait seule cause de ma deacutetresse et que ceacutetait peut-ecirctre un avertissement salutaire que je sois ainsi arrecircteacutee agrave temps sur une pente fatale par un laquo Halle-lagraveraquo de la Destineacutee
La doulesr comme un chien mord les talons du lacircche Qui dun jour neacutegligeacute surcharge an lendemain
Oh1 que je les ai meacutediteacutes ces deux vers 1 quils sont justes 1 Et comme la douleur est bonne parfois agrave celui qui nest pas capable heacutelas deacutevoluer sans elle 1
Seulement vois-tu Michegravele il vnul mieux la devancer il faut que lintelligence humaine du sage arrive agrave preacuteshy
ceacuteder lexpeacuterience ce qui fuI impossible agrave linsenseacutee que
jeacutelais
Jai Ileaucoup reacutefleacutechi agrave tout cela
Enfin il est venu un moment ougrave jai accepteacute comme une purification et mecircme cheacuteri loceacutean de peDseacute~~ dou-
LA CO~QUEcircTE DE LIDEacuteAl 149
loureuses agrave travers lequel seulement je pouvais remonter vers lui
Alors jai brusquement rompu avec Talbrut Je savais en le faisant que celle rupture eacutetait deacutefinitivement la lin Je mes deacutesordres Et forceacutee de vivre dune faccedilon beaucoup plus simple jai ducirc quitter lhocirctel ct bullhabiter la modeste petite chambre ougrave je suis reacutefugieacutee et~ seule maintenant
Michegravele1 Miehegravele1je suis tellement sucircre de necirctre plus Of -
la mecircme et de lui apporter tout ce quil espegravere trouver en moi de nouveau de sain de bon de vrai
Oh il faut quil le sache il faut quil ait confiance fout agrave fait il faut quil soit sucircr de moi
Je lespegravere si intenseacutement et je le crois Je sens quil plaint le cocircteacute sauvage avide bondissant et deacuteseacutequilibreacute de mon ecirctre comme il comprend mes aspiralions proshyfondes et belles
Il maime ma petite Michegravele il maime Oh1 ces mots 1 Mon cœur brucircle en les eacutecrivant Des larmes tombent de mes yeuxi Cest mon agraveme qui se fond El je pleure davoir trop pleureacute 1
Je suis tantocirct dans lextase calme et espeacuterante du vrai bonheur enlin cornpris enfin trouveacute Dans ees mornenls-lagrave cest en tendresse reconnaissante eacuteleveacutee respectueuse vibrante dune eacutemotion douce et profonde que je meacutelance vers lui et tantocirct un poignant sentiment de deacutecouragement mabat ct me terrasse
Jai peur mysteacuterieusement de souffrir de souffrir encore
Mais toi cheacuterie toi que penses- tu de ta Jane
110- - ______________________ _ bullbull _ bullbull __ 0 __ bullbull bullbullbullbull _ ~u ~ fl~ n JJJIIIIIII
HiO lA CON(~UlhR DR LmEacuteAt
Iliconlc-moi cc quclic doil Iaire Et puis parle donc un p~1I Je toi aussi Jai cru sentir dans la derniegravere lettre 1In souffle dalleacutegresse lellemeul parfumeacute despoir que je voudrais de les nouvelles plus preacutecises Me suis-je trompeacutee Ai-je lu seulement dans tes lignes affectueuses
et for-les le reflet de ma proplc espeacuterance Pari Micaeumlla1 Et pense agrave la pauvre acircme tourmenteacutee en laquelle
viennent deacutemerger impreacutevues et superbes tant de possishyLilileacutes enfin joyeuses et sereines
Doloregraves raquo 2 Aoucirct
Tout-agrave lheure une amicale discussion eut lieu encore SUI cc sujet qui lanl de fois fut abordeacute indirectement
pendant notre seacutejour ici et qui fut preacuteciseacute davantage
aujourdhui Mme Torguegraves seacutetonne agrave chaque inslanl du systegraveme
deducation trop large agrave son greacute avec lequel je suis eacuteleveacutee cl mentendant causer de Jane avec Edmeacutee elle dit agrave grand-pegravere - Javoue lue je ne vous comprends pas M Vnzanne de luisser ainsi Michegravele se lie l Jc plus en plus avec ~11Umiddot Kousla Cal elle a une conduite plus qucxtrnordinaire et toutes ses amies de pension comme Edmeacutee cl lanl dautres ont ducirc dabord espaCCI puis inlerrom pre les rela lions avec elle
- Par quelle loi Madame me suis-je eacutecrieacutee aurait-on le soi-disant devoir Je mentir agrave ses sentimenls reacuteels Cest agrave-dire pour quelles raisons dcvrnis-je eacuteteindre en moi laucircectiou sincegravere el profonde qui me lie agrave un ecirctre
Pourquoi retrancher quelque chose de vrai et dintense que nous apportc la vic J-~-Qn jamais trop deacutechanges
gt
LA CONQUEcircTE DR LIDF-AL 15t
veacuterltables raffineacutes et intelligents Amiddott-on jamais trop damitieacutes vraies A-t-on donc jamais trop de tout ce qui embellilla vie de lhomme par la preacutesence de lhomme
- Vous ne savez pas le tort que peut vous faire dans le monde cl pour votre avenir Michegravele reprit Mnbull Torguegraves lintimiteacute que vous avez avec une Jane Kousla
- Du tort aupregraves de qui repris-je doucement Ceux qui me connaissent ne peuvent se laisser influencer par rien de cela je pense
Oh t je vous assure Madame nont agrave redouter les opinions du monde que ceux qui reacuteellement veulent lui cacher quelque chose lEt nous nous coupons davantage les chemins de lavenir par tout ce que nous retranchons de lexistence craignant les preacute]ugeumls ou les jugemenls seacutevegraveres que par ce que nous faisons geacuteneacutereusement fleurir et eacutepanouir de ce que la vie libre forte et complexe nous oflre de reacuteelt
- 11 est certain comme le disaient les Latins quune amitieacute nest vraiment solide que si elle est baseacutee sur lintelligence interrompit Edmeacutee
- Cependant lintelligence nest pas tout reprit Mm Torguegraves
Et jai continueacute
- Jai foi en le relegravevement possible de Jane el je crois que je peux souvent lui faire un peu de bienEt puis jadmire les somptuositeacutes de sa nature sincegravere chaud et douloureuse
Jane souffre personne ne sail combien elle souffre1 Elle-mecircme lignore peut-ecirctre encore car il y a souvent
middot middot middot~-~V111V1l1-)middot tlbullbullrl~IY~~middotfmiddot~imiddottril1f~lrVljmiddot7i11~~fmiddotI mAr~~~rHI(fCcedilr~1riTT11-1111~V1((lI~~nnT(IonrVINnwfVampGVr u-__bull ~ _ _
1 LA COQll~m DI LlD 1
dans un cœur aussi vnsle des larmes verseacutees par une pari inconsciente de Iegravelre donl la conscience plus complegravete ne sent (Iur plus larel toule lamertume
Et la souffrance de ma pauvre et tragique amie deacutepasse tellement ses excegraves lt]Ui1 ne seruit pas charitable de lui jcler la pierre
- La seule chose quon puisse lui reprocher agrave mon sens dit grand-pegraverr cest que parfois ellc a fait souffrir le ne suis ni eacutetroit ni piniluin III le sais Michegravele mais
je nai jamais pu admettre la morale de ceux qui
foulent sans scrupules sous leurs pas orgueilleux les
bonheurs d~utrui
Lhomme a en lui une notion du juste et de linjuste et ce qui est injuste el coupahle surtout pOUl une intel shyligence cest le mal fait agrave dautres raquo
Comme M Torguegraves semparait aussitocirct de lideacutee de
grand-pegravere pour laccentuer encore jai de nouveau
reacutepondu
-- Bien entendu je ne veux pas deacutefendre les deacutetauls de mon amie mais seulement ses vertus
Elle est malgreacute ses torts un ornement de valeur et de
beauteacute dans ces landes arides qui forment ln terre landes qui pourraient devenir un merveilleux jardin de richesses feacutecondes si les ecirctres qui composent lhumaniteacute eacutetaient plus souvent de preacutecieux ornements de valeur ct de beauteacute Jase a une acircme vaste une acircme pleine de posslhilileacutes pleine de gClmes et de treacutesors J~lIe peut passer Cil heacuteroiumlne dans la vic au milieu des foules amorphes ougrave clic resplendit comme un phare dans 1i4 nuit comme un diamant parmi du silex
LA CONQJ~TE DI LmFAL Jr)3
Pourquoi nc pas admirer ce que son ecirctre a de supeacuterieur et de royal malgreacute les deacutesordres dont elle soul1re el quelle arrivera sans doute agrave dominer
Et puis mecircme agrave Paris qui esl cependant un centre de lumiegravere reacuteelle la plupart de ceux qui deacutepassent la moyenne des ecirc lres par une belle et noble in1lividualiteacute
son t pris - eu x aUS5~ - da ns lous les capriees ct les plaisirs qui agitent les inutiles existences de tant de Iutiles creacuteatures ils vivent trop en parade et ne sentent
que peu profondement ce qui nest pas leur inteacuterecirct immeacutediat ou linteacuterecirct des quelques oersonnes famille
ou amis auxquelles i1s_ ont dor aeuml de leur affection
Jane elle a une intelligence extlnordinailement vibrante pour tout ce (lui est geacuteneacuterositeacute P()UI lout ce qui est vie progregraves efforts volonteacute de transformer volonteacute de Iairo de faire mieux de faire plus de lclisel
un peu de tout cc que lhomme endormi peut eacuteveiller en lui agrave certains momenls dnspilntions haules el volonlaires despeacuterances de justice plus noble de bonleacute plus grande de bonheurs plus harmonieux Elle est une
de ces trop rares natures qui osenl qui cherchent qui
palpitent qui franchissent hardiment les vieilles ideacutees dhier pour sans cesse recircver plus haut
1shy
AJlIcircl
Il pleut La Bretagne est grise Ker-Nouheumll est morne
Temps de deacutepart Nous quiltols le M1noir demain malin lous ensemhle cl jen suis bien heureuse lIII
pour moi lacircme de cc pays est partie
__
t5~ LA CONQr~TR DE (rDecirclL
Tout me semble ville deacutecoloreacute le preacutesent me paraicirct deacutejagrave dans le passeacute Je hacircle les preacuteparatifs et voudrais
pouvoir hacircter lheure
) AoucircL au sail
Une nouvelle messagegravere de mon Bien-Aimeacute qui me reacutechauffe le cœur dans un grand eacutelan damour
Paris 2 Aoucirct
Ma toute Cheacuterie mon Etoile de Bonheur Je reccedilois agrave
linstant la douce lettre dhier la lettre exquisement douce agrave tout mon cœur et je teacutecris tout de suite afin que tu aies un peu plus de moi eucore avanl la merveilleuse rencontre degraves apregraves-dcman soir nest-ce pas ma rose -~
aimeacutee
Et je tenvoie louLe ma penseacutee tout mon merci eacutemu et glorifieacute des lignes a-lor-ables ct magnifiques qui chantent en moi les hymnes de la conjonction eacuteternelle 1
Si vous saviez ma Michegravele adoreacutee comme voIre eacutecriture votre style lous -cs mouvements de votre ecirctre si beau sont ceux que je comprends que je peacutenegravetre que je reccedilois quc jadmire que jaime
Ce fut pour moi un tel enchantement de YOUS lire 1 un tel eacutemerveillemen t un~ telle extase 1
Depuis que je suis ft Paris je me promegravene tous les matins ail RanclaglI cl je passe reacuteguliegraverement avenue Raphaeumll devant vulre joli home cc deacutelicieux hocirctel enfoui dans la verdure
Et hier ce me fut UIlC grande joie dapercevoir les volets ouverts les domestiques preacuteparant la maison pour
___~A~__
LA coxcuugravera DR LiDEacuteAL 155
votre retour le jardinier dehors toute la vie revenue tou t orgnnisan t votre proche arr veacutee
Si vous quittez KermiddotNollhiH apregraves-dematn matin vous serez sans doule gare Saint-Lazare agrave onze heures et demie du soil Je nose aller vous y chercher malgreacute len vie ardente que jen ai
Mais voici ce que je compte faire si M Vazanne ny voit pas dinconveacutenient jatlendrai vers minuit devant la porte du jardin avenue Raphaeumll Je vous aiderai agrave descendre
de voilure je vous souhaiterai 1 le bonsoir et si votre gland-pegravere me II permet si ma preacutesence ne doit pas vous gecircner si vous necirctes pas trop faligueacutee du long voyage bull jentrerai avec VOliS dans votre demeure ougrave nous passerons de suile les premiers les deacutelicieux instants f
Ne trouvez-vous pas que voilagrave une combinaison hellleuse
Ainsi en tous les cas je vous aurai vite degraves apregravesshydemain je vous aurai parleacute je vous aurai entendue ocirc ma cheacuterie cheacutelIcirce1
Quel bonheur Que de choses agrave se dire Ecirclre pregraves 1 tout pregraves de toi ma Michegravele approfondir sans cesse notre harmonie 1 Aimer 1 el ecirctre aimecirc Jai un besoin infini de tendresse de compreacutehension de libre sinceacuteriteacute de coopeacuteration et de Ion serait impossible dalleudre Je suis tellement insatiable incessanle Cil Comment
bercement fidegravele Il me encore pour le rt~v~r de loi el de ta preacutesence
pourrnis-jn patienle jusshyquliu Iendemaln de Ion relum- eacutetant si pregraves apregraves si longtemps
Lorsque tu arriveras je ne saurai peut-ecirctre que me
bull
1f) L cO(~lJlhE 08 LIDEacuteAL
taire ct te regarder et prendre la main mais nous aurons la cerfilude que les immensiteacutes de nos acircmes el de tout notre egravelre seacutelancent ct se confondent ct en silence ou en paroles banales dans lesquelles eacutetincellcron l les g-emme~ damour ou en mols enlaceacutes nous senti rons lextase de la rencontre ideacuteale
Mon cœur vers loi sen va sen va deacutelicieusement
Et toi tu viens agrave moi li mon royal treacutesor 1
Viens viens je taltends A toujours cl il toujours sois couronneacutee de mon amour sans fin ct snus limites
Jean-Reneacute
gt1shy Paris 5 AoIcircrt
Lomnibus du chemin de fer snrregravea devant notre porte
Une eacutemotion profonde metreignait Dans le SOli deacuteteacute la haute silhouette attendue sapprocha
Et tandis que gland-pfre descendait Je voilure nous nous serracircmes la main intenseacutement
Les dome~ti(IUeS accouraient chercher les bagages
Et nous sommes entreacutes tous les trois agrave la maison une exquise surprise my attendait
Dans le salon ougrave les lumiegraveres beaucoup (le lumiegraveres
toutes allumeacutees brillaient gaiemenl une abondance prodigieuse de fleurs blanches envahissaient les meubles et en profusion garnissaient les potiches et les vases samoncelaient en gerbes Ieacuteeacuteriques seacutelululcnt en bouquets eacuteparses
gt sur les lapis ou piqueacutees autour de palmiers et
de plantes vertes
LA COXQV~TE DE LWKAL 157
Des lilas blancs et des lys surtout et des roses et des arorncs ct des jasmius ct des aneacutemones et des orchideacutees teinteacutees de mauve et des tubeacutereuses enivrantes
TOlite une recircverie de fleurs damour
Jean-Reneacute sexcusait preslue aupregraves de grand-pegravere de la Iiberl(~ prise de cet envoi laquo mais comment ne pas mateacuteriiJlisel lin peu disait-il tous les chants dattente cl
de bienvenue qui milluminent ct quexhale en ondes si puissantes mon ecirctre profond raquo
Etle bon vieillard linterlOmpit doucement
- Vous avez bien fait mon ami de transformer ce salon en un jardin damour pousseacute et fleuri pour ma
petite Michegravele don t les yeux brillants me disent toute la joie eacutemue et douce
Vous avez raison de laimer comme VOliS laimez et je suis heureux lIegraves heureux croyezmoi bien de donner
son avenir et sa jeune vie si riche agrave votre grand ct noble CŒlII
Aimez-la bien aimez-la chaque jour davantage
Dans peu danneacutees peut-ecirctre VOliS serez son seul protecteur son seul appui dans lexistence et je voushy
drais que vous VOliS appliquiez agrave deacutecouvrir toujours
mieux tous les treacutesors enfouis dans sa vaillante nature tous les treacutesors que vous pourrez y eacuteveiller encore et y faire naicirctre par votre amour
Cal lamour vral comme celui qui vous unit mes enfants est le plus merveilleux creacuteateur deacutepanouisseshymen t con lin uel de transformatlons et de progregraves incessants D
Alors grand-pegravere passa le bras de mon bien-aimeacute aulour de ma ceinture et seacuteloigna agrave pas rapides
bull_
11
_
158 LAgrave COQUEcircTR DR LIDEacuteAL
Jean-Reneacute avec une force passionneacutee mallira vers lui et notre longue etreinte fut radieuse
Comment deacutecr-ire linexprimable Comment limiter par des mots Iimmcsurnb le
Ou mieux pourquoi mecircme deacutevoiler en moi jusquagrave vouloir me les deacutepeindre consciemment toutes les eacutemotions ressenties si profondes teus les bonheurs les plus sacreacutes toutes les secregravetes espeacuterances
Non je veux me taire je ne veux pas amoindrir en lexprimant la beauleacute des sphegraveres cacheacutees les plus hautes et les plus lumineuses de notre eacutechange et de notre communion
El mon acircme a son sanctuaire que Lui seul peut peacuteneacutetrer
- Merci mon Jean-Reneacute disais-je de celle symshyphonie de fleurs el de parfums qui entoure notre tenshydresse de son alleacutegresse de gragraveceet de torce de son charme meacutelodieux de son mystegravere peacuteneacutetrant
Les fleurs sont si bien laites ponr bercer lamour et latmosphegravere toute lemplie delles est si douce si extasieacutee pour envelopper cette heure inoubliable de notre rencontre eacuteternelle
Et ce fut le grand bercement des paroles
- Il Y a si longtemps si longtemps Michegravele que je luis seul tregraves seul si peu compris
Il y a beaucoup plus que des anneacutees il y a lanl de penseacutees1 il Ya lant de deacutesirs tant despeacuterances deacuteccedilues t
Mais ln es venue el te voilagrave1 El comme il est vrai que lon grandit quand 01 aime un ecirctre nouveau il est bien vrai que ln vic ne commence que Iorsquelle se
LA aONQueacuteTR DE LlDEacuteAL 159
retrouve Se peacutenegravetre sexalte cl seacutemerveille dans 14me droite lidegravele tendre de celle qui ltun geste lent et sucircr
dune ligne volonlaire vient en feacutee des jours anciens nous eacuteveiller agrave notre recircve mecircme
Vous changez ma nuit en IllIniegravere cl le flambeau de votre ideacuteal qui nous illuminera sans cesse est auss] haut et pur quune eacuteloile de infini Merci de renoncer par amour agrave la vie brillanle joyeuse eacuteclatanle que vous pourlIumlez avoir si taciement dans le monde et de libreshymenl accepter ma voie de rcaiiteacutes seacutevegraveres de disciplines incessantes el de classification de LOIILes choses en vue de lŒuvre agrave accomplir
- En choisissant ainsi lui aimiddotje reacutepondu j~chilDge le meacutetal clinquanl pour de lor pur et le simple cristal pour du diamant sans prix
Et puis si noIre chemin na pas le faux eacuteclat des vaniteacutes mondaines nesli1 pas eacuteclaireacute des lumiegraveres si douces de la paix de lharmonie nesl-il pas beacuteni dans ses espeacuterances merveilleuses JI
Longtemps nous avons eacuteoqlleacute ensemble les projels dun avenir de lIavai et de tcnuresse longlemps les imiges de nos recircves dresseacutees au Iour de nous nous ont entoureacutes et nous ont berceacutes dans un grand souille denthousiasme
Et les heures senfuyaient leacutegegraveles pleine ef adrables
Il ma parleacute de la bague de fia1iccedilailles bull et ensemble nous avons convenu ltun beau rubis cllneacute qui est la pieTe damour lIl toureacute ugravee peliles eacutemelaudes
- Bientocirct me dit-il je vous passerai 8U doigf cet lInneau symbolique en signe de la prolection et de
_~1 )~Inl~~i ~~~~ ~~i~~WSj ())i~Iii(tiiiii~rTxW ~~ X Y )~ r~)ji~ ~i i li) ~X~gi~ i i)1gt1)gtmiddotiI~ ~ f l ll bullbullbullbullbull _ bull
161
1GU LA CONQUI1TE DE LIDEacuteAL
lamour dont je vous entoure et vous enveloppe cela sera le sceau visible de nOS merveilleuses flanccedilaillesi
Michegravele je te confie mon bonheur je te confie mon espoir cl mes ar-lents deacutesirs pOUl toute la vie Jai en toi une confiance infinie que tu feras fleurir ce quil y a de meilleur en moi ct que je te donne avec toute la foi pure et haute de mon amour enivreacute
Michegravele 1 Michegravele 1 laisse-moi agrave toute heure vivre aupregraves de toi deacutesormais les minutes qui nous seacuteparent sont des amoindrissements de seacutereacuteniteacute et de vie
Et sois radieuse et belle Ocirc ma cheacuterie et sois toute baigneacutee damour el aspire vers tout ce qui augmente et vivifie notre ecirctre
Sois eacutepanouie dans ta beauteacute teacuteerlque sois rayonnante de notre joie raquo
Lorsque grand-pegravere enIra nous preacutevenir de lheure tregraves tardive dans la nuit deacutejagrave avanceacutee Jean-Reneacute lui demanda sil pourrait bientocirct venir nous voir avec s~
megravere qui a si grande envie de me connaicirctre
Il fut alors deacutecideacute quapregraves demain malin Mme Formant et son fils deacutejeuneraient avec nous
Je le reconduisis jusquagrave la porte au boul du jardin ougrave longuemeat encore sous la nuit molle et chaude qui seacutetalait autour de nous comme on boit le parfum des fleurs deacutelicieuses nous avons eacuteehangeacute et confondu la douceur de notre extase
tA bONQU~TB bE LIDtUuml il
xx UAoucirct
r ute io baigneacute des grande~ co~v~rsafioris ~ui ~Jllt
pendant ces que(lues jours illunUgraveneacutee et c6mme g~ndie jeacutecouteacute nies penseacutees ea eacutecho
Tout ce qui naugmente pas Jecirctre le diaHilue Tout ce qui ne grandit pas abalsse Tout ce qui nembellit pasabIcircme Rienmiddot nesl indiffeacuterent Rien
Pas une penseacutee pas un acte pas une paroJe pas un ~este pas Une heure
Leacutechange moindre la conversatidn banaJe eutraven t celui qui veut monter
Pour reacutealiser un grand id~al il faut que toute Ja ie tout ce qui Ja tait tout ce qui JJanime tout ce qui rapproche tendent vers cet ideumlal Il ny a pas de demi mesurs Linit~eacute a horreur des tiegravedes et comme la dit Nielzche li il faut ecirctre dur JI pour lIdeacutee Cenest pas eh acceptant les habitudes ordinaires te nest pas en parshy
Iicipant aux mœurs dUne Civilisation deacutecadegte agrave ce point ce nest pas en se nieacutelangeant au monde tel quil est quon peut former le monde futur
Daucuns crient laquoNotre eacutepoque est feacuteconde admirable supeacutelIcirceure raquoEn veacuteliteacute leur ideacuteal nest pas eacuteleveacute et ceuxshylagrave nont pas complis ce que pourrait ecirctre la vie les posshysibiliteacutes admirables qui sont en elle et (luels effroyable gasplUages on tail du temps
1 Cest un grand piegravege que celui de Jamitieacute Lecirctre qui aime mais qui refuse de suivre celui qui va plus Joln
versla sagesse sait se plain1re et apitoyer autrui nest-il pas abandandonneacute par lami hautaiD orgueilshy
_ ---shy
162 L~ CONQU~Tll DB LIDhi
Leux infidegravele qui pour une ideacutee supeacuterieure ou soi-disant telle a le cœur doublier laffection la tendresse le deacutevouement lamour peut-ecirctre de celui qui leste le niegraveme
Mais toi qui aspires agrave monter suis ton chemin Ne te laisse pas fixer par celui qui veut rester le mecircme Essaye de lentraicircner lagrave ougrave te portent tes pail hardis explique-lui ta penseacutee et console-toi de ce que Ion incompreacutehension fait pleurer en toi en essayant
de lui euvrir la porte du Sentier
Sil laime assez il comprendra ou alors cest quil est trop loin de toi et tu nas plus le droit darrecircter la vie et le progregraves en toi pour rester proche de lui en arriegravere
Cherche leacutechange de celui qui teacutelegraveve (lui tapporte qui teacutevolue
Donne agrave ceux qui suivent ton chemin et que tu peux aider agrave marcher vers la lumiegravere Ne te limite pas agrave ceux t1ui refusent daimer son eacuteclat ou (lui nient sa reacutealiteacute
Si tu en souffres deviens-en plus fort Nobscurcis jamai~ ce que tu ~s compris en le meacutelangeant et en le teintant de la penseacutee qui lamoindrait Il Garde toa cœur pius que toute chose quon garde raquo Et comme la dit lApocirctre ~e divise pas en toi le corps unifieacutebull
Souviens-toi du Lekhlekha (i) Biblique Avant de donner agrave Abraham sa haute mission agrave remplir lEternel dit agrave Abraham laquo Tu quitteras ton pays et le lieu de ton parentage raquo
Et pourtant Abraham eacutetait neacute il Or (Lumiegravere) en ClutIcleacutee Et la lumiegravere chaldeacuteenne (Aor) eacutetait deacutejagrave pro fonde
(t) Abandol1ne
tA dONQU~TE illt LIDEacuteAL 163
Mais On ne peut servir Dieu et le monde On ne doit poin t entraver en soi la malche de lideacutee Sois fort sois courageux La sentimentaliti ambiante tassume de toutes parts Ne confonds plIS sensibiIiteacuteavec affection ou bonteacute ou miseacutericorde Ln vraie miseacutericorde est une avec III Justice et il est juste avant toutes choses que tu protegraveges en toi le Divin que si peu reccediloivent et comshyprennent
Entretiens-toi sans cesse de la Sagesse qui es] lagrave science de la vie Refuse les paroles flivoles Fuis lentretien quelconque eacuteloigne-tot toujours plus de ceux qui acceptent le monde tel quil est ou qui douten t de ta mission
Sois fidegravele agrave ta mission par dessus tout
Sois le serviteur de lideacutee
En agissant ainsi tu deacutelivres lideacutee tului frayes uri gland chemin de respect et de seacuterieux tu la gardes
agraveplus pure et ceux qui riennent elle la comprendront plus nettement et oseront parce que tu lauras oseacute Se seacuteparer des ideacutees confuses et obscures se Seacuteparer des mœurs du monde
Ainsi un peu du monde futur pourra se ormel
4tbull
12 Aoucirct minuit
Oh 1 dramatique destin June pa uvre acirclDegrave si forte arrecircteacutee en plein eSSOr pal le reacuteseau dinextlicables obstacles quelle a elle-mecircme dresseacutes sur sa route
_-__-_-------------shy
tamp C()NQU~TE DR LroEAgraveLiucirc4
Pourquoi oh pourltJuoi Quand jc suis au milieu des recircves les plus beaux quand la vie magnlflque eomme un oceacutean prodigieux toule en ses flots puissants toutes les splendeurs dun udmirable eacuteteacute toutes les feacuteconditeacutes tou tes les richesses de la na ture lJuand les journeacutees ltIue nous vivons mon bien-aimeacute et moi sont tellement hautes intenses joyeusement sereines et remplies que je nai plus le deacutesir den exprimer les rythmes tant il est vrai que les profondeurs du bonheur sont silencieuses quand toute la lumiegravere pourrait devenir eacuteblouissante pourquoi oh pourquoi le soleil sarrecircte-t-il de luire soudainement sur cette miseacuterable
)
vie deacuteserte qui allait eumlnfin fleurit dans sa merveilleuse
pleacutenitude
Combien cela mattristc et je sens seulement mainshytenant agrave quel point je laime
Pauvre pauvre chegravere Jane Lexistence tc fut au fond toujours cruelle malgreacute les apparences brillantes dont elle tavait orneacutee et qui saura jamais tout ce que
lu as souffert
Moi-mecircme ai-je eacuteteacute pour toi ce quc jaurais ducirc ecirctre Peut-ecirctre si javais su parfois mieux tentourer aurais-lu eacuteteacute moins malheureuse moins heacutesitante moins troubleacutee
Je ne puis croire agrave cette reacutesolution eacutetrange deacutesesshypeacutereacutee Et lamentablement la silhouette douloureuse de Iane me hante Image tragique sans cesse preacutesente dans mon cœur elle syntheacutetise son Passeacute mysteacuterieux deacuteseacutequilibreacute et dont la reacuteaction Inexorable lencercle et
leacutetreint
Mais non cela nest pas possible 1 Elle est trop belle trop jeunc trop ardente pour renoncer agrave toutes joies
LA OONQm~TE DE LIDfAL 165
pour abandonner lespeacuterance au moment mecircme ougrave le bonhcur lui apparaissait si proche ougrave lnltcnte dc III reacutedemption irrndiuil tout son ecirctre
Cependant qua done cclie soireacutee cette nuit de si lourd de si trlstc
Et je lelis encore la lettre deacutechirnnle quelle a crieacutee vers moi
laquo Ma ltllch61e cheacuterie
laquo Au milieu des ruines de mon acircme je cherche pour un mornen t la force de te dire ma deacutetresse parce que tu as le droit de savoir parce que je veux Ique tu comprennes
laquo Trop tard ~ Trop tard l Tout trop tard 1 1
laquo( Trop tard venu lavertissement qui arrecircta ma course folle
laquo llOp lard la rencontre merveilleuse Trop tard ma rupture des indignes chaicircnes
laquo Trop tard tout leffort de ma volonteacute tendue pour reacutepare l Ics fau tes des truel rices
En avaut quand jo regarde au loin je naperccedilois plus quune route en Ieu des ponts qui secroulent des torrents qui ravagent et qui brisent
En arriegravero si je regarde je ne vois quun marais brumeux sordide miseacuterable slins une fie III de beauteacute
sans une lumiegravere damour sans une icircle de recircve Hien rien seulement langoisse du laquo cela alraillu ecirctre )
Je ne peux pas lutter Cest trop Je mentuierai loin loin
Je ne peux pas revoir ecmonde ce piegravege Ma lettreacute
u t
fifi LA CONQU~TR DB LIDEAL
est un adieu Si tu maimes ne cherche jamais agrave rien lavoir de moi
Jeacutetals freacutemissante despoir et de reacutesolution jc me sentais capable de remuer des montagnes jeacutetais eertaine de maffranchir de me relever Ile me purifier Oh 1 jeacutetais sucircre de resplendir
Mais voilagrave Lui il cst marieacute
Ah 1 il r a Irais ans Quand il maimait quand je lai deccedilu quand je ne lai pas reconnu quand jai ignoreacute lia souffrance quand jai joui de sa souffrance - comme 1
de celles des autres - alors il eacutetait libre
Cest bien moi qui nai pas su qui nai pas voulu Loo
La reacutealiteacute lagrave veacuteriteacute la vie tout sest offert1Moi je neacutetais pas precircte - Maintenant je pleure
Lui if est droit il est noble il a un foyer une femme des enfants - sa droiture est c onlregrave moi Il maime et toute sa vie aussi sera marteleacutee de mon souvenir il maime dans un regard dans un mot au fond de son agraveme voileacutee la lueur dUne eacutetoile au lieu de la clarteacute sans limites du soleil
Ah 1 je serais resteacutee jau~ais dompteacute lassoiffement de mon corps Jaunis domineacute le tumulte des vagues de ma tendresse impuissante jaurais veacutecu des mieIles de bonheur qui me seraient venIles de lui agrave travers lespace comme se nourrissent les oiseaux familiers 1
Cela mecircme est impossible Le fauve sest deacutechaicircneacute la colegravere la jalousie lorgueil ont allumeacute la farouche passhysion dUD homme qui se croit le droit de me garder par
Ia menace pal la violence pal la haine
s veageance plane oh 1 ras sur moi sur Lui
LA CONQutTE DB LIDEacuteAL 167
- _
Comprends-tu Michegravele
Sur Lui il est comme un otage qui reacutepond pour moi 1
Chacun de mes gestes est eacutepieacute par celui qui fut mon amant Talbrut 1 ne reculerait devant rien
Et lagrave cest linexorable Cet homme est en fer Je ne peux ni rester avec lui que jabhorre ni approcher Wanneshield dont la preacutesence est mon tout une parole une rencontre serait le duel peut-ecirctre le guet-apens 1
Alan je pars je menfuis Ne me demande pas ougrave je vais Le nuage informe quentraicircne louragan sait-il co quil sera demain
Ne me regarde plus
Tout est fini Ce soir je ne serai pas ici
Quelques-uns seacutetonneront Dautres me chercheront peut-ecirctre Iais nul ne me verra plus jamais jamais
Et la vie est ainsi laite quil faut que je leacutecrive mon adieu au moment ougrave tu mapprends la chegravere nouvelle de tes fianccedilailles
Dans ma douleur sans fond je taime pourtant assez Ocirc
ma cheacuterie pOUl sentir une eacutemotion p~ofonde et douce qui me pousse vers toi si tendrement
Michegravele bien aimeacutee je comprends en ce moment tant de choses nouvelles qui entrent brusqusmen t en moi par la grande blessure de mon cœur 1
Ah les plus hauts despsychologues qui nous peignent en tableaux admirables les passions les sensations les actes et les deacutesirs de lhomme ne vivent que dans un domaine infeacuterieur et au-delagrave de cette sphegravere active il y ~ tous les eacutelans plus protonds de lecirctre et toute la
_
(68 LA OONQUtTB DB L~DtAT-
ie reacuteelle - celle que je nai pas veacutecue - cette vie ineacuteshypuisable infinie mysteacuterieuse (lui nous frocircle de ses crandel ailes aux seuls moments heacutelas ougrave la douleur bat ~urnous
Pourquoi attendons-nous les heures si graves pour penser plus gravement
Pourquoi lacircme profonde ne seacuteveille-t-elle dans les ecirctres ou dans les peuples que lorsquun drame les eacutetreint
Bientocirct je serai loin tregraves loin et je sens seulement agrave cel instant terrible ougrave ma reacutesolution inexorable doit laccomplir - comme si je voyais deacutejagrave ma vie dici avec beaucoupde recul ou de ti egraves haul - je sens seulement mainlenant combien lexistence humaine est remplie dheures vaines steacuteriles superficielles distraites pal tout linutile et combien elle pourrait devenir splendide si chacun roulait comprendre 1 Le grand ennemi de lhomo megrave heacutelas cest lhomme lui-mecircme Et moi javais peutshyecirctre reccedilu plus de forces quil nen doit ecirctre accordeacute aux humains pour aimer
Lacircme profonde ~veut nous parler mais sa voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffent
Michegravele cheacuterie je sais que celui avec lequel tu vas vivre la vie a compris deacutejagrave plus que je ne sens encore Ecouleshyle suis-le comme tu laimes Il est de ces rares (lui cherchent agrave ouvrir les portes scelleacutees par ougrave notre espeacuteshyrance monte vers En-Haut et par ougrave un peu de la grande lumiegravere du ciel pourra descendre sur les hommes
Oh Iloyez heureux soyez beacutenis 1 Vous deux qui vivrez P9ur fair lavenir meilleur Je VQuS comprends et je
L CONQU~TB DE LIDEacuteAL Hm
vous regarde je vous comprends et je vous admire Oh Vous Deux soyez heureux 1
Et ce vœu est la seule eacutetincelle ardente qui seacutechappe de la Douloureuse qui sen va nemportant avec elle que remords deacutetresse regrets et renoncement
Car jai enfin renonceacute agrave Tout
Jane
16 Aoucirct
Nul ne sait ce quest devenue ma pauvre grande amie
A Interlakenon ne la pas revue depuis le 11 Aoucirct
Plusieurs preacutetendent quelle est partie par Je train du soir qui rejoint IExpress-Orlent Russie Sibeacuterie Chine - qui sait
Je lui avais teacuteleacutegraphieacute aussitocirct apregraves le reccedilu de sa lettre
La deacutepecircche nela plus trouveacutee heacutelas et mest reve~ue
TOIlI le pays est en eacutemoi de cette disparition subite ct complegravete
Sans doute celui pour lequel elle a tout abandonneacute a-t-il eu tille derniegravere leltre delle
Mais elle Ile lui aura padeacute qlle de lamour qui aurait pu ecirctre son relegravevemeu t et (fui est devcnu la cause de sa deacuteroute
Peut-ecirctre recevrat-je un JOUI lin mot delle venu le cel Orient lointain qui la toujours attireacutee Et je Jeacutevoque
je la revois si belle avec ses grands yeux de vertige
__________bull ~ ~ ~ t _ lt bullbullbullbull ~ ~ - j ~1middotbull11 nmiddotv 1 1 I~ IN H l~ Il~ Z 1Jl~~~f 1middot~~yv ~ l~ ( Ii l i l(gtgtmiddot~middot ~ ~ I~ ~r-r~ 1iI l~ l~ iuml~~llll~i) ~fi gt~~ 1 l)) iygt~middotg ~ 1~l 1 ~ 1lt ~i 1~S lt1 ~ iFS~W1~~~Icircmiddot~r(tmiddot~~~1~~ ~~n~~~(Fmiddot1
l70 LA CONQUI~TE Dn LIDEacuteAL
quand elle me prenait sur ses genoux et quelle me serrait contre son CŒlUI vibrant et passionneacute
Pauvre Jane 1 Nentends-tu pas lappel de ma tendresse qui seacutelance vors toi et qui voudrait si Iortemen t te sou tenir et te bercer
Il Y a dei moments ougrave la vie touche linsondable
Et malgreacute la consolation terme et douce de mon grand soutien je ne puis deacutetourner ma penseacutee de ce drame eacutetrange
Jean-Reneacute aurait eacuteteacute si capable de comprendre et daider Jane 1
Il a aimeacute la fin de sa lettre laquo Lacircme profonde veut 1
nous parler mais Sl voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffentraquo
- laquo Cela est vrai memiddot disait-il tout-agrave -lheure Ta
pauvre amie Michegravele a compris de nouvelles veacuteriteacutes
dans Sil lourde souffrance
Auxlleures tragiques qui sonnent dans la vie soudain son cocircteacute seacuterieux apparaicirct et lecirclre est tout precirct alors agrave
seo tir les progregraves agrave reacutealiser les ameacuteliorations agrave accomshyplir les efforts reacuteels il faire en soi et autour de soi pour abolir ce que lon peut des souffrances humaines
Mais heacutelas trop souvent presque toujours (lue le soleil ~u bonheur reacutechauffe lecirctre meurtri que la vie seacutepashynouisse de nouveau et avec la paix qui revient renaicirct lindiffeacuterence de lecirctre son inertie sa Irivoliteacute mecircme
Voilagrave une des immenses reacutealiteacutes symboliques de lAnshycien Testament chaque fois que le peuple dIsraeumll tombe en deacutetresse il se tourne vers ion Dieu pour limplorer j
~~
tA CONQuecircTB DE L~DacircAL 171
Dais degraves que la prospeacuteriteacute lui sourit de nouveau il deacute tourne ses pas des sentiers de la justice et il adore les idoles impures du monde profane D 1 Nous eacutetions dans un courant de penseacutee ougrave Jean-Reneacute est ineacutepuisahle Il continua Ionguement
-- laquo Tant ltflle la vie reste veacutegeacutetative inconsciente elle est heureuse telle quelle est parce quelle nexiste que dans le preacutesen t En geacuteneacuteral elle se conten te de ce quelle est puisquelle ne conccediloit pas le mieux-ecirctre
laquo iIais degraves que la conscience seacuteveille et que lintelligence
compare se souvient espegravere il ny a plus aucun bonheur possihle dans les conditions de la vie primaire classifieacutee alors comme insuffisante douloureuse instahle
laquo Lorsque la vic nest plus satisfaite par II sensation la sensualiteacute leacutepanouissement naturel et ltflle lintellishygence commence il formel des modes nouveaux de jouisshysance -les plaisirs intellectuels ou intellectualiseacutes - cest que la conscience est eacuteveilleacutee et par conseacutequent lhomme
qui touche cette phase ne peut plus sauf par un effort daveuglement volontaire se deacutetourner de la recherche constante du mieux-vivre
laquo Deacutesormais toute la sphegravere de laction possible appashyraicirct sous deux aspects llin constructeur lantre destrucshyteur lun (lui tend il ameacuteliorer lautre agrave deacuteteacuteriorer les conditions deacutejagrave acquises
laquo Sous cet angle les jouissances naturelles qui furent toute la vie primaire restent neacutecessairement la base de la vie intellectualiseacutee mais comme Iinlellectualisatten de ces jouissances est susceptible de les fausser il y a agrave
deacutevelopper une volonteacute de na tm-alisme balanceacute Iortifian t ~aiQ
-
-
1
_
173 112 LA CONqUlhE ns LIDEacuteAL
bull ci De plus pregraves encore il faut passer au crible les plaisirs intellectuels (lui si facilement peuvent devenir des excitants ruineux des stupeacutefiants des eacutepuisants
laquoAutrefois la saugraveuetlaquo de la vie consistait reacuteellemen 1
dans celte balance celle hieacuterarchie harmonieuse dc toutes les faculteacutes
CI La destruction vient de lexcegraves cest pourquoi Iasceacutetisaie nest quune caricature de la vie sainte parce quil cherche agrave saper la base fondamentale et naturelle
laquo Lorsquon a compris ces choses lorsquon sait que lintelligence peut transformer lorsquon sent tout ce qui manqlle que deviennent les plaisirs futiles les gasshypillages de forees les tempecirctes passionnelles et toutes ces distractions vaines tout ce (lui deacutesagregravege ce que nous voulons ce que nous devons organiser
laquo Les mots contiennent de grands enseignementsmiddot parshyce que lantiquiteacute savante les a formeacutes syntheacutetiquement selon les lois reacuteelles de lecirctre eacutetymologiquement distracshytion laquo distrahere raquo veut dire laquo tirer-hors raquo nous tirer hors de nous-mecircmes hors de notre preacuteoccupation de notre responsabiliteacute de notre espeacuterance nous faire oushyblier les choses seacuterieuses
laquo Et croyez-moi Michegravelesi la tlistraction peut ecirctre leacutegitime dans certains CfJS il certains moments 0 elle est ponr ainsi dire neacuteceSSaire combien elle est illeacutegitime et neacutefaste pOUl ceuz qui sen serveltt dans linsttuuuml Olt
pleins de [oree ils pourraient trtniailler agrave JeacuteaLiser lideacuteal cest-agrave-dire agrave mateacuterialiser dans la vie ambiante la conshyception in tellectuelle du mieux 1
laquo Que les homaes depuis si longtemps quils souffrent
tl CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
et se deacutebattent entre le Jardin de lInconscience et lacirc Terre Promise soient si pcu nombreux agrave prendre virileshyment la route qui les megravenera vers le bonheur intellectuel cest lagrave leacutetonnant mystegravere que la complexiteacute de lhistoire politique du genre humain explique en partie
laquo La frivoliteacute la leacutegegravereteacute inouiumle larrivisme eacutegoiumlste lindilTeacuterence cultiveacutee de la plupart des intelligences est comme un voile qui cache la graviteacute de la vie la proshyfondeur merveilleuse des possibiliteacutes quelle contient 1raquo
Une lettre dAndreacute Calvis
Florence 18 Aoucirct
Vous sentez tout ce que jeacuteprouve en apprenant vos fianccedilailles Michegravele 1 Par-dessus el au-dessuslife tous les sentiments divers et complexes que celle rande neuvelle
eacuteveille si profondeacuteœent en moi mes vœux seacutelancent ardents graves fervents et conscients de tout ce quils impliquent 1 Soyez heureuse chegravere Michegravele vous et celui que vous avez trouveacute digne de vous
Plus tard un peu plus tard quand VOliS serez mariee et lorsque je me sentirai plus fort je viendrai vers vous deux et jespegravere que vous maccueillerez comme je vienshydrai en ami et en fregravere Car je me souviens de vos paroles du dernier soir CI quil faut garGler comme des clioses tregraves preacutecieuses les liens reacuteels neacutes dans nos vies D
bullbullbullbullbullbulll lt~) ~~middot 1 bullbull~ bullbull bullbull ~Il~lt bullbull ~ _~ bullbull __ 0
__ __ __ _ _
174 LA CONQu~rE DK ~IDeacuteAL
Oui nous deacutetruisons parfois inconsideacutereacuterneul pal inconsshycience ou pHI fuihlesse ces lieus qui soa l en reacutealiteacute cl
en essence de la vic mecircme de la beauteacute de lamour dans le sens le plus eacuteleveacute du mol Nous tuons ainsi en nous de la vie en nous diminuant en veacuteriteacute nous-mecircmes
Parmi les ruines des souvenirs somplueux que vous mavez laisseacutes il esl neacute un nouveau poegraveme tel un jeune arbre plein de vigueur Je llais quen lachevant jaushyrai triompheacute de mon chagrin Michegravele El quoique ce puisse sembler choquant que jose encore aujourdhui Iait-e une allusion au passeacute il me Iait lanl de hien de POUVOil agrave cause de vos fianccedilailles mecircme vous redire ma respectueuse affection raon deacutevouement inalteacuterable Dites agrave velre fiasceacute combien deacutejagrave je laime puisquil vous rend heureuse Et sachez lous les deux quen ces heures inlenses lue vous vivez ougrave tanl davenirs ~erlllent parmi linconnu mysteacuterieux des destins (lui se nouent et se peacutenegraveshy
trent nul plus que moi nappelle vers vous le bonheur le gTand lunique hsnheur qui illumine la vie 1
SUl la terrasse dougrave je VOliS ecris le parfum intense des loses dItalie se reacutepand III moule dans lair du soir Quainsi montent jUS(IUagrave vous respectueux et profonds les neux de celui (lui meure un ami
hdreacute Calvis
Andreacute Calvis 1 Edmeacutee Torguegraves 1
Tons deux sc sonl trompeacutes dabord SUI leur veacuteritable chemin
Comme il esl facile de se tromper degraves quon ne parle
LA CONQUEcircTE DE LIDEAL 175
pa~ en soi un sens indeacutefinissable de la direction el de leacuteloile Les nuuges te lil seatiuieataliteacute tendre romashynesque el faible comme les voiles de 1 serrtiurenluliteacute somptueuse lyrique el dramatique suffisent 1 enteacuteneacutebrer la reute lour ceux-lagrave il faut ne main secourable qui tosse luire un rayon de veacuteriteacute Il me semble que de ces deux erreurs uae belle reacutealiteacute pourrait surgir Edmeacutee 1
Acircndleacute Ils Ile savent pas combien leurs natures se reacutepondent 1
Linterpeumlneumltratien cest lillimiteacute linfini 1
Mal~reacute lintensiteacute te leur ecirctre et sa valeur selon SI
propre loi tous deux furent agrave nous deux limiteacutes et finis parce que leur monde neacutetait pas notre monde parce (lue leur attente neacutetait pas notre attente 1
)Iais jai liatuilioa certaine quen se rencontrant ils se retrouveront et quen se trouvant ils vibreront eux I1Issi leur accord infini
~
20 Aoucirct
li Y a tnt de choses (IUC jaurais voulu pouveir eacutecrire de tout ce que me dit Jean-Reneacute Les coavershysatieas degraves quelles se dirigent vers les hauteurs deacuteroushyleat tes livres entiers Et je ne rappelle agrave la surface de ma meacutemoire que des fragments infiniment petits
laquoLa vie est ce que nous la faisons Or la vie de lhomme actuel nest pas encore consciente ni reacuteellement
Tbull yumiddot lxcv l7_Vf l rimiddot lt~~ li i i ili f v~l ~middoti1 middotmiddotGmiddot middotI~i~ ~WYINiumlW llPt 1 V)Ilt1tnJ~bull bullbull _ u bullbull bullbull on u
1
1iuml6 LA CONQUEcircTE DE il~tlU
formeacutee Lhomme dont les cinq sens ordinaires sont seushyIement eacuteveilleacutes veacutegegravete dans un eacutetat dinconscience grus~
siegravere et de leacutevolution de ses sens latents deacutepend le raffishynement et le progregraves veacuteritable de la vit
Quelques-uns conccediloivent mal comme quoi ce que Pdn appelle communeacutement de ce mot mal choisi loccullisshyme (mot qui ue veut rien dire en veacuteriteacute puisque tout est occulte jusquau jour ougrave cela devient objet de science cest-agrave-dire dexpeacuterience el de connaissance ce qui est preacuteciseacutement le cas actuel pour ce que lon appelleocculshytisme) quelques-uns conccediloivent donc mal que ce que lon appelle plus justement les sciences psychiques puissent aider par leur progregraves le honheur humain et la reacutealisashy
tioa dune vie plus haute et plus noble Comment ne pas comprendre cependant qlle si nous
voyons tous la vie agrave travers nos propres yeux que si nous n~ voyons que ce que nos orglInes actuels sont capables dapercevoir notre champ dinvestigation dintelligence de compreacutehension et de connaissances augmentera proshygressivement au fur et il mesure du deacuteveloppement de lhomme lui-mecircme et des sens supeacuterieurs quil possegravede latents Comment ne pas deacutesirer eacutevoluer au plus haut de son individualiteacute dans toutes les directions possibles
Comment ne pas mecircme essayer sincegraverement et avec perseacuteveacuterance leacuteveil de ces faculteacutes psychiques traditionshynellemenl connues et qui enrichissant lecirctre en profonshydeur et en reacutealileacute lui permellent de sentir Iil vie agrave un
eacutechelon quil ne soupccedilonnait pas encore auparavant de soulever un voile sur le mystegravere de linvisible et daccroicircshytre infini~ent la connaissance humaine en lui permetshytant de peacuteneacutetrer dans ce que lon pourrait appeler laquo lenshyvers ou lautre cocircteacute des choses D
LA CONQU~TE DR LIDEacuteAL i77
Alors lhomme eacutevolueacute ainsigt peut comprendre non seulement ce que paraissent les actes les paroles les penseacutees mais ce quelles Salit AlOlS sil cherche agrave trashyvailler au bonheur humain son effort raffineacute et compreacuteshyhensif visera juste et aura chance daider la vie en sa reacutealiteacute ct en Son essence mecircme en sa ~randeur en sa diviniteacute
Cal lhomme actuel ne se meut et nagit en geacuteneacuteral que dans lapparence primaire dun mouvement inslincshytit et suractiiuml quil prend pour la vie et qui est ocirc Comshybien loin dela reacutealiteacute des choses 1
laquo Lhomme ne vit que lorsquil est au plus haut de ses possibiliteacutes D a dit un poegravete Lorsque lon songe agrave cette penseacutee avec quelle meacutelancolie on constate corablen peu decirctres vivants vivent et combien rarement ceux-lagrave aussi qui savent monter au plus haut deux-mecircmes se maintienshynent sur ces cimes lumineuses 1
Toule lorganisa lion des socieacuteteacutes Con temporaines tend agrave ramener lhomme vers en bas Les habitudes les Conshyversa lions les usages les foules les fecirctes les reacuteunions mondainas amicales 011 familiales les eacutechanges les mœurs les amitieacutes les relalions rien nest fait en vue de leacuteleacutevation spirituelle de lindividu en vue de Son eacutevolution profonde et tout au contraire cherche agrave le faire descendre vers le niveau moyen - du Tout-leshyMonde ordinaire
l Comment ne pas voir que le progregraves de la vie ne peut
ecirctre quen mesure du progregraves de lhomme qui forme cette vie Comment ne pas sentir ce que la connaissance de la vie vi~~lIte et la peacuteneacutetration du soi-disant invisible ajoute il la conscience humaine Comment ne pas comshy
Ibullbullbullbullbullbullbullbull middotmiddot~~middotllt~ lt~ L Il
bull 1
li9 l bull
LA CONQU~TE DE LlOiAL
Mal nos doles eacutetreintes siIIumi~aient lune par lautre i 1 ) 1 r
DOS lents baisers sapprofondissaient lamour descendait sur nous nous baiaant de ses vagues envel~ppantes
Amollir seule reacutealiteacute que mon etre conccediloive hor~ de tespace et hors da temps amour unique loi de vie orishygine des choses et suprecircmebut de toutes lecircs choses
Puis comme ties profondeurs dun lac montent peu agrave peu et seacutepanouissent les fieurs du neacutenupbar lentement du profond de nos ecirctres seacutelevegraverent les paroles i
- Il fait eacuteternel murmura Jeaa-Beneuml
Et ioucement il eacutevoqua lavenir
- Dans quelques semaines Michegravele cheacuterie le cadre de notre solitude sera plus vaste et plus solitaire lorsque nous partirons quelques jours apregraves notre mariage dans ma petite maison deacuteteacute ougrave Octobre nous sera si beau
Dans ce pays de montagnes et de forecircts les automnes sont feacuteeriques et lagrave nous nous peacuteneacutetreacuterons chaque heure davantage ~t nous eacutetablirons une vie noble et haute sur cette base physique lI1erveilleuie la nature 1
Avec leacutechange constant de nos ecirctres les jotJis~IDeacutee5 clviendrent exquises et nous apprendrons de mieux en mieux agrave aimer les richesse que nous offre la terre la beaateacute des grands arbres la splendeur des champs les lointains des montagnes mauves les torrents dargent qui sautent si librement et qui forment les claires cascades voisines de notre home ougrave le murmure des chutes deau et de la brise dans les feuillllge~ enchanteront de leur musique notre alJloulmiddot recueilli Puis cc sera lheule Oi1
le soir tombe et ougrave DOS promesses seront si tendres dans chaque mot pronccedilnceuml tout bas t ce sera lheure ougrave les
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL
24 aoucirct
bull
o belle soireacutee dhier si intime el si douce atmosphegravere deacutelicieuse-de ma chambre alourdie pal les fumeacutees du haut brucircle-parfum et des odeurs mielleuses de toutes les gerbes de fianccedilailles qui remplissen t les vases les potiches et les cruchons de cuivrebull
Oh 1 charme de ces heures intenses deacutelices de vivre eacutechange abondant de tendlesse silencieuse bercement de bonheur eacuteclosion despoirs richesse de deacutesirs infiai
merveilleux
Nous ne nous parlions pas trop perdus dans loceacutean de notre regraveve
bullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullirr
prendre que tous les grands geacutenies qui formegraverent en veacuterileacute la civilisation actuelle furent des initieacutes des proshyphegravetes ou des occullisles El quc les penseurs de second rang ne veacutecurent que de ce quils pr-irent agrave ceuxshylagrave El pourquoi ne pas aller jusquau fond des choses 1
Toutes les civilisations qui anoblissent lhumaniteacute sont uniquement formeacutees sous linfluence des anciens livres sacreacutes la Chine intellectuelle est tout entiegravere contenue dans Confucius et LaoTseu lInde a ses Veacutedas les lois de Manou la reacuteforme de Siddharta Ce qui leste de Parsis garde lAvestha et limmensiteacute musulmane prend ses racishy
nes dans la Bible par Mahomet
Enfin notre penseacutee occidentale est davantage encore
fil~~ de la Bible ce splendide livre de sciences profondes que comprennent si peu ceux-lagrave mecircme (lui le veacutenegraverentraquo
178
gR A
HW LA CONQUEcircTE DE Lwh
eacutetoiles montent dans Ic ciel (lIi vient de seacuteteindre et ougrave nos penseacutees aussi libres (lIC linfini des cieux sans limites
chercheront de nouveaux horizons ~
Car nous voulons nest-ce pas ma Michegravellaquo mainlenir
nos legards vers toujours plus loin
Nous sen tons en neus un moi supeacuterieur (lIi demande
ft se manifester el qui cherche il seacutepanlllllir Et il ne faut pas encombrer nos vies de banaliteacutes doccupations quelshy
conques ou dideacutees mesquines si nous voulons progressishyvement chercher agrave monter vers ces crecirctes eacuteleveacutees ougrave
lhomme ne sait pas assez se maintenir
La spiritualiteacute nesl pas une qualiteacute mysi ique irnpreacuteshycise et vague de seacuteveacuteriteacute ou de pm-ilnnisme cesl la plus sage et la plus meacutethodique volonteacute dl reclvoir et dutiliser
toujours mieux nos capaciteacutes ces] la Iorcc de progregraves et deacutevolu lion que doi t deacutevelopper con1in uellemen t en elle
toute intelligence veacuteritable
Si chaque homme appliquait ses efforts de perfeclionshy
nement sur lui-mecircme si chacun cherchait avant tout agrave se construire sans cesse un corps plus sain et plus robuste
un caruclegravere plus souple el plus ouvert une volonteacute plus ferme une mentaliteacute plus savante el plus forle combien
toute la vie serail vite changeacutec-
Cest lagrave la a seule chose neacutecessaire raquo mais 011 a si peu
cempns 1
Il faut aussi -vouloir laquoatteiRdre raquo il la seacutereacuteniteacute il laut ~trecalme joyeux espeacuterant sans heur et sans trouble Tout trouble est nuisible surtout aux heures de danger et dangoisse ougrave il fait perdre III luciditeacute la clairvoyance
et la deacutecision deacutesirables
JA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 1Rl
-----------------------shy
Il faut ecirctre comme un grand arbre majestueux dont les racines sont profondes don la cime monte vers la lushymiegravere et dont les branches souples ct flexibles savent en se balanccedilant mollement reacutesisler agrave la tempecircte
Et si cet arbre porte des fruits agrave la maturiteacute ce fruit sc deacutetachera pal la loi naturelle de mecircme si lecirctre arrive
agrave ecirctre riche de puissances vitales et de dons spirituels il devra les manifester el reacutepandre SUI autrui la vision plus pure de son in lelligence
On ne doit ct lon ne peut rien garder jalousement pour soi si lon veul faire croicirctre la richesse de son ecirctre
Mais il faut seulement donner agrave ceux qui sont capahles de recevoir Et il nous faudra Iormer Michegravele degraves que nous reviendrons agrave Paris tout un milieu sympathique et raffineacute don] les tendances seront semhlahles dont les eacutechanges seront ha rmonieux don t la volon teacute sera intelshylectuelle ~eacuteneacuteleusegt eacuteleacutegante et pure
Au centre et au sommet de cc groupe nos Maicirctres shyaupregraves desquels jaurai tant de joie agrave vous conduire hienshy
tocirct en cet Oasis eugrave jai appris agrave penser - seront notre
lumiegravere ct le grand abri protecteur lArche sain le qui conlient les germes dun monde futurgt malgreacute la confushy
sion cl les chaos exteacuterieurs
J)jI ils me demandent de prnser i cet entourage eacuteleveacute (lui VOliS conviendra puisque nous aUlOIlS agrave voir beau cou p di ndividuali leacutes not re travail tan t avec les homshyeacute
mes Il faul vivre intenseacutement il Iaul entendre le plus possible les grandes symphonies eacuteternelles que chantent les mondes et comprendre toujours mieux les splendeurs de lart de la science de la vie prodigieusement infinie Mais er veillant agrave la mise en forme progressive ltte tout
~rlt~~middot~~ y ~ ~r~ middot~lt~middot~middot ~(tlt ~ 11-~ ~ ~~ JFf~~frY~ ~ N~middot~middotmiddot~~~~middot~i(~middot~~ ~~y~~)~ 1bull- bullbull rf bull H ~Il f r r 1 ~ r1H~n 1~~ (1 e ~ l v~~~~~~~lV~ V~middot-~l~~~~in~~ ~~ tmiddotR~middot ~V~I r~~ ~ Y~~~~~00~ ~ gt~ ~ ri~~gt~middot~middot~middot~middot~~ ~(1 imiddotmiddotmiddot~middotmiddot~ ~ ~
i8tmiddot LA OONQUTB DB LIDEacuteAr
lecirctre ct se mettre en lorme Cest se maicirctriser se discibull plinerbull
Il faut former eacutegalement lamhianee amicale et cher cher les affiniteacutes reacuteelles ascendantes
Ce groupe nous sera preacutecieux et nous aidera agrave surshymonter les niveaux infeacuterieurs dexistence qui se meacutelanshy~ent trop dans la civilisation actuelle et dans lorganisashytion de lactiviteacute des grandes villes nous ne pouvons savolr agrave quel point nOU5 ahsorbons les deacutefauts dautrui et surtout ce qui ne nous paraicirct pas un mal en lui-mecircme (et qui nen est peut-ecirctre en effet pas un pour lautre personne mais qui devient mauvais pour nous si nous voulons tendre plus haut) Nous ne pouvons savoir agrave quel point dans une seule conversation nous pouvons absorshyber de deacutecouragement e futiliteacutes dinertie de vulgariteacute de frivoliteacute dideacutees inutiles et banales quimiddot rempliront de longs jours et agrave tort les espaces de notre acircme
Je voudrais ma Michegravele pouvoir tentourer dun corshytegravege damis nobles et enthousiastes qui chercheraient agrave gravir avec nous les sentiers abrupts de la connaissance les sentiers fleuris de laffiniteacute reacutealisatrice et dont la
plastique intelligence sornptueuse vibrante eacutechangeacutee ferait une harmonie vivante et deacutelicieuse un grand coushylan t de formes joyeuses dans lequel nous eacutepanouirons doucement notre action au sein duquel nous voilerons meacutelodieusement notre bonheur raquo
Malgreacute moi une tristesse menvahit je voyais une tache sombre au tableau de lumiegravere la place vide de Jane parmi ce groupe ideacuteal ougrave sa belle intelligence aurait ai bien pu se spiritualiser
Mon bjeJ-oilJleacute ~~fltit lOIlllgtre qui venait de paner sur
JA CONQun DE L~IQEacute4L J83
moi Il mattira vers lui et il menlaccedila de toute sa tenshydresse forte et protectrice
--- Tu es dans mes bras mainlenan t cheacuterie et lagrave il ne doit plus rien y avoir pour toi que la paix la joie lespeacuterance
- Et il ny a que tout cela en effet Jean-Reneacute avec aussi lamour le plus profond que mon cœur puisse renfermer
Je lui ai dit eneore - Il faudrait que notre bonheur solt un forma leur
dautres bonheurs quil soit un eacutepanouisseur de vie un (acteur deacutechanges plus intenses et plus complets
Dans lentourage dont nous parlons et que nous espeacuteshyrons attirer autour de nous il faudra chercher agrave taire eacutetinceler sans cesse de nouvelles sympathies de noushyvelles amitieacutes de nouvelles amours l
Il faudrait y faire naicirctre toules les eacuteclosions des possihishyliteacutes y relever les fleurs pencheacutees comme ma petite amie Edmeacutee Torguegraves y deacutevelopper les faculteacutes les talents enshycourager les nobles essais et surtout taire de lavie middotmeilmiddot leure par ce geacuteneacuterateur admirableacute de la force humaine les eacutechanges en affiniteacutes reacuteelles
Car lexistence comprise et reacutealiseacutee volontairement par lunion profonde et laide spontaneacutee dintelligences qui comprennent qui veulent ensemble qui se suromhrent et sencouragent les unes les autres deviendrait comme un splendide feu dartifice aux bouquets ininterrompus alors quaujourdhui nous ne voyons que de pacircles fuseacutees sillonner de loin en loin la nuit
- Plus de vic plus de beauteacute plus damour mur mura Reneacute
egrave ~vrmv(~middot~~middotmiddotmiddot v lt1middotmiddotmiddotmiddot~middot~ 1 bull lt(~ii~)~1~~Wry)gmiddotr~~l~W~m_~
ilH LA CONQUlhn DR LIDEacuteAL
Vivre chaque heure eR beauteacute 1 A notre eacutepoque lart nest que limmense inassouvissement des acircmes qui voushydraient plus de libc~l plus dessor plus deacutepanouisseshyment plus de naturalisme plus de splendeur plus dideacuteal el qui sont forceacutees de chercher cela en dehors de la vic
Lart actuel nest pas une certaine partie dun tout magniflque il est leacutetincelle lumineuse seacutepareacutee solitaire vers laquelle se legraveve enivreacute le regard des egravetres de deacutesirs et de recircve 1
Et pourquoi ne pas reacutealiser toute lexistence en ltCIIVIe da rt pourquoi ne IHIS chercher il rendre plastiques
chacun de nos gestes chacune Ugravec nos altitudes chacune de nos penseacutees
Pour cela il faudrait que tout homme aille aussi loin que possible sur la route quil poursuit
Leacutevolution constante voulue ucircpremcnt avec une pelmiddot seacuteveacuterance inlassnbic est la Ta ride transforma triee
Penser aimer agir Penser de plus en plus prolondeacuteshyment aimer de plus en plus intenseacutement agir de plus en
plus activement
Et aire croicirctre en chaque ecirctre son moi le plus eacuteleveacute
laquo La philosophie a dit Novalis est lexcitation du moi reacuteel par le moi ideacuteal raquo
tA CoNQUEcircTB DE LIDEacuteAL
~--------------------
des dignorance sources des erreurs et des preacutejugeacutes les veacuteriteacutes illuminatriccs (lui libegraverent des impulsions et des passions et conduisent agrave lactivilegrave constante de notre ecirctre divin dougrave reacutesulte le regravegnc de lharmonie SUI les terres cela seul est un but digne de lintelligence une œuvre de sagesse et de reacutealisation solaire
Sous le regravegne de la raison et de la science plus haute quelle est apte agrave manifester la science intuitive il ny a plus de place pour les obstacles que lhumaniteacute instincshytive jette continuellement sur sa propre route il ny a
plus de place pour lobscure tyrannie des peuples sur les peuples pour les haines teacuteneacutebreuses des sectes contre les sectes pour les narcotiques empoisonneacutes qlle versent les
fausses morales eacutet les croya~ces eacutetroites
foutes ces entraves tontes ces laideurs seffondrent
se dissolvent disparaissen t et lcu 1 peu surgit lHumaniteacute nouvelle comme en un jardin comme en un temple eacutepanouie miseacutelicordieuse eacutepureacutee lHumaniteacute llormoshynieuse qui du sommet de la pyramide jusquagrave sa hase innomhrahle agit en union pour eacutetreindre en chaque heure lagrave heacuteatilude de lEternel Preacutesent
Je conternplais le deacuteroulcment des visions ct aperceshyvant dans le passeacute tant de snmhrcs trageacutedies faites au
nom du progregraves et de la spiritualisation des masses Ce moi supeacuterieur Ile seacuteveille que dans le calme de la
meacuteditation et il est un fait dun orQIC plus eacuteleveacute que lhomme eacuteleveacute saisira seul Mais lous peuvent sefforcer de le taire naicirctre en eux et cest la seconde naissance
Comme Spinoza le montre dune faccedilon si simple et si noble cultiver en nous-mecircmes et dans les autres hommes leacuteclosion de la raison substituer aux ideacutees confusesJourshy
iuml jajoutai comme une affirmation cl comme un deacutesir
_ Oui Guider lhumaniteacute la transformcr mais par
la joie
Loin de nous le fouet de la crainte et laiguillon de la terreur attirons- par un foyer de pleacutenitude vers le perlecuumlonuement de tentes choses
middotI
f~gt
Jshy
f liltMt limiddotW~middot(~~~f~~~nmiddot~lr(~1)~~~~Iuml ~ ~ - raquo~ ~~i~r~ Y~i ~i~ ~ imiddot~t ~I ~ ~ylt 1~ i~ lI~ (~ 1 gt(i~~~_ Y~~i~ ~ ~ 1~ ~ t l~~~~t~~ ~1 Sr ~~ ~ - ~~Y I~ ~~~ ~~
________
18u LA CONQUEcircTE DE ~II)eacute4~
Te souviens-tu lean-Reneacute de ces beaux vers philososhyphiques et propheacutetiques
laquo Profonde est la douleur bull Plus profonde est la joie r
La deuleur dit Passe el finis laquo Mais la joie veut leacuteterniteacute laquo Veut la profonde eacuteterniteacute gt
Je meacutetais leveacutee devant lui el je passai mes bras autour de son COll
- Et jaspire de tout mon ecirctre et je suis dans la pleacutenishytude du bonheur lui dis-je car maintenant jai trouveacute mon Ideacuteal
- Ma chi rie reacutepondit Jean-Reneacute en membrassant il y aune vieille parole laquo Lhomme nest jamais heureux mais il va toujours lecirctre raquo Cette parole est bien vraie car le bonheur Jeacuted cest lasoiralion et le bonheur ne
consiste pas dans lacquisition dune chose deacutesireacutee mais (( dans la poursuile dun recircve avec espoir raisonnable de succegraves D
LIdeacuteal est le maximum deacutenergie dharmonie deuml beauteacute quil soit donneacute agrave noire faiblesse actuelle denshytrevoir
LIdeacuteal le Bonheur lAmour sont les sommets dune route infinie les sommets lointains qui seacutelegravevent sans cesse li mesure que la route monte
raquo Mais lIdeacuteal nest pas la Chimegravere il est le but voulu et espeacutereacute reacutealisable Le conqueacuterir cest le graver dans son acircme dans Ion corps dans sa vie Le conqueacuterir cest avoir trouveacute un chemin de progregraves constants cest avoir comshypris que lIdeacuteal comme lAmour ne sont les cimes radieushyses de la vie que parce quils appartiennent agrave lillimiteacute
Iuiu-Uctobre 1908
bull
1rIl ~Imiddotlmiddot l fIl n-Iln l1il1 ilnn-11ln i ~l ~ YI)jjit 1 ~lS 1ilmiddot~~)~i~iiII~middoti IYi~ ~ 11 ~lmiddotimiddotimiddot~ ~Il~~~ 1 1~ ~ Itmiddot~~ ) j(X~~~ ~~~~middotiuml~i~ ~l~H~middot~~~gt~middot~~ ~ ~y~ ~Smiddot~~S~Y~~~middotmiddot~~rf ~-~~middot~8middot T1tmiddots~middotmiddot~middot ~~~~1~ ~~(~~~X~middot~~W~~(~~i~~~1NilWS~_t(~~~i~S
--
3
1 r1 J _--iIr-~ j
A ~ LA CONQUETE DE L IDEAL
iiI
Et je suis heureuse
Le printemps est bien la saison aimeacutee deacutesireacutee de tous
ceux qui aspirent HU renouvellement et agrave la vie nouvelshyle L et qui atteuden t avec amour le spectacle grandiose de la renaissance des choses Jans lessor Je la terre
apregraves lassoupissement de lhiver conceutrateur La vie est rayonnante el mes dix-huit ans palpitent de
tant de foi en elle Paris chaque anneacutee meacutetonne pal la transformation
si vive que le soleil opegravere en lui son allure tout de
suite devient plus jeune son aspect plus enchanteur
Les femmes en un instant deacutelaissent fourrures et cosshy
tumes fonceacutes pour revecirctir des robes de lumiegravere des chashy
peaux fleuris des bottines claires
Du petit coin ougrave je suis assise japerccedilois lavenue Rashyphaeumll oit se trouve lentreacutee du jardin et les grandes peshy
louses du Banelagh toutes animeacutees de plusieurs tennis
Une quantiteacute denfants de beacutebeacutes seacutebattent en riant
sous lœil vigilant des nourrices et des nurses et tout ce
petit monde paraicirct formeacute agrave linstant mecircme par la bashy
guette magique des rayons du soleil
Je voudrais savoir chan ter le cantique dadoration dont
certains peuples saluent tous les matins le soleil levant
comme le symbole de la lumiegravere de lintelligence de
leacutepanouissement universel
Et jentends en moi le cri sublime du Gloire agrave l Asshy
tre Gloh-e au jour de la vierge-deacuteesse de la
Walkyrie radieuse eacuteveilleacutee dun lourd sommeil par le
baiser de Siegfried son heacuteros vainqueuri
Tandis que laccompagneiaent des harpes leacutegegraveres et
qlle les trilles cristallins des violons sourdines seblent
iii -) il jJ _ - il ll Il- ~ j
LA OONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
se diffuser autour de moi dans lair pur matinal lumishyneux japerccedilois grand-pegravere qui sort de la maison eu haut des marches du perron
JI est beau grand-pegravere mon seul parent avec sa lonshy
gue barbe blanche et ses cheveux de neige aureacuteolanl ses yeux fonceacutes
Il sapproche el deacutejagrave je devine la phrase que vont dire ses legravevres
- Michegravele il fait si beau 1 Allons au bois
Ce matin jaimerais faire le tour du lac Veux-lu Il sarrecircte en roule el cherche du bout de sa canne
les premiegraveres violettes sous leurs feuilles humides
Il se baisse el les cueille pour moi
Poarquoi suis-je sucircre que cesl au Lac que grand-pegravere veut aller ce matin
Dhabitude il preacutefegravere les alleacutees plus mondaines Javeshynue du Bois les Acacias
Aujourdhui je sais quil vient de deacutecider de faire le
tour du grand Lac Cest extraordinaire eomrae toujours je devine ses penseacutees
Et le voici maintenant qui mappelle
- Michegravele JI fait si beau Allons au bois 1Veux-tu ce matin Jaire le tour du Lac
22 Mai
Seule dans ma chambre close je pense je recircve Je seas la beauteacute de cette phrase de Socrate cette mecircme
phrase qui pendant des siegravecles tul graveacutee agrave Delphes sur le temple dApollon Connais-loi toi-mecircme
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raquo ra J bull A~ rll ---lJ j ~ ~ 11 Il
LA CONQUiTB DE UgraveDEacuteAL
cest une eacutetude importante et profonde que celle de la connaissance du soi une eacutetude tregraves utile aussi et qUOD
neacuteglige totalemenl agrave notre eacutepoque Dailleurs agrave lhenre actuelle en Occident qui sait
prendre le temps de penser
1 Les hommes tournent en tourbillon chacun dans leur milieu dans leur cercle damis dans leur cercle dhabitushydes dans leur cercle doccupations comme ~6S manegraveges de chevaux de bois aoins calmes que les chevaux de bois 1 comme des insectes autour dune lampe
Ils courent sans cesse ils parlent vite colportant de
bouche en bouche les nouvelles du jour ou les potins sensationnels
Les plus raffineacutes les acircmes supeacuterieures suivent avec
enthousiasme les manifestations dart les expositioBs de peinture les concerts les confeacuterences les piegraveces davantshygarde
Mais au milieu de tant de reacuteelles intelligences actives
ougrave SORt les penseurs profonds 08 na plus le temps de reacutefleacutechir de contempler
de meacutediter
Il Y a beaucoup de destructeurs de ceux qui vocishy fegraverent sur la socieacuteteacute qui condamnent le code civil qui
critiquent le gouvernement qui battent en bregraveche la
magistrature et le reste
Ils ont raison et ne pouvant mieux faire sont utiles eh essayant de deacutetruire lei abus les preacutejugeacutes les laideurs
SeulementIeur œuvre me paraicirct fort incomplegravete on peut arracher dun champ les mauvaises herbes qui leacuteshypuisent et labourer la terre en tous sens si la bonne graine aussitocirct ny est semeacutee ea abonacircance le premier
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i1
LA CONQUEcircTE DE LIcircDliAL
effort devient nul cal dautres mauvaises herbes repousshyseront bien vite
Et ougrave sont aujourdhui les graines merveilleuses
la penseacutee humaine capables deacutetouffer livraie enlegraveve vainement chaque jour
~ Un ami de grnndpegravere un vieillard original
me lacon tait hier quil a connu au Laos pregraves du Thishyi _ bet ougrave -il voyageait il y a un an un bonze qui
resteacute enfermeacute soixante mois dans une grotte entiegraverement
obscure afin de pouvoir penser sans ecirctre
1
pal rien ( Il avait dailleurs perdu pa~ celte retraite volontaire
la possibiliteacute de voir la lumiegravere du jour qui
aveugleacute Et bien quaussi celle meacutethode me exageacutereacutee je ne puis mempecirccher decirctre en admiration
devan 1 le temps les efforts les sacrifices que consacr~nt certains peu ples agrave leacutevolution de lin telligence
A Paris de nos jours il est tregraves certain heacutelas que
hommes ny songent guegravere et que pour la plupart is he sont pas plus conscients de limmensiteacute du reacuteel plus capables de lorganiser et Je le former agrave trente
ans quils ne leacutetaient agrave vingt ans ni agrave quarante
cinquante ans quils ne leacutetaient agrave trente
EL je mimagine parfois avec une terreur triste
qui doit advenir dune nation ougrave les classes dirigeantes se consument dans Ieqitsugraveou agrave vide selonH
de Michelet en vaines paroles en gestes steacuteriles
r~~ La route du progregraves-infini serait-elle perdue ~ - Assureacutemenl non - Elle est voileacutee latente mais
toujours pregravete il souvrir
5
de
quon
et sage
eacutetait
distrait
laurait
paraisse
les
pas
ou agrave
ce
le mot
J~
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e LACONQU~TE DE LIDEacuteAL
JI doit y avoir une science de penser une scieace de vouloir Notre intelligence est trop livreacutee au hasard elle est en proie aux tourbillons des choses incessamment Yibrante de lactiviteacute quotidienne
Tout grand deacuteveloppement a besoin de calme 1 Cest dans le non-usage actif de son intelligence que le
beacutebeacute accumule son eacutetonnante et rapide compreacutehension de la vie cest dans la tranquilliteacute dune terre non reshymueacutee que la graine germe et devient larbre majestueux cest dans limmobiliteacute de leau que le cristal se forme
Un mouvement dans leau un coup de becircche dans la terre une volonteacute hacirctive fatiguant le jeune ecirctre cornshypromeltraien t leacutepanouissemen1
Auni je veux rester de longues heules dans la paix
1 et la solitude tantocirct dehors en aspiran t la RAture le grand air le fluide vital lodeur de la terre et des pintes tantocirct comme aujourdhui dans ma chambre intime et douce
Jai mis une robe flottante en crecircpe de chine bleu ciel je sUIS eacutetendue sur un large divan ougrave sentassent mes coussins de velours pacircles et de soie molle et pregraves de moi dans un brucircle-parfum oriental fume une huile odorante
Il est joli ce brucircle-parfum La tige mince de cuivre ciseleacute seacutelance droite et hieacuteratique agrave deux megravetres du sol et soutient la grosse veilleuse rose comme une belle fleur eacutepanouie
Avec lenteur en meacuteandres gr~cieux en fins dessins l fumeacutee embaumeacutee monte gravement et me repreacutesente bien loffrande dune acircme en aspiration vers lIdeacuteal
il 11 11 ----- Il Il LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 7
Je voudrais en ces heures paisibles me faire un COIPS
sain robuste eacutepanoui Pourquoi ne pas cultiver la beauteacute dans toutes ses
possihiliteacutes de manifestations comme on embellit un jarshydin de mille plunles rares aux fruits exquis aux floraishy
sons merveilleuses Je voudrais aussi augmenter approfondir eacutevoluer
mon cœur et mon esprit me preacuteparer une vie feacuteconde dans le recueillement le repos Et [e reviens agrave la phrashyse antique GnlIcirclhi Scauton
Je sens quil y a dinnombmbles ecirctres en moi
Quand ils ne sont pas daccord je souffre Quand lun deux fatigueacute las dattendre la vie (lue
je ne peux lui donner encore sc plaint en soupirs inshy~ quiets sourds ct muets en langueurs meacutelancoliques
Ul autre sait lu-ureuscment seacutelever et chanter plus hau que lui celui qui monte ainsi des profondeurs
~ cest mon espeacuterance cest tout ce que jai voulu me forshygel ct me construire avec de la lumiegravere de la joie du soleil avec lessence de tout ce que je connais de beau
et de grand dans le monde Il sait chanter lhymne de lespoir de la volonteacute puisshy
sante et forte miseacutericordieuse et bonne et il chante souvent en moi il chante pour rendre sa voix plus Iorshyte il chaille pour eacutetouucircer les miegravevres tristesses les inushytiles inquieacutetudes il chnnlc pour le bonheur il chante pour lillfini il chante p01l1 lIdeacuteul
Il est tout lessor des recircves que jeacutelegraveve poII les vivre un jOlll Et je leacutepanouis SIIlS cesse volontairement acircprement en lui ouvrant lespace ct laction en le baishygnant de penseacutees merveilleuses en eacutevoquant autour de
--8
~
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
middotlui les richesses de la forme les lys sous les grands bois les roses au soleil les gazons cendreacutes de lune lorienshytale splendeur dune nuit blonde et douce la mer calme et bielle forte et feacuteconde loceacutean des eacutetoiles leau crisshytalline des gemmes preacutecieuses leacutemeraude aux tons dal shygue mouilleacutee la topaze dor le diamant cascade de lushymiegravere et les parfums qui nourrissent lacircme les encens rares lambre royale
Et mon imagination restaure et purifie les souvenirs de la vie moindre de la vie salie et abicircmeacutee par les so cieacuteteacutes meacutediocres
Cest ce moi fort et vaillant que jappelle aux heures de doute ce moi enthousiaste qui est mon direeteur choisi
Car je veux penser agrave lavenir pour espeacuterer non pour craindre Et si je me fais un motif ideacuteal de joie et dacshytion peut-ecirctre le v~rrai-je se reacutealiser un jour
En chaque homme lutte sans cesse des tendances diffeacuterentes parfois mecircme opposees Des ideacutees des habishytudes des acircmes le siegravecle le milieu les lectures les ex- peacuteriences les hasards les amours les recircves les meacutedishytations leacuteducation lexemple lheacutereacutediteacute la race lanshycecirctre latavisme lespegravece etc
Lutte immense des eacuteleacutements petite eacutevolution syntheacuteshytique microcosme une des plus feacutecondes analogies que nous nit leacutegueacutees lantiquiteacute la Paix et la Guerre se disshyputent lacircme par mille intermeacutediaires cest toute une Iliade
Oh que tout cela est profond el vrai quelles imashyges merveilleuses terribles majestueuses
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Un flambeau nous eacuteclaire et nous guide il faut le I~middot suivremiddot El quel est ce Jlambeau radieux Lharmonie
1 8 la beauteacute La reacutealisation de cel ideacuteal est difficile agrave v trouver quelquefois et agrave mesure que je progresse mecircshy~ me celte sorte de conscience se transforme
~
Elle devient plus complexe et en mecircme tcmps moins eacutetroite moins simple moins pinne
Je devine aussi des parties de moi-mecircme (lIi dorment encore et que je connais mal ou (lIC je ne connais pas
Seule je narriverai point agrave me comprendre toute entiegravereuml Sans lamour lamour grand et sublime unique
et divin que jattends je ne puis eacuteveiller les laquo palais endormis n
Mais avant lIue vienne le heacuteros mysteacuterieux je voushydrais augmenter enrichir chucun de mesegravetres tout en ne les meacutelangeant pHS avec cc qui pourrait me venir de lexteacuterieur el ne serait pas reacuteellemcnf moi-mecircme
Puis je voudrais les multiplier encore et les unir en les faisant converger vers lin megraverne ideacuteal
Car si je deacutesire tellement nrriver il devenir queshyquun cest que mon recircve est laceomplir quelque chose de valable pOI1l le bien de lhomme
El comme a dit Goethe ( Si tu veux reacutealiser une grande œuvre fais-loi dahold une grande agravemeraquo
Ceux-Iagrave ont une lime qui out toujours marcheacute dans la megraveme direction
Chacun a sa loi il faut sy tenir Son HJUVIC il lt~ faut laccomplir Cest un problegraveme agrave deacuteterminer ct agrave
reacutesoudre
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1(_J~jOy)J~jl~rV~ rt~ 1~middot~ - l bull
10 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Oh Avancel sans crainte Ne reculer jamais Lhomshyme daudace ressemble ail dompteur au milieu des faushy
les sil a peur le dange surgit Il faut transformer en science le souvenir de tout ce
qui a passeacute dans le rayon de noire vie Il tant harmoniser lame actuelle hiernrchiser les
sentiments teindlP certaines penseacutees en aviver dautres U fat transformer les avenirs voulus logiques deacutesishy
reacutes ltlimeacutes
Il Iaul trouver le centre Ile 1I01le acircme et le proclashy
mel roi Connais-loi toi-mecircme
30 Mai
Je viens de relire les Poesies complegravetcs du preshymier poegravete qui me fitcornprendre la merveilleuse feacuteeshy
rie du vers Ephrniumlm Michltlil Ephraim Michaeumll Celui qui mouvrit dAbord le monshy
de des formes plastiques cl la richesse du verbe sonoshyre l Celui dont jes tristes poegravemes meacutelodieux donnegraverent
unmomenl une expression il Illon ecirctre inconscient de lui mecircme dont les accents uostalgiques me- parlaient dune untrie que moi aussi javais connue pal delagrave les monugravets Celui dont le rythme assoupli mn vuix et
qui me doun a lamour des paroles suaves Ame trop faible pour la vie quelle a conccedilue 1 acircme
eacutepique ne succombant que sous sa propr~ immensiteacute ou plutocirct corps deacutebile pour tant de splendeur
Jaime ses vers somptueux comme de lor
LA CONQuftTE DEL(DEAL
Cest une orchestration savante eacutevoeatrlce avec des notes triomphales chargeacutee danciennes vies et de visionsshy
merveilleusement pures de la beauteacute qui se deacuteroule Chant mineur aussi mais sans alanguissement chant
dattente et de recueillement chant de deacutefaite olt sonshyne fiegraverement lappel des combats nouveaux et des vicshytoires futures 1 Chant de regret dlin prophegravete que le monde a attireacute sans lassouvil et qui pleure vaguementej bull
quelque couronne perdue Michaeumll quel beau geacutenie il serait devenu sil avait
trouveacute sur sa route un ami puissant une intelligence flushyrifiante une source de celle torce qui lui manqua toujours
En raison mecircme de ladmimtion llue je professe pour
son talent et de lardeur impeacutetueuse avec laquelle je me suis nOllrrie de celte acircme deacutesespeacutereacutee pendant plusieurs anneacutees je voudrais aire lin examen critique au point de vue de leacutepanouissement vital de ce manshyque qui la empecirccheacute de seacutelever jusquaux sommets
quil avait su recircver
Ainsi dans laquo Recircves ct Deacutesirs Il
Les chants vllglles et les formes indeacutecises passen t Ces formes neip euvent egravetr e atteintes pal lepoegravete Deacuteshycevance de la recherche de la beauteacute ougrave I~ reacutealiseacute est
1
moins beau que le recircve Le deacutesir inassouvi vit donc dans cc cœur il peut
seacuteteindre pal leacutepuisement il nest pas accompli JI
ne donne pas le calme qui suit la reacutealisation Il reste apregraves chaque essai daccomplissement le regret des deacuteshysirs morts
Jeacutetudie celle condition qui lui a manqueacute quelle est-elle r
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LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL12
laquo Les formes passent raquo JI Iaut sen saisir les maishytriser les creacuteer
Condition la force POlir (lIC les formes snrregravetcnt cl quon jouisse du
calme il laul savoir les eacutevoquer ou les dissoudre
bull Condition h force
Ce qui est recircve pOlIl llin cest-agrave-dire ideacutee pacircle cmshybellie seulement des layons lunaires de lImagination peut-ecirctre reacutealiteacute poIll un autre plus Iort Cest essenshytiellemeal relatif
Cela deacutepend de la force
On vise toujours plus haut pOUl atteindre plus bas Cest une loiphysi(lue dont lexplication est facile agrave trouver Lartiste reacutealise tOlljOUIS au-dessous de son regraveshyve Mais il taut regravevcr cest-agrave-dire viser de plus en plus haut
Condition la force
Pour eteindre le deacutesir il faut laccomplissement ou le renoncement JI ny a pas de milieu Autrement lacircme suse dans une poursuite vaine Or le deacutesir nous pashyrait mauvais cal un deacutesil pcrpeacutelulaquo est une faiblesse qui est im mora le
POUl renoncer ou pour accomplir que faut-il
La Iorce
PC)Il endormir son uumlmc dans la seacutereacuteniteacute des recircves accomplis il faut egravetrc maitre de ses recircves et les choishysir ou reacutealisables immeacutediatement ou reacutealisables dans lavenir
La vie actuelle eacutetant donneacutee telle quelle est il faut (sans po ur cela reuoacer agrave la mieux eacutepaaouir ) se conshy
a -1 -- ~W -- - ~
LA CONQUEcircTE DB LIDtAL 13
former agrave ses lois et agrave son but Ainsi on peut toujours accomplir son recircve
Mais si les recircves confus et discordauts de tous les hommes quelquefois pervers et troubles devaient ecirctre accomplis il ny aurait plus que le chaos
Vouloir ce qui doit ecirctre rom lharmonie totale Condition la force
( Ces deacutesirs jamais apaiseacutes et jamais accomplis toushy
jours fusant seacutepuisent en eacutepuisant lagraveme Il faudrait que lacircme se coneeatre au lieu de se dimiddot
soudre
Cest encore et toujours une question de force Et dans les Reacuteminiscences eacutepiques le poegravete qui U
dabord aime toutes les llleus de la civilisation dit aussi quil regrette le bonheur animal des geacuteants prishymitifs les luttes et la vie sauvage
Ces erreurs quil aime sont les lormes miegravevres les rocircles sans majesteacute les espoirs malsains toutes les faishyblesses dune eacutepoque deacutecadente
Puis par reacuteaction et polarisation ayan t eacuteteacute trop Ioia dans cet amour du faible le recircve se forme des teaps forts et des eacutequilibres anciens
Il voudrait la vie sauvage brutael animale sensuelle mais puissante
Et comme toute reacuteaction est exageacutereacutee lerreur eashygendre lerreur
Pour un ecirctre sain et intellectuelles temps preacutehistorishyques Dont rien denviable
On est sorti lentement et peacuteniblement de ce limbes oa eo a presque horreur
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] -J71 Iii~ W - --1 - -1~
44 U CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Lhomme inteacutegral naspire quagrave moaler Nul ne peut
sainement se lourner vers le passeacute deacutepasseacute
Et pOl1 eacuteviter agrave la fois cette tendresse des erreurs
miegravevres et ce regret contraire dun temps brutal que faut-il
Toujours la torce
MicJlaeumll Je sent bien celte fois-ci puisquil seacutecrie lui-ssegraveme
- Et dans ma nostalgie immense de la force je suis humilieacute de la splendeur des bois 1
Lhomme puissant nest pas humilieacute de la splendeur
bull es bois il communie avec eux et se fortifie de leur souffle feacutecond
Ainsi jai eacutecouteacute les chants dun poegravete que jaime
sans rien recevoir de ce qui en lui est moins pur quen moi-mecircme
Je me suis longuement berceacutee agrave son rythme enehanshy
teur jai vibreacute agrave ses sonoriteacutes agrave sa couleur agrave sa passion
agrave sa seacuteduction agrave son eacuteloquence Mais je veux me soushy
venir quau-dessus de tout cela il y a autre chose
Il y a la vie veacuteritable augmenteacutee ou diminueacutee
H y a linspiration sacreacutee venue de la lumiegravere et
celle issue des teacutenegravebres passionnelles aux lueurs troushybles
Nous avons appris dans le livre des grandes acircmes
que la gracircce et la beauteacute pouvaient revecirctir des esprits denfer Circeacute les Siregravenes Cleacuteopacirctre et tant de goershy
riers de savants mecircmes
Et puisque les œuvres que nous lisons deacuteterminent en
partie notre ecirctre plus je reacutefleacutechis et plus je pense quil
est on ne peut plus leacutegitime de nadmettre en nous
(
-1 - -r10 u l ( ~l~
LA CONQUEcircTE DE JIDEcircAL 15
par la lecture que des œuvres choisies et bienfaisantes
capables de nous aider agrave la reacutealisation de notre vie
Car tout individu qui a un but deacutefini ct fait des acshy
tions qui len eacuteloignent est contradictoire 01 nous flOUS deacutefendons des mauvaises actions parshy
ce quelles nous deacuteterminent dans le chemin que nous
reacuteprouvons et nous ne ferions pas de mecircme pour les
livres f Et puisque nous sommes obligeacutes de nous deacutefendre de
ces aclions mauvaises cest clone quelles sont tentatrishy
ces et quelles ont en elles quelque chose dattirant et
de seacuteducteur
Le mal nest pas toujours repoussant
Degraves lors pourquei nous eacutelonner que lœuvre llart
ait elle aussi un autre criteacuterium de sa valeur reacuteelle
que son degreacute dattraction et que ce criteacuterium soit sa
puissance dharmonisation de perfectionnement cie la
vie sa pureteacute Pourquoi proclamer belles et par lagrave au-dessus da
toute juridiction les œuvres qui seacuteduisent nos limes
puisque nous ne voudrions cGrtes en soutenir autant de
toutes les actions
Et malgreacute la grande admiration reconnaissante que
jai pour le poeumlte Michall je me sens plus forte dashy
voir ainsi sondeacute sor manque de force Ne dit-il pas lui-mecircme dans laquoCreacutepuscules pluvieux )
ses sentiments de vide du cœur sans raisoa damour
briseacute f Je ne meacutetonne pas de cette sensation de vide dans
ce pauvre cœur que rien na rempli non paree que rien ne pouvait le lemplir mais puce qatl aeacutetait
rempli par rien
48
JJ -Lbulltl~)A~l- r-i] Yi1 J~ ~ bull 1
LA CONQUEcircTE DE LIDiAL ----- - __----- shy
haule situation de sa famille el de tout ce que celui-ci avait dit pendant sa visite manifestant une acircme loyale
simple el tendre Et il ajouta _ Enfin depuis quatre ans deacutejagrave vit en lui SOD
amour pOUl toi amour tregraves sincegravere tregraves profond et que je trouve touchant je le lavoue
Lorsque dans un enthousiasme juveacutenile UB soir dans les montagnes il se laissa aller agrave le dire ses senti shymenls el que tu en fus si surprise je compris tregraves bien lattente de deux ans que tu reacuteclamas alors avant
de pouvoir songer agrave te marier Aujourdhui il Jen est plus de mecircme Tu as lacircme
dune femme el tu peux sentir comme moi le prix de cette affection fidegravele (lui dure depuis quatre ans et malgreacute deux anneacutees de seacuteparation complegravete
1
Enfin sans vouloir faire appel agrave ~es perpeetives mashyteacuterielles qui je le sais nont pas sur toi une bien grande influence ccpendant laisse-moi taffirmer que le bonheur dune femme esl bien embelli par la faciliteacute charmante quun certain luxe donne agrave la vie Et puis ma cheacuterie crois-moi cest quelque chose davoir un mari attentionneacute qui vous adore qui vous admire
qui se fait le reacutealisa leur de lous vos recircves 1
Le bon regard attendri de Srand-pegravere me laissait voir toute la joie quil aurait eacuteprouveacutee agrave laccomplissement
dun projet ltfui lui eacutetait tregraves cher Mais craignant peut-ecirctre davoir trop chercheacute agrave
-mIuiumlluencer il reprit uvee douceur ~ Toul ce que je te demande ma pelite Michegravele
cest de revoir Andreacute saas ideacutee preumlcoaccedilue avec un peu
~
J~J~W-J
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL -tg
de cette indulgeuco lfllc ge ne la pas donneacutee encore pour [cs hommes pour les choses pOlll la vic
Cependant tu sais nest-cc pas laquo(U~ comme je tai toujours laisseacutee libre dans tes penseacutees dans tes lectushyles dans les acles ayan tuute confinnce dans ta belle pureteacute dllns la lIcHe droiture je te laisserai Loushyjours absolument libre de deacutecider Loi-mecircme le chemin de ton desfin
Grand-pegravere el moi nous avons passeacute hier apregraves le dicircner une soireacutee tregraves intime Jo lc sentais preacuteoccupeacute dune deacutecision prochaine ct un peu meacutelancolique aussi car cc projet Ini taisait revivre sa jeunesse agrave lui etausshysi la jeunesse de ses enfants disparus ce projet auquel il tient pourfanl lui Iaisail revivre une eacutepoque deacutejagrave lointaine UgraveUTI passeacute ltiui Ile reviendra plus
3 Juin
Grand-pegravere a inviteacute rll(lll~ Calvis agrave dicircner pour la seshymaine prnchnlue PlliSlaquo(lIi veut absolument que je le revoie
Moi je snisbieu je sais ineacuteluctahlegravement que ce nest
pas Lui Mais pourquoi ne le reverr-ai-je pas Cest un ami nous avons beaucoup eacutechangeacute ensemble nos penshyseacutees et nos aspirations denfance el les liens damitieacute reacuteelle apportant leur joie sont si larcs
Peut-ecirctre ne voudra-I il las comprendre la h~allt~
dune affinileacute (lui dure t[llalll megraveme clic nest pas ehuishysie comme affiniteacute iUIg)ne
Les hommes do nos jours ne sont pas heroiumlques
_ _ _ J
l 1 Il ~ ~~ ~-~ ~ ~ ~ ~ 1J- -
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 21 20 LA CONQU~TE DE LtDEacuteAL
n y avait quelque chose de hien noble dans certaishynes ideacutees de la chevalerie dautrefois
Il me semble quaujourdhui 011 nc seacute garantit pas assez de la souffrance destructive on se reacutesigne trop facilement agrave leacutetat miseacuterable du monde et de lhumashyniteacute et au contraire lon eacutevite avec une veacuteritable lacircshycheteacute leacutecole de certaines douleurs psychiques qui disshyciplineraient et augmenteraient notre ecirctre Je veux dire que degraves mon relus il est probable quAnugravereacute prenshydra la reacutesolution de ne plus me rencontrer pour ne pas se souvenir
Au lieu de laisser vivre entre lui et moi tout ce qui peut de son admiration totale egravetre reccedilu par mon affecshytion partielle il cherchera agrave tout couper agrave tout reti shyrel agrave tout eacuteteindre Cest dommage 1
Tant de fleurs de tendresse sont ainsi faneacutees trop tocirct et souvent faneacutees il jamais pal ce manque de courage par celte crainte faible dune augmentation de peine
Oh ne jamais rien deacutetruire volontairement des amitieacutes des sentimen ts des pesseacutees des liens reacuteels 1 ne pas craindre la viedu cœur ne pas fuir devant les
( orages possibles
Je veux fortifier mon coura~e et je voudrais semer du courage en autrui car jaime la force etIenduranshyce Au contraire je nadraets pas la reacutesignation si annishy
hilante precirccheacutee agrave tort comme une vertu
Andreacute comprendra-t-il comme je le sens que nous devons conserver la vie coservel en elle ce qui est vivant et laugmenter et leacutepanouir
Mais quil faut avoir une volonteacute aussi forte que lintelligence pour rester harmonieux et une volonteacute morale plus forte que le deacutesir instinctif de vie
~ Dailleurs depuis deux ans Andreacute a certainement mucircri et progresseacute
t ~I
f Je sais quil est poegravete quil a de vrais dons lyriques une ugraveme pure et noble
Mais quimporte
Celui que je recircve est le seul qui puisse mentraicircner plus haut que moi-mecircme agrave la conquecircte incessante d~
mon ideacuteal infini
Et je veux quc reacutealiser son recircve quincarner son espeacuterance soit mon expression protonrle celle clue jentrevois comme une ~ ossibiliteacute merveilleuse encore lointaine dans mes instan ls de deacutesirs les plus eacuteleveacutes
Oui Grand-pegravere tu as raison Cest quelque chose davoir Il n mari qui se fait le reacutealisateur de toutes vos aspirations
Mais faut-il encore quil puisse sentir ces asplrnlions mecircme celles qui dorrncn 1 an fond (Je mol-mecircme fusshyquau temps ~ugrave sa penseacutee eacutevocatrice les eacuteveillera
Lorsque je le sentirai veuil de tous les cocircteacutes seacutelegraveveshyront des chants dalleacutegresse
Et le jardin dl mon ucircme fleurira enfin et vibrera comme le vent du soir fait reacutesonner sourdement le grand orgue des bois
Des accents de victoire eacuteclateront dans les airs des
fanfares joyeuses selanceront et ce sera lhosanna triomphal entonneacute dans mon cœur pOUl lnrriveacutee cie son roi
Tous les recircves se legraveveront en moi comme une foule et les phrases damour berccedileuses qui chantent dans
mon egravetre les paroles erubaumeacutees et douces qui sorashy
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LA CONQUEcircTE
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CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
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23
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III i Il 9 heures du suu
(111 le (Ii 111 )
meillent encore mes knrs pourront enfin te le dire il loi que jalrllds
Tu mapprcndrns toujours mieux les secrets profonds
de la il mysteacuter-ieuse cl 1I011~ lIilli~(JOIl~ tous deux
lideacuteal Cil reacutealil eacute Cilrmiddot iIVI(~ loi la vie sela le Temple
du Beau Avec loi 1~lle S(il II~ illlclllail(~ du Biell
Et ta parole mlnlrnilleri mc MliVlIraml1xllllera
vers les hauts sommcs de la pell~le lrumainr-
Tous mes recircves lappellenl d mes souvenirs lous tont appeleacute un agrave un
O Viens hicnlugravel Viens mou unique soleil A la
lueur je veux COmpIIIIiII il Iii 1111111 je VIUX savoir
agrave ta lueur je veux chauler il la lil(III je V(IIX aimer
Triomphant rt adoreacute viens Iairc villII mun acircme ct
reacutesonner loules les con]lts de 1111 h ll In nd Il salis loi
Alljollrdhui jni ltIt prendre ilshy llil cll(z laur Kousta
que ie navais pas 1111 dp)lIi~ plus dl~ trois mnis
Cest une klIIme pcinlrc hilII connu 1 Pilis
maintenant pOlir SOli lalltolll cl SOli ldlIard( hlallI
Elle minltIlssait l)(illlCOIlP (II plIlsioli il v il qur-lshy
ques anneacutees lorsque la jeune Iilll~ clIIiells cl farouche quelle eacutetait alors soccllpnil iI 1( pilgtsion d( la 1011 (P
petite Michegravele
il
Jl
~
Elle eacutepousa depuis Wladimir Kousta comte poloshy
nais beaucoup plus ilgeacute qurllc dont lIndulgr-nce inshydiffeacuterente ct taihlr- lintcllicence savante compliqueacutee
fine ct douce laquo( lnimnil pntpllIdlelllcnt tout lII la laissant
entiegraverement IilllL)J comme dll Ille le dil en i-ianl pOUl
mannoncer ce singulier mariaulaquo
Jane eacutetait vraiment somptueusement belle cel apregravesshy
midi dans sa lohe souple de lil)(I1~- ornnge ses bras
magnifiques chnrgeacute de hrucr-Icls lourds
Tregraves entoureacutee elle parlait vivement son lIelllCl 5011shy
rire eacuteclairant son brun visage de grcc(flIe antique et
elle faisait de grands getes conservant pourtant la
gragravece distingueacutee ct harraonieusc si rare si d(~irlle si
impreacutevue qui est la sienne
Elle paraissait lrucircncr dans son vasle aldil~I luxueux
ail milieu du deacutesordre voulu eI nrrungeacute du pegravele-mele
garccedilonniel des tableaux des chevalets des bouquins
des hibelots el des toiles commenceacutees
Degraves que le domestique meucirct annonceacutee Jane flollssa
un grand cri enthousiaste ct mouvrit lar~cmclli ses hras
- Eh hien fOon enfant iHicnHa ch hien ~ mon hlond
oiseau vagabond cest comme cela que depuis des mois
et des mois tu nous as tOIlS ahn mlonneacutes t
Tout le grollpe ami surencheacuterit bruyamment
- Il sest sucircrement passeacute quelque chose t1lqrnn~c
dans la vie de Mademoiselle Vazuuuc cd hiver nfllrma
le pianiste Edmond Cnud
- Viens-tu lions annoncer les fiausaillrs r lplii Jashy
ne en mattirant pregraves delle tandis (Ie je svrru is enshy
core cinq ou six mains tendues vers moi
-------_
~~6~Uumli~~~~~middotmiddoti
GlIillaum~ Tara sinclina ~ 1 ~ Je ne puis vous feacuteliciter de voire 5uceegravesjMonsiellr
lui dismiddotojenayantni III ni YU toille piegravece Dune voix grassedeacutepl~isaDte ra1-a reacutepondit en ricirc~
caout 1 gt1 -Ma litteacuterature en effet Mademois~ll~ ~~est p~U preacuteciseacutement cc quon peut faire-lire aux jeunes filles
_ Ceci lqt ~rte peu pour Mad~m~i5el1~ V~zaDDe~ ~t dun tonelmable Edmond Gaud EUe a ungrand~pamp
re eacutepatant qui la laisse libre deacute lire tocircnt~ee qll~eacuteneveUt C~stvr~i repri~je Mai~ Il m~Jais~ecircceumlJtel~
teacute jllstem~lIt parce quil sail qui( Y~ (~ ~eri~in ~rl qlli ne jninteacuteresse pas du tout middot ~ ~
Tous eacuteclategraverent enriant 10 bull
~ Ehbien1 ~OD vieux Gui TareeUepe vriu~ 18 pas envoyeacute dire 1
He~reusementque tout le mondeaParisnest plis de vaireavis MademoiselJc murmuraGuil1a~me Tara
-Cest certain Monsieur reacutepliquai-Je Vous sentez tregraves justement que parmi vous tous je suis un peu comme
une eacutetrangegravere une provinciale si vous voulez
Et profitant dun instant de conversation geacuteneacuterlllede plus en plus bruyante je dis agrave Jane en aparteacute - Et voi~
lagrave preacuteciseacutement pourquoi je parais tabandonner mon ashymie Si lu voulais me voir seule agrave seule de temps en temps iuml~lurais le senliment dun eacuteocirchange damilieacute feacutetiUeentre nous deux Notr~ affection -aipsi ~rait vie et manifestationnaturelle devie ~ lt~ v
liais tu mas souvent fait c~anp~lidrequ~ je poubull shyvtPt te gecircner ~~ veacutenant middotautro~egravebt~qU~~~)Dmiddot1joure Qubull
gtlo
middotmiddotEt avent que jaie eu le temps d~reacutepoodrela peshy0 bullbullbull lttite R()se~Malie des- Franccedilais dont je nai jamais aimeacute ~ bull Ies yeux pointus tregraves brillants et tregraves vides seacutecria avec ~f+~alice _ 1( ~~ Mais cest vrai il Y a du nouveau pour vousb l (
li 4ndreacute CriJis est de retour agrave Paris gt gt Tuvas nous raconter tout cela pour te faire parshy f~onntlr ton lacircchage dit Jane mais tumiddot prendras des
forces avant lfagdeleinr ajoutat-elle servez-lui donc le theacute
Magdel~ille Lamarre un peu ridicule par lextrecircme ~ mJ9picq~ilIe lui permet pas de quitter un instante ~ 00 facebullbullbull mains et aussi par lair de jeunesse ingeacutenue ~J ~lJe cherchentagrave jouer ses trente-cinq ans de vi~iumlllefillr egrave Ee preacuteejpila gnmincmeni agrave ln table ougrave le samovar
bO~lrdQnnait doucement sa chnnsonmonptQne ~
Un~ Iorte odeur de cOleacuteopsis se reacutepnndait dnns la piegraverrochaqne mouvement de Magdeleine dont la fishy gure savamment maquilleacutee eacutetait eacutecraseacutee pal un chashy
0 lfll n monumental ougrave seacutetouflaient les plumes daulrushyche cil les rose tendres 1 bullbull
rregraves Ile Jane un petit jeune homme hlondesecvan ~ visage~legravellieaux vilnius yeux gris se ba1nnccedilagraveit dans uu
bull fauteuil debois fumant nonchalamment un gros cigare Son ail IlIS et fat me deacuteplut - Tu regardes notre nouvel intime interrogea Jane
Tq ne Je connais pas - Et sur ma reacuteponse neacutegative
~ - Jete preacutesente Guillaume Taraullhmiddotemeo~dit mon
ami middotGu Tare lauteur si connu par Vimmeuse( ~~lt ~JriQuf~e middotdemiddotl $ai$OO~ ~leFqu~~jre
~~tmiddotmiddot
1
~
succegraves eacuteclaboussant extrashy
parler du toute cette
EIlmJlId Gaud vint sasseoir pregraves de moi Il est intel-
nous avez que QOUS vous
ici qui
un instant la conversation
de Paris
dans cet dadjectifs vides
phrases presque toushy
les seules agrave peu pregraves quon puisse pla
mondain mi tout le monde veut par- 1
des eacutechanges fluishy
des sourires
nerveuses et deacuteseacutequilibreacutees
de Ia vie
Au contraire elles lemshy
vous voulez Il faut dQD
li
I
IWshy
~
~
l 1 1
1 1 i
1
d
~f~C~~~)~~~lt ~~~heacute~~i t~- ~ ~ lt lt gt
16 LA OONQuiTB DB LIDEacuteAL
eacuteela deacuterangerait ton travail tes seacuteances de modegraveles etc
Et je tavoue franchement que si aujourdhui par exem- pie rai la joie dadmirer ta bea Il teacute ce qui est deacutejagrave quelque chose cest vrai tout ce quune in limiteacute douce nous permettrait de reacutealiser et deacutechange de sincegravere et
de profond est empecirccheacute annihileacute par le convenu et lartificiel dont sbabille Paris mecircme dans ses reacuteunions
les plus restrein tes Comme pour me donner raison le domestique annonshy
ccedila le duc et Ia duchesse dArmiore Jane ell ce moment fait les portraits de la duchesse
et de ses enfants
Aussitocirct elle sempressa autour deux et commenccedila
les preacutesentations dlisage
Magdeleine Larnarre souriante et ingeacutenue retourna agrave la table de theacute et Jean Chermy qui flirtait avec elle
passa les assiettes de petits gacircteallx Puis coup sur coup en tregraverent dans latelier les
peintres Demerront et MaulIcircce Picot lactrice Nelly Reflet et plusieurs autres personnes
La conversation devint de plus en plus tapageuse et quelconque
Guillaume Tara le grand homme du jour que je senshy
t~is tregraves peacuteniblement dailleurs ecirctre en ce moment le fashyvori de Jane paraissait succomber sous le poids de ladshymiration que tous ces pan lins lui prodiguaient
O~ ne parlait plus que du Fou-Rire de ses actrices -de la scegravene extrordinaire du 3e acte ougrave la situation se complique si drocirclatiquement de larriveacutee des deux acircmants du compte-rendu de cet imbeacutecile de Veacutery qui aVilit preacutedit un four et de lavenir superbe que proshy
-~
r~~ middot~J~~~Jr h~~l~~~~~~ij~
LA C0NQU~TB DE LtDBll
mettait agrave Monsieur Tara le ordinaire affolant Ile cette premiegravere piegravece
loi qui navais jamais encore entendu Fou-RilC j~me sentais stupideparmi meacutediocriteacute
ligebullt et sympathique
-- Ainsi Mademoiselle me dit-il vous deacuteclareacute tout agrave lheure agrave mots couverts
rasIOns
- Seacutepareacutement il Y a IJuelques pelsoones sont chnrmantes
Mais soyez franc Ecoutez
de ce salon qui est un des plus intelligents
Et dites-moi linh~Iegravet que lon peut trouver eacutechange dexclamations dadverbes et
de sens dans ces lambeaux de
jours inacheveacutees
cer dans un salon (
ler et personne ne veut ecouter
~ Jy trouve des sensations nerveuses agreacuteables parshy
fois fortes reprit le jeune pianiste
diques des amitieacutes des flirts du parfum
-- Je VOllS comprends mais ces sensations lil me font leffet decirctres artificielles
elles ne reacutepondent agrave aucun besoin profond
et uexpansent pas le-bonheur poison rient
- Si j(~ ne me trompe Mademoiselle mettre en pratique la parole de M~rcAul~le ~
~
J~ J- - J~ - - --
28 LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
ner au corps ce qui est neacutecessnire pOUl lacircme et il lacircme ce qui est neacutecessaire pOIll quelle seacutelegraveve raquo
- Le plus possihle et je voudrais reacutealiser aussi cetshyte autre penseacutee dEacutepictegravete Sois libre malgreacute le monde
Mais la force du monde est infinie lloyez-le par rapport agrave la lorce de lindividu el le monde est enshycore anarchique el deacutesaccordeacute
Etre droit et eacutequilibreacute cest sisolcr difleacutercr du ruishy
lien et pOlir reacutesister il liuflncnce Iunc force si puisshysante influence dailleurs nerveuse cest-agrave db c pll~sqlle
physique ct ne venant pas des id(c- i-snes seulement de ces sensations passagegraveres que VOliS aimez je crois que
lhomme sain ne reacutesiste qucu sclcvau l tregraves haut cl en
bacirctissant autour de son acircme (les murs de diamant
- Vos ideacutees sont bien daccord avec votre forme exteacuterieure reacutepondit Gand I(~ crois voir une jeune filshyle de lantique Chaldeacutee dans le calme de ses regravevcs plirs
allant la cruche sur ln legravete puiser lcau bicntaisantc
Vous vivez plus avec les eacutetoiles quavec les hommes et vos yeux longs (jolientale hlonde reflegravetent ra nosshylalgie de lideacutealiteacute Moi jni gueacuteri celle nostalgie peut
ecirctre cette gllelison est-elle lin amoindrissement Ccpenshy
danl vous saurez heacutelas un jour que les pensees les
plus belles viennenl toutes de ces sensations nerveuses qlle vous croyez infeacuterieures souvent niegraveme nolre intelligence deacutepend de la fnccedilon dont nous avons digeacutereacute notre deacutejeushy
ner et tout nest que sensation
Cest pourquoi la musique est ma vie Quy n-t il an monde agrave cocircteacute de cela le me repreacutesente la terre comshy
me un lien Ie lhomme doit taire vibrer de toutes les faccedilons et le plus possible sil vent ecirctre vraiment heureux
-t--~ - -
LA
et vraiment quelquun Quy de leacutemotion Plus
CONQUEcircTE DB LmEacuteAL 29
a-t-il dans la vie hors lin ecirctre est capable deacutemotions de
tontes les sodes plus il est inteacuteressant plus il existe _ Pour VOliS reacutepondre repris-je en soudant jappel-
le toute la Chaldeacutee il mon aide VOliS dites tout est sensation pourquoi vous contreshy
diruis-je A travers mon enfance entiegravere jai su gilldel la notion du reacuteel le parfum des loses leffluve des arbres les affections les deacutesirs les penseacutees eacutelaient un monde vivant autour de moi Dunivers en univers de
hauteur en hauteur tout est reacuteel je le sens Comprendre savoir apercevoir espeacuterer cest toucher
par un sens ou par un autre Ce qui nest pas en conshy
tact avec moi est inexistant pour moi et le seul et unishy
versellien entre le monde et moi cest la sensation Vous dites tout est vibratiou Daccord La vibration
exteacuterieure peacutenegravetre en nous sous forme de sensation
MaIS ne remarquez-vous pas vons-mecircme quil y a une
infiniteacute de modes vibratoires
Londe musicale est pour vous le type et le centre
des possibiliteacutes rayonnantes mais la vibration de la
lumiegravere celle de lamour celle de lintelligence Si le piano que vous faites reacutesonner est faux ou a
des cordes briseacutees en ecirctes-vous pour cela moins musicien et votre eacutemotion mal servie ne seacutemane-t-elle pas imshy
patiente et complegravete
Si mauvais interpregravete VO1S trahissez le geacutenial comshypositeur lœuvre splendide enregistreacutee par les signes
en est-elle moins parfaite 1 Eh 1 bien quand votre corps physique alourdi de
sommeil 01 eacutepuiseacute dinsomnie accableacute par lexcegraves ou le
--
~
- -~ ~ ~ ~ ~ l
SO LA CONQUEcircTB DE LmEacuteAL
manque de nourriture par lexercice iiuquiegravetude ou
toute autre cause devient lin mauvais instrument lin
mauvais reacutecepteur est-ce que londe intellectuulte qui
dans de meilleures conditions laurait fait vibrer harshymonieusement est changeacutee
Croyez-le il y a des sensations de tous ordres Les sensations physiques peuvent apregraves avoir eacuteteacute comme
un cristal transparent devenir ugrave certains moments comme
un voile opaque pOlir les sensations supeacuterieures elles
nen sont pourtant que le vecirctement et la manifestation
Et les sensations immeacutediatement supeacuterieures agrave leur
tour transmettent de la mecircme faccedilon selon leur capashy
citeacute des vibrations plus hautaines encore
Jgtonc agrave mon avis non pas notre intelligence mais
seulement sa manifestation physique ce (lui est tout diffeacuteshy
rent pe~t deacutependre œdune digestionraquo comme vous dites
Pendant quelques instants Edmond Gaud et moi nous
causacircmes encore Puis je me levai pour partir au
milieu du brouhaha mondain Et Jane Kousta lacirccheacutee de me voir sortir sans presque mavoir parleacute maccomshy
pagDB jusquagrave la grande galerie deFlIIt(~ ct sexcusa
- Tu ne men veux pas petiJeacute Micllcline 1 Jo tassure
que si je ne te demande pas de venir me voit un jour
toute seule cest quen ce moment cr-ia mest vraiment impossible
- Tu as trop agrave travailler lui demanugravelIi-je
Et aussitocirct je sentis brusquement que bien autre chose
que la peinture la preacuteoccupait et labsorbait Je la regardai Elle rougit Et ma penseacutee eacutevoqua aupregraves delle la sishyhouette affreusement antipathique de Ouilla urne Tnrn
Je me rapprochai de Jane et lui prenant la main
~ ~ -~ ~~ ~ l )--~
LA C01llQUEcircTB DB LIDEacuteAL 3~
- Mori amie Les choses seacuterieuses et profondes sont les plus vraies les plus douces celles qui donnent la sensation de dureacutee dagraveme de vie Crois-moi ce qui
senvole inutilement ce qui brille un jour pour seacuteteinshy
dre vite cest le neacuteant Tu te laisses entraicircner dans un tourbillon trompeur
et hi ny es pas heureuse Jane car tu vaux beaucoup
mieux que la vie que tu te denues
- Tais-toi interrompit-elle tais-toi Je ne veux plus penser au moins pour quelque temps
Ce qui me rend le plus triste ajouta-t-elle cest que
je suis jalouse et sa voix tremblait
-- Au contraire insistai-je tu devrais prendre le
temps de penser Ce que tu as de plus beau en tei
peut seacuteveiller Seacutepanouir et te diriger mieux
- Me diriger Et ougrave 1 Depuis des mois et des mois
je suis une pauvre nef ballotteacutee sur un oceacutean en teshy
pegravete et ea tumulte tu ne peux savoir Plains Illoi
ne Ille juge pas Michegravele
-- Ma pauvre Jane je ne te juge pas certes et je
taime 1
Tu dejaandes comment te diriger 1 Fais le silence ee
toi dabord et autour de toi des sensations et des deacuteshy
sirs calme ton excitation et eacutecoute la voix inteacuterieushy
re la voix intime et profonde de ton ecirctre soupireacutee
chanteacutee moduleacutee au fond de ton acircme
Jaurais voulu Ionguemeat parler agrave mon alllie mais
la sonnette seacutetait tait entendre et le domestique (l1ashyvraitla porte dentreacutee agrave deux dames empresseacutees et
vlubiles
~~
Je suis
LA CONQUEcircTll DE LrDjAt
Jane courut agrave elles le sourireaux legravevres et memshy
l2
~C~- -n-t -~ 1 _ 1 bull l ~
LA CaNQUETE DB tIDEacuteAL 33
alleacutee avec grand-pegravere acheler des fleurs puis j~i eacutegayeacute la maison des taches dor des jonquilles elbrossa ~n hacircte pour retourner ail salon en mecircme temps jai piqueacute dans lous nos longs vases les liges droites que ces deux arrivantes des boules de neige gonfleacutees grosses el candides des
Mais dans son baiser prompt je sentis loute la tendresshy lys eacuteclatanls si purs dans leur blancheur resplendisshyse intease dont elle esl capable et toul ce que son ecirctre sante et des lilas blancs ou mauves an parfnm tiegravedlaquodeacuteseacutequilibreacute farouchement nelveux contien t encore de
Enfin seule au-salon jeacutetalais dans une potiche basse profond de puissant el aussi cette capaciteacute quelle a
sur le piano habilleacute de soie quelques grosses roses au milieu dune vie factice el trouble de garder oushy
rouges lorsque la porte souvrit sans bruit derriegravere moi vertes des eacutechappeacutees lointaines sur les vastes espaces
Javais devineacute qui entrait Plus timide que dhabitushyillumineacutes et de sembler avoir toujours uae part de son ecirctre plongeacute dans un oceacutean daspirations pures et innomshy de je nosai me retourner
- Oh 1 Michegravele murmura Calvis comme VOliS ecirctesbrables devenue belle 1
Surmontant mon eacutemotion je marchai Vers lui la main tendue
Il la serra longuement dans la sienne et leflleumlura rlun baiser rapide
9 Juin Minuit f2 Je le trouvai bien changeacute Plus grand plus Iort et
plus fin agrave la fois Je le lui dis
- Oui jai beaucoup changeacute Michegravele reacutepondit-il Andreacute Calvis sort dici agrave lInstant el je nai pas - En deux anneacutees dexil toujours seul aux pay~ loinshy
sommeil tains on comprend on senl bien des choses nouvelles
Quelle apregraves-midi agiteacutee jai passeacutee en lattendant je Ces deux anneacutees ont eacuteteacute dures Mais je ne les regrette me croyais moins nerveuse mais mon affection pour pas Elles furent pour moi une eacutecole merveilleuse qui lui souffrait deacutejagrave davoir agrave assombrir un passage du magrave ouvert la porte de mon acircme qui ma deacuteveloppeacutechemin de sa vie davoir agrave briser son premier lhe qui ma formeacute Celle eacutecole je suis heureux de lavoir
Vers ) heures jai joueacute du piano longuement et eue et cest agrave vous que je la dols Michegravele me suis mise agrave chanier cependant mes penseacutees sonshy
- Non pas cest vous Andreacute qui avez voulu partirgeaient tristement el impatiente jaurais voulu que
au loin et voyager Je ne vous ai jamais demandeacute celle les heures senvolassent plus vite Mais rien ne peut seacuteparationacceacuteleacuterer le temps que le bonheur ou le calme
3
J
34
r-lI- --- ----J JI 1 r-l ~ 1
TA eumlONQUEcircTE DE TrOEacuteAL
_ Vous aviez exigeacute que jaltende deux ans avant de
vous consideacuterer comme une jeune fille Comment penshysiez-vous que je pouvais vous voir pendant si longtemps sans vous parler de lunique espoir de tout mon ecirctre 1
Dailleurs cest votre grand-pegravere et mes parents qui ont
voulu ce deacutepart lis ont donc eu raison puisque ce long- voyage
vous a mucircri _ Mais parlons de vous Michegravele reprit-il Comme
vous ecircles devenue grande cl belle 1 Tous les recircves ltlune penseacutee toujours vers vous vous
aureacuteolaient moins encore que ne vous ideacutealise la deacutelishy
cieuse reacutealiteacute daujourdhui Voire casque dor est plus lourd et plus doreacute quaushy
trefois el la phosphorescence de vos grands yeux bleus
brille dun nouvel eacuteclal cl voile de nouvelles profonshy
deurs n eacutetait troubleacute Je massis sm un canapeacute el il vint
se mellre pregraves de moi _ Je suis tregraves eacutemu vous le voyez nest-ce pas ajoutashy
t-il lregraves eacutemu de me retrouver dans ce salon ougrave jai
passeacute de si belles heures de si doux moments de si chegraveshy
res anneacutees 1 Tregraves eacutemu de celle minute attendue appeleacutee deacutesireacutee
tant de fois el dans laquelle jai tellement de choses ugrave vous dire mais les paroles que je prononce ne corshyrespondenl pas il celles que VOlIS attendiez peut-ecirclre
el elles exprimenl si mal loul ce que je voudrais que
vous compreniez Je sens heacutelas quil esl facile de ne pas saisir le
bonheur qui passe
~-l j1 Jl-j1J Tl Jl Q
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 35
Et jaimerais savoir parler seulement pour ouvrir voh e agraveme el si vous le vouliez Lien ouvrir voire cœur Je menivre de votre preacutesence Michegravele mais je crains L
Jai une crainte affreuse deffaroucher loiseau melshyveilleux le papillon bleu
- Taisez-vous dis-je en liulerrompan l laisez-vous Andreacute Pourquoi vous laisser entrnincr pal vnlre penseacutee de poegravele avant de savoir ce que nous pourrons ecirctre lun pour laulre Apregraves une aussi longue seacuteparation
nous avons changeacute lous les deux el nous ne
nous connaissons plus Inlellectuellemenl jai parcollru
de grands espaces el le lieu de mon repos actuel est hien eacuteloigneacute de mes songesdautrefois
Aussi avons-nous preslllle il nous deacutecouvrir mainteshy
nant Parlons librement explorons ensemble les plus
complexes horizons de noire penseacutee mais croyez- moi
ne repren~z pas le dialogue ancien 1lt1 011 VOliS lavez laisshyseacute sans lenir compte du temps qui dans nos ucircmes il
depuis fail gerrnlI des floraisons ncuvelles
- Commenl pourrais-je VOliS parler librement 101sshyque Ioule mon inlelligence est annihileacutee pregraves de vous
par lextase de Illon cœur ardent cl enthousiaste
iumll~ ne sont pas des mols qui peuvent nous lapproshy
cher lun de lautre li mon amie ma chegravere amie
Le silence seul est leacutepanchement veacuteriluhle dies
yeux les yeux parlent si eacuteloquemnu-nt la langue de lacircme 1
Heureusement grand-pegravere entra agrave ce moment el intershy
rompit une conversation ougrave il IOPSUle quAudrlaquo sex alshytait je me sentais de plus en plus Iroide calme indifshyleacutereute
bull
jJrr
~
Il il III 1 1 r-~ 1] 11 Jl TU J~ J 1 ~ ~( bull ~
36 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ledicircner fut bientocirct servi el pendant Iout le temps quil dura jc me confirmais de pins en plus dan s cette conshyviction que jamais jamnis Calvis ne serail lOUI moi aushy
tre chose quun ami
Grand-pegravere et lui parlegraverent avec animation de la musique en Allemagne ougrave Andreacute avait passeacute six mois de la Chambre des Deacuteputeacutes et du Suffrage universel de Sarah Bernardt de Rostand des religions et de Mahoshy
met
De temps en temps je disais une phrase quAndreacute
approuvait toujours en mentour~rt dun chaud regard
de tendre et muette admiration
Mais une voix criait en moi que toute la partie la
plus haute et la plus feacuteconde de mon intelligence celte partie soupccedilonneacutee de moi seule cette vic pr(sque inconsshy
ciente encorequi me met en rapport avec lau-delagrave de mon ecirctre celte vie de certitudes mystiques de visions
merveilleuses dintuition nette et preacutecise cette vie Inshy
tente encore spiritualiseacutee mysteacuterieuse et profonde ce neacutetait pas Andreacute qui pourrait jamais la comprendre
la satisfaire leacutevoluer cc neacutetait pas Andreacute ~ui pourrait
jamais la cultiver et leacutepanouir ~
Lorsque dans la soireacutee grand-pegravere nous laissa dt nouveau seuls ensemble au salon Calvis reprit sa place
sur le canapeacute et avec une ardeur contenue il me deshy
manacirca
_ VOlllez-vol~S eacutecouter une leacutegende un recircve un
poegraveme qui me hante et que je nai pas eacutecrit 1
Je nosai refuser et il commenccedila
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL 37
- laquo Le lIalde recueillait avec ivresse le chant inteacuterieur Ie Iui versait sa lVTus~ O si tu es aimeacute disaitelle ruyonnc 11 Ile dlmallde pliS autre gloire
laquo 101 Elle la Terrestre qui taime deviens Inrt ct gllllld sois henu ct gillJde loi
laquo Crois Cil Elle iuvincihlcmen l el quelle soit ta magishycienne
laquo Tu contempleras son image radieuse et tu seras conshysoleacute
laquo Tu le suuviendrns de ses paroles douces et tu seras fortifieacute
laquo Happelle-Ioi Cest Elle Elle lunique la seule femshyme que tes yeux ont adm ireacute dans ce monde la seule que Ion ame a choisie la seule que til chair il deacutesireacutee
Celle-lit enfin qui sc donne il toi pour toujours COIlshy
finn te
laquo Sois fidegravele il la route quelle a traceacutee de sa main
cheacuterie et marche ardent vers le but sans voir le monshyde
fi Pour Elle
laquo lII jour III lallras conquise alors 10111 sera cuhue
et merveilleux raquo
Et voici JIU le Barde reacutepondait il la ~]ust en penshysant il sa hien aimeacutee
laquo Sur lin feuillet amoureusement choisi lhistoire est grllveacutee de nos amours ct de mes souffrnnccs et des lutshytes et des recircves
laquo Mon amour sy reflegravete mon cœur sy (st envole en ses plus hau taiues visions
laquo Cest la couronne de mon œuvre cest le livre dno mour
Il
_~__~==========iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiliiiI(iir--TT1rnliiumlmiddotlfllmrJInnlllllllll11111I_1_1bullbullbull11111111111middot11 bullbull 1 1
J -~ --1i1I~~~~~) J J 1 ~ ~ ~ 0 bull
ss LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquoltJe lui donnerai au jour beacuteni ougrave nous serons lun agrave lautre pOlir quelle y puise la confiance et lamour la fideacuteliteacute ct lenJhousiilsme la reconnaissance et la joie
( POUl quelle y apprenne la ~randeur de ce qui nous unira la merveille -de notre chaine dor lardeur de
ma penseacutee laquoSeule Elle le connaicirctra Et ce livre sera comme notregrave
jardin secret
laquo PJ1rc magnifique ougrave nous nous promegravenerons souvent ravis loin des foules loin des regards seuls seuls enshy
tre nos acircmes enlaceacutees en Ire nos COlPS attireacutes
laquo Irreacuteveleacute ce sera lagrave le coinecircde mystegravere ougrave lon se
retrempe aux jours de deacutesespeacuterance la fontaine damour
ougrave toute plaie sefface
laquo Le talisman fait de son acircme ougrave toute torce resplenshydit il sera le secret de la force silencieuse il SHa le lien indissoluble que nulle penseacutee indiscregravete naura souilleacutee
laquo Et apregraves avoir mis tout ce que jai de meilleur tout
ce que je sais de plus grandiose dans ces pnges jen ferai mon chef-dœuvre copieacute de ma main et je le
donnerai agrave mon amie
laquo Et un jour nous le lirons ensemhle en face de la
mer immense ct bleue SUI la haute falaise laquo Et middotpour qui~ ne soit pas profaneacute parce que nous
laurons graveacute dans nos acircmes je me legraveverai dans un geste royal et grave je lancerai dans Jabicircme lenfant
cheacuteri de ma penseacutee
laquo Cal ce sera un signe que jaurai renonceacute ft la 1510ishyre du monde pour la gloire dEUe
~~--- ~ )
DB LIDEacuteAL 39LA CONQUEcircTE
- Cc livre
Et un long silence accompagnera sa chute tandis quil
pll~sera magique eacutetoile dans le ciel recircveacute de notre recircve D
Apregraves un moment soudainement timide Andreacute ajouta damour il est presque termineacute Cest ma
vie Ile ugraveeux anneacutees celle des heures de meacutelancolie comme celle des heures despeacuterance
Le lirons-nous ensemble Michegravele avant que ne lenshysevelisse magnifique tombeau la mer fgtlysteacuterieuse proshyfonde insondable gardienne eacuteternelle de ce secret rashy
dieux de ce deacutepocirct sacreacute
Il parlait avec tant damour avec un prodigieux et
si tendre cnthousinsme que jen eacutetais troubleacutee et quun
instant jallais mecircme me laisser eacutemouvoir par lideacutee de cette œuvre damour conccedilue neacutee pour mourir et
mourant afin de lester le confident SIIcircl et fidegravele de deux acircmes unies
Mai1 aussitocirct je sentis plus fortemcnt encore latmosshy
phegravere miegravevre et presque malsaine dont cc scntiment mentourait
El (lune voix donce qui cherchait agrave atteacutenuer IJOIII
mon ami Allereacute ln rudesse dune pensee tellement eacuteloishyglllC de la sienne je Ini reacutepondis
- Ecoulez-moi Andleacute je vais vous faire de la peishyne p~IICC (lue je le sens un poegravete est comme exteacuteriorf
seacute dam son œuvre el ne pas vibrer il lunisson des mots et des rythmes ougrave il a mis sa vie cest le blesser
Et pourtant je ne puis laisser passel vers moi sans vous avertir leacutecho middotdun monde (lui esmiddott le vocirctre et qui manque non seulement de lumiegravere rnuis encore de force et de vie Heacutelas cest ainsi que les jeunes-gens recircvent
41
~44td-~Jp-middot~ 1 1 JI -- --)~ ~-
40 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Andreacute je VOliS parle ici avec mon amitieacute sincegravere el loyale
Vous pourriez ecirctre lin gl1lnd lin tregraves grand poegravete Vous savez laire eacutetinceler les mots passionneacutes et en vous eacutecoutant jai lII devant les jeux des visions de poulpre dazur etdor Vous savez faire jouer comshyme un orchestreles syllabes dansantes VOliS pouvez tailler lin vecirctement splendide capable de rendre visible limshypalpa ble Ideacutee
Mais votre Ideacutee nest pas assez haute pas assez pme [HIS assez coulageuse
Ce mot des anciens La Vertu cest aussi un monde un monde reacuteel celtl-Iagrave un monde qui se cousshyfruit
Vous vous consumez dans une sphegravere passionnelle que vous prenez pour le Cie
Cest de cela (lue je voudrais vous avertir Ce nest pas comme un artistc exteacuterieur agrave son œuvre qlle VOliS deacuteroulez lextase enfiegravevreacutec de votre heacuteros afin de nous montrer par de-Iagrave des horizons plus calmes votre heacuteshyros il est vous-mecircme vous lout entier VOliS ne conshycevant pas une destineacutee plus grandiose que celle de sabicircmer dans un gouffre damour
Cest donc vous-mecircme votre caractegravere voire philoshysophie votre infime conscience des choses (lui ecirctes enshyveloppeacute de ces bru mes 1011 rdernen t coloreacutees comme lin coucher de soleil pal 1111 soir dorage
Et moi jc suis hors de ces nuages
-Parce que VOliS ne maimez pas dit-il avec beaushycoup de tristesse
1 -f
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Laccent interrogateu- avec lequel il prononccedilait ces paroles me posait une question qui apportnit vers moi un e implorante attente Et comme jene me deacutecidais pns il reacutepondre reacutepugnant il la moindre dissimulntion mais troubleacutee pn cotte soulla nee _(II i III1jUlelltail aushypregraves de moi Andreacute ajouta dune voix mdallcoli(lue
- Oh quelle chose navrante que de revivre heure par heure les chegraveres journeacutees de Iautretois [ojeux de cet autrefois (IUC (lVPC UII peu dhuhileteacute 1111 peu de tenncite 1011 aurnit pu taire UgraveIlIP~ plus longtemps lon aurait pli deacutelicieusement prolonger et qui vivrait encore peut-ecirctre
llnintcnaltmiddot El alors ail serail heureux comme on lddt ~ ftrefois soi et Elle Elle la petite fille (lui riai] et qui
chantait qui ne sinquieacutetait pas de grandchose qui soushyriait aux regards de vos yeux et il la pression de votre main Mais non tout cela est envoleacute envoleacute plus loin
que les oiseaux snnvages que VOliS avez vu passer au-dessus de votre tegravete ail deacutebut de lhiver dans ICIlI luite vers les pays du Sud Tout cela est perdu perdri plus deacutefinitishyvement perdu que le navire (lue VOlIS avez vu sertir du port joyeux les grandes voiles deacuteployeacutees et qui nest jamais revenu jamais Que personne ne retrouvera parce que les vagues lont briseacute et quil est tombeacute au Iond d(~
la mel en lin lieu inconnu Et ill a 1111 morceau dl
mon lime dans ce navire perdu
- Vous ne doutez pas vous ne douterez jamais Andreacute je le sais de laffection profonde el dollce que jai pour Illon ami denfance Et cet ami si cher je veux quil me gnrde toujours une grandemiddot r place dans ses amitieacutes ~lais je voudrais je voudrais tant vous inspirer du coushy
-------------------
-- -- 1 ~ ~~-~-~ - bull 1 III ~ III T~r0
-~~
LA CONQuecircTE DE LIDEacuteAl 43 LA CONQU~TB DB LIDEacuteAL42
une force intense que je sentais monter et vibrer en rage de la puissance de vivre et de lutter aussi de la moi je l4r sa main dans la mienne et la serr nnt viveshybelle puissance feacutecondante et illurninatrice ment je tarlai plus haut en le regardant bien en face 11 Yadans le stoiumlcisme une racine tregraves vraie que neacuteshy
-- Si vous vouliez Andreacute si vous vouliez Compreshycessite le principe megraveme de la conselvation de la vie On peut tirer le beau et le bien de toutes les situations nez quels ltSOIS sublimes sont enfouis dans voire resshy
plendissante jeunesse et recevez de moi ce soir jeet comme la dit un penseur Nul na jamais le droit de deacutesespeacuterer puisque nul ne connaicirct avenir Mais il faut vous en prie un peu de ce courage lui pourrait illushy
miner votre chemin actuel un peu de cete foi enenvisager les eacutevegravenements avec couruge se chercher un nous-mecircmes celle foi qui transporte les montagnesbut heacuteroiumlque el suivre une voie droite qlli monte sans
Je voudrais pouvoir loucher voire agraveme et lallumer cesse
Accomplir un nohle ideacuteal cest toul ce qlle lon nouve comme un flambeau
de plus henu en ce monde Ne lu-isez pas ne brisez Ecartez ces vilains nuages ces brumes tipnisses et jamais rien que la vie OIIS don nt mais transformez troubles dont je vous parlaisfout-agrave-Iheure cl dont
je suis hors non pns seulement comme vous le croyez souvent Oh savoir se trnnsfomcr assez vite assez facilement parce que je neacuteprouve pas les mecircmes sentiments que
ceux que vous eacuteprouvez poar moi mais surtout je liens Andreacute pOlir ne pas snnnihilel contre les obstacles de agrave vous ll dire palce que j~ ne partage pas votre penshyln route Etre comme leau qui prend III forme du seacutee et que jai des conceptions inlellectuelles tregraves diffeacuteshyvase qui sait toujouls IrOUCl son niveau et qui ne renLes des vocirctreslaisse aucun vide Agil pour le mieux parmi les cirshy
constances avoir plusieurs plans pour la coftstruetion Le point culminant de la leacutegende que VOllS mavez de leacutedifice savoir prendre les mnteacutelIumlauJgt accessibles fait connaicirctre le geste somptueux qui la termine est et sans chercher lirreacutealisable ploglesser toujours cornshy une erreur me un homme vraiment digne de ce nom
Dabord vous preacutesentez cornmc une apotheacuteose la Un homme mou ami senllzmiddotvous comme moi tout
destruction dune œuvre dintelligence et damour Moi ce quun homme peut taire et peut devenir je ny vois quun sacrifice inuLile et coutre-nature une
Quelles limites existe-t-il aux lointains norizons de deacuteformation de la sensibiliteacute normale un acte reacutealisant
la penseacutee humaine une penseacutee chimeacuterique et deacutesordonneacutee Et comme Andreacute Calvis palaissail accableacute dune
Cest la neacutean tissement de reacutealiteacutes passeacutees preacutesenteslourde meacutelancolie dune deacutesillusion immense el cruelle et il venir pour lexaltation dune minute vaine
un sentiment de pitieacute me peacuteneacutetra toute Naurampient-illi donc jamais deacutesireacute le relire ce livre fJe meacutetais promis de lentourer despeacuterance et avec
L J J ~ l ~ f ~ t ~ 1 ~ 1 ~ ~ i 1 i ~ l~-~~--n n Ti
~5u r CONQUftTR na rmEacutee middot1 LA CONQUftTB nR LIDEacutelt
1
Non La pleacutenitude de la trame de la vil nest pas une chose si facile il atteindre quon puisse saul
pat neacutecessi teacute en (lnOlII1 des fi ls
El pourquni ne pas II~ donner aux hommes I~I~ poegrave
me chef-dœuvre ougrave tant deacutenclg-ies sont venues sinshy
carner Pour le poeacutelc et sa compagne ces pa~es sont vecues
donc deacutepasseacutees Ils vont vers des hauteurs nouvelles laissant pOUl
ceux qui les suivent cette marche dalhagravelle Toute la vie senchaicircne el se reacutepond rien nest
fermeacute Et ceux-lit dont la puissance laspiration le
geacutenie sont mulliplieacutes pI lamour ceux-Ill ont besoin
pOlll lenr lorce duellc dun chard dexpansion daushy
tant plus grand LIgOISIlI( il deux lst reacutealisahlc cornshy
me toutes petitesses mais il ne peut avoir iicu de
eontuun avec lheacuteroiumlsme el le suhlitue ~
Toutes mes penseacutees sont tourneacutees vers lutiliteacute tout
mon ecirctre seacutecrie ( Que la vie sail plus helle que
lhumanitlaquo soit plus nohle )J El toute action qui ne
tend pliS vers cc hui me parait un gllspillage cl une
perle Au plus haul point le poegravete le formateur le roi
dl la rcalisalion active est chargeacute dune grave resshy
pnnsnhiliteacute Cest lui qui jel tc dans le monde sous
une forme intenseacutement attractive et assimilahle les
ideacutees Et dans le vaste conflit lideacutee de lHarmonie na
jamais assez dannonciateurs et (1( hagraveaulls _ Ah Michegravele seacutecria Andreacute en portant arrlemshy
ment il ses legravevres mil main qui encore serrait la sienne moi je vous dis si vous aviez voulu si vous aviez voulu
Je suis plus plastique lue VOliS ne le pensez vous minfluencez tellernent Et je reccedilois voire ideacutee et jen suis dynamiseacute comme Il un grand jet magneacutetique lui deacutejagrave me transporte et mexalte
Si vous aviez voulu si vous aviez voulu Cest VOliS qui auriez eacuteteacute mon guide et mon appui
ma III use Illon iuspirah-ice Oh vos chegraveres penseacutees
hautes et braves comme jaurais eacuteteacute heureux et fier de les vegravettr de mots fervents lumineux passionneacutes
eacuteblouis
- Mais si vraiment je puis un instant aider mon ami poegravete pourquoi croyez-vous ndleacute que je ne le
voudrais pas
Il se meacuteprit un peu ou peut-ecirctre voulu se meacuteprenshy
dre sur le sens de mes paroles et il reacutepondit tout bas
sans lever les yeux sur moi - Quel espoir merveilleux voulez-vous donc encore
laisser dans mon cœur
Aucun autre Ilue celui (le vous ecirctre toujours une
amie sincegravere et fidegravele - Vous concevez alors des relations veacuteritables contishy
nuant agrave exister entre vous Michegravele qui De vibrez quashy
vec votre intelligence et 1 malheureux qui vous apshy
partient tout entier et dont la seule raison de vine
eacutetait leacutetoile despeacuterance quil avait mise en vous
11 parlait segravechemen l cette fois dun lOB ironique
lui voulait cacher son chagrin Je repris avec douceur - Vous avez tort de me parler avec tant damertushy
me Illon ami lorsque vous devriez comprendre la soutshyfrance vive que jai de lOUS aire du mal
6
~ l _ -J l ~~~11
LA egraveONQUirE DE LIirEacuteAL
Je veus ai dit ne brisez pas ne brisez jamais rien
que la vie vous donne maistransfolmez souvent
Comme lon a tort de couper des liens lorsque ces
liens auraient pu modifieacutes par la volonteacute et suivant les
eacutevegravenements temeurer toujours La vie passe les cilconstances ne se r~trouvent pas
deux fois les mecircmes et il est presque impossible de regraveshyfaire plus tard quand on les regrette les anciens liens
briseacutes
Andreacute minterrompit gravement _ Pensez-vous q~e facilement jarriverai comme VOliS
le deacutesirez agrave faire fleurir mon amour en une saine amitieacute
surtout surtout Michegravele si un eacutechange actuel subsisshy
tait entre nous
Ne songes-vous pas agrave Ja douleur que jemporte ce
soir en YOUS quittant apregraves que vous mavez verseacute tan t
de beauteacute tant de gracircce tant de lumiegravere et lorsque
telle quune pluie llautomne deacutelicieuse et cleacutemente vous avez baigneacute mon acircme deacuteserle assoiffeacutee avide
comme ~ne terre brucircleacutee apregraves un lourd eacuteteacute
Comprenez-moi je ne veux pas dire oh 1 loin
de lagrave quil soit bon de jouer pour un temps avec lil shy
Iusien de ce qui ne peul pas ecirctre Tant que YOUS
souffrirez en recircvant agrave vos recircves eacuteloignez-vous retirez
votre penseacutee si cest lagrave Totre moyen le plus doux le
plus sucircr de tranformntion Oui certes nous avons droit
ehacun agrave ce qui nous est propre
Seulement si vous Touiez me croire que cet eacuteloishy
gnement soit tempolaire que cette seacuteparation nait rien 4-irreacutevocable Car il me semble que la douleur ne peut
LA CONQUftTR DE LIDEacuteAl 17
avoir dacircpreteacute dans des liens qui se perpeacutetueat et
que en deacutefinitive tout ce qui unit est un bienfait
Mais je vous sens las et je voudrais savoir vous dire quelque chose de large et de sain qui vous fasse vraishy
ment du bien
Je serais moins triste de la deacutesillusion que je vous
cause si vous vouliez garder en souvenir de moi un
peu despoir un peu de force et UD vouloir defforts
URe foi rebuste dans la vie si impreacutevue si riche si
ianombrable
Soyez eacuteneacutereux envers elle onnezmiddotlui abondamment
faites de la joie autour de vous faites jaillir partout
de lespeacuteraace ne chutez dans vos poegravemes que le
courage lalleacutegresse le respleadissement des mershyl
veilles humaines appelez deacutesirez attendez eacutevoquez
sans cesse le bonheur 1
Il viendra on jour mon ami 1 je vous le promets
et je vous le preacutedis 1 Neacute formez rien en tristesse et
en deacutesespoir entourez-voas dune atmosphegravere sereine
tout apprschera de vous en beauteacute en douceur
Ua poegravete agrave dit Œ Celui qui chante au dieu un
chant despeacuterance Terra SOR vœu saccomplirraquo
Aspirez lenthousiasme soyez vibrant de vie et palshy
pitaat de foi Soyez fort pendant leacutepreuve
Et je vous auaonce en certitude que votre jeunesse
silluminera bientocirct dun retour splendide de la desshytiaeumle lt
Et je parlai je parlai loateps eacore sentant que
je tenais egrave soir comme dans mes maias Le cœur dhomme qui Tibrait agrave cocircteacute de moi j longtemps encore
9
J
LA CONQUEcircTE LIDiAt48 DE
je renveloppai de visions radieuses comme on en vemiddot loppe chaudement lin petit entant qui tremble de troid
car sa meacutelancolie cherchait il recevolr mou optimisme et sa lassitude buvait agrave flots [eacutenergie cl lenthousiasshy
me dont je cherchais agrave le reacutecontor ter
Puis GIandpegravere vint timidement nous interrompre
Mes enfants il est pregraves de minuit _ Heacutelas murmura Andreacute dune voix tregraves basse que
seule jentendis heacutelas heacutelas heacutelas Voici avant longshy
temps ma derniegravere joie finie
Crandpegravele un peu gecircneacute souriant dans sa barbe blanche un peu inquiet aussi reacutepeacutetait avec bienveilshy
laace __ ~lons mes enfants Dites-vous adieu Et VOliS
Andreacute venez je vous accompagnerai avec la lampe
jusquagrave la porte du jardin
Puis il sortit emportant la lumiegravere poseacutee sur le piano NOliS eacutetions mnintenantdebout lun devant lautre
Andreacute et moi dans une demi-obscuriteacute relativeIeacutetais
eacutemue car tr~s violemment je sentais palpiter le pauvre cœur dAndreacute comme un oiseau blesseacute aux battements
dailes douloureux II sapprocha dun cornet de cristal poseacute sur la conshy
sole de marbre il cassa la tige Jun lys tt me dit
_ Vous permettez que jemporte ce lys Michegravele
il vous ressemble si pur si eacuteclatant si fier avec la spiritualiteacute dc toute Ba blancheur avec son grand cœur
tout en or
Sa voix si triste mimprcBsionnait
Cardez-le reacutepondis-je doucement
il 1 1 1 l J
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Son COlm dol renfertne un mot pour le poegravete laquo COli jltlgc ct Espeacutelltlnce raquo
Alors il hnisa pieusement Iii llcur puis il O1UImlll8 apregraves un moment de silence - IgteacuteSOllllilis ce mot sera ma devise
Et il sot-lit lentement du salon agrave reculons h-s yeux fixeacutes SUI moi comme sil voulait emplir 10llt son ecirclre el
tout son souvenir de Illon image il cet instant
Que la vic est mysteacutelieuse plisltllIe ail milieu de ccLle villlanie eacutemotion hegraves helle ltpli cherchait 1 me peacuteneacutellcl je me sentais entoureacutee pal quelque chose dinvisible qui misolait et jeacutetais appeleacutee loule vers lAuhc le RlHlieux (Ille je connais el ltlIC jignore
14 Juill
Depuis quelques jOIIlS jiiIuml peu de temps agrave moi cal je sens glillldpegravelC soucicux et firligueacute cl jc vis beaucoup ashy
vec lui Pauvre cher ganJpegravere Il ma tout-agrave-fail appIollveacutec dl IlC pas avoir retardeacute III franchise de ma
deacutecision il Audleacute puisltjlle jc sentais si nettement (lue mes
sentiments Ile leacuteponJlllicut jamais aux siens Seulement il leglclle hCiIUCOUP jc crois quil en soil ainsi Cu il a
une protonde envie dl me voir tIlHIVlt~1 bientocirct mon honshy
hCIII cl puis il alme tendrement cc fils de ses vieux amis
Il ml parle sn liS cesse dc ses idees SUI la vic ougrave les lem mes selon lui ne peuveu l ecircti lt~ complegravelcmcnt hClIIcusrs (lue dans lin mariage damour il vaille aussi le malillgc tregraves tocirct dans la toute jeunesse union infiniment plus normale plus saine pour la santeacute merule ct physiquc dunc rnce
50
JI-1 j 1 j iumlI -l r--l l-~ lJ -J r-J r-J JJ bull
L COSQUEcircTF DE L1D~AL
f
Hier jai reccedilu un mot tleacuteidculi de Jane Iousta Elle
me demande de bien ouloir ehantCl deux duos agrave une ~
soireacutee musicale qui a lieu chez elle le ~O Juin avec son amie Lucette Pager Iii tille du peintre El e1h~ insiste si
affectueusement que je nv CuX pas refuser Et agrave linstant jOllVlC celte lettre ltlEdmeacutee Torguegraves
1) lujn Manoir (le Ker-Nollhi1
( Oui Cheacuterie nous sommes deacutejil il Kel-NoUheumll laman
Guy et moi Notre tleacutep1 t sest lkcideacute si sllhitement que
je nai pas eu megraveme le temps de cauri temIJIasser Mais
Papa vient decirctre forceacute Je nous quitter encore nue fois
pour Mew-Y 0 11 Et comme il avait besoin de passer
quelques jours 8 son usine de Saint-Nazaire avant sa
longue absence (il ne sera salis loutc dl re lour quen
Octobre) nOliS lavons accompagneacute jusquici tous les trois
et il a preacutefeacuteteacute nous lluiller il Ker-Nouhi1 tout installeacutes
pour leacuteteacute qu de nous iuisscr laire sans lui 1111 Illois plus
tard le voyage compli(Ill~ (le Pai-is jusquici Aussi nous avons nIisIS un IOIlI de torce en expeacutediant
tous les preacutepillatifs en lin [our et une nuil Avant hier au SOil mon cher Papa nous li quitteacutes tregraves
courageux mais 1011 triste El maintenant 1aman cl moi nous tronVODS sans
nous lavoue l la gande maison bien grande et bien vide 1
Pour-lan l le mois de luin est une fecircte perpeacuteluelle un
eacuteblouissement enchanteur et le jardin nest quun fouilshy
lis de roses les roses roues et les roses blanches les
roses theacutes et les loses roses qui nssaillenl les vieux murs qui enlacent les branches qui surmonlent les
LA CONQURTE DE rmEacuteu 51
cimes des jeunes ormes et des ch(~nesliegraveges el qui se balancent au vr-nl pleines dUn parfum IOIIld comme de grands encensoirs
Puis devant la maison au hou] du champ hordlt des tamaris en 11(~UIS la Illel emplil jhMiwn la Iller
merveilleusom-ut changeante opaline el aZllIe tranquilshy
le ou anxieuse avec ses innomblables valiegravels de nuanshyces et sa musique eacuteternelle
Bientocirct Juillct i et alors tout lepanouissernent Iles
genecircts dQI des bluyegraveles des lavandes dcs cbegravevrc-Ieuilles
des œillets des verveines ci des grands lys sous le petit bois
Et je vienS te demander Michl~le si tu ne voudrais pas loi aussi veuil il Ker-Nou heacutel dans cc cortegravege de leacuteteacute
Cest mon recircve depuis longlemps tu sais de tavoir id
Ton cher grilndpegravele aiderait si hien ~lnan lemplir
les heures cruelles de Iubsence d loi ilia grande cheacuterie
lu me donnerais tant de joie tant de bonheur
Je ten prie vile un mot 111I mol qui nous tela 1011shy
ner ici de joie ct dimpaticncc L Cal jai lanl de choses agrave le dire raquo
Jai bien envie moi aussi ltatTivet Jans lenchanshy
tement de Kel-Nouluumll ail milieu ltIII cortegravego de leacuteteacute
Et pal celle lettre jni limpression dt~Ite a ppele vers
la Bretagne dune maniegravere si torle ri si prntoude ltlle
cela metonne presque malgreacute lamitieacute qui me lie t Edmeacutee
Mainlenant je me sens euveloppclaquo comme pal la
main dune feacutee de milles petits fils lumineux invishy
53
-- JI ~-- - JI JI JI J n LA CONQllEcircTR DE ImEacuteAL
sibles qui mattirent qui mattirent doucement mais
invinciblement
bull
16 Juin
Apregraves une longue seacuterie dexpeacuterimentations il ce sujet je suis arriveacutee fi me convaincre quc [es songes de la nuit sont dune infiniteacute despegraveces diffeacuterentes Comme
il y a plusieurs genres de sommeils qlle lon commence un peu agrave connaicirctre en sciences psychiques il y a plushy
sieurs tenres de recircves Dnbord le recircve ordinaire qui me paraicirct purement
ph) sique comme les exlrnva~nnl(s penseacutees du cervelet
pendant le sommeil tandis JIJ( la partie controcircleuse du cerveau est endormie comme hien des cauchemars
aussi qui viennent simplement dune digestion difficile
ou dune couverture trop lourde sur le corps
Cependant il y a dautres recircves (lue ceux-lagrave dont tout
le monde na pas connaissance d ailleurs mais seulement
les personnes sensitives Et ces regraveves me semblent venir dune partie inconsciente de notre ecirctre qui e se reacutevegravele agrave
~
la part ltle nous-mecircmes la plus nor-malemenl ctnsciente
et active que lorsque celle-ci est elllo)mie
Je connais une dame tregraves intelligente et aussi meacutedium
remarquable qui est toujours preacutevenue la nuit en recircve de tous les eacutevegravenements importants heureux ou malshyheureux qui arriveront dans SR vie ou dans la vie de
ceux quelle aime quelques jours plus tarltil
-~
i1
r LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Je connais aussi une petlte liJe de douze ans qui Il eu if y il deux mois lin songe asse curieux elle recircvait qll(lle cnlendaitllne voix lui crier Iorterncnt dans 101 ciJe Legraveve foi vile 101 lit 111 teacutecrascr
Acceplallt cel extraordinaires paroles avec la faciliteacute dont on il(elleiJlt tIi ri( souvent les plus soties ideacutees ell(~ IlIt prie rlllll irdelse ICllelll el se levant
precipitamment cuu ru t jusquau land de sachamhrc en
criant Elle J eacutetait il pein arriveacutee (1111 les g)OS ornements de bronze SlPP0llillll les lideillix de son lit tombaient dll pleacutellond en Inisant 111 tracas (pollvantablc
Le rlornainn rlu Bel est ceres illimite
Le monde est infini Le monde esl dune cornplex ie infinie
El je sais et je sens el loul mon (Ire atlirmlaquo ltflle certains de mes recircves sont des eacutealileacutel
Rt~aliles dun autre ordre sans doute actions acles et pensees existant POIl ainsi dire dans un domaine dif Ieacuterent un domaine (li est je leur existant dans une
partie plus subtile du Cosmos mais une partie qui
esl aussi reelle par lnploI il elle-mecircme quune main
physique est reacuteelle pal rapport il des yeux physirJlles Tout esl )cJalil
Celle nuit jai fail 1111 de ces recircves El il ma particullshyegraverement impression lieacutee
Jeacutetais seule Sll une haute laaise dans IR nuit imrneacuten se sans lune el sans eacutetoiles
Devant moi je devinai dans Jombre la mer-houleuse qui IrappnIcirct je locher et qui mariait sa plainte terrible aux lonis geacutemissemenls des vents
----
__ bull - J1-_____
1
04 LA CONqIJEcircTI DE LIDEacuteAL
UIIC alxid~ metreignait ct aussi une iltenle comme lespoir dun honheur
TOIII il coup le dei parucirc] souvr-ir d lin jel de lumiegravere
rudieuso en descendit qll1 Irancha lohscuritc
Puis 1111 nllage dDI el dlzu duue merveilleuse splr-nshy
deur se 101l1li au-dessus de caux illuminnn la mer
Cc nlligc apportait 111 grand calme (pli mc peacuteneacuteh-a Ioule cl qui ilpliia megraveme h-s flols pl les vcns
Alorsl1l milieu du nuagl huuiucu x je vis se (orrncr
progressivement et de plus Cil plus nettement lima~e
dun jeune ho III 11I( I(UII( rcsplcudissaute beauteacute cl donl
la physionomie n()hll~ el grlve sous les longnes boucles
bull1LA CONQUEcircTE DK 1IIgtJlAL 55
-----shy
o viens agrave moi f ocirc viens agrave moi raquo
Et le nllag-e Iumineus sembla se diwlldlc dans leau t lappilli Iio n ceumllete dispnrucirct
Comment rxpillllIeacuternolion jnmuis ltssrdie 11 jlshy
follvili lII (nlellllili Je 1II111mlllt de lltic voix iu ouhlinshy
Idl Cette loix lt111 i(~cnls tendres et gruves ((Ill voix
1 l1 i Il(lai (lII C()IIII1l(~ I~ prolongemcnl (1t linle eacutem lit
Des lthos(s infillis ct innomhrahles Sl~ pneisairnl Cil
moi remuees pal ClS PillOJ(S El ce mct laquo Souviens toi
avait leacuteveilleacute au fond d(~ moi-megraveme tO~lt UII pilSSC loin fain vndormi dalls IIIOIi ecirctre
Drs choses infinies cl inllolllhrahks contilluellcs veshybrunes semhl il contenir des mondes de Iorces el des mondes de penseacutees
Ses )(UX dor (jUII( protoudcur iuuumlnic rndinnts cornshy
mc deux (Ioills melllplissaient i1(middotspuumlilnce El lorsquIl mc pilrla une all(IsS(~ inconnue lit vibrer lout mon ecirctre
Souviens loi nie Iii-il Souviens loi Depuis laquoes siegraveshy
cles ct des sicclcs ln es il moi d (Ppllis des siegravecles el des
siegravecles j(~ tappilrlicns ilia hicn-aiuHl
Cherche-moi EL viens il moi
Sur la terre jardin en triche sur 111 lerre demeure
des hommes joyau des dieux je li1t1ends
o viens il moi
Nous avons dl plll I(~ monde dl~ ~Iarllirs choses il Iaire
ensemble (1111 de J(~t$ lalisel dl conquecirctes 1 pourshy
suivre (iioCspoils il Inn-e naIcirclre dc deslins il magnifier
Je reacutecoltes il moissonner dl victolres il remporter
nues de tregraves Ioin passnIcircPIII pilssairlll tians mon souvenir
cl sy pressaient lII foule avec des visions dEgyple et dCnde anlique
Ellolsle lappillilioll ceacuteleste disPilllIcircI la nuit etait
devenue le jou r Les eacutetoiles avaient dahord illumineacute le frlmnrncllt dc leurs millions deacutelincellcs dal puis le
solril seacutelai leveacute dans 1I11(~ lespielldissalilc aurore lfui PlIlflouplilil despIII11P lholizon dlloui
~Iols je meacutevcillai dans mil chlllhe close penetree dlin houheu r selin el mClveillellx
91 Juin
Oh 1 Silliall dl VII r k p01l1 piano lI violon crs pages si compldes de 1lIIlIS el L1sflili1lions ces cris de ddr esse June ame incomprise cette seacutereacuteniteacute espeacuteshy
tt
r _
- bull bull bull bull
iHi L~ ON(~ J Jh I~ DR LID( AL LA cUNQurhg UF LlDEacuteAL 7
lalit celle ruclaucoic el lItle glUgraveel charmantes sunrinnt
uvee houleacute devant a plwriil( duue vie qlli heurle le
~eacuteuic r l toutes (es (IIIols huutninr-s 11 dtSslI(CS l(IS
la cime nouvelle elllOle jillilais a lleiu le
Oh lCS plmii~)(s pliass illlpllises lillIes qui
surtenl du nI( el illi Il pl~IIII1l1 lIl dlic(lIdll l1Icirc plashy
uen l 1I11-desSlIs des ehmes 1 1l1i (lIelellelil (Il lillonnanl
le plus lumineux chern in pOlIr monter pillS halll cucurr
Oh ce second rnurccuu somhle d 11011(11 d IUIIe
la dOlllllll pesante iipn d (11111 qlli (lIilse le 111111
el (sil de lllIlislP lI l(S llvoiles vinlcul cs qlli hashy
versent el flIldelli la nuil 10111 (OllflllIir toutes les torees
du Ciel el ces cnthousinsuu-s dSPIIiIlIC( qui f01l1 sortir
de soi-mecircme comme IUIH)IIs plll la Itmpegravel(~ des sons
lmd igiell x d ((S llili 1(S dOlilolllCIISIS rnvnrc qui ensshy
seul hlqllelll(IlII(SSOI lII Ilrillll lespoir suhluue ri qlli
sillIgloltrd IUlIf has 1111 SIII ~rall 1(ITildl
Perulnu t 1( IllIl1s qui lllllllll si Ilill1Il11I1 quelque
rclI suuvaae el d(sol 1clqlll 11I~1I1le mannir sulishy
laire comin cel IIi dll le ade dl Tristuu javais hier
soir c1I1)I luu Iollsln pns dl moi la mailrcssc de la
maison lui Ille sllIddail vivrlaquo (II SOli 111111 IOIlI It drillle
puissant de les trois lrclIIilrs IlIUITliIX
Sun sourire orgll(illlu vuilai] sur SOIl visilgl dulle
pMen de 111 ilrllll ladlIh~ Jdless( d~ SOli 111)( el lIle
se Illait IOllil~ Irtlit- irnluollih tOCllllie 1111 sphYIIX eacutegpshy
lien dalls ulle mil Iloil( Sllleacute( doIumll 1IlI(Igeail lOllle lil
IJlilllchcul illquidalll~ d sa loillill lit SIS eacutepallll~s d
de ses hnls sl(lltlit1(IUlll nas
Une lose louge saiguail (1 S( mUllIail dalls SUII chigllOIl
deacutebegravene el cdaillagrave SOLI seul bijou
----
- IJe quel dtsil (j~(u portes-tu dOliC le deuil pensai-je
(II la rgil(lillIl hlllliis qlle dam Il lerilalif Ilagilll( passhy
~ilii h~ souvenir Iii Iillliise des phrases irnplugraveis(s cl lilshy
gllS du deacutehut CIS phrases qui sollelll ou reve cl (IIi Ill
peuveut en dscrlltln qui plilll(lIl ilu-dlsSUS des chosls cl
qui dlllc1wlIl lIl lilollllllnL h plus lumineu s ClllHlill
10111 111011(1 plus ha ul Puis la f(wIioll 1Ii11lanlr
de la lil illidc el solilailI Jlltulail (lIeOI~ tl de 1I0l(shy
veau je elllIlIlais ds veux la somhrt silholltll(~ de 1111~
(lui cerfaiuement frissollllilil 1111111 dlHmalillH illg()bsl~ el semhlnlt plIil pillilllIcolC
Puis llllleacutegrello 11glI eornl1len~a El Ct Iul la Iill SOIlshy
liillllr cllIn~ gllI si distillglleacutee ces llpollses tlt~galltes tIlI liHIIO 1111 violon duo tI(~ charmu enjolleacute cl impreacutevu
FIanck 1I01lS peignallt les hadillilgcs dilllUUI tlt~ 11lOs dl 1h(illr( d~ usse]
El 011 lun toup celll elllolle 1lIll1e qui lIOIlS lalll(lIt~ rlillIs ii joie dt ftITt ilplegraves 1ln~ lIlOllts s IIHlIL el
11111 ndosilJlI Siliw de ~Iitlt~ lalgl~lI fOIII (li Iiliss( au CIClIl 111 dlsir d~ 111111 illIioll
1 011 Iii IIlelill(lIse sOllale lIII 11 bien supllilu
l~nllIlt infelpllIeacutee pal e lcmilllJlIagtl liololish umand Cousin el Son paltellilile Pilulo Cegravezan
plegraves lue Lilcellc Pagel el moi IUIIS ellmes charlleacute lt~ jolis dllos de CllilUSSOJl IIne challIallltmiddot lillelle dc luilze
1IIIS enlevil SUl Iii harpe c1l1ollil1ilue L(s DlIlIses SashyCIllS et Plolilnts de DelIIISS)
1)lIdles inrplegtsiolls deacutelicieuses fll-i1i les lUllIlle
cllalll aeacuteriln Comm( I frissoll Illli1ire tlislallillts clmme
Ulle SOlllce Inurlllulalllc paleilles agrave UII soupit agrave IIne
(()Nllflh~ OR lIIlI~ A 1 1~
fumeacutee capricieuse Ugrave une vapellr qui seacutelegravevlaquo des riviegraveres
desseacutecheacutees ougrave Ileurissent les lauriers-roses el viln-anlcs
dune alleacutegTessc de vol dhilonddles qui (kchilltnl dlin
cli sl rldent le ~r(nd silence rlrs nlHIges dalltomne
Ilans C(S 1lilmts lcnls volu pl ucu x in((IIlillS ascI(S
enivres pllSSCll1 cl Iourbillonuuut en lg(S Iaulocircmes
les visions Iltnlallic(s liIIli0IlIltII(middotS el lasses des danshy
seusrs lvdiennes
Milis celle lascin aliou maniugraverce cl malsaine paleacutee de
couleurs faneacutees de deuri-Ir-iutcs impreacutecises a une odeur
dl poison cl de mensonge cl Debussy diffuse dans lair
des parfums subtils et Irouhles
En allant leacutelicitvr III jeune halpisle Il husard d la
cohue mondaine me Iacilif n nn 1(lc-il-I(lt impreacutevu avec
Jane
le n avais pu lui parler encore cl je lui demandai il voix hasse
-- Comment St lnif-il qlll ni lon amie Hose-Marie ui
Edmond (lIld ni lnuleur du 101 Hire ne soient ici
ce soir
Une ombre passa1I1 le hrau visage pille
- Edmond Gaud est en tourneacutee dans le n011 de lAushy
~Ietelre reacutepondit-elle Ouau l aux dellx 811 Ires (cl de
nOUV(llU elle me parugrave pugravelil plus encore) je ne sais pas
grilndchosc le les espeacuterais bien ce soir cest loul cc
Ilue je puis le dircmiddot
11 devinai toutes les souffrances de ma pauvre amie sa
singuliegravere passion pour ce Guillaume Tara et le caprice
de celui-ci pOUl la petite Itose-ecirclarie du Theacuteacirctre Franccedilais
II 1 II ~ 1J I~7
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL ~9
qui avail d chercher il enlever ft Jane un amant si utile pour ouvrir laccegraves des premiers rocircles
Iane ajouta - Tu avais raison ~lichegravele dl~ ne pas aimr-r lIos( 111( Illa si hilII lrahie
Malgl( 1~lIvil que jcil eus je Ilosai pas Cil er moment
lui la issr r voir C( (JlJ( pensais de lanliplllhiCfue Tarn Et je dis seulement
- Tu es si hltIIlt lan e PI si infiniment plus digne decirctre aimeacutee ]lH Ile lonl jamais su la pillpnrl de ceux
qui laimegraverent jllsquf1lolmiddotS Tu peux lembellir encore en
augmentant Il aulant ton esprit de luttes diniliative de
courage dendulallce que lu as souffert de deacuteceptions
dl chagrins de truhfsous dl deacutesillusiolls El tu lenshy
con 1lllilS enfin UII jour la slIll joie l)Iofonde el durable de
la vic un amour eacutegal il celui laquo(IIi sommeille en loi ri qui
lsi encore in lac] el plll palc Cf Ut nul na su leacuteveiller 11I1 amour digne lII fi 11 d( Il posseacuteder toute
iis 1 ce moment le comte Kousln sapprochait
-- Pardon lanlaquo veui llr-z vous occuper un peu de OS
amis cal il est lheure dl failI pass(~r au hu(fltl
El tandis que la noile silhouelle seacuteloignait apregraves ma
voir jeteacute un chaud rcglrd de lendnssp pour aller lljoindre
les groupes qui lranstormaicut ce snir le vaste atelier eu voliegravere le comte Kousta moffrit aimablement le liras
- Quel singulier homme Cfue ce mari affable lt1 comshy
plaisant pensai-je pendant quil me cOR1rlirnlIlail
SUI la faccedilon dont javais chanteacute Comment sexpliquer
de le lles unions Puis je constatai combien il avait
vieilli l maigri JI il peul -rire beaucoup souffert Qui sait
bull 1---- middot - 1 bull i
~ 60 LA CONQUKTE J)P LIIH~AL
-- -- ------__- ----------------__-shy
Et reacutepundaul dune lnccedilon distraite aux amabiliteacutes du
Comte de Jean ChellllY el de Magdelciue Lamarre isoler pu Il tourhillon lui se pressnil autour du huflcl je mishysolais plus encore en mui-m egravenu- tImil pensee poursuivi
son ((J1I1~ I( Comment SI fait-il It jaime lanl lou le la nature k Jane la vO)ilnl si dl~Iquilil)II dons UII tlill tfue jl~ trouve lelllIfII1 inhIIcirctlIr1 la il 11iI1l1t el PI(
Et je me reacutepondais I( C(~l Ilaprl~s milrf~ plu dans cz le monde pendant quelques mois je snis deacutejugrave d(~s~nshychanteacutee pal ek almosphegraveru tod~ (1 (aussI dt soireacutees des bals des 1heacutelti lres i nlJlIignre heacutelas cornrue de la deacutecadence dune eacutepoque ougrave lon sent que tout vouloir en lhousiaste geacuteneacutelf~u deacutesinteacuteresseacute lout apostolat pour sel vil mecircme une admira hie cause paraicirctrait ridicule et deacuteplaceacute tant ces steacuteriles Ianlnches modernes ont COIIIshy
plegravetemenl rempli leurs vies ri leurs ames de tous ces petits gtslfs de Inules ces petites paroles de toutes ces petites danses cie toutes ces petites penseacutees de feacutebriles
nrarionnetles chez lesquels larrivisme seul apporte encore UII pen de seacuterieux et de volonteacute
JIIi assez de ce monde inutile chic el improductif et parmi sa vaniteacute je sens ma grande lane comme une arne pleine et vivante capable de profondeur et cie progregraves
Elle est helle Loulageuse ardente riche de forces somptueuses el complexes mais ces forces nont pas trouveacute deacutepanchement normal il leur besoin de manifesshytation et elles ont deacutevie du chemin (Ir-oit pal manque de satisfaction parce que nulle rencontre JlIl eacuteteacute assez belle assez puissan le SUI ce chemin droit pour les lier pour les garder pour les eacutepanouir
1
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAl tii 1
Malheurense dans le cours normal de sa vie lnne sest preacutecipitee de cocircteacute et dautres
Et ce quelle cherche inconsciemment cest lutilisation de ses eacutenergies car il ny bull de bonheur que tians la manishyfestatioD
Il faudrait que celle superbe natur de femme puisse trouver une nature masculine pins intense encore quelleshymecircme qui sache la comprendre la domine r Jeacutequilibrer la diriger
Mes reacutellexions furent aors interrompues
Dans latelier la musique recommenccedilait
Paulo Cezare joua avec beaucoup dentrain et de brio la valse de Chopin en la beacutemol et la XI rapsodie de Liszt
Apregraves lui heacutelas un Italien vin] exeacutecuter sur la guitare
quantiteacute de morceaux longs et fastidieux Il eacutetait dailshyleurs un fort vinuese qui ellthousiasma lauditoire pal ses acrobaties vertig-ineuses
~bis ~randmiddotpegravere eacutetait fatigueacute cette guitare lobseacutedait comme moi
](ous nous en allacirc mes en sourdine
Ln musiqlle quel puissant levier pour faire vibrer notre ecirctre Quel connexion intime elle a avec nos nerfs avec notre imll~inalion avec notre acircme et quel grand domshymage de jouer si confuseacutement sm le lavier de nos eacutemoshyIious dl 1I0S aspilaliollsde 1I0S deacutesirs et de placer le centre harmonique dans chaque murceau dans chaque frag-rnenl 011 dans chaque cIIVIe IIU lieu de le mettre dans lensemble mecircme de laudition musicale et du pro-
Il
I------~$_---_---middotmiddot_-----------shy--- --~~- --------------shy------------======
~I ) j J 1 J j J ~ J W J 1 bull J 1 J 111 JI il il J 1 -L ~-
6 LA CONQUEcircTE DR LmEacuteAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 63
Flamme choisi de mecircme quun beau tahleau ne pourrail
suffire agrave satisfaire lœil dans lin salon disgrarielx et en
deacutesordre de mecircme lin beau moment musical ne suffit pas agrave faire resplendil uos eacutenrrgies et nos torees sil est
suivi de meacutediocriteacute ou de perversion
Milis quel sentit le musicien il notre eacutepoque capable de
traduire pal exemple la magnificence Je cette page qui
monte vers le Ciel conlhe une pyramide de gloire le canshytique dAzilriils dans le livre du prophegravete Daniel
El que de ressuurces lorgue aux mugissantes splenshy
1 ) j
Et voici que je meuvole dans le recircve de lUniteacute la vie ~ deurs le violon (peldu dattente la voix hUIIl aine eacutemoushy
vante inspireacutee innornbrahle la harpe aux accents mysshyest tout toujours plus de vie el la vie saglandit du tiques au langage fluide et visionnaire sans parler dechamp de lintellipcnce el linldli~ence seacutepanouit dans
lamour Et je recircve dune musique pleine dt vie wrnpshy lorchestre de sa prestigieuse puiss ance et de tous les
tueusement intellectuelle indiciblement aimante dont cuines aux sonneries triomphales
toutes les plnases sont calculeacutees non plus seulemenl tIl Alors on reviendrait dune de ces soireacutees enivreacutegt eacutebloui
harmoaie sonore non plus seulemeRt en ~uirlandes freacuteshy aYill t chasseacute pour longlem ps lou tes les pensees grises on
reviendrait les nerfs fortifieacutes limagination embellie lucircme missantes qui expliquent et dominent lin drame mais renouveleacutee avec autour Je soi dans les lointains feacuteeacuterishyharmoniseacutees il tous les dtgreacutes pour lapaisemenl la pacilishyques les scegravenes merveilleuses du Bonheur conquis de la cation laugmentation la uumloraisou inteacutegrale de la vie de Rencontre eacutelue lintelligence de lamour dirigees insuflleacutees agrave travers
lenthousiasme docile et confiant de lauditcur jusque Ce nest pllS ainsi que je suis lentreacutee hier Et encore dans les racines les plus profondes de sa vie de son intelshy une fois latmosphegravere artificielle des convenances monshy
ligence de son amour daines et des conversations insipides mil deacuteccedilue et attristeacutee Une musique volontail( une musique plmiddotopheacutetique Heureusement nous purloas bientocirct pour Ker-Nouheacutel
l1on la capricieuse arabesque des regravevelies philosophishy et lagrave je sais bien que la nature en tecircte et le ciel et la
ques mystiques ou sentimentales de lauteur ni les eacutevoshy mel et les fleurs et les arbres toujours purs toujours
cations de formes et de matiegravere mais la sculpture incesshy vrais toujours pareils el toujours nouveaux ne terniront
saale intense de notre ecirctre la symphonie du Courage de - pas mes recircves
lHeacuteroiuml5me la cantate de lArnoul lhymne dt la Victoire
loratorio de la Joie tout Iappel de lIdeacuteal sans heurt sans coDlraste dans lideacutee sans une plainte de faiblesse 30 Juin SaDamp une descente dans les labyrinthes lt111 regret dans
ManoIumlI de KermiddotNouhiq lobscuriteacute de la vie moindre fluant de tout son poids de
Apregraves le lon~ V()yIg(~ (II rhcmiu d( flr el ses troistout son eacutelan de eertitudes vers le bill lHomme changemenls de train Crund-pegravere et moi sommes arriveacuteslhomme plus grand lhomme plus hcureux
V J iumlJ v fJ V J 1 J J ij J ~ J 1 J f - il - H 1
_
64 LA CONQUEcircTE DE LmEacuteAL
hier agrave deux hCIIIes de lapregraves-midi agrave la petite gaIe russhytique de la lleumlrt ougrave Madam~ Torgnegravesiuml Edmeacutee el le jeune
GU) nous attendaient avec leur votture
Que] accueil joyeux el enthousiaste nous avons reccedilu el quelle belle heure amicale passeacutee dans le vieux lnndau tout fleuri pour ce jou r de tegravete de ~ends dor cr iant
leur or bien fort bien haut dans le lumineux soleil en ouvrant grande leur petite gueule casqueacutee donllhaleine est si parfumeacutee de fleur doranger
Tout le long de la rouir merveilleuse tailleacutee dans le
rocher qui suit la mer pendant huil kilomegravetres de Ln Heacutert il Ker-Nouheumll dautres grands genecircls dor eacuteclatants
au milieu des bruyegraveres roussies dressaient leur gloire
leur richesse leur noblesse liers comme les vieux seishy
gneurs de ces terres hrelonnes
Et tout cet or dans les loches violettes SlI loceacuteun
dull hleu fonceacute leacutepandait des chants ltl811ltgTlt~sSI des promesses de bonheur un ivresse lie lumiegravere de deacutesirs de feacuteconditeacute heureuse
Vive la vie meacutecriai-je
Et vive la Bretagne reacutepondit Edmeacutee
Et je repris
- Vive la joie
Et jajoutai Vive lamour
- Eh hien Michegravele sourit Gland Jli~IC
En arrlvant agrave K~r-Nouheumllccfulent denouvenux eacuteblouisshysements
LA CONQUEcircTB DE tIDEacuteAL es
Oh ladorable vieille maison en grosses pierres eacutepaisses qui lui fout des murs dancien couvent et luge longue Lasse ct couver-le dun siruple toit hor]shy
zontal tout JI oit ltfui Iorme la plus commode des tershyrasses
Devant elle un pelil chemin de passage puis un champ tout blond et lumineux bordeacute de lamaris ces
jolis arbres marins dont le feuillage nest quune JUID~e verte et la fleur une fumeacutee lose
Au bout de ces deux centsmegravetres de thbmps18dubegrave
blanche et lumineuse aussi et les loches violenes puis
la mer la mer profonde el mlljcslueuse changeaole bull capricieuse la mer immense et toujours belle
Mais la plus jolie sUJIiseest eacuteserveacutec encore il fugravel entrer dans la maison taversel la glarllic stllie li h1at~h vitreacutee dont la baie sureacuteleveacutee domine loccall haefs~ aussi le salon vieillot 1UX meubles anciens Ilui eumltcittts suranneacutees et puis ouvrir la pollc-f~necirctte qui donncSliilt penon du jardin et alors le legallt1 eacuteUlelreillecirc seacutelend~ijl une feacuteerie
Comment deacutepeindre ce vieux perron agrave double escliliegraver engutrlandeuml de oses ougrave chacunc des larges maloches
csl bordeacutee de trois poIs degeacutelapiuws de ces merveilleuses
espegraveces de geacuteraniums si sonores quils semblent HoIumll
retenu en eux la lumiegravere et lalllclIl dt ltfucllfue f1aIQshyboyant coucher de soleil
Comment deacutepeindre la souplesse des lignes COUIO~CS de celle longue pelouse verte doucemeu] vallonueacutee rt encadreacutee tantocirct Je massifs opulents el d~boldjlnls duue exubeacuterance de fleurs tantocirct ltle hautes luliies de peuplicl) dItalie et de peupliers-helllbies au frileux feuillage
5
J
~ ~- ~ 1 V 1 f ~~-J ---w ~ t11 ) AI
66 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
ltli~eiteacute tantocirct deacutenormes touffes de lavande qui jettent dagravens hiumli~ embaumeacute leur jolie note violette et tantocirct de y~ccas depalmiers hauts et maigres de figuiers lourds qugravei~eumlvOque~t lOrient lointain
Et sous les arbustes dans le plein soleil court un ruisshysellen1ent de loses dheacuteliotropes aux senteurs de vanille J~ dahlias dœillets de fuchsias lie lobeacutelias dun bleu de
roi etagravee mauves louges et de jasmins de reacuteseacutedas de pavoIs superbes de glaiumleuls hautains et toutes les varieacuteshyteacutes-dune flore deacutebordante innombrable
Auuml tond du jardin se dresse UA bois dormes de hecirctres
er 4efrecircnes un bois profond calme et grave tans le deacutelicieux dessin de ses petites alleacutees sinuaules et mysteacuteshy
rieuses il est impreacutegneacute dune atmosphegravere intense parejlle
agrave une acircme eacuteparse et flottante parmi la haute futaie et dans le taillis eacutepaisdes centaines et des centaines de touffes de lys blancs et de lys louges bordent les sentiers et achegravevent pal leur couleur et leur parfum mystique cet
aspect de bois sacreacute exhalan t malgreacute leurs odeurs mielshy
leuses des penseacutees de pureteacute et de paix
LOls(lue jentrai dans ce bois je fus plus impressionneacutee
et plus recueillie quen peacuteneacutetrant dans la plus haute et la plus fervente des catheacutedrales
- Voici notre Bois des Lys (lit gaiement Edmeacutee
El je ne pus mempecirccher de lui ltpondre
- Lagrave il fant parler agrave voix basse
Sens-lu Edmeacutee toute lambiance (lui demeure ici On dirait que de grandes choses humaines se sont passhyseacutees derriegravere ees arbres el quils sont impreacutegneacutes de soushyvenirs puissants et lourds Cest un temple de Recircve et de Secret
LA CONQUEcircTB DB Lmltn 67
-- Je te lacontclai reprit E lmeacutee bien des leacutegendes bretonnes sur le Bois des Lys
- Ah Cest un lieu leacutegcndaile Je lalIai devineacute Des Ieacutees des auges et des geacutenies sy promegravenent ugravelelU~lIt pendant les soirs de lune vois il y a SUI ce rocher COUVClt de mousse lempreinle dune main de nvmphe Ougrave est donc la SOIIce enchanteacutee ougrave clic doit saller haigllel t
Edmeacutee sourit - Tu es eacutetonnante fit elle III sais (IIC tu dis vrai ct111le la SOlllce (le la feacutee (ICi Ly~ e-t tout aufond du bois
NOliS lIOUS sommes assises tOlites deux SUI le jocher moussu
- Cheacuterie commenccedila EJmie en me uren mt la main je suis sans lloute SUI e point de reacutealiser bien lot ie recircve de ma vic
- Tu aimes f dis-je
Je le crois
Til es aimeacutee f leplis-je en lemhrasant avec eacutemotion
- Je lespegravere
Et comme je multipliais alors les feacutelicitations joyeuses et les questlons presseacutees Edmeacutee mintelTompil
- Pas si vite Michegravele pas si vite Rien nest certain encore rien nest deacutecideacute ni mecircme COmmenceacute Mais mil
nature timide et lroidlaquo (lte tu counais bien sest eacuteveilleacutee
agrave UII eacutelan tel quil me semble impossible (Ille celui (11I~ Il
ainsi remueacute mon ecirctre ne soit pas celui-Iagrave megravem- (lIi lapaisera et Ieacutepauouu-a
- Qui est-ce cOIDn~1I1 le counats-tu
---------------
- J bull 1 1 --- bull il J 1 ~ I~ 1 ~ 1 iiiiiiiumlI C -1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL68
_ Jai dineacute avec Jean-Reneacute Formant il y a pri~s dun
an chez UII dc nos cousins et deacutejugrave ce jOlll-lil javais
eacuteleacute attireacutee par son altilude silencieuse et silencieuse
de ce silence qui est vibrant de vie el dintelligence
javais eacuteteacute alors fascineacutee par ce Iront lumineux et calme
par ces ~rands yeux eacutellanges qui paraisscnl emhellis
encore des reflets de hcuuleacutes cntJevucs ou de mystegraveres
compris
Depuis je navais plus rencontreacute MonsieUl Formant
el aussi je lavais presque oublieacute
~ Comment l lu avais si profondeacutemenl remarqueacute ce
jeune homme el lu navais pas mecircme essayeacute de le reshy
voir _ Quaurais-je pn taire
~ Nimperle oo enfin continue ma petite Edmeacutee
--- Je lavais donc presque oublieacute oIS(IUC le) juin
dernier quelquun mania dans notre corapartiment de chemin de ter au morncat ougrave allait seacutebranler lexshy
press dc Paris-Nantes el cc quelquun
_ CeacutellIcircllui meacutecriai-je
_ Justement Je le reconnus immeacutediatement mais il ne saperccedilul quan boul dun ccrtain temps quil se
trouvait au milieu de cette famille avec laquelle il J avait dicircneacute chcz Lucien Torguegraves quclques mois aupashy
ravan t Papa cl lui se mireul alors il causer el quant agrave
moi ne me lassant pas de ladmirer je buvais agrave flots
ses paroles et ses penseacutees comme 1011 boit une eau
exquise Ce long voya~e mc pa ru t ne dul(1 quune scconde
Et dcpuis lespoir du OOllcHI Iwt ltJe laile autour dt
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL r 69
mon fron l
lII dois donc le revo ir
Oui d hientocirct Il palait de Paris pour aller - retrouver sa megravere SUI une pla~e du Finistegravere
Ali houl de Ilois semuiucs il (lli(~ra cctte plage PI
Ina il lIcirc((I Il( paril d(s (ltIcircles hrelonncs cornrnc il
passera agrave Ker-Nouheacutel lapa la iuvilaquo ugrave venir nous voir et il en ~ palu tregraves heureux
Joyeuse Ellm(~e parlait doucement cl souriait en proie il un tOlIhle d(1ica
Elle me dit la vie helle ct seacuterieuse de lean-Reneacute Formant qui trnvnil le ltlprernent SUI Ini-megraverne ct qui
n donneacute aussi toute sa delle jeunesse et SOli avenir lucile n une glandc œuvre dIlartuonisnfion Humaine
Cette œuvre Edmeacutee me pm-ait la comprendre encore
assez mal mais elle admire tant lapocirctrlaquo que sa cause aussi il tout son respect
j
Cependant il mesure que jeacutecoutais avec affection Edmeacutee qui faisait en moi deborder SOli cœur sensible
trop plein d(sp(ocircrallccs cou tenues il me snmhlait que Ic
jeune homme quclllaquo aime est pIIS profond llus haut
plus inlelligcld (11Ie1le Luhncrn tmiddotil Poullallt elle sc
donnera sans doute il lui toute entiegravere avec labandon complet de sa nature simple chaudr- amoureuse el pcnshysive
Chegravere pelile Edrn(c Malgreacute ses vingt et un ans elle mappelle en rinnl sa sœul aill(~e et elle dit vrai cest
lin peu moi qui rai cOllduite cl plokg-(e jusque lagrave cl
aussi jnuruis 111I vrni bOIlllt1I1 si ic P(OX hien locirct voir sa vic construite et assureacutee dans lin azur tregraves doux (pli
a 1 bull bull 1 1 1 ~ 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ~ J1 1 1 1 J
70 LA CONQU~TR DE LIDHAL
bercera sa lregravele joliesse
gt Juillet
6 heures du malin
Devant la fenecirctre ouverte qui laisse entrer un peu
de linfini dans ma chambre avec lail matinal frais
et leacuteger lodeur du varech et la vue magnifique du ciel
elair et de la me l bleue je viens deacutecrire longuement agrave Jane Kousta
Une leltre inquieacutetante de Lucelle Pager reccedilue hier
soir ma avertie pour ilia pauvre amie dun certain
danger que je ne comprends guegravere encore mais qui me
tourmente
laquo VOliS comprenez que si je vous eacutecris ainsi chegravere
Mademoiselle dit la lettre de Lucelle cest parce que je
sais la grande influence que vous avez sur Jane el
que je la crois vraiment en danger
Il Vous ignorez peut ecirctre que le Comte Kousla a
demandeacute le divorce ct bien (JIll celle seacuteparation ne
eaase pas de chagrin agrave Jane sa situation va ecirctre comshy
plegravetement changeacutee Cal elle a eacutenergiquement refuseacute
daccepter quoi que ce soit de la grosse fortune de son
mari
Vous ignorez peut-ecirctre aussi la grande douleur
quelle II elle derniegraverement en mecircme temps quune
deacuteception Jamitieacute et quune blessure grave damourshy
propre
laquo Mais vous connaissez sa nature violente emporshy
teacutee orageuse et vous pouvez vous imaginer la deacuteshy
tresse aeluelle de celle lionne abattue
Il Je vous demande donc chegravere Mademoiselle daller
ri
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 71
lIU plus vite voir notre amie de lattirer-agrave des ~()n
fidences et de la diriger vers un espoir reacutealisable que
votre en-ur el votre intelligence sauront trouver l facilemenl raquo
~
le suis bien reconnaissante il Mademoiselle Pager 11 mavnir avertie ainsi
- ~
Seulement je ne suis pas agrave Paris ct malgreacute la
longueur de la lettre (lle jenvoie agrave la helle lionne
attristeacutee jaurais eacuteteacute plus sucircre de lanimer en elle 1 flamme de lespeacuterance ct du courage pal une conshyversation in lime
Rien ne peut remplacer leacutechange du cœur to~t aupregraves du cœur
Pauvre grande Jane que na-t-elle rencontreacute ~U1 Son chemin deacutesert la main assez puissante 1011I lenshyt rainer vers les cimes radieases
~est celle rencon lre que je lui souhaite si 1lIemshy
mentvcest pour celle rencontre (Ille je la supplie dans ma lettre de rester forte haute belle et droil~middot
Et je dresse devant ses yeux par dessusto~t~~
les figures du passeacute triste et morne une flgure slIper
be la figure de lavenir de cet avenir si souventfait
de noIre preacutesent de cet avenir que nous devons tacirccher
de formel en or et en diamant pur
le crains tant que Jane ne se laisse tom bel lJus
bas et aller agrave la deacuterive par deacutegoucirct de sa vie manqueacutee
) Juillet
Les jours passent Lesjours plissent et passent
ii - _
ll ( i 1 i J i i j 1 3 l bull A J i 1 1 1 1 ~ -1 ~ 1 ~-I ~
7 LA CONQUiTE DE ~IDiAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 73
nec une rapiditeacute cruelle dans latmosphegravere de ce Kershy
Nouheumll dont on aime chaque heure davantage les axshy
pecls les arbres les fleurs cl les prairies el les sourshy
ces el III mer
On dirail quil plni] il leacuteteacute decirctre radieux pour
tecircter ces belles journeacutees paiaihles
Mais elles passent toujours plus vite et le temps
inflexihle dit il Ioule minute qui senvole Adieu minushy
te Tu es partie maintenant Tu ne reviendras plus
Le temps manileste III Justice la Justice stricte
sana chnriteacute lorsquon la gaspill( il ne le pardonne
pas
lt1ais celui qui cherche il toujours graudir nuhlic
celle rigueur ct ne peut sentir le regrcl steacuterile des
extases envolees lal lheure suivante apporte en elle lespoir nouveau du progregraves Iulur
Et jaime ladmirable fin du Second Fnust lorsshy
que Meacutephistopheacutelegraves vient leacutedamer larne du vieux Docteur qui doit lui appartenir sil agrave reacuteussi l la sashy
listai11 Faust en homme de deacutesirs en aspirant inlasshyable quaucun progl egraves na rassasieacute quaucune joie na
endormi peut lui reacuteponure vicloricuscment
laquo Si jamais jai dit agrave llieure arrecircte-loi raquo
Et devant lui cest le ciel qui souvre
Pourtant on devrait cherchcr avec amour la posshy
sibiliteacute de prolonger la vie en lriornphant pour ainsi
dire du temps an lieu dorienter les merveilles des
deacutecouvertes de la science moderne vers des engins de gU(IIl YeIS daffreux moyens de dcstruction
QueU~ tri~t~ss~ agrave la reJl~eacute~ des efforts et du tlavili
bull
ql11 donnent certains cerveaux de geacutenie pOUf arriver
il perfectionner la lulle de lhumaniteacute coutre lhumashy
niteacute lhorreur cl la ddlessc des combats brutaux
ries sOlllfrarJ(es et des morts augmenteacutees
Si tous k-s hom nu-s voulaient cons lruire au iir-u dl deacutetruire sils voulnicu Iormer el beacutenir nu lieu de d(filir(~ el d(~ maudirt- les vieilles lorm ules eacutetroites les
IIIUIS des cachots sombres e des forteresses prOOCilshy
tric 5 Iumhernicn t Iiell vite t~1I ruines devanl la mashy
g-nifieerce des pells((S neuves cl des palais splc~dides seacutelevant sur Ioule la lcrre sous la caresse du grard
soleil
Pregraves du sol de cette merveilleuse Bletagne leacutecrnde
el complexe comme lon sent ce que pOllnail egravetre la
vie si elle neacutetait Iausseacutec par lnrtificiel ligneshy
rance ct les perversions des sncieacuteteacutes miegravevres ct
su perficielles
Quelquun a dit laquo Lhomme meur de Inirn au milieu
d(~ laholldancr))
Cst vrai l)lIeik lnmile PilUITC sai combien Iarshy
g(~m(lIl eIe pnurta i s(~ nuurt-ir avec d(s plats dorshy
ties des haies dilllblpinces algues de la mer des
pousses de pin el avec lan l de substances encore si
repandues et si utilisables
Lhomme meurt aussi de rhagrin au milieu de la joie ou de douleur lorsque la vie mieux comprise pOIIImiddot
lail diminuer tant de maux lant de souffrances et
pourrait lII llvauche apporter tellcmeut de reacuteconfort
Le poegravete des laquo Ames Vivan les raquo a penseacute qlle Cl 1)lIllqlltlois la vie celle (orme de la jouissance seacuteton
pl el pleure parce que nous ne la comprenons pas 1
-1 1
H LA CONQUftTE DE L~DiAL
Mais comme la vie est souvent inconsciente cest agrave lhumaniteacute intelligente quapparl ient cc rocircle suprecircme de lintellectualiser de leacutevoluer de la rendre toujours
plus consciente rie ce dont 111( a hesnin afin (lfi 11(1
Ioujours mieux (1 toujours plus vers 1( bonheur
Edmeacutee me disail ((~ malin une palolt~ de lenrishy
Rtneacute Forrnnnt laquo Le (III dt-voir de lhomme rst de
rendre lhommlaquo plus heurcux l raquo
Comme je partage cc senlirnent
Pendant des heures entiegraveres nous parlons des proshy
jets dEmceet nous passons (nStlllhle de bons moments
tantocirct assises Slll 11 haule falaise qui domine loceacutean
et dolt la vue seacutetend sur nue cocircte de roches lantasshy
tiques sans cesse hatlues pal les vagues chantantes
tantocirct allongeacutees SUI le snhllaquo chaud fin et doreacute de la
plnge tantocirct dans le jardin riant et emhaullIeacute de fleurs
el aussi dans lltl bois des lys que jaime comme ou aishy
me une acircme solitaire qui garde un mysteacuterieux secret
Pregraves de la source de la Feacutee il y a deux gTands
saules pleureurs qui cachent 1111 vieux dolmen tregraves
beau dans leurs branches basses et caressantes laime
masseoir SUI ce vieux dolmen et degraves quon a peacuteneacutetreacute
sous le feuillage mouvant ct deacutelicat des saules on pour
lait se croire perdu car on ne voit plus rien ni devant
ni derriegravere soi que ces feuilles fines tremblantes et bull innombrables comme une eacutepaisse dentelle verte
La source chante doucement un ruisseau dargent
paraicirct heureux de naicirctre lagrave et traverse les Lois en
zig-zag refletant agrave travers leurs ombres les taches dor du soleil qui dansenl el miroitent sur leau claire
Sous les arbres des touffes de monnaies du pa-
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 75 ------gt-- -------shy
pe hieacuteratiques et droites semblent des verges sacreacutees
fleuries pal UI1 miracle et patineacutees pal les lAyons lushynaires dont elles ont la pilleur ( leacutelrnujre lclat noclurne
La pdile slthoue lle mince dEdmeacutee anime ~entilllenl
la heauleacute de 1(1- ouhl1 mais (II(~ est hors de Ct qui l(nloure ct 011 la SPlit perdue lhorizun infini dHIS laagrave
douceur de ses recircves
Pourquoi parfois llla me lait-il souffrir de Iii voir
ainsi recircveuse le crains pour elle une deacuteceplion un
chagrin peut-ecirctre
le suis cependant lemplie pal un espoir i rnmense qui vit en moi ct de temps en lemps une appreacutehension
triste vient me surprendre
Allons Michi-ll Slcoue la poussiegravere des ideacutees g1Icircshy
ses ltfui alourdit inufilcmenl tes ailes et avec de la vomiddot
Ionie tu arriveras il donner une forme harmonieuse aux
espoirs qui le hantent ~
Il faut pOUl [e bonheur et pour la joie se mainshytenir forl pal la joie elle-mecircme
10 luillet
Je reccedilois un mot hien vague de Jane Kousta el ces
phrases etranges ne me salisfonl guegravere
Elles leacutepandent si peu il ce (lue jespeacuterais apregraves
ma longue lettre
laquo Michegravele
laquo Ie mennuie cest vrai je mennuie agrave pleurer
0 mais en ce momenl je suis trop lasse et eacutecœureacutee
~ ~~--~
76 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquo pour laisser 11I011 UgravellH dramal iqnc dl amaliser Ics
eacutevegravenements ( comme III sembles le crnindre
laquo Il est vrai que 1111 IIi rnest plus dalliellieux
laquo peut-(~LIl que la lnrcur le r1i~( ou la folie
Il Mon oivorce 11I1 11)(1(11111 prouveacute Iuuo la deacutelishy
l(atls~ (xquisl du COIllI( Iousa qui voulu il IIW [nissr-tshy
laquo 1I11t glalllk paIl dl Sil lortunc
laquo 111 orgueil [ai refuseacute lu llIISCS
laquo SCUllIHlIt Illon lIIUI a llt~ eacutemu de laffeclion
laquo (lue me temuignc Illon mari rnalgleacute lous mes torts
~la vic est laide nest-ce-pas ma Michegravele
laquo Lorsque je la contemple du haut de ce que jai de laquo meilleur en moi I11 haul d~ loul ce qlle javais esshy
laquo 1)(1( Cl gland pa nurtuuu d lemps passeacute toujours
laquo pluvicu x Ille hante d~ trisf csse
laquo Continue il IIlC plniudrc cal lon cœur qui seul
laquo il compris tregraves jeune un pen du mien me console
Il d me purifie
Il Emhrasse Edml si elle veu l de mon haiser
1 cd ange au x ailts doie hlnnche
lle lis ldadan la Princesse qui ne pardonshy
I( nai] las il son temps d~ lollhli dans son palais
laquo princesse- salis gloire dlInc poqne 011 Il comeacutedien I( seul porte cncore IIl1e cnurunuc )1
laquo Une lpoque ougrave le comeacuteriieu seul porte encore une
laquo couronne raquo) Heacutelas
laquo Dis agrave la mel combien je laime Iii mel libre la Il mer audncieusr
laquo Et laisse-moi embrasser tes main douces comme
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 77
laquo autrefois en pension lorsque tu avais sept ans que je laquo te prenais SUl mes genoux et lue tu posais tes mcnolshylaquo tes SUI ma bouche
bull Jane Kousta nest plus laquo Appelle-moi maintenant
Doloregraves JI
15 Juillet l O heures du soir
Quel inoubliable jour quelle heure eacutemouvante passhyseacutee sur la gregraveve deacuteserte agrave lapproche du creacutepuscule
quelle rencontre 1 quel espoir quel recircve reacutealiseacute
Tout resplendit en moi dune lumiegravere nouvelle qui
meacuteblouit et me transporte car celle lumiegravere adoreacutee
nest que laube du soleil prochain que laurore du matin qui ne connaicirctra plus de soir
1(OU5 nous promenions au bord de la mer montanshyte Edmeacutee son petit fregravere Guy et moi la journeacutee allait
finir et nous cherchions encore dans le sable sec et
brillant les coquillages nacreacutes et les algues roses lorsshyquEdmeacutee me saisit le bras en poussant un cri eacutetouffeacute
Je suivis la direction de son regard et japerccedilus au loin ua homme lui descendait la falaise
- Jean-Reneacute Formant murmura mon amie
Mais une impression eacutetrange forte profonde ja_ mais resentie menvahissait toute enliegravere et agrave mesure que la silhouelle lointaine se preacutecisait en approchan t joubliais la pauvre Edmeacutee joubliais tout ce qui menshytourait joubliais le monde entier et je ne voyais plus
-1 ~ ~ t ~ ri ril 1 78 LA CONQtJ~TE DE LmitAL
que ce grand jeune homme hrun tout entoureacute de beaushyleacute de penseacutee -Inspirnliun didtal cl mon ecirctre seacuteshy
1IIIlta vers lui
Tout en moi el autour d(~ moi chnntnll cl me reacutepeacuteshy
tait oc Cest lui raquo
(( Cest Luiraquo battail mon cœur avec transportsen
pulsations preacutecipiteacutees laquo Cest Lui raquo raurrnurait le souffle du vent (lli me caressait le visage oc Cest Lui raquo)
disaient les vagues victorieuses berccedilant mon espeacuterance de leur musique eacuteternelle cest Lui cest Lui Cest Lui Et cc mot ladieux vibra el reacutesonna ct retentit dans
la nature entiegravere et je ne savais plus rier (lle ce
mot unique el tricmphnl
Il entrait dans mon acircme il peacuteneacutetrait mon cœur
et mon Iront ct mes mains et ma chail cl il ouvrait des lodes fermeacutees de mon ecirctre irr-adiant mes yeux
de la beauteacute des chemins nouveaux
Alors Jean Reneacute eacutetait presquaupregraves de nous
Et je lconnus nettement limage cherie dun recircve
de mes nuits cette figure dune resplendissante beauteacute
el dont la ph) siouornie noble et grave sous les boumiddot
des brunes semble contenir des mondes de lorce cl des
mondes de penseacutee
Ses yeux dor dUne profondeur infinie rud ianls comme deux eacutetoiles mempliren t despeacuterance
Et lorsquil parla sa voix IIlC Iii tressaillir celte voix aux ncceuls tendres lIUX inflexions moduleacutees celle voix inoubliable qui nest que comme le prolongeshyment de lame eacutemue
~iais il sadressait agrave Edmeacutee El brusquement ceci
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 79
me lappela 1 preacutesence de mon amie el la reacutealiteacute si triste de SOli amour lour celui que jattendais el (lUI ja i reucontreacute maintenant
1~le la laune lllite eacutetait tellement troublee quelle balbutiait des mots sans suite el ne songeait mecircme pas agrave me preacutesenter Jean-Reneacute
Dailleurs ce geste maurait choqueacute par sa convenshylion moderne
El sans doute Lui eacutetait de mon avis car il dit en me peacuteneacutetrant du grand cha lme ugravee ses grands yeux il dit comme sil mavait toujours connue _
- Quel moment splendide nest-ce-pas celte heushyre ougrave le soleil el la mer sappellent el se confondenl dans un eacuteblouissement de rayons cl de reflets On dirait
que la lumiegravere se mateacuterialise en fleuve dor el de pourshypre et que les vagues sapaisent parce lfU lagraveme des flols est heureuse
Et je Ile pus mempecirccher de penser que celle phrashy
se apportait vers moi plus lJlIe les mols prononceacutes
El jai repondu plesQlle il voix basse
Cest une heure admirable cest un tableau de recircve
Il est tregraves tard malheureusement fil alors Edmeacutee el noas sommes forceacutes de rentrer pour dicircner
Viendrez-vous demain au Manoir Monsiellr Formant
- Avec une grande joie illldellloiselle llprit la voix grve et meacutelodieuse
Edmeacutee ojoulait
- Combien agravee temps resterez-vous dans ce village de Ker-Nouheacutel
- Je Ile sais pas encore
J-~~~J~ [middot1 Il -)~ l-J jI~J~1 t~~~r ~~~- bull - ~ bull bull Icirc middot~l~_
8Ugrave LA CONQUiTE DE LugttAY
Ils se tendirent la main elle eacutemue et confiante lui poli et indiffeacutereat Il se pencha vers le petit Guy pour lembrasser
Puis il me salua lentement et de nouveau il me
sembla que dans le chalme profond de ses yeux longs il menvoyait tout ce que jespeacuterais recevoir de son admiratioa noble et spontaneacutee
MoD bras passe sous le bras dEdmeacutee silencieuses toutes deux nous regagnions le Manoir et lespeacuterance illuminait mon cœur dun bonheur eacuteblouissant et je pensais Illarcher dans un recircve feacuteeacuterique au milieu de fleurs lumineuses et de ftambeaux de joie
Les roses de ma ceinture seffeuillegraverent sous mes lt
doigts eacutemus et la brise du soir emporta leurs peacutetales vers la mer
Comment le trouves-tu murmura Edmeacutee
Cette question me saisit et moppressa
Et la reacutealiteacute triste des souffrances de ma petite amie fit encore un nuage sombre agrave coteacute du tableau de lumiegravere
Que reacutependre Je fus sur le point de dire laquoIl est mOA Ideacuteal raquo
Je nen eus pa5 le courage et je gardai le si shylence eacutetrangement
Tout de suite Edmeacutee reprit - Tu as une ideacutee que tu noses pas exprimer Michele cette ideacutee je la deshyine Iaeilement tu as sur les legravevre s il Il l faim l pH et ce mot tu ne veu~ pas le pronoucer parshyce que tu crains de me faire pleurer
Mais tranquillise-toi jai confiance dans lavenir car
~ cmiddot ~~
~~
-_7middoto -~~~~Zmiddot ~Icircif~ -
LA CONQUEcircTE
maintenant je sais que jaime quagrave lorce damour je suis taire aimer
Cette phrase si simple les larmes me tecircte blonde et je
- su avait entendu serait-il pas toucheacute 1
Nous approchions de la maison qui taire SUI la route deacuteserte un refuge protecteur un abri
Calme insouciante heureuse Edmeacutee v
agrave chanter cependant quau-~
poir une lassitude menvahissait lourdie palpitante eacutemue eacutetait gonfleacutee de regraveves souffrir
tmiddot
Aujourdhui pour Le Nouheumll seacutetait
Le ciel agrave lorient avait des vent parfumeacute de jasmin dheacuteliotrope layait de jolis nuages floconneux plumes envoleacutees de laile dun
Celte journeacutee rose souriait lion rayounemen] javais rose fraicircche et ravissante tandis quEdmeacutee lineacutee de blanc se faisait
l bull jattendais comme elle
8l
JiJ~
DB IIDRAL
i
tant Jean-Reneacute FOlmant bien sucircre darriver agrave men
si douce me fitmiddot mal et montegraverent aux yeux Jattirai la petite
lembrassai en disant - Ma cheacuterie
ces paroles pensai-je nen
grande et soUgrave au soleil couchant semblait
bienveillant
seacutetait mise milieu du merveilleux esshy
~t que mon acircme ashyjusquagrave
i6 juillet au soir
recevoir sans doute Kershypareacute de toutes les richesses de leacuteteacute
nuances daurore et le et de genecirct bashy
comme de leacutegegraveres 1
cygne
Et en harmonie avec eacutetrenneacute une toilette de Ilncn
emmousse- belle aussi pour Celui que
r
6
- - -_ - d _
~~_ _ ~--J~~~III Il il --- J---t i -~Ji 1 Il _ ~bull1 oe
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL82
Ensemble eraves loutes deux moi plus quelle enshycore p1lrce que consciente des larmes qui couleront ici hientocirct en mecircme temps que ~eacutelegravev(la le g1lt1lld honneur nous descendicircmes HU jardin rejoindre Madame Torguegraves
et grandpegraverc Ils causaient assis sur un hanc dans le
bois aupregraves du ruisseau dnrgent
- Comme elles sont jolies 1I0S jeunes filles seacutecrie
grandpegravere rieur Ce Monsieur annonceacute est donc un Prince Cha lma ni
Madame Torguegraves aussi plaisante - Elles ont vite
saisi loccasion de mettre chacune une lOhe neuve
Mais nous sommes ressorties du bois Edmeacutee et moi
cherchant dans le jardin des fleurs pOUl nos cheveux
Lentement nous flacircnions lune aupregraves Ile lautre et
tregraves lointaines lune de lautre seacutepareacutees maintenant par
eette penseacutee pareille
- Comment cela finira-t-il soupirait mon cœur
Trois heures sonnegraverent iI leacuteglisr du village
- Deacutejagrave trois heures et il nest pas IiI dit Edmeacutee
Penses-tu quil va sucircrement venir Midlegravele
- Mais oui
Ces continuelles questions me tntigucnt minquiegraveshytent et Iumbiguiteacute de la si lua liun 1II1~ navre je fais
tout lOUI la faire soupccedilonner il Edmeacutee qui snhstiue il
ne rien refleacuteter que sa IHoIH~ espeacuter-ance el qui sem hie saveugler volontairement
Cette ignorance est dautant plus douloureuse dautant plus dangereuse que lorsque la veacutelite dessilshy
lera ses yeux son chagrin sera plus profond 1
Fo
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 83
Pal momen 1 une immense pitieacute memplit et me jette vers elle
Puis la l(alilt iloille de son lcstln moppresse et
la fr istesse laquoII(~ 1(pOIlSSe ma jeunesse entre en moi pu la tristesse dautrui
La soutlrnnce est-elle donc la loi neacutecessaire
Oh Illon seul ideacuteal Rendre lhomme plus heushyleux
Mais (IatlP heures sonnegraverent aussi A mon ton l
jeacutetais fdJlile imna Lien te su lexciteacutee pal la lten te qui
est presque malaise tant elle met au cœur dagitation
et de joie et de trou ble
- Quatre hern-es un quart soupirait Edmeacutee
Les rafales deacutechirant la nuit du second acte de
Tristun roulaient en moi comme III 1 orage et je pensais au geste enfiegravevre et crescendo de leacutecharpe apregraves lexshytinction de la torche
Oh tout lappel III mon (llc vers Toi la palpitashy
tion de mon cœur le tnmulle de mes recircves le Ireacutemisseshyment de mon espoir las-tu senti lean-Reneacute
Soudain un granll calme me peacuteneacutetra
Quatre heures el demie avaient sonneacute
- Quil est tard disait Edmeacutee
lai reacutepondu - Il vient
- Couuncul lu 1( vois
- Non pas encore mais je le I~nine lts pregraves dir i Edrneacutelaquo sdonnait
Le marteau du grand porche avait flppt PI le domestique venait ouvrir agrave l lntleacutel du jardin
Nous nous dirigeacircmes au-devant deJattendu
IL-middot- -------= _-==
H~ __ j i 1 l j j j 1 1 1 1 1 J 1 l J 1 1 1 1 1 ~ ~bullbullgt~
84 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ceacutetait bien Lui
Dans lalleacutee blonde et molle faite du sable des plages il avanccedilait vers nous
Et de nouveau un eacuteblouissement millumina et seacutepareacutee de tout ce qui mentourait je ne savais plus que Lui et jeacutetais comme isoleacutee dans son regard
- Quel merveilleux jardin dit-il tandis quapregraves Edmeacutee je lui tendais la main Quel cadre exquis calshy
me poetique pour la penseacutee meacutedita tive
- Un cadre pour le bonheur ai-je reacutepondu
- Cest vrai ajouta-t-il un coin de paradis
Nous sommes retourneacutes sous le bois ougrave eacutetaient resteacutes Mme Torguegraves Grandpegravere et Guy
A loreacute~ du taillis Jean-Reneacute sest arrecircteacute et il a
murmureacute
Quel mystegravere sest accompli lagrave qui a laisseacute ainsi le parfum de son souvenir
Oh grands arbres droits qui vous eacutelancez vers le ciel avec la foi de votre torce quelles eacutemotions avezshyvous sen li passer SUI vous autrefois pour conserver ainshy
si dans vos branches et dans vos feuilles celte aura cette atmosphegravere intense et dilluse
- VOliS parlez comme Michegravele a pai leacute en peacuteneacutetrant ici pour la premiegravere fois dit Edmeacutee avec eacutetonnement Til te souviens Micheline de limpression profonde que tu as ressentie lagrave aussi
Tu pensais que de grandes choses humaines a-
tA CONQuiTB DE LIDEacuteAL 85
valent ducirc vivre sous ces arbres et quils eacutetaient imshypreacutegneacutes de passeacute et de leacutegendes
Jean -Reneacute me regarda et sourit dlIl1 sourirlaquo joyeux
Nous approchions de Mme Forgues qui reccedilut aishymahlement le jeune homme et le preacutesenta il Gl1l1t1
pegravere
La conversation devint geacuteneacuterale et animeacutee
Mais le bonheur mentonrait le bonheur cnlrn i l en moi le bonheur paraissait fluer vers moi comme une riviegravere splendide qui descendait de son regald el qui me peacuteneacutetrait
Et la fleur de vie aœoureusement seacutepanouissait en mon cœur
Je me sentais forte je me sentais belle je me sentais admireacutee et ma beauteacute augmentait encore irrnshydieacutee sous la caresse de ses yeux voileacutes de recircverie
- Combien de temps comptez-volis rester il KershyNoueumll interrogeait Mill Torguegraves
- Ker-Nouheumll me semble ecirctre Madame Jendroit de toute la terre que lon espegravere souvent Cil legraveve et que 108 trouve une seille fois SUI le chemin Je pense donc y derneu lCI longtemps
Pourquoi poursuivre insaliahle 1111 voyage ougrave le lendemain regretter-ait salis doute nnjourdhui
Mme Torguegraves di agrave Edmeacutee daller il la maison faire preacuteparer le goucircter El comme chacun eacutetait debout sacheminant vers le jardin jeus la gvande joie de senshytir Jean-Reneacute chercher un tecircte-agrave-tecircte
-------
l_j t ~ i ~ ~ 1 1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL86 ---- ------__----------- ~_ _o
Habilemen l il Ille qlltsiiollllaii SUI la leacute~(~lIde dl la
Feacutee des Lys ct me pria d(~ lui montrer la Source
Enchanteacutee
Nous 1I0US Iqoi~nugravelIcs dOIl( lous leux vers le Iond (lu
petit bois el je palpitais un peu dune tregraves douce anshy
~oisse
_ Aimez-vous lhumaniteacute me demanda-t-B ugrave brucircle
pourpoint
_ Je voudrais quelle se Ilansformugravel Ie voudrais
aussi la connailre mieux ie la plains cal elleeouffre
el je laime parce qlle Ihommc esl rapable de bonteacute
et de ploglegraves infinis
11 continua
_ Vous avez raison SltIII(~ment ne trouvez-vous pas
(Ille laclion est p()Ilr ainsi dire le gage de la sinceacuteshy
rileacute f qut tlOp souvcut nous sommes satista its dlin senshy
liment qui proll(~ 1I01lc i-affiuement de conscience mais
qui est entiegraverement inefficace pOlll soulager lobjet de ce
sentiment
Pour moi aimer lhumaniteacute cest la servir
Comprenez-vous
_ Oui je comprends Et vous Ile faites que mexshy
pliquer Illon ideacuteal Pourf aul comment une femme ou
1111( [euuc fille duns la socieacuteteacute actuelle pourrait-elle utiliser ses dons pOlir le bien de lhomme
NOliS causerons de cela lon~uemellt plus tard
Je vous affirme que ~ts moyens reacuteels intenses dutilishy
ser toutes Jus capaciteacutes loutes les bonnes veloutes exisshy
teat Limportaat est que celte bonne volonteacute soit inteacutegrashy
le et cest ce qui est rare
~711 J -l ~ M ~ -----shy
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 87
le VOliS lassure Mademoiselle agrave ceux qui veillent
les loules ne manquen l pas Le principe dune action
vraimeut puissante esl duns lIdentification croissante
i mleacutefiuiment plo~ressiv(~ de toutes 1I0S forces avec le
hut que nous UOIIS proposons
-Je le crois Mai~ il faut justement dabord avoir
un but puis savoir comment faire eacutepanouir les Iaculshy
teacutes individuelles ail service de ce but
- Un but leprit-il navons-nous pas dil servir
Ihumanifeacute Cesl-agrave -dire conqueacuter-ir pour lIle plus de
bonheur
Certes le champ est vaste complexe semeacute dubsshy
curiteacute et je comprends que vous vous demandiez le
comment de celte œuvre les points interrueacutediuires les meacutethodes parce que ce mot reacutealiser le possihle es l pour vous en e( mornenl impreacutecis
Pour moi il est deacutebordnut de netteteacute de direction
car je sais un peu Je cc quil contient
- y aurait-il donc une science secregravete des posshy
sibiliteacutes humaines
- Certainement il y a toute une science des possishy
hilif eacutes humaines Si elle est secregravete cc nest pas quelle
soit cacheacutee anormalement mais simplement que lhornshy
me se bande les cu pOUl Ile pas III conuaitre ou m111middot
che les yellx ouverts dans UII sens oppose
Vous souvenez-vous d(~ ldie pilloll~ dun livr
f regraves ancien laquo La sagessr- (Tic dans les calrefours elle
appelle SUI les places puhliques ruais lou refusent
son invitation raquo
- Alors ce nest donc pas sur le nombre ltJue le
~tltCcedil~--1 gt
---------
89
i1--~----j~---t ~rJ -Ocircq J i bull i bull i bull bull i i bull i bulllJJ cI
LA CONQUFTE DE LmiAL88
mouvemen t don1 vous vous OCCII pez met son espoir de
reacuteussite
_ Le nombre pOllna venir en son lemps Mllis
un seul cœur riche denthousiasme dintelligenc~ et de
zegravele qui se donne toul entier vaut plus que dix mille
adheacutesions inertes
Le but immeacutediat de nos groupeltlents est de coorshy
donner les forces inlellccluelles et spirituelles les plus hautes acluellement manifesteacutees par des hommes isoshy
leacutes de faccedilon agrave former un orgllne speacutecial de connaisshy
sance et de direction un cerveau pOlir lhumaniteacute Il sagit de reacuteunir en faisceau les aspirations et la libre recherche des pionniers nliu qlle dans cette phalange eouune dans lin ceutrc solaire soient reccedillles et diffushyseacutees abondllmmenl les tnrccs ellpnhles deacutevoluer 111 mashy
tiegravere (lIIcirc nous entoure
Savants poegravetes allisles meacutedecins et toutes capashyciteacutes aujollrdhui meacuteconnues sans usages et mecircme
perseacutecuteacutees doivent en ordre concourir agrave cette
orgllnisalion
Il Y a ceux qui par le geacutenie philosophique la disshy
cipline de soi-mecircme lenseignement reccedilu et lexpeacuterishy
ence acquise sont comme la si hien exprimeacute Platon lei laquo harmonisuteurs JI de ces eacuteleacutements tel le chef dorshy
cheslre ail milieu de ses musiciens
Les recollllllilltmiddot les suivre les aider cest entrer
dans la pratique effective cest sengager sur le seul chemin qui ne soit pas une impasse Je ne parle pas toujours de ces chuses et je nen ai presque rien dit
ici
LA CO~QUEcircTIl DE LrmhL
Si vous Ole trouvez bien grave en lin moment ougrave tout autour de nous semble chanter la joie de la beauteacute de vivre cest justement parce que vous necirctes pas comme les autres
La splendeur de linstant me fait monter dans les reacutegions actives ougrave ma ecirctre le plus reacuteel se meut
Pourtant mille eacutenergies en moi respirent les parshyfums de lheure el ce bois est agrave mes yeux non plus
une forecirct de leacutegendes mais le jardin feacuteeacuterique des renshy
contres heureuses 1
Sa voie meacutelodieuse et cheacuterie mysteacuterieusement faishysait vibrer mon acircrne et en prononccedilant ces derniegraveres
paroles il avait leveacute SUI moi ses yeux profonds et ne les abaissait plus Je sentais le poids de son regard
unique mentourer le visage liIune lourde aureacuteole dashymour et vers moi semblaient mouler des oceacuteans
dattente
Je murmurai simplement
- Pourquoi ne pai vous dire que deacutejagrave je vous ai
vu que deacutejagrave je vous ai parleacute et que ceacutetait dans le plus beau des recircves de mes nuits que vous mecirctes
apparu
Pourquoi ne pas vous dire lue votre œuvre je le sens elle est mon ideacuteal encore inexprimeacute et que je my donnerai toute comme VOUI voudrez que je my donne f
Alors il se transfigura intenseacutement et la protonshylieur expressive de ses yeux eacutevoqua un espoir de boaheur infini Et nous nous egardugravernes comme pour la premiegravere fois avec des yeux extasieacutes
~( lt 1 l 1 -- --- bull ~-l ----J ~ ~J bull
f
90 LA CONQU~TE DE LIDEAL
--------------------_-~-------- shy
- MlIci replil-il avpe une eacutemotion contenue qui meacutemouvait plus encore merci de vos paroles si courageuses si confia nies Vous ecirctes helle Vous ecirctes
etranegravere il la vic han ale VOliS ocirctes libre des attnshy
bull ches du preacutejugeacute Nous SOIllJlIS llin et lnutre porteurs de la mecircme eacuteternelle veacuteriteacute Pl en cet instant lumishy
aeux ougrave nous le comprenons celte veacuteriteacute se legraveve et
chan te en nous et la voix de la joie du monde la voix de lhumaniteacute tressaille et passc agrave travers notre
espeacuterance illumineacutee Sentez-vous devant nous les immensiteacutes inconnues que le heau legraveve dune nuit ocirc
mon amie vous a sans doute laisseacute apercevoir bullbullbull POlir
moi de tels recircves sont lessence mecircme cl u reacuteel
NOliS eacutetions devan t la source de la Feacutee debout
tout pregraves lun de Inulre ct nous nous regardions au
fond des yeux comme pOlir nous reconnaicirctre
_ Oui ai-je reacutepondu el pal ce recircve je VOliS ai
compris et je vous ai peacutenegravetre autant lflle je suis actuelshy
lement capable el de vous comprendre et de VOllS peacuteshy
aeumltrer
A ce momest un brait de pas parvint jusshyquagrave nous et nous ne prononccedilacircmes plus lin mot
Seulement une ivresse de bonheur sexaltait et monshytait de la Fontaine Enchanteacutee et de la corolle qui Slllrouvre des branches qui seacutetcndent du papillon qui deacuteploie ses ailes du parfum mystique des grands lys blancs et rouges de loiseau qui plane de la lerre qui feacuteconde se deacutegageait seacutelevait simposait une harmonie sonore de force despeacuterance dalleacutegresse et sotre acircme confondue la seatait seacutepanouir en une tend lesse
miraculeuse
LA CONQViTE DE LIDEacuteAL 91
- Michegravele Michegravele Ougrave ecirctes -vous donc criait Edmeacutee
- Nous reatrous ai-je reacutepondu en tressaillant leshy~rettaNt la fin ds lheure envoleacutee deacutejagrave lointaine et
adorable
- M Vazaonegrave et Maman sont installeacutes pour roucircshy1
ter dans I~ bosquet de roses sous I~ grand magnolia continuait Edmeacutee essouffleacutee
Jy ai fait dresser la table agrave theacute pour jouir de
la vue de la mer de la beauteacute des roses et de ce parfum magique et ehaud des belles fleurs blanches du
magnolia
Elle souriait toute animeacutee et les cheveux eacuteboushy
riffeacutes par sa course sous bois pour nous retrouver elle souriait conten te et regardait Reneacute
Lui ne la voyait pas Je le sentais entoureacute de moishy
mecircme comme jeacutetais enveloppeacutee desou charme puissant Qund reviendra- t-il
-
1 7 Juillet 8 h du matin
Une grande lettre de Jane Kousta me navre et meacutepouvante Lucette Pagel avait raison de la sentir en danger 1
Ce que jai tellement craint pour elle il y a un an ce preacutecipice dont sa route semblait maintenant secirctre
eumlearteacutee voici quil est evaut elle et quelle y roule r Heacutelas se relegravevera-t-elle 1
~ _- -~~-- -
1 -~ JI JI Jl -- -- J - ~ 1 J r-r--r--r- C
9~ LA CONQUEcircTE DE LTD~AL
Ils existent doue C(~S ecirctres affreux peints pal les
romanciers ces ecirctres ljui ne songent quagrave leurs basses jouissances ces ecirctres pareils lUX vautours guellant leur proie des nuits entiegraveres ces ecirctres qui ne pouvant conqueacuterir une lemme ni pal lamour ni pal lestime ni par laffection IIi pal ladmii-ation attendent le moment de deacutetresse ougrave un laux-pas lie leur victime la fera tomber dans leurs bras
Ainsi pendant des mois lanneacutee passeacutee jai rencontreacute chez ma pauvre grande Jane un de ces ecirctresmiddot abjects Raoul Falbrut qui rocircdait sans cesse autour de sa beauteacute
Cest un horrible petit honmme avec une eacutenorme
tegravete agrave la nuque eacutepaisse au cou de taureau La simshyple eacutevocation Je son visage memplit de deacutegoucirct
Dailleurs sportman connu pilier des salles desshycrime grand joueur aux courses et richissime cercleux
Quil faut que Jane ait cruellement souffert pour meacutecrire aujourdhui cette nouvelle atroce
IlJe crois que jai toucheacute labicircme du tond de laquoma misegravere Michegravele
laquoApregraves de bien douloureuses journeacutees me voici
laquo maintenant plus tranquille mais aussi malheureuse
Je voyage en Suisse avec Raoul Falbrut dont CI tu dois te souvenir
laquo Royalement installeacutee agrave Interlaken la vue de la CI Jungfrau seule me lappelle quil pourrait y avoir CI de la beauteacute Mais pourquoi te mecircle agrave ces tristes laquochoses si ce nest pour tavertir (Oh 1 tu nas pas laquobesoin davertissement ) de limportance de chaque
LA CONQUEacuteTE DE LIDEacuteAL 13
CI peacuteriode de notre vie et des enchaicircnements eflarants CI de celle lulle agravepre et cruelle lorsque nous nous Il trompons de chemin
( Pourquoi nai-je jamais rencontreacute sur ma lalite Il que mensonges et vaniteacutes Ai-je donc toujours menti
laquo Michegravele Michegravele il y a de la lumiegraveres encore Cl dans le monde Dis Moi je Ile sais plus 1 Et pou1shy
(( tant je sens en moi tant de choses tant denergies (( tant de deacutesirs La somme de mes deacutesirs eut fait
laquo une trop grande espeacuterance une irreacutealisable espeacuterance laquo tu comprends AIOlS je nai pas pu lier ma gerbe
laquo De tous cocircteacutes mes desirs tiraient disloquaient mon laquo ecirctre
laquo Jai connu le teu des passions sans motif sans Il bu t par excegraves de mes propres forces
laquo Ah si quelquun avait passeacute si quelquun (( avait dompteacute si quelquun avait tait de moi la (( reacutealisa triee de ses recircves
(( Michegravele neacutetais -je pas comme une feacutee cornille laquo une magicienne Neacutetais-je pas puissante
laquo Et maintenant voilagrave jai trente ans tout ce que laquo jai veacutecu est derriegravere moi comme du vide
laquo Devant moi entre moi et lespeacuterance il y il
cc un abicircme infranchissable
laquo Avec tout ce que jeacutetais que suis-je deacutesormais
([ Je pleure sur moi-mecircme pareille agrave une heacuteroiumlne laquo( dEuripide je pleure sur ce qui aurait pu ecirctre Je CI pleure sur la part de splendeur de vie que jai mushye tileacutee en moi 1
95
~ ~ r IJ~~
9i LA CONQuiTE DE ~l~AL -_ ------_ _-shy
(( A quoi servent les lannes Elles sont inutiles laquocomme les regrets
laquole suis 111I tourhillon je suis emporteacutee je me laquo laisse emporter quv a t-il SUl celle pente (lue je
laquo deacutevale comme UIIC avalanche le lOCS
laquo Et sais-tu ~lichegravele pourquoi ma misegravere sest laquo eacuteclaireacutee subitement trop tard Cest parce que
laquo japerccedilois de lautre cocircte de labicircme parOli mes esshy
laquo peacuterances impossibles lEacutetoile dune reacutealiteacute
laquo Adieu cheacuterie Toi sois heureuse Tu es si droite
a si pue que tu aurais (Iii 1111 ta seule preacutesence me
laquo purifier
laquo Seulement jeacutetais trop aveugle trop enfieacutevreacutee
laquo trop enivreacutee des [eux eacutecœurants des salons ougrave lon Il madmirait
laquo Je t (limais sans tc regar(1eImiddot Tu avais raison
laquoDe toi me vieilt comme un rayon le deacutesir si
laquo cela eacutetait possible ugravee retrouver un chemin un
laquo chemin renouveleacute mais j~ suis prisonniegravere comme
laquo dans un cercle de montagnes
laquo Tout est fini
laquo Il ny a que des ruines autour de moi et en Il moi J)
Oui ma merveilleuse magicienne je connais ta richesse ta puissance ct tes dons et je te plains de toute mon affection
Mais III nas pas assez tocirct compris que III faisais naicirctre parlais des souffrances SUI ton chemin et que nos deacutesirs doivent se limiter lagrave ougrave ils produiraient
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
le deacutesordre tu nas pas assez tocirct compris que laquo les ronces que nous semons 5111 la route de la vie 1I0US les retrouvons tocirct ou tard au relour raquo tu nas pas assez tocirct compris que 1I0llS Ile sommes rion pOUl 1I0USshy
mecircmes ma gralld(~ Jane d que l(~(hallg-c seul llchallshyge charitable leacutechange qui sc douue lait Iii joie de vine
Si toutes tes forces et toutes les aspirations et tous tes recircves tu Ics avais plus souvent que sur toishymecircme tourneacute VCIS luumaniteacute tu aurais peut-ecirctre
ainsi connu un bonheur digne de loi
Un mot pourtant dans celte lettre navrante lourshy
de de tristesse encore inavoueacutee me donne pour Jane
un espoir de relegravevement possible un espoir davenir
malgreacute ce Raoul Falbrut dont elle a accepteacute une
royale installation en subissant un honteux esclavage
que jose agrave peine penscl El celle espeacuterance qui me reste cest celle eacutetoile de reacutealiteacute qui a si subiteshyment eacuteclaireacute sa misegravere et (lui peut-ecirctre pourr-ait comshy
me un soleil levant illuminer maintenant ses lendeshymains
Le ciel qui vient de s ouvrir pour moi ne pourshyrait-il pas sirradier devau t ellc bull
Moi je ne vis plus ici avec GrandPegravere ct nos amies
je vis seulement dans le souvenir de la beauteacute dhier dans lespoir du prochain revoit
Je suis comme endormie et la meilleure partie de moi-mecircme seacutechappe recircveuse vers Le Vuiuqueur qui mcntraicircne dans les lointains teacuteeacuterlques plus merveilleux que les merveilles du recircve
Instantaneacutement il IDa prise toute entiegravere parce
_OH 2 t 2amp middot
F=3 -~ RR ~~~~~-_-~-JL ~
l6 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
quinstantaneacutement je lai reconnu palce quinstantaneacuteshy
ment jai senti quIl eacutetait mon Heacuteros celui qui memshy
megravenera plus haut (Ille moi-mecircme vers mes plus hautes
capaciteacutes latentes vers les avenirs Ionjours glandissants
de beaute en heaulc de splendeur en spendeur despoir en espoir damolli (1 amour Oh seacutelever seacutelever
sans cesse seacutelever toujours plus haut Planer au-desshy
sus tics petitesses el monter vers la lumiegravere solaire
Parfois jc recircve quun aigle royal est mon coursier et
quil memporte vers les hauteurs et ses ailes trishy
omphales toutes rilndes deacuteployeacutees comme un eacutetandard
de victoire hatlent les airs cl seacutelegravevent majestueusement
en hymne de libeacutera tion
Et mainleuant jai lrnuveacute Illon coursier rOYIII et
avec lui je Irnnchirni les steppes arides je traverserai les deacuteserts jescaladerai les collines et lions gagnelons
la Terre Promise
Je laime dans tout ce quil dit dans tout ce quil croit dans tout ce quil pense dans tout ce quil veut
dans tout ce quil aime
Oh Jean Rene Songez-vous en cc moment fi moi
comme je sonne agrave vous cl savez-vous agrave quel point je
vous aime
Je ne connais rien de votre vie Hi de votre passeacute et deacutejagrave je suis il vous complegravetement el je souffre de la
lenteur des heures qui me seacuteparent de vous et de ce que vous ne mayez point encore serreacutee
dans vos bras sur votre cœur bien fort et longueshy
ment
Mais votre legllni dor intense comme la flamme dune pierre preacutecieuse infini comme les profondeurs
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 97
inconnues de la mel profonde votre regard ne me quille plus el menveloppe de son prodige
Dites-moi Jean-Heneacute dites-moi dites-moi (Ille
VOliS ne pourriez plus sans moi construire les avenirs
comme je ne pourrais plus les construire sans vous
l~ Juillet
1 deacuteshait autant me revoir degraves hier que je deacutesirais noi I~ rejoindre
El nous avons passeacute une magnifique journeacutee
ensemble il matin SUI ln haule [alaise ensemble lapregraves-midi sur la plage libre ensemble au c1nIcirc1 de lune apregraves le dicircner SUI les dunes doreacutees hOI deacutees
des loches sombres bordeacutees des loches devenues
farouches el eacutetraugcs sous les reflets lunaires
Quoique nous ayons eacuteteacute presque conlinllelleshyment en groupe puurtunl nos llgillds IIlIUS isolent lun dans lautre nos limes se parlent salis 1111(
et les moindres minutes lIe legravele il tegravete sont mainshy
tenant pour nous des siegravecles de honheul
La pauvre petite Edmeacutee dnbonl ne nous quishy
lait pas Puis elle a enfin comm-is quil ne dvsishy
lail pas rester seul aupregraves delle el suhitemenl lapregraves-midi lIle (51 devenue lrisle el songeuse Main tenan t je sens Et mee heacutelas tlegraves loin de moi elle sest complegravetement lermeacutee el ne resle plus en ma preacutesence ~(lw lorsquune autre PI(SCIlC(~ lui assure mon sillnce
Elle me lait pitieacute cl hien (Ie je ne puisse regretter pour elle la lin dune illusion de ce qui ne
- ~- l Jgt~~~~~
LA CONQUEcircTE DE LID~AL98
peut pas ecirctre je suis narreacutee de la voir malheureushyse de ce lui me lend si heureuse l Jui agrave certains momenls envie de provoquel bientocirct une scegravene deacuteshycisive qui changerait celle situation peacutenible entre nous deux Que faire Je ne sais encore Peut-ecirctre preacutevenir Crandpegravere el partir poursuivre mon bonheur loin des yeux de la pauvre cheacuterie
Ah pourquoi la vie est-elle si rude pOUl cershytains La frecircle petite Edmeacutee souffre deacutejagrave de soufshyfrances damour la frecircle petite Edmeacutee qui semble faile pour la tendresse et pOUl 1 joie Et dans son cœur ce ne sont plus les fleurs du recircve ce ne sont plus les fleurs vivantes ce ne sont que fleurs desseacutecheacutees vite eacutecloses locircl faneacutees
Et pourquoi Ocirc mon Edmeacutee faut-il (lle ce soit pal moi que tu souffres
Jai deacutejagrave rendu Andleacute Calvis malheureux et voilagrave que maintenant je te rends malheureuse moi qui cherche acircprement le honheur et qui voudrais aider pOUl lous son prodigieux eacutepanouissement
Limpuissance dagi l cest le plus terrible mal limpuissance devant le deacutesordre limpuissance devant le malheur Comment lhomme ne concentre-t-Il ras Ioules ses faculteacutes loutes ses eacutenergies tous ses efforts lous ses deacutesirs Ioules ses penseacutees toutes ses aspirations vers la seule chose neacutecesshysaire devenir de plus en plus maitre des forces appeleacutees forces inconnues (mais 1101 ineorrshynaissables ) devenir de plus lli plus maicirctre des eacutevegraveshynemenls de la vic Quexiste-t-il hors de cd Inteacuterecirct si intense Que SUlI t agrave cocircteacute de cela les distrac tiens-
LA CONQUEcircTE DE L[DRAL 09
ou les plaisirs ou les luttes de politiciens ou les luttes de partis ou de castes ou de laces ou tous ces gestes quelconques dans lesquels lhomme gaspille une si innombrable somme de forces inutiliseacutees
Jean-Reneacute sent autant et plus (lue moi-mecircme cette perte deacutenergies preacutecieuses ct le cher apocirctre qui a conquis mon ecirctre nous a ouvert un Instant SOli acircme geacuteneacuterruse cl vibrante si douloureuse de la souffrance humaine mais si vaillante dans leffort
Ce malin sur la falaise ensoleilleacutee nous eacutetions assis lui Edmeacutee et moi et nous aYons padeacute longuement de celle Philosophie Cosmique de celte meacutethode de vivre inleacutegralement rationnelle aussi bien Tndividuelle que sociale terrestre mondiale
Que dimmenses possibiliteacutes quels merveilleux espoirs quels horizons infinis il ouvrait devant mon intellishygence et mon cœur
Je veux me sou venir de ses paroles
oc La vic Tout ce qui csl tout ce qui a eacuteteacute tout ce qui sem la source ineacutepuisable la base sans limites la manifestation originelle de lInconnu pal laquelle et dans laquelle toutes nouvelles manifestations sont reacutealisables La Vie 1 Telle quelle nous apparnit actuelshylemen t elle est deacutejagrave le mystegravere sans bornes leacutepanouisshysement incessant la complexiteacute innombrable la leacuteerie continuelle des transformations inouiumles
Pourtant ce qui en est deacutejagrave reacutealiseacute est seulement comme un embryon aupregraves de Iegravelre magnifique et parshyfait A mesure que notre intelligence reacuteussit agrave seacutelever
-
1
100 LA CONQUEcircTE DE TlIJ~AL
dans la reacutegion conceptiveacute les formes lalentes seacuteveillent
autour de nous cl notre penseacutee constructive deacuteveloppe notr-e ideacuteal cl ccsl ln vic plus 1)I()f()ud(~rncnl heureuse
ln vie prollgo(r donl toutes les transformations sonl
bienfaisantes dont toutes Ics eacutenergies sont utiliseacutees
dont les fleurs ne se fanent pns dont les eacutepis g-erment ct (lui chante la joie cllalleacutegrcsse de limmortaliteacute
- Mais pal (1lels moyens ai-je demande peut-on
diminuer la souffrance
- Puisque la vie continua-I-il sc deacuteveloppe cl
seacutevolue suivant des lois que lon peut connuilre el
appliquer il est eacutevident pour un esprit philosophique
(cestil-dile snchaul penser dans une sphegravere logique
sans ecirctre enchaicircneacute pal It~s faits actuels qui S01l1 les
effets ct non les causes) il est eacutevident qlll la science
est la veritable resfitutricc de ricircge dor
Celle science il [aul quelle seacutetende aussi loin que
la vie elle-mecircme parlou ougrave lharmonie cl lerreur sont
capables ugraveapporleI la paix ou la souflrnnce
Pour conqueacuterir telle ltelle science indeacutefiniment proshy
gressive il faut des savants qui soient aussi des philososhy
phes ou qui adhegraverent il ln Philosophie libre cl audacishy
cuse cette vraie Philosophie annonciatrice de cont reacutees
toujours nouvelles
Si celle science cl ai l lrouvce ou en voic de lecirctre il
lesterait encore ugrave lllppliqu(( Mais les hommes se conshy
duisent pal imitation pal habitude pnr instinct
JI y aurait donc une œuvre immense de propagande
agrave enlreprendre pOlir fairc counaitre les conclusions scishy
entifiques inteacutegrales capables de modifier lexistence en
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL toI
ln conduisant dharmonies en harmonies vers un eacutetat de l-onheu l croissnn L
Il faudlnit plus eucorr- connaitll~ nest pa assez il
faut comprendre aimer Illaliquel celle scie nec li~leacutelashy
lrice il faul que Ioules les faculleacutes hUUlltlines euf rent
en jeu pour leacutepandre pour lllNil pour reacutealiser la par-ole daffranchissement
01 cette science existe ses bases en sont poseacutees Et
tandis que les savants et les philosophes voileacutes les precircshy
tres du sanctuaire doivent continuel la recherche el
la deacutecouverte en mocircme temps ct pnrallegravelernent il est
neacutecessaire ltlle les reacutesultats acquis soient diffuseacutes
Chaque grudation dhumaniteacute est apte agrave comprendre
et il utiliser celle pn de connaissance (lui lsi dans son
hor-izon normal el dont lIle peut efllcaccmeut sc servi
POUl llIll raison la diffusion mecircme de ce (lui esl
deacutejagrave connu et cn(gistll ne peut egravehe faite que par de
gr(~s pal seacuteries Celle loi eacutetablit linilialion pogIesivl
la classification le groupement hieacuterurrhiquc
Et maintenant je puis reacutepondre il votre question en
la preacutecisant quelles connaissnnees pouvez-vous actuelshy
lement donner pour commencer rameacuteiolalion conscishyente de leacutetat humain
Oh la veacuteriteacute est simple mais O1Il1ll dit Iiuml~ldeacutesjilsshyle Cl ils onl chercheacute beaucoup de discours raquo
Il y il dhumbles cailloux rouleacutes dans les lorrt-u ts de
la mentaliteacute seacuteculaire qui sont en reacutealiteacute des gelllmes
preacutecieuses De loin ils semblent sans valeur si on les lamasse si on les COIII(lIIple Iougucment 011 slfHrccediloit
quils sont tlane IrallIlrtnc pallaile el Ille I(~ monde sy reflegravete
--~ _~--~---------- _-
JIll
~~~JA~~~)~rJ~~~t~~ - iir~i ~ c lt ~~~
LA CONQutTB DBtot LA CONQUEcircTB DEuml LmhL -----------------------shy
but uMqu-e le culte deOui ce nest pas lous les joars quune vnouvelle loi niteacute
peut ecirctre trouveacutee quune nouvelle promesse peut temshy~Et lhomme doitber du ciel 1
tion des diverses capaciteacutes humaines Mais agrave travers le temps bien des deacutecouvertes se sont nir la progression in~essante
C amasseacutees bien des sentences de sagesse ont parsemeacute la bull
1 lhomme qui est ~ terre
le proteeteur le libeacuterateur deDes proverbes dont lorigine se perd dana la nuitiX la terre to~tes les torees
des iges sont comme des phares sur la route de leacute- fuseacutees par le regravegne r volutien individuelle et collective des rites et coushy ~ laquoAidemiddottoi le ciel taidera 1 J)tumes ~n divers pays maaitestent encore sous leur 1s-i
~~ symbolisme incompris la science des eacutepoques passeacutees u Chariteacute bien middot middotmiddotmiddotmiddotmiddot~~
laquo Bien faire et laisser dire Pour les peuples le progregraves ce sont des lois meilshy1middot~K~ leures le culte de la santeacute et de la vertu un pen de ~ TOlite cette sagesse ~W science au lieu de superstition un eacuteveil intellectuel Ion vrai rocircle sa responsabiliteacute~laquo qui ne peut venir quen enlevant le terrible poids de seignait quil doit avant tout~1rmiddot
la croyance irralsonneacutee et quen mesure seulement~r middot POUl ldite leacutevolltlioD ce~t ladheacutesion persistante des aides peuvent devenir
~l bullbullbull agrave la logique il lexpeacuterience ail maximum de bonheur Ainsi Jean-Reneacute~ ~ cest le plissage IU crible de lamas coolus et impur 10pque~ ~ ~
( des arts sans spirituahteacute des poeacutesies sans propheacutetisshy moi mes~ propres horizons1 me des sciences trop borneacutees ner dans le soir tiegravede etil~ Cest la reconstruction des mœurs des litteacuteratures finie que nous veacutecucircmes(~) (- - - des lois sur une base de bonne volonteacute complegravete et~( Etait-ee parce que les eacutetoiles brillantes nOlis parlaiententiegraverement libre
1 de paix et -damour eacutetait-cePour Itndlvidualiteacute qui aspire agrave ecirctre par soi-mecircme
plus seuls sous le manteaule cettel marcher en avant comme un pionnier et comme un
ce parce que nousluidechaque helire ehaque acte chaque penseacutee est
cœurs tout pregraves lun deuneacute voie de perfectionnement Cest le seuil des grands de nos corps neacutetaient plus agravedestins mecircme de nos Ames Pour toutes i~s gredutions ensemble le moyen deacutetashy
Silllpienle~t puisque 1I01ll(blil la eoopeacuterntlon harmonieuse est de reeonnaltre ~un
1~3LmAL
lideacuteal manifesteacute dacircns lhuma
comprendre que c~st de lfllljlisnshy
que lui peut veshy
vers le bonheur Cest linitiateur Ieacutevoluteur le gueacuterlsseur
lhomme Parce que sur
eosmtqueaeont ~ccedilues et ditshy
humain lhuman~teacute intellectuelle
ordonneacutee commence par sQi mecircme raquo J) bull
antique qui donnait agrave lhomme reacuteelle et qui Iui enshy
compte SUI lui-mecircme de sa propre pnissance
ses toUaborateurs raquo
parlait intalissablement et par uneIcircsuperbe illumineacutee despoir i1deacuteployait devant
Mais cest le soir apregraves dicircshy
constelleacute de limmensiteacute in-lheUJed~ recircve
parce que nous eacutetions nuit douceeacutetaitshy
sentions vers le vaste ciel pur nos
lautre et que les silhouettes celle heure que limage bull
OOIIS SOUlme t
------- ---- ------
104 LA CaNQUETE DR LlDF-A L
que aussi impeacuterieusement llin qlle lautre nous avion S
soif de certitude eacutel ail-ce parce ltlIC la minute avait
sonneacute p01l1 nous de taire du recircve exquis IIl1e ardente reacutealiteacute mais soudain nous nous sommes arrecircteacutes lonshygllcment en arriegravere tandis que les autres venaient de disparaicirch-e dans tin tournant du chemin et comme je Jaltendais comme je le deacutesir-ais comme je le voulais
Jean-Reneacute me prit la main dans les deux siennes et
avec une torce de lendresse passionneacutee il dit seulement
- Michegravele
Oh la douceur de ce nom tians sa bouche Oh
(~IIe lpeleacutee ainsi [Jill Lui ce me parut ecirctre comme une
pltlIIii~le eacutetreinte ct je Irissonnni dun frisson inconshy
IIU Dans lcs mains puissantes qui pressaient mes
ltjoils il me semblait sentir Ioule la substance de SOli
amour descendre en moi el monvelopper dune vague
somplueuse t luurde dexlase alauguie
ldais look alalldolllleacutee lt lorsque sasseyant SUI
UII talus killl-Itcneacute lUilUiliI aupregraves de lui je sentis
avec deacutelice ma faiblcssc devant sa (oree et je rae sershylai 10111 coulrc lui
Michidc 1(~plmiddotlililil il mi-voix ~Iiehegravele Michegravele
1 (lorn 1I1i1 ruuin il ses legravevres
- VOliS OcircII~S mou ideacuteal Michegravele reprit-il vous ecirctes la beauteacute dl mes llves el lintelligence de mon espeacuteshylance Mais Iii vie lttue je dois vivre sera souvent agraveshypre cl padois douloureuse La Cause que je SCIS est
cumhat lue car bien peu la comprennent Vouloir le
honhcur (ie hnuunr-s cest accepter Iisolemeut cl Iii hardiesse des idees cosmiques a besoin de soldats coushyrageux et pcrseacuteveacuteJanls toujours precircts agrave la deacutefense tou
~ ~ 1 1 ~
LA CONQUEcircTR DE LIDEacuteAL 105
jours precircts il subir Iii conlJadietion des preacutejuges les
assauts les plus deacutecevants et surtout les incompreacutehenshy
sions les plus navrantes Quand il est question tfeacutequishylihrcr le deacutesordre colossal des socieacuteteacutes chacun a des
yeux de lynx 10111 npercevoir tontes les dilficuleacutes de lœuvre les milieux ne sont pas preacutepareacutes les hommes
sont trop insoucieux dun bonheur encore lointain quil sagit de conqueacuterlr et les objections abondent
Cest justement parce que linertie est graude quil
nous faut plus deacutenelgie pour commencer ladmirable
tacircche ct aussi toulc ma viegt VOliS compr-euez Mishy
chegravele tou te ma vie est deacutevoueacutee lt1 cette Cause et ma vie est seacuterieuse ct seacutevegravere
Je veux que vous ayez bien compris Iii glaviteacute de
cette existence mon il mie avant de me permettre de
vous dire tout cc (lui de moi deacutesire senvoler vers VOliS
avant de vous dire que mon lime est pleine de vous
el que mon W~III bal biea tort dans ma poitrine ce
soir en vous parlant de vous sentir si pregraves de moi
si confiante si honne jIon unique recircve est eu vous
mon espoir sacreacute chclcheacute depuis des anneacutees cet in fi ni de feacuteliciteacute cet apaisllment de taut ltle peines ma
lumiegravere mon bonheur mon amour tout ce (UC je suis et tout ce que jespegravere tout est Vous
leacuteprouvais un bien-ecirctre deacutelicieux une eacutemoliou de
douceur (ode Une pleacutenitudlaquo de joie immense tandis que
sa voix enveloppante me parlait ainsi et de tout ce
que jentendais ct de tout ce que je voyais du ciel illumineacute de la mel argenteacutee par la 11Inl toute 10nshy
de qui moulait dans le zenith lcalalllt el maistnenshysv Ieclosion de 11I111I egravelr e stnrichissilil eacutemelveifleacutee de leacuteclosion paleille fie celui que jaime
l ------shy
~-t f~t
~~~~~~~ ~ ~ ~J~
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL106
- Reacutepondez-moi Michegravele leprit-il avec une allenshy
te freacutemissante
MOIl visage heureux seacutetait appuyeacute sm sa large eacutepaule et je ne pus lui dire quune phrase mais je
la lui dis du fond de lacircme - Je vous appar liens toute en liegravere
Un eclair de bonheur parlurna son regard et dans un eacutelan subit il se mil debout devant moi puis il
se pencha doucement et mc baisa sur le Ironl
Et nous nous regardagravernes sans plononcer une parole Ce fut Jean-Reneacute lui rompit le silence A voix basshy
se presque timidement il me dit laquo Ma cheacuterie je
taime Jt El moi comme un eacutecho jai reacutepondu laquo Je
taimbull raquo
A ce moment la nuit triomphait
La lune au dessus des flots laissait tomber une
gnmde lueur qui faisait SlI la mel une infiniteacute
leacutetoiles se balanccedilant agrave lhorizon multiples Itlellugraveshytres dans un sentier (largent tout caresseacute deacutecume
_ Comme celte Duit esl grande murmura Jean-Reneacute
comme celle nuit est belle et glolIcirceuse
Et YOUS ma cheacuterie vous ecirctes plus feacuteerique que jashy
mais sous ce ciel fleuri deacutetoiles ct dans vos yeux
bleus si infinis je vois encore un ciel aussi profond
a1l8si pur aussi radieux que lautre _ Jean-Reneacute lean-Reneacute 1
Et en lappelanl ainsi toul mon ecirctre seacutelanccedilait vers
lui Lorsque nous avons rejoint nos hocirctes il ma quitteacute
le bras et nous 1I0tlS sommes dun commun accord
tacite lIU peu daigneacutes lun de lautre
= LA CO~QUFTR ilE rmRA L 107
Ceci le fit sourire de son sourire si jeune cl charshymant SOIIS la graviteacute habituelle de sa physionomie
- Oh 1 une eacutetoile filante criait le petit Guy
Une graade fuseacutee de joie venait eu effet de sillonner
le ciel du nord au sud apportant un eacutellange mouveshyment dans lapparente immobiliteacute de lordre ceacuteleste
Et Jean-Rene (fui avait rejoint Mme Torguegraves lui pli shy
lait des mondes stellaires
- Le livre des Etoiles disait-il La lahle des grands
secrets La route hieacuteroglyphique imuuuhle qui pour
ceux qui savent en deacutechiffrer les figures mouvantes
ouvre l-s portes Ile la connaissance les arcanes de lharmonie
20 J uillet
Chaque heure tailleacutee dnns notre bonheur 1I0US (nshy
traicircne plus avant vers la communion infinie de lamour
et de la pensee el notre tendresse augmente irreacutesisshytihle comme le flux puissant avance agrave la mareacutee monshy
tante sans que rien ne puisse le retarder
Assis sur le vieux dulmen aupregraves de la source qui
chante nous avons hier passeacute un momen t exquis cashy
cheacutes par le rideau des feuilles tremhlautes du saule ishysoleacutes de tous isoleacutes (UII dans lautre
Nons~eacutetions tregraves eacutemus de ce tegravete- agrave-tegravete facile et charshymanl A voix basse Jean- Heneacute prononccedila - Maintenant donnez-moi votre regard longuement
Nos yeux se conlondiu-ut el 1111 charme Iascinateur- intensement fluidique 1I0US unit llin agrave lliure
- Comme notre agravellle rayonne dis-je doucement
~~
108 LA
Alors lui se pencha et nos legravevres se sont unies
Avant de quitter notre retraite Jean-Reneacute cueillit brin de genecirct dal pousseacute seul parmi les nissantes des vieux saules
- Mon Elue ma Fianceacutee dit-il Irant la fleur embaumeacutee
Et comme serreacutee dans ses sur sa luge eacutepaule il con tinua avec
- Vous me permettez de vous
- jen suis tregraves fiegravere et jen suis reacutepondu
- Une vieille leacutegende galloise negravet parle bonheur aux fianceacutes agrave cause
de soleil couleur de lessence et de la vie et agrave cause aussi de son parfum doranger fleur de la marieacutee Nc que ce porte-bosheur soit venu
gage de promesse agrave cette heure divine fianccedilons
Sa voix eacutemouvante faisait trembler
- Vous ecirctes lideacuteal de mon ideacuteal ecirctes la vic de ma vie vous ecirctes mon Tout et je suis li toi ajoutai-je en serrant tegravete cheacuterie en tre mes mains je suis agrave jours eacuteternellemen t sans
- Oui reacutepeacuteta mon ami tu as nous sommes lun agrave lautre depuis jours eacuteternellemen l sa us limites
109
J ~~J ~pri-1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
--
Notre amour est noble et grandiose et profond Qui peut dire quand ila commenceacute
Alors allant vers le Bois des Lys nous regardacircmes ail loin le ciel breton pacircle et deacutelient le jardin en fleurs il lentreacutee du bois qui semblait 1Ir deacutecor de recircve sous les vapeurs mauves et lOses du prochain creacutepuscule
Puis nous nous regarducircmes longtemps jusquau fond de lacircme Et nous nous sommes embrasseacutes silencieushysement comme poII sceller notre promesse nos fianshyccedilailles notre han hem dans un silence lcm pli dUne eloquence vibrante et dun eacutechange eacutemu et sacreacute
Lui sembla descendre et se recueillir dans les proshyfondeurs de son egravetre el comme sil revenait de quelshyque contreacutee lointaine lentement gravement il ma dit
- Savez -vous Michegravele pourquoi nous avons eacuteteacute
attires avec tant de forccet de certitude vers le lieu
de notre rencontre Saveuroz-VOUS pourquoi degraves le plC-middot mier jour tout cc que nous sommes sest combineacute illumineacute magnifieacute lun dans lautre savez-vous pOlllshyquoi notre premier regard a eacuteteacute extasieacute pourquoi no tre premier contact a eacuteteacute comme un repos POlIlqIlO degraves 10 rs notre penseacutee na plus cesseacute de nous unir ct pourquoi des mondes se sont eacuteveilleacutes en nous comme des musiques de lumiegravere ct savez-vans pourquoi vous
mavez vous vu dans un de vos recircves en 1111 soir ougrave votre lime parlait
Cest Michegravele que Ics helles leacutegendes sont vraies que tout senchaicircne et recommence que dc tels que nous sont venus et revenus deacutejagrave sur celle terre cest
-
CONQUEcircTE DE LTDRAT
passionneacutement eumlperdumen t
un branches beacuteshy
lentemeat en mofshy
bras jappuyais ma tecircte douceur
appeler ainsi
si heureuse ai-je
raconte que le ge de sa couleur
la germination de pareil agrave la fleur
pensez-vous pas fleurir ici comme un
01 nous nous
mon agraveme
Jean-Reneacute vous en fout
agrave mon tour sa toi pour toushy
limites bull agrave jamais
raison ma Michegravele toujours et il Loushy
pou l jaurais
--l
-
1 ------
LA CONQUEgraveTE DE LIDEacuteAL110
lue nous nous sommes reconnus parce que nous nous
sommes retrouveacutes
Viens ma Bien-Aimeacutee ma Toute-Belle ma TouteshyRadieuse viens te souvenir
Viens revivre les anciens bonheurs plus somptueux
plus mCICill~ux llus magnifiques parce que toute lexplirience et toute la science et toute la joie de nos arnes seacuteculaires S~ cnndcnscnl maintenant pour reacutealiser toujours pllIS toujours mieux uulre ideacuteal notre ideacutee
notre dualiteacute
_ Oui llpoudis-je comme eacuteveilleacutee par ces paroles
en des temps anliqlles je sens tout cela depuis toushy
jours Mais ce que mes recircveries apportaient en moi agrave
certaines heures intenses de splendides contempl bullbull tions
ceHe sorte dextase certaine en laquelle rien naurait pu enlever ma foi eacutechappait padois fugitive il ma
penseacutee consciente et maintenant je sais quavec VOliS
je trouverai les chemins qui reacutevegravelent qui affirment la reacutealiteacute des veacuteriteacutes que connaicirct nol1p ecirctre inconshy
scient el dont nuhe esprit nentrevoit trop souvent que
de Iaihles lueurs je sais quavec VOliS je trouverai les chemins mysteacuterieu x qui peacutenegravetrcn t un pell da ns cel te
complexiteacute eacutetonnante et occulte quest la vie
Dans la vision radieuse ougrave je vous ai reconnu pour la premiegravele fois Jenn-Rcneacute VOliS avez deacutejagrave fait vibrer (1) mon cœur les libres du souvenir et celles du travail
magnifique actuel et celles dun g(and espoir
Vous mavez appeleacutee il vous comme vous venez de le faire encore et vous mavez deacutejagrave padeacute des belles choses quIl y a de pal le monde agrave accornplir ensem ble des recircves agrave reacutealiser des reacutecoltes agrave moissonner
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL III
des conquecirctes agrave poursuivre des espoirs agrave faire renaicircshytre des victoires agrave remporter des destins agrave magnifier
Et votre voix inoubliable a reacuteveilleacute en moi tout IIn passeacute lointain endormi dans mon egravelre
- Ma bien-aimeacutee leprit-il avec une eacutemotion heureuse je veux vous dire aujourdhui qlle moi aussi avant dnvoir le bonheur de vous rencontrer ici je VOliS ai vile souvent je vous ai padeacute souvent et qlle degraves
mon premier reg-ard en vous approchant SUI la plac creacutepusculaire devant ce coucher de soleil feacuteerique jai reconnu celle que jairnc Celle (lue jai toujours aimeacutee
Degraves ce sail lagrave jaurais voulu pOSC1 mes legravevres sur vos cheveux el vous dire simplement
- Tu es il moi comme je suis agrave toi te souviensshytu comme je me souviens
le VOliS avais d(~jagrave si souvent admireacutee et peacuteneacutetreacutee et comprise
Et depuis des mois jP vous cherchais tellement
Si souvent je vous ai vue toute semblable agrave ce que vous ecirctes en ce moment avec vos g~ands yeux hleus
pensifs pareils agrave limmensiteacute avec vos cheveux (101
releveacutes sur la nuque avec vos mains fines et votre bouche joyeuse
Si souvent je vous ai contempleacutee je vous ai admireacutee assise SUI un large sopha chargeacute degt coussins eacutepais dans une chambre toute rose dune eacuterugravece 1111 peu olishyentale avec son lit mauresque tregraves bas ses vases lII
terre ses crucheltes ct son brucircle-parfum de cuivre cishyseleacute ses etoffes roses et 01 de soie algerienne ses kashykeacutemonos japonais et tout le confort de ses grands
Il
tAJi ~ --~ ~4 J-t 14 1 t l 1 f J J 1 1 1 il iuml==f F1 -1 1
LA CONQUFTR DR LInRAL112
Iaulcuils de son vaste hurcau de ses souples tapis de
sa haule lampe iudicnue el toute latmosphegravere chaude
ct Illll( dIlne piegravece ougrave hm aime il vivre il penser
il 1((1
Ma surprislaquo S(illllI(illaii plo~I(s~iv(mclit c(lle
de~eliplioll si plOllllallllllplil (adc el lIillarlllable de ma
chamhre de jeune tille
Il lul sur mon yisa3c ccl (mcrveillemenl et continua
en som-innI
-le lit suis pas lili SOITi(I ma cheacuterie El je ne
lais pas de mirerles Quand YOllS aurez lin pell lravailleacute
avec moi la science psychiille tladitiollnelle VUliS
comprendrez 1legraves litt~ilcmell lcpliealion de cc qui peu maintenant YOliS palailrc mvslcrivux el qui vous
parait ainsi un iqucuu-ul pa rrc qll( VOliS i~nollz eucnshy
n les raisons sciculiflqucs les ra uscs dies tfrels nashy
turels de pheacutenomegravenes semhlahles
LOISqllOIl peul etudier (I)lIlplelldll~ analyser ex 1)shy
ruucn lrr lIplod IIi 11 il volon l lII un mot lursqunn
arrivlaquo il (xpliqll(1 scieilliliqlltnltill CP qui (si appeshy
leacute le laquo Slllll3tlllcl raquo 011 sil)tr~oil IllIe rien ues surgt
naturel (lIe le muaclaquo tI 1( hasard nexistent pas el
(l(~ la nature contenunt tout rieu ne peut eacutetre en
delierraquo delle _ Al()s dites-moi queslionunije l regraves interessee 101sshy
11t~ vous dl~s venu il l(I-~ollhd saviez-volis aussi qlle jy (Iais my aviez-vous vue
lai senti qll( je devais vr-nir ici cl(Z 1lnll 101shy
gllis POlU une raison plofonde mais je neacutet ais pas
assez conscient pOlll me lClIdle comple de cc qlle poushyvail rtre ceUe ltiSOll Cependalll c~lle inluition elait
LA CONQUEcircTR DR rIDRAL 113
si intense 1IH cIsi pour lui oheacute i r qll( jil quitte cel
eacutel ma III e a(~e lalIIII il passe lamilialrment cihllhillld~ lous les ans rr(s vacances
rou~ ne pouviez dOliC pas Ille voir il distance dans llI-)ldl(~1 couuu e OIlS mavez VIII dans ma cha rulm- il la ris
- i01l 011 du moins bcall(ollfl plus dilricilernenl
Cc qui Ia il Ille je VOliS i si souvent r(lald dans voshyIll jolie chambre lost c(sl qlle cet te piegraveclaquo est toute
spccialemen l (IIi(r dt vos fllOfllts forces cl qlle
celte au risn lio n lsi (OIllIU( Ill ldlt~cf(lIr Ill phare
une aid( pour Il seusil it IllIi chere ho ~ oil il distance
lnunsatton c(1 la mdiegraverr nerveuse matiJc plus
rilleacutefieacutee JIH la mlIiiI( plnsilllc qui ltlcllilppanl de
IlnlIS impregravegne lallllOsplllll d(lrllI( 11
Iormunt 1I11e amhinuce 11I11IillllS( plus 01
rahle visihle pour le vovaut cIsl-il-dilI
qui pl~1l1 voir dans ce dtgl~ plus rmfil (le Je dis alors
dl 101(es
moins dushy
pour celui
la matiegravere
Chaque 111 lII rt lsi 1111 vruan a leur lit forshylls
Plus 011 moins puissant rpolldil-iI plus 011 moins
deacuteveloppeacute Nous a vons lous (11110111 dl 1I01lS 1111 eutoushy
rage lin en velnppeman] fluidiqll( d ces fOlrts Ille
nous eacutemanons ((st re qui cuu s li lue Iuurn La coushy
leur la forme les eaparilts de laurn S01l1 multiples
ri immense est ItIldlll dlt (~(~llt~ slilrH des auras si lIeacuteg-lieacute~ si ill(~olllei uo lre liPOIIl
-- Que je str1i bCIlIrll~(~ qlland VOliS (10I1IItZ 1111(1shyprenlre tous crs mOllths d(ludlS pl de ~ilgISSr meacuteshyeriai-je
-------~----------------~
114 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
~
Puis je lai lluestionn( encore
_ AIOI~ lorsque d ans tonte la Bible on peut seacutetonshyner de voir ces hommes de Inie les palriarches les
pl()phi~le~ choisir en 111I moment la comparll~ de
leur vie nest-ce pas justement luce que rwchiqlleshyment ils se reconnaissaient lun lautre immeacutediatement
eacutetant assez lvol lieacutes usez conscients POIII agir ainsi
_ La Bibl comme les Veacutedas comme lAvesta comshy
me tant daulres livres sacreacutes renfr-rm des prolonshy
deurs sublimes malgreacute les traduefions insatisfaisantes
malgll hien des passa~es mutileacutes prrlills ou translorshy
meacutes et votre penseacutee est juste ma r-herre
_ Je suis si heureuse ai-je poursuivi clIe VOliS
connaissiez ma chambre car je ne sais pourquoi p~r une sode de pudeur jl nai iamais voulu y laisser enshytrer que de lregraves rares amies Elle est bien mon cadre
le plus intime et il me semble que de lavoir ainsi
peacuteneacutetreacutee cest un peu plus rie moi -mecircme qne vous
avez pris JI
laquo Il Y il plus de secrets dans le ciel et sur III terre Horashy
tio quils nen ont trouveacutesdllnl toutes leurs philosophies JI
dans laLI soir je suis entreacutee comme dhabitude honnechambre de ~rand pegravere rOll lui souhatter une lui etnuit En membrassant il me releva la tecircte vers
me regarda jUSCJUllll fond des YfIlX_
Je le sentais vibrant et tregraves lmil _ Sais-tu 10011 entant dit-il simplemlnt drpuis comshy
bien de jours lu connais M Formant
J - J J LA CONQUEcircTH DE LIDEacuteAL 115
1 l lOU gis palce lJ ue jaurais vou111 pouvoir garder plus longtemps pour moi seule notre grand secret
- Tn ne veux doue plus me consideacuterer comme ton vieil ami reprit-il
- (rand-pegravere cheacuteri meacutecriai-je lu sais bien que tu
seras le premier agrave qui je parlerai de mon bonheur Mais pourquoi me Ir demander si icircle
- Comprends ma petite fille qlle je ne deacutesire aushy
cnne confldence de Cl que lu veux ~-arder comme lin
treacutesor cacheacute tout ail fond de ton cœur Seulement ne
suis-]e pas lagrave encore et respnnsable de la jeune exisshytence nest-ce point faire mon devoir qlle de guider
les pas
- Til as raison ai-je murmureacute alors et si ton affecshy
tion pOli l la petite Michegravele ta fait deviner la veacutelIcirc leacute
pourquoi le la cacherais je J Et puis je suis heureuse ~rand pegravere je suis deacuteshy
licieusernent heureuse de pouvoir enfin te parler de
Lui
Ah tu me demandes depuis combien de jours je le conaais
Grand pegravere gland pegravere jl ne puis le dire je nen
sais plus rien mais c( qlll je sais ce que tout mun ecirctre eacutepanoui alliumlrllH PI proclame av(r alleacutenssl cest qlll deshypuis crs quelques jours jai veacutecu rlt-s mondes cest quenshy
tin jc Ill suis nl(~ qlll depuis nohc rcnconlre je Ile vis
je ne sens jl lit comprends jl nexiste que depuis quII est ici
Voilagrave coulinua ~rand pegravere soucieux ce que je pensais Mais je Ile croyais pas que tu le serais ainshy
~If f =1 If If H H H ~ H ~ -1 ~ ~~t
LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL -1116
li laisseacutee aller si vite comme une enfant
Je linterrompis
- Que dis-tll Comment toi tu ne l)[lImiddottag~s pas
ma joie
Sa voix tremblait lin peu lorsquil rem-it
- ~Ia Michegravelc mon treacutesor Pour Ion bonheur je donshy
nerais volontiers tout cc qlle je suis et jespegravere avec
une force dont on pourrnit lmire un vieux cœur cornshyme le mien incapable qlle lu as trouveacute le bonheur de ta vie Ton avenir mais ma cheacuterie ton avenir cest
ma penseacutee cest Illon espoir cest aussi mon lourment Si lu me vois troubleacute il un moment OlJ tu tattends de
ma part il une joie deacutebordante cest que je crains enshy
core que trop tocirct tu aies loi en lin espoir qui mest
cher mais qlle jaurais voulu llus certain avant quil
ne grandisse ainsi en toi
Jai si pelll lOUI ma Michegravele (ie la moindre souffranshy
ce de la molndre deacutesillusion Rent Formant me Tait
leffet je le lavoue dlin ecirctre exceptionnel par le cœur
comme par lintelligence el jai pour lui une immense
sympathie
Comment apregraves ces mots ne las linterrompre
-- Laisse moi tembrasser tregraves 1011 grand pegravere pour
cette parole
- Mais cheumlrie tu comprendrus facilement que jai
mille renseignements agrave prendre sur co jeune homme
sur sa famille SUI sa vie sur sa situation el quil seshy
rail peu sage a toi de lui faire aucuue promesse avant
de connaicirctre davantage les pnssibiliteacutes dlin projet vous
concernant tous deux
LA cONQuin DE LlDEacuteAL 1I7
Celte ideacutee de laquo prendre des renseignelllents J) sur JeanmiddotReneacute me fit eclater de rire
Cependllnl une lnruu deacutelllOtion (pli roulait sur la belle harhe blanche 11I( lendil aussiugravel moumiddotseacuteieux
- Ne spis pas inquiet mon cher grand pegravere ta petite Michegravele est sIcircrre duvoir trouveacute son bonheur et elle est
tranquille deacutesormais dans un chemin si noblement beau
ii eacutetincelant de lumiegraveres pures et diamantines (IUC
rien de deacutecevant ou damer ne pourra ly surprendre
Ali conlraire je monterai maintenanl de beauleacute en beauteacute velslIdeacuteal qui ne le voilera plus
- Je veux que lu dises vrai reprit-il glavemenl Seulement je dois le rappeleraquo que la vie est seacuterieuse
que tu es tregraves jeune et que si rnalgeacute tes dix-huit ans
je te laisse aussi libre dans tes allures aussi lespollsahfe
de ton deslin cest laquoIle je llois profondeacutement en le
jug~me[Jl saie el sain de ton Ame et de ton inlelljtncf~
~e me donne donc pas de regrets pas de l(morlls
plus tard de tavoir eacutelevtie pal celte meacutethole que jai
ClU bonne en te preacuteparant tregraves lot il la lihelleacute cons shycienle eu te formant tregraves tocirct un cœur Je femme
Leacutemolion du bon visage hienveilJalll milvait gaglHt~
- Oh oui je sais tout ce laquone je te dois glalll pegravere cheacuteri et ma lecoullilissallce aUeudrit veul pour Il~ lCshy
mercier de Iaut de vrnio tendresse devenir 10UjOUlS plus
digne de la confiance rare si encourageante si preacutecishyeuse que lu as mise en moi
~ ~ ~ ~ ~)
LA CONQuecircTE DR LtDeacute~L ll~118 LA COllQUEcircTIl DR LIDEAL
- Ne me tais pas plus de mal Oh pourquoi es-tu venue ici cet eacuteteacute r Pourquoi esmiddot tu venue
21 Juillet
Jai provoqueacute ce matin la conversation tlue je senshyJe lentraicircnai sur Il canapeacute oit je lattirni Ioule PlOshylais neacutecessaire entre Edrnee et moi
che _ Laisse moi Michegravelt seacutecria -l-elle brnsluemenl sishy
tocirct tlue jentrai dans sa chambre CIl se levant du fall shy -- Til as tort de regret ter ma preacutesence cheacuterie Qui teuil ougrave elle eacutetait assise laisse-moi Jai besoin decirctre peut dire que si je neacutetais pas 11 J~all-Itcllt~ et moi Ile
nous serions pas rencontreacutes un jour et que plus dt soulshyseule 1 Irances encore auraient pu samonceler CI~ SOllt les _ Non reacutepondis-je en la serrant dans mes bras non atfiniteacutes qui (ont les attractions el lorsque deux destins je ne te laisserai pas Je sais ton chagrin je pleure tendenllun vers lautre tout leur est lin chemin pOUlde tes larmes el jai le droit de venir pregraves de toi te se retrouverconsoler tentourer te bercer dans ma tendresse Ne
suis-je donc plus ton amie - Non Michegravele interrompit Edmeacutee je Ile crois pas
-Tu as pu remarquer pourtant Michegravele reprit-elle cela Avant de te connaicirctre il eacutetnit heureux deacutejagrave de nous
avec amerlume que je vous laisse suffisamment lun agrave venir voir agrave Kel-NouH el ce Il~tail pas pour loi puisshyquil tignoraitlauhe lean-Heneacute et toi sous diffeacuterents preacutetextes que
mon cœur sait bien trouver Et maintenant jai beshy Mais t es passeacutee aupregraves de nous el la beauteacute la eacuteshy
soin de me recueillir et toi lu naurais pas de pitieacute Bloui f tu es passeacutee aupregraves de moi illI moment ougrave poushy
_ Oui rai va la tendre bailleacute mais jai VII 1Iussi que
vait naicirctre mon honhem- et jaul ais dugrave It~ preacutevoir cl
lorsque je vieas agrave toi d que lu me repousses avec un cela nest pas -je la [aute el jf l( len veux pas llIais
ail larouche lu ten us plm loin toute seule pleurer la ton eacutehlouissanlaquo jCllntssc a lail pagravelir il Ctlll dt loi la
pacircle Edmeacutel el luij] na plus apcrccedilu qUl le illag-e ciesolitude lumiegravere el de Icerio Ille tu laisses pal dellitIe toi
Laisse moi meacutelanger Illon atteclion qui comprend agrave ta Mainlenant mou co-ur lt 1111 momie iumlermc la Ileur
douleur cluelle po11 qulaquo jose encore croire que notrl de mon arne est lIeacutetlie
amitieacute si pure si fidegravele ne seffeuillera pas bientocirct cornshyDe grosses larmes roulaient des eux candides desme une lose faneacutee
puvts vellx qlle jelllhlassltlis Elit palIilil Ugrave voix IrugravesChegravere petite Edmeacutee deacutechireacutee et souffruute je veux basse el llit ajouta SIII 11 1011 dur d agraveJlll lII rhtlTlliInt
te laire du hien je peux le taire du bien ne me reponsshy agrave se deacuterober se pas je teD prie 1raquo
- Je tassure laisse moi le taime lu le sai d jeElle alors toute taihle et leacutegegravere fiappuya sur mon taimerai toujours tHais je lit peux pas te pmler en
eacutepaule ct uuglota doucement 1
IRRR R R R R R~ 120 LA CONQUEcircTE DB t1DEacuteU
ce moment Laisse moi Je veux ecirctre seule Si tu as pour moi quelque pitieacute Ile me parle plus 1
- Au contraire parlons Lit parole peut ecirctre un baushyme elle peut elle doit nd ra icircchir nparer reacuteunir oushyvrir les portes closes
Laisse entre nousIa parole laire de la lumiegravere ne descends pas dans la douleur farouchement instinctive comme dans une prison teacuteneacutebreuse
Cest dans lIntelligence ltlue nous devons vivre Comshyprendre cest triompher et SOli venl la souffrance serail moins amegravere si nous ne voulions pa~ laisser notre desshytin ecirctre an ecircte egravetre tenue par elle Aussi je ne te quitshy
terai pas Il faut que tu voies les choses telles quelles sont non agrave travers le brouillard illusoire de linexpeacuterishy
ence et du desir
Ecoute ma cheacuterie tu dis ltlue Jean-Reneacute eacutetait heushyreux avant de me connaicirctre de venir le retrouver mais pensesmiddot tu que souvent el souvent deacutejagrave son agraveme de poegraveshyte a dIIcirc seacutemerveiller ltles rencontres virginales qui ont
traverseacute Son chemin 1
Crots tu quad miration eacutechange affiniteacute tranquille
est comparable agrave linteacutegral amour
Il est venu vers toi mais pour combien de temps
Ah 1 la vie est plus complexe plus plastique plus oceacuteshyanienne (lue IIOS Iaihles eœurs 11 serait si beau desshy sayer chaque jour de nous rendre plus vasles et plus vasles encore pur ecirctre moins indignes dlaquo ses doas (
1 somptueux 1 1
La douleur dont tu souffres mon amie Ile sera pas 1
si tu le veux la tristesse lourde qui eacutepuise qui aneacuteshy bull
f- ~~ ~ ~ ~ ~ LA CONQuecircTB DR UgraveD~U li1
antit mais la douleur leacutegegravere qui sans deacutechiremeat sans rupture par II seule transformation de neas mecircshy
mes agrandit tout el preacutepare dei bonheurs futurs
Aucune ucircpreteacute nest en elle puisquelle nest uniqueshyment formeacutee (lue de notre reacutesistance injuste au bien reacuteneacuteral el que dans ce bien DOUS devoas ecirctre compris
Non Edmeacutee IID peu plus deacuteclat lin pen plus de 101shyce un p~u plus de recircve ce nest pas cela qui peut deacute sunir les agravemes unies cal chaque ecirctre a sa direction el tend vers un ecirctre Cest lont UD ensemble de qualiteacutes qui sont attendues et neacutecessaires pour le repos et lIl
lumination du destin et comment deux nalures disshysemblables pourraient-elles sa tistaire le mecircme problegraveme
Edmeacutee si tu eacutetais conscien te si tu savais choisir tu ne laurais pa~ choisi r puisquil est mien PI j suis agrave lui puisque nous eveillons lun OIIlS lautre de hauteur eD hauteur lindicible flamme du sanctuaire puisque 110US sommes un monde nouveau et UR monde ancien un monde eacuteternel
Acirc moins que - mais il faut pour cela aussi un cœur
qui sache souffrir pour la plus haute ideacutee un cœur qui sache trouver la joie dans limmeasiteacute de SIl propre reacuteso-shylution dans le deacutevouement dans lacceptation des deshygreacutes naturels qui nieacuternrchisent toutes choses - agrave moins que tu DC sois de celles dont la 100ce est daimer et qui se donnent salis rien attendre salis rien espeacuterer
Cettegrave femme Iii est heureuse de voir le bonheur de celui quelle aime sans en ecirctre le centre elle se reacuteshyjouit de participer agrave sa vie lans en ecirctre leacutetoile elle st satisfaite de recevoir sa penseacutee et no son amour elle
~ ~ ra r-
122 LA CONQUiTE DE rrn~AL
sait que sur la terre entiegravere il ny a pas lin homme si ce aest lui
El plutocirc qlle Je cherche il amoindrir son ideacuteal elle preacutefegravere renoncer aux banales salisfuctious dune union
saas rayons el slins aureacuteole Elle LII vu de loin elle La compris non pas avec ses possibiliteacutes actuelles el capables dl lui reacutepondre mais avec ses possibiliteacutes fushytures et la vision confuse de la splendeur heacuteroiumlque quII
est en tics sphegraveres encore inaccessibles
Edmeacutee minterrompit et seacutecria
- Tu parles de sur humains 1 Quelle vie que celle
dune Iemme qui contemplerait tous les jours son bonshy
heur perdu Quoi nne femme donnerait toul et sn eacutechange elle ne recevrait quune pari de lecirctre quelle
aime et quelle pa rt
Jai reacutepondu encore mais je savais bien celle fois que cela eacutetait inutile
- Pourquoi toujours j ugel (la pregraves un princi pc faux
parce quabsolu leacutechelle infinie des ldations et des correacutelation
Pourquoi exiger coarne un droit pour ce vide que couvrent leacuteg-oiumlsme et Iorgueil ce que peut-ecirctre la uashy
turc la reacutealiteacute la vie ne peut nous accorder comme
un fait t
Mais ce n f~sl pa pOlll loi cheacuterie (lue jai deacutevelopshy
peacute celle alternative el III me connais assez pOUl savoir que le seul souci de ne pas truhir lideacutee ma euh-aicircneacutee
jusque lagrave
POlir toi je le sais je le sens Inn destin nest pas fermeacute tu nes pas faite pOUl egravetre une renonciatrice
~ bull ~ --- ~~~-- - ~r~~
LA CONQUEcircTE DE LIDRAL 1~3
damour el dans ce moment mecircme je vois au loin quelquun dont tu saurais bercer les enthousiasmes fiegraveshyvreux dont ln saurais apaiser les soifs ardentes el que laltractinn (fui mesure laffiniteacute amegravenera sans doushyte tocirct ou ta ld au devant de tes recircves reacuteveilleacutes
22 J uillet 1
Jean-Reneacute heureux et grav ma donneacute tout 1 lheure cette lettre quil venait de reeevoir
laquo Hon Fregravere
Quoiqne VOlIS ne nous layez pas eacutecrit nous savons combien votre yoyage au h0111 de lOceacutean vous apporte comme le vent du large un flol dexpansion et r1~ )i~
sur la route du bonheur
Nous avons beaucoup daffiniteacute pour la pure aUrl blanche que nous sentientons pregraves de vous et qui vous donne le repos
Soyez deacutechargeacute en Cl moment de lous les soucis et
le responsabiliteacutes de votre rocircle qui sera rempli sous notre direction par vos aides habituels afin que vous preniez dans ces moments radieux de la Reucoutre tout
ce que vous ecirctes capable dy prendre en force et en joie afin quaussi VOliS puissiez donner bull celle (lui
desormais attend tout de YOUS linteacutegraliteacute dont elle a faim et soif lOUI leacutepanouissement de son ecirctre Jean-Reneacute Vous aimant comme je vous aime nul plus que moi ne se reacutejouit de limmense joie de votre cœur 1
Je vous embrasse Fregravere et no Maitre rous ento
t Jr- J1- J=t J=-=-i J==f R J==-f J~ ~ 1 R r-1 ri ri rl rl 1U LA CONQURTE DE LIDEacuteAL
rent Reneacute J)
Intriguee el eacutemue je relus plusieurs fois ces Iilnes
Jean-Reneacute alors me dit qnil y il une demeure pour lui
sacreacutee 11I1 fOY(~I II( paix de lumiegravere el damour qui dans le chaos parisien est un refuge pour la penseacutee un abri pour le cœur cl lagraveme
- Dans celle maison ajouta-l-il jai compns ce que
pourrait ecircfre la vil dans sa reelle beauteacute Jy ai beaushy
coup appris je veacuteliegravere ses hocirctes el jai la joie dy ecirctr e
aimeacute
Son nom lOuslaquo indique ce quelle est pour ceux
qui se sentent isoleacutes dans le deacutesert du monde pal leur
penseacutee mecircme Mes maicirctres y hahitcnl d ils vivent lagrave
comme en un large phalanstegravere il plusieurs qui font
lŒuvre Cosmique ensemble La solide fraterniteacute de leur communion inteacuterieure les aide il aplanir les dilflculles
les obstacles il supporIer les iucmnpreacutehensous les
deacutecevanees parfois ruegraveme les trahisons dl~ Inules sodes
La je voudrais vous conduire Michegravele avant que
vous soyez ma lemme
La ie vous lrai coanaitre le pegravere de mon inlegravelishygence Sarama lun de mes maicirctres Lit vous applenshy
drez agrave cOlllplendJ(~ cl il admirer mes deux chers et
grands amis Relieacute qui meacutecrit comme ils ont senti el
vu psychiquune~ll la beauteacute de notre reneoulre el sa
deacutelicieuse compaglle Stella qui deviendra bientocirct votre plus reacuteelle amitieacute feacuteminine et dunt la belle eacutevolution aidera la vocirctre
Je plisse lIl general chaque j01l1 dl longues heures agrave lOasis Jy travaille de lout Illon egravetre pour notre Cause
LA CONQEcircTE DE LIDEacuteAL 125
Je vais reacutepondre toul dl suite il Reneacute ltIne desormais
nos forces rluelles seront il t~UX pOUl les aider dans leur
lourd [lacircche nest-ce pas Michegravellaquo et combien [eur
lettre qui a devanceacute celle que je voulais lem ecrire el
(flli nous montre i ltflJ( 1 point ils nous devinent nous connaissent el nous prolegravezlnl 1I0US t~sl infinimr-n t douce il lous deux r
bull Ali milieu du monde ougrave ils 0111 choisi dl rester afin(
dy travailler ils sont lit hors du monde Ils ne touchent le monde quc p01l1 le Iormrr le classilil~I leacutevoluer
i le transformer Ils Ile S01l1 las touches pill lui el eushy1 sent son contact Cc qui VOliS eacutetonnera peul-ecirctre Iicbegraveshy
le ils ne participent pas aux joies de lad actuel dans
lequel vous lrouvez encore d( si hauts moments parce
que cet al est pOUl eux diminueacute el sali pal les reflets
du deacutesordre qllil l(~oil el incorpore comme sil les
acceptait La Haie 5pililllillitp lsi leur loi leur vie il
toutes heures (II est baieneacutee d lII eacutemane Ce sont des
JJJis-i-I selon 11111 vjpillt pillOf pOUl la seule chose neacutecessaire la lransfnrmation (le lhomme pt de lecirctre
23 Juillet
Grand pegravere a leccedilu de mvsterieuses lettres de Paris
qui lont eacutepanoui le dpvilll lexcellence (les lallltux
laquo lenseignements) quelles contenaien t
1 ma regardeacute longuement doucement apregraves leur
lecture el nous eacutetions heureux de 1I0US sentir vibrer
lous deux agrave lunisson dlin espoir magnifique qui est
laube merveilleuse dl ilia jeunesse ardente le soleil couchant de ses vieilles anneacutees
~---~~
LA=t J=i J=t J-t J--f J~ Jiiumlif ~
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL126
A preacutesent il nous considere un peu comme fianceacutes
Hier Jean-Bene proposa pOIlf dcma in il ~lildame
TOI~lIegraves une proruenadc 1~1I bateau 111Ielll~ declin a cr aishy
~nallt de lrop IIIa1 sn pporter la mer
- Quel lomm are Madalll( insi1lIailmiddotjljai 10111 une
si jolie hal1lle il vnilrlaquo e l jalllais laul illll VOliS COli
duire tous il lH(~ IItS Hluvi~Ies
Edmeacutee relnsa eacutegalmcnl ~ran(l-pegravet Il a las non
plIS k pied marin el ce 1111 11Ii qui salis heacutesiter dit en
souriaul aV(C malice dl~ son bon sourire heureux
_ Eh bien MOllsillIr Formant emmenez Michegravele avec
VOU Je suis sugraver qlll~ son acircme av(nlllrluc SI lI~jollmiddot
la beaucoup dl conllaillI le charmant ilot d de voshy
~uer une heure sur les flots bleus
25 Juillet
EIIP fllt exquise cette iollllleacutee dhil~r elle (Ill rna~iue
et plciue de 1egraveve celte premiegravere liberteacute il deux cette
promenade rvthmeacutee par le baluuccment eacuteterne] des vashy
~lIes il la surface dlin infini ehanzean l
NOliS nous eacutetions assis sur la mecircme banque Ile tourshy
nant le dos ail marin hacircleacute qui tendait de temps en temps
la voile et qui ne nous gegravenait pas heuucnu] plus tllW les
cheveliues vertes 011 bleues des alg-ues IIollarlles parmi
lopale nuanceacutee des flots calmes et profonds
Oh douceur de lheure charme intense de la vnix
ltlimeacutee chantant les paroles de vic oh rkht1IsI~ des choses neuves inconnues insnu pccedilon neacutees queacuteveille en mon ecirctre eacutebloui le moindre gestl la moindre inflexion
le moindre eacutelan de Illon fianceacute
~ -1 ~~ ~ ~ ~ ~ ~
LA CONQUEcircTE DB LmftAL 127
Heure inoubliable
La granlll ilill blanche du bateau gonlleacutecplI lin zeacuteshyphyl tregraves chaud parlIlUeacute de senteurs marines 1111 Il S
eulruina silt~rHillIsl~ment jIlS(IUagrave la petic ill solitaire
pilreacute~ de gemmes dO et dr gemmes rosex les ~enegravels el les hruyegraveres
Puis tandis qlle I~ marin jet ait lancre cl seacutetendait
SIII la goregraveve nous somm(s partis ugrave la deacutecouverte ivres
de vent el despilcl seucircls deacutelicieusement seuls il h-avers III lande perdue dans lnceacutean
NOliS nous sommes arregraveleacutes agrave lornhre dun eacuteglantier
en fleurs Jcnn-Beae Cil cassa plusieurs hrauches pour
men laire lin gros bouquet blanc Il eacutetait joyeux comme
un entant davoir trouveacute ltlaAs licircle cette gelhe de fianccedilailshyles
Pins loin lin hanc des roches Ianlastiques nous eacutemershy
veilla Nous avons pli y admirer 1111lCil dt III pleacutenitude
intense dn fond dl la IIICI si riche et si (xplIumlmugrave dans
le hIXI~ de la cuuleur dans la cmnple xitlaquo inoure gt dts formes
Tnut dun coup je lus surprise dapercevoir en haut
dun ~rilnd rocher une inscription en grilS caractegraveres
Nous nous en approenagravemes le plus possible Mais
quelle main avait pu ainsi eacutecrire il cette haul cur
Depuis cornhien dt lernps CIS lr-ltres agrave demi-cflaceacutees
confiaient-elles leur secret au cilI el agrave la mer
Avec Jifficuleacute nous sommes parvenus agrave deacutechiffrer
celle phrase qui SII celte place eacutetrange dus ce deacutecor
feacuteeacuterique nous apporta comme une vague immense de mystegravere dincoauu ugrave recircve et de penseacutee
bull
t2lLA CONqU~TE DE LIQEumlu
dun trouble ex(luis ce mot ma peacuteneacutetreacutee dun enchan lemen t ladieux
- Cela ne peul pas aller si vite soullal-Je
Et il me fallut bien longtemps bien longtemps parshyIer sans encore le convaincre tout-Agrave-fait pour aboutir il III solution normale et neacutecessaire
Bien (lue celle seacuteparation me navre autant quelle le liane bien quelle mapPolte deacutejagrave une loUlde ruclancoshy
lit je ne peux pas trusquement quitter Edmeacutee et je lui consacrerai quelques jours avant daiier lehouver celui qui est toute mil vie et qui doit heacutelas partir si
tocirct maintenant Oh que je vais ecirctre isoleacutee lorsque mon acircme toujours proche seacutelancera agrave travers les plnishy es cl loin vers lhorizon pU III reumljoiudre son agraveU1~ Uais il doit eu ecirctre ainsi et puis ce temps sera court
La megravere de JeanReneacute lentre il Paris demain et y
attend SOli fils duns quelques jours pour llpartir avec lui en Belgique ougrave elle a des parents
Il est UgraveOllC naturel quil nille la rejoindre Il lui anshynoncera son bonheur dont elle doit se douter deacutejagrave pense-t-u et il la prier-a dattendre agrave Puis M Vazanne et sa petite-fille
Lorsque notre lrecircle esquif regagna le petit por-t de Ker Nouheumll le soleil en globe louge rayonnant plonshygealt deacutejagrave (Ialls loceacutean et 1111 vent ltlu soir seacutelevait
humide el Sil leacute La mel moins calme deacuteferlait 5111 les galets de la gregraveve en dessous des falaises ct des dunes et menaccedilait de sagitel insoucieuse de notre pllh intime insoucieuse de loutes choses humaines
- La fraicirccheur tombe vite nous dit le marin et ce
Dans lelaquo jnulnf-es douces Olt dans les[ours amer~ Dans les lilles (Ill dons les eSlloil~ Pregraves de toi ou tregraves loiutuinement Toute ma vie et All-rirlagrave
LA CflNQUEcircTB DB LrnEacuteAL128
Emus 1I0llS avons compris ensemble ce (Ille nous eacutetions peul ecirctre pregraves doublier crue daulres vies etaient venues Jouir Il la petitlaquo icircle deacuteserte que daullls idylles
avaient pu y ecirclre deacutelicieuses quc dautres amours ~y
eacutelnIumltil cacheacutes et y avaient deacuterouleacute les anneaux du bonshyheur el que Ct~S rochers (lui eacutetaient seacuteculaires avaient
dil entendre hien des paroles graves avaient assisteacute
de g-eacutenclation Cil ~eacuteneacuteriltion il hien des excursions semblables et jamais semblables comme toutes les choses humaines
Jean -Reneacute a copi pour 1II0i sur une page arracheacutee
de son carnet la middotphrase presqueffaceacutee Cil haut du
gland rocher De ([lwl lointain des lins 1I0US est-elle
parven ue
El nest-ce pas ce que je lui pourrais lire de toul mon
ecirctre et nest-ce pas ce ~i1 me dit lui aussi ces vieilles
paroles dun amour tendre fidegravele eacuteternel
Au retour dans la barque nous IlVODS 1tInguemenl parleacute dEdmeacutee Il ne croyait pas possihle quelle souffrit ainsi pour lui le lui ai affirmeacute quil me serail peacutenible de poursuivre aupregraves de ce cœur blesseacute nos fianccedilailles si
heureuses cette grande tecircte de 111 vie pleine ct splendide
- Eh bien quittons Ker-Mouheacutel ensemble ma Mishychegravele et rentrons loul de suite 1I0US marier agrave Paris 1 seacutecria-l-i1
Nous marier l ce mot ma profondement troubleacutee
_qCcedilsLt~_
~_~lt~~ (~~-
LA CONQuiiTE OR LIDEacuteAL130
soleil couchanl annonee nu pruchain changemenl de
Lemps En oflel lail froid ml taisait frissonner malgreacute ilia
jaC(luelle de drap 1
El lcan-ltcneacute mahlila sous la large cape qui lui cnuvruil les (pallies et qui alors nous enveloppail tOIlS
deux Oh quuvee deacutelices je me hlot lis toul contre lui
_ Nolis voici ail pori mllllIlllla-l-il el [e le remercie
de celle jOllrneacutee (lIi csl comme une halte alolnhle dans
notre chemin montant vers les so mme ls COIIIue une
parle ouverte sur la vie qne nous ferons eomllle une
fleur magnifIcircflle eacutepanollie aux hrauchcs de Iadlle
iamollr je le remercie de celte jUIlIlIle qui est lin
souvenil iuteuse preacutecieux Inoubliable 1l1 fond de mon
cœur indicihlement eacutemu
lc tentoure de Illon manteau el ucst-ce pas un
symhole Ic tcuvcloppe dans la lciul ressc de Illon acircme
comme dans lin nuage protecteur le le berce dans les
flols de mon amour comme dans une cali vivifianle le deacuteroule 11 Illuur de toi la spirale de ines recircves lenvoleacutee
de mon intelligence comme lin jarugravein ougrave lu te promegraveshy
neras somptllellSemenl voilee COlllllle 1111 temple ougrave ln
rcglleras hieraliumllillellcnl lumineuse cuuuuc lin ciel ougrave
III blilleras nu-dessus de 10111 leacuteelal des etoiles
La barque sarrecirctait lenlement el nous aperccedilIcirclmes
grand pegravere qui arrivait aU-ltevant Je nOUS avec un
chaud raantcau pOlir moi
Ainsi que Jans lIle des Brllyegraveres mon fianceacute avait
passeacute son bras sous le mien cl lorque nOUS lljoignicircmes
LA CONQlnhE DE LIDEAL m
larrivant Jcnu-Hcneacute ne sccnrta pas dl moi el il lui
dit dun lon grave
- le voudrns VOliS cruln-asscr iHIlIISil~lIr el VOliS
dire merci de llIle jOIIlIl( superbe lplllheacuteosl dl 111011
seacutejour ici qui l~l la III a rchlaquo dor dl no re V i t
Le cher vieillard ouvrit S(S Ilr]~ rl une eacutemolion noushy
velle rndleig-Ilit lIIlOIl tandis (Ie dalls lair du soir
la erbc dglailline dont il muvail Ilcurilaquo embnushy
mait
27 Juillet
Lille tempecircte terrible sest eacuteleveacutee depuis lhlX jours
Dnburd un e pluie ch anrlc il lillg-ls gllllltes quun vent
violent a repousseacutee puis lin orag-e sec IJlI tonnerre deacuteshy
chiranlle ciel chargeacute lin combat de 1I11ages Iourhi llonshy
nants et les snulegravevcmen ls farIadiles de la mer halshy
lan le lor illolldalll la dllll( se pncipilant avec
furie coutre lu falaise
Oh (ltelles Iorccs incalculahlcs dans ces eacuteleacutements deacutechaineacutes
Les vaglles suuuveacuters se co~nallt les unes sur les
autres scmhl aicut UIIl allII(~ de eacuteallts dans le dlsllrdre
dIlne lutle I1III cl la rdalt Il (ollparI ail SOIllshy
Illet llIkvail IOIlI ltlII11l1 Idaflrhl Id 1(fllolail V(IS
la ealllpag-fle CO 11III( 1111( fI(i~t f101~01lIleUs(
Et celle armeacutee devcuai l de plus Cil plus eacutelccu-iseacuteegt
diaboliqulaquo fuulastiqucment impetueuse el meacutechante
11 fut impossihllaquo de sortir IHlr II~ vent eacutepouvantable
donl Je fracas hurlant el plain lit dont la lorce menaccedilanshy
132
~~~~~ ~~1J
)A CON~U~TB DB LtOilAL
te sacharnait sur le vieux manoir tremblant malgreacute ses murs si eacutepais malgreacute ses bases si solides
De la grnndebuie de la salle i manger nous avons contempleacute Edmeacutee el moi ce spectacle extraordinaire de furie et de tourrnente
Allcune voile Slll ln mel rieu il lhorizon mais la vile ne seacutetend pas loin ct nous savons que des navires et des barques de pecircche sont lagrave-bas dans le brouillurd
Aussi malgreacute la beauteacute eacutetrange et tormidnhle de ce spectacle d~ne lulle grandiose IIf)US avons eacuteteacute utlristeacutees car lacircme de lhumaniteacute sent combicn clic est solidaire lorsquelle est pregraves dun danger ou uune catastrophe
Edmeacutee a vibreacute comme moi nous avons veacutecu ensemble les mecircmes eacutemotions les mecircmes eacutetonnements les mecircmes admiraliins pendant celle tempecircte et ainsi pal lagrave-mecircme nous avons mieux encore retrouveacute notre eacutechauge dalshy
Iection
Elle sait que Jean-Heneacute sen va CclII la rend pensive Et toujours elle demeure dans sa rOUCCUI tris le
Lui est venu plusieurs fois nous voir malgreacute lourashygan Tout agrave lheure 1I1l instant nous avons eacuteteacute seuls Il
a releveacute ma ucircgure vers lui et comme lon boit dans une soif ardente il ma embrasseacutee sur les legravevres Notre ie nolre amour satttraleut seacutechangenicut se fondaient SlIshy
nissaient Jans ce baiser Et nous songions il la seacutepnration prochaine et 1I0lS nous aimions plus encore avec un pen de Irouble et dinquieacutetude de sentir linstant fugitif
~9 Juillet
Il nous a quitteacutes ce malin Une journeacutee seulejaent
LA CONQU~T DB LIDfuL iagrave3
depuis ce deacutepart Je suis comme seacutepareacutee en deux f Toute une partie de mon ecirctre la plus haute III plus belle tend vers lui j ce qui de moi leste ici ne peut que sentir la lourdeur des heures le potds de III solitude et je repasse sans cesse en 100n cœur ce mOlceau de temps qui vient de Seacutecouler ces quinze jours ladieux en lesshyquels jai plus veacutecu que dans toute ma vie jusque-Ii et
qui viennent de finir COmme emporteacutes par lui lui que jaime dont labsence meacutetonne et deacutejagrave me lasse A lavance jenvisageais celle seacutepalalion cOmme lon pcnse
dans les songes Elle me semblait lointaine presquilshyreumlellebull Maintenant il nest plus lagrave 1
Oh agrave bien tocirct mon Jean-Reneacute je ne peux plus vivre sans toi POlIItant ta penseacutee est une preacutesence continnel_ le enveloppante et Iu es tout pregraves de moi comme je
suis aupregraves de toi par le souvenir des 11~lIres lumineushyses par leacutechange actuel et par le merveilleux espoir
Telle quune immense confiance ma entraicircneacutee vers lui tel que mon amour sest de suile donneacute telle je veux que ma volonteacute ne soit plus que la sienne
Combien il me deacutepasse Combien souvent dun grand coup daile il sait memporter par SOn cœur noble par son intelligence profonde~ vers les recircve de mes recircves Jaime sa maniegravere saine et grave denvisager de comshyprendre et de vivre la vie 1 et parfois je me sens par rapport i lui comme une enfant trop urtificielle Une parisienne trop modelne trop peu de chose trop ocshycupeacutee encore de penseacutees miegravevres
Oh 1devenir de plus en plus el indeacutefiniment plus Une femme une vraie femme royale et somptueus ra enshynant autour delle le calme de J terce 1 pureteacute lulllibull
1 CONQUUgraveTE DR LIDEacuteAL134
1neuse le charme ct le repos attirent en elle les rayons toujours nouveaux de lintelligence et de lamour les 1 magnificences de la vie et toute la leacuteeacuterie des formes
parfaites
Oh reacutealiser en moi tout ce que lideacutee de femme eacutevoshyque de tendresse de beauteacute denthonsiasme de gragravece la lemme heacuteroiumlque des temps chevaleresques la lemme splendide des siegravecles de la Gregravece la lemme inspireacutee des Orients lointains Etre du soleil vivant 1 ecirctre le reflet des cieux et des mers ecirctre limage de la nature inshynombrable de la nature eacutepanouie ecirctre un fruit une
fleur un jardin Et quil en soit le Roi 1
Plus jeacutecoute la voix inteacuterieure la plus reacutefleacutechie la plus seacuterieuse la plus reacuteelle de mon cœur etmiddot plus je sais que la conception du vrai du bien J-lu beau du naturel qui esl celle de mon fianceacute est la meilleure et
la plus juste raison de vic ct de honneur
Ne ma-t-il pas dit
_ Tout ce qui neacutelegraveve pas iumlecircuraquo le diminue li taut que lc corps physique qui est la base de tout laccord psychique et intellectuel se manifeste et se deacutetermine par des actions droites et saines qui permettent seules son deacuteveloppement continu Il faut que lintelligence se libegravere salis cesse par lamour de la veacuteriteacute il law que lagraveme sagrandisse constamment dans le service de la
veacuteriteacute et de lutiliteacute
Et pour cela ne laissons entrer en nous par la penseacutee les actes les habitudes lemploi des jours lart
le travail que des eacutemotions et des aelions naturelles ~ tontes courageuses ennoblissantes et hautes li
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 135
En causant avec Edmeacutee hier je me rendais compte de leacutetat desprit de ln plupart des jeunes filles de netre eacutepoque en geacuteneacuteral elles nont pas assez confiance dans la vie elles manquent de deacutesir de courage despoir dattente elles se reacutesignent Avant davoir oseacute elles coupent elles-mecircmes les ailes lie leur recircve de jeunesse elles reacutefregravenent tout ce qui deacutepasse le milieu mesquin ougrave elles ont veacutecu et ougrave elles acceptent consciemment de maintenir leur propre destin Elles preacutetendent trop soushyvent que lhomme est mauvais que le Iland amou~shyest impossible agrave reacutealiser el concluent quon doit se conshytenter dlin bonheur agrave peu pregraves sur un chemin moins eacuteleveacute et ne pas recircver agrave limpossible
Cest quelles ne comprennenl pas quelles ne parlent lagrave que de la seule vie quelles savent vivre la vie allifi- cielle
Artificiel le monde ougrave elles sagitent artificiels ses vains plaisirs artificielles les passionnettes auxquelles les jeunes filles se laissent prendre et artificiels les jeunes gens laquo deacuteguiseacutes en hommes JI quelles croien t dignes du nom dhommes
Oh ne SUiVIC que la route de la vie naturelle si humshyble sentier quelle soit dabord 1 Ne plus se morceler dans linutile ne plus se donner au rien et vouloir senrichir seulement de ce qui augmente de ce qui inshytellectualise vivifie eacutevolue magnifie nulre ecirctre comshyplexe si feacutecond si riche pour qui veut sincegraverement leacutepanouir
Je veux arracher complegravetement en moi les mauvaises herbes eacutetouffantes que le monde quune eacuteducation pleshymiegravere superficielle peut y laisser encore afin de faire
gt ~
- ~
gt
~
~
LA CO~QEcircTR DR IIlFAL136
ccrmer croilre ct flcurlr mngnlflqncmcnt le grnnd
allire de vic
le veux repousser tout acle qui naccroit pas snshychant que lilutile est nuisible je veux savoir rompre avec roulage les ehaicircncs cntravantcs les prrjureacutes stushypides etrechelcher avec ardeur il raide de mon ineacuteshyhrnnlable appui la vraie vocalion de mon acircme ln plus haule et sa veacuterilnblc utiliteacute cal laquo nous naissons parshyleurs dun pli cnchcleacute raquo quil faut apprendre il ouvrir
pour y lire noire mission terrestre
o Jeunes filles mes sœurs l lc voudrais vous ouvrir ume porte sur la vic heureuse du mieux de mon pouvoir le voudrais vous dire combien lorsque lon entrevoit la reacutealiteacute haute on contemple avec un regret triste le vide et lagitation infructueuse du monde ininshy
tellectualiseacute f
Je voudrais vous dire quel immense bonheur on trouve il seacutelancer hors de lexistence banale jusquau lihre horizon de la conduite unifieacutee toute entiegravere tendue vers un but conscient puis apercevant les eacutetoiles de
lumiegravere il seacutelever vers elles en poursuivant son individushy
el ideacuteal r Car si les premiers pas sont arides en quittant
les distractions mondaines ou les habitudes que lon aime et qui prennent en soi tant de place faussement remplie lorsque lon commence il gravir la belle roushytc naturelle on y reacutecolte Ics fruits rares et exquis de ln joie dl vivre sur celle loule III sinceacuteriteacute et lashy
rnour Ilr-urlsse n t
Il Iant cultiver rn soi dabord les forces que lon
rl1fl(he et qlle 1011 d(isire trouver pour son han heur car c-s fOIClS dtvriorrrrl ntlircn il elles pnr affinileacute
LA CONQUlhE DR LIDEacuteAL f37
les forces semblables il faut avoir au moins en posshysibilileacute cc que lon veut recevoir dautrui le courage si lon veut sentir le courage des autres la sinceacuteriteacute qui attire la droiture lamour qui appelle lamour
Et ainsi naturellement fncilemenl la vic de noshyblesse ardente et volontaire incarne lideacuteal vers lequel
elle tend
Ilier soir un instant Il est monteacute jusque dans ma chambre Nous sentions que lheure passait rapide et quelle allait sonner la lin de ces premiers beaux jours
O mon hien aimeacute quand lu vins aupregraves de
moi ton front eacutetait soucieux ct chargeacute de meacutelancolie
Alors jai poseacute mes deux mains sur ta pauvre tecircte lourde et puis je lai caresseacutee doucemen l c 11 Ill celle
dlin tout petit enfant Et il me semblait que tu eacutetais vraime-nt mon petit enfant et que mes mains eacutelaien t
celles dune megravere
Peu agrave pen les plis de ton front se dissipegraverent et tu me souris longuement
Puis tu me pris III main tu la portas il tes legravevres ct tu la baisas avec tant de tendresse quun grand eacutelan
parcourucirct tout mon ecirctre 1
Alors - tout dun COllp - il me sembla quagrave mon 10111 jeacutetais un tout petit enfant dans les bras de son pegravere
Et je lnissai tomber ma tecircte sur ton eacutepaule et je me mis il pleurer de douces larmes de joie
Ce matin lorsque lu partis tu eacutetais si pucircle que jaurais voulu pouvoir de suite tout quitter pour te suivre
J
138 IA OONQUl~TE OK LWtAL
Mais tu mas dit avec force - Michegravele rien mainshyteuaul nest capable de nous seacuteparer Nous sommes deux en un il tout jamais Sois heureuse sois en paix ne laisse den le troubler Bienlocirct nous troushyverons dans la preacutesence de toules les heures le repos qui apaiseacute lharmonie qui fait eacuteclore la joie qui vishyvifie leacutelan victorieux qui dans l action feacuteconde affirshyme lindividualiteacute croissante parmi les champs infinis que lamour eacutetendra comme un ciel sans limites aushytour de nous Et je fais miennes les vieilles paroles
dont leacutecho nous a berceacutes
laquo Dans les journeacutees douces ou dans les jours amers Cl Dans les luttes ou dans les espoirs c Pregraves de toi ou tregraves lointainement laquo Toute ma vie et Au-delagrave raquo
31 Juillet
Quel bonheur Une lettre de Jean-Reneacute que je
relis mille et mille fois et dont le chant damour imshymense jaillit meacutelodieusement vers moi en cascades
protectrices et irradiantes
laquo0 bien-aimeacutee bieu -aimeacutee l Soyons unis dans lushyniteacute de lamour je laime ocirc lys ocirc rose dont le parshy
fum est de jasmin
Tu es douce tu ~s vaste ta mentaliteacute est droite et lucide tu eacutevolueras eacuteternellement en rectitude 1
Librement dans la lumiegravere tu agrandiras ton ecirctre par leacuteveil de toutes les possibiliteacutes 0 grande reine aimeacutee tu teacutelegraveveras jusquagrave toi-mecircme tu te legraveveras dans vta splendeur 1
IA CONQtl1~TE DI LIDEacuteAL 139
Tes paroles reviennent vers moi une il une tes penshyseacutees sont comme des colombes blanches
Tu me reacutevegraveles leacutequilibre agrave chaque instant aucune de tes paroles de veacuteriteacute nest perdue 0 chegravere lumiegravere damour jai taut agrave apprendre par toi
Comme tu sais eacutetreindre laction comme tu sais avancer sans cesse ta perfection sera une perfection inteacutegrale la blancheur de leacutequilibre sera autour de toi
Ta robe sera verte eacutemeraude et la vitaliteacute sen eacutemanera ton manteau sera rose ocirc indiciblement patheacutetique aimeacutee Les voiles saphirs de lin telligence seront autour de ta tecircte 1Tu teatourcras du violet de la puissance lor cie lessence parsegravemera tes echarpes
Que rlen de trouble ne puisse mrnro percevoir mon limeacutee
Je veux lui ecirctre un repos de force je veux ecirctre comme la protection de sa liberteacute 1
Tu eacuteclaires de ta preacutesence tout mon ecirctre qui sans cesse tentoure et tadmire et de tendresse iaeacutepuishysable te revecirct 1
Afin que les heures soient plus leacutegegraveres bien-aimeacutee que ta penseacutee vienne vers moi comme la mienrie est vers toi
Oh 1 combien tu embellis des rayons de ton pur et merveilleux ~mour mon agraveme deuml deacutesir et despoir1
Sois beacutenie dans leacutequilibre lamour la lumiegravere et la vie 1
Profondes sont nos profondeurs les aneacutees eumlpanoushy
__________millAlwn1itl6Mtmmiddotmiddotf bull bullbullmiddotbullrn----------------shy ~
140 LA CONQU~TE DB LIDEacuteAL
LA CONQllEgraveTE DB LIOacirc-lL 141
iront sans cesse lenivrante conscience de secirctre unis
~
il jamais 1
Unissons les trois torees en ure blanche hnrrnonie Enseigne-moi la miseacutericorde puisque ton acircme exquise
fer Aoucirct
Que la journeacutee dhier ma paru longue Comme jaurais voulu meacutechapper pour aller bien vile hien vile
L~~
~ veut accomplir partout le bien agrave faire
Tu es une fraicirccheur ombrageacutee ocirc donneuse de repos lui reacutepondre Enfin mil voici libre Il IIlC semble que toul mon cœur se reacutepand vers lui el tout Illon (llIl
que la lumiegravere en toi el en moi seacutechange est en alleacutegresse parce 1]l1C bientocirct il lira mil penseacutee
Que la force en mon ecirctre seacutelegraveve la force calme el bientocirct il tiendra en ses mains cc pnpier dans leque l
apaisante qui vivifie que toute nos penseacutees se perleeshy je veux infuser ma lendresse r~ tionnent jusquagrave leacutequilibre Teacutecrire quelle chose simple el eacutetruuge cl mCIshy
Depuis ton corps jusquagrave ta mentaliteacute et dans les veilleuse Teacutecrire eacutetats decirctre plus rareacutefieacutes tu es deacuteborJante de ta
beau leacute Je taime pour la beauteacute Michegravele je tIlimc Manoil de Ker-Noueacutel 1el Aoucirct
pour la splendeur 1 je taime pour tes recircves nobles 6 h du malin
et hauts pour ton enthousiasme sacreacute 1
o passive en qui le capable dutiliser et de
Etoile qui illumine la
Cosmos se reflegravete 0 sensitive diriger les forces bienfaisantes
terre 1
~
(( Oh elle est venue la belle lettre de mon bienshy
aimeacute elle est venue Ioule lumineuse comme un rashy
yon de soleil dans ln nuit milluminer et me reacuteshy
Jaime agrave laisser fluer vers toi lessor de mon admishylante tendresse vecirclement puissant du patheacutetisme inshy
chauffer dis apporteacutee
le malin el combien de joie elle ma
dissoluble qui conlient leacutetincelle la plus divine leacuteshy Oh Jean-Reneacute toul ce que vous me dites troushy
tincelle damour 1 ve 1Ii1 eacutecho profond dans mon cœur Parfois il Ille
Lamour f Lamour 1 Toutes les symphonies eacuteclatent 1 lous les poegravemes se reacuteveillent toutes les belles leacutegendes se legravevent 1
sem hie luc vous allez eacuteveiller louis en lui des germes tout decirctre cl parfois il me semble
des gelmes lnteuts enshyprecircts il chanter la joie
qllc cc sonl mes PlO
o musique extase ivresse ocirc Ideacuteal ocirc Recircve reacuteel 1ocirc chemin infini conjonction incessante 1 bull
ples penseacutees IC III exprimes comme eacutetant les tiennes El je lclis salis cesse cl sans cesse la chegravere messagegravere IIc Ion SOIlVCIIIcircI
Je taime et comme je taime tu maimes 1 Autour de toi avec toi en toi parmi toi agrave toi 1
A Ioule heure du jour ses phrases aimeacutees chantent en moi elles parfument les heures deacutesertes de labshy
c Jean-Reneacute _ sence elles me bercent de ta tendresse puissan le comme ~ le refrain tregraves doux dune musique exquise 1
-------lI
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteALH2
~
o les belles pages lant aimeacutees si remplies de toul ~
~ (1 ce que jespeacuteru is y trouver
La heau le de Ker-Nouegrave perd son charme depuis
que je suis scull il la contempler et il ln ViVlC Seule y suis-je vrnimeu] seule Non partout ougrave je suis jc sens votre pleacutesence ougrave je recircve je SCIIS votre
tendresse ougrave je pense je sens voire force ougrave jesshypegravere cc sonl OS yeux cest votre main cest votre cher visage qi mnpparaissent cl votre amour est url oland bercement dont les vagues me soulegravevent
mculrainent de bonheur en bonheur de pleacutenitude en
pleacutenitude vers un ciel dc supecircllle beauteacute
lrois jours oul passeacute avec lcnlcur depuis que nous sonunes loin lun de lnulrc Trois jours qui pegravesent
SUI moi deacutejagrave trop lourdement
Je suis hcnucoup avec Edmeacutec agrave laquelle je verse
dc Illon mieux qullllllS torees despeacuterance Je parle
aussi apregraves le dicircner i1V c glanu pegravere dans sa cham
bre L Et lors eesl vol re nom qui eacutemaille constammcnt
noire causerie inl irue
El puis le soir aV1I1 de me coucher je reste un
instant devnut ma tenegravetre grande ouverte SI)I la mel
el je pagraverle aux eacutetoiles qui mc reacutepondent Quelques
unes delles scintillent lollcmeut quelles paraissent me ~
regardcr ou IIlC sourire Et je mimagine (lue ce sont les mecircmes ltfliC III contemples Jean-Reneacute lagrave-bas agrave
~ Paris au mecircme moment
Et quelles lc chantent mon nom comme clics me disent le tien et que ccsl 1011 regard leveacute vers elles
~ quelles font redescendre SUI moi
LA CONQUtTB DB LIDEacuteAL H3
Hier je pensais avoir ainsi agrave travers les horizons
loinlains eacutechangeacute avec loi pal ma fenecirctre ouverte pendant quelques instants Jeacutetais entreacutee dans ma chambre VCIS dix heures Lorsque jai refermeacute ma croiseacutee minui sonnait
Peudaul deux heures je lai parle deux heures qui avaient passeacute comme des minutes mas-tu entendue las-tu comprise
o Jcan-Reneacute Je suis heureuse Jc suis heureuse que tu sois aupregraves Je moi comshy
me je suis aupregraves de toi
le suis heureuse ( Oh tellement heureuse ) dc poumiddot vcir tapporter du bonheur
Je suis heureuse hculeusc heureuse palce que je laime
Je voudrais en teacutecrivant savoir exprimer linexshy
primable Mais ne savons-nous IHIS (IIIC le silence parle
Lorsque nOlIS eacutetions aupregraves llin de lautre aucun
moment neacutetait perdu car nous avions toujours tant
de choses il nous dire ct (1 uand nous ne parlions
pas la graviteacute ardente des silences neacutetait-elle pas plus
belle notre communion plus luupide cncorc ne
seacutecha~geait-elle pas et ne 1I0llS cornpreuions 1I0llS
pas mieux ct davantage quagrave laide des paroles qui limitent
Notre retour agrave Paris est fixeacute au 4 aoucirct Mm lorgues
ft juslement eacuteteacute inviteacutee avec ses enlauts agrave passer ln liri du mois agrave Cabourg chez ugravees amis El agrave son eacutetonshynemenl (cal clic ne voil rien de leacutetnl ducircrue actuel desa Hile) Edmeacutee la supplieacutee daccepter cette disshytraction
LA OONQUEcircTR D~ LIDEacuteAL 1H
A bientocirct donc ocirc mon ami A bientocirct Que cest doux deacutecrire cela que de promesses et despoirs et de joies et deacutemoIions enfermeacutes dans ce petit mot magique
Allons ensemble pal les lumineux sentiers toujours
plus haut toujours plus loin vers les sommets fleuris et radieux et ltIlle llin de nous Ile deacutepasse jamais lautre llue pOlr Ientruicircner plus avant
Voici que jai penseacute lfue lideacuteal de la femme cest darriver agrave incarner lideacuteal de celui quelle aime
Et toi tu maugmenteras toujours et ce que tu ajoutes agrave mon ecirctre et que je veux sans arrecirct reacuteashyliser de mieux en mieux cest bien aussi moi-megraveme dans ce que jai de plus haut et de plus fort moi toute eacuteveilleacutee pal ton amour toute embellie ltle ta tendresse
A bientocirct mon cheacuteri mon aimeacute mon soleil et mon roi A bientocirct triomphal ce mot sonne et reacutesonne en ondes vivantes qui palpitent et en myriades de lushy
miegravercs eacuteblouissantes jaillissent et irrudient jusquau fond de mon cœur miraculeusement
Que degraves maintenant SUl la mel de notre vie notre nef enthousiaste vogue de force en force vers le port lointain ct monte plus encore dans la monteacutee
~nlinie qui par de lheure du temps pOUl jusquagrave leacuteterniteacute
Voici quelques peacutetulcs des loses pourpres qlle tu pl eacutelegravercs et puis voici mon agraveme abandonneacutee
Toute agrave toi Michegravele
laquo Michegravele 1 Michegravele 1
i~~
~ -- Ir ~ middoti
tA CONQu~rRDE L~OAL
(Et je nai rien dit agrave cocircteacute de ce que je voudrais dire )~ ))
or Aoucirct 0 heures du soir
(Cest une lettre de Jane Kousta que je viens de recevoir enfin 1)
CI - As-tu un peu penseacute agrave moi qui ai si soushyvent eacuteteacute dans mes recircves aupregraves de toi Tu sais le sombre destin ougrave je me suis traicircneacutee jusquagrave maintenant agrave travers des palais leacutethargiques parmi les fausses lumiegraveres dun monde sceptique sans foi et sans ideacuteal lumiegraveres brillantes qui attirent et qui brucirclent sans eacuteclairer tu sais combien mon deacutesespoir crise fatale paroxysme redou table me fi t deacutevaler lacircchemen t vers les gouffres sans fond
Sais-tu maintenant la torture de mon cœur dont les lambeaux eacutepars se reacuteunissent uri agrave un et aggloshymegraverent aujourdhui en Ionae vcomplegravete toute leur
1puissance retrouveacutee toute leur passion belle et ardente vers le Seul qui devait le posseacuteder tout entier inteacutegral cc malheureux cœur deacutechiqueteacute 1
Je Igtleure et jespegravere je pleure et jaspire 1 El peut-ecirctre ces larmes-lagrave les premiegraveres lalmes dignes de respect et sans doute aussi de pitieacute que verse mon ecirctre douloureusement meurtri peut-egravelre ces lar~es me laveront-elles de tant de souillures
Je sais heacutelas que le deacutesespoir regravegne et que la souffrance et la plainte eacutemanent de tous les porcs de lunivers 1
i
c
------- ---
Hn LA CUQU~TE DE IIDEacuteAL
---------~---__-- - --- ---__----shy
Oh 1 ces vagues qui se tordent sur la gregraveve en geacutemissant et qui allaient mengloulir Oh ce vent qui pleure lamentablement dans la forecirct et dont la plainte me hanle ct meacutetouffe 1 Oh ces nuages deacuteshychireacutes par leacuteclair et dont la foudre meacutepouvante 1 Oh tous ces arbres qui se penchent et qui se reshylegravevent sous Iassuul de la tempecircte pom retomber encore pour plier pour ecirctre rompus et terrasseacutes
pal le poids de celle souffrance effroyable de la
reacutesistance vaincue Oh 1 tous ces spectres vivants du
deacutelire du malheur du crime des maleacutedictions du deacuteshysespoir de la deacutefaite du deacutesir inassouvissable r
JI lem crie agrave lous Arrecirctez 1 Je leur vcrie Arshyriegravere arriegravere enfin 1 enfin 1
Car enfin jai rencontreacute ma torce ma protection mon sauveur et ma foi
El je veux quil ne soil pas Irop tard Oh 1 par pitieacute pas trop lard Je veux croire que loul ce que jai amonceleacute de drarnes pal derriegravere moi que tout ce
que jai attireacute de deacutesordre autour de ma vie ne pourra
assombrir la lumiegravere si pure ne poulra taire obstacle agrave la Destineacutee nohle ct large qui seacutelegraveve devant ma
roule Enfin enfin
Te souviens-lu dans ma derniegravere lettre de lEloile lumineuse cl lcelle (lui avait eacuteclaireacute la hideur de mon
miseacuterable sol
Cette Etoile ceacutetait celui que tu appelas un jour IL la figure de lavenir celui dont tu me parlais malgreacute ]t
rnes fautes en le deacutesignant sous le nom beacuteni de laquo ton premier amour )l bullbullbull
LA COXQUEcircT DE LlD~Ar H7
Cheacuterie je viens dans lespeacuterance encore humble et timide de tout mon ecirctre cruinfil Je laul de bonheur je
viens le dire merci davoir compris ce quil ) avnit de meilleur en ruoi merci el plus (IUll merci de III avoir aideacutee sans ten douter peul-ecirctre (el Iau l aideacutee lal les bonnes derniegraveres lettres encore) agrave reconnailre ougrave eacutet aicnt les nais henuleacutes de la vic merci merci d rna rCConshy
naissance repenlnnte il toi qui sus garder pal 111 douce droiture Vestale sacreacutee la derniegravere eacutetincelle pUIC
qui vacillait au-dessus de moi au-dessus de ma vie de
deacutesordres eacutetincelle que tu proteacutegeas pieusern-nt pendant plusieurs annees qui sans toi se serait eacuteteinte et qui
fient splendidement de silluminer toute en aurore radieuse dans 111 rencontre de mon premier amou
Il est lagrave 1 Il est ici 1 El cest bien Lui 1
Oh je voudrais que tu le connaisses bientocirct mon amie
celui qui a pris tout mon ecirclrc celui qui seul peut
effacer le passeacute moindre celui qui peul trrcnnohlir en macceptant comme sienne dans la commuuion pro
fonde de nos limes ravies lune par lau Ire pour toujours
Je laime dun noble amour fidegravele infini et pOUl la premiegravere lois ce quil y a de plus pur en mon ecirctre sincline eacuteveilleacute charmeacute exalteacute en admiration devant
celle Intelligence complexe et merveilleuse devant ce
haut caractegravere de volonteacute et de rectitude
[larry Wannshield est un homme
Oh comme jai longtemps llreacute avaul de le conuailre 1
que la terre est un grallJ dSI tJIIil y a peu dhommes SUI lcrre l Et cruira is-f u ltJUl si ma rie jusquici avait lleacute plus droi llaquo nous 1l11lIumlltJflS pu nous trouver plus locirct Il ma rcncoutreacutelaquo il y il trois ans
Hg LA COlQUEcircTB DR LIDEacuteAL
ans deacutejagrave plusieurs fois agrave Paris chez Lady Baret et malgreacute une intense attraction vers moi malgreacute mecircme de reacuteelles souffrances il sest eacuteloigneacute sans me laisser le temps de le comprendre devant tous les troubles infeacuterieurs dont jeacutetais alors prisonniegravere et desquels je
na vais pas encore la force de sortir r
Degraves mon arriveacutee agrave Interlaken il ma reconnue
Nous eacutetions descendus au mecircme hocirctel et moi jai eacuteteacute dabord profondeacutement blesseacutee et malheureuse de son
meacutepris
Oh comme jai pleureacute que de regrets inextinguibles de remords brucirclants de lourde tristesse 1 Puis jai
compris
Jai comprisque ma nature violente et indompteacutee eacutetait seule cause de ma deacutetresse et que ceacutetait peut-ecirctre un avertissement salutaire que je sois ainsi arrecircteacutee agrave temps sur une pente fatale par un laquo Halle-lagraveraquo de la Destineacutee
La doulesr comme un chien mord les talons du lacircche Qui dun jour neacutegligeacute surcharge an lendemain
Oh1 que je les ai meacutediteacutes ces deux vers 1 quils sont justes 1 Et comme la douleur est bonne parfois agrave celui qui nest pas capable heacutelas deacutevoluer sans elle 1
Seulement vois-tu Michegravele il vnul mieux la devancer il faut que lintelligence humaine du sage arrive agrave preacuteshy
ceacuteder lexpeacuterience ce qui fuI impossible agrave linsenseacutee que
jeacutelais
Jai Ileaucoup reacutefleacutechi agrave tout cela
Enfin il est venu un moment ougrave jai accepteacute comme une purification et mecircme cheacuteri loceacutean de peDseacute~~ dou-
LA CO~QUEcircTE DE LIDEacuteAl 149
loureuses agrave travers lequel seulement je pouvais remonter vers lui
Alors jai brusquement rompu avec Talbrut Je savais en le faisant que celle rupture eacutetait deacutefinitivement la lin Je mes deacutesordres Et forceacutee de vivre dune faccedilon beaucoup plus simple jai ducirc quitter lhocirctel ct bullhabiter la modeste petite chambre ougrave je suis reacutefugieacutee et~ seule maintenant
Michegravele1 Miehegravele1je suis tellement sucircre de necirctre plus Of -
la mecircme et de lui apporter tout ce quil espegravere trouver en moi de nouveau de sain de bon de vrai
Oh il faut quil le sache il faut quil ait confiance fout agrave fait il faut quil soit sucircr de moi
Je lespegravere si intenseacutement et je le crois Je sens quil plaint le cocircteacute sauvage avide bondissant et deacuteseacutequilibreacute de mon ecirctre comme il comprend mes aspiralions proshyfondes et belles
Il maime ma petite Michegravele il maime Oh1 ces mots 1 Mon cœur brucircle en les eacutecrivant Des larmes tombent de mes yeuxi Cest mon agraveme qui se fond El je pleure davoir trop pleureacute 1
Je suis tantocirct dans lextase calme et espeacuterante du vrai bonheur enlin cornpris enfin trouveacute Dans ees mornenls-lagrave cest en tendresse reconnaissante eacuteleveacutee respectueuse vibrante dune eacutemotion douce et profonde que je meacutelance vers lui et tantocirct un poignant sentiment de deacutecouragement mabat ct me terrasse
Jai peur mysteacuterieusement de souffrir de souffrir encore
Mais toi cheacuterie toi que penses- tu de ta Jane
110- - ______________________ _ bullbull _ bullbull __ 0 __ bullbull bullbullbullbull _ ~u ~ fl~ n JJJIIIIIII
HiO lA CON(~UlhR DR LmEacuteAt
Iliconlc-moi cc quclic doil Iaire Et puis parle donc un p~1I Je toi aussi Jai cru sentir dans la derniegravere lettre 1In souffle dalleacutegresse lellemeul parfumeacute despoir que je voudrais de les nouvelles plus preacutecises Me suis-je trompeacutee Ai-je lu seulement dans tes lignes affectueuses
et for-les le reflet de ma proplc espeacuterance Pari Micaeumlla1 Et pense agrave la pauvre acircme tourmenteacutee en laquelle
viennent deacutemerger impreacutevues et superbes tant de possishyLilileacutes enfin joyeuses et sereines
Doloregraves raquo 2 Aoucirct
Tout-agrave lheure une amicale discussion eut lieu encore SUI cc sujet qui lanl de fois fut abordeacute indirectement
pendant notre seacutejour ici et qui fut preacuteciseacute davantage
aujourdhui Mme Torguegraves seacutetonne agrave chaque inslanl du systegraveme
deducation trop large agrave son greacute avec lequel je suis eacuteleveacutee cl mentendant causer de Jane avec Edmeacutee elle dit agrave grand-pegravere - Javoue lue je ne vous comprends pas M Vnzanne de luisser ainsi Michegravele se lie l Jc plus en plus avec ~11Umiddot Kousla Cal elle a une conduite plus qucxtrnordinaire et toutes ses amies de pension comme Edmeacutee cl lanl dautres ont ducirc dabord espaCCI puis inlerrom pre les rela lions avec elle
- Par quelle loi Madame me suis-je eacutecrieacutee aurait-on le soi-disant devoir Je mentir agrave ses sentimenls reacuteels Cest agrave-dire pour quelles raisons dcvrnis-je eacuteteindre en moi laucircectiou sincegravere el profonde qui me lie agrave un ecirctre
Pourquoi retrancher quelque chose de vrai et dintense que nous apportc la vic J-~-Qn jamais trop deacutechanges
gt
LA CONQUEcircTE DR LIDF-AL 15t
veacuterltables raffineacutes et intelligents Amiddott-on jamais trop damitieacutes vraies A-t-on donc jamais trop de tout ce qui embellilla vie de lhomme par la preacutesence de lhomme
- Vous ne savez pas le tort que peut vous faire dans le monde cl pour votre avenir Michegravele reprit Mnbull Torguegraves lintimiteacute que vous avez avec une Jane Kousla
- Du tort aupregraves de qui repris-je doucement Ceux qui me connaissent ne peuvent se laisser influencer par rien de cela je pense
Oh t je vous assure Madame nont agrave redouter les opinions du monde que ceux qui reacuteellement veulent lui cacher quelque chose lEt nous nous coupons davantage les chemins de lavenir par tout ce que nous retranchons de lexistence craignant les preacute]ugeumls ou les jugemenls seacutevegraveres que par ce que nous faisons geacuteneacutereusement fleurir et eacutepanouir de ce que la vie libre forte et complexe nous oflre de reacuteelt
- 11 est certain comme le disaient les Latins quune amitieacute nest vraiment solide que si elle est baseacutee sur lintelligence interrompit Edmeacutee
- Cependant lintelligence nest pas tout reprit Mm Torguegraves
Et jai continueacute
- Jai foi en le relegravevement possible de Jane el je crois que je peux souvent lui faire un peu de bienEt puis jadmire les somptuositeacutes de sa nature sincegravere chaud et douloureuse
Jane souffre personne ne sail combien elle souffre1 Elle-mecircme lignore peut-ecirctre encore car il y a souvent
middot middot middot~-~V111V1l1-)middot tlbullbullrl~IY~~middotfmiddot~imiddottril1f~lrVljmiddot7i11~~fmiddotI mAr~~~rHI(fCcedilr~1riTT11-1111~V1((lI~~nnT(IonrVINnwfVampGVr u-__bull ~ _ _
1 LA COQll~m DI LlD 1
dans un cœur aussi vnsle des larmes verseacutees par une pari inconsciente de Iegravelre donl la conscience plus complegravete ne sent (Iur plus larel toule lamertume
Et la souffrance de ma pauvre et tragique amie deacutepasse tellement ses excegraves lt]Ui1 ne seruit pas charitable de lui jcler la pierre
- La seule chose quon puisse lui reprocher agrave mon sens dit grand-pegraverr cest que parfois ellc a fait souffrir le ne suis ni eacutetroit ni piniluin III le sais Michegravele mais
je nai jamais pu admettre la morale de ceux qui
foulent sans scrupules sous leurs pas orgueilleux les
bonheurs d~utrui
Lhomme a en lui une notion du juste et de linjuste et ce qui est injuste el coupahle surtout pOUl une intel shyligence cest le mal fait agrave dautres raquo
Comme M Torguegraves semparait aussitocirct de lideacutee de
grand-pegravere pour laccentuer encore jai de nouveau
reacutepondu
-- Bien entendu je ne veux pas deacutefendre les deacutetauls de mon amie mais seulement ses vertus
Elle est malgreacute ses torts un ornement de valeur et de
beauteacute dans ces landes arides qui forment ln terre landes qui pourraient devenir un merveilleux jardin de richesses feacutecondes si les ecirctres qui composent lhumaniteacute eacutetaient plus souvent de preacutecieux ornements de valeur ct de beauteacute Jase a une acircme vaste une acircme pleine de posslhilileacutes pleine de gClmes et de treacutesors J~lIe peut passer Cil heacuteroiumlne dans la vic au milieu des foules amorphes ougrave clic resplendit comme un phare dans 1i4 nuit comme un diamant parmi du silex
LA CONQJ~TE DI LmFAL Jr)3
Pourquoi nc pas admirer ce que son ecirctre a de supeacuterieur et de royal malgreacute les deacutesordres dont elle soul1re el quelle arrivera sans doute agrave dominer
Et puis mecircme agrave Paris qui esl cependant un centre de lumiegravere reacuteelle la plupart de ceux qui deacutepassent la moyenne des ecirc lres par une belle et noble in1lividualiteacute
son t pris - eu x aUS5~ - da ns lous les capriees ct les plaisirs qui agitent les inutiles existences de tant de Iutiles creacuteatures ils vivent trop en parade et ne sentent
que peu profondement ce qui nest pas leur inteacuterecirct immeacutediat ou linteacuterecirct des quelques oersonnes famille
ou amis auxquelles i1s_ ont dor aeuml de leur affection
Jane elle a une intelligence extlnordinailement vibrante pour tout ce (lui est geacuteneacuterositeacute P()UI lout ce qui est vie progregraves efforts volonteacute de transformer volonteacute de Iairo de faire mieux de faire plus de lclisel
un peu de tout cc que lhomme endormi peut eacuteveiller en lui agrave certains momenls dnspilntions haules el volonlaires despeacuterances de justice plus noble de bonleacute plus grande de bonheurs plus harmonieux Elle est une
de ces trop rares natures qui osenl qui cherchent qui
palpitent qui franchissent hardiment les vieilles ideacutees dhier pour sans cesse recircver plus haut
1shy
AJlIcircl
Il pleut La Bretagne est grise Ker-Nouheumll est morne
Temps de deacutepart Nous quiltols le M1noir demain malin lous ensemhle cl jen suis bien heureuse lIII
pour moi lacircme de cc pays est partie
__
t5~ LA CONQr~TR DE (rDecirclL
Tout me semble ville deacutecoloreacute le preacutesent me paraicirct deacutejagrave dans le passeacute Je hacircle les preacuteparatifs et voudrais
pouvoir hacircter lheure
) AoucircL au sail
Une nouvelle messagegravere de mon Bien-Aimeacute qui me reacutechauffe le cœur dans un grand eacutelan damour
Paris 2 Aoucirct
Ma toute Cheacuterie mon Etoile de Bonheur Je reccedilois agrave
linstant la douce lettre dhier la lettre exquisement douce agrave tout mon cœur et je teacutecris tout de suite afin que tu aies un peu plus de moi eucore avanl la merveilleuse rencontre degraves apregraves-dcman soir nest-ce pas ma rose -~
aimeacutee
Et je tenvoie louLe ma penseacutee tout mon merci eacutemu et glorifieacute des lignes a-lor-ables ct magnifiques qui chantent en moi les hymnes de la conjonction eacuteternelle 1
Si vous saviez ma Michegravele adoreacutee comme voIre eacutecriture votre style lous -cs mouvements de votre ecirctre si beau sont ceux que je comprends que je peacutenegravetre que je reccedilois quc jadmire que jaime
Ce fut pour moi un tel enchantement de YOUS lire 1 un tel eacutemerveillemen t un~ telle extase 1
Depuis que je suis ft Paris je me promegravene tous les matins ail RanclaglI cl je passe reacuteguliegraverement avenue Raphaeumll devant vulre joli home cc deacutelicieux hocirctel enfoui dans la verdure
Et hier ce me fut UIlC grande joie dapercevoir les volets ouverts les domestiques preacuteparant la maison pour
___~A~__
LA coxcuugravera DR LiDEacuteAL 155
votre retour le jardinier dehors toute la vie revenue tou t orgnnisan t votre proche arr veacutee
Si vous quittez KermiddotNollhiH apregraves-dematn matin vous serez sans doule gare Saint-Lazare agrave onze heures et demie du soil Je nose aller vous y chercher malgreacute len vie ardente que jen ai
Mais voici ce que je compte faire si M Vazanne ny voit pas dinconveacutenient jatlendrai vers minuit devant la porte du jardin avenue Raphaeumll Je vous aiderai agrave descendre
de voilure je vous souhaiterai 1 le bonsoir et si votre gland-pegravere me II permet si ma preacutesence ne doit pas vous gecircner si vous necirctes pas trop faligueacutee du long voyage bull jentrerai avec VOliS dans votre demeure ougrave nous passerons de suile les premiers les deacutelicieux instants f
Ne trouvez-vous pas que voilagrave une combinaison hellleuse
Ainsi en tous les cas je vous aurai vite degraves apregravesshydemain je vous aurai parleacute je vous aurai entendue ocirc ma cheacuterie cheacutelIcirce1
Quel bonheur Que de choses agrave se dire Ecirclre pregraves 1 tout pregraves de toi ma Michegravele approfondir sans cesse notre harmonie 1 Aimer 1 el ecirctre aimecirc Jai un besoin infini de tendresse de compreacutehension de libre sinceacuteriteacute de coopeacuteration et de Ion serait impossible dalleudre Je suis tellement insatiable incessanle Cil Comment
bercement fidegravele Il me encore pour le rt~v~r de loi el de ta preacutesence
pourrnis-jn patienle jusshyquliu Iendemaln de Ion relum- eacutetant si pregraves apregraves si longtemps
Lorsque tu arriveras je ne saurai peut-ecirctre que me
bull
1f) L cO(~lJlhE 08 LIDEacuteAL
taire ct te regarder et prendre la main mais nous aurons la cerfilude que les immensiteacutes de nos acircmes el de tout notre egravelre seacutelancent ct se confondent ct en silence ou en paroles banales dans lesquelles eacutetincellcron l les g-emme~ damour ou en mols enlaceacutes nous senti rons lextase de la rencontre ideacuteale
Mon cœur vers loi sen va sen va deacutelicieusement
Et toi tu viens agrave moi li mon royal treacutesor 1
Viens viens je taltends A toujours cl il toujours sois couronneacutee de mon amour sans fin ct snus limites
Jean-Reneacute
gt1shy Paris 5 AoIcircrt
Lomnibus du chemin de fer snrregravea devant notre porte
Une eacutemotion profonde metreignait Dans le SOli deacuteteacute la haute silhouette attendue sapprocha
Et tandis que gland-pfre descendait Je voilure nous nous serracircmes la main intenseacutement
Les dome~ti(IUeS accouraient chercher les bagages
Et nous sommes entreacutes tous les trois agrave la maison une exquise surprise my attendait
Dans le salon ougrave les lumiegraveres beaucoup (le lumiegraveres
toutes allumeacutees brillaient gaiemenl une abondance prodigieuse de fleurs blanches envahissaient les meubles et en profusion garnissaient les potiches et les vases samoncelaient en gerbes Ieacuteeacuteriques seacutelululcnt en bouquets eacuteparses
gt sur les lapis ou piqueacutees autour de palmiers et
de plantes vertes
LA COXQV~TE DE LWKAL 157
Des lilas blancs et des lys surtout et des roses et des arorncs ct des jasmius ct des aneacutemones et des orchideacutees teinteacutees de mauve et des tubeacutereuses enivrantes
TOlite une recircverie de fleurs damour
Jean-Reneacute sexcusait preslue aupregraves de grand-pegravere de la Iiberl(~ prise de cet envoi laquo mais comment ne pas mateacuteriiJlisel lin peu disait-il tous les chants dattente cl
de bienvenue qui milluminent ct quexhale en ondes si puissantes mon ecirctre profond raquo
Etle bon vieillard linterlOmpit doucement
- Vous avez bien fait mon ami de transformer ce salon en un jardin damour pousseacute et fleuri pour ma
petite Michegravele don t les yeux brillants me disent toute la joie eacutemue et douce
Vous avez raison de laimer comme VOliS laimez et je suis heureux lIegraves heureux croyezmoi bien de donner
son avenir et sa jeune vie si riche agrave votre grand ct noble CŒlII
Aimez-la bien aimez-la chaque jour davantage
Dans peu danneacutees peut-ecirctre VOliS serez son seul protecteur son seul appui dans lexistence et je voushy
drais que vous VOliS appliquiez agrave deacutecouvrir toujours
mieux tous les treacutesors enfouis dans sa vaillante nature tous les treacutesors que vous pourrez y eacuteveiller encore et y faire naicirctre par votre amour
Cal lamour vral comme celui qui vous unit mes enfants est le plus merveilleux creacuteateur deacutepanouisseshymen t con lin uel de transformatlons et de progregraves incessants D
Alors grand-pegravere passa le bras de mon bien-aimeacute aulour de ma ceinture et seacuteloigna agrave pas rapides
bull_
11
_
158 LAgrave COQUEcircTR DR LIDEacuteAL
Jean-Reneacute avec une force passionneacutee mallira vers lui et notre longue etreinte fut radieuse
Comment deacutecr-ire linexprimable Comment limiter par des mots Iimmcsurnb le
Ou mieux pourquoi mecircme deacutevoiler en moi jusquagrave vouloir me les deacutepeindre consciemment toutes les eacutemotions ressenties si profondes teus les bonheurs les plus sacreacutes toutes les secregravetes espeacuterances
Non je veux me taire je ne veux pas amoindrir en lexprimant la beauleacute des sphegraveres cacheacutees les plus hautes et les plus lumineuses de notre eacutechange et de notre communion
El mon acircme a son sanctuaire que Lui seul peut peacuteneacutetrer
- Merci mon Jean-Reneacute disais-je de celle symshyphonie de fleurs el de parfums qui entoure notre tenshydresse de son alleacutegresse de gragraveceet de torce de son charme meacutelodieux de son mystegravere peacuteneacutetrant
Les fleurs sont si bien laites ponr bercer lamour et latmosphegravere toute lemplie delles est si douce si extasieacutee pour envelopper cette heure inoubliable de notre rencontre eacuteternelle
Et ce fut le grand bercement des paroles
- Il Y a si longtemps si longtemps Michegravele que je luis seul tregraves seul si peu compris
Il y a beaucoup plus que des anneacutees il y a lanl de penseacutees1 il Ya lant de deacutesirs tant despeacuterances deacuteccedilues t
Mais ln es venue el te voilagrave1 El comme il est vrai que lon grandit quand 01 aime un ecirctre nouveau il est bien vrai que ln vic ne commence que Iorsquelle se
LA aONQueacuteTR DE LlDEacuteAL 159
retrouve Se peacutenegravetre sexalte cl seacutemerveille dans 14me droite lidegravele tendre de celle qui ltun geste lent et sucircr
dune ligne volonlaire vient en feacutee des jours anciens nous eacuteveiller agrave notre recircve mecircme
Vous changez ma nuit en IllIniegravere cl le flambeau de votre ideacuteal qui nous illuminera sans cesse est auss] haut et pur quune eacuteloile de infini Merci de renoncer par amour agrave la vie brillanle joyeuse eacuteclatanle que vous pourlIumlez avoir si taciement dans le monde et de libreshymenl accepter ma voie de rcaiiteacutes seacutevegraveres de disciplines incessantes el de classification de LOIILes choses en vue de lŒuvre agrave accomplir
- En choisissant ainsi lui aimiddotje reacutepondu j~chilDge le meacutetal clinquanl pour de lor pur et le simple cristal pour du diamant sans prix
Et puis si noIre chemin na pas le faux eacuteclat des vaniteacutes mondaines nesli1 pas eacuteclaireacute des lumiegraveres si douces de la paix de lharmonie nesl-il pas beacuteni dans ses espeacuterances merveilleuses JI
Longtemps nous avons eacuteoqlleacute ensemble les projels dun avenir de lIavai et de tcnuresse longlemps les imiges de nos recircves dresseacutees au Iour de nous nous ont entoureacutes et nous ont berceacutes dans un grand souille denthousiasme
Et les heures senfuyaient leacutegegraveles pleine ef adrables
Il ma parleacute de la bague de fia1iccedilailles bull et ensemble nous avons convenu ltun beau rubis cllneacute qui est la pieTe damour lIl toureacute ugravee peliles eacutemelaudes
- Bientocirct me dit-il je vous passerai 8U doigf cet lInneau symbolique en signe de la prolection et de
_~1 )~Inl~~i ~~~~ ~~i~~WSj ())i~Iii(tiiiii~rTxW ~~ X Y )~ r~)ji~ ~i i li) ~X~gi~ i i)1gt1)gtmiddotiI~ ~ f l ll bullbullbullbullbull _ bull
161
1GU LA CONQUI1TE DE LIDEacuteAL
lamour dont je vous entoure et vous enveloppe cela sera le sceau visible de nOS merveilleuses flanccedilaillesi
Michegravele je te confie mon bonheur je te confie mon espoir cl mes ar-lents deacutesirs pOUl toute la vie Jai en toi une confiance infinie que tu feras fleurir ce quil y a de meilleur en moi ct que je te donne avec toute la foi pure et haute de mon amour enivreacute
Michegravele 1 Michegravele 1 laisse-moi agrave toute heure vivre aupregraves de toi deacutesormais les minutes qui nous seacuteparent sont des amoindrissements de seacutereacuteniteacute et de vie
Et sois radieuse et belle Ocirc ma cheacuterie et sois toute baigneacutee damour el aspire vers tout ce qui augmente et vivifie notre ecirctre
Sois eacutepanouie dans ta beauteacute teacuteerlque sois rayonnante de notre joie raquo
Lorsque grand-pegravere enIra nous preacutevenir de lheure tregraves tardive dans la nuit deacutejagrave avanceacutee Jean-Reneacute lui demanda sil pourrait bientocirct venir nous voir avec s~
megravere qui a si grande envie de me connaicirctre
Il fut alors deacutecideacute quapregraves demain malin Mme Formant et son fils deacutejeuneraient avec nous
Je le reconduisis jusquagrave la porte au boul du jardin ougrave longuemeat encore sous la nuit molle et chaude qui seacutetalait autour de nous comme on boit le parfum des fleurs deacutelicieuses nous avons eacuteehangeacute et confondu la douceur de notre extase
tA bONQU~TB bE LIDtUuml il
xx UAoucirct
r ute io baigneacute des grande~ co~v~rsafioris ~ui ~Jllt
pendant ces que(lues jours illunUgraveneacutee et c6mme g~ndie jeacutecouteacute nies penseacutees ea eacutecho
Tout ce qui naugmente pas Jecirctre le diaHilue Tout ce qui ne grandit pas abalsse Tout ce qui nembellit pasabIcircme Rienmiddot nesl indiffeacuterent Rien
Pas une penseacutee pas un acte pas une paroJe pas un ~este pas Une heure
Leacutechange moindre la conversatidn banaJe eutraven t celui qui veut monter
Pour reacutealiser un grand id~al il faut que toute Ja ie tout ce qui Ja tait tout ce qui JJanime tout ce qui rapproche tendent vers cet ideumlal Il ny a pas de demi mesurs Linit~eacute a horreur des tiegravedes et comme la dit Nielzche li il faut ecirctre dur JI pour lIdeacutee Cenest pas eh acceptant les habitudes ordinaires te nest pas en parshy
Iicipant aux mœurs dUne Civilisation deacutecadegte agrave ce point ce nest pas en se nieacutelangeant au monde tel quil est quon peut former le monde futur
Daucuns crient laquoNotre eacutepoque est feacuteconde admirable supeacutelIcirceure raquoEn veacuteliteacute leur ideacuteal nest pas eacuteleveacute et ceuxshylagrave nont pas complis ce que pourrait ecirctre la vie les posshysibiliteacutes admirables qui sont en elle et (luels effroyable gasplUages on tail du temps
1 Cest un grand piegravege que celui de Jamitieacute Lecirctre qui aime mais qui refuse de suivre celui qui va plus Joln
versla sagesse sait se plain1re et apitoyer autrui nest-il pas abandandonneacute par lami hautaiD orgueilshy
_ ---shy
162 L~ CONQU~Tll DB LIDhi
Leux infidegravele qui pour une ideacutee supeacuterieure ou soi-disant telle a le cœur doublier laffection la tendresse le deacutevouement lamour peut-ecirctre de celui qui leste le niegraveme
Mais toi qui aspires agrave monter suis ton chemin Ne te laisse pas fixer par celui qui veut rester le mecircme Essaye de lentraicircner lagrave ougrave te portent tes pail hardis explique-lui ta penseacutee et console-toi de ce que Ion incompreacutehension fait pleurer en toi en essayant
de lui euvrir la porte du Sentier
Sil laime assez il comprendra ou alors cest quil est trop loin de toi et tu nas plus le droit darrecircter la vie et le progregraves en toi pour rester proche de lui en arriegravere
Cherche leacutechange de celui qui teacutelegraveve (lui tapporte qui teacutevolue
Donne agrave ceux qui suivent ton chemin et que tu peux aider agrave marcher vers la lumiegravere Ne te limite pas agrave ceux t1ui refusent daimer son eacuteclat ou (lui nient sa reacutealiteacute
Si tu en souffres deviens-en plus fort Nobscurcis jamai~ ce que tu ~s compris en le meacutelangeant et en le teintant de la penseacutee qui lamoindrait Il Garde toa cœur pius que toute chose quon garde raquo Et comme la dit lApocirctre ~e divise pas en toi le corps unifieacutebull
Souviens-toi du Lekhlekha (i) Biblique Avant de donner agrave Abraham sa haute mission agrave remplir lEternel dit agrave Abraham laquo Tu quitteras ton pays et le lieu de ton parentage raquo
Et pourtant Abraham eacutetait neacute il Or (Lumiegravere) en ClutIcleacutee Et la lumiegravere chaldeacuteenne (Aor) eacutetait deacutejagrave pro fonde
(t) Abandol1ne
tA dONQU~TE illt LIDEacuteAL 163
Mais On ne peut servir Dieu et le monde On ne doit poin t entraver en soi la malche de lideacutee Sois fort sois courageux La sentimentaliti ambiante tassume de toutes parts Ne confonds plIS sensibiIiteacuteavec affection ou bonteacute ou miseacutericorde Ln vraie miseacutericorde est une avec III Justice et il est juste avant toutes choses que tu protegraveges en toi le Divin que si peu reccediloivent et comshyprennent
Entretiens-toi sans cesse de la Sagesse qui es] lagrave science de la vie Refuse les paroles flivoles Fuis lentretien quelconque eacuteloigne-tot toujours plus de ceux qui acceptent le monde tel quil est ou qui douten t de ta mission
Sois fidegravele agrave ta mission par dessus tout
Sois le serviteur de lideacutee
En agissant ainsi tu deacutelivres lideacutee tului frayes uri gland chemin de respect et de seacuterieux tu la gardes
agraveplus pure et ceux qui riennent elle la comprendront plus nettement et oseront parce que tu lauras oseacute Se seacuteparer des ideacutees confuses et obscures se Seacuteparer des mœurs du monde
Ainsi un peu du monde futur pourra se ormel
4tbull
12 Aoucirct minuit
Oh 1 dramatique destin June pa uvre acirclDegrave si forte arrecircteacutee en plein eSSOr pal le reacuteseau dinextlicables obstacles quelle a elle-mecircme dresseacutes sur sa route
_-__-_-------------shy
tamp C()NQU~TE DR LroEAgraveLiucirc4
Pourquoi oh pourltJuoi Quand jc suis au milieu des recircves les plus beaux quand la vie magnlflque eomme un oceacutean prodigieux toule en ses flots puissants toutes les splendeurs dun udmirable eacuteteacute toutes les feacuteconditeacutes tou tes les richesses de la na ture lJuand les journeacutees ltIue nous vivons mon bien-aimeacute et moi sont tellement hautes intenses joyeusement sereines et remplies que je nai plus le deacutesir den exprimer les rythmes tant il est vrai que les profondeurs du bonheur sont silencieuses quand toute la lumiegravere pourrait devenir eacuteblouissante pourquoi oh pourquoi le soleil sarrecircte-t-il de luire soudainement sur cette miseacuterable
)
vie deacuteserte qui allait eumlnfin fleurit dans sa merveilleuse
pleacutenitude
Combien cela mattristc et je sens seulement mainshytenant agrave quel point je laime
Pauvre pauvre chegravere Jane Lexistence tc fut au fond toujours cruelle malgreacute les apparences brillantes dont elle tavait orneacutee et qui saura jamais tout ce que
lu as souffert
Moi-mecircme ai-je eacuteteacute pour toi ce quc jaurais ducirc ecirctre Peut-ecirctre si javais su parfois mieux tentourer aurais-lu eacuteteacute moins malheureuse moins heacutesitante moins troubleacutee
Je ne puis croire agrave cette reacutesolution eacutetrange deacutesesshypeacutereacutee Et lamentablement la silhouette douloureuse de Iane me hante Image tragique sans cesse preacutesente dans mon cœur elle syntheacutetise son Passeacute mysteacuterieux deacuteseacutequilibreacute et dont la reacuteaction Inexorable lencercle et
leacutetreint
Mais non cela nest pas possible 1 Elle est trop belle trop jeunc trop ardente pour renoncer agrave toutes joies
LA OONQm~TE DE LIDfAL 165
pour abandonner lespeacuterance au moment mecircme ougrave le bonhcur lui apparaissait si proche ougrave lnltcnte dc III reacutedemption irrndiuil tout son ecirctre
Cependant qua done cclie soireacutee cette nuit de si lourd de si trlstc
Et je lelis encore la lettre deacutechirnnle quelle a crieacutee vers moi
laquo Ma ltllch61e cheacuterie
laquo Au milieu des ruines de mon acircme je cherche pour un mornen t la force de te dire ma deacutetresse parce que tu as le droit de savoir parce que je veux Ique tu comprennes
laquo Trop tard ~ Trop tard l Tout trop tard 1 1
laquo( Trop tard venu lavertissement qui arrecircta ma course folle
laquo llOp lard la rencontre merveilleuse Trop tard ma rupture des indignes chaicircnes
laquo Trop tard tout leffort de ma volonteacute tendue pour reacutepare l Ics fau tes des truel rices
En avaut quand jo regarde au loin je naperccedilois plus quune route en Ieu des ponts qui secroulent des torrents qui ravagent et qui brisent
En arriegravero si je regarde je ne vois quun marais brumeux sordide miseacuterable slins une fie III de beauteacute
sans une lumiegravere damour sans une icircle de recircve Hien rien seulement langoisse du laquo cela alraillu ecirctre )
Je ne peux pas lutter Cest trop Je mentuierai loin loin
Je ne peux pas revoir ecmonde ce piegravege Ma lettreacute
u t
fifi LA CONQU~TR DB LIDEAL
est un adieu Si tu maimes ne cherche jamais agrave rien lavoir de moi
Jeacutetals freacutemissante despoir et de reacutesolution jc me sentais capable de remuer des montagnes jeacutetais eertaine de maffranchir de me relever Ile me purifier Oh 1 jeacutetais sucircre de resplendir
Mais voilagrave Lui il cst marieacute
Ah 1 il r a Irais ans Quand il maimait quand je lai deccedilu quand je ne lai pas reconnu quand jai ignoreacute lia souffrance quand jai joui de sa souffrance - comme 1
de celles des autres - alors il eacutetait libre
Cest bien moi qui nai pas su qui nai pas voulu Loo
La reacutealiteacute lagrave veacuteriteacute la vie tout sest offert1Moi je neacutetais pas precircte - Maintenant je pleure
Lui if est droit il est noble il a un foyer une femme des enfants - sa droiture est c onlregrave moi Il maime et toute sa vie aussi sera marteleacutee de mon souvenir il maime dans un regard dans un mot au fond de son agraveme voileacutee la lueur dUne eacutetoile au lieu de la clarteacute sans limites du soleil
Ah 1 je serais resteacutee jau~ais dompteacute lassoiffement de mon corps Jaunis domineacute le tumulte des vagues de ma tendresse impuissante jaurais veacutecu des mieIles de bonheur qui me seraient venIles de lui agrave travers lespace comme se nourrissent les oiseaux familiers 1
Cela mecircme est impossible Le fauve sest deacutechaicircneacute la colegravere la jalousie lorgueil ont allumeacute la farouche passhysion dUD homme qui se croit le droit de me garder par
Ia menace pal la violence pal la haine
s veageance plane oh 1 ras sur moi sur Lui
LA CONQutTE DB LIDEacuteAL 167
- _
Comprends-tu Michegravele
Sur Lui il est comme un otage qui reacutepond pour moi 1
Chacun de mes gestes est eacutepieacute par celui qui fut mon amant Talbrut 1 ne reculerait devant rien
Et lagrave cest linexorable Cet homme est en fer Je ne peux ni rester avec lui que jabhorre ni approcher Wanneshield dont la preacutesence est mon tout une parole une rencontre serait le duel peut-ecirctre le guet-apens 1
Alan je pars je menfuis Ne me demande pas ougrave je vais Le nuage informe quentraicircne louragan sait-il co quil sera demain
Ne me regarde plus
Tout est fini Ce soir je ne serai pas ici
Quelques-uns seacutetonneront Dautres me chercheront peut-ecirctre Iais nul ne me verra plus jamais jamais
Et la vie est ainsi laite quil faut que je leacutecrive mon adieu au moment ougrave tu mapprends la chegravere nouvelle de tes fianccedilailles
Dans ma douleur sans fond je taime pourtant assez Ocirc
ma cheacuterie pOUl sentir une eacutemotion p~ofonde et douce qui me pousse vers toi si tendrement
Michegravele bien aimeacutee je comprends en ce moment tant de choses nouvelles qui entrent brusqusmen t en moi par la grande blessure de mon cœur 1
Ah les plus hauts despsychologues qui nous peignent en tableaux admirables les passions les sensations les actes et les deacutesirs de lhomme ne vivent que dans un domaine infeacuterieur et au-delagrave de cette sphegravere active il y ~ tous les eacutelans plus protonds de lecirctre et toute la
_
(68 LA OONQUtTB DB L~DtAT-
ie reacuteelle - celle que je nai pas veacutecue - cette vie ineacuteshypuisable infinie mysteacuterieuse (lui nous frocircle de ses crandel ailes aux seuls moments heacutelas ougrave la douleur bat ~urnous
Pourquoi attendons-nous les heures si graves pour penser plus gravement
Pourquoi lacircme profonde ne seacuteveille-t-elle dans les ecirctres ou dans les peuples que lorsquun drame les eacutetreint
Bientocirct je serai loin tregraves loin et je sens seulement agrave cel instant terrible ougrave ma reacutesolution inexorable doit laccomplir - comme si je voyais deacutejagrave ma vie dici avec beaucoupde recul ou de ti egraves haul - je sens seulement mainlenant combien lexistence humaine est remplie dheures vaines steacuteriles superficielles distraites pal tout linutile et combien elle pourrait devenir splendide si chacun roulait comprendre 1 Le grand ennemi de lhomo megrave heacutelas cest lhomme lui-mecircme Et moi javais peutshyecirctre reccedilu plus de forces quil nen doit ecirctre accordeacute aux humains pour aimer
Lacircme profonde ~veut nous parler mais sa voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffent
Michegravele cheacuterie je sais que celui avec lequel tu vas vivre la vie a compris deacutejagrave plus que je ne sens encore Ecouleshyle suis-le comme tu laimes Il est de ces rares (lui cherchent agrave ouvrir les portes scelleacutees par ougrave notre espeacuteshyrance monte vers En-Haut et par ougrave un peu de la grande lumiegravere du ciel pourra descendre sur les hommes
Oh Iloyez heureux soyez beacutenis 1 Vous deux qui vivrez P9ur fair lavenir meilleur Je VQuS comprends et je
L CONQU~TB DE LIDEacuteAL Hm
vous regarde je vous comprends et je vous admire Oh Vous Deux soyez heureux 1
Et ce vœu est la seule eacutetincelle ardente qui seacutechappe de la Douloureuse qui sen va nemportant avec elle que remords deacutetresse regrets et renoncement
Car jai enfin renonceacute agrave Tout
Jane
16 Aoucirct
Nul ne sait ce quest devenue ma pauvre grande amie
A Interlakenon ne la pas revue depuis le 11 Aoucirct
Plusieurs preacutetendent quelle est partie par Je train du soir qui rejoint IExpress-Orlent Russie Sibeacuterie Chine - qui sait
Je lui avais teacuteleacutegraphieacute aussitocirct apregraves le reccedilu de sa lettre
La deacutepecircche nela plus trouveacutee heacutelas et mest reve~ue
TOIlI le pays est en eacutemoi de cette disparition subite ct complegravete
Sans doute celui pour lequel elle a tout abandonneacute a-t-il eu tille derniegravere leltre delle
Mais elle Ile lui aura padeacute qlle de lamour qui aurait pu ecirctre son relegravevemeu t et (fui est devcnu la cause de sa deacuteroute
Peut-ecirctre recevrat-je un JOUI lin mot delle venu le cel Orient lointain qui la toujours attireacutee Et je Jeacutevoque
je la revois si belle avec ses grands yeux de vertige
__________bull ~ ~ ~ t _ lt bullbullbullbull ~ ~ - j ~1middotbull11 nmiddotv 1 1 I~ IN H l~ Il~ Z 1Jl~~~f 1middot~~yv ~ l~ ( Ii l i l(gtgtmiddot~middot ~ ~ I~ ~r-r~ 1iI l~ l~ iuml~~llll~i) ~fi gt~~ 1 l)) iygt~middotg ~ 1~l 1 ~ 1lt ~i 1~S lt1 ~ iFS~W1~~~Icircmiddot~r(tmiddot~~~1~~ ~~n~~~(Fmiddot1
l70 LA CONQUI~TE Dn LIDEacuteAL
quand elle me prenait sur ses genoux et quelle me serrait contre son CŒlUI vibrant et passionneacute
Pauvre Jane 1 Nentends-tu pas lappel de ma tendresse qui seacutelance vors toi et qui voudrait si Iortemen t te sou tenir et te bercer
Il Y a dei moments ougrave la vie touche linsondable
Et malgreacute la consolation terme et douce de mon grand soutien je ne puis deacutetourner ma penseacutee de ce drame eacutetrange
Jean-Reneacute aurait eacuteteacute si capable de comprendre et daider Jane 1
Il a aimeacute la fin de sa lettre laquo Lacircme profonde veut 1
nous parler mais Sl voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffentraquo
- laquo Cela est vrai memiddot disait-il tout-agrave -lheure Ta
pauvre amie Michegravele a compris de nouvelles veacuteriteacutes
dans Sil lourde souffrance
Auxlleures tragiques qui sonnent dans la vie soudain son cocircteacute seacuterieux apparaicirct et lecirclre est tout precirct alors agrave
seo tir les progregraves agrave reacutealiser les ameacuteliorations agrave accomshyplir les efforts reacuteels il faire en soi et autour de soi pour abolir ce que lon peut des souffrances humaines
Mais heacutelas trop souvent presque toujours (lue le soleil ~u bonheur reacutechauffe lecirctre meurtri que la vie seacutepashynouisse de nouveau et avec la paix qui revient renaicirct lindiffeacuterence de lecirctre son inertie sa Irivoliteacute mecircme
Voilagrave une des immenses reacutealiteacutes symboliques de lAnshycien Testament chaque fois que le peuple dIsraeumll tombe en deacutetresse il se tourne vers ion Dieu pour limplorer j
~~
tA CONQuecircTB DE L~DacircAL 171
Dais degraves que la prospeacuteriteacute lui sourit de nouveau il deacute tourne ses pas des sentiers de la justice et il adore les idoles impures du monde profane D 1 Nous eacutetions dans un courant de penseacutee ougrave Jean-Reneacute est ineacutepuisahle Il continua Ionguement
-- laquo Tant ltflle la vie reste veacutegeacutetative inconsciente elle est heureuse telle quelle est parce quelle nexiste que dans le preacutesen t En geacuteneacuteral elle se conten te de ce quelle est puisquelle ne conccediloit pas le mieux-ecirctre
laquo iIais degraves que la conscience seacuteveille et que lintelligence
compare se souvient espegravere il ny a plus aucun bonheur possihle dans les conditions de la vie primaire classifieacutee alors comme insuffisante douloureuse instahle
laquo Lorsque la vic nest plus satisfaite par II sensation la sensualiteacute leacutepanouissement naturel et ltflle lintellishygence commence il formel des modes nouveaux de jouisshysance -les plaisirs intellectuels ou intellectualiseacutes - cest que la conscience est eacuteveilleacutee et par conseacutequent lhomme
qui touche cette phase ne peut plus sauf par un effort daveuglement volontaire se deacutetourner de la recherche constante du mieux-vivre
laquo Deacutesormais toute la sphegravere de laction possible appashyraicirct sous deux aspects llin constructeur lantre destrucshyteur lun (lui tend il ameacuteliorer lautre agrave deacuteteacuteriorer les conditions deacutejagrave acquises
laquo Sous cet angle les jouissances naturelles qui furent toute la vie primaire restent neacutecessairement la base de la vie intellectualiseacutee mais comme Iinlellectualisatten de ces jouissances est susceptible de les fausser il y a agrave
deacutevelopper une volonteacute de na tm-alisme balanceacute Iortifian t ~aiQ
-
-
1
_
173 112 LA CONqUlhE ns LIDEacuteAL
bull ci De plus pregraves encore il faut passer au crible les plaisirs intellectuels (lui si facilement peuvent devenir des excitants ruineux des stupeacutefiants des eacutepuisants
laquoAutrefois la saugraveuetlaquo de la vie consistait reacuteellemen 1
dans celte balance celle hieacuterarchie harmonieuse dc toutes les faculteacutes
CI La destruction vient de lexcegraves cest pourquoi Iasceacutetisaie nest quune caricature de la vie sainte parce quil cherche agrave saper la base fondamentale et naturelle
laquo Lorsquon a compris ces choses lorsquon sait que lintelligence peut transformer lorsquon sent tout ce qui manqlle que deviennent les plaisirs futiles les gasshypillages de forees les tempecirctes passionnelles et toutes ces distractions vaines tout ce (lui deacutesagregravege ce que nous voulons ce que nous devons organiser
laquo Les mots contiennent de grands enseignementsmiddot parshyce que lantiquiteacute savante les a formeacutes syntheacutetiquement selon les lois reacuteelles de lecirctre eacutetymologiquement distracshytion laquo distrahere raquo veut dire laquo tirer-hors raquo nous tirer hors de nous-mecircmes hors de notre preacuteoccupation de notre responsabiliteacute de notre espeacuterance nous faire oushyblier les choses seacuterieuses
laquo Et croyez-moi Michegravelesi la tlistraction peut ecirctre leacutegitime dans certains CfJS il certains moments 0 elle est ponr ainsi dire neacuteceSSaire combien elle est illeacutegitime et neacutefaste pOUl ceuz qui sen serveltt dans linsttuuuml Olt
pleins de [oree ils pourraient trtniailler agrave JeacuteaLiser lideacuteal cest-agrave-dire agrave mateacuterialiser dans la vie ambiante la conshyception in tellectuelle du mieux 1
laquo Que les homaes depuis si longtemps quils souffrent
tl CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
et se deacutebattent entre le Jardin de lInconscience et lacirc Terre Promise soient si pcu nombreux agrave prendre virileshyment la route qui les megravenera vers le bonheur intellectuel cest lagrave leacutetonnant mystegravere que la complexiteacute de lhistoire politique du genre humain explique en partie
laquo La frivoliteacute la leacutegegravereteacute inouiumle larrivisme eacutegoiumlste lindilTeacuterence cultiveacutee de la plupart des intelligences est comme un voile qui cache la graviteacute de la vie la proshyfondeur merveilleuse des possibiliteacutes quelle contient 1raquo
Une lettre dAndreacute Calvis
Florence 18 Aoucirct
Vous sentez tout ce que jeacuteprouve en apprenant vos fianccedilailles Michegravele 1 Par-dessus el au-dessuslife tous les sentiments divers et complexes que celle rande neuvelle
eacuteveille si profondeacuteœent en moi mes vœux seacutelancent ardents graves fervents et conscients de tout ce quils impliquent 1 Soyez heureuse chegravere Michegravele vous et celui que vous avez trouveacute digne de vous
Plus tard un peu plus tard quand VOliS serez mariee et lorsque je me sentirai plus fort je viendrai vers vous deux et jespegravere que vous maccueillerez comme je vienshydrai en ami et en fregravere Car je me souviens de vos paroles du dernier soir CI quil faut garGler comme des clioses tregraves preacutecieuses les liens reacuteels neacutes dans nos vies D
bullbullbullbullbullbulll lt~) ~~middot 1 bullbull~ bullbull bullbull ~Il~lt bullbull ~ _~ bullbull __ 0
__ __ __ _ _
174 LA CONQu~rE DK ~IDeacuteAL
Oui nous deacutetruisons parfois inconsideacutereacuterneul pal inconsshycience ou pHI fuihlesse ces lieus qui soa l en reacutealiteacute cl
en essence de la vic mecircme de la beauteacute de lamour dans le sens le plus eacuteleveacute du mol Nous tuons ainsi en nous de la vie en nous diminuant en veacuteriteacute nous-mecircmes
Parmi les ruines des souvenirs somplueux que vous mavez laisseacutes il esl neacute un nouveau poegraveme tel un jeune arbre plein de vigueur Je llais quen lachevant jaushyrai triompheacute de mon chagrin Michegravele El quoique ce puisse sembler choquant que jose encore aujourdhui Iait-e une allusion au passeacute il me Iait lanl de hien de POUVOil agrave cause de vos fianccedilailles mecircme vous redire ma respectueuse affection raon deacutevouement inalteacuterable Dites agrave velre fiasceacute combien deacutejagrave je laime puisquil vous rend heureuse Et sachez lous les deux quen ces heures inlenses lue vous vivez ougrave tanl davenirs ~erlllent parmi linconnu mysteacuterieux des destins (lui se nouent et se peacutenegraveshy
trent nul plus que moi nappelle vers vous le bonheur le gTand lunique hsnheur qui illumine la vie 1
SUl la terrasse dougrave je VOliS ecris le parfum intense des loses dItalie se reacutepand III moule dans lair du soir Quainsi montent jUS(IUagrave vous respectueux et profonds les neux de celui (lui meure un ami
hdreacute Calvis
Andreacute Calvis 1 Edmeacutee Torguegraves 1
Tons deux sc sonl trompeacutes dabord SUI leur veacuteritable chemin
Comme il esl facile de se tromper degraves quon ne parle
LA CONQUEcircTE DE LIDEAL 175
pa~ en soi un sens indeacutefinissable de la direction el de leacuteloile Les nuuges te lil seatiuieataliteacute tendre romashynesque el faible comme les voiles de 1 serrtiurenluliteacute somptueuse lyrique el dramatique suffisent 1 enteacuteneacutebrer la reute lour ceux-lagrave il faut ne main secourable qui tosse luire un rayon de veacuteriteacute Il me semble que de ces deux erreurs uae belle reacutealiteacute pourrait surgir Edmeacutee 1
Acircndleacute Ils Ile savent pas combien leurs natures se reacutepondent 1
Linterpeumlneumltratien cest lillimiteacute linfini 1
Mal~reacute lintensiteacute te leur ecirctre et sa valeur selon SI
propre loi tous deux furent agrave nous deux limiteacutes et finis parce que leur monde neacutetait pas notre monde parce (lue leur attente neacutetait pas notre attente 1
)Iais jai liatuilioa certaine quen se rencontrant ils se retrouveront et quen se trouvant ils vibreront eux I1Issi leur accord infini
~
20 Aoucirct
li Y a tnt de choses (IUC jaurais voulu pouveir eacutecrire de tout ce que me dit Jean-Reneacute Les coavershysatieas degraves quelles se dirigent vers les hauteurs deacuteroushyleat tes livres entiers Et je ne rappelle agrave la surface de ma meacutemoire que des fragments infiniment petits
laquoLa vie est ce que nous la faisons Or la vie de lhomme actuel nest pas encore consciente ni reacuteellement
Tbull yumiddot lxcv l7_Vf l rimiddot lt~~ li i i ili f v~l ~middoti1 middotmiddotGmiddot middotI~i~ ~WYINiumlW llPt 1 V)Ilt1tnJ~bull bullbull _ u bullbull bullbull on u
1
1iuml6 LA CONQUEcircTE DE il~tlU
formeacutee Lhomme dont les cinq sens ordinaires sont seushyIement eacuteveilleacutes veacutegegravete dans un eacutetat dinconscience grus~
siegravere et de leacutevolution de ses sens latents deacutepend le raffishynement et le progregraves veacuteritable de la vit
Quelques-uns conccediloivent mal comme quoi ce que Pdn appelle communeacutement de ce mot mal choisi loccullisshyme (mot qui ue veut rien dire en veacuteriteacute puisque tout est occulte jusquau jour ougrave cela devient objet de science cest-agrave-dire dexpeacuterience el de connaissance ce qui est preacuteciseacutement le cas actuel pour ce que lon appelleocculshytisme) quelques-uns conccediloivent donc mal que ce que lon appelle plus justement les sciences psychiques puissent aider par leur progregraves le honheur humain et la reacutealisashy
tioa dune vie plus haute et plus noble Comment ne pas comprendre cependant qlle si nous
voyons tous la vie agrave travers nos propres yeux que si nous n~ voyons que ce que nos orglInes actuels sont capables dapercevoir notre champ dinvestigation dintelligence de compreacutehension et de connaissances augmentera proshygressivement au fur et il mesure du deacuteveloppement de lhomme lui-mecircme et des sens supeacuterieurs quil possegravede latents Comment ne pas deacutesirer eacutevoluer au plus haut de son individualiteacute dans toutes les directions possibles
Comment ne pas mecircme essayer sincegraverement et avec perseacuteveacuterance leacuteveil de ces faculteacutes psychiques traditionshynellemenl connues et qui enrichissant lecirctre en profonshydeur et en reacutealileacute lui permellent de sentir Iil vie agrave un
eacutechelon quil ne soupccedilonnait pas encore auparavant de soulever un voile sur le mystegravere de linvisible et daccroicircshytre infini~ent la connaissance humaine en lui permetshytant de peacuteneacutetrer dans ce que lon pourrait appeler laquo lenshyvers ou lautre cocircteacute des choses D
LA CONQU~TE DR LIDEacuteAL i77
Alors lhomme eacutevolueacute ainsigt peut comprendre non seulement ce que paraissent les actes les paroles les penseacutees mais ce quelles Salit AlOlS sil cherche agrave trashyvailler au bonheur humain son effort raffineacute et compreacuteshyhensif visera juste et aura chance daider la vie en sa reacutealiteacute ct en Son essence mecircme en sa ~randeur en sa diviniteacute
Cal lhomme actuel ne se meut et nagit en geacuteneacuteral que dans lapparence primaire dun mouvement inslincshytit et suractiiuml quil prend pour la vie et qui est ocirc Comshybien loin dela reacutealiteacute des choses 1
laquo Lhomme ne vit que lorsquil est au plus haut de ses possibiliteacutes D a dit un poegravete Lorsque lon songe agrave cette penseacutee avec quelle meacutelancolie on constate corablen peu decirctres vivants vivent et combien rarement ceux-lagrave aussi qui savent monter au plus haut deux-mecircmes se maintienshynent sur ces cimes lumineuses 1
Toule lorganisa lion des socieacuteteacutes Con temporaines tend agrave ramener lhomme vers en bas Les habitudes les Conshyversa lions les usages les foules les fecirctes les reacuteunions mondainas amicales 011 familiales les eacutechanges les mœurs les amitieacutes les relalions rien nest fait en vue de leacuteleacutevation spirituelle de lindividu en vue de Son eacutevolution profonde et tout au contraire cherche agrave le faire descendre vers le niveau moyen - du Tout-leshyMonde ordinaire
l Comment ne pas voir que le progregraves de la vie ne peut
ecirctre quen mesure du progregraves de lhomme qui forme cette vie Comment ne pas sentir ce que la connaissance de la vie vi~~lIte et la peacuteneacutetration du soi-disant invisible ajoute il la conscience humaine Comment ne pas comshy
Ibullbullbullbullbullbullbullbull middotmiddot~~middotllt~ lt~ L Il
bull 1
li9 l bull
LA CONQU~TE DE LlOiAL
Mal nos doles eacutetreintes siIIumi~aient lune par lautre i 1 ) 1 r
DOS lents baisers sapprofondissaient lamour descendait sur nous nous baiaant de ses vagues envel~ppantes
Amollir seule reacutealiteacute que mon etre conccediloive hor~ de tespace et hors da temps amour unique loi de vie orishygine des choses et suprecircmebut de toutes lecircs choses
Puis comme ties profondeurs dun lac montent peu agrave peu et seacutepanouissent les fieurs du neacutenupbar lentement du profond de nos ecirctres seacutelevegraverent les paroles i
- Il fait eacuteternel murmura Jeaa-Beneuml
Et ioucement il eacutevoqua lavenir
- Dans quelques semaines Michegravele cheacuterie le cadre de notre solitude sera plus vaste et plus solitaire lorsque nous partirons quelques jours apregraves notre mariage dans ma petite maison deacuteteacute ougrave Octobre nous sera si beau
Dans ce pays de montagnes et de forecircts les automnes sont feacuteeriques et lagrave nous nous peacuteneacutetreacuterons chaque heure davantage ~t nous eacutetablirons une vie noble et haute sur cette base physique lI1erveilleuie la nature 1
Avec leacutechange constant de nos ecirctres les jotJis~IDeacutee5 clviendrent exquises et nous apprendrons de mieux en mieux agrave aimer les richesse que nous offre la terre la beaateacute des grands arbres la splendeur des champs les lointains des montagnes mauves les torrents dargent qui sautent si librement et qui forment les claires cascades voisines de notre home ougrave le murmure des chutes deau et de la brise dans les feuillllge~ enchanteront de leur musique notre alJloulmiddot recueilli Puis cc sera lheule Oi1
le soir tombe et ougrave DOS promesses seront si tendres dans chaque mot pronccedilnceuml tout bas t ce sera lheure ougrave les
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL
24 aoucirct
bull
o belle soireacutee dhier si intime el si douce atmosphegravere deacutelicieuse-de ma chambre alourdie pal les fumeacutees du haut brucircle-parfum et des odeurs mielleuses de toutes les gerbes de fianccedilailles qui remplissen t les vases les potiches et les cruchons de cuivrebull
Oh 1 charme de ces heures intenses deacutelices de vivre eacutechange abondant de tendlesse silencieuse bercement de bonheur eacuteclosion despoirs richesse de deacutesirs infiai
merveilleux
Nous ne nous parlions pas trop perdus dans loceacutean de notre regraveve
bullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullirr
prendre que tous les grands geacutenies qui formegraverent en veacuterileacute la civilisation actuelle furent des initieacutes des proshyphegravetes ou des occullisles El quc les penseurs de second rang ne veacutecurent que de ce quils pr-irent agrave ceuxshylagrave El pourquoi ne pas aller jusquau fond des choses 1
Toutes les civilisations qui anoblissent lhumaniteacute sont uniquement formeacutees sous linfluence des anciens livres sacreacutes la Chine intellectuelle est tout entiegravere contenue dans Confucius et LaoTseu lInde a ses Veacutedas les lois de Manou la reacuteforme de Siddharta Ce qui leste de Parsis garde lAvestha et limmensiteacute musulmane prend ses racishy
nes dans la Bible par Mahomet
Enfin notre penseacutee occidentale est davantage encore
fil~~ de la Bible ce splendide livre de sciences profondes que comprennent si peu ceux-lagrave mecircme (lui le veacutenegraverentraquo
178
gR A
HW LA CONQUEcircTE DE Lwh
eacutetoiles montent dans Ic ciel (lIi vient de seacuteteindre et ougrave nos penseacutees aussi libres (lIC linfini des cieux sans limites
chercheront de nouveaux horizons ~
Car nous voulons nest-ce pas ma Michegravellaquo mainlenir
nos legards vers toujours plus loin
Nous sen tons en neus un moi supeacuterieur (lIi demande
ft se manifester el qui cherche il seacutepanlllllir Et il ne faut pas encombrer nos vies de banaliteacutes doccupations quelshy
conques ou dideacutees mesquines si nous voulons progressishyvement chercher agrave monter vers ces crecirctes eacuteleveacutees ougrave
lhomme ne sait pas assez se maintenir
La spiritualiteacute nesl pas une qualiteacute mysi ique irnpreacuteshycise et vague de seacuteveacuteriteacute ou de pm-ilnnisme cesl la plus sage et la plus meacutethodique volonteacute dl reclvoir et dutiliser
toujours mieux nos capaciteacutes ces] la Iorcc de progregraves et deacutevolu lion que doi t deacutevelopper con1in uellemen t en elle
toute intelligence veacuteritable
Si chaque homme appliquait ses efforts de perfeclionshy
nement sur lui-mecircme si chacun cherchait avant tout agrave se construire sans cesse un corps plus sain et plus robuste
un caruclegravere plus souple el plus ouvert une volonteacute plus ferme une mentaliteacute plus savante el plus forle combien
toute la vie serail vite changeacutec-
Cest lagrave la a seule chose neacutecessaire raquo mais 011 a si peu
cempns 1
Il faut aussi -vouloir laquoatteiRdre raquo il la seacutereacuteniteacute il laut ~trecalme joyeux espeacuterant sans heur et sans trouble Tout trouble est nuisible surtout aux heures de danger et dangoisse ougrave il fait perdre III luciditeacute la clairvoyance
et la deacutecision deacutesirables
JA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 1Rl
-----------------------shy
Il faut ecirctre comme un grand arbre majestueux dont les racines sont profondes don la cime monte vers la lushymiegravere et dont les branches souples ct flexibles savent en se balanccedilant mollement reacutesisler agrave la tempecircte
Et si cet arbre porte des fruits agrave la maturiteacute ce fruit sc deacutetachera pal la loi naturelle de mecircme si lecirctre arrive
agrave ecirctre riche de puissances vitales et de dons spirituels il devra les manifester el reacutepandre SUI autrui la vision plus pure de son in lelligence
On ne doit ct lon ne peut rien garder jalousement pour soi si lon veul faire croicirctre la richesse de son ecirctre
Mais il faut seulement donner agrave ceux qui sont capahles de recevoir Et il nous faudra Iormer Michegravele degraves que nous reviendrons agrave Paris tout un milieu sympathique et raffineacute don] les tendances seront semhlahles dont les eacutechanges seront ha rmonieux don t la volon teacute sera intelshylectuelle ~eacuteneacuteleusegt eacuteleacutegante et pure
Au centre et au sommet de cc groupe nos Maicirctres shyaupregraves desquels jaurai tant de joie agrave vous conduire hienshy
tocirct en cet Oasis eugrave jai appris agrave penser - seront notre
lumiegravere ct le grand abri protecteur lArche sain le qui conlient les germes dun monde futurgt malgreacute la confushy
sion cl les chaos exteacuterieurs
J)jI ils me demandent de prnser i cet entourage eacuteleveacute (lui VOliS conviendra puisque nous aUlOIlS agrave voir beau cou p di ndividuali leacutes not re travail tan t avec les homshyeacute
mes Il faul vivre intenseacutement il Iaul entendre le plus possible les grandes symphonies eacuteternelles que chantent les mondes et comprendre toujours mieux les splendeurs de lart de la science de la vie prodigieusement infinie Mais er veillant agrave la mise en forme progressive ltte tout
~rlt~~middot~~ y ~ ~r~ middot~lt~middot~middot ~(tlt ~ 11-~ ~ ~~ JFf~~frY~ ~ N~middot~middotmiddot~~~~middot~i(~middot~~ ~~y~~)~ 1bull- bullbull rf bull H ~Il f r r 1 ~ r1H~n 1~~ (1 e ~ l v~~~~~~~lV~ V~middot-~l~~~~in~~ ~~ tmiddotR~middot ~V~I r~~ ~ Y~~~~~00~ ~ gt~ ~ ri~~gt~middot~middot~middot~middot~~ ~(1 imiddotmiddotmiddot~middotmiddot~ ~ ~
i8tmiddot LA OONQUTB DB LIDEacuteAr
lecirctre ct se mettre en lorme Cest se maicirctriser se discibull plinerbull
Il faut former eacutegalement lamhianee amicale et cher cher les affiniteacutes reacuteelles ascendantes
Ce groupe nous sera preacutecieux et nous aidera agrave surshymonter les niveaux infeacuterieurs dexistence qui se meacutelanshy~ent trop dans la civilisation actuelle et dans lorganisashytion de lactiviteacute des grandes villes nous ne pouvons savolr agrave quel point nOU5 ahsorbons les deacutefauts dautrui et surtout ce qui ne nous paraicirct pas un mal en lui-mecircme (et qui nen est peut-ecirctre en effet pas un pour lautre personne mais qui devient mauvais pour nous si nous voulons tendre plus haut) Nous ne pouvons savoir agrave quel point dans une seule conversation nous pouvons absorshyber de deacutecouragement e futiliteacutes dinertie de vulgariteacute de frivoliteacute dideacutees inutiles et banales quimiddot rempliront de longs jours et agrave tort les espaces de notre acircme
Je voudrais ma Michegravele pouvoir tentourer dun corshytegravege damis nobles et enthousiastes qui chercheraient agrave gravir avec nous les sentiers abrupts de la connaissance les sentiers fleuris de laffiniteacute reacutealisatrice et dont la
plastique intelligence sornptueuse vibrante eacutechangeacutee ferait une harmonie vivante et deacutelicieuse un grand coushylan t de formes joyeuses dans lequel nous eacutepanouirons doucement notre action au sein duquel nous voilerons meacutelodieusement notre bonheur raquo
Malgreacute moi une tristesse menvahit je voyais une tache sombre au tableau de lumiegravere la place vide de Jane parmi ce groupe ideacuteal ougrave sa belle intelligence aurait ai bien pu se spiritualiser
Mon bjeJ-oilJleacute ~~fltit lOIlllgtre qui venait de paner sur
JA CONQun DE L~IQEacute4L J83
moi Il mattira vers lui et il menlaccedila de toute sa tenshydresse forte et protectrice
--- Tu es dans mes bras mainlenan t cheacuterie et lagrave il ne doit plus rien y avoir pour toi que la paix la joie lespeacuterance
- Et il ny a que tout cela en effet Jean-Reneacute avec aussi lamour le plus profond que mon cœur puisse renfermer
Je lui ai dit eneore - Il faudrait que notre bonheur solt un forma leur
dautres bonheurs quil soit un eacutepanouisseur de vie un (acteur deacutechanges plus intenses et plus complets
Dans lentourage dont nous parlons et que nous espeacuteshyrons attirer autour de nous il faudra chercher agrave taire eacutetinceler sans cesse de nouvelles sympathies de noushyvelles amitieacutes de nouvelles amours l
Il faudrait y faire naicirctre toules les eacuteclosions des possihishyliteacutes y relever les fleurs pencheacutees comme ma petite amie Edmeacutee Torguegraves y deacutevelopper les faculteacutes les talents enshycourager les nobles essais et surtout taire de lavie middotmeilmiddot leure par ce geacuteneacuterateur admirableacute de la force humaine les eacutechanges en affiniteacutes reacuteelles
Car lexistence comprise et reacutealiseacutee volontairement par lunion profonde et laide spontaneacutee dintelligences qui comprennent qui veulent ensemble qui se suromhrent et sencouragent les unes les autres deviendrait comme un splendide feu dartifice aux bouquets ininterrompus alors quaujourdhui nous ne voyons que de pacircles fuseacutees sillonner de loin en loin la nuit
- Plus de vic plus de beauteacute plus damour mur mura Reneacute
egrave ~vrmv(~middot~~middotmiddotmiddot v lt1middotmiddotmiddotmiddot~middot~ 1 bull lt(~ii~)~1~~Wry)gmiddotr~~l~W~m_~
ilH LA CONQUlhn DR LIDEacuteAL
Vivre chaque heure eR beauteacute 1 A notre eacutepoque lart nest que limmense inassouvissement des acircmes qui voushydraient plus de libc~l plus dessor plus deacutepanouisseshyment plus de naturalisme plus de splendeur plus dideacuteal el qui sont forceacutees de chercher cela en dehors de la vic
Lart actuel nest pas une certaine partie dun tout magniflque il est leacutetincelle lumineuse seacutepareacutee solitaire vers laquelle se legraveve enivreacute le regard des egravetres de deacutesirs et de recircve 1
Et pourquoi ne pas reacutealiser toute lexistence en ltCIIVIe da rt pourquoi ne IHIS chercher il rendre plastiques
chacun de nos gestes chacune Ugravec nos altitudes chacune de nos penseacutees
Pour cela il faudrait que tout homme aille aussi loin que possible sur la route quil poursuit
Leacutevolution constante voulue ucircpremcnt avec une pelmiddot seacuteveacuterance inlassnbic est la Ta ride transforma triee
Penser aimer agir Penser de plus en plus prolondeacuteshyment aimer de plus en plus intenseacutement agir de plus en
plus activement
Et aire croicirctre en chaque ecirctre son moi le plus eacuteleveacute
laquo La philosophie a dit Novalis est lexcitation du moi reacuteel par le moi ideacuteal raquo
tA CoNQUEcircTB DE LIDEacuteAL
~--------------------
des dignorance sources des erreurs et des preacutejugeacutes les veacuteriteacutes illuminatriccs (lui libegraverent des impulsions et des passions et conduisent agrave lactivilegrave constante de notre ecirctre divin dougrave reacutesulte le regravegnc de lharmonie SUI les terres cela seul est un but digne de lintelligence une œuvre de sagesse et de reacutealisation solaire
Sous le regravegne de la raison et de la science plus haute quelle est apte agrave manifester la science intuitive il ny a plus de place pour les obstacles que lhumaniteacute instincshytive jette continuellement sur sa propre route il ny a
plus de place pour lobscure tyrannie des peuples sur les peuples pour les haines teacuteneacutebreuses des sectes contre les sectes pour les narcotiques empoisonneacutes qlle versent les
fausses morales eacutet les croya~ces eacutetroites
foutes ces entraves tontes ces laideurs seffondrent
se dissolvent disparaissen t et lcu 1 peu surgit lHumaniteacute nouvelle comme en un jardin comme en un temple eacutepanouie miseacutelicordieuse eacutepureacutee lHumaniteacute llormoshynieuse qui du sommet de la pyramide jusquagrave sa hase innomhrahle agit en union pour eacutetreindre en chaque heure lagrave heacuteatilude de lEternel Preacutesent
Je conternplais le deacuteroulcment des visions ct aperceshyvant dans le passeacute tant de snmhrcs trageacutedies faites au
nom du progregraves et de la spiritualisation des masses Ce moi supeacuterieur Ile seacuteveille que dans le calme de la
meacuteditation et il est un fait dun orQIC plus eacuteleveacute que lhomme eacuteleveacute saisira seul Mais lous peuvent sefforcer de le taire naicirctre en eux et cest la seconde naissance
Comme Spinoza le montre dune faccedilon si simple et si noble cultiver en nous-mecircmes et dans les autres hommes leacuteclosion de la raison substituer aux ideacutees confusesJourshy
iuml jajoutai comme une affirmation cl comme un deacutesir
_ Oui Guider lhumaniteacute la transformcr mais par
la joie
Loin de nous le fouet de la crainte et laiguillon de la terreur attirons- par un foyer de pleacutenitude vers le perlecuumlonuement de tentes choses
middotI
f~gt
Jshy
f liltMt limiddotW~middot(~~~f~~~nmiddot~lr(~1)~~~~Iuml ~ ~ - raquo~ ~~i~r~ Y~i ~i~ ~ imiddot~t ~I ~ ~ylt 1~ i~ lI~ (~ 1 gt(i~~~_ Y~~i~ ~ ~ 1~ ~ t l~~~~t~~ ~1 Sr ~~ ~ - ~~Y I~ ~~~ ~~
________
18u LA CONQUEcircTE DE ~II)eacute4~
Te souviens-tu lean-Reneacute de ces beaux vers philososhyphiques et propheacutetiques
laquo Profonde est la douleur bull Plus profonde est la joie r
La deuleur dit Passe el finis laquo Mais la joie veut leacuteterniteacute laquo Veut la profonde eacuteterniteacute gt
Je meacutetais leveacutee devant lui el je passai mes bras autour de son COll
- Et jaspire de tout mon ecirctre et je suis dans la pleacutenishytude du bonheur lui dis-je car maintenant jai trouveacute mon Ideacuteal
- Ma chi rie reacutepondit Jean-Reneacute en membrassant il y aune vieille parole laquo Lhomme nest jamais heureux mais il va toujours lecirctre raquo Cette parole est bien vraie car le bonheur Jeacuted cest lasoiralion et le bonheur ne
consiste pas dans lacquisition dune chose deacutesireacutee mais (( dans la poursuile dun recircve avec espoir raisonnable de succegraves D
LIdeacuteal est le maximum deacutenergie dharmonie deuml beauteacute quil soit donneacute agrave noire faiblesse actuelle denshytrevoir
LIdeacuteal le Bonheur lAmour sont les sommets dune route infinie les sommets lointains qui seacutelegravevent sans cesse li mesure que la route monte
raquo Mais lIdeacuteal nest pas la Chimegravere il est le but voulu et espeacutereacute reacutealisable Le conqueacuterir cest le graver dans son acircme dans Ion corps dans sa vie Le conqueacuterir cest avoir trouveacute un chemin de progregraves constants cest avoir comshypris que lIdeacuteal comme lAmour ne sont les cimes radieushyses de la vie que parce quils appartiennent agrave lillimiteacute
Iuiu-Uctobre 1908
bull
1rIl ~Imiddotlmiddot l fIl n-Iln l1il1 ilnn-11ln i ~l ~ YI)jjit 1 ~lS 1ilmiddot~~)~i~iiII~middoti IYi~ ~ 11 ~lmiddotimiddotimiddot~ ~Il~~~ 1 1~ ~ Itmiddot~~ ) j(X~~~ ~~~~middotiuml~i~ ~l~H~middot~~~gt~middot~~ ~ ~y~ ~Smiddot~~S~Y~~~middotmiddot~~rf ~-~~middot~8middot T1tmiddots~middotmiddot~middot ~~~~1~ ~~(~~~X~middot~~W~~(~~i~~~1NilWS~_t(~~~i~S
i
raquo ra J bull A~ rll ---lJ j ~ ~ 11 Il
LA CONQUiTB DE UgraveDEacuteAL
cest une eacutetude importante et profonde que celle de la connaissance du soi une eacutetude tregraves utile aussi et qUOD
neacuteglige totalemenl agrave notre eacutepoque Dailleurs agrave lhenre actuelle en Occident qui sait
prendre le temps de penser
1 Les hommes tournent en tourbillon chacun dans leur milieu dans leur cercle damis dans leur cercle dhabitushydes dans leur cercle doccupations comme ~6S manegraveges de chevaux de bois aoins calmes que les chevaux de bois 1 comme des insectes autour dune lampe
Ils courent sans cesse ils parlent vite colportant de
bouche en bouche les nouvelles du jour ou les potins sensationnels
Les plus raffineacutes les acircmes supeacuterieures suivent avec
enthousiasme les manifestations dart les expositioBs de peinture les concerts les confeacuterences les piegraveces davantshygarde
Mais au milieu de tant de reacuteelles intelligences actives
ougrave SORt les penseurs profonds 08 na plus le temps de reacutefleacutechir de contempler
de meacutediter
Il Y a beaucoup de destructeurs de ceux qui vocishy fegraverent sur la socieacuteteacute qui condamnent le code civil qui
critiquent le gouvernement qui battent en bregraveche la
magistrature et le reste
Ils ont raison et ne pouvant mieux faire sont utiles eh essayant de deacutetruire lei abus les preacutejugeacutes les laideurs
SeulementIeur œuvre me paraicirct fort incomplegravete on peut arracher dun champ les mauvaises herbes qui leacuteshypuisent et labourer la terre en tous sens si la bonne graine aussitocirct ny est semeacutee ea abonacircance le premier
J
I~~r~~J~J----J-t J-J J
i1
LA CONQUEcircTE DE LIcircDliAL
effort devient nul cal dautres mauvaises herbes repousshyseront bien vite
Et ougrave sont aujourdhui les graines merveilleuses
la penseacutee humaine capables deacutetouffer livraie enlegraveve vainement chaque jour
~ Un ami de grnndpegravere un vieillard original
me lacon tait hier quil a connu au Laos pregraves du Thishyi _ bet ougrave -il voyageait il y a un an un bonze qui
resteacute enfermeacute soixante mois dans une grotte entiegraverement
obscure afin de pouvoir penser sans ecirctre
1
pal rien ( Il avait dailleurs perdu pa~ celte retraite volontaire
la possibiliteacute de voir la lumiegravere du jour qui
aveugleacute Et bien quaussi celle meacutethode me exageacutereacutee je ne puis mempecirccher decirctre en admiration
devan 1 le temps les efforts les sacrifices que consacr~nt certains peu ples agrave leacutevolution de lin telligence
A Paris de nos jours il est tregraves certain heacutelas que
hommes ny songent guegravere et que pour la plupart is he sont pas plus conscients de limmensiteacute du reacuteel plus capables de lorganiser et Je le former agrave trente
ans quils ne leacutetaient agrave vingt ans ni agrave quarante
cinquante ans quils ne leacutetaient agrave trente
EL je mimagine parfois avec une terreur triste
qui doit advenir dune nation ougrave les classes dirigeantes se consument dans Ieqitsugraveou agrave vide selonH
de Michelet en vaines paroles en gestes steacuteriles
r~~ La route du progregraves-infini serait-elle perdue ~ - Assureacutemenl non - Elle est voileacutee latente mais
toujours pregravete il souvrir
5
de
quon
et sage
eacutetait
distrait
laurait
paraisse
les
pas
ou agrave
ce
le mot
J~
------ -- -
e LACONQU~TE DE LIDEacuteAL
JI doit y avoir une science de penser une scieace de vouloir Notre intelligence est trop livreacutee au hasard elle est en proie aux tourbillons des choses incessamment Yibrante de lactiviteacute quotidienne
Tout grand deacuteveloppement a besoin de calme 1 Cest dans le non-usage actif de son intelligence que le
beacutebeacute accumule son eacutetonnante et rapide compreacutehension de la vie cest dans la tranquilliteacute dune terre non reshymueacutee que la graine germe et devient larbre majestueux cest dans limmobiliteacute de leau que le cristal se forme
Un mouvement dans leau un coup de becircche dans la terre une volonteacute hacirctive fatiguant le jeune ecirctre cornshypromeltraien t leacutepanouissemen1
Auni je veux rester de longues heules dans la paix
1 et la solitude tantocirct dehors en aspiran t la RAture le grand air le fluide vital lodeur de la terre et des pintes tantocirct comme aujourdhui dans ma chambre intime et douce
Jai mis une robe flottante en crecircpe de chine bleu ciel je sUIS eacutetendue sur un large divan ougrave sentassent mes coussins de velours pacircles et de soie molle et pregraves de moi dans un brucircle-parfum oriental fume une huile odorante
Il est joli ce brucircle-parfum La tige mince de cuivre ciseleacute seacutelance droite et hieacuteratique agrave deux megravetres du sol et soutient la grosse veilleuse rose comme une belle fleur eacutepanouie
Avec lenteur en meacuteandres gr~cieux en fins dessins l fumeacutee embaumeacutee monte gravement et me repreacutesente bien loffrande dune acircme en aspiration vers lIdeacuteal
il 11 11 ----- Il Il LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 7
Je voudrais en ces heures paisibles me faire un COIPS
sain robuste eacutepanoui Pourquoi ne pas cultiver la beauteacute dans toutes ses
possihiliteacutes de manifestations comme on embellit un jarshydin de mille plunles rares aux fruits exquis aux floraishy
sons merveilleuses Je voudrais aussi augmenter approfondir eacutevoluer
mon cœur et mon esprit me preacuteparer une vie feacuteconde dans le recueillement le repos Et [e reviens agrave la phrashyse antique GnlIcirclhi Scauton
Je sens quil y a dinnombmbles ecirctres en moi
Quand ils ne sont pas daccord je souffre Quand lun deux fatigueacute las dattendre la vie (lue
je ne peux lui donner encore sc plaint en soupirs inshy~ quiets sourds ct muets en langueurs meacutelancoliques
Ul autre sait lu-ureuscment seacutelever et chanter plus hau que lui celui qui monte ainsi des profondeurs
~ cest mon espeacuterance cest tout ce que jai voulu me forshygel ct me construire avec de la lumiegravere de la joie du soleil avec lessence de tout ce que je connais de beau
et de grand dans le monde Il sait chanter lhymne de lespoir de la volonteacute puisshy
sante et forte miseacutericordieuse et bonne et il chante souvent en moi il chante pour rendre sa voix plus Iorshyte il chaille pour eacutetouucircer les miegravevres tristesses les inushytiles inquieacutetudes il chnnlc pour le bonheur il chante pour lillfini il chante p01l1 lIdeacuteul
Il est tout lessor des recircves que jeacutelegraveve poII les vivre un jOlll Et je leacutepanouis SIIlS cesse volontairement acircprement en lui ouvrant lespace ct laction en le baishygnant de penseacutees merveilleuses en eacutevoquant autour de
--8
~
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
middotlui les richesses de la forme les lys sous les grands bois les roses au soleil les gazons cendreacutes de lune lorienshytale splendeur dune nuit blonde et douce la mer calme et bielle forte et feacuteconde loceacutean des eacutetoiles leau crisshytalline des gemmes preacutecieuses leacutemeraude aux tons dal shygue mouilleacutee la topaze dor le diamant cascade de lushymiegravere et les parfums qui nourrissent lacircme les encens rares lambre royale
Et mon imagination restaure et purifie les souvenirs de la vie moindre de la vie salie et abicircmeacutee par les so cieacuteteacutes meacutediocres
Cest ce moi fort et vaillant que jappelle aux heures de doute ce moi enthousiaste qui est mon direeteur choisi
Car je veux penser agrave lavenir pour espeacuterer non pour craindre Et si je me fais un motif ideacuteal de joie et dacshytion peut-ecirctre le v~rrai-je se reacutealiser un jour
En chaque homme lutte sans cesse des tendances diffeacuterentes parfois mecircme opposees Des ideacutees des habishytudes des acircmes le siegravecle le milieu les lectures les ex- peacuteriences les hasards les amours les recircves les meacutedishytations leacuteducation lexemple lheacutereacutediteacute la race lanshycecirctre latavisme lespegravece etc
Lutte immense des eacuteleacutements petite eacutevolution syntheacuteshytique microcosme une des plus feacutecondes analogies que nous nit leacutegueacutees lantiquiteacute la Paix et la Guerre se disshyputent lacircme par mille intermeacutediaires cest toute une Iliade
Oh que tout cela est profond el vrai quelles imashyges merveilleuses terribles majestueuses
-1 -t 0 ~ 0 ~ J ~ W
y r LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAT P
----_
Un flambeau nous eacuteclaire et nous guide il faut le I~middot suivremiddot El quel est ce Jlambeau radieux Lharmonie
1 8 la beauteacute La reacutealisation de cel ideacuteal est difficile agrave v trouver quelquefois et agrave mesure que je progresse mecircshy~ me celte sorte de conscience se transforme
~
Elle devient plus complexe et en mecircme tcmps moins eacutetroite moins simple moins pinne
Je devine aussi des parties de moi-mecircme (lIi dorment encore et que je connais mal ou (lIC je ne connais pas
Seule je narriverai point agrave me comprendre toute entiegravereuml Sans lamour lamour grand et sublime unique
et divin que jattends je ne puis eacuteveiller les laquo palais endormis n
Mais avant lIue vienne le heacuteros mysteacuterieux je voushydrais augmenter enrichir chucun de mesegravetres tout en ne les meacutelangeant pHS avec cc qui pourrait me venir de lexteacuterieur el ne serait pas reacuteellemcnf moi-mecircme
Puis je voudrais les multiplier encore et les unir en les faisant converger vers lin megraverne ideacuteal
Car si je deacutesire tellement nrriver il devenir queshyquun cest que mon recircve est laceomplir quelque chose de valable pOI1l le bien de lhomme
El comme a dit Goethe ( Si tu veux reacutealiser une grande œuvre fais-loi dahold une grande agravemeraquo
Ceux-Iagrave ont une lime qui out toujours marcheacute dans la megraveme direction
Chacun a sa loi il faut sy tenir Son HJUVIC il lt~ faut laccomplir Cest un problegraveme agrave deacuteterminer ct agrave
reacutesoudre
r(
d_
11
1(_J~jOy)J~jl~rV~ rt~ 1~middot~ - l bull
10 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Oh Avancel sans crainte Ne reculer jamais Lhomshyme daudace ressemble ail dompteur au milieu des faushy
les sil a peur le dange surgit Il faut transformer en science le souvenir de tout ce
qui a passeacute dans le rayon de noire vie Il tant harmoniser lame actuelle hiernrchiser les
sentiments teindlP certaines penseacutees en aviver dautres U fat transformer les avenirs voulus logiques deacutesishy
reacutes ltlimeacutes
Il Iaul trouver le centre Ile 1I01le acircme et le proclashy
mel roi Connais-loi toi-mecircme
30 Mai
Je viens de relire les Poesies complegravetcs du preshymier poegravete qui me fitcornprendre la merveilleuse feacuteeshy
rie du vers Ephrniumlm Michltlil Ephraim Michaeumll Celui qui mouvrit dAbord le monshy
de des formes plastiques cl la richesse du verbe sonoshyre l Celui dont jes tristes poegravemes meacutelodieux donnegraverent
unmomenl une expression il Illon ecirctre inconscient de lui mecircme dont les accents uostalgiques me- parlaient dune untrie que moi aussi javais connue pal delagrave les monugravets Celui dont le rythme assoupli mn vuix et
qui me doun a lamour des paroles suaves Ame trop faible pour la vie quelle a conccedilue 1 acircme
eacutepique ne succombant que sous sa propr~ immensiteacute ou plutocirct corps deacutebile pour tant de splendeur
Jaime ses vers somptueux comme de lor
LA CONQuftTE DEL(DEAL
Cest une orchestration savante eacutevoeatrlce avec des notes triomphales chargeacutee danciennes vies et de visionsshy
merveilleusement pures de la beauteacute qui se deacuteroule Chant mineur aussi mais sans alanguissement chant
dattente et de recueillement chant de deacutefaite olt sonshyne fiegraverement lappel des combats nouveaux et des vicshytoires futures 1 Chant de regret dlin prophegravete que le monde a attireacute sans lassouvil et qui pleure vaguementej bull
quelque couronne perdue Michaeumll quel beau geacutenie il serait devenu sil avait
trouveacute sur sa route un ami puissant une intelligence flushyrifiante une source de celle torce qui lui manqua toujours
En raison mecircme de ladmimtion llue je professe pour
son talent et de lardeur impeacutetueuse avec laquelle je me suis nOllrrie de celte acircme deacutesespeacutereacutee pendant plusieurs anneacutees je voudrais aire lin examen critique au point de vue de leacutepanouissement vital de ce manshyque qui la empecirccheacute de seacutelever jusquaux sommets
quil avait su recircver
Ainsi dans laquo Recircves ct Deacutesirs Il
Les chants vllglles et les formes indeacutecises passen t Ces formes neip euvent egravetr e atteintes pal lepoegravete Deacuteshycevance de la recherche de la beauteacute ougrave I~ reacutealiseacute est
1
moins beau que le recircve Le deacutesir inassouvi vit donc dans cc cœur il peut
seacuteteindre pal leacutepuisement il nest pas accompli JI
ne donne pas le calme qui suit la reacutealisation Il reste apregraves chaque essai daccomplissement le regret des deacuteshysirs morts
Jeacutetudie celle condition qui lui a manqueacute quelle est-elle r
~j
f ~
LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL12
laquo Les formes passent raquo JI Iaut sen saisir les maishytriser les creacuteer
Condition la force POlir (lIC les formes snrregravetcnt cl quon jouisse du
calme il laul savoir les eacutevoquer ou les dissoudre
bull Condition h force
Ce qui est recircve pOlIl llin cest-agrave-dire ideacutee pacircle cmshybellie seulement des layons lunaires de lImagination peut-ecirctre reacutealiteacute poIll un autre plus Iort Cest essenshytiellemeal relatif
Cela deacutepend de la force
On vise toujours plus haut pOUl atteindre plus bas Cest une loiphysi(lue dont lexplication est facile agrave trouver Lartiste reacutealise tOlljOUIS au-dessous de son regraveshyve Mais il taut regravevcr cest-agrave-dire viser de plus en plus haut
Condition la force
Pour eteindre le deacutesir il faut laccomplissement ou le renoncement JI ny a pas de milieu Autrement lacircme suse dans une poursuite vaine Or le deacutesir nous pashyrait mauvais cal un deacutesil pcrpeacutelulaquo est une faiblesse qui est im mora le
POUl renoncer ou pour accomplir que faut-il
La Iorce
PC)Il endormir son uumlmc dans la seacutereacuteniteacute des recircves accomplis il faut egravetrc maitre de ses recircves et les choishysir ou reacutealisables immeacutediatement ou reacutealisables dans lavenir
La vie actuelle eacutetant donneacutee telle quelle est il faut (sans po ur cela reuoacer agrave la mieux eacutepaaouir ) se conshy
a -1 -- ~W -- - ~
LA CONQUEcircTE DB LIDtAL 13
former agrave ses lois et agrave son but Ainsi on peut toujours accomplir son recircve
Mais si les recircves confus et discordauts de tous les hommes quelquefois pervers et troubles devaient ecirctre accomplis il ny aurait plus que le chaos
Vouloir ce qui doit ecirctre rom lharmonie totale Condition la force
( Ces deacutesirs jamais apaiseacutes et jamais accomplis toushy
jours fusant seacutepuisent en eacutepuisant lagraveme Il faudrait que lacircme se coneeatre au lieu de se dimiddot
soudre
Cest encore et toujours une question de force Et dans les Reacuteminiscences eacutepiques le poegravete qui U
dabord aime toutes les llleus de la civilisation dit aussi quil regrette le bonheur animal des geacuteants prishymitifs les luttes et la vie sauvage
Ces erreurs quil aime sont les lormes miegravevres les rocircles sans majesteacute les espoirs malsains toutes les faishyblesses dune eacutepoque deacutecadente
Puis par reacuteaction et polarisation ayan t eacuteteacute trop Ioia dans cet amour du faible le recircve se forme des teaps forts et des eacutequilibres anciens
Il voudrait la vie sauvage brutael animale sensuelle mais puissante
Et comme toute reacuteaction est exageacutereacutee lerreur eashygendre lerreur
Pour un ecirctre sain et intellectuelles temps preacutehistorishyques Dont rien denviable
On est sorti lentement et peacuteniblement de ce limbes oa eo a presque horreur
~i
] -J71 Iii~ W - --1 - -1~
44 U CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Lhomme inteacutegral naspire quagrave moaler Nul ne peut
sainement se lourner vers le passeacute deacutepasseacute
Et pOl1 eacuteviter agrave la fois cette tendresse des erreurs
miegravevres et ce regret contraire dun temps brutal que faut-il
Toujours la torce
MicJlaeumll Je sent bien celte fois-ci puisquil seacutecrie lui-ssegraveme
- Et dans ma nostalgie immense de la force je suis humilieacute de la splendeur des bois 1
Lhomme puissant nest pas humilieacute de la splendeur
bull es bois il communie avec eux et se fortifie de leur souffle feacutecond
Ainsi jai eacutecouteacute les chants dun poegravete que jaime
sans rien recevoir de ce qui en lui est moins pur quen moi-mecircme
Je me suis longuement berceacutee agrave son rythme enehanshy
teur jai vibreacute agrave ses sonoriteacutes agrave sa couleur agrave sa passion
agrave sa seacuteduction agrave son eacuteloquence Mais je veux me soushy
venir quau-dessus de tout cela il y a autre chose
Il y a la vie veacuteritable augmenteacutee ou diminueacutee
H y a linspiration sacreacutee venue de la lumiegravere et
celle issue des teacutenegravebres passionnelles aux lueurs troushybles
Nous avons appris dans le livre des grandes acircmes
que la gracircce et la beauteacute pouvaient revecirctir des esprits denfer Circeacute les Siregravenes Cleacuteopacirctre et tant de goershy
riers de savants mecircmes
Et puisque les œuvres que nous lisons deacuteterminent en
partie notre ecirctre plus je reacutefleacutechis et plus je pense quil
est on ne peut plus leacutegitime de nadmettre en nous
(
-1 - -r10 u l ( ~l~
LA CONQUEcircTE DE JIDEcircAL 15
par la lecture que des œuvres choisies et bienfaisantes
capables de nous aider agrave la reacutealisation de notre vie
Car tout individu qui a un but deacutefini ct fait des acshy
tions qui len eacuteloignent est contradictoire 01 nous flOUS deacutefendons des mauvaises actions parshy
ce quelles nous deacuteterminent dans le chemin que nous
reacuteprouvons et nous ne ferions pas de mecircme pour les
livres f Et puisque nous sommes obligeacutes de nous deacutefendre de
ces aclions mauvaises cest clone quelles sont tentatrishy
ces et quelles ont en elles quelque chose dattirant et
de seacuteducteur
Le mal nest pas toujours repoussant
Degraves lors pourquei nous eacutelonner que lœuvre llart
ait elle aussi un autre criteacuterium de sa valeur reacuteelle
que son degreacute dattraction et que ce criteacuterium soit sa
puissance dharmonisation de perfectionnement cie la
vie sa pureteacute Pourquoi proclamer belles et par lagrave au-dessus da
toute juridiction les œuvres qui seacuteduisent nos limes
puisque nous ne voudrions cGrtes en soutenir autant de
toutes les actions
Et malgreacute la grande admiration reconnaissante que
jai pour le poeumlte Michall je me sens plus forte dashy
voir ainsi sondeacute sor manque de force Ne dit-il pas lui-mecircme dans laquoCreacutepuscules pluvieux )
ses sentiments de vide du cœur sans raisoa damour
briseacute f Je ne meacutetonne pas de cette sensation de vide dans
ce pauvre cœur que rien na rempli non paree que rien ne pouvait le lemplir mais puce qatl aeacutetait
rempli par rien
48
JJ -Lbulltl~)A~l- r-i] Yi1 J~ ~ bull 1
LA CONQUEcircTE DE LIDiAL ----- - __----- shy
haule situation de sa famille el de tout ce que celui-ci avait dit pendant sa visite manifestant une acircme loyale
simple el tendre Et il ajouta _ Enfin depuis quatre ans deacutejagrave vit en lui SOD
amour pOUl toi amour tregraves sincegravere tregraves profond et que je trouve touchant je le lavoue
Lorsque dans un enthousiasme juveacutenile UB soir dans les montagnes il se laissa aller agrave le dire ses senti shymenls el que tu en fus si surprise je compris tregraves bien lattente de deux ans que tu reacuteclamas alors avant
de pouvoir songer agrave te marier Aujourdhui il Jen est plus de mecircme Tu as lacircme
dune femme el tu peux sentir comme moi le prix de cette affection fidegravele (lui dure depuis quatre ans et malgreacute deux anneacutees de seacuteparation complegravete
1
Enfin sans vouloir faire appel agrave ~es perpeetives mashyteacuterielles qui je le sais nont pas sur toi une bien grande influence ccpendant laisse-moi taffirmer que le bonheur dune femme esl bien embelli par la faciliteacute charmante quun certain luxe donne agrave la vie Et puis ma cheacuterie crois-moi cest quelque chose davoir un mari attentionneacute qui vous adore qui vous admire
qui se fait le reacutealisa leur de lous vos recircves 1
Le bon regard attendri de Srand-pegravere me laissait voir toute la joie quil aurait eacuteprouveacutee agrave laccomplissement
dun projet ltfui lui eacutetait tregraves cher Mais craignant peut-ecirctre davoir trop chercheacute agrave
-mIuiumlluencer il reprit uvee douceur ~ Toul ce que je te demande ma pelite Michegravele
cest de revoir Andreacute saas ideacutee preumlcoaccedilue avec un peu
~
J~J~W-J
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL -tg
de cette indulgeuco lfllc ge ne la pas donneacutee encore pour [cs hommes pour les choses pOlll la vic
Cependant tu sais nest-cc pas laquo(U~ comme je tai toujours laisseacutee libre dans tes penseacutees dans tes lectushyles dans les acles ayan tuute confinnce dans ta belle pureteacute dllns la lIcHe droiture je te laisserai Loushyjours absolument libre de deacutecider Loi-mecircme le chemin de ton desfin
Grand-pegravere el moi nous avons passeacute hier apregraves le dicircner une soireacutee tregraves intime Jo lc sentais preacuteoccupeacute dune deacutecision prochaine ct un peu meacutelancolique aussi car cc projet Ini taisait revivre sa jeunesse agrave lui etausshysi la jeunesse de ses enfants disparus ce projet auquel il tient pourfanl lui Iaisail revivre une eacutepoque deacutejagrave lointaine UgraveUTI passeacute ltiui Ile reviendra plus
3 Juin
Grand-pegravere a inviteacute rll(lll~ Calvis agrave dicircner pour la seshymaine prnchnlue PlliSlaquo(lIi veut absolument que je le revoie
Moi je snisbieu je sais ineacuteluctahlegravement que ce nest
pas Lui Mais pourquoi ne le reverr-ai-je pas Cest un ami nous avons beaucoup eacutechangeacute ensemble nos penshyseacutees et nos aspirations denfance el les liens damitieacute reacuteelle apportant leur joie sont si larcs
Peut-ecirctre ne voudra-I il las comprendre la h~allt~
dune affinileacute (lui dure t[llalll megraveme clic nest pas ehuishysie comme affiniteacute iUIg)ne
Les hommes do nos jours ne sont pas heroiumlques
_ _ _ J
l 1 Il ~ ~~ ~-~ ~ ~ ~ ~ 1J- -
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 21 20 LA CONQU~TE DE LtDEacuteAL
n y avait quelque chose de hien noble dans certaishynes ideacutees de la chevalerie dautrefois
Il me semble quaujourdhui 011 nc seacute garantit pas assez de la souffrance destructive on se reacutesigne trop facilement agrave leacutetat miseacuterable du monde et de lhumashyniteacute et au contraire lon eacutevite avec une veacuteritable lacircshycheteacute leacutecole de certaines douleurs psychiques qui disshyciplineraient et augmenteraient notre ecirctre Je veux dire que degraves mon relus il est probable quAnugravereacute prenshydra la reacutesolution de ne plus me rencontrer pour ne pas se souvenir
Au lieu de laisser vivre entre lui et moi tout ce qui peut de son admiration totale egravetre reccedilu par mon affecshytion partielle il cherchera agrave tout couper agrave tout reti shyrel agrave tout eacuteteindre Cest dommage 1
Tant de fleurs de tendresse sont ainsi faneacutees trop tocirct et souvent faneacutees il jamais pal ce manque de courage par celte crainte faible dune augmentation de peine
Oh ne jamais rien deacutetruire volontairement des amitieacutes des sentimen ts des pesseacutees des liens reacuteels 1 ne pas craindre la viedu cœur ne pas fuir devant les
( orages possibles
Je veux fortifier mon coura~e et je voudrais semer du courage en autrui car jaime la force etIenduranshyce Au contraire je nadraets pas la reacutesignation si annishy
hilante precirccheacutee agrave tort comme une vertu
Andreacute comprendra-t-il comme je le sens que nous devons conserver la vie coservel en elle ce qui est vivant et laugmenter et leacutepanouir
Mais quil faut avoir une volonteacute aussi forte que lintelligence pour rester harmonieux et une volonteacute morale plus forte que le deacutesir instinctif de vie
~ Dailleurs depuis deux ans Andreacute a certainement mucircri et progresseacute
t ~I
f Je sais quil est poegravete quil a de vrais dons lyriques une ugraveme pure et noble
Mais quimporte
Celui que je recircve est le seul qui puisse mentraicircner plus haut que moi-mecircme agrave la conquecircte incessante d~
mon ideacuteal infini
Et je veux quc reacutealiser son recircve quincarner son espeacuterance soit mon expression protonrle celle clue jentrevois comme une ~ ossibiliteacute merveilleuse encore lointaine dans mes instan ls de deacutesirs les plus eacuteleveacutes
Oui Grand-pegravere tu as raison Cest quelque chose davoir Il n mari qui se fait le reacutealisateur de toutes vos aspirations
Mais faut-il encore quil puisse sentir ces asplrnlions mecircme celles qui dorrncn 1 an fond (Je mol-mecircme fusshyquau temps ~ugrave sa penseacutee eacutevocatrice les eacuteveillera
Lorsque je le sentirai veuil de tous les cocircteacutes seacutelegraveveshyront des chants dalleacutegresse
Et le jardin dl mon ucircme fleurira enfin et vibrera comme le vent du soir fait reacutesonner sourdement le grand orgue des bois
Des accents de victoire eacuteclateront dans les airs des
fanfares joyeuses selanceront et ce sera lhosanna triomphal entonneacute dans mon cœur pOUl lnrriveacutee cie son roi
Tous les recircves se legraveveront en moi comme une foule et les phrases damour berccedileuses qui chantent dans
mon egravetre les paroles erubaumeacutees et douces qui sorashy
bull
1 )
2
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LA CONQUEcircTE
j~ I~j~
DE LmEacuteAL
~ Il_ Il ~-
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CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
)
23
-- 1
III i Il 9 heures du suu
(111 le (Ii 111 )
meillent encore mes knrs pourront enfin te le dire il loi que jalrllds
Tu mapprcndrns toujours mieux les secrets profonds
de la il mysteacuter-ieuse cl 1I011~ lIilli~(JOIl~ tous deux
lideacuteal Cil reacutealil eacute Cilrmiddot iIVI(~ loi la vie sela le Temple
du Beau Avec loi 1~lle S(il II~ illlclllail(~ du Biell
Et ta parole mlnlrnilleri mc MliVlIraml1xllllera
vers les hauts sommcs de la pell~le lrumainr-
Tous mes recircves lappellenl d mes souvenirs lous tont appeleacute un agrave un
O Viens hicnlugravel Viens mou unique soleil A la
lueur je veux COmpIIIIiII il Iii 1111111 je VIUX savoir
agrave ta lueur je veux chauler il la lil(III je V(IIX aimer
Triomphant rt adoreacute viens Iairc villII mun acircme ct
reacutesonner loules les con]lts de 1111 h ll In nd Il salis loi
Alljollrdhui jni ltIt prendre ilshy llil cll(z laur Kousta
que ie navais pas 1111 dp)lIi~ plus dl~ trois mnis
Cest une klIIme pcinlrc hilII connu 1 Pilis
maintenant pOlir SOli lalltolll cl SOli ldlIard( hlallI
Elle minltIlssait l)(illlCOIlP (II plIlsioli il v il qur-lshy
ques anneacutees lorsque la jeune Iilll~ clIIiells cl farouche quelle eacutetait alors soccllpnil iI 1( pilgtsion d( la 1011 (P
petite Michegravele
il
Jl
~
Elle eacutepousa depuis Wladimir Kousta comte poloshy
nais beaucoup plus ilgeacute qurllc dont lIndulgr-nce inshydiffeacuterente ct taihlr- lintcllicence savante compliqueacutee
fine ct douce laquo( lnimnil pntpllIdlelllcnt tout lII la laissant
entiegraverement IilllL)J comme dll Ille le dil en i-ianl pOUl
mannoncer ce singulier mariaulaquo
Jane eacutetait vraiment somptueusement belle cel apregravesshy
midi dans sa lohe souple de lil)(I1~- ornnge ses bras
magnifiques chnrgeacute de hrucr-Icls lourds
Tregraves entoureacutee elle parlait vivement son lIelllCl 5011shy
rire eacuteclairant son brun visage de grcc(flIe antique et
elle faisait de grands getes conservant pourtant la
gragravece distingueacutee ct harraonieusc si rare si d(~irlle si
impreacutevue qui est la sienne
Elle paraissait lrucircncr dans son vasle aldil~I luxueux
ail milieu du deacutesordre voulu eI nrrungeacute du pegravele-mele
garccedilonniel des tableaux des chevalets des bouquins
des hibelots el des toiles commenceacutees
Degraves que le domestique meucirct annonceacutee Jane flollssa
un grand cri enthousiaste ct mouvrit lar~cmclli ses hras
- Eh hien fOon enfant iHicnHa ch hien ~ mon hlond
oiseau vagabond cest comme cela que depuis des mois
et des mois tu nous as tOIlS ahn mlonneacutes t
Tout le grollpe ami surencheacuterit bruyamment
- Il sest sucircrement passeacute quelque chose t1lqrnn~c
dans la vie de Mademoiselle Vazuuuc cd hiver nfllrma
le pianiste Edmond Cnud
- Viens-tu lions annoncer les fiausaillrs r lplii Jashy
ne en mattirant pregraves delle tandis (Ie je svrru is enshy
core cinq ou six mains tendues vers moi
-------_
~~6~Uumli~~~~~middotmiddoti
GlIillaum~ Tara sinclina ~ 1 ~ Je ne puis vous feacuteliciter de voire 5uceegravesjMonsiellr
lui dismiddotojenayantni III ni YU toille piegravece Dune voix grassedeacutepl~isaDte ra1-a reacutepondit en ricirc~
caout 1 gt1 -Ma litteacuterature en effet Mademois~ll~ ~~est p~U preacuteciseacutement cc quon peut faire-lire aux jeunes filles
_ Ceci lqt ~rte peu pour Mad~m~i5el1~ V~zaDDe~ ~t dun tonelmable Edmond Gaud EUe a ungrand~pamp
re eacutepatant qui la laisse libre deacute lire tocircnt~ee qll~eacuteneveUt C~stvr~i repri~je Mai~ Il m~Jais~ecircceumlJtel~
teacute jllstem~lIt parce quil sail qui( Y~ (~ ~eri~in ~rl qlli ne jninteacuteresse pas du tout middot ~ ~
Tous eacuteclategraverent enriant 10 bull
~ Ehbien1 ~OD vieux Gui TareeUepe vriu~ 18 pas envoyeacute dire 1
He~reusementque tout le mondeaParisnest plis de vaireavis MademoiselJc murmuraGuil1a~me Tara
-Cest certain Monsieur reacutepliquai-Je Vous sentez tregraves justement que parmi vous tous je suis un peu comme
une eacutetrangegravere une provinciale si vous voulez
Et profitant dun instant de conversation geacuteneacuterlllede plus en plus bruyante je dis agrave Jane en aparteacute - Et voi~
lagrave preacuteciseacutement pourquoi je parais tabandonner mon ashymie Si lu voulais me voir seule agrave seule de temps en temps iuml~lurais le senliment dun eacuteocirchange damilieacute feacutetiUeentre nous deux Notr~ affection -aipsi ~rait vie et manifestationnaturelle devie ~ lt~ v
liais tu mas souvent fait c~anp~lidrequ~ je poubull shyvtPt te gecircner ~~ veacutenant middotautro~egravebt~qU~~~)Dmiddot1joure Qubull
gtlo
middotmiddotEt avent que jaie eu le temps d~reacutepoodrela peshy0 bullbullbull lttite R()se~Malie des- Franccedilais dont je nai jamais aimeacute ~ bull Ies yeux pointus tregraves brillants et tregraves vides seacutecria avec ~f+~alice _ 1( ~~ Mais cest vrai il Y a du nouveau pour vousb l (
li 4ndreacute CriJis est de retour agrave Paris gt gt Tuvas nous raconter tout cela pour te faire parshy f~onntlr ton lacircchage dit Jane mais tumiddot prendras des
forces avant lfagdeleinr ajoutat-elle servez-lui donc le theacute
Magdel~ille Lamarre un peu ridicule par lextrecircme ~ mJ9picq~ilIe lui permet pas de quitter un instante ~ 00 facebullbullbull mains et aussi par lair de jeunesse ingeacutenue ~J ~lJe cherchentagrave jouer ses trente-cinq ans de vi~iumlllefillr egrave Ee preacuteejpila gnmincmeni agrave ln table ougrave le samovar
bO~lrdQnnait doucement sa chnnsonmonptQne ~
Un~ Iorte odeur de cOleacuteopsis se reacutepnndait dnns la piegraverrochaqne mouvement de Magdeleine dont la fishy gure savamment maquilleacutee eacutetait eacutecraseacutee pal un chashy
0 lfll n monumental ougrave seacutetouflaient les plumes daulrushyche cil les rose tendres 1 bullbull
rregraves Ile Jane un petit jeune homme hlondesecvan ~ visage~legravellieaux vilnius yeux gris se ba1nnccedilagraveit dans uu
bull fauteuil debois fumant nonchalamment un gros cigare Son ail IlIS et fat me deacuteplut - Tu regardes notre nouvel intime interrogea Jane
Tq ne Je connais pas - Et sur ma reacuteponse neacutegative
~ - Jete preacutesente Guillaume Taraullhmiddotemeo~dit mon
ami middotGu Tare lauteur si connu par Vimmeuse( ~~lt ~JriQuf~e middotdemiddotl $ai$OO~ ~leFqu~~jre
~~tmiddotmiddot
1
~
succegraves eacuteclaboussant extrashy
parler du toute cette
EIlmJlId Gaud vint sasseoir pregraves de moi Il est intel-
nous avez que QOUS vous
ici qui
un instant la conversation
de Paris
dans cet dadjectifs vides
phrases presque toushy
les seules agrave peu pregraves quon puisse pla
mondain mi tout le monde veut par- 1
des eacutechanges fluishy
des sourires
nerveuses et deacuteseacutequilibreacutees
de Ia vie
Au contraire elles lemshy
vous voulez Il faut dQD
li
I
IWshy
~
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l 1 1
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~f~C~~~)~~~lt ~~~heacute~~i t~- ~ ~ lt lt gt
16 LA OONQuiTB DB LIDEacuteAL
eacuteela deacuterangerait ton travail tes seacuteances de modegraveles etc
Et je tavoue franchement que si aujourdhui par exem- pie rai la joie dadmirer ta bea Il teacute ce qui est deacutejagrave quelque chose cest vrai tout ce quune in limiteacute douce nous permettrait de reacutealiser et deacutechange de sincegravere et
de profond est empecirccheacute annihileacute par le convenu et lartificiel dont sbabille Paris mecircme dans ses reacuteunions
les plus restrein tes Comme pour me donner raison le domestique annonshy
ccedila le duc et Ia duchesse dArmiore Jane ell ce moment fait les portraits de la duchesse
et de ses enfants
Aussitocirct elle sempressa autour deux et commenccedila
les preacutesentations dlisage
Magdeleine Larnarre souriante et ingeacutenue retourna agrave la table de theacute et Jean Chermy qui flirtait avec elle
passa les assiettes de petits gacircteallx Puis coup sur coup en tregraverent dans latelier les
peintres Demerront et MaulIcircce Picot lactrice Nelly Reflet et plusieurs autres personnes
La conversation devint de plus en plus tapageuse et quelconque
Guillaume Tara le grand homme du jour que je senshy
t~is tregraves peacuteniblement dailleurs ecirctre en ce moment le fashyvori de Jane paraissait succomber sous le poids de ladshymiration que tous ces pan lins lui prodiguaient
O~ ne parlait plus que du Fou-Rire de ses actrices -de la scegravene extrordinaire du 3e acte ougrave la situation se complique si drocirclatiquement de larriveacutee des deux acircmants du compte-rendu de cet imbeacutecile de Veacutery qui aVilit preacutedit un four et de lavenir superbe que proshy
-~
r~~ middot~J~~~Jr h~~l~~~~~~ij~
LA C0NQU~TB DE LtDBll
mettait agrave Monsieur Tara le ordinaire affolant Ile cette premiegravere piegravece
loi qui navais jamais encore entendu Fou-RilC j~me sentais stupideparmi meacutediocriteacute
ligebullt et sympathique
-- Ainsi Mademoiselle me dit-il vous deacuteclareacute tout agrave lheure agrave mots couverts
rasIOns
- Seacutepareacutement il Y a IJuelques pelsoones sont chnrmantes
Mais soyez franc Ecoutez
de ce salon qui est un des plus intelligents
Et dites-moi linh~Iegravet que lon peut trouver eacutechange dexclamations dadverbes et
de sens dans ces lambeaux de
jours inacheveacutees
cer dans un salon (
ler et personne ne veut ecouter
~ Jy trouve des sensations nerveuses agreacuteables parshy
fois fortes reprit le jeune pianiste
diques des amitieacutes des flirts du parfum
-- Je VOllS comprends mais ces sensations lil me font leffet decirctres artificielles
elles ne reacutepondent agrave aucun besoin profond
et uexpansent pas le-bonheur poison rient
- Si j(~ ne me trompe Mademoiselle mettre en pratique la parole de M~rcAul~le ~
~
J~ J- - J~ - - --
28 LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
ner au corps ce qui est neacutecessnire pOUl lacircme et il lacircme ce qui est neacutecessaire pOIll quelle seacutelegraveve raquo
- Le plus possihle et je voudrais reacutealiser aussi cetshyte autre penseacutee dEacutepictegravete Sois libre malgreacute le monde
Mais la force du monde est infinie lloyez-le par rapport agrave la lorce de lindividu el le monde est enshycore anarchique el deacutesaccordeacute
Etre droit et eacutequilibreacute cest sisolcr difleacutercr du ruishy
lien et pOlir reacutesister il liuflncnce Iunc force si puisshysante influence dailleurs nerveuse cest-agrave db c pll~sqlle
physique ct ne venant pas des id(c- i-snes seulement de ces sensations passagegraveres que VOliS aimez je crois que
lhomme sain ne reacutesiste qucu sclcvau l tregraves haut cl en
bacirctissant autour de son acircme (les murs de diamant
- Vos ideacutees sont bien daccord avec votre forme exteacuterieure reacutepondit Gand I(~ crois voir une jeune filshyle de lantique Chaldeacutee dans le calme de ses regravevcs plirs
allant la cruche sur ln legravete puiser lcau bicntaisantc
Vous vivez plus avec les eacutetoiles quavec les hommes et vos yeux longs (jolientale hlonde reflegravetent ra nosshylalgie de lideacutealiteacute Moi jni gueacuteri celle nostalgie peut
ecirctre cette gllelison est-elle lin amoindrissement Ccpenshy
danl vous saurez heacutelas un jour que les pensees les
plus belles viennenl toutes de ces sensations nerveuses qlle vous croyez infeacuterieures souvent niegraveme nolre intelligence deacutepend de la fnccedilon dont nous avons digeacutereacute notre deacutejeushy
ner et tout nest que sensation
Cest pourquoi la musique est ma vie Quy n-t il an monde agrave cocircteacute de cela le me repreacutesente la terre comshy
me un lien Ie lhomme doit taire vibrer de toutes les faccedilons et le plus possible sil vent ecirctre vraiment heureux
-t--~ - -
LA
et vraiment quelquun Quy de leacutemotion Plus
CONQUEcircTE DB LmEacuteAL 29
a-t-il dans la vie hors lin ecirctre est capable deacutemotions de
tontes les sodes plus il est inteacuteressant plus il existe _ Pour VOliS reacutepondre repris-je en soudant jappel-
le toute la Chaldeacutee il mon aide VOliS dites tout est sensation pourquoi vous contreshy
diruis-je A travers mon enfance entiegravere jai su gilldel la notion du reacuteel le parfum des loses leffluve des arbres les affections les deacutesirs les penseacutees eacutelaient un monde vivant autour de moi Dunivers en univers de
hauteur en hauteur tout est reacuteel je le sens Comprendre savoir apercevoir espeacuterer cest toucher
par un sens ou par un autre Ce qui nest pas en conshy
tact avec moi est inexistant pour moi et le seul et unishy
versellien entre le monde et moi cest la sensation Vous dites tout est vibratiou Daccord La vibration
exteacuterieure peacutenegravetre en nous sous forme de sensation
MaIS ne remarquez-vous pas vons-mecircme quil y a une
infiniteacute de modes vibratoires
Londe musicale est pour vous le type et le centre
des possibiliteacutes rayonnantes mais la vibration de la
lumiegravere celle de lamour celle de lintelligence Si le piano que vous faites reacutesonner est faux ou a
des cordes briseacutees en ecirctes-vous pour cela moins musicien et votre eacutemotion mal servie ne seacutemane-t-elle pas imshy
patiente et complegravete
Si mauvais interpregravete VO1S trahissez le geacutenial comshypositeur lœuvre splendide enregistreacutee par les signes
en est-elle moins parfaite 1 Eh 1 bien quand votre corps physique alourdi de
sommeil 01 eacutepuiseacute dinsomnie accableacute par lexcegraves ou le
--
~
- -~ ~ ~ ~ ~ l
SO LA CONQUEcircTB DE LmEacuteAL
manque de nourriture par lexercice iiuquiegravetude ou
toute autre cause devient lin mauvais instrument lin
mauvais reacutecepteur est-ce que londe intellectuulte qui
dans de meilleures conditions laurait fait vibrer harshymonieusement est changeacutee
Croyez-le il y a des sensations de tous ordres Les sensations physiques peuvent apregraves avoir eacuteteacute comme
un cristal transparent devenir ugrave certains moments comme
un voile opaque pOlir les sensations supeacuterieures elles
nen sont pourtant que le vecirctement et la manifestation
Et les sensations immeacutediatement supeacuterieures agrave leur
tour transmettent de la mecircme faccedilon selon leur capashy
citeacute des vibrations plus hautaines encore
Jgtonc agrave mon avis non pas notre intelligence mais
seulement sa manifestation physique ce (lui est tout diffeacuteshy
rent pe~t deacutependre œdune digestionraquo comme vous dites
Pendant quelques instants Edmond Gaud et moi nous
causacircmes encore Puis je me levai pour partir au
milieu du brouhaha mondain Et Jane Kousta lacirccheacutee de me voir sortir sans presque mavoir parleacute maccomshy
pagDB jusquagrave la grande galerie deFlIIt(~ ct sexcusa
- Tu ne men veux pas petiJeacute Micllcline 1 Jo tassure
que si je ne te demande pas de venir me voit un jour
toute seule cest quen ce moment cr-ia mest vraiment impossible
- Tu as trop agrave travailler lui demanugravelIi-je
Et aussitocirct je sentis brusquement que bien autre chose
que la peinture la preacuteoccupait et labsorbait Je la regardai Elle rougit Et ma penseacutee eacutevoqua aupregraves delle la sishyhouette affreusement antipathique de Ouilla urne Tnrn
Je me rapprochai de Jane et lui prenant la main
~ ~ -~ ~~ ~ l )--~
LA C01llQUEcircTB DB LIDEacuteAL 3~
- Mori amie Les choses seacuterieuses et profondes sont les plus vraies les plus douces celles qui donnent la sensation de dureacutee dagraveme de vie Crois-moi ce qui
senvole inutilement ce qui brille un jour pour seacuteteinshy
dre vite cest le neacuteant Tu te laisses entraicircner dans un tourbillon trompeur
et hi ny es pas heureuse Jane car tu vaux beaucoup
mieux que la vie que tu te denues
- Tais-toi interrompit-elle tais-toi Je ne veux plus penser au moins pour quelque temps
Ce qui me rend le plus triste ajouta-t-elle cest que
je suis jalouse et sa voix tremblait
-- Au contraire insistai-je tu devrais prendre le
temps de penser Ce que tu as de plus beau en tei
peut seacuteveiller Seacutepanouir et te diriger mieux
- Me diriger Et ougrave 1 Depuis des mois et des mois
je suis une pauvre nef ballotteacutee sur un oceacutean en teshy
pegravete et ea tumulte tu ne peux savoir Plains Illoi
ne Ille juge pas Michegravele
-- Ma pauvre Jane je ne te juge pas certes et je
taime 1
Tu dejaandes comment te diriger 1 Fais le silence ee
toi dabord et autour de toi des sensations et des deacuteshy
sirs calme ton excitation et eacutecoute la voix inteacuterieushy
re la voix intime et profonde de ton ecirctre soupireacutee
chanteacutee moduleacutee au fond de ton acircme
Jaurais voulu Ionguemeat parler agrave mon alllie mais
la sonnette seacutetait tait entendre et le domestique (l1ashyvraitla porte dentreacutee agrave deux dames empresseacutees et
vlubiles
~~
Je suis
LA CONQUEcircTll DE LrDjAt
Jane courut agrave elles le sourireaux legravevres et memshy
l2
~C~- -n-t -~ 1 _ 1 bull l ~
LA CaNQUETE DB tIDEacuteAL 33
alleacutee avec grand-pegravere acheler des fleurs puis j~i eacutegayeacute la maison des taches dor des jonquilles elbrossa ~n hacircte pour retourner ail salon en mecircme temps jai piqueacute dans lous nos longs vases les liges droites que ces deux arrivantes des boules de neige gonfleacutees grosses el candides des
Mais dans son baiser prompt je sentis loute la tendresshy lys eacuteclatanls si purs dans leur blancheur resplendisshyse intease dont elle esl capable et toul ce que son ecirctre sante et des lilas blancs ou mauves an parfnm tiegravedlaquodeacuteseacutequilibreacute farouchement nelveux contien t encore de
Enfin seule au-salon jeacutetalais dans une potiche basse profond de puissant el aussi cette capaciteacute quelle a
sur le piano habilleacute de soie quelques grosses roses au milieu dune vie factice el trouble de garder oushy
rouges lorsque la porte souvrit sans bruit derriegravere moi vertes des eacutechappeacutees lointaines sur les vastes espaces
Javais devineacute qui entrait Plus timide que dhabitushyillumineacutes et de sembler avoir toujours uae part de son ecirctre plongeacute dans un oceacutean daspirations pures et innomshy de je nosai me retourner
- Oh 1 Michegravele murmura Calvis comme VOliS ecirctesbrables devenue belle 1
Surmontant mon eacutemotion je marchai Vers lui la main tendue
Il la serra longuement dans la sienne et leflleumlura rlun baiser rapide
9 Juin Minuit f2 Je le trouvai bien changeacute Plus grand plus Iort et
plus fin agrave la fois Je le lui dis
- Oui jai beaucoup changeacute Michegravele reacutepondit-il Andreacute Calvis sort dici agrave lInstant el je nai pas - En deux anneacutees dexil toujours seul aux pay~ loinshy
sommeil tains on comprend on senl bien des choses nouvelles
Quelle apregraves-midi agiteacutee jai passeacutee en lattendant je Ces deux anneacutees ont eacuteteacute dures Mais je ne les regrette me croyais moins nerveuse mais mon affection pour pas Elles furent pour moi une eacutecole merveilleuse qui lui souffrait deacutejagrave davoir agrave assombrir un passage du magrave ouvert la porte de mon acircme qui ma deacuteveloppeacutechemin de sa vie davoir agrave briser son premier lhe qui ma formeacute Celle eacutecole je suis heureux de lavoir
Vers ) heures jai joueacute du piano longuement et eue et cest agrave vous que je la dols Michegravele me suis mise agrave chanier cependant mes penseacutees sonshy
- Non pas cest vous Andreacute qui avez voulu partirgeaient tristement el impatiente jaurais voulu que
au loin et voyager Je ne vous ai jamais demandeacute celle les heures senvolassent plus vite Mais rien ne peut seacuteparationacceacuteleacuterer le temps que le bonheur ou le calme
3
J
34
r-lI- --- ----J JI 1 r-l ~ 1
TA eumlONQUEcircTE DE TrOEacuteAL
_ Vous aviez exigeacute que jaltende deux ans avant de
vous consideacuterer comme une jeune fille Comment penshysiez-vous que je pouvais vous voir pendant si longtemps sans vous parler de lunique espoir de tout mon ecirctre 1
Dailleurs cest votre grand-pegravere et mes parents qui ont
voulu ce deacutepart lis ont donc eu raison puisque ce long- voyage
vous a mucircri _ Mais parlons de vous Michegravele reprit-il Comme
vous ecircles devenue grande cl belle 1 Tous les recircves ltlune penseacutee toujours vers vous vous
aureacuteolaient moins encore que ne vous ideacutealise la deacutelishy
cieuse reacutealiteacute daujourdhui Voire casque dor est plus lourd et plus doreacute quaushy
trefois el la phosphorescence de vos grands yeux bleus
brille dun nouvel eacuteclal cl voile de nouvelles profonshy
deurs n eacutetait troubleacute Je massis sm un canapeacute el il vint
se mellre pregraves de moi _ Je suis tregraves eacutemu vous le voyez nest-ce pas ajoutashy
t-il lregraves eacutemu de me retrouver dans ce salon ougrave jai
passeacute de si belles heures de si doux moments de si chegraveshy
res anneacutees 1 Tregraves eacutemu de celle minute attendue appeleacutee deacutesireacutee
tant de fois el dans laquelle jai tellement de choses ugrave vous dire mais les paroles que je prononce ne corshyrespondenl pas il celles que VOlIS attendiez peut-ecirclre
el elles exprimenl si mal loul ce que je voudrais que
vous compreniez Je sens heacutelas quil esl facile de ne pas saisir le
bonheur qui passe
~-l j1 Jl-j1J Tl Jl Q
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 35
Et jaimerais savoir parler seulement pour ouvrir voh e agraveme el si vous le vouliez Lien ouvrir voire cœur Je menivre de votre preacutesence Michegravele mais je crains L
Jai une crainte affreuse deffaroucher loiseau melshyveilleux le papillon bleu
- Taisez-vous dis-je en liulerrompan l laisez-vous Andreacute Pourquoi vous laisser entrnincr pal vnlre penseacutee de poegravele avant de savoir ce que nous pourrons ecirctre lun pour laulre Apregraves une aussi longue seacuteparation
nous avons changeacute lous les deux el nous ne
nous connaissons plus Inlellectuellemenl jai parcollru
de grands espaces el le lieu de mon repos actuel est hien eacuteloigneacute de mes songesdautrefois
Aussi avons-nous preslllle il nous deacutecouvrir mainteshy
nant Parlons librement explorons ensemble les plus
complexes horizons de noire penseacutee mais croyez- moi
ne repren~z pas le dialogue ancien 1lt1 011 VOliS lavez laisshyseacute sans lenir compte du temps qui dans nos ucircmes il
depuis fail gerrnlI des floraisons ncuvelles
- Commenl pourrais-je VOliS parler librement 101sshyque Ioule mon inlelligence est annihileacutee pregraves de vous
par lextase de Illon cœur ardent cl enthousiaste
iumll~ ne sont pas des mols qui peuvent nous lapproshy
cher lun de lautre li mon amie ma chegravere amie
Le silence seul est leacutepanchement veacuteriluhle dies
yeux les yeux parlent si eacuteloquemnu-nt la langue de lacircme 1
Heureusement grand-pegravere entra agrave ce moment el intershy
rompit une conversation ougrave il IOPSUle quAudrlaquo sex alshytait je me sentais de plus en plus Iroide calme indifshyleacutereute
bull
jJrr
~
Il il III 1 1 r-~ 1] 11 Jl TU J~ J 1 ~ ~( bull ~
36 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ledicircner fut bientocirct servi el pendant Iout le temps quil dura jc me confirmais de pins en plus dan s cette conshyviction que jamais jamnis Calvis ne serail lOUI moi aushy
tre chose quun ami
Grand-pegravere et lui parlegraverent avec animation de la musique en Allemagne ougrave Andreacute avait passeacute six mois de la Chambre des Deacuteputeacutes et du Suffrage universel de Sarah Bernardt de Rostand des religions et de Mahoshy
met
De temps en temps je disais une phrase quAndreacute
approuvait toujours en mentour~rt dun chaud regard
de tendre et muette admiration
Mais une voix criait en moi que toute la partie la
plus haute et la plus feacuteconde de mon intelligence celte partie soupccedilonneacutee de moi seule cette vic pr(sque inconsshy
ciente encorequi me met en rapport avec lau-delagrave de mon ecirctre celte vie de certitudes mystiques de visions
merveilleuses dintuition nette et preacutecise cette vie Inshy
tente encore spiritualiseacutee mysteacuterieuse et profonde ce neacutetait pas Andreacute qui pourrait jamais la comprendre
la satisfaire leacutevoluer cc neacutetait pas Andreacute ~ui pourrait
jamais la cultiver et leacutepanouir ~
Lorsque dans la soireacutee grand-pegravere nous laissa dt nouveau seuls ensemble au salon Calvis reprit sa place
sur le canapeacute et avec une ardeur contenue il me deshy
manacirca
_ VOlllez-vol~S eacutecouter une leacutegende un recircve un
poegraveme qui me hante et que je nai pas eacutecrit 1
Je nosai refuser et il commenccedila
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL 37
- laquo Le lIalde recueillait avec ivresse le chant inteacuterieur Ie Iui versait sa lVTus~ O si tu es aimeacute disaitelle ruyonnc 11 Ile dlmallde pliS autre gloire
laquo 101 Elle la Terrestre qui taime deviens Inrt ct gllllld sois henu ct gillJde loi
laquo Crois Cil Elle iuvincihlcmen l el quelle soit ta magishycienne
laquo Tu contempleras son image radieuse et tu seras conshysoleacute
laquo Tu le suuviendrns de ses paroles douces et tu seras fortifieacute
laquo Happelle-Ioi Cest Elle Elle lunique la seule femshyme que tes yeux ont adm ireacute dans ce monde la seule que Ion ame a choisie la seule que til chair il deacutesireacutee
Celle-lit enfin qui sc donne il toi pour toujours COIlshy
finn te
laquo Sois fidegravele il la route quelle a traceacutee de sa main
cheacuterie et marche ardent vers le but sans voir le monshyde
fi Pour Elle
laquo lII jour III lallras conquise alors 10111 sera cuhue
et merveilleux raquo
Et voici JIU le Barde reacutepondait il la ~]ust en penshysant il sa hien aimeacutee
laquo Sur lin feuillet amoureusement choisi lhistoire est grllveacutee de nos amours ct de mes souffrnnccs et des lutshytes et des recircves
laquo Mon amour sy reflegravete mon cœur sy (st envole en ses plus hau taiues visions
laquo Cest la couronne de mon œuvre cest le livre dno mour
Il
_~__~==========iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiliiiI(iir--TT1rnliiumlmiddotlfllmrJInnlllllllll11111I_1_1bullbullbull11111111111middot11 bullbull 1 1
J -~ --1i1I~~~~~) J J 1 ~ ~ ~ 0 bull
ss LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquoltJe lui donnerai au jour beacuteni ougrave nous serons lun agrave lautre pOlir quelle y puise la confiance et lamour la fideacuteliteacute ct lenJhousiilsme la reconnaissance et la joie
( POUl quelle y apprenne la ~randeur de ce qui nous unira la merveille -de notre chaine dor lardeur de
ma penseacutee laquoSeule Elle le connaicirctra Et ce livre sera comme notregrave
jardin secret
laquo PJ1rc magnifique ougrave nous nous promegravenerons souvent ravis loin des foules loin des regards seuls seuls enshy
tre nos acircmes enlaceacutees en Ire nos COlPS attireacutes
laquo Irreacuteveleacute ce sera lagrave le coinecircde mystegravere ougrave lon se
retrempe aux jours de deacutesespeacuterance la fontaine damour
ougrave toute plaie sefface
laquo Le talisman fait de son acircme ougrave toute torce resplenshydit il sera le secret de la force silencieuse il SHa le lien indissoluble que nulle penseacutee indiscregravete naura souilleacutee
laquo Et apregraves avoir mis tout ce que jai de meilleur tout
ce que je sais de plus grandiose dans ces pnges jen ferai mon chef-dœuvre copieacute de ma main et je le
donnerai agrave mon amie
laquo Et un jour nous le lirons ensemhle en face de la
mer immense ct bleue SUI la haute falaise laquo Et middotpour qui~ ne soit pas profaneacute parce que nous
laurons graveacute dans nos acircmes je me legraveverai dans un geste royal et grave je lancerai dans Jabicircme lenfant
cheacuteri de ma penseacutee
laquo Cal ce sera un signe que jaurai renonceacute ft la 1510ishyre du monde pour la gloire dEUe
~~--- ~ )
DB LIDEacuteAL 39LA CONQUEcircTE
- Cc livre
Et un long silence accompagnera sa chute tandis quil
pll~sera magique eacutetoile dans le ciel recircveacute de notre recircve D
Apregraves un moment soudainement timide Andreacute ajouta damour il est presque termineacute Cest ma
vie Ile ugraveeux anneacutees celle des heures de meacutelancolie comme celle des heures despeacuterance
Le lirons-nous ensemble Michegravele avant que ne lenshysevelisse magnifique tombeau la mer fgtlysteacuterieuse proshyfonde insondable gardienne eacuteternelle de ce secret rashy
dieux de ce deacutepocirct sacreacute
Il parlait avec tant damour avec un prodigieux et
si tendre cnthousinsme que jen eacutetais troubleacutee et quun
instant jallais mecircme me laisser eacutemouvoir par lideacutee de cette œuvre damour conccedilue neacutee pour mourir et
mourant afin de lester le confident SIIcircl et fidegravele de deux acircmes unies
Mai1 aussitocirct je sentis plus fortemcnt encore latmosshy
phegravere miegravevre et presque malsaine dont cc scntiment mentourait
El (lune voix donce qui cherchait agrave atteacutenuer IJOIII
mon ami Allereacute ln rudesse dune pensee tellement eacuteloishyglllC de la sienne je Ini reacutepondis
- Ecoulez-moi Andleacute je vais vous faire de la peishyne p~IICC (lue je le sens un poegravete est comme exteacuteriorf
seacute dam son œuvre el ne pas vibrer il lunisson des mots et des rythmes ougrave il a mis sa vie cest le blesser
Et pourtant je ne puis laisser passel vers moi sans vous avertir leacutecho middotdun monde (lui esmiddott le vocirctre et qui manque non seulement de lumiegravere rnuis encore de force et de vie Heacutelas cest ainsi que les jeunes-gens recircvent
41
~44td-~Jp-middot~ 1 1 JI -- --)~ ~-
40 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Andreacute je VOliS parle ici avec mon amitieacute sincegravere el loyale
Vous pourriez ecirctre lin gl1lnd lin tregraves grand poegravete Vous savez laire eacutetinceler les mots passionneacutes et en vous eacutecoutant jai lII devant les jeux des visions de poulpre dazur etdor Vous savez faire jouer comshyme un orchestreles syllabes dansantes VOliS pouvez tailler lin vecirctement splendide capable de rendre visible limshypalpa ble Ideacutee
Mais votre Ideacutee nest pas assez haute pas assez pme [HIS assez coulageuse
Ce mot des anciens La Vertu cest aussi un monde un monde reacuteel celtl-Iagrave un monde qui se cousshyfruit
Vous vous consumez dans une sphegravere passionnelle que vous prenez pour le Cie
Cest de cela (lue je voudrais vous avertir Ce nest pas comme un artistc exteacuterieur agrave son œuvre qlle VOliS deacuteroulez lextase enfiegravevreacutec de votre heacuteros afin de nous montrer par de-Iagrave des horizons plus calmes votre heacuteshyros il est vous-mecircme vous lout entier VOliS ne conshycevant pas une destineacutee plus grandiose que celle de sabicircmer dans un gouffre damour
Cest donc vous-mecircme votre caractegravere voire philoshysophie votre infime conscience des choses (lui ecirctes enshyveloppeacute de ces bru mes 1011 rdernen t coloreacutees comme lin coucher de soleil pal 1111 soir dorage
Et moi jc suis hors de ces nuages
-Parce que VOliS ne maimez pas dit-il avec beaushycoup de tristesse
1 -f
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Laccent interrogateu- avec lequel il prononccedilait ces paroles me posait une question qui apportnit vers moi un e implorante attente Et comme jene me deacutecidais pns il reacutepondre reacutepugnant il la moindre dissimulntion mais troubleacutee pn cotte soulla nee _(II i III1jUlelltail aushypregraves de moi Andreacute ajouta dune voix mdallcoli(lue
- Oh quelle chose navrante que de revivre heure par heure les chegraveres journeacutees de Iautretois [ojeux de cet autrefois (IUC (lVPC UII peu dhuhileteacute 1111 peu de tenncite 1011 aurnit pu taire UgraveIlIP~ plus longtemps lon aurait pli deacutelicieusement prolonger et qui vivrait encore peut-ecirctre
llnintcnaltmiddot El alors ail serail heureux comme on lddt ~ ftrefois soi et Elle Elle la petite fille (lui riai] et qui
chantait qui ne sinquieacutetait pas de grandchose qui soushyriait aux regards de vos yeux et il la pression de votre main Mais non tout cela est envoleacute envoleacute plus loin
que les oiseaux snnvages que VOliS avez vu passer au-dessus de votre tegravete ail deacutebut de lhiver dans ICIlI luite vers les pays du Sud Tout cela est perdu perdri plus deacutefinitishyvement perdu que le navire (lue VOlIS avez vu sertir du port joyeux les grandes voiles deacuteployeacutees et qui nest jamais revenu jamais Que personne ne retrouvera parce que les vagues lont briseacute et quil est tombeacute au Iond d(~
la mel en lin lieu inconnu Et ill a 1111 morceau dl
mon lime dans ce navire perdu
- Vous ne doutez pas vous ne douterez jamais Andreacute je le sais de laffection profonde el dollce que jai pour Illon ami denfance Et cet ami si cher je veux quil me gnrde toujours une grandemiddot r place dans ses amitieacutes ~lais je voudrais je voudrais tant vous inspirer du coushy
-------------------
-- -- 1 ~ ~~-~-~ - bull 1 III ~ III T~r0
-~~
LA CONQuecircTE DE LIDEacuteAl 43 LA CONQU~TB DB LIDEacuteAL42
une force intense que je sentais monter et vibrer en rage de la puissance de vivre et de lutter aussi de la moi je l4r sa main dans la mienne et la serr nnt viveshybelle puissance feacutecondante et illurninatrice ment je tarlai plus haut en le regardant bien en face 11 Yadans le stoiumlcisme une racine tregraves vraie que neacuteshy
-- Si vous vouliez Andreacute si vous vouliez Compreshycessite le principe megraveme de la conselvation de la vie On peut tirer le beau et le bien de toutes les situations nez quels ltSOIS sublimes sont enfouis dans voire resshy
plendissante jeunesse et recevez de moi ce soir jeet comme la dit un penseur Nul na jamais le droit de deacutesespeacuterer puisque nul ne connaicirct avenir Mais il faut vous en prie un peu de ce courage lui pourrait illushy
miner votre chemin actuel un peu de cete foi enenvisager les eacutevegravenements avec couruge se chercher un nous-mecircmes celle foi qui transporte les montagnesbut heacuteroiumlque el suivre une voie droite qlli monte sans
Je voudrais pouvoir loucher voire agraveme et lallumer cesse
Accomplir un nohle ideacuteal cest toul ce qlle lon nouve comme un flambeau
de plus henu en ce monde Ne lu-isez pas ne brisez Ecartez ces vilains nuages ces brumes tipnisses et jamais rien que la vie OIIS don nt mais transformez troubles dont je vous parlaisfout-agrave-Iheure cl dont
je suis hors non pns seulement comme vous le croyez souvent Oh savoir se trnnsfomcr assez vite assez facilement parce que je neacuteprouve pas les mecircmes sentiments que
ceux que vous eacuteprouvez poar moi mais surtout je liens Andreacute pOlir ne pas snnnihilel contre les obstacles de agrave vous ll dire palce que j~ ne partage pas votre penshyln route Etre comme leau qui prend III forme du seacutee et que jai des conceptions inlellectuelles tregraves diffeacuteshyvase qui sait toujouls IrOUCl son niveau et qui ne renLes des vocirctreslaisse aucun vide Agil pour le mieux parmi les cirshy
constances avoir plusieurs plans pour la coftstruetion Le point culminant de la leacutegende que VOllS mavez de leacutedifice savoir prendre les mnteacutelIumlauJgt accessibles fait connaicirctre le geste somptueux qui la termine est et sans chercher lirreacutealisable ploglesser toujours cornshy une erreur me un homme vraiment digne de ce nom
Dabord vous preacutesentez cornmc une apotheacuteose la Un homme mou ami senllzmiddotvous comme moi tout
destruction dune œuvre dintelligence et damour Moi ce quun homme peut taire et peut devenir je ny vois quun sacrifice inuLile et coutre-nature une
Quelles limites existe-t-il aux lointains norizons de deacuteformation de la sensibiliteacute normale un acte reacutealisant
la penseacutee humaine une penseacutee chimeacuterique et deacutesordonneacutee Et comme Andreacute Calvis palaissail accableacute dune
Cest la neacutean tissement de reacutealiteacutes passeacutees preacutesenteslourde meacutelancolie dune deacutesillusion immense el cruelle et il venir pour lexaltation dune minute vaine
un sentiment de pitieacute me peacuteneacutetra toute Naurampient-illi donc jamais deacutesireacute le relire ce livre fJe meacutetais promis de lentourer despeacuterance et avec
L J J ~ l ~ f ~ t ~ 1 ~ 1 ~ ~ i 1 i ~ l~-~~--n n Ti
~5u r CONQUftTR na rmEacutee middot1 LA CONQUftTB nR LIDEacutelt
1
Non La pleacutenitude de la trame de la vil nest pas une chose si facile il atteindre quon puisse saul
pat neacutecessi teacute en (lnOlII1 des fi ls
El pourquni ne pas II~ donner aux hommes I~I~ poegrave
me chef-dœuvre ougrave tant deacutenclg-ies sont venues sinshy
carner Pour le poeacutelc et sa compagne ces pa~es sont vecues
donc deacutepasseacutees Ils vont vers des hauteurs nouvelles laissant pOUl
ceux qui les suivent cette marche dalhagravelle Toute la vie senchaicircne el se reacutepond rien nest
fermeacute Et ceux-lit dont la puissance laspiration le
geacutenie sont mulliplieacutes pI lamour ceux-Ill ont besoin
pOlll lenr lorce duellc dun chard dexpansion daushy
tant plus grand LIgOISIlI( il deux lst reacutealisahlc cornshy
me toutes petitesses mais il ne peut avoir iicu de
eontuun avec lheacuteroiumlsme el le suhlitue ~
Toutes mes penseacutees sont tourneacutees vers lutiliteacute tout
mon ecirctre seacutecrie ( Que la vie sail plus helle que
lhumanitlaquo soit plus nohle )J El toute action qui ne
tend pliS vers cc hui me parait un gllspillage cl une
perle Au plus haul point le poegravete le formateur le roi
dl la rcalisalion active est chargeacute dune grave resshy
pnnsnhiliteacute Cest lui qui jel tc dans le monde sous
une forme intenseacutement attractive et assimilahle les
ideacutees Et dans le vaste conflit lideacutee de lHarmonie na
jamais assez dannonciateurs et (1( hagraveaulls _ Ah Michegravele seacutecria Andreacute en portant arrlemshy
ment il ses legravevres mil main qui encore serrait la sienne moi je vous dis si vous aviez voulu si vous aviez voulu
Je suis plus plastique lue VOliS ne le pensez vous minfluencez tellernent Et je reccedilois voire ideacutee et jen suis dynamiseacute comme Il un grand jet magneacutetique lui deacutejagrave me transporte et mexalte
Si vous aviez voulu si vous aviez voulu Cest VOliS qui auriez eacuteteacute mon guide et mon appui
ma III use Illon iuspirah-ice Oh vos chegraveres penseacutees
hautes et braves comme jaurais eacuteteacute heureux et fier de les vegravettr de mots fervents lumineux passionneacutes
eacuteblouis
- Mais si vraiment je puis un instant aider mon ami poegravete pourquoi croyez-vous ndleacute que je ne le
voudrais pas
Il se meacuteprit un peu ou peut-ecirctre voulu se meacuteprenshy
dre sur le sens de mes paroles et il reacutepondit tout bas
sans lever les yeux sur moi - Quel espoir merveilleux voulez-vous donc encore
laisser dans mon cœur
Aucun autre Ilue celui (le vous ecirctre toujours une
amie sincegravere et fidegravele - Vous concevez alors des relations veacuteritables contishy
nuant agrave exister entre vous Michegravele qui De vibrez quashy
vec votre intelligence et 1 malheureux qui vous apshy
partient tout entier et dont la seule raison de vine
eacutetait leacutetoile despeacuterance quil avait mise en vous
11 parlait segravechemen l cette fois dun lOB ironique
lui voulait cacher son chagrin Je repris avec douceur - Vous avez tort de me parler avec tant damertushy
me Illon ami lorsque vous devriez comprendre la soutshyfrance vive que jai de lOUS aire du mal
6
~ l _ -J l ~~~11
LA egraveONQUirE DE LIirEacuteAL
Je veus ai dit ne brisez pas ne brisez jamais rien
que la vie vous donne maistransfolmez souvent
Comme lon a tort de couper des liens lorsque ces
liens auraient pu modifieacutes par la volonteacute et suivant les
eacutevegravenements temeurer toujours La vie passe les cilconstances ne se r~trouvent pas
deux fois les mecircmes et il est presque impossible de regraveshyfaire plus tard quand on les regrette les anciens liens
briseacutes
Andreacute minterrompit gravement _ Pensez-vous q~e facilement jarriverai comme VOliS
le deacutesirez agrave faire fleurir mon amour en une saine amitieacute
surtout surtout Michegravele si un eacutechange actuel subsisshy
tait entre nous
Ne songes-vous pas agrave Ja douleur que jemporte ce
soir en YOUS quittant apregraves que vous mavez verseacute tan t
de beauteacute tant de gracircce tant de lumiegravere et lorsque
telle quune pluie llautomne deacutelicieuse et cleacutemente vous avez baigneacute mon acircme deacuteserle assoiffeacutee avide
comme ~ne terre brucircleacutee apregraves un lourd eacuteteacute
Comprenez-moi je ne veux pas dire oh 1 loin
de lagrave quil soit bon de jouer pour un temps avec lil shy
Iusien de ce qui ne peul pas ecirctre Tant que YOUS
souffrirez en recircvant agrave vos recircves eacuteloignez-vous retirez
votre penseacutee si cest lagrave Totre moyen le plus doux le
plus sucircr de tranformntion Oui certes nous avons droit
ehacun agrave ce qui nous est propre
Seulement si vous Touiez me croire que cet eacuteloishy
gnement soit tempolaire que cette seacuteparation nait rien 4-irreacutevocable Car il me semble que la douleur ne peut
LA CONQUftTR DE LIDEacuteAl 17
avoir dacircpreteacute dans des liens qui se perpeacutetueat et
que en deacutefinitive tout ce qui unit est un bienfait
Mais je vous sens las et je voudrais savoir vous dire quelque chose de large et de sain qui vous fasse vraishy
ment du bien
Je serais moins triste de la deacutesillusion que je vous
cause si vous vouliez garder en souvenir de moi un
peu despoir un peu de force et UD vouloir defforts
URe foi rebuste dans la vie si impreacutevue si riche si
ianombrable
Soyez eacuteneacutereux envers elle onnezmiddotlui abondamment
faites de la joie autour de vous faites jaillir partout
de lespeacuteraace ne chutez dans vos poegravemes que le
courage lalleacutegresse le respleadissement des mershyl
veilles humaines appelez deacutesirez attendez eacutevoquez
sans cesse le bonheur 1
Il viendra on jour mon ami 1 je vous le promets
et je vous le preacutedis 1 Neacute formez rien en tristesse et
en deacutesespoir entourez-voas dune atmosphegravere sereine
tout apprschera de vous en beauteacute en douceur
Ua poegravete agrave dit Œ Celui qui chante au dieu un
chant despeacuterance Terra SOR vœu saccomplirraquo
Aspirez lenthousiasme soyez vibrant de vie et palshy
pitaat de foi Soyez fort pendant leacutepreuve
Et je vous auaonce en certitude que votre jeunesse
silluminera bientocirct dun retour splendide de la desshytiaeumle lt
Et je parlai je parlai loateps eacore sentant que
je tenais egrave soir comme dans mes maias Le cœur dhomme qui Tibrait agrave cocircteacute de moi j longtemps encore
9
J
LA CONQUEcircTE LIDiAt48 DE
je renveloppai de visions radieuses comme on en vemiddot loppe chaudement lin petit entant qui tremble de troid
car sa meacutelancolie cherchait il recevolr mou optimisme et sa lassitude buvait agrave flots [eacutenergie cl lenthousiasshy
me dont je cherchais agrave le reacutecontor ter
Puis GIandpegravere vint timidement nous interrompre
Mes enfants il est pregraves de minuit _ Heacutelas murmura Andreacute dune voix tregraves basse que
seule jentendis heacutelas heacutelas heacutelas Voici avant longshy
temps ma derniegravere joie finie
Crandpegravele un peu gecircneacute souriant dans sa barbe blanche un peu inquiet aussi reacutepeacutetait avec bienveilshy
laace __ ~lons mes enfants Dites-vous adieu Et VOliS
Andreacute venez je vous accompagnerai avec la lampe
jusquagrave la porte du jardin
Puis il sortit emportant la lumiegravere poseacutee sur le piano NOliS eacutetions mnintenantdebout lun devant lautre
Andreacute et moi dans une demi-obscuriteacute relativeIeacutetais
eacutemue car tr~s violemment je sentais palpiter le pauvre cœur dAndreacute comme un oiseau blesseacute aux battements
dailes douloureux II sapprocha dun cornet de cristal poseacute sur la conshy
sole de marbre il cassa la tige Jun lys tt me dit
_ Vous permettez que jemporte ce lys Michegravele
il vous ressemble si pur si eacuteclatant si fier avec la spiritualiteacute dc toute Ba blancheur avec son grand cœur
tout en or
Sa voix si triste mimprcBsionnait
Cardez-le reacutepondis-je doucement
il 1 1 1 l J
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Son COlm dol renfertne un mot pour le poegravete laquo COli jltlgc ct Espeacutelltlnce raquo
Alors il hnisa pieusement Iii llcur puis il O1UImlll8 apregraves un moment de silence - IgteacuteSOllllilis ce mot sera ma devise
Et il sot-lit lentement du salon agrave reculons h-s yeux fixeacutes SUI moi comme sil voulait emplir 10llt son ecirclre el
tout son souvenir de Illon image il cet instant
Que la vic est mysteacutelieuse plisltllIe ail milieu de ccLle villlanie eacutemotion hegraves helle ltpli cherchait 1 me peacuteneacutellcl je me sentais entoureacutee pal quelque chose dinvisible qui misolait et jeacutetais appeleacutee loule vers lAuhc le RlHlieux (Ille je connais el ltlIC jignore
14 Juill
Depuis quelques jOIIlS jiiIuml peu de temps agrave moi cal je sens glillldpegravelC soucicux et firligueacute cl jc vis beaucoup ashy
vec lui Pauvre cher ganJpegravere Il ma tout-agrave-fail appIollveacutec dl IlC pas avoir retardeacute III franchise de ma
deacutecision il Audleacute puisltjlle jc sentais si nettement (lue mes
sentiments Ile leacuteponJlllicut jamais aux siens Seulement il leglclle hCiIUCOUP jc crois quil en soil ainsi Cu il a
une protonde envie dl me voir tIlHIVlt~1 bientocirct mon honshy
hCIII cl puis il alme tendrement cc fils de ses vieux amis
Il ml parle sn liS cesse dc ses idees SUI la vic ougrave les lem mes selon lui ne peuveu l ecircti lt~ complegravelcmcnt hClIIcusrs (lue dans lin mariage damour il vaille aussi le malillgc tregraves tocirct dans la toute jeunesse union infiniment plus normale plus saine pour la santeacute merule ct physiquc dunc rnce
50
JI-1 j 1 j iumlI -l r--l l-~ lJ -J r-J r-J JJ bull
L COSQUEcircTF DE L1D~AL
f
Hier jai reccedilu un mot tleacuteidculi de Jane Iousta Elle
me demande de bien ouloir ehantCl deux duos agrave une ~
soireacutee musicale qui a lieu chez elle le ~O Juin avec son amie Lucette Pager Iii tille du peintre El e1h~ insiste si
affectueusement que je nv CuX pas refuser Et agrave linstant jOllVlC celte lettre ltlEdmeacutee Torguegraves
1) lujn Manoir (le Ker-Nollhi1
( Oui Cheacuterie nous sommes deacutejil il Kel-NoUheumll laman
Guy et moi Notre tleacutep1 t sest lkcideacute si sllhitement que
je nai pas eu megraveme le temps de cauri temIJIasser Mais
Papa vient decirctre forceacute Je nous quitter encore nue fois
pour Mew-Y 0 11 Et comme il avait besoin de passer
quelques jours 8 son usine de Saint-Nazaire avant sa
longue absence (il ne sera salis loutc dl re lour quen
Octobre) nOliS lavons accompagneacute jusquici tous les trois
et il a preacutefeacuteteacute nous lluiller il Ker-Nouhi1 tout installeacutes
pour leacuteteacute qu de nous iuisscr laire sans lui 1111 Illois plus
tard le voyage compli(Ill~ (le Pai-is jusquici Aussi nous avons nIisIS un IOIlI de torce en expeacutediant
tous les preacutepillatifs en lin [our et une nuil Avant hier au SOil mon cher Papa nous li quitteacutes tregraves
courageux mais 1011 triste El maintenant 1aman cl moi nous tronVODS sans
nous lavoue l la gande maison bien grande et bien vide 1
Pour-lan l le mois de luin est une fecircte perpeacuteluelle un
eacuteblouissement enchanteur et le jardin nest quun fouilshy
lis de roses les roses roues et les roses blanches les
roses theacutes et les loses roses qui nssaillenl les vieux murs qui enlacent les branches qui surmonlent les
LA CONQURTE DE rmEacuteu 51
cimes des jeunes ormes et des ch(~nesliegraveges el qui se balancent au vr-nl pleines dUn parfum IOIIld comme de grands encensoirs
Puis devant la maison au hou] du champ hordlt des tamaris en 11(~UIS la Illel emplil jhMiwn la Iller
merveilleusom-ut changeante opaline el aZllIe tranquilshy
le ou anxieuse avec ses innomblables valiegravels de nuanshyces et sa musique eacuteternelle
Bientocirct Juillct i et alors tout lepanouissernent Iles
genecircts dQI des bluyegraveles des lavandes dcs cbegravevrc-Ieuilles
des œillets des verveines ci des grands lys sous le petit bois
Et je vienS te demander Michl~le si tu ne voudrais pas loi aussi veuil il Ker-Nou heacutel dans cc cortegravege de leacuteteacute
Cest mon recircve depuis longlemps tu sais de tavoir id
Ton cher grilndpegravele aiderait si hien ~lnan lemplir
les heures cruelles de Iubsence d loi ilia grande cheacuterie
lu me donnerais tant de joie tant de bonheur
Je ten prie vile un mot 111I mol qui nous tela 1011shy
ner ici de joie ct dimpaticncc L Cal jai lanl de choses agrave le dire raquo
Jai bien envie moi aussi ltatTivet Jans lenchanshy
tement de Kel-Nouluumll ail milieu ltIII cortegravego de leacuteteacute
Et pal celle lettre jni limpression dt~Ite a ppele vers
la Bretagne dune maniegravere si torle ri si prntoude ltlle
cela metonne presque malgreacute lamitieacute qui me lie t Edmeacutee
Mainlenant je me sens euveloppclaquo comme pal la
main dune feacutee de milles petits fils lumineux invishy
53
-- JI ~-- - JI JI JI J n LA CONQllEcircTR DE ImEacuteAL
sibles qui mattirent qui mattirent doucement mais
invinciblement
bull
16 Juin
Apregraves une longue seacuterie dexpeacuterimentations il ce sujet je suis arriveacutee fi me convaincre quc [es songes de la nuit sont dune infiniteacute despegraveces diffeacuterentes Comme
il y a plusieurs genres de sommeils qlle lon commence un peu agrave connaicirctre en sciences psychiques il y a plushy
sieurs tenres de recircves Dnbord le recircve ordinaire qui me paraicirct purement
ph) sique comme les exlrnva~nnl(s penseacutees du cervelet
pendant le sommeil tandis JIJ( la partie controcircleuse du cerveau est endormie comme hien des cauchemars
aussi qui viennent simplement dune digestion difficile
ou dune couverture trop lourde sur le corps
Cependant il y a dautres recircves (lue ceux-lagrave dont tout
le monde na pas connaissance d ailleurs mais seulement
les personnes sensitives Et ces regraveves me semblent venir dune partie inconsciente de notre ecirctre qui e se reacutevegravele agrave
~
la part ltle nous-mecircmes la plus nor-malemenl ctnsciente
et active que lorsque celle-ci est elllo)mie
Je connais une dame tregraves intelligente et aussi meacutedium
remarquable qui est toujours preacutevenue la nuit en recircve de tous les eacutevegravenements importants heureux ou malshyheureux qui arriveront dans SR vie ou dans la vie de
ceux quelle aime quelques jours plus tarltil
-~
i1
r LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Je connais aussi une petlte liJe de douze ans qui Il eu if y il deux mois lin songe asse curieux elle recircvait qll(lle cnlendaitllne voix lui crier Iorterncnt dans 101 ciJe Legraveve foi vile 101 lit 111 teacutecrascr
Acceplallt cel extraordinaires paroles avec la faciliteacute dont on il(elleiJlt tIi ri( souvent les plus soties ideacutees ell(~ IlIt prie rlllll irdelse ICllelll el se levant
precipitamment cuu ru t jusquau land de sachamhrc en
criant Elle J eacutetait il pein arriveacutee (1111 les g)OS ornements de bronze SlPP0llillll les lideillix de son lit tombaient dll pleacutellond en Inisant 111 tracas (pollvantablc
Le rlornainn rlu Bel est ceres illimite
Le monde est infini Le monde esl dune cornplex ie infinie
El je sais et je sens el loul mon (Ire atlirmlaquo ltflle certains de mes recircves sont des eacutealileacutel
Rt~aliles dun autre ordre sans doute actions acles et pensees existant POIl ainsi dire dans un domaine dif Ieacuterent un domaine (li est je leur existant dans une
partie plus subtile du Cosmos mais une partie qui
esl aussi reelle par lnploI il elle-mecircme quune main
physique est reacuteelle pal rapport il des yeux physirJlles Tout esl )cJalil
Celle nuit jai fail 1111 de ces recircves El il ma particullshyegraverement impression lieacutee
Jeacutetais seule Sll une haute laaise dans IR nuit imrneacuten se sans lune el sans eacutetoiles
Devant moi je devinai dans Jombre la mer-houleuse qui IrappnIcirct je locher et qui mariait sa plainte terrible aux lonis geacutemissemenls des vents
----
__ bull - J1-_____
1
04 LA CONqIJEcircTI DE LIDEacuteAL
UIIC alxid~ metreignait ct aussi une iltenle comme lespoir dun honheur
TOIII il coup le dei parucirc] souvr-ir d lin jel de lumiegravere
rudieuso en descendit qll1 Irancha lohscuritc
Puis 1111 nllage dDI el dlzu duue merveilleuse splr-nshy
deur se 101l1li au-dessus de caux illuminnn la mer
Cc nlligc apportait 111 grand calme (pli mc peacuteneacuteh-a Ioule cl qui ilpliia megraveme h-s flols pl les vcns
Alorsl1l milieu du nuagl huuiucu x je vis se (orrncr
progressivement et de plus Cil plus nettement lima~e
dun jeune ho III 11I( I(UII( rcsplcudissaute beauteacute cl donl
la physionomie n()hll~ el grlve sous les longnes boucles
bull1LA CONQUEcircTE DK 1IIgtJlAL 55
-----shy
o viens agrave moi f ocirc viens agrave moi raquo
Et le nllag-e Iumineus sembla se diwlldlc dans leau t lappilli Iio n ceumllete dispnrucirct
Comment rxpillllIeacuternolion jnmuis ltssrdie 11 jlshy
follvili lII (nlellllili Je 1II111mlllt de lltic voix iu ouhlinshy
Idl Cette loix lt111 i(~cnls tendres et gruves ((Ill voix
1 l1 i Il(lai (lII C()IIII1l(~ I~ prolongemcnl (1t linle eacutem lit
Des lthos(s infillis ct innomhrahles Sl~ pneisairnl Cil
moi remuees pal ClS PillOJ(S El ce mct laquo Souviens toi
avait leacuteveilleacute au fond d(~ moi-megraveme tO~lt UII pilSSC loin fain vndormi dalls IIIOIi ecirctre
Drs choses infinies cl inllolllhrahks contilluellcs veshybrunes semhl il contenir des mondes de Iorces el des mondes de penseacutees
Ses )(UX dor (jUII( protoudcur iuuumlnic rndinnts cornshy
mc deux (Ioills melllplissaient i1(middotspuumlilnce El lorsquIl mc pilrla une all(IsS(~ inconnue lit vibrer lout mon ecirctre
Souviens loi nie Iii-il Souviens loi Depuis laquoes siegraveshy
cles ct des sicclcs ln es il moi d (Ppllis des siegravecles el des
siegravecles j(~ tappilrlicns ilia hicn-aiuHl
Cherche-moi EL viens il moi
Sur la terre jardin en triche sur 111 lerre demeure
des hommes joyau des dieux je li1t1ends
o viens il moi
Nous avons dl plll I(~ monde dl~ ~Iarllirs choses il Iaire
ensemble (1111 de J(~t$ lalisel dl conquecirctes 1 pourshy
suivre (iioCspoils il Inn-e naIcirclre dc deslins il magnifier
Je reacutecoltes il moissonner dl victolres il remporter
nues de tregraves Ioin passnIcircPIII pilssairlll tians mon souvenir
cl sy pressaient lII foule avec des visions dEgyple et dCnde anlique
Ellolsle lappillilioll ceacuteleste disPilllIcircI la nuit etait
devenue le jou r Les eacutetoiles avaient dahord illumineacute le frlmnrncllt dc leurs millions deacutelincellcs dal puis le
solril seacutelai leveacute dans 1I11(~ lespielldissalilc aurore lfui PlIlflouplilil despIII11P lholizon dlloui
~Iols je meacutevcillai dans mil chlllhe close penetree dlin houheu r selin el mClveillellx
91 Juin
Oh 1 Silliall dl VII r k p01l1 piano lI violon crs pages si compldes de 1lIIlIS el L1sflili1lions ces cris de ddr esse June ame incomprise cette seacutereacuteniteacute espeacuteshy
tt
r _
- bull bull bull bull
iHi L~ ON(~ J Jh I~ DR LID( AL LA cUNQurhg UF LlDEacuteAL 7
lalit celle ruclaucoic el lItle glUgraveel charmantes sunrinnt
uvee houleacute devant a plwriil( duue vie qlli heurle le
~eacuteuic r l toutes (es (IIIols huutninr-s 11 dtSslI(CS l(IS
la cime nouvelle elllOle jillilais a lleiu le
Oh lCS plmii~)(s pliass illlpllises lillIes qui
surtenl du nI( el illi Il pl~IIII1l1 lIl dlic(lIdll l1Icirc plashy
uen l 1I11-desSlIs des ehmes 1 1l1i (lIelellelil (Il lillonnanl
le plus lumineux chern in pOlIr monter pillS halll cucurr
Oh ce second rnurccuu somhle d 11011(11 d IUIIe
la dOlllllll pesante iipn d (11111 qlli (lIilse le 111111
el (sil de lllIlislP lI l(S llvoiles vinlcul cs qlli hashy
versent el flIldelli la nuil 10111 (OllflllIir toutes les torees
du Ciel el ces cnthousinsuu-s dSPIIiIlIC( qui f01l1 sortir
de soi-mecircme comme IUIH)IIs plll la Itmpegravel(~ des sons
lmd igiell x d ((S llili 1(S dOlilolllCIISIS rnvnrc qui ensshy
seul hlqllelll(IlII(SSOI lII Ilrillll lespoir suhluue ri qlli
sillIgloltrd IUlIf has 1111 SIII ~rall 1(ITildl
Perulnu t 1( IllIl1s qui lllllllll si Ilill1Il11I1 quelque
rclI suuvaae el d(sol 1clqlll 11I~1I1le mannir sulishy
laire comin cel IIi dll le ade dl Tristuu javais hier
soir c1I1)I luu Iollsln pns dl moi la mailrcssc de la
maison lui Ille sllIddail vivrlaquo (II SOli 111111 IOIlI It drillle
puissant de les trois lrclIIilrs IlIUITliIX
Sun sourire orgll(illlu vuilai] sur SOIl visilgl dulle
pMen de 111 ilrllll ladlIh~ Jdless( d~ SOli 111)( el lIle
se Illait IOllil~ Irtlit- irnluollih tOCllllie 1111 sphYIIX eacutegpshy
lien dalls ulle mil Iloil( Sllleacute( doIumll 1IlI(Igeail lOllle lil
IJlilllchcul illquidalll~ d sa loillill lit SIS eacutepallll~s d
de ses hnls sl(lltlit1(IUlll nas
Une lose louge saiguail (1 S( mUllIail dalls SUII chigllOIl
deacutebegravene el cdaillagrave SOLI seul bijou
----
- IJe quel dtsil (j~(u portes-tu dOliC le deuil pensai-je
(II la rgil(lillIl hlllliis qlle dam Il lerilalif Ilagilll( passhy
~ilii h~ souvenir Iii Iillliise des phrases irnplugraveis(s cl lilshy
gllS du deacutehut CIS phrases qui sollelll ou reve cl (IIi Ill
peuveut en dscrlltln qui plilll(lIl ilu-dlsSUS des chosls cl
qui dlllc1wlIl lIl lilollllllnL h plus lumineu s ClllHlill
10111 111011(1 plus ha ul Puis la f(wIioll 1Ii11lanlr
de la lil illidc el solilailI Jlltulail (lIeOI~ tl de 1I0l(shy
veau je elllIlIlais ds veux la somhrt silholltll(~ de 1111~
(lui cerfaiuement frissollllilil 1111111 dlHmalillH illg()bsl~ el semhlnlt plIil pillilllIcolC
Puis llllleacutegrello 11glI eornl1len~a El Ct Iul la Iill SOIlshy
liillllr cllIn~ gllI si distillglleacutee ces llpollses tlt~galltes tIlI liHIIO 1111 violon duo tI(~ charmu enjolleacute cl impreacutevu
FIanck 1I01lS peignallt les hadillilgcs dilllUUI tlt~ 11lOs dl 1h(illr( d~ usse]
El 011 lun toup celll elllolle 1lIll1e qui lIOIlS lalll(lIt~ rlillIs ii joie dt ftITt ilplegraves 1ln~ lIlOllts s IIHlIL el
11111 ndosilJlI Siliw de ~Iitlt~ lalgl~lI fOIII (li Iiliss( au CIClIl 111 dlsir d~ 111111 illIioll
1 011 Iii IIlelill(lIse sOllale lIII 11 bien supllilu
l~nllIlt infelpllIeacutee pal e lcmilllJlIagtl liololish umand Cousin el Son paltellilile Pilulo Cegravezan
plegraves lue Lilcellc Pagel el moi IUIIS ellmes charlleacute lt~ jolis dllos de CllilUSSOJl IIne challIallltmiddot lillelle dc luilze
1IIIS enlevil SUl Iii harpe c1l1ollil1ilue L(s DlIlIses SashyCIllS et Plolilnts de DelIIISS)
1)lIdles inrplegtsiolls deacutelicieuses fll-i1i les lUllIlle
cllalll aeacuteriln Comm( I frissoll Illli1ire tlislallillts clmme
Ulle SOlllce Inurlllulalllc paleilles agrave UII soupit agrave IIne
(()Nllflh~ OR lIIlI~ A 1 1~
fumeacutee capricieuse Ugrave une vapellr qui seacutelegravevlaquo des riviegraveres
desseacutecheacutees ougrave Ileurissent les lauriers-roses el viln-anlcs
dune alleacutegTessc de vol dhilonddles qui (kchilltnl dlin
cli sl rldent le ~r(nd silence rlrs nlHIges dalltomne
Ilans C(S 1lilmts lcnls volu pl ucu x in((IIlillS ascI(S
enivres pllSSCll1 cl Iourbillonuuut en lg(S Iaulocircmes
les visions Iltnlallic(s liIIli0IlIltII(middotS el lasses des danshy
seusrs lvdiennes
Milis celle lascin aliou maniugraverce cl malsaine paleacutee de
couleurs faneacutees de deuri-Ir-iutcs impreacutecises a une odeur
dl poison cl de mensonge cl Debussy diffuse dans lair
des parfums subtils et Irouhles
En allant leacutelicitvr III jeune halpisle Il husard d la
cohue mondaine me Iacilif n nn 1(lc-il-I(lt impreacutevu avec
Jane
le n avais pu lui parler encore cl je lui demandai il voix hasse
-- Comment St lnif-il qlll ni lon amie Hose-Marie ui
Edmond (lIld ni lnuleur du 101 Hire ne soient ici
ce soir
Une ombre passa1I1 le hrau visage pille
- Edmond Gaud est en tourneacutee dans le n011 de lAushy
~Ietelre reacutepondit-elle Ouau l aux dellx 811 Ires (cl de
nOUV(llU elle me parugrave pugravelil plus encore) je ne sais pas
grilndchosc le les espeacuterais bien ce soir cest loul cc
Ilue je puis le dircmiddot
11 devinai toutes les souffrances de ma pauvre amie sa
singuliegravere passion pour ce Guillaume Tara et le caprice
de celui-ci pOUl la petite Itose-ecirclarie du Theacuteacirctre Franccedilais
II 1 II ~ 1J I~7
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL ~9
qui avail d chercher il enlever ft Jane un amant si utile pour ouvrir laccegraves des premiers rocircles
Iane ajouta - Tu avais raison ~lichegravele dl~ ne pas aimr-r lIos( 111( Illa si hilII lrahie
Malgl( 1~lIvil que jcil eus je Ilosai pas Cil er moment
lui la issr r voir C( (JlJ( pensais de lanliplllhiCfue Tarn Et je dis seulement
- Tu es si hltIIlt lan e PI si infiniment plus digne decirctre aimeacutee ]lH Ile lonl jamais su la pillpnrl de ceux
qui laimegraverent jllsquf1lolmiddotS Tu peux lembellir encore en
augmentant Il aulant ton esprit de luttes diniliative de
courage dendulallce que lu as souffert de deacuteceptions
dl chagrins de truhfsous dl deacutesillusiolls El tu lenshy
con 1lllilS enfin UII jour la slIll joie l)Iofonde el durable de
la vic un amour eacutegal il celui laquo(IIi sommeille en loi ri qui
lsi encore in lac] el plll palc Cf Ut nul na su leacuteveiller 11I1 amour digne lII fi 11 d( Il posseacuteder toute
iis 1 ce moment le comte Kousln sapprochait
-- Pardon lanlaquo veui llr-z vous occuper un peu de OS
amis cal il est lheure dl failI pass(~r au hu(fltl
El tandis que la noile silhouelle seacuteloignait apregraves ma
voir jeteacute un chaud rcglrd de lendnssp pour aller lljoindre
les groupes qui lranstormaicut ce snir le vaste atelier eu voliegravere le comte Kousta moffrit aimablement le liras
- Quel singulier homme Cfue ce mari affable lt1 comshy
plaisant pensai-je pendant quil me cOR1rlirnlIlail
SUI la faccedilon dont javais chanteacute Comment sexpliquer
de le lles unions Puis je constatai combien il avait
vieilli l maigri JI il peul -rire beaucoup souffert Qui sait
bull 1---- middot - 1 bull i
~ 60 LA CONQUKTE J)P LIIH~AL
-- -- ------__- ----------------__-shy
Et reacutepundaul dune lnccedilon distraite aux amabiliteacutes du
Comte de Jean ChellllY el de Magdelciue Lamarre isoler pu Il tourhillon lui se pressnil autour du huflcl je mishysolais plus encore en mui-m egravenu- tImil pensee poursuivi
son ((J1I1~ I( Comment SI fait-il It jaime lanl lou le la nature k Jane la vO)ilnl si dl~Iquilil)II dons UII tlill tfue jl~ trouve lelllIfII1 inhIIcirctlIr1 la il 11iI1l1t el PI(
Et je me reacutepondais I( C(~l Ilaprl~s milrf~ plu dans cz le monde pendant quelques mois je snis deacutejugrave d(~s~nshychanteacutee pal ek almosphegraveru tod~ (1 (aussI dt soireacutees des bals des 1heacutelti lres i nlJlIignre heacutelas cornrue de la deacutecadence dune eacutepoque ougrave lon sent que tout vouloir en lhousiaste geacuteneacutelf~u deacutesinteacuteresseacute lout apostolat pour sel vil mecircme une admira hie cause paraicirctrait ridicule et deacuteplaceacute tant ces steacuteriles Ianlnches modernes ont COIIIshy
plegravetemenl rempli leurs vies ri leurs ames de tous ces petits gtslfs de Inules ces petites paroles de toutes ces petites danses cie toutes ces petites penseacutees de feacutebriles
nrarionnetles chez lesquels larrivisme seul apporte encore UII pen de seacuterieux et de volonteacute
JIIi assez de ce monde inutile chic el improductif et parmi sa vaniteacute je sens ma grande lane comme une arne pleine et vivante capable de profondeur et cie progregraves
Elle est helle Loulageuse ardente riche de forces somptueuses el complexes mais ces forces nont pas trouveacute deacutepanchement normal il leur besoin de manifesshytation et elles ont deacutevie du chemin (Ir-oit pal manque de satisfaction parce que nulle rencontre JlIl eacuteteacute assez belle assez puissan le SUI ce chemin droit pour les lier pour les garder pour les eacutepanouir
1
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAl tii 1
Malheurense dans le cours normal de sa vie lnne sest preacutecipitee de cocircteacute et dautres
Et ce quelle cherche inconsciemment cest lutilisation de ses eacutenergies car il ny bull de bonheur que tians la manishyfestatioD
Il faudrait que celle superbe natur de femme puisse trouver une nature masculine pins intense encore quelleshymecircme qui sache la comprendre la domine r Jeacutequilibrer la diriger
Mes reacutellexions furent aors interrompues
Dans latelier la musique recommenccedilait
Paulo Cezare joua avec beaucoup dentrain et de brio la valse de Chopin en la beacutemol et la XI rapsodie de Liszt
Apregraves lui heacutelas un Italien vin] exeacutecuter sur la guitare
quantiteacute de morceaux longs et fastidieux Il eacutetait dailshyleurs un fort vinuese qui ellthousiasma lauditoire pal ses acrobaties vertig-ineuses
~bis ~randmiddotpegravere eacutetait fatigueacute cette guitare lobseacutedait comme moi
](ous nous en allacirc mes en sourdine
Ln musiqlle quel puissant levier pour faire vibrer notre ecirctre Quel connexion intime elle a avec nos nerfs avec notre imll~inalion avec notre acircme et quel grand domshymage de jouer si confuseacutement sm le lavier de nos eacutemoshyIious dl 1I0S aspilaliollsde 1I0S deacutesirs et de placer le centre harmonique dans chaque murceau dans chaque frag-rnenl 011 dans chaque cIIVIe IIU lieu de le mettre dans lensemble mecircme de laudition musicale et du pro-
Il
I------~$_---_---middotmiddot_-----------shy--- --~~- --------------shy------------======
~I ) j J 1 J j J ~ J W J 1 bull J 1 J 111 JI il il J 1 -L ~-
6 LA CONQUEcircTE DR LmEacuteAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 63
Flamme choisi de mecircme quun beau tahleau ne pourrail
suffire agrave satisfaire lœil dans lin salon disgrarielx et en
deacutesordre de mecircme lin beau moment musical ne suffit pas agrave faire resplendil uos eacutenrrgies et nos torees sil est
suivi de meacutediocriteacute ou de perversion
Milis quel sentit le musicien il notre eacutepoque capable de
traduire pal exemple la magnificence Je cette page qui
monte vers le Ciel conlhe une pyramide de gloire le canshytique dAzilriils dans le livre du prophegravete Daniel
El que de ressuurces lorgue aux mugissantes splenshy
1 ) j
Et voici que je meuvole dans le recircve de lUniteacute la vie ~ deurs le violon (peldu dattente la voix hUIIl aine eacutemoushy
vante inspireacutee innornbrahle la harpe aux accents mysshyest tout toujours plus de vie el la vie saglandit du tiques au langage fluide et visionnaire sans parler dechamp de lintellipcnce el linldli~ence seacutepanouit dans
lamour Et je recircve dune musique pleine dt vie wrnpshy lorchestre de sa prestigieuse puiss ance et de tous les
tueusement intellectuelle indiciblement aimante dont cuines aux sonneries triomphales
toutes les plnases sont calculeacutees non plus seulemenl tIl Alors on reviendrait dune de ces soireacutees enivreacutegt eacutebloui
harmoaie sonore non plus seulemeRt en ~uirlandes freacuteshy aYill t chasseacute pour longlem ps lou tes les pensees grises on
reviendrait les nerfs fortifieacutes limagination embellie lucircme missantes qui expliquent et dominent lin drame mais renouveleacutee avec autour Je soi dans les lointains feacuteeacuterishyharmoniseacutees il tous les dtgreacutes pour lapaisemenl la pacilishyques les scegravenes merveilleuses du Bonheur conquis de la cation laugmentation la uumloraisou inteacutegrale de la vie de Rencontre eacutelue lintelligence de lamour dirigees insuflleacutees agrave travers
lenthousiasme docile et confiant de lauditcur jusque Ce nest pllS ainsi que je suis lentreacutee hier Et encore dans les racines les plus profondes de sa vie de son intelshy une fois latmosphegravere artificielle des convenances monshy
ligence de son amour daines et des conversations insipides mil deacuteccedilue et attristeacutee Une musique volontail( une musique plmiddotopheacutetique Heureusement nous purloas bientocirct pour Ker-Nouheacutel
l1on la capricieuse arabesque des regravevelies philosophishy et lagrave je sais bien que la nature en tecircte et le ciel et la
ques mystiques ou sentimentales de lauteur ni les eacutevoshy mel et les fleurs et les arbres toujours purs toujours
cations de formes et de matiegravere mais la sculpture incesshy vrais toujours pareils el toujours nouveaux ne terniront
saale intense de notre ecirctre la symphonie du Courage de - pas mes recircves
lHeacuteroiuml5me la cantate de lArnoul lhymne dt la Victoire
loratorio de la Joie tout Iappel de lIdeacuteal sans heurt sans coDlraste dans lideacutee sans une plainte de faiblesse 30 Juin SaDamp une descente dans les labyrinthes lt111 regret dans
ManoIumlI de KermiddotNouhiq lobscuriteacute de la vie moindre fluant de tout son poids de
Apregraves le lon~ V()yIg(~ (II rhcmiu d( flr el ses troistout son eacutelan de eertitudes vers le bill lHomme changemenls de train Crund-pegravere et moi sommes arriveacuteslhomme plus grand lhomme plus hcureux
V J iumlJ v fJ V J 1 J J ij J ~ J 1 J f - il - H 1
_
64 LA CONQUEcircTE DE LmEacuteAL
hier agrave deux hCIIIes de lapregraves-midi agrave la petite gaIe russhytique de la lleumlrt ougrave Madam~ Torgnegravesiuml Edmeacutee el le jeune
GU) nous attendaient avec leur votture
Que] accueil joyeux el enthousiaste nous avons reccedilu el quelle belle heure amicale passeacutee dans le vieux lnndau tout fleuri pour ce jou r de tegravete de ~ends dor cr iant
leur or bien fort bien haut dans le lumineux soleil en ouvrant grande leur petite gueule casqueacutee donllhaleine est si parfumeacutee de fleur doranger
Tout le long de la rouir merveilleuse tailleacutee dans le
rocher qui suit la mer pendant huil kilomegravetres de Ln Heacutert il Ker-Nouheumll dautres grands genecircls dor eacuteclatants
au milieu des bruyegraveres roussies dressaient leur gloire
leur richesse leur noblesse liers comme les vieux seishy
gneurs de ces terres hrelonnes
Et tout cet or dans les loches violettes SlI loceacuteun
dull hleu fonceacute leacutepandait des chants ltl811ltgTlt~sSI des promesses de bonheur un ivresse lie lumiegravere de deacutesirs de feacuteconditeacute heureuse
Vive la vie meacutecriai-je
Et vive la Bretagne reacutepondit Edmeacutee
Et je repris
- Vive la joie
Et jajoutai Vive lamour
- Eh hien Michegravele sourit Gland Jli~IC
En arrlvant agrave K~r-Nouheumllccfulent denouvenux eacuteblouisshysements
LA CONQUEcircTB DE tIDEacuteAL es
Oh ladorable vieille maison en grosses pierres eacutepaisses qui lui fout des murs dancien couvent et luge longue Lasse ct couver-le dun siruple toit hor]shy
zontal tout JI oit ltfui Iorme la plus commode des tershyrasses
Devant elle un pelil chemin de passage puis un champ tout blond et lumineux bordeacute de lamaris ces
jolis arbres marins dont le feuillage nest quune JUID~e verte et la fleur une fumeacutee lose
Au bout de ces deux centsmegravetres de thbmps18dubegrave
blanche et lumineuse aussi et les loches violenes puis
la mer la mer profonde el mlljcslueuse changeaole bull capricieuse la mer immense et toujours belle
Mais la plus jolie sUJIiseest eacuteserveacutec encore il fugravel entrer dans la maison taversel la glarllic stllie li h1at~h vitreacutee dont la baie sureacuteleveacutee domine loccall haefs~ aussi le salon vieillot 1UX meubles anciens Ilui eumltcittts suranneacutees et puis ouvrir la pollc-f~necirctte qui donncSliilt penon du jardin et alors le legallt1 eacuteUlelreillecirc seacutelend~ijl une feacuteerie
Comment deacutepeindre ce vieux perron agrave double escliliegraver engutrlandeuml de oses ougrave chacunc des larges maloches
csl bordeacutee de trois poIs degeacutelapiuws de ces merveilleuses
espegraveces de geacuteraniums si sonores quils semblent HoIumll
retenu en eux la lumiegravere et lalllclIl dt ltfucllfue f1aIQshyboyant coucher de soleil
Comment deacutepeindre la souplesse des lignes COUIO~CS de celle longue pelouse verte doucemeu] vallonueacutee rt encadreacutee tantocirct Je massifs opulents el d~boldjlnls duue exubeacuterance de fleurs tantocirct ltle hautes luliies de peuplicl) dItalie et de peupliers-helllbies au frileux feuillage
5
J
~ ~- ~ 1 V 1 f ~~-J ---w ~ t11 ) AI
66 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
ltli~eiteacute tantocirct deacutenormes touffes de lavande qui jettent dagravens hiumli~ embaumeacute leur jolie note violette et tantocirct de y~ccas depalmiers hauts et maigres de figuiers lourds qugravei~eumlvOque~t lOrient lointain
Et sous les arbustes dans le plein soleil court un ruisshysellen1ent de loses dheacuteliotropes aux senteurs de vanille J~ dahlias dœillets de fuchsias lie lobeacutelias dun bleu de
roi etagravee mauves louges et de jasmins de reacuteseacutedas de pavoIs superbes de glaiumleuls hautains et toutes les varieacuteshyteacutes-dune flore deacutebordante innombrable
Auuml tond du jardin se dresse UA bois dormes de hecirctres
er 4efrecircnes un bois profond calme et grave tans le deacutelicieux dessin de ses petites alleacutees sinuaules et mysteacuteshy
rieuses il est impreacutegneacute dune atmosphegravere intense parejlle
agrave une acircme eacuteparse et flottante parmi la haute futaie et dans le taillis eacutepaisdes centaines et des centaines de touffes de lys blancs et de lys louges bordent les sentiers et achegravevent pal leur couleur et leur parfum mystique cet
aspect de bois sacreacute exhalan t malgreacute leurs odeurs mielshy
leuses des penseacutees de pureteacute et de paix
LOls(lue jentrai dans ce bois je fus plus impressionneacutee
et plus recueillie quen peacuteneacutetrant dans la plus haute et la plus fervente des catheacutedrales
- Voici notre Bois des Lys (lit gaiement Edmeacutee
El je ne pus mempecirccher de lui ltpondre
- Lagrave il fant parler agrave voix basse
Sens-lu Edmeacutee toute lambiance (lui demeure ici On dirait que de grandes choses humaines se sont passhyseacutees derriegravere ees arbres el quils sont impreacutegneacutes de soushyvenirs puissants et lourds Cest un temple de Recircve et de Secret
LA CONQUEcircTB DB Lmltn 67
-- Je te lacontclai reprit E lmeacutee bien des leacutegendes bretonnes sur le Bois des Lys
- Ah Cest un lieu leacutegcndaile Je lalIai devineacute Des Ieacutees des auges et des geacutenies sy promegravenent ugravelelU~lIt pendant les soirs de lune vois il y a SUI ce rocher COUVClt de mousse lempreinle dune main de nvmphe Ougrave est donc la SOIIce enchanteacutee ougrave clic doit saller haigllel t
Edmeacutee sourit - Tu es eacutetonnante fit elle III sais (IIC tu dis vrai ct111le la SOlllce (le la feacutee (ICi Ly~ e-t tout aufond du bois
NOliS lIOUS sommes assises tOlites deux SUI le jocher moussu
- Cheacuterie commenccedila EJmie en me uren mt la main je suis sans lloute SUI e point de reacutealiser bien lot ie recircve de ma vic
- Tu aimes f dis-je
Je le crois
Til es aimeacutee f leplis-je en lemhrasant avec eacutemotion
- Je lespegravere
Et comme je multipliais alors les feacutelicitations joyeuses et les questlons presseacutees Edmeacutee mintelTompil
- Pas si vite Michegravele pas si vite Rien nest certain encore rien nest deacutecideacute ni mecircme COmmenceacute Mais mil
nature timide et lroidlaquo (lte tu counais bien sest eacuteveilleacutee
agrave UII eacutelan tel quil me semble impossible (Ille celui (11I~ Il
ainsi remueacute mon ecirctre ne soit pas celui-Iagrave megravem- (lIi lapaisera et Ieacutepauouu-a
- Qui est-ce cOIDn~1I1 le counats-tu
---------------
- J bull 1 1 --- bull il J 1 ~ I~ 1 ~ 1 iiiiiiiumlI C -1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL68
_ Jai dineacute avec Jean-Reneacute Formant il y a pri~s dun
an chez UII dc nos cousins et deacutejugrave ce jOlll-lil javais
eacuteleacute attireacutee par son altilude silencieuse et silencieuse
de ce silence qui est vibrant de vie el dintelligence
javais eacuteteacute alors fascineacutee par ce Iront lumineux et calme
par ces ~rands yeux eacutellanges qui paraisscnl emhellis
encore des reflets de hcuuleacutes cntJevucs ou de mystegraveres
compris
Depuis je navais plus rencontreacute MonsieUl Formant
el aussi je lavais presque oublieacute
~ Comment l lu avais si profondeacutemenl remarqueacute ce
jeune homme el lu navais pas mecircme essayeacute de le reshy
voir _ Quaurais-je pn taire
~ Nimperle oo enfin continue ma petite Edmeacutee
--- Je lavais donc presque oublieacute oIS(IUC le) juin
dernier quelquun mania dans notre corapartiment de chemin de ter au morncat ougrave allait seacutebranler lexshy
press dc Paris-Nantes el cc quelquun
_ CeacutellIcircllui meacutecriai-je
_ Justement Je le reconnus immeacutediatement mais il ne saperccedilul quan boul dun ccrtain temps quil se
trouvait au milieu de cette famille avec laquelle il J avait dicircneacute chcz Lucien Torguegraves quclques mois aupashy
ravan t Papa cl lui se mireul alors il causer el quant agrave
moi ne me lassant pas de ladmirer je buvais agrave flots
ses paroles et ses penseacutees comme 1011 boit une eau
exquise Ce long voya~e mc pa ru t ne dul(1 quune scconde
Et dcpuis lespoir du OOllcHI Iwt ltJe laile autour dt
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL r 69
mon fron l
lII dois donc le revo ir
Oui d hientocirct Il palait de Paris pour aller - retrouver sa megravere SUI une pla~e du Finistegravere
Ali houl de Ilois semuiucs il (lli(~ra cctte plage PI
Ina il lIcirc((I Il( paril d(s (ltIcircles hrelonncs cornrnc il
passera agrave Ker-Nouheacutel lapa la iuvilaquo ugrave venir nous voir et il en ~ palu tregraves heureux
Joyeuse Ellm(~e parlait doucement cl souriait en proie il un tOlIhle d(1ica
Elle me dit la vie helle ct seacuterieuse de lean-Reneacute Formant qui trnvnil le ltlprernent SUI Ini-megraverne ct qui
n donneacute aussi toute sa delle jeunesse et SOli avenir lucile n une glandc œuvre dIlartuonisnfion Humaine
Cette œuvre Edmeacutee me pm-ait la comprendre encore
assez mal mais elle admire tant lapocirctrlaquo que sa cause aussi il tout son respect
j
Cependant il mesure que jeacutecoutais avec affection Edmeacutee qui faisait en moi deborder SOli cœur sensible
trop plein d(sp(ocircrallccs cou tenues il me snmhlait que Ic
jeune homme quclllaquo aime est pIIS profond llus haut
plus inlelligcld (11Ie1le Luhncrn tmiddotil Poullallt elle sc
donnera sans doute il lui toute entiegravere avec labandon complet de sa nature simple chaudr- amoureuse el pcnshysive
Chegravere pelile Edrn(c Malgreacute ses vingt et un ans elle mappelle en rinnl sa sœul aill(~e et elle dit vrai cest
lin peu moi qui rai cOllduite cl plokg-(e jusque lagrave cl
aussi jnuruis 111I vrni bOIlllt1I1 si ic P(OX hien locirct voir sa vic construite et assureacutee dans lin azur tregraves doux (pli
a 1 bull bull 1 1 1 ~ 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ~ J1 1 1 1 J
70 LA CONQU~TR DE LIDHAL
bercera sa lregravele joliesse
gt Juillet
6 heures du malin
Devant la fenecirctre ouverte qui laisse entrer un peu
de linfini dans ma chambre avec lail matinal frais
et leacuteger lodeur du varech et la vue magnifique du ciel
elair et de la me l bleue je viens deacutecrire longuement agrave Jane Kousta
Une leltre inquieacutetante de Lucelle Pager reccedilue hier
soir ma avertie pour ilia pauvre amie dun certain
danger que je ne comprends guegravere encore mais qui me
tourmente
laquo VOliS comprenez que si je vous eacutecris ainsi chegravere
Mademoiselle dit la lettre de Lucelle cest parce que je
sais la grande influence que vous avez sur Jane el
que je la crois vraiment en danger
Il Vous ignorez peut ecirctre que le Comte Kousla a
demandeacute le divorce ct bien (JIll celle seacuteparation ne
eaase pas de chagrin agrave Jane sa situation va ecirctre comshy
plegravetement changeacutee Cal elle a eacutenergiquement refuseacute
daccepter quoi que ce soit de la grosse fortune de son
mari
Vous ignorez peut-ecirctre aussi la grande douleur
quelle II elle derniegraverement en mecircme temps quune
deacuteception Jamitieacute et quune blessure grave damourshy
propre
laquo Mais vous connaissez sa nature violente emporshy
teacutee orageuse et vous pouvez vous imaginer la deacuteshy
tresse aeluelle de celle lionne abattue
Il Je vous demande donc chegravere Mademoiselle daller
ri
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 71
lIU plus vite voir notre amie de lattirer-agrave des ~()n
fidences et de la diriger vers un espoir reacutealisable que
votre en-ur el votre intelligence sauront trouver l facilemenl raquo
~
le suis bien reconnaissante il Mademoiselle Pager 11 mavnir avertie ainsi
- ~
Seulement je ne suis pas agrave Paris ct malgreacute la
longueur de la lettre (lle jenvoie agrave la helle lionne
attristeacutee jaurais eacuteteacute plus sucircre de lanimer en elle 1 flamme de lespeacuterance ct du courage pal une conshyversation in lime
Rien ne peut remplacer leacutechange du cœur to~t aupregraves du cœur
Pauvre grande Jane que na-t-elle rencontreacute ~U1 Son chemin deacutesert la main assez puissante 1011I lenshyt rainer vers les cimes radieases
~est celle rencon lre que je lui souhaite si 1lIemshy
mentvcest pour celle rencontre (Ille je la supplie dans ma lettre de rester forte haute belle et droil~middot
Et je dresse devant ses yeux par dessusto~t~~
les figures du passeacute triste et morne une flgure slIper
be la figure de lavenir de cet avenir si souventfait
de noIre preacutesent de cet avenir que nous devons tacirccher
de formel en or et en diamant pur
le crains tant que Jane ne se laisse tom bel lJus
bas et aller agrave la deacuterive par deacutegoucirct de sa vie manqueacutee
) Juillet
Les jours passent Lesjours plissent et passent
ii - _
ll ( i 1 i J i i j 1 3 l bull A J i 1 1 1 1 ~ -1 ~ 1 ~-I ~
7 LA CONQUiTE DE ~IDiAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 73
nec une rapiditeacute cruelle dans latmosphegravere de ce Kershy
Nouheumll dont on aime chaque heure davantage les axshy
pecls les arbres les fleurs cl les prairies el les sourshy
ces el III mer
On dirail quil plni] il leacuteteacute decirctre radieux pour
tecircter ces belles journeacutees paiaihles
Mais elles passent toujours plus vite et le temps
inflexihle dit il Ioule minute qui senvole Adieu minushy
te Tu es partie maintenant Tu ne reviendras plus
Le temps manileste III Justice la Justice stricte
sana chnriteacute lorsquon la gaspill( il ne le pardonne
pas
lt1ais celui qui cherche il toujours graudir nuhlic
celle rigueur ct ne peut sentir le regrcl steacuterile des
extases envolees lal lheure suivante apporte en elle lespoir nouveau du progregraves Iulur
Et jaime ladmirable fin du Second Fnust lorsshy
que Meacutephistopheacutelegraves vient leacutedamer larne du vieux Docteur qui doit lui appartenir sil agrave reacuteussi l la sashy
listai11 Faust en homme de deacutesirs en aspirant inlasshyable quaucun progl egraves na rassasieacute quaucune joie na
endormi peut lui reacuteponure vicloricuscment
laquo Si jamais jai dit agrave llieure arrecircte-loi raquo
Et devant lui cest le ciel qui souvre
Pourtant on devrait cherchcr avec amour la posshy
sibiliteacute de prolonger la vie en lriornphant pour ainsi
dire du temps an lieu dorienter les merveilles des
deacutecouvertes de la science moderne vers des engins de gU(IIl YeIS daffreux moyens de dcstruction
QueU~ tri~t~ss~ agrave la reJl~eacute~ des efforts et du tlavili
bull
ql11 donnent certains cerveaux de geacutenie pOUf arriver
il perfectionner la lulle de lhumaniteacute coutre lhumashy
niteacute lhorreur cl la ddlessc des combats brutaux
ries sOlllfrarJ(es et des morts augmenteacutees
Si tous k-s hom nu-s voulaient cons lruire au iir-u dl deacutetruire sils voulnicu Iormer el beacutenir nu lieu de d(filir(~ el d(~ maudirt- les vieilles lorm ules eacutetroites les
IIIUIS des cachots sombres e des forteresses prOOCilshy
tric 5 Iumhernicn t Iiell vite t~1I ruines devanl la mashy
g-nifieerce des pells((S neuves cl des palais splc~dides seacutelevant sur Ioule la lcrre sous la caresse du grard
soleil
Pregraves du sol de cette merveilleuse Bletagne leacutecrnde
el complexe comme lon sent ce que pOllnail egravetre la
vie si elle neacutetait Iausseacutec par lnrtificiel ligneshy
rance ct les perversions des sncieacuteteacutes miegravevres ct
su perficielles
Quelquun a dit laquo Lhomme meur de Inirn au milieu
d(~ laholldancr))
Cst vrai l)lIeik lnmile PilUITC sai combien Iarshy
g(~m(lIl eIe pnurta i s(~ nuurt-ir avec d(s plats dorshy
ties des haies dilllblpinces algues de la mer des
pousses de pin el avec lan l de substances encore si
repandues et si utilisables
Lhomme meurt aussi de rhagrin au milieu de la joie ou de douleur lorsque la vie mieux comprise pOIIImiddot
lail diminuer tant de maux lant de souffrances et
pourrait lII llvauche apporter tellcmeut de reacuteconfort
Le poegravete des laquo Ames Vivan les raquo a penseacute qlle Cl 1)lIllqlltlois la vie celle (orme de la jouissance seacuteton
pl el pleure parce que nous ne la comprenons pas 1
-1 1
H LA CONQUftTE DE L~DiAL
Mais comme la vie est souvent inconsciente cest agrave lhumaniteacute intelligente quapparl ient cc rocircle suprecircme de lintellectualiser de leacutevoluer de la rendre toujours
plus consciente rie ce dont 111( a hesnin afin (lfi 11(1
Ioujours mieux (1 toujours plus vers 1( bonheur
Edmeacutee me disail ((~ malin une palolt~ de lenrishy
Rtneacute Forrnnnt laquo Le (III dt-voir de lhomme rst de
rendre lhommlaquo plus heurcux l raquo
Comme je partage cc senlirnent
Pendant des heures entiegraveres nous parlons des proshy
jets dEmceet nous passons (nStlllhle de bons moments
tantocirct assises Slll 11 haule falaise qui domine loceacutean
et dolt la vue seacutetend sur nue cocircte de roches lantasshy
tiques sans cesse hatlues pal les vagues chantantes
tantocirct allongeacutees SUI le snhllaquo chaud fin et doreacute de la
plnge tantocirct dans le jardin riant et emhaullIeacute de fleurs
el aussi dans lltl bois des lys que jaime comme ou aishy
me une acircme solitaire qui garde un mysteacuterieux secret
Pregraves de la source de la Feacutee il y a deux gTands
saules pleureurs qui cachent 1111 vieux dolmen tregraves
beau dans leurs branches basses et caressantes laime
masseoir SUI ce vieux dolmen et degraves quon a peacuteneacutetreacute
sous le feuillage mouvant ct deacutelicat des saules on pour
lait se croire perdu car on ne voit plus rien ni devant
ni derriegravere soi que ces feuilles fines tremblantes et bull innombrables comme une eacutepaisse dentelle verte
La source chante doucement un ruisseau dargent
paraicirct heureux de naicirctre lagrave et traverse les Lois en
zig-zag refletant agrave travers leurs ombres les taches dor du soleil qui dansenl el miroitent sur leau claire
Sous les arbres des touffes de monnaies du pa-
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 75 ------gt-- -------shy
pe hieacuteratiques et droites semblent des verges sacreacutees
fleuries pal UI1 miracle et patineacutees pal les lAyons lushynaires dont elles ont la pilleur ( leacutelrnujre lclat noclurne
La pdile slthoue lle mince dEdmeacutee anime ~entilllenl
la heauleacute de 1(1- ouhl1 mais (II(~ est hors de Ct qui l(nloure ct 011 la SPlit perdue lhorizun infini dHIS laagrave
douceur de ses recircves
Pourquoi parfois llla me lait-il souffrir de Iii voir
ainsi recircveuse le crains pour elle une deacuteceplion un
chagrin peut-ecirctre
le suis cependant lemplie pal un espoir i rnmense qui vit en moi ct de temps en lemps une appreacutehension
triste vient me surprendre
Allons Michi-ll Slcoue la poussiegravere des ideacutees g1Icircshy
ses ltfui alourdit inufilcmenl tes ailes et avec de la vomiddot
Ionie tu arriveras il donner une forme harmonieuse aux
espoirs qui le hantent ~
Il faut pOUl [e bonheur et pour la joie se mainshytenir forl pal la joie elle-mecircme
10 luillet
Je reccedilois un mot hien vague de Jane Kousta el ces
phrases etranges ne me salisfonl guegravere
Elles leacutepandent si peu il ce (lue jespeacuterais apregraves
ma longue lettre
laquo Michegravele
laquo Ie mennuie cest vrai je mennuie agrave pleurer
0 mais en ce momenl je suis trop lasse et eacutecœureacutee
~ ~~--~
76 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquo pour laisser 11I011 UgravellH dramal iqnc dl amaliser Ics
eacutevegravenements ( comme III sembles le crnindre
laquo Il est vrai que 1111 IIi rnest plus dalliellieux
laquo peut-(~LIl que la lnrcur le r1i~( ou la folie
Il Mon oivorce 11I1 11)(1(11111 prouveacute Iuuo la deacutelishy
l(atls~ (xquisl du COIllI( Iousa qui voulu il IIW [nissr-tshy
laquo 1I11t glalllk paIl dl Sil lortunc
laquo 111 orgueil [ai refuseacute lu llIISCS
laquo SCUllIHlIt Illon lIIUI a llt~ eacutemu de laffeclion
laquo (lue me temuignc Illon mari rnalgleacute lous mes torts
~la vic est laide nest-ce-pas ma Michegravele
laquo Lorsque je la contemple du haut de ce que jai de laquo meilleur en moi I11 haul d~ loul ce qlle javais esshy
laquo 1)(1( Cl gland pa nurtuuu d lemps passeacute toujours
laquo pluvicu x Ille hante d~ trisf csse
laquo Continue il IIlC plniudrc cal lon cœur qui seul
laquo il compris tregraves jeune un pen du mien me console
Il d me purifie
Il Emhrasse Edml si elle veu l de mon haiser
1 cd ange au x ailts doie hlnnche
lle lis ldadan la Princesse qui ne pardonshy
I( nai] las il son temps d~ lollhli dans son palais
laquo princesse- salis gloire dlInc poqne 011 Il comeacutedien I( seul porte cncore IIl1e cnurunuc )1
laquo Une lpoque ougrave le comeacuteriieu seul porte encore une
laquo couronne raquo) Heacutelas
laquo Dis agrave la mel combien je laime Iii mel libre la Il mer audncieusr
laquo Et laisse-moi embrasser tes main douces comme
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 77
laquo autrefois en pension lorsque tu avais sept ans que je laquo te prenais SUl mes genoux et lue tu posais tes mcnolshylaquo tes SUI ma bouche
bull Jane Kousta nest plus laquo Appelle-moi maintenant
Doloregraves JI
15 Juillet l O heures du soir
Quel inoubliable jour quelle heure eacutemouvante passhyseacutee sur la gregraveve deacuteserte agrave lapproche du creacutepuscule
quelle rencontre 1 quel espoir quel recircve reacutealiseacute
Tout resplendit en moi dune lumiegravere nouvelle qui
meacuteblouit et me transporte car celle lumiegravere adoreacutee
nest que laube du soleil prochain que laurore du matin qui ne connaicirctra plus de soir
1(OU5 nous promenions au bord de la mer montanshyte Edmeacutee son petit fregravere Guy et moi la journeacutee allait
finir et nous cherchions encore dans le sable sec et
brillant les coquillages nacreacutes et les algues roses lorsshyquEdmeacutee me saisit le bras en poussant un cri eacutetouffeacute
Je suivis la direction de son regard et japerccedilus au loin ua homme lui descendait la falaise
- Jean-Reneacute Formant murmura mon amie
Mais une impression eacutetrange forte profonde ja_ mais resentie menvahissait toute enliegravere et agrave mesure que la silhouelle lointaine se preacutecisait en approchan t joubliais la pauvre Edmeacutee joubliais tout ce qui menshytourait joubliais le monde entier et je ne voyais plus
-1 ~ ~ t ~ ri ril 1 78 LA CONQtJ~TE DE LmitAL
que ce grand jeune homme hrun tout entoureacute de beaushyleacute de penseacutee -Inspirnliun didtal cl mon ecirctre seacuteshy
1IIIlta vers lui
Tout en moi el autour d(~ moi chnntnll cl me reacutepeacuteshy
tait oc Cest lui raquo
(( Cest Luiraquo battail mon cœur avec transportsen
pulsations preacutecipiteacutees laquo Cest Lui raquo raurrnurait le souffle du vent (lli me caressait le visage oc Cest Lui raquo)
disaient les vagues victorieuses berccedilant mon espeacuterance de leur musique eacuteternelle cest Lui cest Lui Cest Lui Et cc mot ladieux vibra el reacutesonna ct retentit dans
la nature entiegravere et je ne savais plus rier (lle ce
mot unique el tricmphnl
Il entrait dans mon acircme il peacuteneacutetrait mon cœur
et mon Iront ct mes mains et ma chail cl il ouvrait des lodes fermeacutees de mon ecirctre irr-adiant mes yeux
de la beauteacute des chemins nouveaux
Alors Jean Reneacute eacutetait presquaupregraves de nous
Et je lconnus nettement limage cherie dun recircve
de mes nuits cette figure dune resplendissante beauteacute
el dont la ph) siouornie noble et grave sous les boumiddot
des brunes semble contenir des mondes de lorce cl des
mondes de penseacutee
Ses yeux dor dUne profondeur infinie rud ianls comme deux eacutetoiles mempliren t despeacuterance
Et lorsquil parla sa voix IIlC Iii tressaillir celte voix aux ncceuls tendres lIUX inflexions moduleacutees celle voix inoubliable qui nest que comme le prolongeshyment de lame eacutemue
~iais il sadressait agrave Edmeacutee El brusquement ceci
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 79
me lappela 1 preacutesence de mon amie el la reacutealiteacute si triste de SOli amour lour celui que jattendais el (lUI ja i reucontreacute maintenant
1~le la laune lllite eacutetait tellement troublee quelle balbutiait des mots sans suite el ne songeait mecircme pas agrave me preacutesenter Jean-Reneacute
Dailleurs ce geste maurait choqueacute par sa convenshylion moderne
El sans doute Lui eacutetait de mon avis car il dit en me peacuteneacutetrant du grand cha lme ugravee ses grands yeux il dit comme sil mavait toujours connue _
- Quel moment splendide nest-ce-pas celte heushyre ougrave le soleil el la mer sappellent el se confondenl dans un eacuteblouissement de rayons cl de reflets On dirait
que la lumiegravere se mateacuterialise en fleuve dor el de pourshypre et que les vagues sapaisent parce lfU lagraveme des flols est heureuse
Et je Ile pus mempecirccher de penser que celle phrashy
se apportait vers moi plus lJlIe les mols prononceacutes
El jai repondu plesQlle il voix basse
Cest une heure admirable cest un tableau de recircve
Il est tregraves tard malheureusement fil alors Edmeacutee el noas sommes forceacutes de rentrer pour dicircner
Viendrez-vous demain au Manoir Monsiellr Formant
- Avec une grande joie illldellloiselle llprit la voix grve et meacutelodieuse
Edmeacutee ojoulait
- Combien agravee temps resterez-vous dans ce village de Ker-Nouheacutel
- Je Ile sais pas encore
J-~~~J~ [middot1 Il -)~ l-J jI~J~1 t~~~r ~~~- bull - ~ bull bull Icirc middot~l~_
8Ugrave LA CONQUiTE DE LugttAY
Ils se tendirent la main elle eacutemue et confiante lui poli et indiffeacutereat Il se pencha vers le petit Guy pour lembrasser
Puis il me salua lentement et de nouveau il me
sembla que dans le chalme profond de ses yeux longs il menvoyait tout ce que jespeacuterais recevoir de son admiratioa noble et spontaneacutee
MoD bras passe sous le bras dEdmeacutee silencieuses toutes deux nous regagnions le Manoir et lespeacuterance illuminait mon cœur dun bonheur eacuteblouissant et je pensais Illarcher dans un recircve feacuteeacuterique au milieu de fleurs lumineuses et de ftambeaux de joie
Les roses de ma ceinture seffeuillegraverent sous mes lt
doigts eacutemus et la brise du soir emporta leurs peacutetales vers la mer
Comment le trouves-tu murmura Edmeacutee
Cette question me saisit et moppressa
Et la reacutealiteacute triste des souffrances de ma petite amie fit encore un nuage sombre agrave coteacute du tableau de lumiegravere
Que reacutependre Je fus sur le point de dire laquoIl est mOA Ideacuteal raquo
Je nen eus pa5 le courage et je gardai le si shylence eacutetrangement
Tout de suite Edmeacutee reprit - Tu as une ideacutee que tu noses pas exprimer Michele cette ideacutee je la deshyine Iaeilement tu as sur les legravevre s il Il l faim l pH et ce mot tu ne veu~ pas le pronoucer parshyce que tu crains de me faire pleurer
Mais tranquillise-toi jai confiance dans lavenir car
~ cmiddot ~~
~~
-_7middoto -~~~~Zmiddot ~Icircif~ -
LA CONQUEcircTE
maintenant je sais que jaime quagrave lorce damour je suis taire aimer
Cette phrase si simple les larmes me tecircte blonde et je
- su avait entendu serait-il pas toucheacute 1
Nous approchions de la maison qui taire SUI la route deacuteserte un refuge protecteur un abri
Calme insouciante heureuse Edmeacutee v
agrave chanter cependant quau-~
poir une lassitude menvahissait lourdie palpitante eacutemue eacutetait gonfleacutee de regraveves souffrir
tmiddot
Aujourdhui pour Le Nouheumll seacutetait
Le ciel agrave lorient avait des vent parfumeacute de jasmin dheacuteliotrope layait de jolis nuages floconneux plumes envoleacutees de laile dun
Celte journeacutee rose souriait lion rayounemen] javais rose fraicircche et ravissante tandis quEdmeacutee lineacutee de blanc se faisait
l bull jattendais comme elle
8l
JiJ~
DB IIDRAL
i
tant Jean-Reneacute FOlmant bien sucircre darriver agrave men
si douce me fitmiddot mal et montegraverent aux yeux Jattirai la petite
lembrassai en disant - Ma cheacuterie
ces paroles pensai-je nen
grande et soUgrave au soleil couchant semblait
bienveillant
seacutetait mise milieu du merveilleux esshy
~t que mon acircme ashyjusquagrave
i6 juillet au soir
recevoir sans doute Kershypareacute de toutes les richesses de leacuteteacute
nuances daurore et le et de genecirct bashy
comme de leacutegegraveres 1
cygne
Et en harmonie avec eacutetrenneacute une toilette de Ilncn
emmousse- belle aussi pour Celui que
r
6
- - -_ - d _
~~_ _ ~--J~~~III Il il --- J---t i -~Ji 1 Il _ ~bull1 oe
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL82
Ensemble eraves loutes deux moi plus quelle enshycore p1lrce que consciente des larmes qui couleront ici hientocirct en mecircme temps que ~eacutelegravev(la le g1lt1lld honneur nous descendicircmes HU jardin rejoindre Madame Torguegraves
et grandpegraverc Ils causaient assis sur un hanc dans le
bois aupregraves du ruisseau dnrgent
- Comme elles sont jolies 1I0S jeunes filles seacutecrie
grandpegravere rieur Ce Monsieur annonceacute est donc un Prince Cha lma ni
Madame Torguegraves aussi plaisante - Elles ont vite
saisi loccasion de mettre chacune une lOhe neuve
Mais nous sommes ressorties du bois Edmeacutee et moi
cherchant dans le jardin des fleurs pOUl nos cheveux
Lentement nous flacircnions lune aupregraves Ile lautre et
tregraves lointaines lune de lautre seacutepareacutees maintenant par
eette penseacutee pareille
- Comment cela finira-t-il soupirait mon cœur
Trois heures sonnegraverent iI leacuteglisr du village
- Deacutejagrave trois heures et il nest pas IiI dit Edmeacutee
Penses-tu quil va sucircrement venir Midlegravele
- Mais oui
Ces continuelles questions me tntigucnt minquiegraveshytent et Iumbiguiteacute de la si lua liun 1II1~ navre je fais
tout lOUI la faire soupccedilonner il Edmeacutee qui snhstiue il
ne rien refleacuteter que sa IHoIH~ espeacuter-ance el qui sem hie saveugler volontairement
Cette ignorance est dautant plus douloureuse dautant plus dangereuse que lorsque la veacutelite dessilshy
lera ses yeux son chagrin sera plus profond 1
Fo
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 83
Pal momen 1 une immense pitieacute memplit et me jette vers elle
Puis la l(alilt iloille de son lcstln moppresse et
la fr istesse laquoII(~ 1(pOIlSSe ma jeunesse entre en moi pu la tristesse dautrui
La soutlrnnce est-elle donc la loi neacutecessaire
Oh Illon seul ideacuteal Rendre lhomme plus heushyleux
Mais (IatlP heures sonnegraverent aussi A mon ton l
jeacutetais fdJlile imna Lien te su lexciteacutee pal la lten te qui
est presque malaise tant elle met au cœur dagitation
et de joie et de trou ble
- Quatre hern-es un quart soupirait Edmeacutee
Les rafales deacutechirant la nuit du second acte de
Tristun roulaient en moi comme III 1 orage et je pensais au geste enfiegravevre et crescendo de leacutecharpe apregraves lexshytinction de la torche
Oh tout lappel III mon (llc vers Toi la palpitashy
tion de mon cœur le tnmulle de mes recircves le Ireacutemisseshyment de mon espoir las-tu senti lean-Reneacute
Soudain un granll calme me peacuteneacutetra
Quatre heures el demie avaient sonneacute
- Quil est tard disait Edmeacutee
lai reacutepondu - Il vient
- Couuncul lu 1( vois
- Non pas encore mais je le I~nine lts pregraves dir i Edrneacutelaquo sdonnait
Le marteau du grand porche avait flppt PI le domestique venait ouvrir agrave l lntleacutel du jardin
Nous nous dirigeacircmes au-devant deJattendu
IL-middot- -------= _-==
H~ __ j i 1 l j j j 1 1 1 1 1 J 1 l J 1 1 1 1 1 ~ ~bullbullgt~
84 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ceacutetait bien Lui
Dans lalleacutee blonde et molle faite du sable des plages il avanccedilait vers nous
Et de nouveau un eacuteblouissement millumina et seacutepareacutee de tout ce qui mentourait je ne savais plus que Lui et jeacutetais comme isoleacutee dans son regard
- Quel merveilleux jardin dit-il tandis quapregraves Edmeacutee je lui tendais la main Quel cadre exquis calshy
me poetique pour la penseacutee meacutedita tive
- Un cadre pour le bonheur ai-je reacutepondu
- Cest vrai ajouta-t-il un coin de paradis
Nous sommes retourneacutes sous le bois ougrave eacutetaient resteacutes Mme Torguegraves Grandpegravere et Guy
A loreacute~ du taillis Jean-Reneacute sest arrecircteacute et il a
murmureacute
Quel mystegravere sest accompli lagrave qui a laisseacute ainsi le parfum de son souvenir
Oh grands arbres droits qui vous eacutelancez vers le ciel avec la foi de votre torce quelles eacutemotions avezshyvous sen li passer SUI vous autrefois pour conserver ainshy
si dans vos branches et dans vos feuilles celte aura cette atmosphegravere intense et dilluse
- VOliS parlez comme Michegravele a pai leacute en peacuteneacutetrant ici pour la premiegravere fois dit Edmeacutee avec eacutetonnement Til te souviens Micheline de limpression profonde que tu as ressentie lagrave aussi
Tu pensais que de grandes choses humaines a-
tA CONQuiTB DE LIDEacuteAL 85
valent ducirc vivre sous ces arbres et quils eacutetaient imshypreacutegneacutes de passeacute et de leacutegendes
Jean -Reneacute me regarda et sourit dlIl1 sourirlaquo joyeux
Nous approchions de Mme Forgues qui reccedilut aishymahlement le jeune homme et le preacutesenta il Gl1l1t1
pegravere
La conversation devint geacuteneacuterale et animeacutee
Mais le bonheur mentonrait le bonheur cnlrn i l en moi le bonheur paraissait fluer vers moi comme une riviegravere splendide qui descendait de son regald el qui me peacuteneacutetrait
Et la fleur de vie aœoureusement seacutepanouissait en mon cœur
Je me sentais forte je me sentais belle je me sentais admireacutee et ma beauteacute augmentait encore irrnshydieacutee sous la caresse de ses yeux voileacutes de recircverie
- Combien de temps comptez-volis rester il KershyNoueumll interrogeait Mill Torguegraves
- Ker-Nouheumll me semble ecirctre Madame Jendroit de toute la terre que lon espegravere souvent Cil legraveve et que 108 trouve une seille fois SUI le chemin Je pense donc y derneu lCI longtemps
Pourquoi poursuivre insaliahle 1111 voyage ougrave le lendemain regretter-ait salis doute nnjourdhui
Mme Torguegraves di agrave Edmeacutee daller il la maison faire preacuteparer le goucircter El comme chacun eacutetait debout sacheminant vers le jardin jeus la gvande joie de senshytir Jean-Reneacute chercher un tecircte-agrave-tecircte
-------
l_j t ~ i ~ ~ 1 1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL86 ---- ------__----------- ~_ _o
Habilemen l il Ille qlltsiiollllaii SUI la leacute~(~lIde dl la
Feacutee des Lys ct me pria d(~ lui montrer la Source
Enchanteacutee
Nous 1I0US Iqoi~nugravelIcs dOIl( lous leux vers le Iond (lu
petit bois el je palpitais un peu dune tregraves douce anshy
~oisse
_ Aimez-vous lhumaniteacute me demanda-t-B ugrave brucircle
pourpoint
_ Je voudrais quelle se Ilansformugravel Ie voudrais
aussi la connailre mieux ie la plains cal elleeouffre
el je laime parce qlle Ihommc esl rapable de bonteacute
et de ploglegraves infinis
11 continua
_ Vous avez raison SltIII(~ment ne trouvez-vous pas
(Ille laclion est p()Ilr ainsi dire le gage de la sinceacuteshy
rileacute f qut tlOp souvcut nous sommes satista its dlin senshy
liment qui proll(~ 1I01lc i-affiuement de conscience mais
qui est entiegraverement inefficace pOlll soulager lobjet de ce
sentiment
Pour moi aimer lhumaniteacute cest la servir
Comprenez-vous
_ Oui je comprends Et vous Ile faites que mexshy
pliquer Illon ideacuteal Pourf aul comment une femme ou
1111( [euuc fille duns la socieacuteteacute actuelle pourrait-elle utiliser ses dons pOlir le bien de lhomme
NOliS causerons de cela lon~uemellt plus tard
Je vous affirme que ~ts moyens reacuteels intenses dutilishy
ser toutes Jus capaciteacutes loutes les bonnes veloutes exisshy
teat Limportaat est que celte bonne volonteacute soit inteacutegrashy
le et cest ce qui est rare
~711 J -l ~ M ~ -----shy
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 87
le VOliS lassure Mademoiselle agrave ceux qui veillent
les loules ne manquen l pas Le principe dune action
vraimeut puissante esl duns lIdentification croissante
i mleacutefiuiment plo~ressiv(~ de toutes 1I0S forces avec le
hut que nous UOIIS proposons
-Je le crois Mai~ il faut justement dabord avoir
un but puis savoir comment faire eacutepanouir les Iaculshy
teacutes individuelles ail service de ce but
- Un but leprit-il navons-nous pas dil servir
Ihumanifeacute Cesl-agrave -dire conqueacuter-ir pour lIle plus de
bonheur
Certes le champ est vaste complexe semeacute dubsshy
curiteacute et je comprends que vous vous demandiez le
comment de celte œuvre les points interrueacutediuires les meacutethodes parce que ce mot reacutealiser le possihle es l pour vous en e( mornenl impreacutecis
Pour moi il est deacutebordnut de netteteacute de direction
car je sais un peu Je cc quil contient
- y aurait-il donc une science secregravete des posshy
sibiliteacutes humaines
- Certainement il y a toute une science des possishy
hilif eacutes humaines Si elle est secregravete cc nest pas quelle
soit cacheacutee anormalement mais simplement que lhornshy
me se bande les cu pOUl Ile pas III conuaitre ou m111middot
che les yellx ouverts dans UII sens oppose
Vous souvenez-vous d(~ ldie pilloll~ dun livr
f regraves ancien laquo La sagessr- (Tic dans les calrefours elle
appelle SUI les places puhliques ruais lou refusent
son invitation raquo
- Alors ce nest donc pas sur le nombre ltJue le
~tltCcedil~--1 gt
---------
89
i1--~----j~---t ~rJ -Ocircq J i bull i bull i bull bull i i bull i bulllJJ cI
LA CONQUFTE DE LmiAL88
mouvemen t don1 vous vous OCCII pez met son espoir de
reacuteussite
_ Le nombre pOllna venir en son lemps Mllis
un seul cœur riche denthousiasme dintelligenc~ et de
zegravele qui se donne toul entier vaut plus que dix mille
adheacutesions inertes
Le but immeacutediat de nos groupeltlents est de coorshy
donner les forces inlellccluelles et spirituelles les plus hautes acluellement manifesteacutees par des hommes isoshy
leacutes de faccedilon agrave former un orgllne speacutecial de connaisshy
sance et de direction un cerveau pOlir lhumaniteacute Il sagit de reacuteunir en faisceau les aspirations et la libre recherche des pionniers nliu qlle dans cette phalange eouune dans lin ceutrc solaire soient reccedillles et diffushyseacutees abondllmmenl les tnrccs ellpnhles deacutevoluer 111 mashy
tiegravere (lIIcirc nous entoure
Savants poegravetes allisles meacutedecins et toutes capashyciteacutes aujollrdhui meacuteconnues sans usages et mecircme
perseacutecuteacutees doivent en ordre concourir agrave cette
orgllnisalion
Il Y a ceux qui par le geacutenie philosophique la disshy
cipline de soi-mecircme lenseignement reccedilu et lexpeacuterishy
ence acquise sont comme la si hien exprimeacute Platon lei laquo harmonisuteurs JI de ces eacuteleacutements tel le chef dorshy
cheslre ail milieu de ses musiciens
Les recollllllilltmiddot les suivre les aider cest entrer
dans la pratique effective cest sengager sur le seul chemin qui ne soit pas une impasse Je ne parle pas toujours de ces chuses et je nen ai presque rien dit
ici
LA CO~QUEcircTIl DE LrmhL
Si vous Ole trouvez bien grave en lin moment ougrave tout autour de nous semble chanter la joie de la beauteacute de vivre cest justement parce que vous necirctes pas comme les autres
La splendeur de linstant me fait monter dans les reacutegions actives ougrave ma ecirctre le plus reacuteel se meut
Pourtant mille eacutenergies en moi respirent les parshyfums de lheure el ce bois est agrave mes yeux non plus
une forecirct de leacutegendes mais le jardin feacuteeacuterique des renshy
contres heureuses 1
Sa voie meacutelodieuse et cheacuterie mysteacuterieusement faishysait vibrer mon acircrne et en prononccedilant ces derniegraveres
paroles il avait leveacute SUI moi ses yeux profonds et ne les abaissait plus Je sentais le poids de son regard
unique mentourer le visage liIune lourde aureacuteole dashymour et vers moi semblaient mouler des oceacuteans
dattente
Je murmurai simplement
- Pourquoi ne pai vous dire que deacutejagrave je vous ai
vu que deacutejagrave je vous ai parleacute et que ceacutetait dans le plus beau des recircves de mes nuits que vous mecirctes
apparu
Pourquoi ne pas vous dire lue votre œuvre je le sens elle est mon ideacuteal encore inexprimeacute et que je my donnerai toute comme VOUI voudrez que je my donne f
Alors il se transfigura intenseacutement et la protonshylieur expressive de ses yeux eacutevoqua un espoir de boaheur infini Et nous nous egardugravernes comme pour la premiegravere fois avec des yeux extasieacutes
~( lt 1 l 1 -- --- bull ~-l ----J ~ ~J bull
f
90 LA CONQU~TE DE LIDEAL
--------------------_-~-------- shy
- MlIci replil-il avpe une eacutemotion contenue qui meacutemouvait plus encore merci de vos paroles si courageuses si confia nies Vous ecirctes helle Vous ecirctes
etranegravere il la vic han ale VOliS ocirctes libre des attnshy
bull ches du preacutejugeacute Nous SOIllJlIS llin et lnutre porteurs de la mecircme eacuteternelle veacuteriteacute Pl en cet instant lumishy
aeux ougrave nous le comprenons celte veacuteriteacute se legraveve et
chan te en nous et la voix de la joie du monde la voix de lhumaniteacute tressaille et passc agrave travers notre
espeacuterance illumineacutee Sentez-vous devant nous les immensiteacutes inconnues que le heau legraveve dune nuit ocirc
mon amie vous a sans doute laisseacute apercevoir bullbullbull POlir
moi de tels recircves sont lessence mecircme cl u reacuteel
NOliS eacutetions devan t la source de la Feacutee debout
tout pregraves lun de Inulre ct nous nous regardions au
fond des yeux comme pOlir nous reconnaicirctre
_ Oui ai-je reacutepondu el pal ce recircve je VOliS ai
compris et je vous ai peacutenegravetre autant lflle je suis actuelshy
lement capable el de vous comprendre et de VOllS peacuteshy
aeumltrer
A ce momest un brait de pas parvint jusshyquagrave nous et nous ne prononccedilacircmes plus lin mot
Seulement une ivresse de bonheur sexaltait et monshytait de la Fontaine Enchanteacutee et de la corolle qui Slllrouvre des branches qui seacutetcndent du papillon qui deacuteploie ses ailes du parfum mystique des grands lys blancs et rouges de loiseau qui plane de la lerre qui feacuteconde se deacutegageait seacutelevait simposait une harmonie sonore de force despeacuterance dalleacutegresse et sotre acircme confondue la seatait seacutepanouir en une tend lesse
miraculeuse
LA CONQViTE DE LIDEacuteAL 91
- Michegravele Michegravele Ougrave ecirctes -vous donc criait Edmeacutee
- Nous reatrous ai-je reacutepondu en tressaillant leshy~rettaNt la fin ds lheure envoleacutee deacutejagrave lointaine et
adorable
- M Vazaonegrave et Maman sont installeacutes pour roucircshy1
ter dans I~ bosquet de roses sous I~ grand magnolia continuait Edmeacutee essouffleacutee
Jy ai fait dresser la table agrave theacute pour jouir de
la vue de la mer de la beauteacute des roses et de ce parfum magique et ehaud des belles fleurs blanches du
magnolia
Elle souriait toute animeacutee et les cheveux eacuteboushy
riffeacutes par sa course sous bois pour nous retrouver elle souriait conten te et regardait Reneacute
Lui ne la voyait pas Je le sentais entoureacute de moishy
mecircme comme jeacutetais enveloppeacutee desou charme puissant Qund reviendra- t-il
-
1 7 Juillet 8 h du matin
Une grande lettre de Jane Kousta me navre et meacutepouvante Lucette Pagel avait raison de la sentir en danger 1
Ce que jai tellement craint pour elle il y a un an ce preacutecipice dont sa route semblait maintenant secirctre
eumlearteacutee voici quil est evaut elle et quelle y roule r Heacutelas se relegravevera-t-elle 1
~ _- -~~-- -
1 -~ JI JI Jl -- -- J - ~ 1 J r-r--r--r- C
9~ LA CONQUEcircTE DE LTD~AL
Ils existent doue C(~S ecirctres affreux peints pal les
romanciers ces ecirctres ljui ne songent quagrave leurs basses jouissances ces ecirctres pareils lUX vautours guellant leur proie des nuits entiegraveres ces ecirctres qui ne pouvant conqueacuterir une lemme ni pal lamour ni pal lestime ni par laffection IIi pal ladmii-ation attendent le moment de deacutetresse ougrave un laux-pas lie leur victime la fera tomber dans leurs bras
Ainsi pendant des mois lanneacutee passeacutee jai rencontreacute chez ma pauvre grande Jane un de ces ecirctresmiddot abjects Raoul Falbrut qui rocircdait sans cesse autour de sa beauteacute
Cest un horrible petit honmme avec une eacutenorme
tegravete agrave la nuque eacutepaisse au cou de taureau La simshyple eacutevocation Je son visage memplit de deacutegoucirct
Dailleurs sportman connu pilier des salles desshycrime grand joueur aux courses et richissime cercleux
Quil faut que Jane ait cruellement souffert pour meacutecrire aujourdhui cette nouvelle atroce
IlJe crois que jai toucheacute labicircme du tond de laquoma misegravere Michegravele
laquoApregraves de bien douloureuses journeacutees me voici
laquo maintenant plus tranquille mais aussi malheureuse
Je voyage en Suisse avec Raoul Falbrut dont CI tu dois te souvenir
laquo Royalement installeacutee agrave Interlaken la vue de la CI Jungfrau seule me lappelle quil pourrait y avoir CI de la beauteacute Mais pourquoi te mecircle agrave ces tristes laquochoses si ce nest pour tavertir (Oh 1 tu nas pas laquobesoin davertissement ) de limportance de chaque
LA CONQUEacuteTE DE LIDEacuteAL 13
CI peacuteriode de notre vie et des enchaicircnements eflarants CI de celle lulle agravepre et cruelle lorsque nous nous Il trompons de chemin
( Pourquoi nai-je jamais rencontreacute sur ma lalite Il que mensonges et vaniteacutes Ai-je donc toujours menti
laquo Michegravele Michegravele il y a de la lumiegraveres encore Cl dans le monde Dis Moi je Ile sais plus 1 Et pou1shy
(( tant je sens en moi tant de choses tant denergies (( tant de deacutesirs La somme de mes deacutesirs eut fait
laquo une trop grande espeacuterance une irreacutealisable espeacuterance laquo tu comprends AIOlS je nai pas pu lier ma gerbe
laquo De tous cocircteacutes mes desirs tiraient disloquaient mon laquo ecirctre
laquo Jai connu le teu des passions sans motif sans Il bu t par excegraves de mes propres forces
laquo Ah si quelquun avait passeacute si quelquun (( avait dompteacute si quelquun avait tait de moi la (( reacutealisa triee de ses recircves
(( Michegravele neacutetais -je pas comme une feacutee cornille laquo une magicienne Neacutetais-je pas puissante
laquo Et maintenant voilagrave jai trente ans tout ce que laquo jai veacutecu est derriegravere moi comme du vide
laquo Devant moi entre moi et lespeacuterance il y il
cc un abicircme infranchissable
laquo Avec tout ce que jeacutetais que suis-je deacutesormais
([ Je pleure sur moi-mecircme pareille agrave une heacuteroiumlne laquo( dEuripide je pleure sur ce qui aurait pu ecirctre Je CI pleure sur la part de splendeur de vie que jai mushye tileacutee en moi 1
95
~ ~ r IJ~~
9i LA CONQuiTE DE ~l~AL -_ ------_ _-shy
(( A quoi servent les lannes Elles sont inutiles laquocomme les regrets
laquole suis 111I tourhillon je suis emporteacutee je me laquo laisse emporter quv a t-il SUl celle pente (lue je
laquo deacutevale comme UIIC avalanche le lOCS
laquo Et sais-tu ~lichegravele pourquoi ma misegravere sest laquo eacuteclaireacutee subitement trop tard Cest parce que
laquo japerccedilois de lautre cocircte de labicircme parOli mes esshy
laquo peacuterances impossibles lEacutetoile dune reacutealiteacute
laquo Adieu cheacuterie Toi sois heureuse Tu es si droite
a si pue que tu aurais (Iii 1111 ta seule preacutesence me
laquo purifier
laquo Seulement jeacutetais trop aveugle trop enfieacutevreacutee
laquo trop enivreacutee des [eux eacutecœurants des salons ougrave lon Il madmirait
laquo Je t (limais sans tc regar(1eImiddot Tu avais raison
laquoDe toi me vieilt comme un rayon le deacutesir si
laquo cela eacutetait possible ugravee retrouver un chemin un
laquo chemin renouveleacute mais j~ suis prisonniegravere comme
laquo dans un cercle de montagnes
laquo Tout est fini
laquo Il ny a que des ruines autour de moi et en Il moi J)
Oui ma merveilleuse magicienne je connais ta richesse ta puissance ct tes dons et je te plains de toute mon affection
Mais III nas pas assez tocirct compris que III faisais naicirctre parlais des souffrances SUI ton chemin et que nos deacutesirs doivent se limiter lagrave ougrave ils produiraient
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
le deacutesordre tu nas pas assez tocirct compris que laquo les ronces que nous semons 5111 la route de la vie 1I0US les retrouvons tocirct ou tard au relour raquo tu nas pas assez tocirct compris que 1I0llS Ile sommes rion pOUl 1I0USshy
mecircmes ma gralld(~ Jane d que l(~(hallg-c seul llchallshyge charitable leacutechange qui sc douue lait Iii joie de vine
Si toutes tes forces et toutes les aspirations et tous tes recircves tu Ics avais plus souvent que sur toishymecircme tourneacute VCIS luumaniteacute tu aurais peut-ecirctre
ainsi connu un bonheur digne de loi
Un mot pourtant dans celte lettre navrante lourshy
de de tristesse encore inavoueacutee me donne pour Jane
un espoir de relegravevement possible un espoir davenir
malgreacute ce Raoul Falbrut dont elle a accepteacute une
royale installation en subissant un honteux esclavage
que jose agrave peine penscl El celle espeacuterance qui me reste cest celle eacutetoile de reacutealiteacute qui a si subiteshyment eacuteclaireacute sa misegravere et (lui peut-ecirctre pourr-ait comshy
me un soleil levant illuminer maintenant ses lendeshymains
Le ciel qui vient de s ouvrir pour moi ne pourshyrait-il pas sirradier devau t ellc bull
Moi je ne vis plus ici avec GrandPegravere ct nos amies
je vis seulement dans le souvenir de la beauteacute dhier dans lespoir du prochain revoit
Je suis comme endormie et la meilleure partie de moi-mecircme seacutechappe recircveuse vers Le Vuiuqueur qui mcntraicircne dans les lointains teacuteeacuterlques plus merveilleux que les merveilles du recircve
Instantaneacutement il IDa prise toute entiegravere parce
_OH 2 t 2amp middot
F=3 -~ RR ~~~~~-_-~-JL ~
l6 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
quinstantaneacutement je lai reconnu palce quinstantaneacuteshy
ment jai senti quIl eacutetait mon Heacuteros celui qui memshy
megravenera plus haut (Ille moi-mecircme vers mes plus hautes
capaciteacutes latentes vers les avenirs Ionjours glandissants
de beaute en heaulc de splendeur en spendeur despoir en espoir damolli (1 amour Oh seacutelever seacutelever
sans cesse seacutelever toujours plus haut Planer au-desshy
sus tics petitesses el monter vers la lumiegravere solaire
Parfois jc recircve quun aigle royal est mon coursier et
quil memporte vers les hauteurs et ses ailes trishy
omphales toutes rilndes deacuteployeacutees comme un eacutetandard
de victoire hatlent les airs cl seacutelegravevent majestueusement
en hymne de libeacutera tion
Et mainleuant jai lrnuveacute Illon coursier rOYIII et
avec lui je Irnnchirni les steppes arides je traverserai les deacuteserts jescaladerai les collines et lions gagnelons
la Terre Promise
Je laime dans tout ce quil dit dans tout ce quil croit dans tout ce quil pense dans tout ce quil veut
dans tout ce quil aime
Oh Jean Rene Songez-vous en cc moment fi moi
comme je sonne agrave vous cl savez-vous agrave quel point je
vous aime
Je ne connais rien de votre vie Hi de votre passeacute et deacutejagrave je suis il vous complegravetement el je souffre de la
lenteur des heures qui me seacuteparent de vous et de ce que vous ne mayez point encore serreacutee
dans vos bras sur votre cœur bien fort et longueshy
ment
Mais votre legllni dor intense comme la flamme dune pierre preacutecieuse infini comme les profondeurs
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 97
inconnues de la mel profonde votre regard ne me quille plus el menveloppe de son prodige
Dites-moi Jean-Heneacute dites-moi dites-moi (Ille
VOliS ne pourriez plus sans moi construire les avenirs
comme je ne pourrais plus les construire sans vous
l~ Juillet
1 deacuteshait autant me revoir degraves hier que je deacutesirais noi I~ rejoindre
El nous avons passeacute une magnifique journeacutee
ensemble il matin SUI ln haule [alaise ensemble lapregraves-midi sur la plage libre ensemble au c1nIcirc1 de lune apregraves le dicircner SUI les dunes doreacutees hOI deacutees
des loches sombres bordeacutees des loches devenues
farouches el eacutetraugcs sous les reflets lunaires
Quoique nous ayons eacuteteacute presque conlinllelleshyment en groupe puurtunl nos llgillds IIlIUS isolent lun dans lautre nos limes se parlent salis 1111(
et les moindres minutes lIe legravele il tegravete sont mainshy
tenant pour nous des siegravecles de honheul
La pauvre petite Edmeacutee dnbonl ne nous quishy
lait pas Puis elle a enfin comm-is quil ne dvsishy
lail pas rester seul aupregraves delle el suhitemenl lapregraves-midi lIle (51 devenue lrisle el songeuse Main tenan t je sens Et mee heacutelas tlegraves loin de moi elle sest complegravetement lermeacutee el ne resle plus en ma preacutesence ~(lw lorsquune autre PI(SCIlC(~ lui assure mon sillnce
Elle me lait pitieacute cl hien (Ie je ne puisse regretter pour elle la lin dune illusion de ce qui ne
- ~- l Jgt~~~~~
LA CONQUEcircTE DE LID~AL98
peut pas ecirctre je suis narreacutee de la voir malheureushyse de ce lui me lend si heureuse l Jui agrave certains momenls envie de provoquel bientocirct une scegravene deacuteshycisive qui changerait celle situation peacutenible entre nous deux Que faire Je ne sais encore Peut-ecirctre preacutevenir Crandpegravere el partir poursuivre mon bonheur loin des yeux de la pauvre cheacuterie
Ah pourquoi la vie est-elle si rude pOUl cershytains La frecircle petite Edmeacutee souffre deacutejagrave de soufshyfrances damour la frecircle petite Edmeacutee qui semble faile pour la tendresse et pOUl 1 joie Et dans son cœur ce ne sont plus les fleurs du recircve ce ne sont plus les fleurs vivantes ce ne sont que fleurs desseacutecheacutees vite eacutecloses locircl faneacutees
Et pourquoi Ocirc mon Edmeacutee faut-il (lle ce soit pal moi que tu souffres
Jai deacutejagrave rendu Andleacute Calvis malheureux et voilagrave que maintenant je te rends malheureuse moi qui cherche acircprement le honheur et qui voudrais aider pOUl lous son prodigieux eacutepanouissement
Limpuissance dagi l cest le plus terrible mal limpuissance devant le deacutesordre limpuissance devant le malheur Comment lhomme ne concentre-t-Il ras Ioules ses faculteacutes loutes ses eacutenergies tous ses efforts lous ses deacutesirs Ioules ses penseacutees toutes ses aspirations vers la seule chose neacutecesshysaire devenir de plus en plus maitre des forces appeleacutees forces inconnues (mais 1101 ineorrshynaissables ) devenir de plus lli plus maicirctre des eacutevegraveshynemenls de la vic Quexiste-t-il hors de cd Inteacuterecirct si intense Que SUlI t agrave cocircteacute de cela les distrac tiens-
LA CONQUEcircTE DE L[DRAL 09
ou les plaisirs ou les luttes de politiciens ou les luttes de partis ou de castes ou de laces ou tous ces gestes quelconques dans lesquels lhomme gaspille une si innombrable somme de forces inutiliseacutees
Jean-Reneacute sent autant et plus (lue moi-mecircme cette perte deacutenergies preacutecieuses ct le cher apocirctre qui a conquis mon ecirctre nous a ouvert un Instant SOli acircme geacuteneacuterruse cl vibrante si douloureuse de la souffrance humaine mais si vaillante dans leffort
Ce malin sur la falaise ensoleilleacutee nous eacutetions assis lui Edmeacutee et moi et nous aYons padeacute longuement de celle Philosophie Cosmique de celte meacutethode de vivre inleacutegralement rationnelle aussi bien Tndividuelle que sociale terrestre mondiale
Que dimmenses possibiliteacutes quels merveilleux espoirs quels horizons infinis il ouvrait devant mon intellishygence et mon cœur
Je veux me sou venir de ses paroles
oc La vic Tout ce qui csl tout ce qui a eacuteteacute tout ce qui sem la source ineacutepuisable la base sans limites la manifestation originelle de lInconnu pal laquelle et dans laquelle toutes nouvelles manifestations sont reacutealisables La Vie 1 Telle quelle nous apparnit actuelshylemen t elle est deacutejagrave le mystegravere sans bornes leacutepanouisshysement incessant la complexiteacute innombrable la leacuteerie continuelle des transformations inouiumles
Pourtant ce qui en est deacutejagrave reacutealiseacute est seulement comme un embryon aupregraves de Iegravelre magnifique et parshyfait A mesure que notre intelligence reacuteussit agrave seacutelever
-
1
100 LA CONQUEcircTE DE TlIJ~AL
dans la reacutegion conceptiveacute les formes lalentes seacuteveillent
autour de nous cl notre penseacutee constructive deacuteveloppe notr-e ideacuteal cl ccsl ln vic plus 1)I()f()ud(~rncnl heureuse
ln vie prollgo(r donl toutes les transformations sonl
bienfaisantes dont toutes Ics eacutenergies sont utiliseacutees
dont les fleurs ne se fanent pns dont les eacutepis g-erment ct (lui chante la joie cllalleacutegrcsse de limmortaliteacute
- Mais pal (1lels moyens ai-je demande peut-on
diminuer la souffrance
- Puisque la vie continua-I-il sc deacuteveloppe cl
seacutevolue suivant des lois que lon peut connuilre el
appliquer il est eacutevident pour un esprit philosophique
(cestil-dile snchaul penser dans une sphegravere logique
sans ecirctre enchaicircneacute pal It~s faits actuels qui S01l1 les
effets ct non les causes) il est eacutevident qlll la science
est la veritable resfitutricc de ricircge dor
Celle science il [aul quelle seacutetende aussi loin que
la vie elle-mecircme parlou ougrave lharmonie cl lerreur sont
capables ugraveapporleI la paix ou la souflrnnce
Pour conqueacuterir telle ltelle science indeacutefiniment proshy
gressive il faut des savants qui soient aussi des philososhy
phes ou qui adhegraverent il ln Philosophie libre cl audacishy
cuse cette vraie Philosophie annonciatrice de cont reacutees
toujours nouvelles
Si celle science cl ai l lrouvce ou en voic de lecirctre il
lesterait encore ugrave lllppliqu(( Mais les hommes se conshy
duisent pal imitation pal habitude pnr instinct
JI y aurait donc une œuvre immense de propagande
agrave enlreprendre pOlir fairc counaitre les conclusions scishy
entifiques inteacutegrales capables de modifier lexistence en
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL toI
ln conduisant dharmonies en harmonies vers un eacutetat de l-onheu l croissnn L
Il faudlnit plus eucorr- connaitll~ nest pa assez il
faut comprendre aimer Illaliquel celle scie nec li~leacutelashy
lrice il faul que Ioules les faculleacutes hUUlltlines euf rent
en jeu pour leacutepandre pour lllNil pour reacutealiser la par-ole daffranchissement
01 cette science existe ses bases en sont poseacutees Et
tandis que les savants et les philosophes voileacutes les precircshy
tres du sanctuaire doivent continuel la recherche el
la deacutecouverte en mocircme temps ct pnrallegravelernent il est
neacutecessaire ltlle les reacutesultats acquis soient diffuseacutes
Chaque grudation dhumaniteacute est apte agrave comprendre
et il utiliser celle pn de connaissance (lui lsi dans son
hor-izon normal el dont lIle peut efllcaccmeut sc servi
POUl llIll raison la diffusion mecircme de ce (lui esl
deacutejagrave connu et cn(gistll ne peut egravehe faite que par de
gr(~s pal seacuteries Celle loi eacutetablit linilialion pogIesivl
la classification le groupement hieacuterurrhiquc
Et maintenant je puis reacutepondre il votre question en
la preacutecisant quelles connaissnnees pouvez-vous actuelshy
lement donner pour commencer rameacuteiolalion conscishyente de leacutetat humain
Oh la veacuteriteacute est simple mais O1Il1ll dit Iiuml~ldeacutesjilsshyle Cl ils onl chercheacute beaucoup de discours raquo
Il y il dhumbles cailloux rouleacutes dans les lorrt-u ts de
la mentaliteacute seacuteculaire qui sont en reacutealiteacute des gelllmes
preacutecieuses De loin ils semblent sans valeur si on les lamasse si on les COIII(lIIple Iougucment 011 slfHrccediloit
quils sont tlane IrallIlrtnc pallaile el Ille I(~ monde sy reflegravete
--~ _~--~---------- _-
JIll
~~~JA~~~)~rJ~~~t~~ - iir~i ~ c lt ~~~
LA CONQutTB DBtot LA CONQUEcircTB DEuml LmhL -----------------------shy
but uMqu-e le culte deOui ce nest pas lous les joars quune vnouvelle loi niteacute
peut ecirctre trouveacutee quune nouvelle promesse peut temshy~Et lhomme doitber du ciel 1
tion des diverses capaciteacutes humaines Mais agrave travers le temps bien des deacutecouvertes se sont nir la progression in~essante
C amasseacutees bien des sentences de sagesse ont parsemeacute la bull
1 lhomme qui est ~ terre
le proteeteur le libeacuterateur deDes proverbes dont lorigine se perd dana la nuitiX la terre to~tes les torees
des iges sont comme des phares sur la route de leacute- fuseacutees par le regravegne r volutien individuelle et collective des rites et coushy ~ laquoAidemiddottoi le ciel taidera 1 J)tumes ~n divers pays maaitestent encore sous leur 1s-i
~~ symbolisme incompris la science des eacutepoques passeacutees u Chariteacute bien middot middotmiddotmiddotmiddotmiddot~~
laquo Bien faire et laisser dire Pour les peuples le progregraves ce sont des lois meilshy1middot~K~ leures le culte de la santeacute et de la vertu un pen de ~ TOlite cette sagesse ~W science au lieu de superstition un eacuteveil intellectuel Ion vrai rocircle sa responsabiliteacute~laquo qui ne peut venir quen enlevant le terrible poids de seignait quil doit avant tout~1rmiddot
la croyance irralsonneacutee et quen mesure seulement~r middot POUl ldite leacutevolltlioD ce~t ladheacutesion persistante des aides peuvent devenir
~l bullbullbull agrave la logique il lexpeacuterience ail maximum de bonheur Ainsi Jean-Reneacute~ ~ cest le plissage IU crible de lamas coolus et impur 10pque~ ~ ~
( des arts sans spirituahteacute des poeacutesies sans propheacutetisshy moi mes~ propres horizons1 me des sciences trop borneacutees ner dans le soir tiegravede etil~ Cest la reconstruction des mœurs des litteacuteratures finie que nous veacutecucircmes(~) (- - - des lois sur une base de bonne volonteacute complegravete et~( Etait-ee parce que les eacutetoiles brillantes nOlis parlaiententiegraverement libre
1 de paix et -damour eacutetait-cePour Itndlvidualiteacute qui aspire agrave ecirctre par soi-mecircme
plus seuls sous le manteaule cettel marcher en avant comme un pionnier et comme un
ce parce que nousluidechaque helire ehaque acte chaque penseacutee est
cœurs tout pregraves lun deuneacute voie de perfectionnement Cest le seuil des grands de nos corps neacutetaient plus agravedestins mecircme de nos Ames Pour toutes i~s gredutions ensemble le moyen deacutetashy
Silllpienle~t puisque 1I01ll(blil la eoopeacuterntlon harmonieuse est de reeonnaltre ~un
1~3LmAL
lideacuteal manifesteacute dacircns lhuma
comprendre que c~st de lfllljlisnshy
que lui peut veshy
vers le bonheur Cest linitiateur Ieacutevoluteur le gueacuterlsseur
lhomme Parce que sur
eosmtqueaeont ~ccedilues et ditshy
humain lhuman~teacute intellectuelle
ordonneacutee commence par sQi mecircme raquo J) bull
antique qui donnait agrave lhomme reacuteelle et qui Iui enshy
compte SUI lui-mecircme de sa propre pnissance
ses toUaborateurs raquo
parlait intalissablement et par uneIcircsuperbe illumineacutee despoir i1deacuteployait devant
Mais cest le soir apregraves dicircshy
constelleacute de limmensiteacute in-lheUJed~ recircve
parce que nous eacutetions nuit douceeacutetaitshy
sentions vers le vaste ciel pur nos
lautre et que les silhouettes celle heure que limage bull
OOIIS SOUlme t
------- ---- ------
104 LA CaNQUETE DR LlDF-A L
que aussi impeacuterieusement llin qlle lautre nous avion S
soif de certitude eacutel ail-ce parce ltlIC la minute avait
sonneacute p01l1 nous de taire du recircve exquis IIl1e ardente reacutealiteacute mais soudain nous nous sommes arrecircteacutes lonshygllcment en arriegravere tandis que les autres venaient de disparaicirch-e dans tin tournant du chemin et comme je Jaltendais comme je le deacutesir-ais comme je le voulais
Jean-Reneacute me prit la main dans les deux siennes et
avec une torce de lendresse passionneacutee il dit seulement
- Michegravele
Oh la douceur de ce nom tians sa bouche Oh
(~IIe lpeleacutee ainsi [Jill Lui ce me parut ecirctre comme une
pltlIIii~le eacutetreinte ct je Irissonnni dun frisson inconshy
IIU Dans lcs mains puissantes qui pressaient mes
ltjoils il me semblait sentir Ioule la substance de SOli
amour descendre en moi el monvelopper dune vague
somplueuse t luurde dexlase alauguie
ldais look alalldolllleacutee lt lorsque sasseyant SUI
UII talus killl-Itcneacute lUilUiliI aupregraves de lui je sentis
avec deacutelice ma faiblcssc devant sa (oree et je rae sershylai 10111 coulrc lui
Michidc 1(~plmiddotlililil il mi-voix ~Iiehegravele Michegravele
1 (lorn 1I1i1 ruuin il ses legravevres
- VOliS OcircII~S mou ideacuteal Michegravele reprit-il vous ecirctes la beauteacute dl mes llves el lintelligence de mon espeacuteshylance Mais Iii vie lttue je dois vivre sera souvent agraveshypre cl padois douloureuse La Cause que je SCIS est
cumhat lue car bien peu la comprennent Vouloir le
honhcur (ie hnuunr-s cest accepter Iisolemeut cl Iii hardiesse des idees cosmiques a besoin de soldats coushyrageux et pcrseacuteveacuteJanls toujours precircts agrave la deacutefense tou
~ ~ 1 1 ~
LA CONQUEcircTR DE LIDEacuteAL 105
jours precircts il subir Iii conlJadietion des preacutejuges les
assauts les plus deacutecevants et surtout les incompreacutehenshy
sions les plus navrantes Quand il est question tfeacutequishylihrcr le deacutesordre colossal des socieacuteteacutes chacun a des
yeux de lynx 10111 npercevoir tontes les dilficuleacutes de lœuvre les milieux ne sont pas preacutepareacutes les hommes
sont trop insoucieux dun bonheur encore lointain quil sagit de conqueacuterlr et les objections abondent
Cest justement parce que linertie est graude quil
nous faut plus deacutenelgie pour commencer ladmirable
tacircche ct aussi toulc ma viegt VOliS compr-euez Mishy
chegravele tou te ma vie est deacutevoueacutee lt1 cette Cause et ma vie est seacuterieuse ct seacutevegravere
Je veux que vous ayez bien compris Iii glaviteacute de
cette existence mon il mie avant de me permettre de
vous dire tout cc (lui de moi deacutesire senvoler vers VOliS
avant de vous dire que mon lime est pleine de vous
el que mon W~III bal biea tort dans ma poitrine ce
soir en vous parlant de vous sentir si pregraves de moi
si confiante si honne jIon unique recircve est eu vous
mon espoir sacreacute chclcheacute depuis des anneacutees cet in fi ni de feacuteliciteacute cet apaisllment de taut ltle peines ma
lumiegravere mon bonheur mon amour tout ce (UC je suis et tout ce que jespegravere tout est Vous
leacuteprouvais un bien-ecirctre deacutelicieux une eacutemoliou de
douceur (ode Une pleacutenitudlaquo de joie immense tandis que
sa voix enveloppante me parlait ainsi et de tout ce
que jentendais ct de tout ce que je voyais du ciel illumineacute de la mel argenteacutee par la 11Inl toute 10nshy
de qui moulait dans le zenith lcalalllt el maistnenshysv Ieclosion de 11I111I egravelr e stnrichissilil eacutemelveifleacutee de leacuteclosion paleille fie celui que jaime
l ------shy
~-t f~t
~~~~~~~ ~ ~ ~J~
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL106
- Reacutepondez-moi Michegravele leprit-il avec une allenshy
te freacutemissante
MOIl visage heureux seacutetait appuyeacute sm sa large eacutepaule et je ne pus lui dire quune phrase mais je
la lui dis du fond de lacircme - Je vous appar liens toute en liegravere
Un eclair de bonheur parlurna son regard et dans un eacutelan subit il se mil debout devant moi puis il
se pencha doucement et mc baisa sur le Ironl
Et nous nous regardagravernes sans plononcer une parole Ce fut Jean-Reneacute lui rompit le silence A voix basshy
se presque timidement il me dit laquo Ma cheacuterie je
taime Jt El moi comme un eacutecho jai reacutepondu laquo Je
taimbull raquo
A ce moment la nuit triomphait
La lune au dessus des flots laissait tomber une
gnmde lueur qui faisait SlI la mel une infiniteacute
leacutetoiles se balanccedilant agrave lhorizon multiples Itlellugraveshytres dans un sentier (largent tout caresseacute deacutecume
_ Comme celte Duit esl grande murmura Jean-Reneacute
comme celle nuit est belle et glolIcirceuse
Et YOUS ma cheacuterie vous ecirctes plus feacuteerique que jashy
mais sous ce ciel fleuri deacutetoiles ct dans vos yeux
bleus si infinis je vois encore un ciel aussi profond
a1l8si pur aussi radieux que lautre _ Jean-Reneacute lean-Reneacute 1
Et en lappelanl ainsi toul mon ecirctre seacutelanccedilait vers
lui Lorsque nous avons rejoint nos hocirctes il ma quitteacute
le bras et nous 1I0tlS sommes dun commun accord
tacite lIU peu daigneacutes lun de lautre
= LA CO~QUFTR ilE rmRA L 107
Ceci le fit sourire de son sourire si jeune cl charshymant SOIIS la graviteacute habituelle de sa physionomie
- Oh 1 une eacutetoile filante criait le petit Guy
Une graade fuseacutee de joie venait eu effet de sillonner
le ciel du nord au sud apportant un eacutellange mouveshyment dans lapparente immobiliteacute de lordre ceacuteleste
Et Jean-Rene (fui avait rejoint Mme Torguegraves lui pli shy
lait des mondes stellaires
- Le livre des Etoiles disait-il La lahle des grands
secrets La route hieacuteroglyphique imuuuhle qui pour
ceux qui savent en deacutechiffrer les figures mouvantes
ouvre l-s portes Ile la connaissance les arcanes de lharmonie
20 J uillet
Chaque heure tailleacutee dnns notre bonheur 1I0US (nshy
traicircne plus avant vers la communion infinie de lamour
et de la pensee el notre tendresse augmente irreacutesisshytihle comme le flux puissant avance agrave la mareacutee monshy
tante sans que rien ne puisse le retarder
Assis sur le vieux dulmen aupregraves de la source qui
chante nous avons hier passeacute un momen t exquis cashy
cheacutes par le rideau des feuilles tremhlautes du saule ishysoleacutes de tous isoleacutes (UII dans lautre
Nons~eacutetions tregraves eacutemus de ce tegravete- agrave-tegravete facile et charshymanl A voix basse Jean- Heneacute prononccedila - Maintenant donnez-moi votre regard longuement
Nos yeux se conlondiu-ut el 1111 charme Iascinateur- intensement fluidique 1I0US unit llin agrave lliure
- Comme notre agravellle rayonne dis-je doucement
~~
108 LA
Alors lui se pencha et nos legravevres se sont unies
Avant de quitter notre retraite Jean-Reneacute cueillit brin de genecirct dal pousseacute seul parmi les nissantes des vieux saules
- Mon Elue ma Fianceacutee dit-il Irant la fleur embaumeacutee
Et comme serreacutee dans ses sur sa luge eacutepaule il con tinua avec
- Vous me permettez de vous
- jen suis tregraves fiegravere et jen suis reacutepondu
- Une vieille leacutegende galloise negravet parle bonheur aux fianceacutes agrave cause
de soleil couleur de lessence et de la vie et agrave cause aussi de son parfum doranger fleur de la marieacutee Nc que ce porte-bosheur soit venu
gage de promesse agrave cette heure divine fianccedilons
Sa voix eacutemouvante faisait trembler
- Vous ecirctes lideacuteal de mon ideacuteal ecirctes la vic de ma vie vous ecirctes mon Tout et je suis li toi ajoutai-je en serrant tegravete cheacuterie en tre mes mains je suis agrave jours eacuteternellemen t sans
- Oui reacutepeacuteta mon ami tu as nous sommes lun agrave lautre depuis jours eacuteternellemen l sa us limites
109
J ~~J ~pri-1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
--
Notre amour est noble et grandiose et profond Qui peut dire quand ila commenceacute
Alors allant vers le Bois des Lys nous regardacircmes ail loin le ciel breton pacircle et deacutelient le jardin en fleurs il lentreacutee du bois qui semblait 1Ir deacutecor de recircve sous les vapeurs mauves et lOses du prochain creacutepuscule
Puis nous nous regarducircmes longtemps jusquau fond de lacircme Et nous nous sommes embrasseacutes silencieushysement comme poII sceller notre promesse nos fianshyccedilailles notre han hem dans un silence lcm pli dUne eloquence vibrante et dun eacutechange eacutemu et sacreacute
Lui sembla descendre et se recueillir dans les proshyfondeurs de son egravetre el comme sil revenait de quelshyque contreacutee lointaine lentement gravement il ma dit
- Savez -vous Michegravele pourquoi nous avons eacuteteacute
attires avec tant de forccet de certitude vers le lieu
de notre rencontre Saveuroz-VOUS pourquoi degraves le plC-middot mier jour tout cc que nous sommes sest combineacute illumineacute magnifieacute lun dans lautre savez-vous pOlllshyquoi notre premier regard a eacuteteacute extasieacute pourquoi no tre premier contact a eacuteteacute comme un repos POlIlqIlO degraves 10 rs notre penseacutee na plus cesseacute de nous unir ct pourquoi des mondes se sont eacuteveilleacutes en nous comme des musiques de lumiegravere ct savez-vans pourquoi vous
mavez vous vu dans un de vos recircves en 1111 soir ougrave votre lime parlait
Cest Michegravele que Ics helles leacutegendes sont vraies que tout senchaicircne et recommence que dc tels que nous sont venus et revenus deacutejagrave sur celle terre cest
-
CONQUEcircTE DE LTDRAT
passionneacutement eumlperdumen t
un branches beacuteshy
lentemeat en mofshy
bras jappuyais ma tecircte douceur
appeler ainsi
si heureuse ai-je
raconte que le ge de sa couleur
la germination de pareil agrave la fleur
pensez-vous pas fleurir ici comme un
01 nous nous
mon agraveme
Jean-Reneacute vous en fout
agrave mon tour sa toi pour toushy
limites bull agrave jamais
raison ma Michegravele toujours et il Loushy
pou l jaurais
--l
-
1 ------
LA CONQUEgraveTE DE LIDEacuteAL110
lue nous nous sommes reconnus parce que nous nous
sommes retrouveacutes
Viens ma Bien-Aimeacutee ma Toute-Belle ma TouteshyRadieuse viens te souvenir
Viens revivre les anciens bonheurs plus somptueux
plus mCICill~ux llus magnifiques parce que toute lexplirience et toute la science et toute la joie de nos arnes seacuteculaires S~ cnndcnscnl maintenant pour reacutealiser toujours pllIS toujours mieux uulre ideacuteal notre ideacutee
notre dualiteacute
_ Oui llpoudis-je comme eacuteveilleacutee par ces paroles
en des temps anliqlles je sens tout cela depuis toushy
jours Mais ce que mes recircveries apportaient en moi agrave
certaines heures intenses de splendides contempl bullbull tions
ceHe sorte dextase certaine en laquelle rien naurait pu enlever ma foi eacutechappait padois fugitive il ma
penseacutee consciente et maintenant je sais quavec VOliS
je trouverai les chemins qui reacutevegravelent qui affirment la reacutealiteacute des veacuteriteacutes que connaicirct nol1p ecirctre inconshy
scient el dont nuhe esprit nentrevoit trop souvent que
de Iaihles lueurs je sais quavec VOliS je trouverai les chemins mysteacuterieu x qui peacutenegravetrcn t un pell da ns cel te
complexiteacute eacutetonnante et occulte quest la vie
Dans la vision radieuse ougrave je vous ai reconnu pour la premiegravele fois Jenn-Rcneacute VOliS avez deacutejagrave fait vibrer (1) mon cœur les libres du souvenir et celles du travail
magnifique actuel et celles dun g(and espoir
Vous mavez appeleacutee il vous comme vous venez de le faire encore et vous mavez deacutejagrave padeacute des belles choses quIl y a de pal le monde agrave accornplir ensem ble des recircves agrave reacutealiser des reacutecoltes agrave moissonner
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL III
des conquecirctes agrave poursuivre des espoirs agrave faire renaicircshytre des victoires agrave remporter des destins agrave magnifier
Et votre voix inoubliable a reacuteveilleacute en moi tout IIn passeacute lointain endormi dans mon egravelre
- Ma bien-aimeacutee leprit-il avec une eacutemotion heureuse je veux vous dire aujourdhui qlle moi aussi avant dnvoir le bonheur de vous rencontrer ici je VOliS ai vile souvent je vous ai padeacute souvent et qlle degraves
mon premier reg-ard en vous approchant SUI la plac creacutepusculaire devant ce coucher de soleil feacuteerique jai reconnu celle que jairnc Celle (lue jai toujours aimeacutee
Degraves ce sail lagrave jaurais voulu pOSC1 mes legravevres sur vos cheveux el vous dire simplement
- Tu es il moi comme je suis agrave toi te souviensshytu comme je me souviens
le VOliS avais d(~jagrave si souvent admireacutee et peacuteneacutetreacutee et comprise
Et depuis des mois jP vous cherchais tellement
Si souvent je vous ai vue toute semblable agrave ce que vous ecirctes en ce moment avec vos g~ands yeux hleus
pensifs pareils agrave limmensiteacute avec vos cheveux (101
releveacutes sur la nuque avec vos mains fines et votre bouche joyeuse
Si souvent je vous ai contempleacutee je vous ai admireacutee assise SUI un large sopha chargeacute degt coussins eacutepais dans une chambre toute rose dune eacuterugravece 1111 peu olishyentale avec son lit mauresque tregraves bas ses vases lII
terre ses crucheltes ct son brucircle-parfum de cuivre cishyseleacute ses etoffes roses et 01 de soie algerienne ses kashykeacutemonos japonais et tout le confort de ses grands
Il
tAJi ~ --~ ~4 J-t 14 1 t l 1 f J J 1 1 1 il iuml==f F1 -1 1
LA CONQUFTR DR LInRAL112
Iaulcuils de son vaste hurcau de ses souples tapis de
sa haule lampe iudicnue el toute latmosphegravere chaude
ct Illll( dIlne piegravece ougrave hm aime il vivre il penser
il 1((1
Ma surprislaquo S(illllI(illaii plo~I(s~iv(mclit c(lle
de~eliplioll si plOllllallllllplil (adc el lIillarlllable de ma
chamhre de jeune tille
Il lul sur mon yisa3c ccl (mcrveillemenl et continua
en som-innI
-le lit suis pas lili SOITi(I ma cheacuterie El je ne
lais pas de mirerles Quand YOllS aurez lin pell lravailleacute
avec moi la science psychiille tladitiollnelle VUliS
comprendrez 1legraves litt~ilcmell lcpliealion de cc qui peu maintenant YOliS palailrc mvslcrivux el qui vous
parait ainsi un iqucuu-ul pa rrc qll( VOliS i~nollz eucnshy
n les raisons sciculiflqucs les ra uscs dies tfrels nashy
turels de pheacutenomegravenes semhlahles
LOISqllOIl peul etudier (I)lIlplelldll~ analyser ex 1)shy
ruucn lrr lIplod IIi 11 il volon l lII un mot lursqunn
arrivlaquo il (xpliqll(1 scieilliliqlltnltill CP qui (si appeshy
leacute le laquo Slllll3tlllcl raquo 011 sil)tr~oil IllIe rien ues surgt
naturel (lIe le muaclaquo tI 1( hasard nexistent pas el
(l(~ la nature contenunt tout rieu ne peut eacutetre en
delierraquo delle _ Al()s dites-moi queslionunije l regraves interessee 101sshy
11t~ vous dl~s venu il l(I-~ollhd saviez-volis aussi qlle jy (Iais my aviez-vous vue
lai senti qll( je devais vr-nir ici cl(Z 1lnll 101shy
gllis POlU une raison plofonde mais je neacutet ais pas
assez conscient pOlll me lClIdle comple de cc qlle poushyvail rtre ceUe ltiSOll Cependalll c~lle inluition elait
LA CONQUEcircTR DR rIDRAL 113
si intense 1IH cIsi pour lui oheacute i r qll( jil quitte cel
eacutel ma III e a(~e lalIIII il passe lamilialrment cihllhillld~ lous les ans rr(s vacances
rou~ ne pouviez dOliC pas Ille voir il distance dans llI-)ldl(~1 couuu e OIlS mavez VIII dans ma cha rulm- il la ris
- i01l 011 du moins bcall(ollfl plus dilricilernenl
Cc qui Ia il Ille je VOliS i si souvent r(lald dans voshyIll jolie chambre lost c(sl qlle cet te piegraveclaquo est toute
spccialemen l (IIi(r dt vos fllOfllts forces cl qlle
celte au risn lio n lsi (OIllIU( Ill ldlt~cf(lIr Ill phare
une aid( pour Il seusil it IllIi chere ho ~ oil il distance
lnunsatton c(1 la mdiegraverr nerveuse matiJc plus
rilleacutefieacutee JIH la mlIiiI( plnsilllc qui ltlcllilppanl de
IlnlIS impregravegne lallllOsplllll d(lrllI( 11
Iormunt 1I11e amhinuce 11I11IillllS( plus 01
rahle visihle pour le vovaut cIsl-il-dilI
qui pl~1l1 voir dans ce dtgl~ plus rmfil (le Je dis alors
dl 101(es
moins dushy
pour celui
la matiegravere
Chaque 111 lII rt lsi 1111 vruan a leur lit forshylls
Plus 011 moins puissant rpolldil-iI plus 011 moins
deacuteveloppeacute Nous a vons lous (11110111 dl 1I01lS 1111 eutoushy
rage lin en velnppeman] fluidiqll( d ces fOlrts Ille
nous eacutemanons ((st re qui cuu s li lue Iuurn La coushy
leur la forme les eaparilts de laurn S01l1 multiples
ri immense est ItIldlll dlt (~(~llt~ slilrH des auras si lIeacuteg-lieacute~ si ill(~olllei uo lre liPOIIl
-- Que je str1i bCIlIrll~(~ qlland VOliS (10I1IItZ 1111(1shyprenlre tous crs mOllths d(ludlS pl de ~ilgISSr meacuteshyeriai-je
-------~----------------~
114 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
~
Puis je lai lluestionn( encore
_ AIOI~ lorsque d ans tonte la Bible on peut seacutetonshyner de voir ces hommes de Inie les palriarches les
pl()phi~le~ choisir en 111I moment la comparll~ de
leur vie nest-ce pas justement luce que rwchiqlleshyment ils se reconnaissaient lun lautre immeacutediatement
eacutetant assez lvol lieacutes usez conscients POIII agir ainsi
_ La Bibl comme les Veacutedas comme lAvesta comshy
me tant daulres livres sacreacutes renfr-rm des prolonshy
deurs sublimes malgreacute les traduefions insatisfaisantes
malgll hien des passa~es mutileacutes prrlills ou translorshy
meacutes et votre penseacutee est juste ma r-herre
_ Je suis si heureuse ai-je poursuivi clIe VOliS
connaissiez ma chambre car je ne sais pourquoi p~r une sode de pudeur jl nai iamais voulu y laisser enshytrer que de lregraves rares amies Elle est bien mon cadre
le plus intime et il me semble que de lavoir ainsi
peacuteneacutetreacutee cest un peu plus rie moi -mecircme qne vous
avez pris JI
laquo Il Y il plus de secrets dans le ciel et sur III terre Horashy
tio quils nen ont trouveacutesdllnl toutes leurs philosophies JI
dans laLI soir je suis entreacutee comme dhabitude honnechambre de ~rand pegravere rOll lui souhatter une lui etnuit En membrassant il me releva la tecircte vers
me regarda jUSCJUllll fond des YfIlX_
Je le sentais vibrant et tregraves lmil _ Sais-tu 10011 entant dit-il simplemlnt drpuis comshy
bien de jours lu connais M Formant
J - J J LA CONQUEcircTH DE LIDEacuteAL 115
1 l lOU gis palce lJ ue jaurais vou111 pouvoir garder plus longtemps pour moi seule notre grand secret
- Tn ne veux doue plus me consideacuterer comme ton vieil ami reprit-il
- (rand-pegravere cheacuteri meacutecriai-je lu sais bien que tu
seras le premier agrave qui je parlerai de mon bonheur Mais pourquoi me Ir demander si icircle
- Comprends ma petite fille qlle je ne deacutesire aushy
cnne confldence de Cl que lu veux ~-arder comme lin
treacutesor cacheacute tout ail fond de ton cœur Seulement ne
suis-]e pas lagrave encore et respnnsable de la jeune exisshytence nest-ce point faire mon devoir qlle de guider
les pas
- Til as raison ai-je murmureacute alors et si ton affecshy
tion pOli l la petite Michegravele ta fait deviner la veacutelIcirc leacute
pourquoi le la cacherais je J Et puis je suis heureuse ~rand pegravere je suis deacuteshy
licieusernent heureuse de pouvoir enfin te parler de
Lui
Ah tu me demandes depuis combien de jours je le conaais
Grand pegravere gland pegravere jl ne puis le dire je nen
sais plus rien mais c( qlll je sais ce que tout mun ecirctre eacutepanoui alliumlrllH PI proclame av(r alleacutenssl cest qlll deshypuis crs quelques jours jai veacutecu rlt-s mondes cest quenshy
tin jc Ill suis nl(~ qlll depuis nohc rcnconlre je Ile vis
je ne sens jl lit comprends jl nexiste que depuis quII est ici
Voilagrave coulinua ~rand pegravere soucieux ce que je pensais Mais je Ile croyais pas que tu le serais ainshy
~If f =1 If If H H H ~ H ~ -1 ~ ~~t
LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL -1116
li laisseacutee aller si vite comme une enfant
Je linterrompis
- Que dis-tll Comment toi tu ne l)[lImiddottag~s pas
ma joie
Sa voix tremblait lin peu lorsquil rem-it
- ~Ia Michegravelc mon treacutesor Pour Ion bonheur je donshy
nerais volontiers tout cc qlle je suis et jespegravere avec
une force dont on pourrnit lmire un vieux cœur cornshyme le mien incapable qlle lu as trouveacute le bonheur de ta vie Ton avenir mais ma cheacuterie ton avenir cest
ma penseacutee cest Illon espoir cest aussi mon lourment Si lu me vois troubleacute il un moment OlJ tu tattends de
ma part il une joie deacutebordante cest que je crains enshy
core que trop tocirct tu aies loi en lin espoir qui mest
cher mais qlle jaurais voulu llus certain avant quil
ne grandisse ainsi en toi
Jai si pelll lOUI ma Michegravele (ie la moindre souffranshy
ce de la molndre deacutesillusion Rent Formant me Tait
leffet je le lavoue dlin ecirctre exceptionnel par le cœur
comme par lintelligence el jai pour lui une immense
sympathie
Comment apregraves ces mots ne las linterrompre
-- Laisse moi tembrasser tregraves 1011 grand pegravere pour
cette parole
- Mais cheumlrie tu comprendrus facilement que jai
mille renseignements agrave prendre sur co jeune homme
sur sa famille SUI sa vie sur sa situation el quil seshy
rail peu sage a toi de lui faire aucuue promesse avant
de connaicirctre davantage les pnssibiliteacutes dlin projet vous
concernant tous deux
LA cONQuin DE LlDEacuteAL 1I7
Celte ideacutee de laquo prendre des renseignelllents J) sur JeanmiddotReneacute me fit eclater de rire
Cependllnl une lnruu deacutelllOtion (pli roulait sur la belle harhe blanche 11I( lendil aussiugravel moumiddotseacuteieux
- Ne spis pas inquiet mon cher grand pegravere ta petite Michegravele est sIcircrre duvoir trouveacute son bonheur et elle est
tranquille deacutesormais dans un chemin si noblement beau
ii eacutetincelant de lumiegraveres pures et diamantines (IUC
rien de deacutecevant ou damer ne pourra ly surprendre
Ali conlraire je monterai maintenanl de beauleacute en beauteacute velslIdeacuteal qui ne le voilera plus
- Je veux que lu dises vrai reprit-il glavemenl Seulement je dois le rappeleraquo que la vie est seacuterieuse
que tu es tregraves jeune et que si rnalgeacute tes dix-huit ans
je te laisse aussi libre dans tes allures aussi lespollsahfe
de ton deslin cest laquoIle je llois profondeacutement en le
jug~me[Jl saie el sain de ton Ame et de ton inlelljtncf~
~e me donne donc pas de regrets pas de l(morlls
plus tard de tavoir eacutelevtie pal celte meacutethole que jai
ClU bonne en te preacuteparant tregraves lot il la lihelleacute cons shycienle eu te formant tregraves tocirct un cœur Je femme
Leacutemolion du bon visage hienveilJalll milvait gaglHt~
- Oh oui je sais tout ce laquone je te dois glalll pegravere cheacuteri et ma lecoullilissallce aUeudrit veul pour Il~ lCshy
mercier de Iaut de vrnio tendresse devenir 10UjOUlS plus
digne de la confiance rare si encourageante si preacutecishyeuse que lu as mise en moi
~ ~ ~ ~ ~)
LA CONQuecircTE DR LtDeacute~L ll~118 LA COllQUEcircTIl DR LIDEAL
- Ne me tais pas plus de mal Oh pourquoi es-tu venue ici cet eacuteteacute r Pourquoi esmiddot tu venue
21 Juillet
Jai provoqueacute ce matin la conversation tlue je senshyJe lentraicircnai sur Il canapeacute oit je lattirni Ioule PlOshylais neacutecessaire entre Edrnee et moi
che _ Laisse moi Michegravelt seacutecria -l-elle brnsluemenl sishy
tocirct tlue jentrai dans sa chambre CIl se levant du fall shy -- Til as tort de regret ter ma preacutesence cheacuterie Qui teuil ougrave elle eacutetait assise laisse-moi Jai besoin decirctre peut dire que si je neacutetais pas 11 J~all-Itcllt~ et moi Ile
nous serions pas rencontreacutes un jour et que plus dt soulshyseule 1 Irances encore auraient pu samonceler CI~ SOllt les _ Non reacutepondis-je en la serrant dans mes bras non atfiniteacutes qui (ont les attractions el lorsque deux destins je ne te laisserai pas Je sais ton chagrin je pleure tendenllun vers lautre tout leur est lin chemin pOUlde tes larmes el jai le droit de venir pregraves de toi te se retrouverconsoler tentourer te bercer dans ma tendresse Ne
suis-je donc plus ton amie - Non Michegravele interrompit Edmeacutee je Ile crois pas
-Tu as pu remarquer pourtant Michegravele reprit-elle cela Avant de te connaicirctre il eacutetnit heureux deacutejagrave de nous
avec amerlume que je vous laisse suffisamment lun agrave venir voir agrave Kel-NouH el ce Il~tail pas pour loi puisshyquil tignoraitlauhe lean-Heneacute et toi sous diffeacuterents preacutetextes que
mon cœur sait bien trouver Et maintenant jai beshy Mais t es passeacutee aupregraves de nous el la beauteacute la eacuteshy
soin de me recueillir et toi lu naurais pas de pitieacute Bloui f tu es passeacutee aupregraves de moi illI moment ougrave poushy
_ Oui rai va la tendre bailleacute mais jai VII 1Iussi que
vait naicirctre mon honhem- et jaul ais dugrave It~ preacutevoir cl
lorsque je vieas agrave toi d que lu me repousses avec un cela nest pas -je la [aute el jf l( len veux pas llIais
ail larouche lu ten us plm loin toute seule pleurer la ton eacutehlouissanlaquo jCllntssc a lail pagravelir il Ctlll dt loi la
pacircle Edmeacutel el luij] na plus apcrccedilu qUl le illag-e ciesolitude lumiegravere el de Icerio Ille tu laisses pal dellitIe toi
Laisse moi meacutelanger Illon atteclion qui comprend agrave ta Mainlenant mou co-ur lt 1111 momie iumlermc la Ileur
douleur cluelle po11 qulaquo jose encore croire que notrl de mon arne est lIeacutetlie
amitieacute si pure si fidegravele ne seffeuillera pas bientocirct cornshyDe grosses larmes roulaient des eux candides desme une lose faneacutee
puvts vellx qlle jelllhlassltlis Elit palIilil Ugrave voix IrugravesChegravere petite Edmeacutee deacutechireacutee et souffruute je veux basse el llit ajouta SIII 11 1011 dur d agraveJlll lII rhtlTlliInt
te laire du hien je peux le taire du bien ne me reponsshy agrave se deacuterober se pas je teD prie 1raquo
- Je tassure laisse moi le taime lu le sai d jeElle alors toute taihle et leacutegegravere fiappuya sur mon taimerai toujours tHais je lit peux pas te pmler en
eacutepaule ct uuglota doucement 1
IRRR R R R R R~ 120 LA CONQUEcircTE DB t1DEacuteU
ce moment Laisse moi Je veux ecirctre seule Si tu as pour moi quelque pitieacute Ile me parle plus 1
- Au contraire parlons Lit parole peut ecirctre un baushyme elle peut elle doit nd ra icircchir nparer reacuteunir oushyvrir les portes closes
Laisse entre nousIa parole laire de la lumiegravere ne descends pas dans la douleur farouchement instinctive comme dans une prison teacuteneacutebreuse
Cest dans lIntelligence ltlue nous devons vivre Comshyprendre cest triompher et SOli venl la souffrance serail moins amegravere si nous ne voulions pa~ laisser notre desshytin ecirctre an ecircte egravetre tenue par elle Aussi je ne te quitshy
terai pas Il faut que tu voies les choses telles quelles sont non agrave travers le brouillard illusoire de linexpeacuterishy
ence et du desir
Ecoute ma cheacuterie tu dis ltlue Jean-Reneacute eacutetait heushyreux avant de me connaicirctre de venir le retrouver mais pensesmiddot tu que souvent el souvent deacutejagrave son agraveme de poegraveshyte a dIIcirc seacutemerveiller ltles rencontres virginales qui ont
traverseacute Son chemin 1
Crots tu quad miration eacutechange affiniteacute tranquille
est comparable agrave linteacutegral amour
Il est venu vers toi mais pour combien de temps
Ah 1 la vie est plus complexe plus plastique plus oceacuteshyanienne (lue IIOS Iaihles eœurs 11 serait si beau desshy sayer chaque jour de nous rendre plus vasles et plus vasles encore pur ecirctre moins indignes dlaquo ses doas (
1 somptueux 1 1
La douleur dont tu souffres mon amie Ile sera pas 1
si tu le veux la tristesse lourde qui eacutepuise qui aneacuteshy bull
f- ~~ ~ ~ ~ ~ LA CONQuecircTB DR UgraveD~U li1
antit mais la douleur leacutegegravere qui sans deacutechiremeat sans rupture par II seule transformation de neas mecircshy
mes agrandit tout el preacutepare dei bonheurs futurs
Aucune ucircpreteacute nest en elle puisquelle nest uniqueshyment formeacutee (lue de notre reacutesistance injuste au bien reacuteneacuteral el que dans ce bien DOUS devoas ecirctre compris
Non Edmeacutee IID peu plus deacuteclat lin pen plus de 101shyce un p~u plus de recircve ce nest pas cela qui peut deacute sunir les agravemes unies cal chaque ecirctre a sa direction el tend vers un ecirctre Cest lont UD ensemble de qualiteacutes qui sont attendues et neacutecessaires pour le repos et lIl
lumination du destin et comment deux nalures disshysemblables pourraient-elles sa tistaire le mecircme problegraveme
Edmeacutee si tu eacutetais conscien te si tu savais choisir tu ne laurais pa~ choisi r puisquil est mien PI j suis agrave lui puisque nous eveillons lun OIIlS lautre de hauteur eD hauteur lindicible flamme du sanctuaire puisque 110US sommes un monde nouveau et UR monde ancien un monde eacuteternel
Acirc moins que - mais il faut pour cela aussi un cœur
qui sache souffrir pour la plus haute ideacutee un cœur qui sache trouver la joie dans limmeasiteacute de SIl propre reacuteso-shylution dans le deacutevouement dans lacceptation des deshygreacutes naturels qui nieacuternrchisent toutes choses - agrave moins que tu DC sois de celles dont la 100ce est daimer et qui se donnent salis rien attendre salis rien espeacuterer
Cettegrave femme Iii est heureuse de voir le bonheur de celui quelle aime sans en ecirctre le centre elle se reacuteshyjouit de participer agrave sa vie lans en ecirctre leacutetoile elle st satisfaite de recevoir sa penseacutee et no son amour elle
~ ~ ra r-
122 LA CONQUiTE DE rrn~AL
sait que sur la terre entiegravere il ny a pas lin homme si ce aest lui
El plutocirc qlle Je cherche il amoindrir son ideacuteal elle preacutefegravere renoncer aux banales salisfuctious dune union
saas rayons el slins aureacuteole Elle LII vu de loin elle La compris non pas avec ses possibiliteacutes actuelles el capables dl lui reacutepondre mais avec ses possibiliteacutes fushytures et la vision confuse de la splendeur heacuteroiumlque quII
est en tics sphegraveres encore inaccessibles
Edmeacutee minterrompit et seacutecria
- Tu parles de sur humains 1 Quelle vie que celle
dune Iemme qui contemplerait tous les jours son bonshy
heur perdu Quoi nne femme donnerait toul et sn eacutechange elle ne recevrait quune pari de lecirctre quelle
aime et quelle pa rt
Jai reacutepondu encore mais je savais bien celle fois que cela eacutetait inutile
- Pourquoi toujours j ugel (la pregraves un princi pc faux
parce quabsolu leacutechelle infinie des ldations et des correacutelation
Pourquoi exiger coarne un droit pour ce vide que couvrent leacuteg-oiumlsme et Iorgueil ce que peut-ecirctre la uashy
turc la reacutealiteacute la vie ne peut nous accorder comme
un fait t
Mais ce n f~sl pa pOlll loi cheacuterie (lue jai deacutevelopshy
peacute celle alternative el III me connais assez pOUl savoir que le seul souci de ne pas truhir lideacutee ma euh-aicircneacutee
jusque lagrave
POlir toi je le sais je le sens Inn destin nest pas fermeacute tu nes pas faite pOUl egravetre une renonciatrice
~ bull ~ --- ~~~-- - ~r~~
LA CONQUEcircTE DE LIDRAL 1~3
damour el dans ce moment mecircme je vois au loin quelquun dont tu saurais bercer les enthousiasmes fiegraveshyvreux dont ln saurais apaiser les soifs ardentes el que laltractinn (fui mesure laffiniteacute amegravenera sans doushyte tocirct ou ta ld au devant de tes recircves reacuteveilleacutes
22 J uillet 1
Jean-Reneacute heureux et grav ma donneacute tout 1 lheure cette lettre quil venait de reeevoir
laquo Hon Fregravere
Quoiqne VOlIS ne nous layez pas eacutecrit nous savons combien votre yoyage au h0111 de lOceacutean vous apporte comme le vent du large un flol dexpansion et r1~ )i~
sur la route du bonheur
Nous avons beaucoup daffiniteacute pour la pure aUrl blanche que nous sentientons pregraves de vous et qui vous donne le repos
Soyez deacutechargeacute en Cl moment de lous les soucis et
le responsabiliteacutes de votre rocircle qui sera rempli sous notre direction par vos aides habituels afin que vous preniez dans ces moments radieux de la Reucoutre tout
ce que vous ecirctes capable dy prendre en force et en joie afin quaussi VOliS puissiez donner bull celle (lui
desormais attend tout de YOUS linteacutegraliteacute dont elle a faim et soif lOUI leacutepanouissement de son ecirctre Jean-Reneacute Vous aimant comme je vous aime nul plus que moi ne se reacutejouit de limmense joie de votre cœur 1
Je vous embrasse Fregravere et no Maitre rous ento
t Jr- J1- J=t J=-=-i J==f R J==-f J~ ~ 1 R r-1 ri ri rl rl 1U LA CONQURTE DE LIDEacuteAL
rent Reneacute J)
Intriguee el eacutemue je relus plusieurs fois ces Iilnes
Jean-Reneacute alors me dit qnil y il une demeure pour lui
sacreacutee 11I1 fOY(~I II( paix de lumiegravere el damour qui dans le chaos parisien est un refuge pour la penseacutee un abri pour le cœur cl lagraveme
- Dans celle maison ajouta-l-il jai compns ce que
pourrait ecircfre la vil dans sa reelle beauteacute Jy ai beaushy
coup appris je veacuteliegravere ses hocirctes el jai la joie dy ecirctr e
aimeacute
Son nom lOuslaquo indique ce quelle est pour ceux
qui se sentent isoleacutes dans le deacutesert du monde pal leur
penseacutee mecircme Mes maicirctres y hahitcnl d ils vivent lagrave
comme en un large phalanstegravere il plusieurs qui font
lŒuvre Cosmique ensemble La solide fraterniteacute de leur communion inteacuterieure les aide il aplanir les dilflculles
les obstacles il supporIer les iucmnpreacutehensous les
deacutecevanees parfois ruegraveme les trahisons dl~ Inules sodes
La je voudrais vous conduire Michegravele avant que
vous soyez ma lemme
La ie vous lrai coanaitre le pegravere de mon inlegravelishygence Sarama lun de mes maicirctres Lit vous applenshy
drez agrave cOlllplendJ(~ cl il admirer mes deux chers et
grands amis Relieacute qui meacutecrit comme ils ont senti el
vu psychiquune~ll la beauteacute de notre reneoulre el sa
deacutelicieuse compaglle Stella qui deviendra bientocirct votre plus reacuteelle amitieacute feacuteminine et dunt la belle eacutevolution aidera la vocirctre
Je plisse lIl general chaque j01l1 dl longues heures agrave lOasis Jy travaille de lout Illon egravetre pour notre Cause
LA CONQEcircTE DE LIDEacuteAL 125
Je vais reacutepondre toul dl suite il Reneacute ltIne desormais
nos forces rluelles seront il t~UX pOUl les aider dans leur
lourd [lacircche nest-ce pas Michegravellaquo et combien [eur
lettre qui a devanceacute celle que je voulais lem ecrire el
(flli nous montre i ltflJ( 1 point ils nous devinent nous connaissent el nous prolegravezlnl 1I0US t~sl infinimr-n t douce il lous deux r
bull Ali milieu du monde ougrave ils 0111 choisi dl rester afin(
dy travailler ils sont lit hors du monde Ils ne touchent le monde quc p01l1 le Iormrr le classilil~I leacutevoluer
i le transformer Ils Ile S01l1 las touches pill lui el eushy1 sent son contact Cc qui VOliS eacutetonnera peul-ecirctre Iicbegraveshy
le ils ne participent pas aux joies de lad actuel dans
lequel vous lrouvez encore d( si hauts moments parce
que cet al est pOUl eux diminueacute el sali pal les reflets
du deacutesordre qllil l(~oil el incorpore comme sil les
acceptait La Haie 5pililllillitp lsi leur loi leur vie il
toutes heures (II est baieneacutee d lII eacutemane Ce sont des
JJJis-i-I selon 11111 vjpillt pillOf pOUl la seule chose neacutecessaire la lransfnrmation (le lhomme pt de lecirctre
23 Juillet
Grand pegravere a leccedilu de mvsterieuses lettres de Paris
qui lont eacutepanoui le dpvilll lexcellence (les lallltux
laquo lenseignements) quelles contenaien t
1 ma regardeacute longuement doucement apregraves leur
lecture el nous eacutetions heureux de 1I0US sentir vibrer
lous deux agrave lunisson dlin espoir magnifique qui est
laube merveilleuse dl ilia jeunesse ardente le soleil couchant de ses vieilles anneacutees
~---~~
LA=t J=i J=t J-t J--f J~ Jiiumlif ~
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL126
A preacutesent il nous considere un peu comme fianceacutes
Hier Jean-Bene proposa pOIlf dcma in il ~lildame
TOI~lIegraves une proruenadc 1~1I bateau 111Ielll~ declin a cr aishy
~nallt de lrop IIIa1 sn pporter la mer
- Quel lomm are Madalll( insi1lIailmiddotjljai 10111 une
si jolie hal1lle il vnilrlaquo e l jalllais laul illll VOliS COli
duire tous il lH(~ IItS Hluvi~Ies
Edmeacutee relnsa eacutegalmcnl ~ran(l-pegravet Il a las non
plIS k pied marin el ce 1111 11Ii qui salis heacutesiter dit en
souriaul aV(C malice dl~ son bon sourire heureux
_ Eh bien MOllsillIr Formant emmenez Michegravele avec
VOU Je suis sugraver qlll~ son acircme av(nlllrluc SI lI~jollmiddot
la beaucoup dl conllaillI le charmant ilot d de voshy
~uer une heure sur les flots bleus
25 Juillet
EIIP fllt exquise cette iollllleacutee dhil~r elle (Ill rna~iue
et plciue de 1egraveve celte premiegravere liberteacute il deux cette
promenade rvthmeacutee par le baluuccment eacuteterne] des vashy
~lIes il la surface dlin infini ehanzean l
NOliS nous eacutetions assis sur la mecircme banque Ile tourshy
nant le dos ail marin hacircleacute qui tendait de temps en temps
la voile et qui ne nous gegravenait pas heuucnu] plus tllW les
cheveliues vertes 011 bleues des alg-ues IIollarlles parmi
lopale nuanceacutee des flots calmes et profonds
Oh douceur de lheure charme intense de la vnix
ltlimeacutee chantant les paroles de vic oh rkht1IsI~ des choses neuves inconnues insnu pccedilon neacutees queacuteveille en mon ecirctre eacutebloui le moindre gestl la moindre inflexion
le moindre eacutelan de Illon fianceacute
~ -1 ~~ ~ ~ ~ ~ ~
LA CONQUEcircTE DB LmftAL 127
Heure inoubliable
La granlll ilill blanche du bateau gonlleacutecplI lin zeacuteshyphyl tregraves chaud parlIlUeacute de senteurs marines 1111 Il S
eulruina silt~rHillIsl~ment jIlS(IUagrave la petic ill solitaire
pilreacute~ de gemmes dO et dr gemmes rosex les ~enegravels el les hruyegraveres
Puis tandis qlle I~ marin jet ait lancre cl seacutetendait
SIII la goregraveve nous somm(s partis ugrave la deacutecouverte ivres
de vent el despilcl seucircls deacutelicieusement seuls il h-avers III lande perdue dans lnceacutean
NOliS nous sommes arregraveleacutes agrave lornhre dun eacuteglantier
en fleurs Jcnn-Beae Cil cassa plusieurs hrauches pour
men laire lin gros bouquet blanc Il eacutetait joyeux comme
un entant davoir trouveacute ltlaAs licircle cette gelhe de fianccedilailshyles
Pins loin lin hanc des roches Ianlastiques nous eacutemershy
veilla Nous avons pli y admirer 1111lCil dt III pleacutenitude
intense dn fond dl la IIICI si riche et si (xplIumlmugrave dans
le hIXI~ de la cuuleur dans la cmnple xitlaquo inoure gt dts formes
Tnut dun coup je lus surprise dapercevoir en haut
dun ~rilnd rocher une inscription en grilS caractegraveres
Nous nous en approenagravemes le plus possible Mais
quelle main avait pu ainsi eacutecrire il cette haul cur
Depuis cornhien dt lernps CIS lr-ltres agrave demi-cflaceacutees
confiaient-elles leur secret au cilI el agrave la mer
Avec Jifficuleacute nous sommes parvenus agrave deacutechiffrer
celle phrase qui SII celte place eacutetrange dus ce deacutecor
feacuteeacuterique nous apporta comme une vague immense de mystegravere dincoauu ugrave recircve et de penseacutee
bull
t2lLA CONqU~TE DE LIQEumlu
dun trouble ex(luis ce mot ma peacuteneacutetreacutee dun enchan lemen t ladieux
- Cela ne peul pas aller si vite soullal-Je
Et il me fallut bien longtemps bien longtemps parshyIer sans encore le convaincre tout-Agrave-fait pour aboutir il III solution normale et neacutecessaire
Bien (lue celle seacuteparation me navre autant quelle le liane bien quelle mapPolte deacutejagrave une loUlde ruclancoshy
lit je ne peux pas trusquement quitter Edmeacutee et je lui consacrerai quelques jours avant daiier lehouver celui qui est toute mil vie et qui doit heacutelas partir si
tocirct maintenant Oh que je vais ecirctre isoleacutee lorsque mon acircme toujours proche seacutelancera agrave travers les plnishy es cl loin vers lhorizon pU III reumljoiudre son agraveU1~ Uais il doit eu ecirctre ainsi et puis ce temps sera court
La megravere de JeanReneacute lentre il Paris demain et y
attend SOli fils duns quelques jours pour llpartir avec lui en Belgique ougrave elle a des parents
Il est UgraveOllC naturel quil nille la rejoindre Il lui anshynoncera son bonheur dont elle doit se douter deacutejagrave pense-t-u et il la prier-a dattendre agrave Puis M Vazanne et sa petite-fille
Lorsque notre lrecircle esquif regagna le petit por-t de Ker Nouheumll le soleil en globe louge rayonnant plonshygealt deacutejagrave (Ialls loceacutean et 1111 vent ltlu soir seacutelevait
humide el Sil leacute La mel moins calme deacuteferlait 5111 les galets de la gregraveve en dessous des falaises ct des dunes et menaccedilait de sagitel insoucieuse de notre pllh intime insoucieuse de loutes choses humaines
- La fraicirccheur tombe vite nous dit le marin et ce
Dans lelaquo jnulnf-es douces Olt dans les[ours amer~ Dans les lilles (Ill dons les eSlloil~ Pregraves de toi ou tregraves loiutuinement Toute ma vie et All-rirlagrave
LA CflNQUEcircTB DB LrnEacuteAL128
Emus 1I0llS avons compris ensemble ce (Ille nous eacutetions peul ecirctre pregraves doublier crue daulres vies etaient venues Jouir Il la petitlaquo icircle deacuteserte que daullls idylles
avaient pu y ecirclre deacutelicieuses quc dautres amours ~y
eacutelnIumltil cacheacutes et y avaient deacuterouleacute les anneaux du bonshyheur el que Ct~S rochers (lui eacutetaient seacuteculaires avaient
dil entendre hien des paroles graves avaient assisteacute
de g-eacutenclation Cil ~eacuteneacuteriltion il hien des excursions semblables et jamais semblables comme toutes les choses humaines
Jean -Reneacute a copi pour 1II0i sur une page arracheacutee
de son carnet la middotphrase presqueffaceacutee Cil haut du
gland rocher De ([lwl lointain des lins 1I0US est-elle
parven ue
El nest-ce pas ce que je lui pourrais lire de toul mon
ecirctre et nest-ce pas ce ~i1 me dit lui aussi ces vieilles
paroles dun amour tendre fidegravele eacuteternel
Au retour dans la barque nous IlVODS 1tInguemenl parleacute dEdmeacutee Il ne croyait pas possihle quelle souffrit ainsi pour lui le lui ai affirmeacute quil me serail peacutenible de poursuivre aupregraves de ce cœur blesseacute nos fianccedilailles si
heureuses cette grande tecircte de 111 vie pleine ct splendide
- Eh bien quittons Ker-Mouheacutel ensemble ma Mishychegravele et rentrons loul de suite 1I0US marier agrave Paris 1 seacutecria-l-i1
Nous marier l ce mot ma profondement troubleacutee
_qCcedilsLt~_
~_~lt~~ (~~-
LA CONQuiiTE OR LIDEacuteAL130
soleil couchanl annonee nu pruchain changemenl de
Lemps En oflel lail froid ml taisait frissonner malgreacute ilia
jaC(luelle de drap 1
El lcan-ltcneacute mahlila sous la large cape qui lui cnuvruil les (pallies et qui alors nous enveloppail tOIlS
deux Oh quuvee deacutelices je me hlot lis toul contre lui
_ Nolis voici ail pori mllllIlllla-l-il el [e le remercie
de celle jOllrneacutee (lIi csl comme une halte alolnhle dans
notre chemin montant vers les so mme ls COIIIue une
parle ouverte sur la vie qne nous ferons eomllle une
fleur magnifIcircflle eacutepanollie aux hrauchcs de Iadlle
iamollr je le remercie de celte jUIlIlIle qui est lin
souvenil iuteuse preacutecieux Inoubliable 1l1 fond de mon
cœur indicihlement eacutemu
lc tentoure de Illon manteau el ucst-ce pas un
symhole Ic tcuvcloppe dans la lciul ressc de Illon acircme
comme dans lin nuage protecteur le le berce dans les
flols de mon amour comme dans une cali vivifianle le deacuteroule 11 Illuur de toi la spirale de ines recircves lenvoleacutee
de mon intelligence comme lin jarugravein ougrave lu te promegraveshy
neras somptllellSemenl voilee COlllllle 1111 temple ougrave ln
rcglleras hieraliumllillellcnl lumineuse cuuuuc lin ciel ougrave
III blilleras nu-dessus de 10111 leacuteelal des etoiles
La barque sarrecirctait lenlement el nous aperccedilIcirclmes
grand pegravere qui arrivait aU-ltevant Je nOUS avec un
chaud raantcau pOlir moi
Ainsi que Jans lIle des Brllyegraveres mon fianceacute avait
passeacute son bras sous le mien cl lorque nOUS lljoignicircmes
LA CONQlnhE DE LIDEAL m
larrivant Jcnu-Hcneacute ne sccnrta pas dl moi el il lui
dit dun lon grave
- le voudrns VOliS cruln-asscr iHIlIISil~lIr el VOliS
dire merci de llIle jOIIlIl( superbe lplllheacuteosl dl 111011
seacutejour ici qui l~l la III a rchlaquo dor dl no re V i t
Le cher vieillard ouvrit S(S Ilr]~ rl une eacutemolion noushy
velle rndleig-Ilit lIIlOIl tandis (Ie dalls lair du soir
la erbc dglailline dont il muvail Ilcurilaquo embnushy
mait
27 Juillet
Lille tempecircte terrible sest eacuteleveacutee depuis lhlX jours
Dnburd un e pluie ch anrlc il lillg-ls gllllltes quun vent
violent a repousseacutee puis lin orag-e sec IJlI tonnerre deacuteshy
chiranlle ciel chargeacute lin combat de 1I11ages Iourhi llonshy
nants et les snulegravevcmen ls farIadiles de la mer halshy
lan le lor illolldalll la dllll( se pncipilant avec
furie coutre lu falaise
Oh (ltelles Iorccs incalculahlcs dans ces eacuteleacutements deacutechaineacutes
Les vaglles suuuveacuters se co~nallt les unes sur les
autres scmhl aicut UIIl allII(~ de eacuteallts dans le dlsllrdre
dIlne lutle I1III cl la rdalt Il (ollparI ail SOIllshy
Illet llIkvail IOIlI ltlII11l1 Idaflrhl Id 1(fllolail V(IS
la ealllpag-fle CO 11III( 1111( fI(i~t f101~01lIleUs(
Et celle armeacutee devcuai l de plus Cil plus eacutelccu-iseacuteegt
diaboliqulaquo fuulastiqucment impetueuse el meacutechante
11 fut impossihllaquo de sortir IHlr II~ vent eacutepouvantable
donl Je fracas hurlant el plain lit dont la lorce menaccedilanshy
132
~~~~~ ~~1J
)A CON~U~TB DB LtOilAL
te sacharnait sur le vieux manoir tremblant malgreacute ses murs si eacutepais malgreacute ses bases si solides
De la grnndebuie de la salle i manger nous avons contempleacute Edmeacutee el moi ce spectacle extraordinaire de furie et de tourrnente
Allcune voile Slll ln mel rieu il lhorizon mais la vile ne seacutetend pas loin ct nous savons que des navires et des barques de pecircche sont lagrave-bas dans le brouillurd
Aussi malgreacute la beauteacute eacutetrange et tormidnhle de ce spectacle d~ne lulle grandiose IIf)US avons eacuteteacute utlristeacutees car lacircme de lhumaniteacute sent combicn clic est solidaire lorsquelle est pregraves dun danger ou uune catastrophe
Edmeacutee a vibreacute comme moi nous avons veacutecu ensemble les mecircmes eacutemotions les mecircmes eacutetonnements les mecircmes admiraliins pendant celle tempecircte et ainsi pal lagrave-mecircme nous avons mieux encore retrouveacute notre eacutechauge dalshy
Iection
Elle sait que Jean-Heneacute sen va CclII la rend pensive Et toujours elle demeure dans sa rOUCCUI tris le
Lui est venu plusieurs fois nous voir malgreacute lourashygan Tout agrave lheure 1I1l instant nous avons eacuteteacute seuls Il
a releveacute ma ucircgure vers lui et comme lon boit dans une soif ardente il ma embrasseacutee sur les legravevres Notre ie nolre amour satttraleut seacutechangenicut se fondaient SlIshy
nissaient Jans ce baiser Et nous songions il la seacutepnration prochaine et 1I0lS nous aimions plus encore avec un pen de Irouble et dinquieacutetude de sentir linstant fugitif
~9 Juillet
Il nous a quitteacutes ce malin Une journeacutee seulejaent
LA CONQU~T DB LIDfuL iagrave3
depuis ce deacutepart Je suis comme seacutepareacutee en deux f Toute une partie de mon ecirctre la plus haute III plus belle tend vers lui j ce qui de moi leste ici ne peut que sentir la lourdeur des heures le potds de III solitude et je repasse sans cesse en 100n cœur ce mOlceau de temps qui vient de Seacutecouler ces quinze jours ladieux en lesshyquels jai plus veacutecu que dans toute ma vie jusque-Ii et
qui viennent de finir COmme emporteacutes par lui lui que jaime dont labsence meacutetonne et deacutejagrave me lasse A lavance jenvisageais celle seacutepalalion cOmme lon pcnse
dans les songes Elle me semblait lointaine presquilshyreumlellebull Maintenant il nest plus lagrave 1
Oh agrave bien tocirct mon Jean-Reneacute je ne peux plus vivre sans toi POlIItant ta penseacutee est une preacutesence continnel_ le enveloppante et Iu es tout pregraves de moi comme je
suis aupregraves de toi par le souvenir des 11~lIres lumineushyses par leacutechange actuel et par le merveilleux espoir
Telle quune immense confiance ma entraicircneacutee vers lui tel que mon amour sest de suile donneacute telle je veux que ma volonteacute ne soit plus que la sienne
Combien il me deacutepasse Combien souvent dun grand coup daile il sait memporter par SOn cœur noble par son intelligence profonde~ vers les recircve de mes recircves Jaime sa maniegravere saine et grave denvisager de comshyprendre et de vivre la vie 1 et parfois je me sens par rapport i lui comme une enfant trop urtificielle Une parisienne trop modelne trop peu de chose trop ocshycupeacutee encore de penseacutees miegravevres
Oh 1devenir de plus en plus el indeacutefiniment plus Une femme une vraie femme royale et somptueus ra enshynant autour delle le calme de J terce 1 pureteacute lulllibull
1 CONQUUgraveTE DR LIDEacuteAL134
1neuse le charme ct le repos attirent en elle les rayons toujours nouveaux de lintelligence et de lamour les 1 magnificences de la vie et toute la leacuteeacuterie des formes
parfaites
Oh reacutealiser en moi tout ce que lideacutee de femme eacutevoshyque de tendresse de beauteacute denthonsiasme de gragravece la lemme heacuteroiumlque des temps chevaleresques la lemme splendide des siegravecles de la Gregravece la lemme inspireacutee des Orients lointains Etre du soleil vivant 1 ecirctre le reflet des cieux et des mers ecirctre limage de la nature inshynombrable de la nature eacutepanouie ecirctre un fruit une
fleur un jardin Et quil en soit le Roi 1
Plus jeacutecoute la voix inteacuterieure la plus reacutefleacutechie la plus seacuterieuse la plus reacuteelle de mon cœur etmiddot plus je sais que la conception du vrai du bien J-lu beau du naturel qui esl celle de mon fianceacute est la meilleure et
la plus juste raison de vic ct de honneur
Ne ma-t-il pas dit
_ Tout ce qui neacutelegraveve pas iumlecircuraquo le diminue li taut que lc corps physique qui est la base de tout laccord psychique et intellectuel se manifeste et se deacutetermine par des actions droites et saines qui permettent seules son deacuteveloppement continu Il faut que lintelligence se libegravere salis cesse par lamour de la veacuteriteacute il law que lagraveme sagrandisse constamment dans le service de la
veacuteriteacute et de lutiliteacute
Et pour cela ne laissons entrer en nous par la penseacutee les actes les habitudes lemploi des jours lart
le travail que des eacutemotions et des aelions naturelles ~ tontes courageuses ennoblissantes et hautes li
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 135
En causant avec Edmeacutee hier je me rendais compte de leacutetat desprit de ln plupart des jeunes filles de netre eacutepoque en geacuteneacuteral elles nont pas assez confiance dans la vie elles manquent de deacutesir de courage despoir dattente elles se reacutesignent Avant davoir oseacute elles coupent elles-mecircmes les ailes lie leur recircve de jeunesse elles reacutefregravenent tout ce qui deacutepasse le milieu mesquin ougrave elles ont veacutecu et ougrave elles acceptent consciemment de maintenir leur propre destin Elles preacutetendent trop soushyvent que lhomme est mauvais que le Iland amou~shyest impossible agrave reacutealiser el concluent quon doit se conshytenter dlin bonheur agrave peu pregraves sur un chemin moins eacuteleveacute et ne pas recircver agrave limpossible
Cest quelles ne comprennenl pas quelles ne parlent lagrave que de la seule vie quelles savent vivre la vie allifi- cielle
Artificiel le monde ougrave elles sagitent artificiels ses vains plaisirs artificielles les passionnettes auxquelles les jeunes filles se laissent prendre et artificiels les jeunes gens laquo deacuteguiseacutes en hommes JI quelles croien t dignes du nom dhommes
Oh ne SUiVIC que la route de la vie naturelle si humshyble sentier quelle soit dabord 1 Ne plus se morceler dans linutile ne plus se donner au rien et vouloir senrichir seulement de ce qui augmente de ce qui inshytellectualise vivifie eacutevolue magnifie nulre ecirctre comshyplexe si feacutecond si riche pour qui veut sincegraverement leacutepanouir
Je veux arracher complegravetement en moi les mauvaises herbes eacutetouffantes que le monde quune eacuteducation pleshymiegravere superficielle peut y laisser encore afin de faire
gt ~
- ~
gt
~
~
LA CO~QEcircTR DR IIlFAL136
ccrmer croilre ct flcurlr mngnlflqncmcnt le grnnd
allire de vic
le veux repousser tout acle qui naccroit pas snshychant que lilutile est nuisible je veux savoir rompre avec roulage les ehaicircncs cntravantcs les prrjureacutes stushypides etrechelcher avec ardeur il raide de mon ineacuteshyhrnnlable appui la vraie vocalion de mon acircme ln plus haule et sa veacuterilnblc utiliteacute cal laquo nous naissons parshyleurs dun pli cnchcleacute raquo quil faut apprendre il ouvrir
pour y lire noire mission terrestre
o Jeunes filles mes sœurs l lc voudrais vous ouvrir ume porte sur la vic heureuse du mieux de mon pouvoir le voudrais vous dire combien lorsque lon entrevoit la reacutealiteacute haute on contemple avec un regret triste le vide et lagitation infructueuse du monde ininshy
tellectualiseacute f
Je voudrais vous dire quel immense bonheur on trouve il seacutelancer hors de lexistence banale jusquau lihre horizon de la conduite unifieacutee toute entiegravere tendue vers un but conscient puis apercevant les eacutetoiles de
lumiegravere il seacutelever vers elles en poursuivant son individushy
el ideacuteal r Car si les premiers pas sont arides en quittant
les distractions mondaines ou les habitudes que lon aime et qui prennent en soi tant de place faussement remplie lorsque lon commence il gravir la belle roushytc naturelle on y reacutecolte Ics fruits rares et exquis de ln joie dl vivre sur celle loule III sinceacuteriteacute et lashy
rnour Ilr-urlsse n t
Il Iant cultiver rn soi dabord les forces que lon
rl1fl(he et qlle 1011 d(isire trouver pour son han heur car c-s fOIClS dtvriorrrrl ntlircn il elles pnr affinileacute
LA CONQUlhE DR LIDEacuteAL f37
les forces semblables il faut avoir au moins en posshysibilileacute cc que lon veut recevoir dautrui le courage si lon veut sentir le courage des autres la sinceacuteriteacute qui attire la droiture lamour qui appelle lamour
Et ainsi naturellement fncilemenl la vic de noshyblesse ardente et volontaire incarne lideacuteal vers lequel
elle tend
Ilier soir un instant Il est monteacute jusque dans ma chambre Nous sentions que lheure passait rapide et quelle allait sonner la lin de ces premiers beaux jours
O mon hien aimeacute quand lu vins aupregraves de
moi ton front eacutetait soucieux ct chargeacute de meacutelancolie
Alors jai poseacute mes deux mains sur ta pauvre tecircte lourde et puis je lai caresseacutee doucemen l c 11 Ill celle
dlin tout petit enfant Et il me semblait que tu eacutetais vraime-nt mon petit enfant et que mes mains eacutelaien t
celles dune megravere
Peu agrave pen les plis de ton front se dissipegraverent et tu me souris longuement
Puis tu me pris III main tu la portas il tes legravevres ct tu la baisas avec tant de tendresse quun grand eacutelan
parcourucirct tout mon ecirctre 1
Alors - tout dun COllp - il me sembla quagrave mon 10111 jeacutetais un tout petit enfant dans les bras de son pegravere
Et je lnissai tomber ma tecircte sur ton eacutepaule et je me mis il pleurer de douces larmes de joie
Ce matin lorsque lu partis tu eacutetais si pucircle que jaurais voulu pouvoir de suite tout quitter pour te suivre
J
138 IA OONQUl~TE OK LWtAL
Mais tu mas dit avec force - Michegravele rien mainshyteuaul nest capable de nous seacuteparer Nous sommes deux en un il tout jamais Sois heureuse sois en paix ne laisse den le troubler Bienlocirct nous troushyverons dans la preacutesence de toules les heures le repos qui apaiseacute lharmonie qui fait eacuteclore la joie qui vishyvifie leacutelan victorieux qui dans l action feacuteconde affirshyme lindividualiteacute croissante parmi les champs infinis que lamour eacutetendra comme un ciel sans limites aushytour de nous Et je fais miennes les vieilles paroles
dont leacutecho nous a berceacutes
laquo Dans les journeacutees douces ou dans les jours amers Cl Dans les luttes ou dans les espoirs c Pregraves de toi ou tregraves lointainement laquo Toute ma vie et Au-delagrave raquo
31 Juillet
Quel bonheur Une lettre de Jean-Reneacute que je
relis mille et mille fois et dont le chant damour imshymense jaillit meacutelodieusement vers moi en cascades
protectrices et irradiantes
laquo0 bien-aimeacutee bieu -aimeacutee l Soyons unis dans lushyniteacute de lamour je laime ocirc lys ocirc rose dont le parshy
fum est de jasmin
Tu es douce tu ~s vaste ta mentaliteacute est droite et lucide tu eacutevolueras eacuteternellement en rectitude 1
Librement dans la lumiegravere tu agrandiras ton ecirctre par leacuteveil de toutes les possibiliteacutes 0 grande reine aimeacutee tu teacutelegraveveras jusquagrave toi-mecircme tu te legraveveras dans vta splendeur 1
IA CONQtl1~TE DI LIDEacuteAL 139
Tes paroles reviennent vers moi une il une tes penshyseacutees sont comme des colombes blanches
Tu me reacutevegraveles leacutequilibre agrave chaque instant aucune de tes paroles de veacuteriteacute nest perdue 0 chegravere lumiegravere damour jai taut agrave apprendre par toi
Comme tu sais eacutetreindre laction comme tu sais avancer sans cesse ta perfection sera une perfection inteacutegrale la blancheur de leacutequilibre sera autour de toi
Ta robe sera verte eacutemeraude et la vitaliteacute sen eacutemanera ton manteau sera rose ocirc indiciblement patheacutetique aimeacutee Les voiles saphirs de lin telligence seront autour de ta tecircte 1Tu teatourcras du violet de la puissance lor cie lessence parsegravemera tes echarpes
Que rlen de trouble ne puisse mrnro percevoir mon limeacutee
Je veux lui ecirctre un repos de force je veux ecirctre comme la protection de sa liberteacute 1
Tu eacuteclaires de ta preacutesence tout mon ecirctre qui sans cesse tentoure et tadmire et de tendresse iaeacutepuishysable te revecirct 1
Afin que les heures soient plus leacutegegraveres bien-aimeacutee que ta penseacutee vienne vers moi comme la mienrie est vers toi
Oh 1 combien tu embellis des rayons de ton pur et merveilleux ~mour mon agraveme deuml deacutesir et despoir1
Sois beacutenie dans leacutequilibre lamour la lumiegravere et la vie 1
Profondes sont nos profondeurs les aneacutees eumlpanoushy
__________millAlwn1itl6Mtmmiddotmiddotf bull bullbullmiddotbullrn----------------shy ~
140 LA CONQU~TE DB LIDEacuteAL
LA CONQllEgraveTE DB LIOacirc-lL 141
iront sans cesse lenivrante conscience de secirctre unis
~
il jamais 1
Unissons les trois torees en ure blanche hnrrnonie Enseigne-moi la miseacutericorde puisque ton acircme exquise
fer Aoucirct
Que la journeacutee dhier ma paru longue Comme jaurais voulu meacutechapper pour aller bien vile hien vile
L~~
~ veut accomplir partout le bien agrave faire
Tu es une fraicirccheur ombrageacutee ocirc donneuse de repos lui reacutepondre Enfin mil voici libre Il IIlC semble que toul mon cœur se reacutepand vers lui el tout Illon (llIl
que la lumiegravere en toi el en moi seacutechange est en alleacutegresse parce 1]l1C bientocirct il lira mil penseacutee
Que la force en mon ecirctre seacutelegraveve la force calme el bientocirct il tiendra en ses mains cc pnpier dans leque l
apaisante qui vivifie que toute nos penseacutees se perleeshy je veux infuser ma lendresse r~ tionnent jusquagrave leacutequilibre Teacutecrire quelle chose simple el eacutetruuge cl mCIshy
Depuis ton corps jusquagrave ta mentaliteacute et dans les veilleuse Teacutecrire eacutetats decirctre plus rareacutefieacutes tu es deacuteborJante de ta
beau leacute Je taime pour la beauteacute Michegravele je tIlimc Manoil de Ker-Noueacutel 1el Aoucirct
pour la splendeur 1 je taime pour tes recircves nobles 6 h du malin
et hauts pour ton enthousiasme sacreacute 1
o passive en qui le capable dutiliser et de
Etoile qui illumine la
Cosmos se reflegravete 0 sensitive diriger les forces bienfaisantes
terre 1
~
(( Oh elle est venue la belle lettre de mon bienshy
aimeacute elle est venue Ioule lumineuse comme un rashy
yon de soleil dans ln nuit milluminer et me reacuteshy
Jaime agrave laisser fluer vers toi lessor de mon admishylante tendresse vecirclement puissant du patheacutetisme inshy
chauffer dis apporteacutee
le malin el combien de joie elle ma
dissoluble qui conlient leacutetincelle la plus divine leacuteshy Oh Jean-Reneacute toul ce que vous me dites troushy
tincelle damour 1 ve 1Ii1 eacutecho profond dans mon cœur Parfois il Ille
Lamour f Lamour 1 Toutes les symphonies eacuteclatent 1 lous les poegravemes se reacuteveillent toutes les belles leacutegendes se legravevent 1
sem hie luc vous allez eacuteveiller louis en lui des germes tout decirctre cl parfois il me semble
des gelmes lnteuts enshyprecircts il chanter la joie
qllc cc sonl mes PlO
o musique extase ivresse ocirc Ideacuteal ocirc Recircve reacuteel 1ocirc chemin infini conjonction incessante 1 bull
ples penseacutees IC III exprimes comme eacutetant les tiennes El je lclis salis cesse cl sans cesse la chegravere messagegravere IIc Ion SOIlVCIIIcircI
Je taime et comme je taime tu maimes 1 Autour de toi avec toi en toi parmi toi agrave toi 1
A Ioule heure du jour ses phrases aimeacutees chantent en moi elles parfument les heures deacutesertes de labshy
c Jean-Reneacute _ sence elles me bercent de ta tendresse puissan le comme ~ le refrain tregraves doux dune musique exquise 1
-------lI
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteALH2
~
o les belles pages lant aimeacutees si remplies de toul ~
~ (1 ce que jespeacuteru is y trouver
La heau le de Ker-Nouegrave perd son charme depuis
que je suis scull il la contempler et il ln ViVlC Seule y suis-je vrnimeu] seule Non partout ougrave je suis jc sens votre pleacutesence ougrave je recircve je SCIIS votre
tendresse ougrave je pense je sens voire force ougrave jesshypegravere cc sonl OS yeux cest votre main cest votre cher visage qi mnpparaissent cl votre amour est url oland bercement dont les vagues me soulegravevent
mculrainent de bonheur en bonheur de pleacutenitude en
pleacutenitude vers un ciel dc supecircllle beauteacute
lrois jours oul passeacute avec lcnlcur depuis que nous sonunes loin lun de lnulrc Trois jours qui pegravesent
SUI moi deacutejagrave trop lourdement
Je suis hcnucoup avec Edmeacutec agrave laquelle je verse
dc Illon mieux qullllllS torees despeacuterance Je parle
aussi apregraves le dicircner i1V c glanu pegravere dans sa cham
bre L Et lors eesl vol re nom qui eacutemaille constammcnt
noire causerie inl irue
El puis le soir aV1I1 de me coucher je reste un
instant devnut ma tenegravetre grande ouverte SI)I la mel
el je pagraverle aux eacutetoiles qui mc reacutepondent Quelques
unes delles scintillent lollcmeut quelles paraissent me ~
regardcr ou IIlC sourire Et je mimagine (lue ce sont les mecircmes ltfliC III contemples Jean-Reneacute lagrave-bas agrave
~ Paris au mecircme moment
Et quelles lc chantent mon nom comme clics me disent le tien et que ccsl 1011 regard leveacute vers elles
~ quelles font redescendre SUI moi
LA CONQUtTB DB LIDEacuteAL H3
Hier je pensais avoir ainsi agrave travers les horizons
loinlains eacutechangeacute avec loi pal ma fenecirctre ouverte pendant quelques instants Jeacutetais entreacutee dans ma chambre VCIS dix heures Lorsque jai refermeacute ma croiseacutee minui sonnait
Peudaul deux heures je lai parle deux heures qui avaient passeacute comme des minutes mas-tu entendue las-tu comprise
o Jcan-Reneacute Je suis heureuse Jc suis heureuse que tu sois aupregraves Je moi comshy
me je suis aupregraves de toi
le suis heureuse ( Oh tellement heureuse ) dc poumiddot vcir tapporter du bonheur
Je suis heureuse hculeusc heureuse palce que je laime
Je voudrais en teacutecrivant savoir exprimer linexshy
primable Mais ne savons-nous IHIS (IIIC le silence parle
Lorsque nOlIS eacutetions aupregraves llin de lautre aucun
moment neacutetait perdu car nous avions toujours tant
de choses il nous dire ct (1 uand nous ne parlions
pas la graviteacute ardente des silences neacutetait-elle pas plus
belle notre communion plus luupide cncorc ne
seacutecha~geait-elle pas et ne 1I0llS cornpreuions 1I0llS
pas mieux ct davantage quagrave laide des paroles qui limitent
Notre retour agrave Paris est fixeacute au 4 aoucirct Mm lorgues
ft juslement eacuteteacute inviteacutee avec ses enlauts agrave passer ln liri du mois agrave Cabourg chez ugravees amis El agrave son eacutetonshynemenl (cal clic ne voil rien de leacutetnl ducircrue actuel desa Hile) Edmeacutee la supplieacutee daccepter cette disshytraction
LA OONQUEcircTR D~ LIDEacuteAL 1H
A bientocirct donc ocirc mon ami A bientocirct Que cest doux deacutecrire cela que de promesses et despoirs et de joies et deacutemoIions enfermeacutes dans ce petit mot magique
Allons ensemble pal les lumineux sentiers toujours
plus haut toujours plus loin vers les sommets fleuris et radieux et ltIlle llin de nous Ile deacutepasse jamais lautre llue pOlr Ientruicircner plus avant
Voici que jai penseacute lfue lideacuteal de la femme cest darriver agrave incarner lideacuteal de celui quelle aime
Et toi tu maugmenteras toujours et ce que tu ajoutes agrave mon ecirctre et que je veux sans arrecirct reacuteashyliser de mieux en mieux cest bien aussi moi-megraveme dans ce que jai de plus haut et de plus fort moi toute eacuteveilleacutee pal ton amour toute embellie ltle ta tendresse
A bientocirct mon cheacuteri mon aimeacute mon soleil et mon roi A bientocirct triomphal ce mot sonne et reacutesonne en ondes vivantes qui palpitent et en myriades de lushy
miegravercs eacuteblouissantes jaillissent et irrudient jusquau fond de mon cœur miraculeusement
Que degraves maintenant SUl la mel de notre vie notre nef enthousiaste vogue de force en force vers le port lointain ct monte plus encore dans la monteacutee
~nlinie qui par de lheure du temps pOUl jusquagrave leacuteterniteacute
Voici quelques peacutetulcs des loses pourpres qlle tu pl eacutelegravercs et puis voici mon agraveme abandonneacutee
Toute agrave toi Michegravele
laquo Michegravele 1 Michegravele 1
i~~
~ -- Ir ~ middoti
tA CONQu~rRDE L~OAL
(Et je nai rien dit agrave cocircteacute de ce que je voudrais dire )~ ))
or Aoucirct 0 heures du soir
(Cest une lettre de Jane Kousta que je viens de recevoir enfin 1)
CI - As-tu un peu penseacute agrave moi qui ai si soushyvent eacuteteacute dans mes recircves aupregraves de toi Tu sais le sombre destin ougrave je me suis traicircneacutee jusquagrave maintenant agrave travers des palais leacutethargiques parmi les fausses lumiegraveres dun monde sceptique sans foi et sans ideacuteal lumiegraveres brillantes qui attirent et qui brucirclent sans eacuteclairer tu sais combien mon deacutesespoir crise fatale paroxysme redou table me fi t deacutevaler lacircchemen t vers les gouffres sans fond
Sais-tu maintenant la torture de mon cœur dont les lambeaux eacutepars se reacuteunissent uri agrave un et aggloshymegraverent aujourdhui en Ionae vcomplegravete toute leur
1puissance retrouveacutee toute leur passion belle et ardente vers le Seul qui devait le posseacuteder tout entier inteacutegral cc malheureux cœur deacutechiqueteacute 1
Je Igtleure et jespegravere je pleure et jaspire 1 El peut-ecirctre ces larmes-lagrave les premiegraveres lalmes dignes de respect et sans doute aussi de pitieacute que verse mon ecirctre douloureusement meurtri peut-egravelre ces lar~es me laveront-elles de tant de souillures
Je sais heacutelas que le deacutesespoir regravegne et que la souffrance et la plainte eacutemanent de tous les porcs de lunivers 1
i
c
------- ---
Hn LA CUQU~TE DE IIDEacuteAL
---------~---__-- - --- ---__----shy
Oh 1 ces vagues qui se tordent sur la gregraveve en geacutemissant et qui allaient mengloulir Oh ce vent qui pleure lamentablement dans la forecirct et dont la plainte me hanle ct meacutetouffe 1 Oh ces nuages deacuteshychireacutes par leacuteclair et dont la foudre meacutepouvante 1 Oh tous ces arbres qui se penchent et qui se reshylegravevent sous Iassuul de la tempecircte pom retomber encore pour plier pour ecirctre rompus et terrasseacutes
pal le poids de celle souffrance effroyable de la
reacutesistance vaincue Oh 1 tous ces spectres vivants du
deacutelire du malheur du crime des maleacutedictions du deacuteshysespoir de la deacutefaite du deacutesir inassouvissable r
JI lem crie agrave lous Arrecirctez 1 Je leur vcrie Arshyriegravere arriegravere enfin 1 enfin 1
Car enfin jai rencontreacute ma torce ma protection mon sauveur et ma foi
El je veux quil ne soil pas Irop tard Oh 1 par pitieacute pas trop lard Je veux croire que loul ce que jai amonceleacute de drarnes pal derriegravere moi que tout ce
que jai attireacute de deacutesordre autour de ma vie ne pourra
assombrir la lumiegravere si pure ne poulra taire obstacle agrave la Destineacutee nohle ct large qui seacutelegraveve devant ma
roule Enfin enfin
Te souviens-lu dans ma derniegravere lettre de lEloile lumineuse cl lcelle (lui avait eacuteclaireacute la hideur de mon
miseacuterable sol
Cette Etoile ceacutetait celui que tu appelas un jour IL la figure de lavenir celui dont tu me parlais malgreacute ]t
rnes fautes en le deacutesignant sous le nom beacuteni de laquo ton premier amour )l bullbullbull
LA COXQUEcircT DE LlD~Ar H7
Cheacuterie je viens dans lespeacuterance encore humble et timide de tout mon ecirctre cruinfil Je laul de bonheur je
viens le dire merci davoir compris ce quil ) avnit de meilleur en ruoi merci el plus (IUll merci de III avoir aideacutee sans ten douter peul-ecirctre (el Iau l aideacutee lal les bonnes derniegraveres lettres encore) agrave reconnailre ougrave eacutet aicnt les nais henuleacutes de la vic merci merci d rna rCConshy
naissance repenlnnte il toi qui sus garder pal 111 douce droiture Vestale sacreacutee la derniegravere eacutetincelle pUIC
qui vacillait au-dessus de moi au-dessus de ma vie de
deacutesordres eacutetincelle que tu proteacutegeas pieusern-nt pendant plusieurs annees qui sans toi se serait eacuteteinte et qui
fient splendidement de silluminer toute en aurore radieuse dans 111 rencontre de mon premier amou
Il est lagrave 1 Il est ici 1 El cest bien Lui 1
Oh je voudrais que tu le connaisses bientocirct mon amie
celui qui a pris tout mon ecirclrc celui qui seul peut
effacer le passeacute moindre celui qui peul trrcnnohlir en macceptant comme sienne dans la commuuion pro
fonde de nos limes ravies lune par lau Ire pour toujours
Je laime dun noble amour fidegravele infini et pOUl la premiegravere lois ce quil y a de plus pur en mon ecirctre sincline eacuteveilleacute charmeacute exalteacute en admiration devant
celle Intelligence complexe et merveilleuse devant ce
haut caractegravere de volonteacute et de rectitude
[larry Wannshield est un homme
Oh comme jai longtemps llreacute avaul de le conuailre 1
que la terre est un grallJ dSI tJIIil y a peu dhommes SUI lcrre l Et cruira is-f u ltJUl si ma rie jusquici avait lleacute plus droi llaquo nous 1l11lIumlltJflS pu nous trouver plus locirct Il ma rcncoutreacutelaquo il y il trois ans
Hg LA COlQUEcircTB DR LIDEacuteAL
ans deacutejagrave plusieurs fois agrave Paris chez Lady Baret et malgreacute une intense attraction vers moi malgreacute mecircme de reacuteelles souffrances il sest eacuteloigneacute sans me laisser le temps de le comprendre devant tous les troubles infeacuterieurs dont jeacutetais alors prisonniegravere et desquels je
na vais pas encore la force de sortir r
Degraves mon arriveacutee agrave Interlaken il ma reconnue
Nous eacutetions descendus au mecircme hocirctel et moi jai eacuteteacute dabord profondeacutement blesseacutee et malheureuse de son
meacutepris
Oh comme jai pleureacute que de regrets inextinguibles de remords brucirclants de lourde tristesse 1 Puis jai
compris
Jai comprisque ma nature violente et indompteacutee eacutetait seule cause de ma deacutetresse et que ceacutetait peut-ecirctre un avertissement salutaire que je sois ainsi arrecircteacutee agrave temps sur une pente fatale par un laquo Halle-lagraveraquo de la Destineacutee
La doulesr comme un chien mord les talons du lacircche Qui dun jour neacutegligeacute surcharge an lendemain
Oh1 que je les ai meacutediteacutes ces deux vers 1 quils sont justes 1 Et comme la douleur est bonne parfois agrave celui qui nest pas capable heacutelas deacutevoluer sans elle 1
Seulement vois-tu Michegravele il vnul mieux la devancer il faut que lintelligence humaine du sage arrive agrave preacuteshy
ceacuteder lexpeacuterience ce qui fuI impossible agrave linsenseacutee que
jeacutelais
Jai Ileaucoup reacutefleacutechi agrave tout cela
Enfin il est venu un moment ougrave jai accepteacute comme une purification et mecircme cheacuteri loceacutean de peDseacute~~ dou-
LA CO~QUEcircTE DE LIDEacuteAl 149
loureuses agrave travers lequel seulement je pouvais remonter vers lui
Alors jai brusquement rompu avec Talbrut Je savais en le faisant que celle rupture eacutetait deacutefinitivement la lin Je mes deacutesordres Et forceacutee de vivre dune faccedilon beaucoup plus simple jai ducirc quitter lhocirctel ct bullhabiter la modeste petite chambre ougrave je suis reacutefugieacutee et~ seule maintenant
Michegravele1 Miehegravele1je suis tellement sucircre de necirctre plus Of -
la mecircme et de lui apporter tout ce quil espegravere trouver en moi de nouveau de sain de bon de vrai
Oh il faut quil le sache il faut quil ait confiance fout agrave fait il faut quil soit sucircr de moi
Je lespegravere si intenseacutement et je le crois Je sens quil plaint le cocircteacute sauvage avide bondissant et deacuteseacutequilibreacute de mon ecirctre comme il comprend mes aspiralions proshyfondes et belles
Il maime ma petite Michegravele il maime Oh1 ces mots 1 Mon cœur brucircle en les eacutecrivant Des larmes tombent de mes yeuxi Cest mon agraveme qui se fond El je pleure davoir trop pleureacute 1
Je suis tantocirct dans lextase calme et espeacuterante du vrai bonheur enlin cornpris enfin trouveacute Dans ees mornenls-lagrave cest en tendresse reconnaissante eacuteleveacutee respectueuse vibrante dune eacutemotion douce et profonde que je meacutelance vers lui et tantocirct un poignant sentiment de deacutecouragement mabat ct me terrasse
Jai peur mysteacuterieusement de souffrir de souffrir encore
Mais toi cheacuterie toi que penses- tu de ta Jane
110- - ______________________ _ bullbull _ bullbull __ 0 __ bullbull bullbullbullbull _ ~u ~ fl~ n JJJIIIIIII
HiO lA CON(~UlhR DR LmEacuteAt
Iliconlc-moi cc quclic doil Iaire Et puis parle donc un p~1I Je toi aussi Jai cru sentir dans la derniegravere lettre 1In souffle dalleacutegresse lellemeul parfumeacute despoir que je voudrais de les nouvelles plus preacutecises Me suis-je trompeacutee Ai-je lu seulement dans tes lignes affectueuses
et for-les le reflet de ma proplc espeacuterance Pari Micaeumlla1 Et pense agrave la pauvre acircme tourmenteacutee en laquelle
viennent deacutemerger impreacutevues et superbes tant de possishyLilileacutes enfin joyeuses et sereines
Doloregraves raquo 2 Aoucirct
Tout-agrave lheure une amicale discussion eut lieu encore SUI cc sujet qui lanl de fois fut abordeacute indirectement
pendant notre seacutejour ici et qui fut preacuteciseacute davantage
aujourdhui Mme Torguegraves seacutetonne agrave chaque inslanl du systegraveme
deducation trop large agrave son greacute avec lequel je suis eacuteleveacutee cl mentendant causer de Jane avec Edmeacutee elle dit agrave grand-pegravere - Javoue lue je ne vous comprends pas M Vnzanne de luisser ainsi Michegravele se lie l Jc plus en plus avec ~11Umiddot Kousla Cal elle a une conduite plus qucxtrnordinaire et toutes ses amies de pension comme Edmeacutee cl lanl dautres ont ducirc dabord espaCCI puis inlerrom pre les rela lions avec elle
- Par quelle loi Madame me suis-je eacutecrieacutee aurait-on le soi-disant devoir Je mentir agrave ses sentimenls reacuteels Cest agrave-dire pour quelles raisons dcvrnis-je eacuteteindre en moi laucircectiou sincegravere el profonde qui me lie agrave un ecirctre
Pourquoi retrancher quelque chose de vrai et dintense que nous apportc la vic J-~-Qn jamais trop deacutechanges
gt
LA CONQUEcircTE DR LIDF-AL 15t
veacuterltables raffineacutes et intelligents Amiddott-on jamais trop damitieacutes vraies A-t-on donc jamais trop de tout ce qui embellilla vie de lhomme par la preacutesence de lhomme
- Vous ne savez pas le tort que peut vous faire dans le monde cl pour votre avenir Michegravele reprit Mnbull Torguegraves lintimiteacute que vous avez avec une Jane Kousla
- Du tort aupregraves de qui repris-je doucement Ceux qui me connaissent ne peuvent se laisser influencer par rien de cela je pense
Oh t je vous assure Madame nont agrave redouter les opinions du monde que ceux qui reacuteellement veulent lui cacher quelque chose lEt nous nous coupons davantage les chemins de lavenir par tout ce que nous retranchons de lexistence craignant les preacute]ugeumls ou les jugemenls seacutevegraveres que par ce que nous faisons geacuteneacutereusement fleurir et eacutepanouir de ce que la vie libre forte et complexe nous oflre de reacuteelt
- 11 est certain comme le disaient les Latins quune amitieacute nest vraiment solide que si elle est baseacutee sur lintelligence interrompit Edmeacutee
- Cependant lintelligence nest pas tout reprit Mm Torguegraves
Et jai continueacute
- Jai foi en le relegravevement possible de Jane el je crois que je peux souvent lui faire un peu de bienEt puis jadmire les somptuositeacutes de sa nature sincegravere chaud et douloureuse
Jane souffre personne ne sail combien elle souffre1 Elle-mecircme lignore peut-ecirctre encore car il y a souvent
middot middot middot~-~V111V1l1-)middot tlbullbullrl~IY~~middotfmiddot~imiddottril1f~lrVljmiddot7i11~~fmiddotI mAr~~~rHI(fCcedilr~1riTT11-1111~V1((lI~~nnT(IonrVINnwfVampGVr u-__bull ~ _ _
1 LA COQll~m DI LlD 1
dans un cœur aussi vnsle des larmes verseacutees par une pari inconsciente de Iegravelre donl la conscience plus complegravete ne sent (Iur plus larel toule lamertume
Et la souffrance de ma pauvre et tragique amie deacutepasse tellement ses excegraves lt]Ui1 ne seruit pas charitable de lui jcler la pierre
- La seule chose quon puisse lui reprocher agrave mon sens dit grand-pegraverr cest que parfois ellc a fait souffrir le ne suis ni eacutetroit ni piniluin III le sais Michegravele mais
je nai jamais pu admettre la morale de ceux qui
foulent sans scrupules sous leurs pas orgueilleux les
bonheurs d~utrui
Lhomme a en lui une notion du juste et de linjuste et ce qui est injuste el coupahle surtout pOUl une intel shyligence cest le mal fait agrave dautres raquo
Comme M Torguegraves semparait aussitocirct de lideacutee de
grand-pegravere pour laccentuer encore jai de nouveau
reacutepondu
-- Bien entendu je ne veux pas deacutefendre les deacutetauls de mon amie mais seulement ses vertus
Elle est malgreacute ses torts un ornement de valeur et de
beauteacute dans ces landes arides qui forment ln terre landes qui pourraient devenir un merveilleux jardin de richesses feacutecondes si les ecirctres qui composent lhumaniteacute eacutetaient plus souvent de preacutecieux ornements de valeur ct de beauteacute Jase a une acircme vaste une acircme pleine de posslhilileacutes pleine de gClmes et de treacutesors J~lIe peut passer Cil heacuteroiumlne dans la vic au milieu des foules amorphes ougrave clic resplendit comme un phare dans 1i4 nuit comme un diamant parmi du silex
LA CONQJ~TE DI LmFAL Jr)3
Pourquoi nc pas admirer ce que son ecirctre a de supeacuterieur et de royal malgreacute les deacutesordres dont elle soul1re el quelle arrivera sans doute agrave dominer
Et puis mecircme agrave Paris qui esl cependant un centre de lumiegravere reacuteelle la plupart de ceux qui deacutepassent la moyenne des ecirc lres par une belle et noble in1lividualiteacute
son t pris - eu x aUS5~ - da ns lous les capriees ct les plaisirs qui agitent les inutiles existences de tant de Iutiles creacuteatures ils vivent trop en parade et ne sentent
que peu profondement ce qui nest pas leur inteacuterecirct immeacutediat ou linteacuterecirct des quelques oersonnes famille
ou amis auxquelles i1s_ ont dor aeuml de leur affection
Jane elle a une intelligence extlnordinailement vibrante pour tout ce (lui est geacuteneacuterositeacute P()UI lout ce qui est vie progregraves efforts volonteacute de transformer volonteacute de Iairo de faire mieux de faire plus de lclisel
un peu de tout cc que lhomme endormi peut eacuteveiller en lui agrave certains momenls dnspilntions haules el volonlaires despeacuterances de justice plus noble de bonleacute plus grande de bonheurs plus harmonieux Elle est une
de ces trop rares natures qui osenl qui cherchent qui
palpitent qui franchissent hardiment les vieilles ideacutees dhier pour sans cesse recircver plus haut
1shy
AJlIcircl
Il pleut La Bretagne est grise Ker-Nouheumll est morne
Temps de deacutepart Nous quiltols le M1noir demain malin lous ensemhle cl jen suis bien heureuse lIII
pour moi lacircme de cc pays est partie
__
t5~ LA CONQr~TR DE (rDecirclL
Tout me semble ville deacutecoloreacute le preacutesent me paraicirct deacutejagrave dans le passeacute Je hacircle les preacuteparatifs et voudrais
pouvoir hacircter lheure
) AoucircL au sail
Une nouvelle messagegravere de mon Bien-Aimeacute qui me reacutechauffe le cœur dans un grand eacutelan damour
Paris 2 Aoucirct
Ma toute Cheacuterie mon Etoile de Bonheur Je reccedilois agrave
linstant la douce lettre dhier la lettre exquisement douce agrave tout mon cœur et je teacutecris tout de suite afin que tu aies un peu plus de moi eucore avanl la merveilleuse rencontre degraves apregraves-dcman soir nest-ce pas ma rose -~
aimeacutee
Et je tenvoie louLe ma penseacutee tout mon merci eacutemu et glorifieacute des lignes a-lor-ables ct magnifiques qui chantent en moi les hymnes de la conjonction eacuteternelle 1
Si vous saviez ma Michegravele adoreacutee comme voIre eacutecriture votre style lous -cs mouvements de votre ecirctre si beau sont ceux que je comprends que je peacutenegravetre que je reccedilois quc jadmire que jaime
Ce fut pour moi un tel enchantement de YOUS lire 1 un tel eacutemerveillemen t un~ telle extase 1
Depuis que je suis ft Paris je me promegravene tous les matins ail RanclaglI cl je passe reacuteguliegraverement avenue Raphaeumll devant vulre joli home cc deacutelicieux hocirctel enfoui dans la verdure
Et hier ce me fut UIlC grande joie dapercevoir les volets ouverts les domestiques preacuteparant la maison pour
___~A~__
LA coxcuugravera DR LiDEacuteAL 155
votre retour le jardinier dehors toute la vie revenue tou t orgnnisan t votre proche arr veacutee
Si vous quittez KermiddotNollhiH apregraves-dematn matin vous serez sans doule gare Saint-Lazare agrave onze heures et demie du soil Je nose aller vous y chercher malgreacute len vie ardente que jen ai
Mais voici ce que je compte faire si M Vazanne ny voit pas dinconveacutenient jatlendrai vers minuit devant la porte du jardin avenue Raphaeumll Je vous aiderai agrave descendre
de voilure je vous souhaiterai 1 le bonsoir et si votre gland-pegravere me II permet si ma preacutesence ne doit pas vous gecircner si vous necirctes pas trop faligueacutee du long voyage bull jentrerai avec VOliS dans votre demeure ougrave nous passerons de suile les premiers les deacutelicieux instants f
Ne trouvez-vous pas que voilagrave une combinaison hellleuse
Ainsi en tous les cas je vous aurai vite degraves apregravesshydemain je vous aurai parleacute je vous aurai entendue ocirc ma cheacuterie cheacutelIcirce1
Quel bonheur Que de choses agrave se dire Ecirclre pregraves 1 tout pregraves de toi ma Michegravele approfondir sans cesse notre harmonie 1 Aimer 1 el ecirctre aimecirc Jai un besoin infini de tendresse de compreacutehension de libre sinceacuteriteacute de coopeacuteration et de Ion serait impossible dalleudre Je suis tellement insatiable incessanle Cil Comment
bercement fidegravele Il me encore pour le rt~v~r de loi el de ta preacutesence
pourrnis-jn patienle jusshyquliu Iendemaln de Ion relum- eacutetant si pregraves apregraves si longtemps
Lorsque tu arriveras je ne saurai peut-ecirctre que me
bull
1f) L cO(~lJlhE 08 LIDEacuteAL
taire ct te regarder et prendre la main mais nous aurons la cerfilude que les immensiteacutes de nos acircmes el de tout notre egravelre seacutelancent ct se confondent ct en silence ou en paroles banales dans lesquelles eacutetincellcron l les g-emme~ damour ou en mols enlaceacutes nous senti rons lextase de la rencontre ideacuteale
Mon cœur vers loi sen va sen va deacutelicieusement
Et toi tu viens agrave moi li mon royal treacutesor 1
Viens viens je taltends A toujours cl il toujours sois couronneacutee de mon amour sans fin ct snus limites
Jean-Reneacute
gt1shy Paris 5 AoIcircrt
Lomnibus du chemin de fer snrregravea devant notre porte
Une eacutemotion profonde metreignait Dans le SOli deacuteteacute la haute silhouette attendue sapprocha
Et tandis que gland-pfre descendait Je voilure nous nous serracircmes la main intenseacutement
Les dome~ti(IUeS accouraient chercher les bagages
Et nous sommes entreacutes tous les trois agrave la maison une exquise surprise my attendait
Dans le salon ougrave les lumiegraveres beaucoup (le lumiegraveres
toutes allumeacutees brillaient gaiemenl une abondance prodigieuse de fleurs blanches envahissaient les meubles et en profusion garnissaient les potiches et les vases samoncelaient en gerbes Ieacuteeacuteriques seacutelululcnt en bouquets eacuteparses
gt sur les lapis ou piqueacutees autour de palmiers et
de plantes vertes
LA COXQV~TE DE LWKAL 157
Des lilas blancs et des lys surtout et des roses et des arorncs ct des jasmius ct des aneacutemones et des orchideacutees teinteacutees de mauve et des tubeacutereuses enivrantes
TOlite une recircverie de fleurs damour
Jean-Reneacute sexcusait preslue aupregraves de grand-pegravere de la Iiberl(~ prise de cet envoi laquo mais comment ne pas mateacuteriiJlisel lin peu disait-il tous les chants dattente cl
de bienvenue qui milluminent ct quexhale en ondes si puissantes mon ecirctre profond raquo
Etle bon vieillard linterlOmpit doucement
- Vous avez bien fait mon ami de transformer ce salon en un jardin damour pousseacute et fleuri pour ma
petite Michegravele don t les yeux brillants me disent toute la joie eacutemue et douce
Vous avez raison de laimer comme VOliS laimez et je suis heureux lIegraves heureux croyezmoi bien de donner
son avenir et sa jeune vie si riche agrave votre grand ct noble CŒlII
Aimez-la bien aimez-la chaque jour davantage
Dans peu danneacutees peut-ecirctre VOliS serez son seul protecteur son seul appui dans lexistence et je voushy
drais que vous VOliS appliquiez agrave deacutecouvrir toujours
mieux tous les treacutesors enfouis dans sa vaillante nature tous les treacutesors que vous pourrez y eacuteveiller encore et y faire naicirctre par votre amour
Cal lamour vral comme celui qui vous unit mes enfants est le plus merveilleux creacuteateur deacutepanouisseshymen t con lin uel de transformatlons et de progregraves incessants D
Alors grand-pegravere passa le bras de mon bien-aimeacute aulour de ma ceinture et seacuteloigna agrave pas rapides
bull_
11
_
158 LAgrave COQUEcircTR DR LIDEacuteAL
Jean-Reneacute avec une force passionneacutee mallira vers lui et notre longue etreinte fut radieuse
Comment deacutecr-ire linexprimable Comment limiter par des mots Iimmcsurnb le
Ou mieux pourquoi mecircme deacutevoiler en moi jusquagrave vouloir me les deacutepeindre consciemment toutes les eacutemotions ressenties si profondes teus les bonheurs les plus sacreacutes toutes les secregravetes espeacuterances
Non je veux me taire je ne veux pas amoindrir en lexprimant la beauleacute des sphegraveres cacheacutees les plus hautes et les plus lumineuses de notre eacutechange et de notre communion
El mon acircme a son sanctuaire que Lui seul peut peacuteneacutetrer
- Merci mon Jean-Reneacute disais-je de celle symshyphonie de fleurs el de parfums qui entoure notre tenshydresse de son alleacutegresse de gragraveceet de torce de son charme meacutelodieux de son mystegravere peacuteneacutetrant
Les fleurs sont si bien laites ponr bercer lamour et latmosphegravere toute lemplie delles est si douce si extasieacutee pour envelopper cette heure inoubliable de notre rencontre eacuteternelle
Et ce fut le grand bercement des paroles
- Il Y a si longtemps si longtemps Michegravele que je luis seul tregraves seul si peu compris
Il y a beaucoup plus que des anneacutees il y a lanl de penseacutees1 il Ya lant de deacutesirs tant despeacuterances deacuteccedilues t
Mais ln es venue el te voilagrave1 El comme il est vrai que lon grandit quand 01 aime un ecirctre nouveau il est bien vrai que ln vic ne commence que Iorsquelle se
LA aONQueacuteTR DE LlDEacuteAL 159
retrouve Se peacutenegravetre sexalte cl seacutemerveille dans 14me droite lidegravele tendre de celle qui ltun geste lent et sucircr
dune ligne volonlaire vient en feacutee des jours anciens nous eacuteveiller agrave notre recircve mecircme
Vous changez ma nuit en IllIniegravere cl le flambeau de votre ideacuteal qui nous illuminera sans cesse est auss] haut et pur quune eacuteloile de infini Merci de renoncer par amour agrave la vie brillanle joyeuse eacuteclatanle que vous pourlIumlez avoir si taciement dans le monde et de libreshymenl accepter ma voie de rcaiiteacutes seacutevegraveres de disciplines incessantes el de classification de LOIILes choses en vue de lŒuvre agrave accomplir
- En choisissant ainsi lui aimiddotje reacutepondu j~chilDge le meacutetal clinquanl pour de lor pur et le simple cristal pour du diamant sans prix
Et puis si noIre chemin na pas le faux eacuteclat des vaniteacutes mondaines nesli1 pas eacuteclaireacute des lumiegraveres si douces de la paix de lharmonie nesl-il pas beacuteni dans ses espeacuterances merveilleuses JI
Longtemps nous avons eacuteoqlleacute ensemble les projels dun avenir de lIavai et de tcnuresse longlemps les imiges de nos recircves dresseacutees au Iour de nous nous ont entoureacutes et nous ont berceacutes dans un grand souille denthousiasme
Et les heures senfuyaient leacutegegraveles pleine ef adrables
Il ma parleacute de la bague de fia1iccedilailles bull et ensemble nous avons convenu ltun beau rubis cllneacute qui est la pieTe damour lIl toureacute ugravee peliles eacutemelaudes
- Bientocirct me dit-il je vous passerai 8U doigf cet lInneau symbolique en signe de la prolection et de
_~1 )~Inl~~i ~~~~ ~~i~~WSj ())i~Iii(tiiiii~rTxW ~~ X Y )~ r~)ji~ ~i i li) ~X~gi~ i i)1gt1)gtmiddotiI~ ~ f l ll bullbullbullbullbull _ bull
161
1GU LA CONQUI1TE DE LIDEacuteAL
lamour dont je vous entoure et vous enveloppe cela sera le sceau visible de nOS merveilleuses flanccedilaillesi
Michegravele je te confie mon bonheur je te confie mon espoir cl mes ar-lents deacutesirs pOUl toute la vie Jai en toi une confiance infinie que tu feras fleurir ce quil y a de meilleur en moi ct que je te donne avec toute la foi pure et haute de mon amour enivreacute
Michegravele 1 Michegravele 1 laisse-moi agrave toute heure vivre aupregraves de toi deacutesormais les minutes qui nous seacuteparent sont des amoindrissements de seacutereacuteniteacute et de vie
Et sois radieuse et belle Ocirc ma cheacuterie et sois toute baigneacutee damour el aspire vers tout ce qui augmente et vivifie notre ecirctre
Sois eacutepanouie dans ta beauteacute teacuteerlque sois rayonnante de notre joie raquo
Lorsque grand-pegravere enIra nous preacutevenir de lheure tregraves tardive dans la nuit deacutejagrave avanceacutee Jean-Reneacute lui demanda sil pourrait bientocirct venir nous voir avec s~
megravere qui a si grande envie de me connaicirctre
Il fut alors deacutecideacute quapregraves demain malin Mme Formant et son fils deacutejeuneraient avec nous
Je le reconduisis jusquagrave la porte au boul du jardin ougrave longuemeat encore sous la nuit molle et chaude qui seacutetalait autour de nous comme on boit le parfum des fleurs deacutelicieuses nous avons eacuteehangeacute et confondu la douceur de notre extase
tA bONQU~TB bE LIDtUuml il
xx UAoucirct
r ute io baigneacute des grande~ co~v~rsafioris ~ui ~Jllt
pendant ces que(lues jours illunUgraveneacutee et c6mme g~ndie jeacutecouteacute nies penseacutees ea eacutecho
Tout ce qui naugmente pas Jecirctre le diaHilue Tout ce qui ne grandit pas abalsse Tout ce qui nembellit pasabIcircme Rienmiddot nesl indiffeacuterent Rien
Pas une penseacutee pas un acte pas une paroJe pas un ~este pas Une heure
Leacutechange moindre la conversatidn banaJe eutraven t celui qui veut monter
Pour reacutealiser un grand id~al il faut que toute Ja ie tout ce qui Ja tait tout ce qui JJanime tout ce qui rapproche tendent vers cet ideumlal Il ny a pas de demi mesurs Linit~eacute a horreur des tiegravedes et comme la dit Nielzche li il faut ecirctre dur JI pour lIdeacutee Cenest pas eh acceptant les habitudes ordinaires te nest pas en parshy
Iicipant aux mœurs dUne Civilisation deacutecadegte agrave ce point ce nest pas en se nieacutelangeant au monde tel quil est quon peut former le monde futur
Daucuns crient laquoNotre eacutepoque est feacuteconde admirable supeacutelIcirceure raquoEn veacuteliteacute leur ideacuteal nest pas eacuteleveacute et ceuxshylagrave nont pas complis ce que pourrait ecirctre la vie les posshysibiliteacutes admirables qui sont en elle et (luels effroyable gasplUages on tail du temps
1 Cest un grand piegravege que celui de Jamitieacute Lecirctre qui aime mais qui refuse de suivre celui qui va plus Joln
versla sagesse sait se plain1re et apitoyer autrui nest-il pas abandandonneacute par lami hautaiD orgueilshy
_ ---shy
162 L~ CONQU~Tll DB LIDhi
Leux infidegravele qui pour une ideacutee supeacuterieure ou soi-disant telle a le cœur doublier laffection la tendresse le deacutevouement lamour peut-ecirctre de celui qui leste le niegraveme
Mais toi qui aspires agrave monter suis ton chemin Ne te laisse pas fixer par celui qui veut rester le mecircme Essaye de lentraicircner lagrave ougrave te portent tes pail hardis explique-lui ta penseacutee et console-toi de ce que Ion incompreacutehension fait pleurer en toi en essayant
de lui euvrir la porte du Sentier
Sil laime assez il comprendra ou alors cest quil est trop loin de toi et tu nas plus le droit darrecircter la vie et le progregraves en toi pour rester proche de lui en arriegravere
Cherche leacutechange de celui qui teacutelegraveve (lui tapporte qui teacutevolue
Donne agrave ceux qui suivent ton chemin et que tu peux aider agrave marcher vers la lumiegravere Ne te limite pas agrave ceux t1ui refusent daimer son eacuteclat ou (lui nient sa reacutealiteacute
Si tu en souffres deviens-en plus fort Nobscurcis jamai~ ce que tu ~s compris en le meacutelangeant et en le teintant de la penseacutee qui lamoindrait Il Garde toa cœur pius que toute chose quon garde raquo Et comme la dit lApocirctre ~e divise pas en toi le corps unifieacutebull
Souviens-toi du Lekhlekha (i) Biblique Avant de donner agrave Abraham sa haute mission agrave remplir lEternel dit agrave Abraham laquo Tu quitteras ton pays et le lieu de ton parentage raquo
Et pourtant Abraham eacutetait neacute il Or (Lumiegravere) en ClutIcleacutee Et la lumiegravere chaldeacuteenne (Aor) eacutetait deacutejagrave pro fonde
(t) Abandol1ne
tA dONQU~TE illt LIDEacuteAL 163
Mais On ne peut servir Dieu et le monde On ne doit poin t entraver en soi la malche de lideacutee Sois fort sois courageux La sentimentaliti ambiante tassume de toutes parts Ne confonds plIS sensibiIiteacuteavec affection ou bonteacute ou miseacutericorde Ln vraie miseacutericorde est une avec III Justice et il est juste avant toutes choses que tu protegraveges en toi le Divin que si peu reccediloivent et comshyprennent
Entretiens-toi sans cesse de la Sagesse qui es] lagrave science de la vie Refuse les paroles flivoles Fuis lentretien quelconque eacuteloigne-tot toujours plus de ceux qui acceptent le monde tel quil est ou qui douten t de ta mission
Sois fidegravele agrave ta mission par dessus tout
Sois le serviteur de lideacutee
En agissant ainsi tu deacutelivres lideacutee tului frayes uri gland chemin de respect et de seacuterieux tu la gardes
agraveplus pure et ceux qui riennent elle la comprendront plus nettement et oseront parce que tu lauras oseacute Se seacuteparer des ideacutees confuses et obscures se Seacuteparer des mœurs du monde
Ainsi un peu du monde futur pourra se ormel
4tbull
12 Aoucirct minuit
Oh 1 dramatique destin June pa uvre acirclDegrave si forte arrecircteacutee en plein eSSOr pal le reacuteseau dinextlicables obstacles quelle a elle-mecircme dresseacutes sur sa route
_-__-_-------------shy
tamp C()NQU~TE DR LroEAgraveLiucirc4
Pourquoi oh pourltJuoi Quand jc suis au milieu des recircves les plus beaux quand la vie magnlflque eomme un oceacutean prodigieux toule en ses flots puissants toutes les splendeurs dun udmirable eacuteteacute toutes les feacuteconditeacutes tou tes les richesses de la na ture lJuand les journeacutees ltIue nous vivons mon bien-aimeacute et moi sont tellement hautes intenses joyeusement sereines et remplies que je nai plus le deacutesir den exprimer les rythmes tant il est vrai que les profondeurs du bonheur sont silencieuses quand toute la lumiegravere pourrait devenir eacuteblouissante pourquoi oh pourquoi le soleil sarrecircte-t-il de luire soudainement sur cette miseacuterable
)
vie deacuteserte qui allait eumlnfin fleurit dans sa merveilleuse
pleacutenitude
Combien cela mattristc et je sens seulement mainshytenant agrave quel point je laime
Pauvre pauvre chegravere Jane Lexistence tc fut au fond toujours cruelle malgreacute les apparences brillantes dont elle tavait orneacutee et qui saura jamais tout ce que
lu as souffert
Moi-mecircme ai-je eacuteteacute pour toi ce quc jaurais ducirc ecirctre Peut-ecirctre si javais su parfois mieux tentourer aurais-lu eacuteteacute moins malheureuse moins heacutesitante moins troubleacutee
Je ne puis croire agrave cette reacutesolution eacutetrange deacutesesshypeacutereacutee Et lamentablement la silhouette douloureuse de Iane me hante Image tragique sans cesse preacutesente dans mon cœur elle syntheacutetise son Passeacute mysteacuterieux deacuteseacutequilibreacute et dont la reacuteaction Inexorable lencercle et
leacutetreint
Mais non cela nest pas possible 1 Elle est trop belle trop jeunc trop ardente pour renoncer agrave toutes joies
LA OONQm~TE DE LIDfAL 165
pour abandonner lespeacuterance au moment mecircme ougrave le bonhcur lui apparaissait si proche ougrave lnltcnte dc III reacutedemption irrndiuil tout son ecirctre
Cependant qua done cclie soireacutee cette nuit de si lourd de si trlstc
Et je lelis encore la lettre deacutechirnnle quelle a crieacutee vers moi
laquo Ma ltllch61e cheacuterie
laquo Au milieu des ruines de mon acircme je cherche pour un mornen t la force de te dire ma deacutetresse parce que tu as le droit de savoir parce que je veux Ique tu comprennes
laquo Trop tard ~ Trop tard l Tout trop tard 1 1
laquo( Trop tard venu lavertissement qui arrecircta ma course folle
laquo llOp lard la rencontre merveilleuse Trop tard ma rupture des indignes chaicircnes
laquo Trop tard tout leffort de ma volonteacute tendue pour reacutepare l Ics fau tes des truel rices
En avaut quand jo regarde au loin je naperccedilois plus quune route en Ieu des ponts qui secroulent des torrents qui ravagent et qui brisent
En arriegravero si je regarde je ne vois quun marais brumeux sordide miseacuterable slins une fie III de beauteacute
sans une lumiegravere damour sans une icircle de recircve Hien rien seulement langoisse du laquo cela alraillu ecirctre )
Je ne peux pas lutter Cest trop Je mentuierai loin loin
Je ne peux pas revoir ecmonde ce piegravege Ma lettreacute
u t
fifi LA CONQU~TR DB LIDEAL
est un adieu Si tu maimes ne cherche jamais agrave rien lavoir de moi
Jeacutetals freacutemissante despoir et de reacutesolution jc me sentais capable de remuer des montagnes jeacutetais eertaine de maffranchir de me relever Ile me purifier Oh 1 jeacutetais sucircre de resplendir
Mais voilagrave Lui il cst marieacute
Ah 1 il r a Irais ans Quand il maimait quand je lai deccedilu quand je ne lai pas reconnu quand jai ignoreacute lia souffrance quand jai joui de sa souffrance - comme 1
de celles des autres - alors il eacutetait libre
Cest bien moi qui nai pas su qui nai pas voulu Loo
La reacutealiteacute lagrave veacuteriteacute la vie tout sest offert1Moi je neacutetais pas precircte - Maintenant je pleure
Lui if est droit il est noble il a un foyer une femme des enfants - sa droiture est c onlregrave moi Il maime et toute sa vie aussi sera marteleacutee de mon souvenir il maime dans un regard dans un mot au fond de son agraveme voileacutee la lueur dUne eacutetoile au lieu de la clarteacute sans limites du soleil
Ah 1 je serais resteacutee jau~ais dompteacute lassoiffement de mon corps Jaunis domineacute le tumulte des vagues de ma tendresse impuissante jaurais veacutecu des mieIles de bonheur qui me seraient venIles de lui agrave travers lespace comme se nourrissent les oiseaux familiers 1
Cela mecircme est impossible Le fauve sest deacutechaicircneacute la colegravere la jalousie lorgueil ont allumeacute la farouche passhysion dUD homme qui se croit le droit de me garder par
Ia menace pal la violence pal la haine
s veageance plane oh 1 ras sur moi sur Lui
LA CONQutTE DB LIDEacuteAL 167
- _
Comprends-tu Michegravele
Sur Lui il est comme un otage qui reacutepond pour moi 1
Chacun de mes gestes est eacutepieacute par celui qui fut mon amant Talbrut 1 ne reculerait devant rien
Et lagrave cest linexorable Cet homme est en fer Je ne peux ni rester avec lui que jabhorre ni approcher Wanneshield dont la preacutesence est mon tout une parole une rencontre serait le duel peut-ecirctre le guet-apens 1
Alan je pars je menfuis Ne me demande pas ougrave je vais Le nuage informe quentraicircne louragan sait-il co quil sera demain
Ne me regarde plus
Tout est fini Ce soir je ne serai pas ici
Quelques-uns seacutetonneront Dautres me chercheront peut-ecirctre Iais nul ne me verra plus jamais jamais
Et la vie est ainsi laite quil faut que je leacutecrive mon adieu au moment ougrave tu mapprends la chegravere nouvelle de tes fianccedilailles
Dans ma douleur sans fond je taime pourtant assez Ocirc
ma cheacuterie pOUl sentir une eacutemotion p~ofonde et douce qui me pousse vers toi si tendrement
Michegravele bien aimeacutee je comprends en ce moment tant de choses nouvelles qui entrent brusqusmen t en moi par la grande blessure de mon cœur 1
Ah les plus hauts despsychologues qui nous peignent en tableaux admirables les passions les sensations les actes et les deacutesirs de lhomme ne vivent que dans un domaine infeacuterieur et au-delagrave de cette sphegravere active il y ~ tous les eacutelans plus protonds de lecirctre et toute la
_
(68 LA OONQUtTB DB L~DtAT-
ie reacuteelle - celle que je nai pas veacutecue - cette vie ineacuteshypuisable infinie mysteacuterieuse (lui nous frocircle de ses crandel ailes aux seuls moments heacutelas ougrave la douleur bat ~urnous
Pourquoi attendons-nous les heures si graves pour penser plus gravement
Pourquoi lacircme profonde ne seacuteveille-t-elle dans les ecirctres ou dans les peuples que lorsquun drame les eacutetreint
Bientocirct je serai loin tregraves loin et je sens seulement agrave cel instant terrible ougrave ma reacutesolution inexorable doit laccomplir - comme si je voyais deacutejagrave ma vie dici avec beaucoupde recul ou de ti egraves haul - je sens seulement mainlenant combien lexistence humaine est remplie dheures vaines steacuteriles superficielles distraites pal tout linutile et combien elle pourrait devenir splendide si chacun roulait comprendre 1 Le grand ennemi de lhomo megrave heacutelas cest lhomme lui-mecircme Et moi javais peutshyecirctre reccedilu plus de forces quil nen doit ecirctre accordeacute aux humains pour aimer
Lacircme profonde ~veut nous parler mais sa voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffent
Michegravele cheacuterie je sais que celui avec lequel tu vas vivre la vie a compris deacutejagrave plus que je ne sens encore Ecouleshyle suis-le comme tu laimes Il est de ces rares (lui cherchent agrave ouvrir les portes scelleacutees par ougrave notre espeacuteshyrance monte vers En-Haut et par ougrave un peu de la grande lumiegravere du ciel pourra descendre sur les hommes
Oh Iloyez heureux soyez beacutenis 1 Vous deux qui vivrez P9ur fair lavenir meilleur Je VQuS comprends et je
L CONQU~TB DE LIDEacuteAL Hm
vous regarde je vous comprends et je vous admire Oh Vous Deux soyez heureux 1
Et ce vœu est la seule eacutetincelle ardente qui seacutechappe de la Douloureuse qui sen va nemportant avec elle que remords deacutetresse regrets et renoncement
Car jai enfin renonceacute agrave Tout
Jane
16 Aoucirct
Nul ne sait ce quest devenue ma pauvre grande amie
A Interlakenon ne la pas revue depuis le 11 Aoucirct
Plusieurs preacutetendent quelle est partie par Je train du soir qui rejoint IExpress-Orlent Russie Sibeacuterie Chine - qui sait
Je lui avais teacuteleacutegraphieacute aussitocirct apregraves le reccedilu de sa lettre
La deacutepecircche nela plus trouveacutee heacutelas et mest reve~ue
TOIlI le pays est en eacutemoi de cette disparition subite ct complegravete
Sans doute celui pour lequel elle a tout abandonneacute a-t-il eu tille derniegravere leltre delle
Mais elle Ile lui aura padeacute qlle de lamour qui aurait pu ecirctre son relegravevemeu t et (fui est devcnu la cause de sa deacuteroute
Peut-ecirctre recevrat-je un JOUI lin mot delle venu le cel Orient lointain qui la toujours attireacutee Et je Jeacutevoque
je la revois si belle avec ses grands yeux de vertige
__________bull ~ ~ ~ t _ lt bullbullbullbull ~ ~ - j ~1middotbull11 nmiddotv 1 1 I~ IN H l~ Il~ Z 1Jl~~~f 1middot~~yv ~ l~ ( Ii l i l(gtgtmiddot~middot ~ ~ I~ ~r-r~ 1iI l~ l~ iuml~~llll~i) ~fi gt~~ 1 l)) iygt~middotg ~ 1~l 1 ~ 1lt ~i 1~S lt1 ~ iFS~W1~~~Icircmiddot~r(tmiddot~~~1~~ ~~n~~~(Fmiddot1
l70 LA CONQUI~TE Dn LIDEacuteAL
quand elle me prenait sur ses genoux et quelle me serrait contre son CŒlUI vibrant et passionneacute
Pauvre Jane 1 Nentends-tu pas lappel de ma tendresse qui seacutelance vors toi et qui voudrait si Iortemen t te sou tenir et te bercer
Il Y a dei moments ougrave la vie touche linsondable
Et malgreacute la consolation terme et douce de mon grand soutien je ne puis deacutetourner ma penseacutee de ce drame eacutetrange
Jean-Reneacute aurait eacuteteacute si capable de comprendre et daider Jane 1
Il a aimeacute la fin de sa lettre laquo Lacircme profonde veut 1
nous parler mais Sl voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffentraquo
- laquo Cela est vrai memiddot disait-il tout-agrave -lheure Ta
pauvre amie Michegravele a compris de nouvelles veacuteriteacutes
dans Sil lourde souffrance
Auxlleures tragiques qui sonnent dans la vie soudain son cocircteacute seacuterieux apparaicirct et lecirclre est tout precirct alors agrave
seo tir les progregraves agrave reacutealiser les ameacuteliorations agrave accomshyplir les efforts reacuteels il faire en soi et autour de soi pour abolir ce que lon peut des souffrances humaines
Mais heacutelas trop souvent presque toujours (lue le soleil ~u bonheur reacutechauffe lecirctre meurtri que la vie seacutepashynouisse de nouveau et avec la paix qui revient renaicirct lindiffeacuterence de lecirctre son inertie sa Irivoliteacute mecircme
Voilagrave une des immenses reacutealiteacutes symboliques de lAnshycien Testament chaque fois que le peuple dIsraeumll tombe en deacutetresse il se tourne vers ion Dieu pour limplorer j
~~
tA CONQuecircTB DE L~DacircAL 171
Dais degraves que la prospeacuteriteacute lui sourit de nouveau il deacute tourne ses pas des sentiers de la justice et il adore les idoles impures du monde profane D 1 Nous eacutetions dans un courant de penseacutee ougrave Jean-Reneacute est ineacutepuisahle Il continua Ionguement
-- laquo Tant ltflle la vie reste veacutegeacutetative inconsciente elle est heureuse telle quelle est parce quelle nexiste que dans le preacutesen t En geacuteneacuteral elle se conten te de ce quelle est puisquelle ne conccediloit pas le mieux-ecirctre
laquo iIais degraves que la conscience seacuteveille et que lintelligence
compare se souvient espegravere il ny a plus aucun bonheur possihle dans les conditions de la vie primaire classifieacutee alors comme insuffisante douloureuse instahle
laquo Lorsque la vic nest plus satisfaite par II sensation la sensualiteacute leacutepanouissement naturel et ltflle lintellishygence commence il formel des modes nouveaux de jouisshysance -les plaisirs intellectuels ou intellectualiseacutes - cest que la conscience est eacuteveilleacutee et par conseacutequent lhomme
qui touche cette phase ne peut plus sauf par un effort daveuglement volontaire se deacutetourner de la recherche constante du mieux-vivre
laquo Deacutesormais toute la sphegravere de laction possible appashyraicirct sous deux aspects llin constructeur lantre destrucshyteur lun (lui tend il ameacuteliorer lautre agrave deacuteteacuteriorer les conditions deacutejagrave acquises
laquo Sous cet angle les jouissances naturelles qui furent toute la vie primaire restent neacutecessairement la base de la vie intellectualiseacutee mais comme Iinlellectualisatten de ces jouissances est susceptible de les fausser il y a agrave
deacutevelopper une volonteacute de na tm-alisme balanceacute Iortifian t ~aiQ
-
-
1
_
173 112 LA CONqUlhE ns LIDEacuteAL
bull ci De plus pregraves encore il faut passer au crible les plaisirs intellectuels (lui si facilement peuvent devenir des excitants ruineux des stupeacutefiants des eacutepuisants
laquoAutrefois la saugraveuetlaquo de la vie consistait reacuteellemen 1
dans celte balance celle hieacuterarchie harmonieuse dc toutes les faculteacutes
CI La destruction vient de lexcegraves cest pourquoi Iasceacutetisaie nest quune caricature de la vie sainte parce quil cherche agrave saper la base fondamentale et naturelle
laquo Lorsquon a compris ces choses lorsquon sait que lintelligence peut transformer lorsquon sent tout ce qui manqlle que deviennent les plaisirs futiles les gasshypillages de forees les tempecirctes passionnelles et toutes ces distractions vaines tout ce (lui deacutesagregravege ce que nous voulons ce que nous devons organiser
laquo Les mots contiennent de grands enseignementsmiddot parshyce que lantiquiteacute savante les a formeacutes syntheacutetiquement selon les lois reacuteelles de lecirctre eacutetymologiquement distracshytion laquo distrahere raquo veut dire laquo tirer-hors raquo nous tirer hors de nous-mecircmes hors de notre preacuteoccupation de notre responsabiliteacute de notre espeacuterance nous faire oushyblier les choses seacuterieuses
laquo Et croyez-moi Michegravelesi la tlistraction peut ecirctre leacutegitime dans certains CfJS il certains moments 0 elle est ponr ainsi dire neacuteceSSaire combien elle est illeacutegitime et neacutefaste pOUl ceuz qui sen serveltt dans linsttuuuml Olt
pleins de [oree ils pourraient trtniailler agrave JeacuteaLiser lideacuteal cest-agrave-dire agrave mateacuterialiser dans la vie ambiante la conshyception in tellectuelle du mieux 1
laquo Que les homaes depuis si longtemps quils souffrent
tl CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
et se deacutebattent entre le Jardin de lInconscience et lacirc Terre Promise soient si pcu nombreux agrave prendre virileshyment la route qui les megravenera vers le bonheur intellectuel cest lagrave leacutetonnant mystegravere que la complexiteacute de lhistoire politique du genre humain explique en partie
laquo La frivoliteacute la leacutegegravereteacute inouiumle larrivisme eacutegoiumlste lindilTeacuterence cultiveacutee de la plupart des intelligences est comme un voile qui cache la graviteacute de la vie la proshyfondeur merveilleuse des possibiliteacutes quelle contient 1raquo
Une lettre dAndreacute Calvis
Florence 18 Aoucirct
Vous sentez tout ce que jeacuteprouve en apprenant vos fianccedilailles Michegravele 1 Par-dessus el au-dessuslife tous les sentiments divers et complexes que celle rande neuvelle
eacuteveille si profondeacuteœent en moi mes vœux seacutelancent ardents graves fervents et conscients de tout ce quils impliquent 1 Soyez heureuse chegravere Michegravele vous et celui que vous avez trouveacute digne de vous
Plus tard un peu plus tard quand VOliS serez mariee et lorsque je me sentirai plus fort je viendrai vers vous deux et jespegravere que vous maccueillerez comme je vienshydrai en ami et en fregravere Car je me souviens de vos paroles du dernier soir CI quil faut garGler comme des clioses tregraves preacutecieuses les liens reacuteels neacutes dans nos vies D
bullbullbullbullbullbulll lt~) ~~middot 1 bullbull~ bullbull bullbull ~Il~lt bullbull ~ _~ bullbull __ 0
__ __ __ _ _
174 LA CONQu~rE DK ~IDeacuteAL
Oui nous deacutetruisons parfois inconsideacutereacuterneul pal inconsshycience ou pHI fuihlesse ces lieus qui soa l en reacutealiteacute cl
en essence de la vic mecircme de la beauteacute de lamour dans le sens le plus eacuteleveacute du mol Nous tuons ainsi en nous de la vie en nous diminuant en veacuteriteacute nous-mecircmes
Parmi les ruines des souvenirs somplueux que vous mavez laisseacutes il esl neacute un nouveau poegraveme tel un jeune arbre plein de vigueur Je llais quen lachevant jaushyrai triompheacute de mon chagrin Michegravele El quoique ce puisse sembler choquant que jose encore aujourdhui Iait-e une allusion au passeacute il me Iait lanl de hien de POUVOil agrave cause de vos fianccedilailles mecircme vous redire ma respectueuse affection raon deacutevouement inalteacuterable Dites agrave velre fiasceacute combien deacutejagrave je laime puisquil vous rend heureuse Et sachez lous les deux quen ces heures inlenses lue vous vivez ougrave tanl davenirs ~erlllent parmi linconnu mysteacuterieux des destins (lui se nouent et se peacutenegraveshy
trent nul plus que moi nappelle vers vous le bonheur le gTand lunique hsnheur qui illumine la vie 1
SUl la terrasse dougrave je VOliS ecris le parfum intense des loses dItalie se reacutepand III moule dans lair du soir Quainsi montent jUS(IUagrave vous respectueux et profonds les neux de celui (lui meure un ami
hdreacute Calvis
Andreacute Calvis 1 Edmeacutee Torguegraves 1
Tons deux sc sonl trompeacutes dabord SUI leur veacuteritable chemin
Comme il esl facile de se tromper degraves quon ne parle
LA CONQUEcircTE DE LIDEAL 175
pa~ en soi un sens indeacutefinissable de la direction el de leacuteloile Les nuuges te lil seatiuieataliteacute tendre romashynesque el faible comme les voiles de 1 serrtiurenluliteacute somptueuse lyrique el dramatique suffisent 1 enteacuteneacutebrer la reute lour ceux-lagrave il faut ne main secourable qui tosse luire un rayon de veacuteriteacute Il me semble que de ces deux erreurs uae belle reacutealiteacute pourrait surgir Edmeacutee 1
Acircndleacute Ils Ile savent pas combien leurs natures se reacutepondent 1
Linterpeumlneumltratien cest lillimiteacute linfini 1
Mal~reacute lintensiteacute te leur ecirctre et sa valeur selon SI
propre loi tous deux furent agrave nous deux limiteacutes et finis parce que leur monde neacutetait pas notre monde parce (lue leur attente neacutetait pas notre attente 1
)Iais jai liatuilioa certaine quen se rencontrant ils se retrouveront et quen se trouvant ils vibreront eux I1Issi leur accord infini
~
20 Aoucirct
li Y a tnt de choses (IUC jaurais voulu pouveir eacutecrire de tout ce que me dit Jean-Reneacute Les coavershysatieas degraves quelles se dirigent vers les hauteurs deacuteroushyleat tes livres entiers Et je ne rappelle agrave la surface de ma meacutemoire que des fragments infiniment petits
laquoLa vie est ce que nous la faisons Or la vie de lhomme actuel nest pas encore consciente ni reacuteellement
Tbull yumiddot lxcv l7_Vf l rimiddot lt~~ li i i ili f v~l ~middoti1 middotmiddotGmiddot middotI~i~ ~WYINiumlW llPt 1 V)Ilt1tnJ~bull bullbull _ u bullbull bullbull on u
1
1iuml6 LA CONQUEcircTE DE il~tlU
formeacutee Lhomme dont les cinq sens ordinaires sont seushyIement eacuteveilleacutes veacutegegravete dans un eacutetat dinconscience grus~
siegravere et de leacutevolution de ses sens latents deacutepend le raffishynement et le progregraves veacuteritable de la vit
Quelques-uns conccediloivent mal comme quoi ce que Pdn appelle communeacutement de ce mot mal choisi loccullisshyme (mot qui ue veut rien dire en veacuteriteacute puisque tout est occulte jusquau jour ougrave cela devient objet de science cest-agrave-dire dexpeacuterience el de connaissance ce qui est preacuteciseacutement le cas actuel pour ce que lon appelleocculshytisme) quelques-uns conccediloivent donc mal que ce que lon appelle plus justement les sciences psychiques puissent aider par leur progregraves le honheur humain et la reacutealisashy
tioa dune vie plus haute et plus noble Comment ne pas comprendre cependant qlle si nous
voyons tous la vie agrave travers nos propres yeux que si nous n~ voyons que ce que nos orglInes actuels sont capables dapercevoir notre champ dinvestigation dintelligence de compreacutehension et de connaissances augmentera proshygressivement au fur et il mesure du deacuteveloppement de lhomme lui-mecircme et des sens supeacuterieurs quil possegravede latents Comment ne pas deacutesirer eacutevoluer au plus haut de son individualiteacute dans toutes les directions possibles
Comment ne pas mecircme essayer sincegraverement et avec perseacuteveacuterance leacuteveil de ces faculteacutes psychiques traditionshynellemenl connues et qui enrichissant lecirctre en profonshydeur et en reacutealileacute lui permellent de sentir Iil vie agrave un
eacutechelon quil ne soupccedilonnait pas encore auparavant de soulever un voile sur le mystegravere de linvisible et daccroicircshytre infini~ent la connaissance humaine en lui permetshytant de peacuteneacutetrer dans ce que lon pourrait appeler laquo lenshyvers ou lautre cocircteacute des choses D
LA CONQU~TE DR LIDEacuteAL i77
Alors lhomme eacutevolueacute ainsigt peut comprendre non seulement ce que paraissent les actes les paroles les penseacutees mais ce quelles Salit AlOlS sil cherche agrave trashyvailler au bonheur humain son effort raffineacute et compreacuteshyhensif visera juste et aura chance daider la vie en sa reacutealiteacute ct en Son essence mecircme en sa ~randeur en sa diviniteacute
Cal lhomme actuel ne se meut et nagit en geacuteneacuteral que dans lapparence primaire dun mouvement inslincshytit et suractiiuml quil prend pour la vie et qui est ocirc Comshybien loin dela reacutealiteacute des choses 1
laquo Lhomme ne vit que lorsquil est au plus haut de ses possibiliteacutes D a dit un poegravete Lorsque lon songe agrave cette penseacutee avec quelle meacutelancolie on constate corablen peu decirctres vivants vivent et combien rarement ceux-lagrave aussi qui savent monter au plus haut deux-mecircmes se maintienshynent sur ces cimes lumineuses 1
Toule lorganisa lion des socieacuteteacutes Con temporaines tend agrave ramener lhomme vers en bas Les habitudes les Conshyversa lions les usages les foules les fecirctes les reacuteunions mondainas amicales 011 familiales les eacutechanges les mœurs les amitieacutes les relalions rien nest fait en vue de leacuteleacutevation spirituelle de lindividu en vue de Son eacutevolution profonde et tout au contraire cherche agrave le faire descendre vers le niveau moyen - du Tout-leshyMonde ordinaire
l Comment ne pas voir que le progregraves de la vie ne peut
ecirctre quen mesure du progregraves de lhomme qui forme cette vie Comment ne pas sentir ce que la connaissance de la vie vi~~lIte et la peacuteneacutetration du soi-disant invisible ajoute il la conscience humaine Comment ne pas comshy
Ibullbullbullbullbullbullbullbull middotmiddot~~middotllt~ lt~ L Il
bull 1
li9 l bull
LA CONQU~TE DE LlOiAL
Mal nos doles eacutetreintes siIIumi~aient lune par lautre i 1 ) 1 r
DOS lents baisers sapprofondissaient lamour descendait sur nous nous baiaant de ses vagues envel~ppantes
Amollir seule reacutealiteacute que mon etre conccediloive hor~ de tespace et hors da temps amour unique loi de vie orishygine des choses et suprecircmebut de toutes lecircs choses
Puis comme ties profondeurs dun lac montent peu agrave peu et seacutepanouissent les fieurs du neacutenupbar lentement du profond de nos ecirctres seacutelevegraverent les paroles i
- Il fait eacuteternel murmura Jeaa-Beneuml
Et ioucement il eacutevoqua lavenir
- Dans quelques semaines Michegravele cheacuterie le cadre de notre solitude sera plus vaste et plus solitaire lorsque nous partirons quelques jours apregraves notre mariage dans ma petite maison deacuteteacute ougrave Octobre nous sera si beau
Dans ce pays de montagnes et de forecircts les automnes sont feacuteeriques et lagrave nous nous peacuteneacutetreacuterons chaque heure davantage ~t nous eacutetablirons une vie noble et haute sur cette base physique lI1erveilleuie la nature 1
Avec leacutechange constant de nos ecirctres les jotJis~IDeacutee5 clviendrent exquises et nous apprendrons de mieux en mieux agrave aimer les richesse que nous offre la terre la beaateacute des grands arbres la splendeur des champs les lointains des montagnes mauves les torrents dargent qui sautent si librement et qui forment les claires cascades voisines de notre home ougrave le murmure des chutes deau et de la brise dans les feuillllge~ enchanteront de leur musique notre alJloulmiddot recueilli Puis cc sera lheule Oi1
le soir tombe et ougrave DOS promesses seront si tendres dans chaque mot pronccedilnceuml tout bas t ce sera lheure ougrave les
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL
24 aoucirct
bull
o belle soireacutee dhier si intime el si douce atmosphegravere deacutelicieuse-de ma chambre alourdie pal les fumeacutees du haut brucircle-parfum et des odeurs mielleuses de toutes les gerbes de fianccedilailles qui remplissen t les vases les potiches et les cruchons de cuivrebull
Oh 1 charme de ces heures intenses deacutelices de vivre eacutechange abondant de tendlesse silencieuse bercement de bonheur eacuteclosion despoirs richesse de deacutesirs infiai
merveilleux
Nous ne nous parlions pas trop perdus dans loceacutean de notre regraveve
bullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullirr
prendre que tous les grands geacutenies qui formegraverent en veacuterileacute la civilisation actuelle furent des initieacutes des proshyphegravetes ou des occullisles El quc les penseurs de second rang ne veacutecurent que de ce quils pr-irent agrave ceuxshylagrave El pourquoi ne pas aller jusquau fond des choses 1
Toutes les civilisations qui anoblissent lhumaniteacute sont uniquement formeacutees sous linfluence des anciens livres sacreacutes la Chine intellectuelle est tout entiegravere contenue dans Confucius et LaoTseu lInde a ses Veacutedas les lois de Manou la reacuteforme de Siddharta Ce qui leste de Parsis garde lAvestha et limmensiteacute musulmane prend ses racishy
nes dans la Bible par Mahomet
Enfin notre penseacutee occidentale est davantage encore
fil~~ de la Bible ce splendide livre de sciences profondes que comprennent si peu ceux-lagrave mecircme (lui le veacutenegraverentraquo
178
gR A
HW LA CONQUEcircTE DE Lwh
eacutetoiles montent dans Ic ciel (lIi vient de seacuteteindre et ougrave nos penseacutees aussi libres (lIC linfini des cieux sans limites
chercheront de nouveaux horizons ~
Car nous voulons nest-ce pas ma Michegravellaquo mainlenir
nos legards vers toujours plus loin
Nous sen tons en neus un moi supeacuterieur (lIi demande
ft se manifester el qui cherche il seacutepanlllllir Et il ne faut pas encombrer nos vies de banaliteacutes doccupations quelshy
conques ou dideacutees mesquines si nous voulons progressishyvement chercher agrave monter vers ces crecirctes eacuteleveacutees ougrave
lhomme ne sait pas assez se maintenir
La spiritualiteacute nesl pas une qualiteacute mysi ique irnpreacuteshycise et vague de seacuteveacuteriteacute ou de pm-ilnnisme cesl la plus sage et la plus meacutethodique volonteacute dl reclvoir et dutiliser
toujours mieux nos capaciteacutes ces] la Iorcc de progregraves et deacutevolu lion que doi t deacutevelopper con1in uellemen t en elle
toute intelligence veacuteritable
Si chaque homme appliquait ses efforts de perfeclionshy
nement sur lui-mecircme si chacun cherchait avant tout agrave se construire sans cesse un corps plus sain et plus robuste
un caruclegravere plus souple el plus ouvert une volonteacute plus ferme une mentaliteacute plus savante el plus forle combien
toute la vie serail vite changeacutec-
Cest lagrave la a seule chose neacutecessaire raquo mais 011 a si peu
cempns 1
Il faut aussi -vouloir laquoatteiRdre raquo il la seacutereacuteniteacute il laut ~trecalme joyeux espeacuterant sans heur et sans trouble Tout trouble est nuisible surtout aux heures de danger et dangoisse ougrave il fait perdre III luciditeacute la clairvoyance
et la deacutecision deacutesirables
JA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 1Rl
-----------------------shy
Il faut ecirctre comme un grand arbre majestueux dont les racines sont profondes don la cime monte vers la lushymiegravere et dont les branches souples ct flexibles savent en se balanccedilant mollement reacutesisler agrave la tempecircte
Et si cet arbre porte des fruits agrave la maturiteacute ce fruit sc deacutetachera pal la loi naturelle de mecircme si lecirctre arrive
agrave ecirctre riche de puissances vitales et de dons spirituels il devra les manifester el reacutepandre SUI autrui la vision plus pure de son in lelligence
On ne doit ct lon ne peut rien garder jalousement pour soi si lon veul faire croicirctre la richesse de son ecirctre
Mais il faut seulement donner agrave ceux qui sont capahles de recevoir Et il nous faudra Iormer Michegravele degraves que nous reviendrons agrave Paris tout un milieu sympathique et raffineacute don] les tendances seront semhlahles dont les eacutechanges seront ha rmonieux don t la volon teacute sera intelshylectuelle ~eacuteneacuteleusegt eacuteleacutegante et pure
Au centre et au sommet de cc groupe nos Maicirctres shyaupregraves desquels jaurai tant de joie agrave vous conduire hienshy
tocirct en cet Oasis eugrave jai appris agrave penser - seront notre
lumiegravere ct le grand abri protecteur lArche sain le qui conlient les germes dun monde futurgt malgreacute la confushy
sion cl les chaos exteacuterieurs
J)jI ils me demandent de prnser i cet entourage eacuteleveacute (lui VOliS conviendra puisque nous aUlOIlS agrave voir beau cou p di ndividuali leacutes not re travail tan t avec les homshyeacute
mes Il faul vivre intenseacutement il Iaul entendre le plus possible les grandes symphonies eacuteternelles que chantent les mondes et comprendre toujours mieux les splendeurs de lart de la science de la vie prodigieusement infinie Mais er veillant agrave la mise en forme progressive ltte tout
~rlt~~middot~~ y ~ ~r~ middot~lt~middot~middot ~(tlt ~ 11-~ ~ ~~ JFf~~frY~ ~ N~middot~middotmiddot~~~~middot~i(~middot~~ ~~y~~)~ 1bull- bullbull rf bull H ~Il f r r 1 ~ r1H~n 1~~ (1 e ~ l v~~~~~~~lV~ V~middot-~l~~~~in~~ ~~ tmiddotR~middot ~V~I r~~ ~ Y~~~~~00~ ~ gt~ ~ ri~~gt~middot~middot~middot~middot~~ ~(1 imiddotmiddotmiddot~middotmiddot~ ~ ~
i8tmiddot LA OONQUTB DB LIDEacuteAr
lecirctre ct se mettre en lorme Cest se maicirctriser se discibull plinerbull
Il faut former eacutegalement lamhianee amicale et cher cher les affiniteacutes reacuteelles ascendantes
Ce groupe nous sera preacutecieux et nous aidera agrave surshymonter les niveaux infeacuterieurs dexistence qui se meacutelanshy~ent trop dans la civilisation actuelle et dans lorganisashytion de lactiviteacute des grandes villes nous ne pouvons savolr agrave quel point nOU5 ahsorbons les deacutefauts dautrui et surtout ce qui ne nous paraicirct pas un mal en lui-mecircme (et qui nen est peut-ecirctre en effet pas un pour lautre personne mais qui devient mauvais pour nous si nous voulons tendre plus haut) Nous ne pouvons savoir agrave quel point dans une seule conversation nous pouvons absorshyber de deacutecouragement e futiliteacutes dinertie de vulgariteacute de frivoliteacute dideacutees inutiles et banales quimiddot rempliront de longs jours et agrave tort les espaces de notre acircme
Je voudrais ma Michegravele pouvoir tentourer dun corshytegravege damis nobles et enthousiastes qui chercheraient agrave gravir avec nous les sentiers abrupts de la connaissance les sentiers fleuris de laffiniteacute reacutealisatrice et dont la
plastique intelligence sornptueuse vibrante eacutechangeacutee ferait une harmonie vivante et deacutelicieuse un grand coushylan t de formes joyeuses dans lequel nous eacutepanouirons doucement notre action au sein duquel nous voilerons meacutelodieusement notre bonheur raquo
Malgreacute moi une tristesse menvahit je voyais une tache sombre au tableau de lumiegravere la place vide de Jane parmi ce groupe ideacuteal ougrave sa belle intelligence aurait ai bien pu se spiritualiser
Mon bjeJ-oilJleacute ~~fltit lOIlllgtre qui venait de paner sur
JA CONQun DE L~IQEacute4L J83
moi Il mattira vers lui et il menlaccedila de toute sa tenshydresse forte et protectrice
--- Tu es dans mes bras mainlenan t cheacuterie et lagrave il ne doit plus rien y avoir pour toi que la paix la joie lespeacuterance
- Et il ny a que tout cela en effet Jean-Reneacute avec aussi lamour le plus profond que mon cœur puisse renfermer
Je lui ai dit eneore - Il faudrait que notre bonheur solt un forma leur
dautres bonheurs quil soit un eacutepanouisseur de vie un (acteur deacutechanges plus intenses et plus complets
Dans lentourage dont nous parlons et que nous espeacuteshyrons attirer autour de nous il faudra chercher agrave taire eacutetinceler sans cesse de nouvelles sympathies de noushyvelles amitieacutes de nouvelles amours l
Il faudrait y faire naicirctre toules les eacuteclosions des possihishyliteacutes y relever les fleurs pencheacutees comme ma petite amie Edmeacutee Torguegraves y deacutevelopper les faculteacutes les talents enshycourager les nobles essais et surtout taire de lavie middotmeilmiddot leure par ce geacuteneacuterateur admirableacute de la force humaine les eacutechanges en affiniteacutes reacuteelles
Car lexistence comprise et reacutealiseacutee volontairement par lunion profonde et laide spontaneacutee dintelligences qui comprennent qui veulent ensemble qui se suromhrent et sencouragent les unes les autres deviendrait comme un splendide feu dartifice aux bouquets ininterrompus alors quaujourdhui nous ne voyons que de pacircles fuseacutees sillonner de loin en loin la nuit
- Plus de vic plus de beauteacute plus damour mur mura Reneacute
egrave ~vrmv(~middot~~middotmiddotmiddot v lt1middotmiddotmiddotmiddot~middot~ 1 bull lt(~ii~)~1~~Wry)gmiddotr~~l~W~m_~
ilH LA CONQUlhn DR LIDEacuteAL
Vivre chaque heure eR beauteacute 1 A notre eacutepoque lart nest que limmense inassouvissement des acircmes qui voushydraient plus de libc~l plus dessor plus deacutepanouisseshyment plus de naturalisme plus de splendeur plus dideacuteal el qui sont forceacutees de chercher cela en dehors de la vic
Lart actuel nest pas une certaine partie dun tout magniflque il est leacutetincelle lumineuse seacutepareacutee solitaire vers laquelle se legraveve enivreacute le regard des egravetres de deacutesirs et de recircve 1
Et pourquoi ne pas reacutealiser toute lexistence en ltCIIVIe da rt pourquoi ne IHIS chercher il rendre plastiques
chacun de nos gestes chacune Ugravec nos altitudes chacune de nos penseacutees
Pour cela il faudrait que tout homme aille aussi loin que possible sur la route quil poursuit
Leacutevolution constante voulue ucircpremcnt avec une pelmiddot seacuteveacuterance inlassnbic est la Ta ride transforma triee
Penser aimer agir Penser de plus en plus prolondeacuteshyment aimer de plus en plus intenseacutement agir de plus en
plus activement
Et aire croicirctre en chaque ecirctre son moi le plus eacuteleveacute
laquo La philosophie a dit Novalis est lexcitation du moi reacuteel par le moi ideacuteal raquo
tA CoNQUEcircTB DE LIDEacuteAL
~--------------------
des dignorance sources des erreurs et des preacutejugeacutes les veacuteriteacutes illuminatriccs (lui libegraverent des impulsions et des passions et conduisent agrave lactivilegrave constante de notre ecirctre divin dougrave reacutesulte le regravegnc de lharmonie SUI les terres cela seul est un but digne de lintelligence une œuvre de sagesse et de reacutealisation solaire
Sous le regravegne de la raison et de la science plus haute quelle est apte agrave manifester la science intuitive il ny a plus de place pour les obstacles que lhumaniteacute instincshytive jette continuellement sur sa propre route il ny a
plus de place pour lobscure tyrannie des peuples sur les peuples pour les haines teacuteneacutebreuses des sectes contre les sectes pour les narcotiques empoisonneacutes qlle versent les
fausses morales eacutet les croya~ces eacutetroites
foutes ces entraves tontes ces laideurs seffondrent
se dissolvent disparaissen t et lcu 1 peu surgit lHumaniteacute nouvelle comme en un jardin comme en un temple eacutepanouie miseacutelicordieuse eacutepureacutee lHumaniteacute llormoshynieuse qui du sommet de la pyramide jusquagrave sa hase innomhrahle agit en union pour eacutetreindre en chaque heure lagrave heacuteatilude de lEternel Preacutesent
Je conternplais le deacuteroulcment des visions ct aperceshyvant dans le passeacute tant de snmhrcs trageacutedies faites au
nom du progregraves et de la spiritualisation des masses Ce moi supeacuterieur Ile seacuteveille que dans le calme de la
meacuteditation et il est un fait dun orQIC plus eacuteleveacute que lhomme eacuteleveacute saisira seul Mais lous peuvent sefforcer de le taire naicirctre en eux et cest la seconde naissance
Comme Spinoza le montre dune faccedilon si simple et si noble cultiver en nous-mecircmes et dans les autres hommes leacuteclosion de la raison substituer aux ideacutees confusesJourshy
iuml jajoutai comme une affirmation cl comme un deacutesir
_ Oui Guider lhumaniteacute la transformcr mais par
la joie
Loin de nous le fouet de la crainte et laiguillon de la terreur attirons- par un foyer de pleacutenitude vers le perlecuumlonuement de tentes choses
middotI
f~gt
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f liltMt limiddotW~middot(~~~f~~~nmiddot~lr(~1)~~~~Iuml ~ ~ - raquo~ ~~i~r~ Y~i ~i~ ~ imiddot~t ~I ~ ~ylt 1~ i~ lI~ (~ 1 gt(i~~~_ Y~~i~ ~ ~ 1~ ~ t l~~~~t~~ ~1 Sr ~~ ~ - ~~Y I~ ~~~ ~~
________
18u LA CONQUEcircTE DE ~II)eacute4~
Te souviens-tu lean-Reneacute de ces beaux vers philososhyphiques et propheacutetiques
laquo Profonde est la douleur bull Plus profonde est la joie r
La deuleur dit Passe el finis laquo Mais la joie veut leacuteterniteacute laquo Veut la profonde eacuteterniteacute gt
Je meacutetais leveacutee devant lui el je passai mes bras autour de son COll
- Et jaspire de tout mon ecirctre et je suis dans la pleacutenishytude du bonheur lui dis-je car maintenant jai trouveacute mon Ideacuteal
- Ma chi rie reacutepondit Jean-Reneacute en membrassant il y aune vieille parole laquo Lhomme nest jamais heureux mais il va toujours lecirctre raquo Cette parole est bien vraie car le bonheur Jeacuted cest lasoiralion et le bonheur ne
consiste pas dans lacquisition dune chose deacutesireacutee mais (( dans la poursuile dun recircve avec espoir raisonnable de succegraves D
LIdeacuteal est le maximum deacutenergie dharmonie deuml beauteacute quil soit donneacute agrave noire faiblesse actuelle denshytrevoir
LIdeacuteal le Bonheur lAmour sont les sommets dune route infinie les sommets lointains qui seacutelegravevent sans cesse li mesure que la route monte
raquo Mais lIdeacuteal nest pas la Chimegravere il est le but voulu et espeacutereacute reacutealisable Le conqueacuterir cest le graver dans son acircme dans Ion corps dans sa vie Le conqueacuterir cest avoir trouveacute un chemin de progregraves constants cest avoir comshypris que lIdeacuteal comme lAmour ne sont les cimes radieushyses de la vie que parce quils appartiennent agrave lillimiteacute
Iuiu-Uctobre 1908
bull
1rIl ~Imiddotlmiddot l fIl n-Iln l1il1 ilnn-11ln i ~l ~ YI)jjit 1 ~lS 1ilmiddot~~)~i~iiII~middoti IYi~ ~ 11 ~lmiddotimiddotimiddot~ ~Il~~~ 1 1~ ~ Itmiddot~~ ) j(X~~~ ~~~~middotiuml~i~ ~l~H~middot~~~gt~middot~~ ~ ~y~ ~Smiddot~~S~Y~~~middotmiddot~~rf ~-~~middot~8middot T1tmiddots~middotmiddot~middot ~~~~1~ ~~(~~~X~middot~~W~~(~~i~~~1NilWS~_t(~~~i~S
------ -- -
e LACONQU~TE DE LIDEacuteAL
JI doit y avoir une science de penser une scieace de vouloir Notre intelligence est trop livreacutee au hasard elle est en proie aux tourbillons des choses incessamment Yibrante de lactiviteacute quotidienne
Tout grand deacuteveloppement a besoin de calme 1 Cest dans le non-usage actif de son intelligence que le
beacutebeacute accumule son eacutetonnante et rapide compreacutehension de la vie cest dans la tranquilliteacute dune terre non reshymueacutee que la graine germe et devient larbre majestueux cest dans limmobiliteacute de leau que le cristal se forme
Un mouvement dans leau un coup de becircche dans la terre une volonteacute hacirctive fatiguant le jeune ecirctre cornshypromeltraien t leacutepanouissemen1
Auni je veux rester de longues heules dans la paix
1 et la solitude tantocirct dehors en aspiran t la RAture le grand air le fluide vital lodeur de la terre et des pintes tantocirct comme aujourdhui dans ma chambre intime et douce
Jai mis une robe flottante en crecircpe de chine bleu ciel je sUIS eacutetendue sur un large divan ougrave sentassent mes coussins de velours pacircles et de soie molle et pregraves de moi dans un brucircle-parfum oriental fume une huile odorante
Il est joli ce brucircle-parfum La tige mince de cuivre ciseleacute seacutelance droite et hieacuteratique agrave deux megravetres du sol et soutient la grosse veilleuse rose comme une belle fleur eacutepanouie
Avec lenteur en meacuteandres gr~cieux en fins dessins l fumeacutee embaumeacutee monte gravement et me repreacutesente bien loffrande dune acircme en aspiration vers lIdeacuteal
il 11 11 ----- Il Il LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 7
Je voudrais en ces heures paisibles me faire un COIPS
sain robuste eacutepanoui Pourquoi ne pas cultiver la beauteacute dans toutes ses
possihiliteacutes de manifestations comme on embellit un jarshydin de mille plunles rares aux fruits exquis aux floraishy
sons merveilleuses Je voudrais aussi augmenter approfondir eacutevoluer
mon cœur et mon esprit me preacuteparer une vie feacuteconde dans le recueillement le repos Et [e reviens agrave la phrashyse antique GnlIcirclhi Scauton
Je sens quil y a dinnombmbles ecirctres en moi
Quand ils ne sont pas daccord je souffre Quand lun deux fatigueacute las dattendre la vie (lue
je ne peux lui donner encore sc plaint en soupirs inshy~ quiets sourds ct muets en langueurs meacutelancoliques
Ul autre sait lu-ureuscment seacutelever et chanter plus hau que lui celui qui monte ainsi des profondeurs
~ cest mon espeacuterance cest tout ce que jai voulu me forshygel ct me construire avec de la lumiegravere de la joie du soleil avec lessence de tout ce que je connais de beau
et de grand dans le monde Il sait chanter lhymne de lespoir de la volonteacute puisshy
sante et forte miseacutericordieuse et bonne et il chante souvent en moi il chante pour rendre sa voix plus Iorshyte il chaille pour eacutetouucircer les miegravevres tristesses les inushytiles inquieacutetudes il chnnlc pour le bonheur il chante pour lillfini il chante p01l1 lIdeacuteul
Il est tout lessor des recircves que jeacutelegraveve poII les vivre un jOlll Et je leacutepanouis SIIlS cesse volontairement acircprement en lui ouvrant lespace ct laction en le baishygnant de penseacutees merveilleuses en eacutevoquant autour de
--8
~
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
middotlui les richesses de la forme les lys sous les grands bois les roses au soleil les gazons cendreacutes de lune lorienshytale splendeur dune nuit blonde et douce la mer calme et bielle forte et feacuteconde loceacutean des eacutetoiles leau crisshytalline des gemmes preacutecieuses leacutemeraude aux tons dal shygue mouilleacutee la topaze dor le diamant cascade de lushymiegravere et les parfums qui nourrissent lacircme les encens rares lambre royale
Et mon imagination restaure et purifie les souvenirs de la vie moindre de la vie salie et abicircmeacutee par les so cieacuteteacutes meacutediocres
Cest ce moi fort et vaillant que jappelle aux heures de doute ce moi enthousiaste qui est mon direeteur choisi
Car je veux penser agrave lavenir pour espeacuterer non pour craindre Et si je me fais un motif ideacuteal de joie et dacshytion peut-ecirctre le v~rrai-je se reacutealiser un jour
En chaque homme lutte sans cesse des tendances diffeacuterentes parfois mecircme opposees Des ideacutees des habishytudes des acircmes le siegravecle le milieu les lectures les ex- peacuteriences les hasards les amours les recircves les meacutedishytations leacuteducation lexemple lheacutereacutediteacute la race lanshycecirctre latavisme lespegravece etc
Lutte immense des eacuteleacutements petite eacutevolution syntheacuteshytique microcosme une des plus feacutecondes analogies que nous nit leacutegueacutees lantiquiteacute la Paix et la Guerre se disshyputent lacircme par mille intermeacutediaires cest toute une Iliade
Oh que tout cela est profond el vrai quelles imashyges merveilleuses terribles majestueuses
-1 -t 0 ~ 0 ~ J ~ W
y r LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAT P
----_
Un flambeau nous eacuteclaire et nous guide il faut le I~middot suivremiddot El quel est ce Jlambeau radieux Lharmonie
1 8 la beauteacute La reacutealisation de cel ideacuteal est difficile agrave v trouver quelquefois et agrave mesure que je progresse mecircshy~ me celte sorte de conscience se transforme
~
Elle devient plus complexe et en mecircme tcmps moins eacutetroite moins simple moins pinne
Je devine aussi des parties de moi-mecircme (lIi dorment encore et que je connais mal ou (lIC je ne connais pas
Seule je narriverai point agrave me comprendre toute entiegravereuml Sans lamour lamour grand et sublime unique
et divin que jattends je ne puis eacuteveiller les laquo palais endormis n
Mais avant lIue vienne le heacuteros mysteacuterieux je voushydrais augmenter enrichir chucun de mesegravetres tout en ne les meacutelangeant pHS avec cc qui pourrait me venir de lexteacuterieur el ne serait pas reacuteellemcnf moi-mecircme
Puis je voudrais les multiplier encore et les unir en les faisant converger vers lin megraverne ideacuteal
Car si je deacutesire tellement nrriver il devenir queshyquun cest que mon recircve est laceomplir quelque chose de valable pOI1l le bien de lhomme
El comme a dit Goethe ( Si tu veux reacutealiser une grande œuvre fais-loi dahold une grande agravemeraquo
Ceux-Iagrave ont une lime qui out toujours marcheacute dans la megraveme direction
Chacun a sa loi il faut sy tenir Son HJUVIC il lt~ faut laccomplir Cest un problegraveme agrave deacuteterminer ct agrave
reacutesoudre
r(
d_
11
1(_J~jOy)J~jl~rV~ rt~ 1~middot~ - l bull
10 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Oh Avancel sans crainte Ne reculer jamais Lhomshyme daudace ressemble ail dompteur au milieu des faushy
les sil a peur le dange surgit Il faut transformer en science le souvenir de tout ce
qui a passeacute dans le rayon de noire vie Il tant harmoniser lame actuelle hiernrchiser les
sentiments teindlP certaines penseacutees en aviver dautres U fat transformer les avenirs voulus logiques deacutesishy
reacutes ltlimeacutes
Il Iaul trouver le centre Ile 1I01le acircme et le proclashy
mel roi Connais-loi toi-mecircme
30 Mai
Je viens de relire les Poesies complegravetcs du preshymier poegravete qui me fitcornprendre la merveilleuse feacuteeshy
rie du vers Ephrniumlm Michltlil Ephraim Michaeumll Celui qui mouvrit dAbord le monshy
de des formes plastiques cl la richesse du verbe sonoshyre l Celui dont jes tristes poegravemes meacutelodieux donnegraverent
unmomenl une expression il Illon ecirctre inconscient de lui mecircme dont les accents uostalgiques me- parlaient dune untrie que moi aussi javais connue pal delagrave les monugravets Celui dont le rythme assoupli mn vuix et
qui me doun a lamour des paroles suaves Ame trop faible pour la vie quelle a conccedilue 1 acircme
eacutepique ne succombant que sous sa propr~ immensiteacute ou plutocirct corps deacutebile pour tant de splendeur
Jaime ses vers somptueux comme de lor
LA CONQuftTE DEL(DEAL
Cest une orchestration savante eacutevoeatrlce avec des notes triomphales chargeacutee danciennes vies et de visionsshy
merveilleusement pures de la beauteacute qui se deacuteroule Chant mineur aussi mais sans alanguissement chant
dattente et de recueillement chant de deacutefaite olt sonshyne fiegraverement lappel des combats nouveaux et des vicshytoires futures 1 Chant de regret dlin prophegravete que le monde a attireacute sans lassouvil et qui pleure vaguementej bull
quelque couronne perdue Michaeumll quel beau geacutenie il serait devenu sil avait
trouveacute sur sa route un ami puissant une intelligence flushyrifiante une source de celle torce qui lui manqua toujours
En raison mecircme de ladmimtion llue je professe pour
son talent et de lardeur impeacutetueuse avec laquelle je me suis nOllrrie de celte acircme deacutesespeacutereacutee pendant plusieurs anneacutees je voudrais aire lin examen critique au point de vue de leacutepanouissement vital de ce manshyque qui la empecirccheacute de seacutelever jusquaux sommets
quil avait su recircver
Ainsi dans laquo Recircves ct Deacutesirs Il
Les chants vllglles et les formes indeacutecises passen t Ces formes neip euvent egravetr e atteintes pal lepoegravete Deacuteshycevance de la recherche de la beauteacute ougrave I~ reacutealiseacute est
1
moins beau que le recircve Le deacutesir inassouvi vit donc dans cc cœur il peut
seacuteteindre pal leacutepuisement il nest pas accompli JI
ne donne pas le calme qui suit la reacutealisation Il reste apregraves chaque essai daccomplissement le regret des deacuteshysirs morts
Jeacutetudie celle condition qui lui a manqueacute quelle est-elle r
~j
f ~
LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL12
laquo Les formes passent raquo JI Iaut sen saisir les maishytriser les creacuteer
Condition la force POlir (lIC les formes snrregravetcnt cl quon jouisse du
calme il laul savoir les eacutevoquer ou les dissoudre
bull Condition h force
Ce qui est recircve pOlIl llin cest-agrave-dire ideacutee pacircle cmshybellie seulement des layons lunaires de lImagination peut-ecirctre reacutealiteacute poIll un autre plus Iort Cest essenshytiellemeal relatif
Cela deacutepend de la force
On vise toujours plus haut pOUl atteindre plus bas Cest une loiphysi(lue dont lexplication est facile agrave trouver Lartiste reacutealise tOlljOUIS au-dessous de son regraveshyve Mais il taut regravevcr cest-agrave-dire viser de plus en plus haut
Condition la force
Pour eteindre le deacutesir il faut laccomplissement ou le renoncement JI ny a pas de milieu Autrement lacircme suse dans une poursuite vaine Or le deacutesir nous pashyrait mauvais cal un deacutesil pcrpeacutelulaquo est une faiblesse qui est im mora le
POUl renoncer ou pour accomplir que faut-il
La Iorce
PC)Il endormir son uumlmc dans la seacutereacuteniteacute des recircves accomplis il faut egravetrc maitre de ses recircves et les choishysir ou reacutealisables immeacutediatement ou reacutealisables dans lavenir
La vie actuelle eacutetant donneacutee telle quelle est il faut (sans po ur cela reuoacer agrave la mieux eacutepaaouir ) se conshy
a -1 -- ~W -- - ~
LA CONQUEcircTE DB LIDtAL 13
former agrave ses lois et agrave son but Ainsi on peut toujours accomplir son recircve
Mais si les recircves confus et discordauts de tous les hommes quelquefois pervers et troubles devaient ecirctre accomplis il ny aurait plus que le chaos
Vouloir ce qui doit ecirctre rom lharmonie totale Condition la force
( Ces deacutesirs jamais apaiseacutes et jamais accomplis toushy
jours fusant seacutepuisent en eacutepuisant lagraveme Il faudrait que lacircme se coneeatre au lieu de se dimiddot
soudre
Cest encore et toujours une question de force Et dans les Reacuteminiscences eacutepiques le poegravete qui U
dabord aime toutes les llleus de la civilisation dit aussi quil regrette le bonheur animal des geacuteants prishymitifs les luttes et la vie sauvage
Ces erreurs quil aime sont les lormes miegravevres les rocircles sans majesteacute les espoirs malsains toutes les faishyblesses dune eacutepoque deacutecadente
Puis par reacuteaction et polarisation ayan t eacuteteacute trop Ioia dans cet amour du faible le recircve se forme des teaps forts et des eacutequilibres anciens
Il voudrait la vie sauvage brutael animale sensuelle mais puissante
Et comme toute reacuteaction est exageacutereacutee lerreur eashygendre lerreur
Pour un ecirctre sain et intellectuelles temps preacutehistorishyques Dont rien denviable
On est sorti lentement et peacuteniblement de ce limbes oa eo a presque horreur
~i
] -J71 Iii~ W - --1 - -1~
44 U CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Lhomme inteacutegral naspire quagrave moaler Nul ne peut
sainement se lourner vers le passeacute deacutepasseacute
Et pOl1 eacuteviter agrave la fois cette tendresse des erreurs
miegravevres et ce regret contraire dun temps brutal que faut-il
Toujours la torce
MicJlaeumll Je sent bien celte fois-ci puisquil seacutecrie lui-ssegraveme
- Et dans ma nostalgie immense de la force je suis humilieacute de la splendeur des bois 1
Lhomme puissant nest pas humilieacute de la splendeur
bull es bois il communie avec eux et se fortifie de leur souffle feacutecond
Ainsi jai eacutecouteacute les chants dun poegravete que jaime
sans rien recevoir de ce qui en lui est moins pur quen moi-mecircme
Je me suis longuement berceacutee agrave son rythme enehanshy
teur jai vibreacute agrave ses sonoriteacutes agrave sa couleur agrave sa passion
agrave sa seacuteduction agrave son eacuteloquence Mais je veux me soushy
venir quau-dessus de tout cela il y a autre chose
Il y a la vie veacuteritable augmenteacutee ou diminueacutee
H y a linspiration sacreacutee venue de la lumiegravere et
celle issue des teacutenegravebres passionnelles aux lueurs troushybles
Nous avons appris dans le livre des grandes acircmes
que la gracircce et la beauteacute pouvaient revecirctir des esprits denfer Circeacute les Siregravenes Cleacuteopacirctre et tant de goershy
riers de savants mecircmes
Et puisque les œuvres que nous lisons deacuteterminent en
partie notre ecirctre plus je reacutefleacutechis et plus je pense quil
est on ne peut plus leacutegitime de nadmettre en nous
(
-1 - -r10 u l ( ~l~
LA CONQUEcircTE DE JIDEcircAL 15
par la lecture que des œuvres choisies et bienfaisantes
capables de nous aider agrave la reacutealisation de notre vie
Car tout individu qui a un but deacutefini ct fait des acshy
tions qui len eacuteloignent est contradictoire 01 nous flOUS deacutefendons des mauvaises actions parshy
ce quelles nous deacuteterminent dans le chemin que nous
reacuteprouvons et nous ne ferions pas de mecircme pour les
livres f Et puisque nous sommes obligeacutes de nous deacutefendre de
ces aclions mauvaises cest clone quelles sont tentatrishy
ces et quelles ont en elles quelque chose dattirant et
de seacuteducteur
Le mal nest pas toujours repoussant
Degraves lors pourquei nous eacutelonner que lœuvre llart
ait elle aussi un autre criteacuterium de sa valeur reacuteelle
que son degreacute dattraction et que ce criteacuterium soit sa
puissance dharmonisation de perfectionnement cie la
vie sa pureteacute Pourquoi proclamer belles et par lagrave au-dessus da
toute juridiction les œuvres qui seacuteduisent nos limes
puisque nous ne voudrions cGrtes en soutenir autant de
toutes les actions
Et malgreacute la grande admiration reconnaissante que
jai pour le poeumlte Michall je me sens plus forte dashy
voir ainsi sondeacute sor manque de force Ne dit-il pas lui-mecircme dans laquoCreacutepuscules pluvieux )
ses sentiments de vide du cœur sans raisoa damour
briseacute f Je ne meacutetonne pas de cette sensation de vide dans
ce pauvre cœur que rien na rempli non paree que rien ne pouvait le lemplir mais puce qatl aeacutetait
rempli par rien
48
JJ -Lbulltl~)A~l- r-i] Yi1 J~ ~ bull 1
LA CONQUEcircTE DE LIDiAL ----- - __----- shy
haule situation de sa famille el de tout ce que celui-ci avait dit pendant sa visite manifestant une acircme loyale
simple el tendre Et il ajouta _ Enfin depuis quatre ans deacutejagrave vit en lui SOD
amour pOUl toi amour tregraves sincegravere tregraves profond et que je trouve touchant je le lavoue
Lorsque dans un enthousiasme juveacutenile UB soir dans les montagnes il se laissa aller agrave le dire ses senti shymenls el que tu en fus si surprise je compris tregraves bien lattente de deux ans que tu reacuteclamas alors avant
de pouvoir songer agrave te marier Aujourdhui il Jen est plus de mecircme Tu as lacircme
dune femme el tu peux sentir comme moi le prix de cette affection fidegravele (lui dure depuis quatre ans et malgreacute deux anneacutees de seacuteparation complegravete
1
Enfin sans vouloir faire appel agrave ~es perpeetives mashyteacuterielles qui je le sais nont pas sur toi une bien grande influence ccpendant laisse-moi taffirmer que le bonheur dune femme esl bien embelli par la faciliteacute charmante quun certain luxe donne agrave la vie Et puis ma cheacuterie crois-moi cest quelque chose davoir un mari attentionneacute qui vous adore qui vous admire
qui se fait le reacutealisa leur de lous vos recircves 1
Le bon regard attendri de Srand-pegravere me laissait voir toute la joie quil aurait eacuteprouveacutee agrave laccomplissement
dun projet ltfui lui eacutetait tregraves cher Mais craignant peut-ecirctre davoir trop chercheacute agrave
-mIuiumlluencer il reprit uvee douceur ~ Toul ce que je te demande ma pelite Michegravele
cest de revoir Andreacute saas ideacutee preumlcoaccedilue avec un peu
~
J~J~W-J
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL -tg
de cette indulgeuco lfllc ge ne la pas donneacutee encore pour [cs hommes pour les choses pOlll la vic
Cependant tu sais nest-cc pas laquo(U~ comme je tai toujours laisseacutee libre dans tes penseacutees dans tes lectushyles dans les acles ayan tuute confinnce dans ta belle pureteacute dllns la lIcHe droiture je te laisserai Loushyjours absolument libre de deacutecider Loi-mecircme le chemin de ton desfin
Grand-pegravere el moi nous avons passeacute hier apregraves le dicircner une soireacutee tregraves intime Jo lc sentais preacuteoccupeacute dune deacutecision prochaine ct un peu meacutelancolique aussi car cc projet Ini taisait revivre sa jeunesse agrave lui etausshysi la jeunesse de ses enfants disparus ce projet auquel il tient pourfanl lui Iaisail revivre une eacutepoque deacutejagrave lointaine UgraveUTI passeacute ltiui Ile reviendra plus
3 Juin
Grand-pegravere a inviteacute rll(lll~ Calvis agrave dicircner pour la seshymaine prnchnlue PlliSlaquo(lIi veut absolument que je le revoie
Moi je snisbieu je sais ineacuteluctahlegravement que ce nest
pas Lui Mais pourquoi ne le reverr-ai-je pas Cest un ami nous avons beaucoup eacutechangeacute ensemble nos penshyseacutees et nos aspirations denfance el les liens damitieacute reacuteelle apportant leur joie sont si larcs
Peut-ecirctre ne voudra-I il las comprendre la h~allt~
dune affinileacute (lui dure t[llalll megraveme clic nest pas ehuishysie comme affiniteacute iUIg)ne
Les hommes do nos jours ne sont pas heroiumlques
_ _ _ J
l 1 Il ~ ~~ ~-~ ~ ~ ~ ~ 1J- -
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 21 20 LA CONQU~TE DE LtDEacuteAL
n y avait quelque chose de hien noble dans certaishynes ideacutees de la chevalerie dautrefois
Il me semble quaujourdhui 011 nc seacute garantit pas assez de la souffrance destructive on se reacutesigne trop facilement agrave leacutetat miseacuterable du monde et de lhumashyniteacute et au contraire lon eacutevite avec une veacuteritable lacircshycheteacute leacutecole de certaines douleurs psychiques qui disshyciplineraient et augmenteraient notre ecirctre Je veux dire que degraves mon relus il est probable quAnugravereacute prenshydra la reacutesolution de ne plus me rencontrer pour ne pas se souvenir
Au lieu de laisser vivre entre lui et moi tout ce qui peut de son admiration totale egravetre reccedilu par mon affecshytion partielle il cherchera agrave tout couper agrave tout reti shyrel agrave tout eacuteteindre Cest dommage 1
Tant de fleurs de tendresse sont ainsi faneacutees trop tocirct et souvent faneacutees il jamais pal ce manque de courage par celte crainte faible dune augmentation de peine
Oh ne jamais rien deacutetruire volontairement des amitieacutes des sentimen ts des pesseacutees des liens reacuteels 1 ne pas craindre la viedu cœur ne pas fuir devant les
( orages possibles
Je veux fortifier mon coura~e et je voudrais semer du courage en autrui car jaime la force etIenduranshyce Au contraire je nadraets pas la reacutesignation si annishy
hilante precirccheacutee agrave tort comme une vertu
Andreacute comprendra-t-il comme je le sens que nous devons conserver la vie coservel en elle ce qui est vivant et laugmenter et leacutepanouir
Mais quil faut avoir une volonteacute aussi forte que lintelligence pour rester harmonieux et une volonteacute morale plus forte que le deacutesir instinctif de vie
~ Dailleurs depuis deux ans Andreacute a certainement mucircri et progresseacute
t ~I
f Je sais quil est poegravete quil a de vrais dons lyriques une ugraveme pure et noble
Mais quimporte
Celui que je recircve est le seul qui puisse mentraicircner plus haut que moi-mecircme agrave la conquecircte incessante d~
mon ideacuteal infini
Et je veux quc reacutealiser son recircve quincarner son espeacuterance soit mon expression protonrle celle clue jentrevois comme une ~ ossibiliteacute merveilleuse encore lointaine dans mes instan ls de deacutesirs les plus eacuteleveacutes
Oui Grand-pegravere tu as raison Cest quelque chose davoir Il n mari qui se fait le reacutealisateur de toutes vos aspirations
Mais faut-il encore quil puisse sentir ces asplrnlions mecircme celles qui dorrncn 1 an fond (Je mol-mecircme fusshyquau temps ~ugrave sa penseacutee eacutevocatrice les eacuteveillera
Lorsque je le sentirai veuil de tous les cocircteacutes seacutelegraveveshyront des chants dalleacutegresse
Et le jardin dl mon ucircme fleurira enfin et vibrera comme le vent du soir fait reacutesonner sourdement le grand orgue des bois
Des accents de victoire eacuteclateront dans les airs des
fanfares joyeuses selanceront et ce sera lhosanna triomphal entonneacute dans mon cœur pOUl lnrriveacutee cie son roi
Tous les recircves se legraveveront en moi comme une foule et les phrases damour berccedileuses qui chantent dans
mon egravetre les paroles erubaumeacutees et douces qui sorashy
bull
1 )
2
j J J--J
LA CONQUEcircTE
j~ I~j~
DE LmEacuteAL
~ Il_ Il ~-
1 J
LA
----1 J shy
CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
)
23
-- 1
III i Il 9 heures du suu
(111 le (Ii 111 )
meillent encore mes knrs pourront enfin te le dire il loi que jalrllds
Tu mapprcndrns toujours mieux les secrets profonds
de la il mysteacuter-ieuse cl 1I011~ lIilli~(JOIl~ tous deux
lideacuteal Cil reacutealil eacute Cilrmiddot iIVI(~ loi la vie sela le Temple
du Beau Avec loi 1~lle S(il II~ illlclllail(~ du Biell
Et ta parole mlnlrnilleri mc MliVlIraml1xllllera
vers les hauts sommcs de la pell~le lrumainr-
Tous mes recircves lappellenl d mes souvenirs lous tont appeleacute un agrave un
O Viens hicnlugravel Viens mou unique soleil A la
lueur je veux COmpIIIIiII il Iii 1111111 je VIUX savoir
agrave ta lueur je veux chauler il la lil(III je V(IIX aimer
Triomphant rt adoreacute viens Iairc villII mun acircme ct
reacutesonner loules les con]lts de 1111 h ll In nd Il salis loi
Alljollrdhui jni ltIt prendre ilshy llil cll(z laur Kousta
que ie navais pas 1111 dp)lIi~ plus dl~ trois mnis
Cest une klIIme pcinlrc hilII connu 1 Pilis
maintenant pOlir SOli lalltolll cl SOli ldlIard( hlallI
Elle minltIlssait l)(illlCOIlP (II plIlsioli il v il qur-lshy
ques anneacutees lorsque la jeune Iilll~ clIIiells cl farouche quelle eacutetait alors soccllpnil iI 1( pilgtsion d( la 1011 (P
petite Michegravele
il
Jl
~
Elle eacutepousa depuis Wladimir Kousta comte poloshy
nais beaucoup plus ilgeacute qurllc dont lIndulgr-nce inshydiffeacuterente ct taihlr- lintcllicence savante compliqueacutee
fine ct douce laquo( lnimnil pntpllIdlelllcnt tout lII la laissant
entiegraverement IilllL)J comme dll Ille le dil en i-ianl pOUl
mannoncer ce singulier mariaulaquo
Jane eacutetait vraiment somptueusement belle cel apregravesshy
midi dans sa lohe souple de lil)(I1~- ornnge ses bras
magnifiques chnrgeacute de hrucr-Icls lourds
Tregraves entoureacutee elle parlait vivement son lIelllCl 5011shy
rire eacuteclairant son brun visage de grcc(flIe antique et
elle faisait de grands getes conservant pourtant la
gragravece distingueacutee ct harraonieusc si rare si d(~irlle si
impreacutevue qui est la sienne
Elle paraissait lrucircncr dans son vasle aldil~I luxueux
ail milieu du deacutesordre voulu eI nrrungeacute du pegravele-mele
garccedilonniel des tableaux des chevalets des bouquins
des hibelots el des toiles commenceacutees
Degraves que le domestique meucirct annonceacutee Jane flollssa
un grand cri enthousiaste ct mouvrit lar~cmclli ses hras
- Eh hien fOon enfant iHicnHa ch hien ~ mon hlond
oiseau vagabond cest comme cela que depuis des mois
et des mois tu nous as tOIlS ahn mlonneacutes t
Tout le grollpe ami surencheacuterit bruyamment
- Il sest sucircrement passeacute quelque chose t1lqrnn~c
dans la vie de Mademoiselle Vazuuuc cd hiver nfllrma
le pianiste Edmond Cnud
- Viens-tu lions annoncer les fiausaillrs r lplii Jashy
ne en mattirant pregraves delle tandis (Ie je svrru is enshy
core cinq ou six mains tendues vers moi
-------_
~~6~Uumli~~~~~middotmiddoti
GlIillaum~ Tara sinclina ~ 1 ~ Je ne puis vous feacuteliciter de voire 5uceegravesjMonsiellr
lui dismiddotojenayantni III ni YU toille piegravece Dune voix grassedeacutepl~isaDte ra1-a reacutepondit en ricirc~
caout 1 gt1 -Ma litteacuterature en effet Mademois~ll~ ~~est p~U preacuteciseacutement cc quon peut faire-lire aux jeunes filles
_ Ceci lqt ~rte peu pour Mad~m~i5el1~ V~zaDDe~ ~t dun tonelmable Edmond Gaud EUe a ungrand~pamp
re eacutepatant qui la laisse libre deacute lire tocircnt~ee qll~eacuteneveUt C~stvr~i repri~je Mai~ Il m~Jais~ecircceumlJtel~
teacute jllstem~lIt parce quil sail qui( Y~ (~ ~eri~in ~rl qlli ne jninteacuteresse pas du tout middot ~ ~
Tous eacuteclategraverent enriant 10 bull
~ Ehbien1 ~OD vieux Gui TareeUepe vriu~ 18 pas envoyeacute dire 1
He~reusementque tout le mondeaParisnest plis de vaireavis MademoiselJc murmuraGuil1a~me Tara
-Cest certain Monsieur reacutepliquai-Je Vous sentez tregraves justement que parmi vous tous je suis un peu comme
une eacutetrangegravere une provinciale si vous voulez
Et profitant dun instant de conversation geacuteneacuterlllede plus en plus bruyante je dis agrave Jane en aparteacute - Et voi~
lagrave preacuteciseacutement pourquoi je parais tabandonner mon ashymie Si lu voulais me voir seule agrave seule de temps en temps iuml~lurais le senliment dun eacuteocirchange damilieacute feacutetiUeentre nous deux Notr~ affection -aipsi ~rait vie et manifestationnaturelle devie ~ lt~ v
liais tu mas souvent fait c~anp~lidrequ~ je poubull shyvtPt te gecircner ~~ veacutenant middotautro~egravebt~qU~~~)Dmiddot1joure Qubull
gtlo
middotmiddotEt avent que jaie eu le temps d~reacutepoodrela peshy0 bullbullbull lttite R()se~Malie des- Franccedilais dont je nai jamais aimeacute ~ bull Ies yeux pointus tregraves brillants et tregraves vides seacutecria avec ~f+~alice _ 1( ~~ Mais cest vrai il Y a du nouveau pour vousb l (
li 4ndreacute CriJis est de retour agrave Paris gt gt Tuvas nous raconter tout cela pour te faire parshy f~onntlr ton lacircchage dit Jane mais tumiddot prendras des
forces avant lfagdeleinr ajoutat-elle servez-lui donc le theacute
Magdel~ille Lamarre un peu ridicule par lextrecircme ~ mJ9picq~ilIe lui permet pas de quitter un instante ~ 00 facebullbullbull mains et aussi par lair de jeunesse ingeacutenue ~J ~lJe cherchentagrave jouer ses trente-cinq ans de vi~iumlllefillr egrave Ee preacuteejpila gnmincmeni agrave ln table ougrave le samovar
bO~lrdQnnait doucement sa chnnsonmonptQne ~
Un~ Iorte odeur de cOleacuteopsis se reacutepnndait dnns la piegraverrochaqne mouvement de Magdeleine dont la fishy gure savamment maquilleacutee eacutetait eacutecraseacutee pal un chashy
0 lfll n monumental ougrave seacutetouflaient les plumes daulrushyche cil les rose tendres 1 bullbull
rregraves Ile Jane un petit jeune homme hlondesecvan ~ visage~legravellieaux vilnius yeux gris se ba1nnccedilagraveit dans uu
bull fauteuil debois fumant nonchalamment un gros cigare Son ail IlIS et fat me deacuteplut - Tu regardes notre nouvel intime interrogea Jane
Tq ne Je connais pas - Et sur ma reacuteponse neacutegative
~ - Jete preacutesente Guillaume Taraullhmiddotemeo~dit mon
ami middotGu Tare lauteur si connu par Vimmeuse( ~~lt ~JriQuf~e middotdemiddotl $ai$OO~ ~leFqu~~jre
~~tmiddotmiddot
1
~
succegraves eacuteclaboussant extrashy
parler du toute cette
EIlmJlId Gaud vint sasseoir pregraves de moi Il est intel-
nous avez que QOUS vous
ici qui
un instant la conversation
de Paris
dans cet dadjectifs vides
phrases presque toushy
les seules agrave peu pregraves quon puisse pla
mondain mi tout le monde veut par- 1
des eacutechanges fluishy
des sourires
nerveuses et deacuteseacutequilibreacutees
de Ia vie
Au contraire elles lemshy
vous voulez Il faut dQD
li
I
IWshy
~
~
l 1 1
1 1 i
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~f~C~~~)~~~lt ~~~heacute~~i t~- ~ ~ lt lt gt
16 LA OONQuiTB DB LIDEacuteAL
eacuteela deacuterangerait ton travail tes seacuteances de modegraveles etc
Et je tavoue franchement que si aujourdhui par exem- pie rai la joie dadmirer ta bea Il teacute ce qui est deacutejagrave quelque chose cest vrai tout ce quune in limiteacute douce nous permettrait de reacutealiser et deacutechange de sincegravere et
de profond est empecirccheacute annihileacute par le convenu et lartificiel dont sbabille Paris mecircme dans ses reacuteunions
les plus restrein tes Comme pour me donner raison le domestique annonshy
ccedila le duc et Ia duchesse dArmiore Jane ell ce moment fait les portraits de la duchesse
et de ses enfants
Aussitocirct elle sempressa autour deux et commenccedila
les preacutesentations dlisage
Magdeleine Larnarre souriante et ingeacutenue retourna agrave la table de theacute et Jean Chermy qui flirtait avec elle
passa les assiettes de petits gacircteallx Puis coup sur coup en tregraverent dans latelier les
peintres Demerront et MaulIcircce Picot lactrice Nelly Reflet et plusieurs autres personnes
La conversation devint de plus en plus tapageuse et quelconque
Guillaume Tara le grand homme du jour que je senshy
t~is tregraves peacuteniblement dailleurs ecirctre en ce moment le fashyvori de Jane paraissait succomber sous le poids de ladshymiration que tous ces pan lins lui prodiguaient
O~ ne parlait plus que du Fou-Rire de ses actrices -de la scegravene extrordinaire du 3e acte ougrave la situation se complique si drocirclatiquement de larriveacutee des deux acircmants du compte-rendu de cet imbeacutecile de Veacutery qui aVilit preacutedit un four et de lavenir superbe que proshy
-~
r~~ middot~J~~~Jr h~~l~~~~~~ij~
LA C0NQU~TB DE LtDBll
mettait agrave Monsieur Tara le ordinaire affolant Ile cette premiegravere piegravece
loi qui navais jamais encore entendu Fou-RilC j~me sentais stupideparmi meacutediocriteacute
ligebullt et sympathique
-- Ainsi Mademoiselle me dit-il vous deacuteclareacute tout agrave lheure agrave mots couverts
rasIOns
- Seacutepareacutement il Y a IJuelques pelsoones sont chnrmantes
Mais soyez franc Ecoutez
de ce salon qui est un des plus intelligents
Et dites-moi linh~Iegravet que lon peut trouver eacutechange dexclamations dadverbes et
de sens dans ces lambeaux de
jours inacheveacutees
cer dans un salon (
ler et personne ne veut ecouter
~ Jy trouve des sensations nerveuses agreacuteables parshy
fois fortes reprit le jeune pianiste
diques des amitieacutes des flirts du parfum
-- Je VOllS comprends mais ces sensations lil me font leffet decirctres artificielles
elles ne reacutepondent agrave aucun besoin profond
et uexpansent pas le-bonheur poison rient
- Si j(~ ne me trompe Mademoiselle mettre en pratique la parole de M~rcAul~le ~
~
J~ J- - J~ - - --
28 LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
ner au corps ce qui est neacutecessnire pOUl lacircme et il lacircme ce qui est neacutecessaire pOIll quelle seacutelegraveve raquo
- Le plus possihle et je voudrais reacutealiser aussi cetshyte autre penseacutee dEacutepictegravete Sois libre malgreacute le monde
Mais la force du monde est infinie lloyez-le par rapport agrave la lorce de lindividu el le monde est enshycore anarchique el deacutesaccordeacute
Etre droit et eacutequilibreacute cest sisolcr difleacutercr du ruishy
lien et pOlir reacutesister il liuflncnce Iunc force si puisshysante influence dailleurs nerveuse cest-agrave db c pll~sqlle
physique ct ne venant pas des id(c- i-snes seulement de ces sensations passagegraveres que VOliS aimez je crois que
lhomme sain ne reacutesiste qucu sclcvau l tregraves haut cl en
bacirctissant autour de son acircme (les murs de diamant
- Vos ideacutees sont bien daccord avec votre forme exteacuterieure reacutepondit Gand I(~ crois voir une jeune filshyle de lantique Chaldeacutee dans le calme de ses regravevcs plirs
allant la cruche sur ln legravete puiser lcau bicntaisantc
Vous vivez plus avec les eacutetoiles quavec les hommes et vos yeux longs (jolientale hlonde reflegravetent ra nosshylalgie de lideacutealiteacute Moi jni gueacuteri celle nostalgie peut
ecirctre cette gllelison est-elle lin amoindrissement Ccpenshy
danl vous saurez heacutelas un jour que les pensees les
plus belles viennenl toutes de ces sensations nerveuses qlle vous croyez infeacuterieures souvent niegraveme nolre intelligence deacutepend de la fnccedilon dont nous avons digeacutereacute notre deacutejeushy
ner et tout nest que sensation
Cest pourquoi la musique est ma vie Quy n-t il an monde agrave cocircteacute de cela le me repreacutesente la terre comshy
me un lien Ie lhomme doit taire vibrer de toutes les faccedilons et le plus possible sil vent ecirctre vraiment heureux
-t--~ - -
LA
et vraiment quelquun Quy de leacutemotion Plus
CONQUEcircTE DB LmEacuteAL 29
a-t-il dans la vie hors lin ecirctre est capable deacutemotions de
tontes les sodes plus il est inteacuteressant plus il existe _ Pour VOliS reacutepondre repris-je en soudant jappel-
le toute la Chaldeacutee il mon aide VOliS dites tout est sensation pourquoi vous contreshy
diruis-je A travers mon enfance entiegravere jai su gilldel la notion du reacuteel le parfum des loses leffluve des arbres les affections les deacutesirs les penseacutees eacutelaient un monde vivant autour de moi Dunivers en univers de
hauteur en hauteur tout est reacuteel je le sens Comprendre savoir apercevoir espeacuterer cest toucher
par un sens ou par un autre Ce qui nest pas en conshy
tact avec moi est inexistant pour moi et le seul et unishy
versellien entre le monde et moi cest la sensation Vous dites tout est vibratiou Daccord La vibration
exteacuterieure peacutenegravetre en nous sous forme de sensation
MaIS ne remarquez-vous pas vons-mecircme quil y a une
infiniteacute de modes vibratoires
Londe musicale est pour vous le type et le centre
des possibiliteacutes rayonnantes mais la vibration de la
lumiegravere celle de lamour celle de lintelligence Si le piano que vous faites reacutesonner est faux ou a
des cordes briseacutees en ecirctes-vous pour cela moins musicien et votre eacutemotion mal servie ne seacutemane-t-elle pas imshy
patiente et complegravete
Si mauvais interpregravete VO1S trahissez le geacutenial comshypositeur lœuvre splendide enregistreacutee par les signes
en est-elle moins parfaite 1 Eh 1 bien quand votre corps physique alourdi de
sommeil 01 eacutepuiseacute dinsomnie accableacute par lexcegraves ou le
--
~
- -~ ~ ~ ~ ~ l
SO LA CONQUEcircTB DE LmEacuteAL
manque de nourriture par lexercice iiuquiegravetude ou
toute autre cause devient lin mauvais instrument lin
mauvais reacutecepteur est-ce que londe intellectuulte qui
dans de meilleures conditions laurait fait vibrer harshymonieusement est changeacutee
Croyez-le il y a des sensations de tous ordres Les sensations physiques peuvent apregraves avoir eacuteteacute comme
un cristal transparent devenir ugrave certains moments comme
un voile opaque pOlir les sensations supeacuterieures elles
nen sont pourtant que le vecirctement et la manifestation
Et les sensations immeacutediatement supeacuterieures agrave leur
tour transmettent de la mecircme faccedilon selon leur capashy
citeacute des vibrations plus hautaines encore
Jgtonc agrave mon avis non pas notre intelligence mais
seulement sa manifestation physique ce (lui est tout diffeacuteshy
rent pe~t deacutependre œdune digestionraquo comme vous dites
Pendant quelques instants Edmond Gaud et moi nous
causacircmes encore Puis je me levai pour partir au
milieu du brouhaha mondain Et Jane Kousta lacirccheacutee de me voir sortir sans presque mavoir parleacute maccomshy
pagDB jusquagrave la grande galerie deFlIIt(~ ct sexcusa
- Tu ne men veux pas petiJeacute Micllcline 1 Jo tassure
que si je ne te demande pas de venir me voit un jour
toute seule cest quen ce moment cr-ia mest vraiment impossible
- Tu as trop agrave travailler lui demanugravelIi-je
Et aussitocirct je sentis brusquement que bien autre chose
que la peinture la preacuteoccupait et labsorbait Je la regardai Elle rougit Et ma penseacutee eacutevoqua aupregraves delle la sishyhouette affreusement antipathique de Ouilla urne Tnrn
Je me rapprochai de Jane et lui prenant la main
~ ~ -~ ~~ ~ l )--~
LA C01llQUEcircTB DB LIDEacuteAL 3~
- Mori amie Les choses seacuterieuses et profondes sont les plus vraies les plus douces celles qui donnent la sensation de dureacutee dagraveme de vie Crois-moi ce qui
senvole inutilement ce qui brille un jour pour seacuteteinshy
dre vite cest le neacuteant Tu te laisses entraicircner dans un tourbillon trompeur
et hi ny es pas heureuse Jane car tu vaux beaucoup
mieux que la vie que tu te denues
- Tais-toi interrompit-elle tais-toi Je ne veux plus penser au moins pour quelque temps
Ce qui me rend le plus triste ajouta-t-elle cest que
je suis jalouse et sa voix tremblait
-- Au contraire insistai-je tu devrais prendre le
temps de penser Ce que tu as de plus beau en tei
peut seacuteveiller Seacutepanouir et te diriger mieux
- Me diriger Et ougrave 1 Depuis des mois et des mois
je suis une pauvre nef ballotteacutee sur un oceacutean en teshy
pegravete et ea tumulte tu ne peux savoir Plains Illoi
ne Ille juge pas Michegravele
-- Ma pauvre Jane je ne te juge pas certes et je
taime 1
Tu dejaandes comment te diriger 1 Fais le silence ee
toi dabord et autour de toi des sensations et des deacuteshy
sirs calme ton excitation et eacutecoute la voix inteacuterieushy
re la voix intime et profonde de ton ecirctre soupireacutee
chanteacutee moduleacutee au fond de ton acircme
Jaurais voulu Ionguemeat parler agrave mon alllie mais
la sonnette seacutetait tait entendre et le domestique (l1ashyvraitla porte dentreacutee agrave deux dames empresseacutees et
vlubiles
~~
Je suis
LA CONQUEcircTll DE LrDjAt
Jane courut agrave elles le sourireaux legravevres et memshy
l2
~C~- -n-t -~ 1 _ 1 bull l ~
LA CaNQUETE DB tIDEacuteAL 33
alleacutee avec grand-pegravere acheler des fleurs puis j~i eacutegayeacute la maison des taches dor des jonquilles elbrossa ~n hacircte pour retourner ail salon en mecircme temps jai piqueacute dans lous nos longs vases les liges droites que ces deux arrivantes des boules de neige gonfleacutees grosses el candides des
Mais dans son baiser prompt je sentis loute la tendresshy lys eacuteclatanls si purs dans leur blancheur resplendisshyse intease dont elle esl capable et toul ce que son ecirctre sante et des lilas blancs ou mauves an parfnm tiegravedlaquodeacuteseacutequilibreacute farouchement nelveux contien t encore de
Enfin seule au-salon jeacutetalais dans une potiche basse profond de puissant el aussi cette capaciteacute quelle a
sur le piano habilleacute de soie quelques grosses roses au milieu dune vie factice el trouble de garder oushy
rouges lorsque la porte souvrit sans bruit derriegravere moi vertes des eacutechappeacutees lointaines sur les vastes espaces
Javais devineacute qui entrait Plus timide que dhabitushyillumineacutes et de sembler avoir toujours uae part de son ecirctre plongeacute dans un oceacutean daspirations pures et innomshy de je nosai me retourner
- Oh 1 Michegravele murmura Calvis comme VOliS ecirctesbrables devenue belle 1
Surmontant mon eacutemotion je marchai Vers lui la main tendue
Il la serra longuement dans la sienne et leflleumlura rlun baiser rapide
9 Juin Minuit f2 Je le trouvai bien changeacute Plus grand plus Iort et
plus fin agrave la fois Je le lui dis
- Oui jai beaucoup changeacute Michegravele reacutepondit-il Andreacute Calvis sort dici agrave lInstant el je nai pas - En deux anneacutees dexil toujours seul aux pay~ loinshy
sommeil tains on comprend on senl bien des choses nouvelles
Quelle apregraves-midi agiteacutee jai passeacutee en lattendant je Ces deux anneacutees ont eacuteteacute dures Mais je ne les regrette me croyais moins nerveuse mais mon affection pour pas Elles furent pour moi une eacutecole merveilleuse qui lui souffrait deacutejagrave davoir agrave assombrir un passage du magrave ouvert la porte de mon acircme qui ma deacuteveloppeacutechemin de sa vie davoir agrave briser son premier lhe qui ma formeacute Celle eacutecole je suis heureux de lavoir
Vers ) heures jai joueacute du piano longuement et eue et cest agrave vous que je la dols Michegravele me suis mise agrave chanier cependant mes penseacutees sonshy
- Non pas cest vous Andreacute qui avez voulu partirgeaient tristement el impatiente jaurais voulu que
au loin et voyager Je ne vous ai jamais demandeacute celle les heures senvolassent plus vite Mais rien ne peut seacuteparationacceacuteleacuterer le temps que le bonheur ou le calme
3
J
34
r-lI- --- ----J JI 1 r-l ~ 1
TA eumlONQUEcircTE DE TrOEacuteAL
_ Vous aviez exigeacute que jaltende deux ans avant de
vous consideacuterer comme une jeune fille Comment penshysiez-vous que je pouvais vous voir pendant si longtemps sans vous parler de lunique espoir de tout mon ecirctre 1
Dailleurs cest votre grand-pegravere et mes parents qui ont
voulu ce deacutepart lis ont donc eu raison puisque ce long- voyage
vous a mucircri _ Mais parlons de vous Michegravele reprit-il Comme
vous ecircles devenue grande cl belle 1 Tous les recircves ltlune penseacutee toujours vers vous vous
aureacuteolaient moins encore que ne vous ideacutealise la deacutelishy
cieuse reacutealiteacute daujourdhui Voire casque dor est plus lourd et plus doreacute quaushy
trefois el la phosphorescence de vos grands yeux bleus
brille dun nouvel eacuteclal cl voile de nouvelles profonshy
deurs n eacutetait troubleacute Je massis sm un canapeacute el il vint
se mellre pregraves de moi _ Je suis tregraves eacutemu vous le voyez nest-ce pas ajoutashy
t-il lregraves eacutemu de me retrouver dans ce salon ougrave jai
passeacute de si belles heures de si doux moments de si chegraveshy
res anneacutees 1 Tregraves eacutemu de celle minute attendue appeleacutee deacutesireacutee
tant de fois el dans laquelle jai tellement de choses ugrave vous dire mais les paroles que je prononce ne corshyrespondenl pas il celles que VOlIS attendiez peut-ecirclre
el elles exprimenl si mal loul ce que je voudrais que
vous compreniez Je sens heacutelas quil esl facile de ne pas saisir le
bonheur qui passe
~-l j1 Jl-j1J Tl Jl Q
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 35
Et jaimerais savoir parler seulement pour ouvrir voh e agraveme el si vous le vouliez Lien ouvrir voire cœur Je menivre de votre preacutesence Michegravele mais je crains L
Jai une crainte affreuse deffaroucher loiseau melshyveilleux le papillon bleu
- Taisez-vous dis-je en liulerrompan l laisez-vous Andreacute Pourquoi vous laisser entrnincr pal vnlre penseacutee de poegravele avant de savoir ce que nous pourrons ecirctre lun pour laulre Apregraves une aussi longue seacuteparation
nous avons changeacute lous les deux el nous ne
nous connaissons plus Inlellectuellemenl jai parcollru
de grands espaces el le lieu de mon repos actuel est hien eacuteloigneacute de mes songesdautrefois
Aussi avons-nous preslllle il nous deacutecouvrir mainteshy
nant Parlons librement explorons ensemble les plus
complexes horizons de noire penseacutee mais croyez- moi
ne repren~z pas le dialogue ancien 1lt1 011 VOliS lavez laisshyseacute sans lenir compte du temps qui dans nos ucircmes il
depuis fail gerrnlI des floraisons ncuvelles
- Commenl pourrais-je VOliS parler librement 101sshyque Ioule mon inlelligence est annihileacutee pregraves de vous
par lextase de Illon cœur ardent cl enthousiaste
iumll~ ne sont pas des mols qui peuvent nous lapproshy
cher lun de lautre li mon amie ma chegravere amie
Le silence seul est leacutepanchement veacuteriluhle dies
yeux les yeux parlent si eacuteloquemnu-nt la langue de lacircme 1
Heureusement grand-pegravere entra agrave ce moment el intershy
rompit une conversation ougrave il IOPSUle quAudrlaquo sex alshytait je me sentais de plus en plus Iroide calme indifshyleacutereute
bull
jJrr
~
Il il III 1 1 r-~ 1] 11 Jl TU J~ J 1 ~ ~( bull ~
36 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ledicircner fut bientocirct servi el pendant Iout le temps quil dura jc me confirmais de pins en plus dan s cette conshyviction que jamais jamnis Calvis ne serail lOUI moi aushy
tre chose quun ami
Grand-pegravere et lui parlegraverent avec animation de la musique en Allemagne ougrave Andreacute avait passeacute six mois de la Chambre des Deacuteputeacutes et du Suffrage universel de Sarah Bernardt de Rostand des religions et de Mahoshy
met
De temps en temps je disais une phrase quAndreacute
approuvait toujours en mentour~rt dun chaud regard
de tendre et muette admiration
Mais une voix criait en moi que toute la partie la
plus haute et la plus feacuteconde de mon intelligence celte partie soupccedilonneacutee de moi seule cette vic pr(sque inconsshy
ciente encorequi me met en rapport avec lau-delagrave de mon ecirctre celte vie de certitudes mystiques de visions
merveilleuses dintuition nette et preacutecise cette vie Inshy
tente encore spiritualiseacutee mysteacuterieuse et profonde ce neacutetait pas Andreacute qui pourrait jamais la comprendre
la satisfaire leacutevoluer cc neacutetait pas Andreacute ~ui pourrait
jamais la cultiver et leacutepanouir ~
Lorsque dans la soireacutee grand-pegravere nous laissa dt nouveau seuls ensemble au salon Calvis reprit sa place
sur le canapeacute et avec une ardeur contenue il me deshy
manacirca
_ VOlllez-vol~S eacutecouter une leacutegende un recircve un
poegraveme qui me hante et que je nai pas eacutecrit 1
Je nosai refuser et il commenccedila
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL 37
- laquo Le lIalde recueillait avec ivresse le chant inteacuterieur Ie Iui versait sa lVTus~ O si tu es aimeacute disaitelle ruyonnc 11 Ile dlmallde pliS autre gloire
laquo 101 Elle la Terrestre qui taime deviens Inrt ct gllllld sois henu ct gillJde loi
laquo Crois Cil Elle iuvincihlcmen l el quelle soit ta magishycienne
laquo Tu contempleras son image radieuse et tu seras conshysoleacute
laquo Tu le suuviendrns de ses paroles douces et tu seras fortifieacute
laquo Happelle-Ioi Cest Elle Elle lunique la seule femshyme que tes yeux ont adm ireacute dans ce monde la seule que Ion ame a choisie la seule que til chair il deacutesireacutee
Celle-lit enfin qui sc donne il toi pour toujours COIlshy
finn te
laquo Sois fidegravele il la route quelle a traceacutee de sa main
cheacuterie et marche ardent vers le but sans voir le monshyde
fi Pour Elle
laquo lII jour III lallras conquise alors 10111 sera cuhue
et merveilleux raquo
Et voici JIU le Barde reacutepondait il la ~]ust en penshysant il sa hien aimeacutee
laquo Sur lin feuillet amoureusement choisi lhistoire est grllveacutee de nos amours ct de mes souffrnnccs et des lutshytes et des recircves
laquo Mon amour sy reflegravete mon cœur sy (st envole en ses plus hau taiues visions
laquo Cest la couronne de mon œuvre cest le livre dno mour
Il
_~__~==========iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiliiiI(iir--TT1rnliiumlmiddotlfllmrJInnlllllllll11111I_1_1bullbullbull11111111111middot11 bullbull 1 1
J -~ --1i1I~~~~~) J J 1 ~ ~ ~ 0 bull
ss LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquoltJe lui donnerai au jour beacuteni ougrave nous serons lun agrave lautre pOlir quelle y puise la confiance et lamour la fideacuteliteacute ct lenJhousiilsme la reconnaissance et la joie
( POUl quelle y apprenne la ~randeur de ce qui nous unira la merveille -de notre chaine dor lardeur de
ma penseacutee laquoSeule Elle le connaicirctra Et ce livre sera comme notregrave
jardin secret
laquo PJ1rc magnifique ougrave nous nous promegravenerons souvent ravis loin des foules loin des regards seuls seuls enshy
tre nos acircmes enlaceacutees en Ire nos COlPS attireacutes
laquo Irreacuteveleacute ce sera lagrave le coinecircde mystegravere ougrave lon se
retrempe aux jours de deacutesespeacuterance la fontaine damour
ougrave toute plaie sefface
laquo Le talisman fait de son acircme ougrave toute torce resplenshydit il sera le secret de la force silencieuse il SHa le lien indissoluble que nulle penseacutee indiscregravete naura souilleacutee
laquo Et apregraves avoir mis tout ce que jai de meilleur tout
ce que je sais de plus grandiose dans ces pnges jen ferai mon chef-dœuvre copieacute de ma main et je le
donnerai agrave mon amie
laquo Et un jour nous le lirons ensemhle en face de la
mer immense ct bleue SUI la haute falaise laquo Et middotpour qui~ ne soit pas profaneacute parce que nous
laurons graveacute dans nos acircmes je me legraveverai dans un geste royal et grave je lancerai dans Jabicircme lenfant
cheacuteri de ma penseacutee
laquo Cal ce sera un signe que jaurai renonceacute ft la 1510ishyre du monde pour la gloire dEUe
~~--- ~ )
DB LIDEacuteAL 39LA CONQUEcircTE
- Cc livre
Et un long silence accompagnera sa chute tandis quil
pll~sera magique eacutetoile dans le ciel recircveacute de notre recircve D
Apregraves un moment soudainement timide Andreacute ajouta damour il est presque termineacute Cest ma
vie Ile ugraveeux anneacutees celle des heures de meacutelancolie comme celle des heures despeacuterance
Le lirons-nous ensemble Michegravele avant que ne lenshysevelisse magnifique tombeau la mer fgtlysteacuterieuse proshyfonde insondable gardienne eacuteternelle de ce secret rashy
dieux de ce deacutepocirct sacreacute
Il parlait avec tant damour avec un prodigieux et
si tendre cnthousinsme que jen eacutetais troubleacutee et quun
instant jallais mecircme me laisser eacutemouvoir par lideacutee de cette œuvre damour conccedilue neacutee pour mourir et
mourant afin de lester le confident SIIcircl et fidegravele de deux acircmes unies
Mai1 aussitocirct je sentis plus fortemcnt encore latmosshy
phegravere miegravevre et presque malsaine dont cc scntiment mentourait
El (lune voix donce qui cherchait agrave atteacutenuer IJOIII
mon ami Allereacute ln rudesse dune pensee tellement eacuteloishyglllC de la sienne je Ini reacutepondis
- Ecoulez-moi Andleacute je vais vous faire de la peishyne p~IICC (lue je le sens un poegravete est comme exteacuteriorf
seacute dam son œuvre el ne pas vibrer il lunisson des mots et des rythmes ougrave il a mis sa vie cest le blesser
Et pourtant je ne puis laisser passel vers moi sans vous avertir leacutecho middotdun monde (lui esmiddott le vocirctre et qui manque non seulement de lumiegravere rnuis encore de force et de vie Heacutelas cest ainsi que les jeunes-gens recircvent
41
~44td-~Jp-middot~ 1 1 JI -- --)~ ~-
40 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Andreacute je VOliS parle ici avec mon amitieacute sincegravere el loyale
Vous pourriez ecirctre lin gl1lnd lin tregraves grand poegravete Vous savez laire eacutetinceler les mots passionneacutes et en vous eacutecoutant jai lII devant les jeux des visions de poulpre dazur etdor Vous savez faire jouer comshyme un orchestreles syllabes dansantes VOliS pouvez tailler lin vecirctement splendide capable de rendre visible limshypalpa ble Ideacutee
Mais votre Ideacutee nest pas assez haute pas assez pme [HIS assez coulageuse
Ce mot des anciens La Vertu cest aussi un monde un monde reacuteel celtl-Iagrave un monde qui se cousshyfruit
Vous vous consumez dans une sphegravere passionnelle que vous prenez pour le Cie
Cest de cela (lue je voudrais vous avertir Ce nest pas comme un artistc exteacuterieur agrave son œuvre qlle VOliS deacuteroulez lextase enfiegravevreacutec de votre heacuteros afin de nous montrer par de-Iagrave des horizons plus calmes votre heacuteshyros il est vous-mecircme vous lout entier VOliS ne conshycevant pas une destineacutee plus grandiose que celle de sabicircmer dans un gouffre damour
Cest donc vous-mecircme votre caractegravere voire philoshysophie votre infime conscience des choses (lui ecirctes enshyveloppeacute de ces bru mes 1011 rdernen t coloreacutees comme lin coucher de soleil pal 1111 soir dorage
Et moi jc suis hors de ces nuages
-Parce que VOliS ne maimez pas dit-il avec beaushycoup de tristesse
1 -f
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Laccent interrogateu- avec lequel il prononccedilait ces paroles me posait une question qui apportnit vers moi un e implorante attente Et comme jene me deacutecidais pns il reacutepondre reacutepugnant il la moindre dissimulntion mais troubleacutee pn cotte soulla nee _(II i III1jUlelltail aushypregraves de moi Andreacute ajouta dune voix mdallcoli(lue
- Oh quelle chose navrante que de revivre heure par heure les chegraveres journeacutees de Iautretois [ojeux de cet autrefois (IUC (lVPC UII peu dhuhileteacute 1111 peu de tenncite 1011 aurnit pu taire UgraveIlIP~ plus longtemps lon aurait pli deacutelicieusement prolonger et qui vivrait encore peut-ecirctre
llnintcnaltmiddot El alors ail serail heureux comme on lddt ~ ftrefois soi et Elle Elle la petite fille (lui riai] et qui
chantait qui ne sinquieacutetait pas de grandchose qui soushyriait aux regards de vos yeux et il la pression de votre main Mais non tout cela est envoleacute envoleacute plus loin
que les oiseaux snnvages que VOliS avez vu passer au-dessus de votre tegravete ail deacutebut de lhiver dans ICIlI luite vers les pays du Sud Tout cela est perdu perdri plus deacutefinitishyvement perdu que le navire (lue VOlIS avez vu sertir du port joyeux les grandes voiles deacuteployeacutees et qui nest jamais revenu jamais Que personne ne retrouvera parce que les vagues lont briseacute et quil est tombeacute au Iond d(~
la mel en lin lieu inconnu Et ill a 1111 morceau dl
mon lime dans ce navire perdu
- Vous ne doutez pas vous ne douterez jamais Andreacute je le sais de laffection profonde el dollce que jai pour Illon ami denfance Et cet ami si cher je veux quil me gnrde toujours une grandemiddot r place dans ses amitieacutes ~lais je voudrais je voudrais tant vous inspirer du coushy
-------------------
-- -- 1 ~ ~~-~-~ - bull 1 III ~ III T~r0
-~~
LA CONQuecircTE DE LIDEacuteAl 43 LA CONQU~TB DB LIDEacuteAL42
une force intense que je sentais monter et vibrer en rage de la puissance de vivre et de lutter aussi de la moi je l4r sa main dans la mienne et la serr nnt viveshybelle puissance feacutecondante et illurninatrice ment je tarlai plus haut en le regardant bien en face 11 Yadans le stoiumlcisme une racine tregraves vraie que neacuteshy
-- Si vous vouliez Andreacute si vous vouliez Compreshycessite le principe megraveme de la conselvation de la vie On peut tirer le beau et le bien de toutes les situations nez quels ltSOIS sublimes sont enfouis dans voire resshy
plendissante jeunesse et recevez de moi ce soir jeet comme la dit un penseur Nul na jamais le droit de deacutesespeacuterer puisque nul ne connaicirct avenir Mais il faut vous en prie un peu de ce courage lui pourrait illushy
miner votre chemin actuel un peu de cete foi enenvisager les eacutevegravenements avec couruge se chercher un nous-mecircmes celle foi qui transporte les montagnesbut heacuteroiumlque el suivre une voie droite qlli monte sans
Je voudrais pouvoir loucher voire agraveme et lallumer cesse
Accomplir un nohle ideacuteal cest toul ce qlle lon nouve comme un flambeau
de plus henu en ce monde Ne lu-isez pas ne brisez Ecartez ces vilains nuages ces brumes tipnisses et jamais rien que la vie OIIS don nt mais transformez troubles dont je vous parlaisfout-agrave-Iheure cl dont
je suis hors non pns seulement comme vous le croyez souvent Oh savoir se trnnsfomcr assez vite assez facilement parce que je neacuteprouve pas les mecircmes sentiments que
ceux que vous eacuteprouvez poar moi mais surtout je liens Andreacute pOlir ne pas snnnihilel contre les obstacles de agrave vous ll dire palce que j~ ne partage pas votre penshyln route Etre comme leau qui prend III forme du seacutee et que jai des conceptions inlellectuelles tregraves diffeacuteshyvase qui sait toujouls IrOUCl son niveau et qui ne renLes des vocirctreslaisse aucun vide Agil pour le mieux parmi les cirshy
constances avoir plusieurs plans pour la coftstruetion Le point culminant de la leacutegende que VOllS mavez de leacutedifice savoir prendre les mnteacutelIumlauJgt accessibles fait connaicirctre le geste somptueux qui la termine est et sans chercher lirreacutealisable ploglesser toujours cornshy une erreur me un homme vraiment digne de ce nom
Dabord vous preacutesentez cornmc une apotheacuteose la Un homme mou ami senllzmiddotvous comme moi tout
destruction dune œuvre dintelligence et damour Moi ce quun homme peut taire et peut devenir je ny vois quun sacrifice inuLile et coutre-nature une
Quelles limites existe-t-il aux lointains norizons de deacuteformation de la sensibiliteacute normale un acte reacutealisant
la penseacutee humaine une penseacutee chimeacuterique et deacutesordonneacutee Et comme Andreacute Calvis palaissail accableacute dune
Cest la neacutean tissement de reacutealiteacutes passeacutees preacutesenteslourde meacutelancolie dune deacutesillusion immense el cruelle et il venir pour lexaltation dune minute vaine
un sentiment de pitieacute me peacuteneacutetra toute Naurampient-illi donc jamais deacutesireacute le relire ce livre fJe meacutetais promis de lentourer despeacuterance et avec
L J J ~ l ~ f ~ t ~ 1 ~ 1 ~ ~ i 1 i ~ l~-~~--n n Ti
~5u r CONQUftTR na rmEacutee middot1 LA CONQUftTB nR LIDEacutelt
1
Non La pleacutenitude de la trame de la vil nest pas une chose si facile il atteindre quon puisse saul
pat neacutecessi teacute en (lnOlII1 des fi ls
El pourquni ne pas II~ donner aux hommes I~I~ poegrave
me chef-dœuvre ougrave tant deacutenclg-ies sont venues sinshy
carner Pour le poeacutelc et sa compagne ces pa~es sont vecues
donc deacutepasseacutees Ils vont vers des hauteurs nouvelles laissant pOUl
ceux qui les suivent cette marche dalhagravelle Toute la vie senchaicircne el se reacutepond rien nest
fermeacute Et ceux-lit dont la puissance laspiration le
geacutenie sont mulliplieacutes pI lamour ceux-Ill ont besoin
pOlll lenr lorce duellc dun chard dexpansion daushy
tant plus grand LIgOISIlI( il deux lst reacutealisahlc cornshy
me toutes petitesses mais il ne peut avoir iicu de
eontuun avec lheacuteroiumlsme el le suhlitue ~
Toutes mes penseacutees sont tourneacutees vers lutiliteacute tout
mon ecirctre seacutecrie ( Que la vie sail plus helle que
lhumanitlaquo soit plus nohle )J El toute action qui ne
tend pliS vers cc hui me parait un gllspillage cl une
perle Au plus haul point le poegravete le formateur le roi
dl la rcalisalion active est chargeacute dune grave resshy
pnnsnhiliteacute Cest lui qui jel tc dans le monde sous
une forme intenseacutement attractive et assimilahle les
ideacutees Et dans le vaste conflit lideacutee de lHarmonie na
jamais assez dannonciateurs et (1( hagraveaulls _ Ah Michegravele seacutecria Andreacute en portant arrlemshy
ment il ses legravevres mil main qui encore serrait la sienne moi je vous dis si vous aviez voulu si vous aviez voulu
Je suis plus plastique lue VOliS ne le pensez vous minfluencez tellernent Et je reccedilois voire ideacutee et jen suis dynamiseacute comme Il un grand jet magneacutetique lui deacutejagrave me transporte et mexalte
Si vous aviez voulu si vous aviez voulu Cest VOliS qui auriez eacuteteacute mon guide et mon appui
ma III use Illon iuspirah-ice Oh vos chegraveres penseacutees
hautes et braves comme jaurais eacuteteacute heureux et fier de les vegravettr de mots fervents lumineux passionneacutes
eacuteblouis
- Mais si vraiment je puis un instant aider mon ami poegravete pourquoi croyez-vous ndleacute que je ne le
voudrais pas
Il se meacuteprit un peu ou peut-ecirctre voulu se meacuteprenshy
dre sur le sens de mes paroles et il reacutepondit tout bas
sans lever les yeux sur moi - Quel espoir merveilleux voulez-vous donc encore
laisser dans mon cœur
Aucun autre Ilue celui (le vous ecirctre toujours une
amie sincegravere et fidegravele - Vous concevez alors des relations veacuteritables contishy
nuant agrave exister entre vous Michegravele qui De vibrez quashy
vec votre intelligence et 1 malheureux qui vous apshy
partient tout entier et dont la seule raison de vine
eacutetait leacutetoile despeacuterance quil avait mise en vous
11 parlait segravechemen l cette fois dun lOB ironique
lui voulait cacher son chagrin Je repris avec douceur - Vous avez tort de me parler avec tant damertushy
me Illon ami lorsque vous devriez comprendre la soutshyfrance vive que jai de lOUS aire du mal
6
~ l _ -J l ~~~11
LA egraveONQUirE DE LIirEacuteAL
Je veus ai dit ne brisez pas ne brisez jamais rien
que la vie vous donne maistransfolmez souvent
Comme lon a tort de couper des liens lorsque ces
liens auraient pu modifieacutes par la volonteacute et suivant les
eacutevegravenements temeurer toujours La vie passe les cilconstances ne se r~trouvent pas
deux fois les mecircmes et il est presque impossible de regraveshyfaire plus tard quand on les regrette les anciens liens
briseacutes
Andreacute minterrompit gravement _ Pensez-vous q~e facilement jarriverai comme VOliS
le deacutesirez agrave faire fleurir mon amour en une saine amitieacute
surtout surtout Michegravele si un eacutechange actuel subsisshy
tait entre nous
Ne songes-vous pas agrave Ja douleur que jemporte ce
soir en YOUS quittant apregraves que vous mavez verseacute tan t
de beauteacute tant de gracircce tant de lumiegravere et lorsque
telle quune pluie llautomne deacutelicieuse et cleacutemente vous avez baigneacute mon acircme deacuteserle assoiffeacutee avide
comme ~ne terre brucircleacutee apregraves un lourd eacuteteacute
Comprenez-moi je ne veux pas dire oh 1 loin
de lagrave quil soit bon de jouer pour un temps avec lil shy
Iusien de ce qui ne peul pas ecirctre Tant que YOUS
souffrirez en recircvant agrave vos recircves eacuteloignez-vous retirez
votre penseacutee si cest lagrave Totre moyen le plus doux le
plus sucircr de tranformntion Oui certes nous avons droit
ehacun agrave ce qui nous est propre
Seulement si vous Touiez me croire que cet eacuteloishy
gnement soit tempolaire que cette seacuteparation nait rien 4-irreacutevocable Car il me semble que la douleur ne peut
LA CONQUftTR DE LIDEacuteAl 17
avoir dacircpreteacute dans des liens qui se perpeacutetueat et
que en deacutefinitive tout ce qui unit est un bienfait
Mais je vous sens las et je voudrais savoir vous dire quelque chose de large et de sain qui vous fasse vraishy
ment du bien
Je serais moins triste de la deacutesillusion que je vous
cause si vous vouliez garder en souvenir de moi un
peu despoir un peu de force et UD vouloir defforts
URe foi rebuste dans la vie si impreacutevue si riche si
ianombrable
Soyez eacuteneacutereux envers elle onnezmiddotlui abondamment
faites de la joie autour de vous faites jaillir partout
de lespeacuteraace ne chutez dans vos poegravemes que le
courage lalleacutegresse le respleadissement des mershyl
veilles humaines appelez deacutesirez attendez eacutevoquez
sans cesse le bonheur 1
Il viendra on jour mon ami 1 je vous le promets
et je vous le preacutedis 1 Neacute formez rien en tristesse et
en deacutesespoir entourez-voas dune atmosphegravere sereine
tout apprschera de vous en beauteacute en douceur
Ua poegravete agrave dit Œ Celui qui chante au dieu un
chant despeacuterance Terra SOR vœu saccomplirraquo
Aspirez lenthousiasme soyez vibrant de vie et palshy
pitaat de foi Soyez fort pendant leacutepreuve
Et je vous auaonce en certitude que votre jeunesse
silluminera bientocirct dun retour splendide de la desshytiaeumle lt
Et je parlai je parlai loateps eacore sentant que
je tenais egrave soir comme dans mes maias Le cœur dhomme qui Tibrait agrave cocircteacute de moi j longtemps encore
9
J
LA CONQUEcircTE LIDiAt48 DE
je renveloppai de visions radieuses comme on en vemiddot loppe chaudement lin petit entant qui tremble de troid
car sa meacutelancolie cherchait il recevolr mou optimisme et sa lassitude buvait agrave flots [eacutenergie cl lenthousiasshy
me dont je cherchais agrave le reacutecontor ter
Puis GIandpegravere vint timidement nous interrompre
Mes enfants il est pregraves de minuit _ Heacutelas murmura Andreacute dune voix tregraves basse que
seule jentendis heacutelas heacutelas heacutelas Voici avant longshy
temps ma derniegravere joie finie
Crandpegravele un peu gecircneacute souriant dans sa barbe blanche un peu inquiet aussi reacutepeacutetait avec bienveilshy
laace __ ~lons mes enfants Dites-vous adieu Et VOliS
Andreacute venez je vous accompagnerai avec la lampe
jusquagrave la porte du jardin
Puis il sortit emportant la lumiegravere poseacutee sur le piano NOliS eacutetions mnintenantdebout lun devant lautre
Andreacute et moi dans une demi-obscuriteacute relativeIeacutetais
eacutemue car tr~s violemment je sentais palpiter le pauvre cœur dAndreacute comme un oiseau blesseacute aux battements
dailes douloureux II sapprocha dun cornet de cristal poseacute sur la conshy
sole de marbre il cassa la tige Jun lys tt me dit
_ Vous permettez que jemporte ce lys Michegravele
il vous ressemble si pur si eacuteclatant si fier avec la spiritualiteacute dc toute Ba blancheur avec son grand cœur
tout en or
Sa voix si triste mimprcBsionnait
Cardez-le reacutepondis-je doucement
il 1 1 1 l J
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Son COlm dol renfertne un mot pour le poegravete laquo COli jltlgc ct Espeacutelltlnce raquo
Alors il hnisa pieusement Iii llcur puis il O1UImlll8 apregraves un moment de silence - IgteacuteSOllllilis ce mot sera ma devise
Et il sot-lit lentement du salon agrave reculons h-s yeux fixeacutes SUI moi comme sil voulait emplir 10llt son ecirclre el
tout son souvenir de Illon image il cet instant
Que la vic est mysteacutelieuse plisltllIe ail milieu de ccLle villlanie eacutemotion hegraves helle ltpli cherchait 1 me peacuteneacutellcl je me sentais entoureacutee pal quelque chose dinvisible qui misolait et jeacutetais appeleacutee loule vers lAuhc le RlHlieux (Ille je connais el ltlIC jignore
14 Juill
Depuis quelques jOIIlS jiiIuml peu de temps agrave moi cal je sens glillldpegravelC soucicux et firligueacute cl jc vis beaucoup ashy
vec lui Pauvre cher ganJpegravere Il ma tout-agrave-fail appIollveacutec dl IlC pas avoir retardeacute III franchise de ma
deacutecision il Audleacute puisltjlle jc sentais si nettement (lue mes
sentiments Ile leacuteponJlllicut jamais aux siens Seulement il leglclle hCiIUCOUP jc crois quil en soil ainsi Cu il a
une protonde envie dl me voir tIlHIVlt~1 bientocirct mon honshy
hCIII cl puis il alme tendrement cc fils de ses vieux amis
Il ml parle sn liS cesse dc ses idees SUI la vic ougrave les lem mes selon lui ne peuveu l ecircti lt~ complegravelcmcnt hClIIcusrs (lue dans lin mariage damour il vaille aussi le malillgc tregraves tocirct dans la toute jeunesse union infiniment plus normale plus saine pour la santeacute merule ct physiquc dunc rnce
50
JI-1 j 1 j iumlI -l r--l l-~ lJ -J r-J r-J JJ bull
L COSQUEcircTF DE L1D~AL
f
Hier jai reccedilu un mot tleacuteidculi de Jane Iousta Elle
me demande de bien ouloir ehantCl deux duos agrave une ~
soireacutee musicale qui a lieu chez elle le ~O Juin avec son amie Lucette Pager Iii tille du peintre El e1h~ insiste si
affectueusement que je nv CuX pas refuser Et agrave linstant jOllVlC celte lettre ltlEdmeacutee Torguegraves
1) lujn Manoir (le Ker-Nollhi1
( Oui Cheacuterie nous sommes deacutejil il Kel-NoUheumll laman
Guy et moi Notre tleacutep1 t sest lkcideacute si sllhitement que
je nai pas eu megraveme le temps de cauri temIJIasser Mais
Papa vient decirctre forceacute Je nous quitter encore nue fois
pour Mew-Y 0 11 Et comme il avait besoin de passer
quelques jours 8 son usine de Saint-Nazaire avant sa
longue absence (il ne sera salis loutc dl re lour quen
Octobre) nOliS lavons accompagneacute jusquici tous les trois
et il a preacutefeacuteteacute nous lluiller il Ker-Nouhi1 tout installeacutes
pour leacuteteacute qu de nous iuisscr laire sans lui 1111 Illois plus
tard le voyage compli(Ill~ (le Pai-is jusquici Aussi nous avons nIisIS un IOIlI de torce en expeacutediant
tous les preacutepillatifs en lin [our et une nuil Avant hier au SOil mon cher Papa nous li quitteacutes tregraves
courageux mais 1011 triste El maintenant 1aman cl moi nous tronVODS sans
nous lavoue l la gande maison bien grande et bien vide 1
Pour-lan l le mois de luin est une fecircte perpeacuteluelle un
eacuteblouissement enchanteur et le jardin nest quun fouilshy
lis de roses les roses roues et les roses blanches les
roses theacutes et les loses roses qui nssaillenl les vieux murs qui enlacent les branches qui surmonlent les
LA CONQURTE DE rmEacuteu 51
cimes des jeunes ormes et des ch(~nesliegraveges el qui se balancent au vr-nl pleines dUn parfum IOIIld comme de grands encensoirs
Puis devant la maison au hou] du champ hordlt des tamaris en 11(~UIS la Illel emplil jhMiwn la Iller
merveilleusom-ut changeante opaline el aZllIe tranquilshy
le ou anxieuse avec ses innomblables valiegravels de nuanshyces et sa musique eacuteternelle
Bientocirct Juillct i et alors tout lepanouissernent Iles
genecircts dQI des bluyegraveles des lavandes dcs cbegravevrc-Ieuilles
des œillets des verveines ci des grands lys sous le petit bois
Et je vienS te demander Michl~le si tu ne voudrais pas loi aussi veuil il Ker-Nou heacutel dans cc cortegravege de leacuteteacute
Cest mon recircve depuis longlemps tu sais de tavoir id
Ton cher grilndpegravele aiderait si hien ~lnan lemplir
les heures cruelles de Iubsence d loi ilia grande cheacuterie
lu me donnerais tant de joie tant de bonheur
Je ten prie vile un mot 111I mol qui nous tela 1011shy
ner ici de joie ct dimpaticncc L Cal jai lanl de choses agrave le dire raquo
Jai bien envie moi aussi ltatTivet Jans lenchanshy
tement de Kel-Nouluumll ail milieu ltIII cortegravego de leacuteteacute
Et pal celle lettre jni limpression dt~Ite a ppele vers
la Bretagne dune maniegravere si torle ri si prntoude ltlle
cela metonne presque malgreacute lamitieacute qui me lie t Edmeacutee
Mainlenant je me sens euveloppclaquo comme pal la
main dune feacutee de milles petits fils lumineux invishy
53
-- JI ~-- - JI JI JI J n LA CONQllEcircTR DE ImEacuteAL
sibles qui mattirent qui mattirent doucement mais
invinciblement
bull
16 Juin
Apregraves une longue seacuterie dexpeacuterimentations il ce sujet je suis arriveacutee fi me convaincre quc [es songes de la nuit sont dune infiniteacute despegraveces diffeacuterentes Comme
il y a plusieurs genres de sommeils qlle lon commence un peu agrave connaicirctre en sciences psychiques il y a plushy
sieurs tenres de recircves Dnbord le recircve ordinaire qui me paraicirct purement
ph) sique comme les exlrnva~nnl(s penseacutees du cervelet
pendant le sommeil tandis JIJ( la partie controcircleuse du cerveau est endormie comme hien des cauchemars
aussi qui viennent simplement dune digestion difficile
ou dune couverture trop lourde sur le corps
Cependant il y a dautres recircves (lue ceux-lagrave dont tout
le monde na pas connaissance d ailleurs mais seulement
les personnes sensitives Et ces regraveves me semblent venir dune partie inconsciente de notre ecirctre qui e se reacutevegravele agrave
~
la part ltle nous-mecircmes la plus nor-malemenl ctnsciente
et active que lorsque celle-ci est elllo)mie
Je connais une dame tregraves intelligente et aussi meacutedium
remarquable qui est toujours preacutevenue la nuit en recircve de tous les eacutevegravenements importants heureux ou malshyheureux qui arriveront dans SR vie ou dans la vie de
ceux quelle aime quelques jours plus tarltil
-~
i1
r LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Je connais aussi une petlte liJe de douze ans qui Il eu if y il deux mois lin songe asse curieux elle recircvait qll(lle cnlendaitllne voix lui crier Iorterncnt dans 101 ciJe Legraveve foi vile 101 lit 111 teacutecrascr
Acceplallt cel extraordinaires paroles avec la faciliteacute dont on il(elleiJlt tIi ri( souvent les plus soties ideacutees ell(~ IlIt prie rlllll irdelse ICllelll el se levant
precipitamment cuu ru t jusquau land de sachamhrc en
criant Elle J eacutetait il pein arriveacutee (1111 les g)OS ornements de bronze SlPP0llillll les lideillix de son lit tombaient dll pleacutellond en Inisant 111 tracas (pollvantablc
Le rlornainn rlu Bel est ceres illimite
Le monde est infini Le monde esl dune cornplex ie infinie
El je sais et je sens el loul mon (Ire atlirmlaquo ltflle certains de mes recircves sont des eacutealileacutel
Rt~aliles dun autre ordre sans doute actions acles et pensees existant POIl ainsi dire dans un domaine dif Ieacuterent un domaine (li est je leur existant dans une
partie plus subtile du Cosmos mais une partie qui
esl aussi reelle par lnploI il elle-mecircme quune main
physique est reacuteelle pal rapport il des yeux physirJlles Tout esl )cJalil
Celle nuit jai fail 1111 de ces recircves El il ma particullshyegraverement impression lieacutee
Jeacutetais seule Sll une haute laaise dans IR nuit imrneacuten se sans lune el sans eacutetoiles
Devant moi je devinai dans Jombre la mer-houleuse qui IrappnIcirct je locher et qui mariait sa plainte terrible aux lonis geacutemissemenls des vents
----
__ bull - J1-_____
1
04 LA CONqIJEcircTI DE LIDEacuteAL
UIIC alxid~ metreignait ct aussi une iltenle comme lespoir dun honheur
TOIII il coup le dei parucirc] souvr-ir d lin jel de lumiegravere
rudieuso en descendit qll1 Irancha lohscuritc
Puis 1111 nllage dDI el dlzu duue merveilleuse splr-nshy
deur se 101l1li au-dessus de caux illuminnn la mer
Cc nlligc apportait 111 grand calme (pli mc peacuteneacuteh-a Ioule cl qui ilpliia megraveme h-s flols pl les vcns
Alorsl1l milieu du nuagl huuiucu x je vis se (orrncr
progressivement et de plus Cil plus nettement lima~e
dun jeune ho III 11I( I(UII( rcsplcudissaute beauteacute cl donl
la physionomie n()hll~ el grlve sous les longnes boucles
bull1LA CONQUEcircTE DK 1IIgtJlAL 55
-----shy
o viens agrave moi f ocirc viens agrave moi raquo
Et le nllag-e Iumineus sembla se diwlldlc dans leau t lappilli Iio n ceumllete dispnrucirct
Comment rxpillllIeacuternolion jnmuis ltssrdie 11 jlshy
follvili lII (nlellllili Je 1II111mlllt de lltic voix iu ouhlinshy
Idl Cette loix lt111 i(~cnls tendres et gruves ((Ill voix
1 l1 i Il(lai (lII C()IIII1l(~ I~ prolongemcnl (1t linle eacutem lit
Des lthos(s infillis ct innomhrahles Sl~ pneisairnl Cil
moi remuees pal ClS PillOJ(S El ce mct laquo Souviens toi
avait leacuteveilleacute au fond d(~ moi-megraveme tO~lt UII pilSSC loin fain vndormi dalls IIIOIi ecirctre
Drs choses infinies cl inllolllhrahks contilluellcs veshybrunes semhl il contenir des mondes de Iorces el des mondes de penseacutees
Ses )(UX dor (jUII( protoudcur iuuumlnic rndinnts cornshy
mc deux (Ioills melllplissaient i1(middotspuumlilnce El lorsquIl mc pilrla une all(IsS(~ inconnue lit vibrer lout mon ecirctre
Souviens loi nie Iii-il Souviens loi Depuis laquoes siegraveshy
cles ct des sicclcs ln es il moi d (Ppllis des siegravecles el des
siegravecles j(~ tappilrlicns ilia hicn-aiuHl
Cherche-moi EL viens il moi
Sur la terre jardin en triche sur 111 lerre demeure
des hommes joyau des dieux je li1t1ends
o viens il moi
Nous avons dl plll I(~ monde dl~ ~Iarllirs choses il Iaire
ensemble (1111 de J(~t$ lalisel dl conquecirctes 1 pourshy
suivre (iioCspoils il Inn-e naIcirclre dc deslins il magnifier
Je reacutecoltes il moissonner dl victolres il remporter
nues de tregraves Ioin passnIcircPIII pilssairlll tians mon souvenir
cl sy pressaient lII foule avec des visions dEgyple et dCnde anlique
Ellolsle lappillilioll ceacuteleste disPilllIcircI la nuit etait
devenue le jou r Les eacutetoiles avaient dahord illumineacute le frlmnrncllt dc leurs millions deacutelincellcs dal puis le
solril seacutelai leveacute dans 1I11(~ lespielldissalilc aurore lfui PlIlflouplilil despIII11P lholizon dlloui
~Iols je meacutevcillai dans mil chlllhe close penetree dlin houheu r selin el mClveillellx
91 Juin
Oh 1 Silliall dl VII r k p01l1 piano lI violon crs pages si compldes de 1lIIlIS el L1sflili1lions ces cris de ddr esse June ame incomprise cette seacutereacuteniteacute espeacuteshy
tt
r _
- bull bull bull bull
iHi L~ ON(~ J Jh I~ DR LID( AL LA cUNQurhg UF LlDEacuteAL 7
lalit celle ruclaucoic el lItle glUgraveel charmantes sunrinnt
uvee houleacute devant a plwriil( duue vie qlli heurle le
~eacuteuic r l toutes (es (IIIols huutninr-s 11 dtSslI(CS l(IS
la cime nouvelle elllOle jillilais a lleiu le
Oh lCS plmii~)(s pliass illlpllises lillIes qui
surtenl du nI( el illi Il pl~IIII1l1 lIl dlic(lIdll l1Icirc plashy
uen l 1I11-desSlIs des ehmes 1 1l1i (lIelellelil (Il lillonnanl
le plus lumineux chern in pOlIr monter pillS halll cucurr
Oh ce second rnurccuu somhle d 11011(11 d IUIIe
la dOlllllll pesante iipn d (11111 qlli (lIilse le 111111
el (sil de lllIlislP lI l(S llvoiles vinlcul cs qlli hashy
versent el flIldelli la nuil 10111 (OllflllIir toutes les torees
du Ciel el ces cnthousinsuu-s dSPIIiIlIC( qui f01l1 sortir
de soi-mecircme comme IUIH)IIs plll la Itmpegravel(~ des sons
lmd igiell x d ((S llili 1(S dOlilolllCIISIS rnvnrc qui ensshy
seul hlqllelll(IlII(SSOI lII Ilrillll lespoir suhluue ri qlli
sillIgloltrd IUlIf has 1111 SIII ~rall 1(ITildl
Perulnu t 1( IllIl1s qui lllllllll si Ilill1Il11I1 quelque
rclI suuvaae el d(sol 1clqlll 11I~1I1le mannir sulishy
laire comin cel IIi dll le ade dl Tristuu javais hier
soir c1I1)I luu Iollsln pns dl moi la mailrcssc de la
maison lui Ille sllIddail vivrlaquo (II SOli 111111 IOIlI It drillle
puissant de les trois lrclIIilrs IlIUITliIX
Sun sourire orgll(illlu vuilai] sur SOIl visilgl dulle
pMen de 111 ilrllll ladlIh~ Jdless( d~ SOli 111)( el lIle
se Illait IOllil~ Irtlit- irnluollih tOCllllie 1111 sphYIIX eacutegpshy
lien dalls ulle mil Iloil( Sllleacute( doIumll 1IlI(Igeail lOllle lil
IJlilllchcul illquidalll~ d sa loillill lit SIS eacutepallll~s d
de ses hnls sl(lltlit1(IUlll nas
Une lose louge saiguail (1 S( mUllIail dalls SUII chigllOIl
deacutebegravene el cdaillagrave SOLI seul bijou
----
- IJe quel dtsil (j~(u portes-tu dOliC le deuil pensai-je
(II la rgil(lillIl hlllliis qlle dam Il lerilalif Ilagilll( passhy
~ilii h~ souvenir Iii Iillliise des phrases irnplugraveis(s cl lilshy
gllS du deacutehut CIS phrases qui sollelll ou reve cl (IIi Ill
peuveut en dscrlltln qui plilll(lIl ilu-dlsSUS des chosls cl
qui dlllc1wlIl lIl lilollllllnL h plus lumineu s ClllHlill
10111 111011(1 plus ha ul Puis la f(wIioll 1Ii11lanlr
de la lil illidc el solilailI Jlltulail (lIeOI~ tl de 1I0l(shy
veau je elllIlIlais ds veux la somhrt silholltll(~ de 1111~
(lui cerfaiuement frissollllilil 1111111 dlHmalillH illg()bsl~ el semhlnlt plIil pillilllIcolC
Puis llllleacutegrello 11glI eornl1len~a El Ct Iul la Iill SOIlshy
liillllr cllIn~ gllI si distillglleacutee ces llpollses tlt~galltes tIlI liHIIO 1111 violon duo tI(~ charmu enjolleacute cl impreacutevu
FIanck 1I01lS peignallt les hadillilgcs dilllUUI tlt~ 11lOs dl 1h(illr( d~ usse]
El 011 lun toup celll elllolle 1lIll1e qui lIOIlS lalll(lIt~ rlillIs ii joie dt ftITt ilplegraves 1ln~ lIlOllts s IIHlIL el
11111 ndosilJlI Siliw de ~Iitlt~ lalgl~lI fOIII (li Iiliss( au CIClIl 111 dlsir d~ 111111 illIioll
1 011 Iii IIlelill(lIse sOllale lIII 11 bien supllilu
l~nllIlt infelpllIeacutee pal e lcmilllJlIagtl liololish umand Cousin el Son paltellilile Pilulo Cegravezan
plegraves lue Lilcellc Pagel el moi IUIIS ellmes charlleacute lt~ jolis dllos de CllilUSSOJl IIne challIallltmiddot lillelle dc luilze
1IIIS enlevil SUl Iii harpe c1l1ollil1ilue L(s DlIlIses SashyCIllS et Plolilnts de DelIIISS)
1)lIdles inrplegtsiolls deacutelicieuses fll-i1i les lUllIlle
cllalll aeacuteriln Comm( I frissoll Illli1ire tlislallillts clmme
Ulle SOlllce Inurlllulalllc paleilles agrave UII soupit agrave IIne
(()Nllflh~ OR lIIlI~ A 1 1~
fumeacutee capricieuse Ugrave une vapellr qui seacutelegravevlaquo des riviegraveres
desseacutecheacutees ougrave Ileurissent les lauriers-roses el viln-anlcs
dune alleacutegTessc de vol dhilonddles qui (kchilltnl dlin
cli sl rldent le ~r(nd silence rlrs nlHIges dalltomne
Ilans C(S 1lilmts lcnls volu pl ucu x in((IIlillS ascI(S
enivres pllSSCll1 cl Iourbillonuuut en lg(S Iaulocircmes
les visions Iltnlallic(s liIIli0IlIltII(middotS el lasses des danshy
seusrs lvdiennes
Milis celle lascin aliou maniugraverce cl malsaine paleacutee de
couleurs faneacutees de deuri-Ir-iutcs impreacutecises a une odeur
dl poison cl de mensonge cl Debussy diffuse dans lair
des parfums subtils et Irouhles
En allant leacutelicitvr III jeune halpisle Il husard d la
cohue mondaine me Iacilif n nn 1(lc-il-I(lt impreacutevu avec
Jane
le n avais pu lui parler encore cl je lui demandai il voix hasse
-- Comment St lnif-il qlll ni lon amie Hose-Marie ui
Edmond (lIld ni lnuleur du 101 Hire ne soient ici
ce soir
Une ombre passa1I1 le hrau visage pille
- Edmond Gaud est en tourneacutee dans le n011 de lAushy
~Ietelre reacutepondit-elle Ouau l aux dellx 811 Ires (cl de
nOUV(llU elle me parugrave pugravelil plus encore) je ne sais pas
grilndchosc le les espeacuterais bien ce soir cest loul cc
Ilue je puis le dircmiddot
11 devinai toutes les souffrances de ma pauvre amie sa
singuliegravere passion pour ce Guillaume Tara et le caprice
de celui-ci pOUl la petite Itose-ecirclarie du Theacuteacirctre Franccedilais
II 1 II ~ 1J I~7
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL ~9
qui avail d chercher il enlever ft Jane un amant si utile pour ouvrir laccegraves des premiers rocircles
Iane ajouta - Tu avais raison ~lichegravele dl~ ne pas aimr-r lIos( 111( Illa si hilII lrahie
Malgl( 1~lIvil que jcil eus je Ilosai pas Cil er moment
lui la issr r voir C( (JlJ( pensais de lanliplllhiCfue Tarn Et je dis seulement
- Tu es si hltIIlt lan e PI si infiniment plus digne decirctre aimeacutee ]lH Ile lonl jamais su la pillpnrl de ceux
qui laimegraverent jllsquf1lolmiddotS Tu peux lembellir encore en
augmentant Il aulant ton esprit de luttes diniliative de
courage dendulallce que lu as souffert de deacuteceptions
dl chagrins de truhfsous dl deacutesillusiolls El tu lenshy
con 1lllilS enfin UII jour la slIll joie l)Iofonde el durable de
la vic un amour eacutegal il celui laquo(IIi sommeille en loi ri qui
lsi encore in lac] el plll palc Cf Ut nul na su leacuteveiller 11I1 amour digne lII fi 11 d( Il posseacuteder toute
iis 1 ce moment le comte Kousln sapprochait
-- Pardon lanlaquo veui llr-z vous occuper un peu de OS
amis cal il est lheure dl failI pass(~r au hu(fltl
El tandis que la noile silhouelle seacuteloignait apregraves ma
voir jeteacute un chaud rcglrd de lendnssp pour aller lljoindre
les groupes qui lranstormaicut ce snir le vaste atelier eu voliegravere le comte Kousta moffrit aimablement le liras
- Quel singulier homme Cfue ce mari affable lt1 comshy
plaisant pensai-je pendant quil me cOR1rlirnlIlail
SUI la faccedilon dont javais chanteacute Comment sexpliquer
de le lles unions Puis je constatai combien il avait
vieilli l maigri JI il peul -rire beaucoup souffert Qui sait
bull 1---- middot - 1 bull i
~ 60 LA CONQUKTE J)P LIIH~AL
-- -- ------__- ----------------__-shy
Et reacutepundaul dune lnccedilon distraite aux amabiliteacutes du
Comte de Jean ChellllY el de Magdelciue Lamarre isoler pu Il tourhillon lui se pressnil autour du huflcl je mishysolais plus encore en mui-m egravenu- tImil pensee poursuivi
son ((J1I1~ I( Comment SI fait-il It jaime lanl lou le la nature k Jane la vO)ilnl si dl~Iquilil)II dons UII tlill tfue jl~ trouve lelllIfII1 inhIIcirctlIr1 la il 11iI1l1t el PI(
Et je me reacutepondais I( C(~l Ilaprl~s milrf~ plu dans cz le monde pendant quelques mois je snis deacutejugrave d(~s~nshychanteacutee pal ek almosphegraveru tod~ (1 (aussI dt soireacutees des bals des 1heacutelti lres i nlJlIignre heacutelas cornrue de la deacutecadence dune eacutepoque ougrave lon sent que tout vouloir en lhousiaste geacuteneacutelf~u deacutesinteacuteresseacute lout apostolat pour sel vil mecircme une admira hie cause paraicirctrait ridicule et deacuteplaceacute tant ces steacuteriles Ianlnches modernes ont COIIIshy
plegravetemenl rempli leurs vies ri leurs ames de tous ces petits gtslfs de Inules ces petites paroles de toutes ces petites danses cie toutes ces petites penseacutees de feacutebriles
nrarionnetles chez lesquels larrivisme seul apporte encore UII pen de seacuterieux et de volonteacute
JIIi assez de ce monde inutile chic el improductif et parmi sa vaniteacute je sens ma grande lane comme une arne pleine et vivante capable de profondeur et cie progregraves
Elle est helle Loulageuse ardente riche de forces somptueuses el complexes mais ces forces nont pas trouveacute deacutepanchement normal il leur besoin de manifesshytation et elles ont deacutevie du chemin (Ir-oit pal manque de satisfaction parce que nulle rencontre JlIl eacuteteacute assez belle assez puissan le SUI ce chemin droit pour les lier pour les garder pour les eacutepanouir
1
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAl tii 1
Malheurense dans le cours normal de sa vie lnne sest preacutecipitee de cocircteacute et dautres
Et ce quelle cherche inconsciemment cest lutilisation de ses eacutenergies car il ny bull de bonheur que tians la manishyfestatioD
Il faudrait que celle superbe natur de femme puisse trouver une nature masculine pins intense encore quelleshymecircme qui sache la comprendre la domine r Jeacutequilibrer la diriger
Mes reacutellexions furent aors interrompues
Dans latelier la musique recommenccedilait
Paulo Cezare joua avec beaucoup dentrain et de brio la valse de Chopin en la beacutemol et la XI rapsodie de Liszt
Apregraves lui heacutelas un Italien vin] exeacutecuter sur la guitare
quantiteacute de morceaux longs et fastidieux Il eacutetait dailshyleurs un fort vinuese qui ellthousiasma lauditoire pal ses acrobaties vertig-ineuses
~bis ~randmiddotpegravere eacutetait fatigueacute cette guitare lobseacutedait comme moi
](ous nous en allacirc mes en sourdine
Ln musiqlle quel puissant levier pour faire vibrer notre ecirctre Quel connexion intime elle a avec nos nerfs avec notre imll~inalion avec notre acircme et quel grand domshymage de jouer si confuseacutement sm le lavier de nos eacutemoshyIious dl 1I0S aspilaliollsde 1I0S deacutesirs et de placer le centre harmonique dans chaque murceau dans chaque frag-rnenl 011 dans chaque cIIVIe IIU lieu de le mettre dans lensemble mecircme de laudition musicale et du pro-
Il
I------~$_---_---middotmiddot_-----------shy--- --~~- --------------shy------------======
~I ) j J 1 J j J ~ J W J 1 bull J 1 J 111 JI il il J 1 -L ~-
6 LA CONQUEcircTE DR LmEacuteAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 63
Flamme choisi de mecircme quun beau tahleau ne pourrail
suffire agrave satisfaire lœil dans lin salon disgrarielx et en
deacutesordre de mecircme lin beau moment musical ne suffit pas agrave faire resplendil uos eacutenrrgies et nos torees sil est
suivi de meacutediocriteacute ou de perversion
Milis quel sentit le musicien il notre eacutepoque capable de
traduire pal exemple la magnificence Je cette page qui
monte vers le Ciel conlhe une pyramide de gloire le canshytique dAzilriils dans le livre du prophegravete Daniel
El que de ressuurces lorgue aux mugissantes splenshy
1 ) j
Et voici que je meuvole dans le recircve de lUniteacute la vie ~ deurs le violon (peldu dattente la voix hUIIl aine eacutemoushy
vante inspireacutee innornbrahle la harpe aux accents mysshyest tout toujours plus de vie el la vie saglandit du tiques au langage fluide et visionnaire sans parler dechamp de lintellipcnce el linldli~ence seacutepanouit dans
lamour Et je recircve dune musique pleine dt vie wrnpshy lorchestre de sa prestigieuse puiss ance et de tous les
tueusement intellectuelle indiciblement aimante dont cuines aux sonneries triomphales
toutes les plnases sont calculeacutees non plus seulemenl tIl Alors on reviendrait dune de ces soireacutees enivreacutegt eacutebloui
harmoaie sonore non plus seulemeRt en ~uirlandes freacuteshy aYill t chasseacute pour longlem ps lou tes les pensees grises on
reviendrait les nerfs fortifieacutes limagination embellie lucircme missantes qui expliquent et dominent lin drame mais renouveleacutee avec autour Je soi dans les lointains feacuteeacuterishyharmoniseacutees il tous les dtgreacutes pour lapaisemenl la pacilishyques les scegravenes merveilleuses du Bonheur conquis de la cation laugmentation la uumloraisou inteacutegrale de la vie de Rencontre eacutelue lintelligence de lamour dirigees insuflleacutees agrave travers
lenthousiasme docile et confiant de lauditcur jusque Ce nest pllS ainsi que je suis lentreacutee hier Et encore dans les racines les plus profondes de sa vie de son intelshy une fois latmosphegravere artificielle des convenances monshy
ligence de son amour daines et des conversations insipides mil deacuteccedilue et attristeacutee Une musique volontail( une musique plmiddotopheacutetique Heureusement nous purloas bientocirct pour Ker-Nouheacutel
l1on la capricieuse arabesque des regravevelies philosophishy et lagrave je sais bien que la nature en tecircte et le ciel et la
ques mystiques ou sentimentales de lauteur ni les eacutevoshy mel et les fleurs et les arbres toujours purs toujours
cations de formes et de matiegravere mais la sculpture incesshy vrais toujours pareils el toujours nouveaux ne terniront
saale intense de notre ecirctre la symphonie du Courage de - pas mes recircves
lHeacuteroiuml5me la cantate de lArnoul lhymne dt la Victoire
loratorio de la Joie tout Iappel de lIdeacuteal sans heurt sans coDlraste dans lideacutee sans une plainte de faiblesse 30 Juin SaDamp une descente dans les labyrinthes lt111 regret dans
ManoIumlI de KermiddotNouhiq lobscuriteacute de la vie moindre fluant de tout son poids de
Apregraves le lon~ V()yIg(~ (II rhcmiu d( flr el ses troistout son eacutelan de eertitudes vers le bill lHomme changemenls de train Crund-pegravere et moi sommes arriveacuteslhomme plus grand lhomme plus hcureux
V J iumlJ v fJ V J 1 J J ij J ~ J 1 J f - il - H 1
_
64 LA CONQUEcircTE DE LmEacuteAL
hier agrave deux hCIIIes de lapregraves-midi agrave la petite gaIe russhytique de la lleumlrt ougrave Madam~ Torgnegravesiuml Edmeacutee el le jeune
GU) nous attendaient avec leur votture
Que] accueil joyeux el enthousiaste nous avons reccedilu el quelle belle heure amicale passeacutee dans le vieux lnndau tout fleuri pour ce jou r de tegravete de ~ends dor cr iant
leur or bien fort bien haut dans le lumineux soleil en ouvrant grande leur petite gueule casqueacutee donllhaleine est si parfumeacutee de fleur doranger
Tout le long de la rouir merveilleuse tailleacutee dans le
rocher qui suit la mer pendant huil kilomegravetres de Ln Heacutert il Ker-Nouheumll dautres grands genecircls dor eacuteclatants
au milieu des bruyegraveres roussies dressaient leur gloire
leur richesse leur noblesse liers comme les vieux seishy
gneurs de ces terres hrelonnes
Et tout cet or dans les loches violettes SlI loceacuteun
dull hleu fonceacute leacutepandait des chants ltl811ltgTlt~sSI des promesses de bonheur un ivresse lie lumiegravere de deacutesirs de feacuteconditeacute heureuse
Vive la vie meacutecriai-je
Et vive la Bretagne reacutepondit Edmeacutee
Et je repris
- Vive la joie
Et jajoutai Vive lamour
- Eh hien Michegravele sourit Gland Jli~IC
En arrlvant agrave K~r-Nouheumllccfulent denouvenux eacuteblouisshysements
LA CONQUEcircTB DE tIDEacuteAL es
Oh ladorable vieille maison en grosses pierres eacutepaisses qui lui fout des murs dancien couvent et luge longue Lasse ct couver-le dun siruple toit hor]shy
zontal tout JI oit ltfui Iorme la plus commode des tershyrasses
Devant elle un pelil chemin de passage puis un champ tout blond et lumineux bordeacute de lamaris ces
jolis arbres marins dont le feuillage nest quune JUID~e verte et la fleur une fumeacutee lose
Au bout de ces deux centsmegravetres de thbmps18dubegrave
blanche et lumineuse aussi et les loches violenes puis
la mer la mer profonde el mlljcslueuse changeaole bull capricieuse la mer immense et toujours belle
Mais la plus jolie sUJIiseest eacuteserveacutec encore il fugravel entrer dans la maison taversel la glarllic stllie li h1at~h vitreacutee dont la baie sureacuteleveacutee domine loccall haefs~ aussi le salon vieillot 1UX meubles anciens Ilui eumltcittts suranneacutees et puis ouvrir la pollc-f~necirctte qui donncSliilt penon du jardin et alors le legallt1 eacuteUlelreillecirc seacutelend~ijl une feacuteerie
Comment deacutepeindre ce vieux perron agrave double escliliegraver engutrlandeuml de oses ougrave chacunc des larges maloches
csl bordeacutee de trois poIs degeacutelapiuws de ces merveilleuses
espegraveces de geacuteraniums si sonores quils semblent HoIumll
retenu en eux la lumiegravere et lalllclIl dt ltfucllfue f1aIQshyboyant coucher de soleil
Comment deacutepeindre la souplesse des lignes COUIO~CS de celle longue pelouse verte doucemeu] vallonueacutee rt encadreacutee tantocirct Je massifs opulents el d~boldjlnls duue exubeacuterance de fleurs tantocirct ltle hautes luliies de peuplicl) dItalie et de peupliers-helllbies au frileux feuillage
5
J
~ ~- ~ 1 V 1 f ~~-J ---w ~ t11 ) AI
66 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
ltli~eiteacute tantocirct deacutenormes touffes de lavande qui jettent dagravens hiumli~ embaumeacute leur jolie note violette et tantocirct de y~ccas depalmiers hauts et maigres de figuiers lourds qugravei~eumlvOque~t lOrient lointain
Et sous les arbustes dans le plein soleil court un ruisshysellen1ent de loses dheacuteliotropes aux senteurs de vanille J~ dahlias dœillets de fuchsias lie lobeacutelias dun bleu de
roi etagravee mauves louges et de jasmins de reacuteseacutedas de pavoIs superbes de glaiumleuls hautains et toutes les varieacuteshyteacutes-dune flore deacutebordante innombrable
Auuml tond du jardin se dresse UA bois dormes de hecirctres
er 4efrecircnes un bois profond calme et grave tans le deacutelicieux dessin de ses petites alleacutees sinuaules et mysteacuteshy
rieuses il est impreacutegneacute dune atmosphegravere intense parejlle
agrave une acircme eacuteparse et flottante parmi la haute futaie et dans le taillis eacutepaisdes centaines et des centaines de touffes de lys blancs et de lys louges bordent les sentiers et achegravevent pal leur couleur et leur parfum mystique cet
aspect de bois sacreacute exhalan t malgreacute leurs odeurs mielshy
leuses des penseacutees de pureteacute et de paix
LOls(lue jentrai dans ce bois je fus plus impressionneacutee
et plus recueillie quen peacuteneacutetrant dans la plus haute et la plus fervente des catheacutedrales
- Voici notre Bois des Lys (lit gaiement Edmeacutee
El je ne pus mempecirccher de lui ltpondre
- Lagrave il fant parler agrave voix basse
Sens-lu Edmeacutee toute lambiance (lui demeure ici On dirait que de grandes choses humaines se sont passhyseacutees derriegravere ees arbres el quils sont impreacutegneacutes de soushyvenirs puissants et lourds Cest un temple de Recircve et de Secret
LA CONQUEcircTB DB Lmltn 67
-- Je te lacontclai reprit E lmeacutee bien des leacutegendes bretonnes sur le Bois des Lys
- Ah Cest un lieu leacutegcndaile Je lalIai devineacute Des Ieacutees des auges et des geacutenies sy promegravenent ugravelelU~lIt pendant les soirs de lune vois il y a SUI ce rocher COUVClt de mousse lempreinle dune main de nvmphe Ougrave est donc la SOIIce enchanteacutee ougrave clic doit saller haigllel t
Edmeacutee sourit - Tu es eacutetonnante fit elle III sais (IIC tu dis vrai ct111le la SOlllce (le la feacutee (ICi Ly~ e-t tout aufond du bois
NOliS lIOUS sommes assises tOlites deux SUI le jocher moussu
- Cheacuterie commenccedila EJmie en me uren mt la main je suis sans lloute SUI e point de reacutealiser bien lot ie recircve de ma vic
- Tu aimes f dis-je
Je le crois
Til es aimeacutee f leplis-je en lemhrasant avec eacutemotion
- Je lespegravere
Et comme je multipliais alors les feacutelicitations joyeuses et les questlons presseacutees Edmeacutee mintelTompil
- Pas si vite Michegravele pas si vite Rien nest certain encore rien nest deacutecideacute ni mecircme COmmenceacute Mais mil
nature timide et lroidlaquo (lte tu counais bien sest eacuteveilleacutee
agrave UII eacutelan tel quil me semble impossible (Ille celui (11I~ Il
ainsi remueacute mon ecirctre ne soit pas celui-Iagrave megravem- (lIi lapaisera et Ieacutepauouu-a
- Qui est-ce cOIDn~1I1 le counats-tu
---------------
- J bull 1 1 --- bull il J 1 ~ I~ 1 ~ 1 iiiiiiiumlI C -1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL68
_ Jai dineacute avec Jean-Reneacute Formant il y a pri~s dun
an chez UII dc nos cousins et deacutejugrave ce jOlll-lil javais
eacuteleacute attireacutee par son altilude silencieuse et silencieuse
de ce silence qui est vibrant de vie el dintelligence
javais eacuteteacute alors fascineacutee par ce Iront lumineux et calme
par ces ~rands yeux eacutellanges qui paraisscnl emhellis
encore des reflets de hcuuleacutes cntJevucs ou de mystegraveres
compris
Depuis je navais plus rencontreacute MonsieUl Formant
el aussi je lavais presque oublieacute
~ Comment l lu avais si profondeacutemenl remarqueacute ce
jeune homme el lu navais pas mecircme essayeacute de le reshy
voir _ Quaurais-je pn taire
~ Nimperle oo enfin continue ma petite Edmeacutee
--- Je lavais donc presque oublieacute oIS(IUC le) juin
dernier quelquun mania dans notre corapartiment de chemin de ter au morncat ougrave allait seacutebranler lexshy
press dc Paris-Nantes el cc quelquun
_ CeacutellIcircllui meacutecriai-je
_ Justement Je le reconnus immeacutediatement mais il ne saperccedilul quan boul dun ccrtain temps quil se
trouvait au milieu de cette famille avec laquelle il J avait dicircneacute chcz Lucien Torguegraves quclques mois aupashy
ravan t Papa cl lui se mireul alors il causer el quant agrave
moi ne me lassant pas de ladmirer je buvais agrave flots
ses paroles et ses penseacutees comme 1011 boit une eau
exquise Ce long voya~e mc pa ru t ne dul(1 quune scconde
Et dcpuis lespoir du OOllcHI Iwt ltJe laile autour dt
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL r 69
mon fron l
lII dois donc le revo ir
Oui d hientocirct Il palait de Paris pour aller - retrouver sa megravere SUI une pla~e du Finistegravere
Ali houl de Ilois semuiucs il (lli(~ra cctte plage PI
Ina il lIcirc((I Il( paril d(s (ltIcircles hrelonncs cornrnc il
passera agrave Ker-Nouheacutel lapa la iuvilaquo ugrave venir nous voir et il en ~ palu tregraves heureux
Joyeuse Ellm(~e parlait doucement cl souriait en proie il un tOlIhle d(1ica
Elle me dit la vie helle ct seacuterieuse de lean-Reneacute Formant qui trnvnil le ltlprernent SUI Ini-megraverne ct qui
n donneacute aussi toute sa delle jeunesse et SOli avenir lucile n une glandc œuvre dIlartuonisnfion Humaine
Cette œuvre Edmeacutee me pm-ait la comprendre encore
assez mal mais elle admire tant lapocirctrlaquo que sa cause aussi il tout son respect
j
Cependant il mesure que jeacutecoutais avec affection Edmeacutee qui faisait en moi deborder SOli cœur sensible
trop plein d(sp(ocircrallccs cou tenues il me snmhlait que Ic
jeune homme quclllaquo aime est pIIS profond llus haut
plus inlelligcld (11Ie1le Luhncrn tmiddotil Poullallt elle sc
donnera sans doute il lui toute entiegravere avec labandon complet de sa nature simple chaudr- amoureuse el pcnshysive
Chegravere pelile Edrn(c Malgreacute ses vingt et un ans elle mappelle en rinnl sa sœul aill(~e et elle dit vrai cest
lin peu moi qui rai cOllduite cl plokg-(e jusque lagrave cl
aussi jnuruis 111I vrni bOIlllt1I1 si ic P(OX hien locirct voir sa vic construite et assureacutee dans lin azur tregraves doux (pli
a 1 bull bull 1 1 1 ~ 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ~ J1 1 1 1 J
70 LA CONQU~TR DE LIDHAL
bercera sa lregravele joliesse
gt Juillet
6 heures du malin
Devant la fenecirctre ouverte qui laisse entrer un peu
de linfini dans ma chambre avec lail matinal frais
et leacuteger lodeur du varech et la vue magnifique du ciel
elair et de la me l bleue je viens deacutecrire longuement agrave Jane Kousta
Une leltre inquieacutetante de Lucelle Pager reccedilue hier
soir ma avertie pour ilia pauvre amie dun certain
danger que je ne comprends guegravere encore mais qui me
tourmente
laquo VOliS comprenez que si je vous eacutecris ainsi chegravere
Mademoiselle dit la lettre de Lucelle cest parce que je
sais la grande influence que vous avez sur Jane el
que je la crois vraiment en danger
Il Vous ignorez peut ecirctre que le Comte Kousla a
demandeacute le divorce ct bien (JIll celle seacuteparation ne
eaase pas de chagrin agrave Jane sa situation va ecirctre comshy
plegravetement changeacutee Cal elle a eacutenergiquement refuseacute
daccepter quoi que ce soit de la grosse fortune de son
mari
Vous ignorez peut-ecirctre aussi la grande douleur
quelle II elle derniegraverement en mecircme temps quune
deacuteception Jamitieacute et quune blessure grave damourshy
propre
laquo Mais vous connaissez sa nature violente emporshy
teacutee orageuse et vous pouvez vous imaginer la deacuteshy
tresse aeluelle de celle lionne abattue
Il Je vous demande donc chegravere Mademoiselle daller
ri
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 71
lIU plus vite voir notre amie de lattirer-agrave des ~()n
fidences et de la diriger vers un espoir reacutealisable que
votre en-ur el votre intelligence sauront trouver l facilemenl raquo
~
le suis bien reconnaissante il Mademoiselle Pager 11 mavnir avertie ainsi
- ~
Seulement je ne suis pas agrave Paris ct malgreacute la
longueur de la lettre (lle jenvoie agrave la helle lionne
attristeacutee jaurais eacuteteacute plus sucircre de lanimer en elle 1 flamme de lespeacuterance ct du courage pal une conshyversation in lime
Rien ne peut remplacer leacutechange du cœur to~t aupregraves du cœur
Pauvre grande Jane que na-t-elle rencontreacute ~U1 Son chemin deacutesert la main assez puissante 1011I lenshyt rainer vers les cimes radieases
~est celle rencon lre que je lui souhaite si 1lIemshy
mentvcest pour celle rencontre (Ille je la supplie dans ma lettre de rester forte haute belle et droil~middot
Et je dresse devant ses yeux par dessusto~t~~
les figures du passeacute triste et morne une flgure slIper
be la figure de lavenir de cet avenir si souventfait
de noIre preacutesent de cet avenir que nous devons tacirccher
de formel en or et en diamant pur
le crains tant que Jane ne se laisse tom bel lJus
bas et aller agrave la deacuterive par deacutegoucirct de sa vie manqueacutee
) Juillet
Les jours passent Lesjours plissent et passent
ii - _
ll ( i 1 i J i i j 1 3 l bull A J i 1 1 1 1 ~ -1 ~ 1 ~-I ~
7 LA CONQUiTE DE ~IDiAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 73
nec une rapiditeacute cruelle dans latmosphegravere de ce Kershy
Nouheumll dont on aime chaque heure davantage les axshy
pecls les arbres les fleurs cl les prairies el les sourshy
ces el III mer
On dirail quil plni] il leacuteteacute decirctre radieux pour
tecircter ces belles journeacutees paiaihles
Mais elles passent toujours plus vite et le temps
inflexihle dit il Ioule minute qui senvole Adieu minushy
te Tu es partie maintenant Tu ne reviendras plus
Le temps manileste III Justice la Justice stricte
sana chnriteacute lorsquon la gaspill( il ne le pardonne
pas
lt1ais celui qui cherche il toujours graudir nuhlic
celle rigueur ct ne peut sentir le regrcl steacuterile des
extases envolees lal lheure suivante apporte en elle lespoir nouveau du progregraves Iulur
Et jaime ladmirable fin du Second Fnust lorsshy
que Meacutephistopheacutelegraves vient leacutedamer larne du vieux Docteur qui doit lui appartenir sil agrave reacuteussi l la sashy
listai11 Faust en homme de deacutesirs en aspirant inlasshyable quaucun progl egraves na rassasieacute quaucune joie na
endormi peut lui reacuteponure vicloricuscment
laquo Si jamais jai dit agrave llieure arrecircte-loi raquo
Et devant lui cest le ciel qui souvre
Pourtant on devrait cherchcr avec amour la posshy
sibiliteacute de prolonger la vie en lriornphant pour ainsi
dire du temps an lieu dorienter les merveilles des
deacutecouvertes de la science moderne vers des engins de gU(IIl YeIS daffreux moyens de dcstruction
QueU~ tri~t~ss~ agrave la reJl~eacute~ des efforts et du tlavili
bull
ql11 donnent certains cerveaux de geacutenie pOUf arriver
il perfectionner la lulle de lhumaniteacute coutre lhumashy
niteacute lhorreur cl la ddlessc des combats brutaux
ries sOlllfrarJ(es et des morts augmenteacutees
Si tous k-s hom nu-s voulaient cons lruire au iir-u dl deacutetruire sils voulnicu Iormer el beacutenir nu lieu de d(filir(~ el d(~ maudirt- les vieilles lorm ules eacutetroites les
IIIUIS des cachots sombres e des forteresses prOOCilshy
tric 5 Iumhernicn t Iiell vite t~1I ruines devanl la mashy
g-nifieerce des pells((S neuves cl des palais splc~dides seacutelevant sur Ioule la lcrre sous la caresse du grard
soleil
Pregraves du sol de cette merveilleuse Bletagne leacutecrnde
el complexe comme lon sent ce que pOllnail egravetre la
vie si elle neacutetait Iausseacutec par lnrtificiel ligneshy
rance ct les perversions des sncieacuteteacutes miegravevres ct
su perficielles
Quelquun a dit laquo Lhomme meur de Inirn au milieu
d(~ laholldancr))
Cst vrai l)lIeik lnmile PilUITC sai combien Iarshy
g(~m(lIl eIe pnurta i s(~ nuurt-ir avec d(s plats dorshy
ties des haies dilllblpinces algues de la mer des
pousses de pin el avec lan l de substances encore si
repandues et si utilisables
Lhomme meurt aussi de rhagrin au milieu de la joie ou de douleur lorsque la vie mieux comprise pOIIImiddot
lail diminuer tant de maux lant de souffrances et
pourrait lII llvauche apporter tellcmeut de reacuteconfort
Le poegravete des laquo Ames Vivan les raquo a penseacute qlle Cl 1)lIllqlltlois la vie celle (orme de la jouissance seacuteton
pl el pleure parce que nous ne la comprenons pas 1
-1 1
H LA CONQUftTE DE L~DiAL
Mais comme la vie est souvent inconsciente cest agrave lhumaniteacute intelligente quapparl ient cc rocircle suprecircme de lintellectualiser de leacutevoluer de la rendre toujours
plus consciente rie ce dont 111( a hesnin afin (lfi 11(1
Ioujours mieux (1 toujours plus vers 1( bonheur
Edmeacutee me disail ((~ malin une palolt~ de lenrishy
Rtneacute Forrnnnt laquo Le (III dt-voir de lhomme rst de
rendre lhommlaquo plus heurcux l raquo
Comme je partage cc senlirnent
Pendant des heures entiegraveres nous parlons des proshy
jets dEmceet nous passons (nStlllhle de bons moments
tantocirct assises Slll 11 haule falaise qui domine loceacutean
et dolt la vue seacutetend sur nue cocircte de roches lantasshy
tiques sans cesse hatlues pal les vagues chantantes
tantocirct allongeacutees SUI le snhllaquo chaud fin et doreacute de la
plnge tantocirct dans le jardin riant et emhaullIeacute de fleurs
el aussi dans lltl bois des lys que jaime comme ou aishy
me une acircme solitaire qui garde un mysteacuterieux secret
Pregraves de la source de la Feacutee il y a deux gTands
saules pleureurs qui cachent 1111 vieux dolmen tregraves
beau dans leurs branches basses et caressantes laime
masseoir SUI ce vieux dolmen et degraves quon a peacuteneacutetreacute
sous le feuillage mouvant ct deacutelicat des saules on pour
lait se croire perdu car on ne voit plus rien ni devant
ni derriegravere soi que ces feuilles fines tremblantes et bull innombrables comme une eacutepaisse dentelle verte
La source chante doucement un ruisseau dargent
paraicirct heureux de naicirctre lagrave et traverse les Lois en
zig-zag refletant agrave travers leurs ombres les taches dor du soleil qui dansenl el miroitent sur leau claire
Sous les arbres des touffes de monnaies du pa-
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 75 ------gt-- -------shy
pe hieacuteratiques et droites semblent des verges sacreacutees
fleuries pal UI1 miracle et patineacutees pal les lAyons lushynaires dont elles ont la pilleur ( leacutelrnujre lclat noclurne
La pdile slthoue lle mince dEdmeacutee anime ~entilllenl
la heauleacute de 1(1- ouhl1 mais (II(~ est hors de Ct qui l(nloure ct 011 la SPlit perdue lhorizun infini dHIS laagrave
douceur de ses recircves
Pourquoi parfois llla me lait-il souffrir de Iii voir
ainsi recircveuse le crains pour elle une deacuteceplion un
chagrin peut-ecirctre
le suis cependant lemplie pal un espoir i rnmense qui vit en moi ct de temps en lemps une appreacutehension
triste vient me surprendre
Allons Michi-ll Slcoue la poussiegravere des ideacutees g1Icircshy
ses ltfui alourdit inufilcmenl tes ailes et avec de la vomiddot
Ionie tu arriveras il donner une forme harmonieuse aux
espoirs qui le hantent ~
Il faut pOUl [e bonheur et pour la joie se mainshytenir forl pal la joie elle-mecircme
10 luillet
Je reccedilois un mot hien vague de Jane Kousta el ces
phrases etranges ne me salisfonl guegravere
Elles leacutepandent si peu il ce (lue jespeacuterais apregraves
ma longue lettre
laquo Michegravele
laquo Ie mennuie cest vrai je mennuie agrave pleurer
0 mais en ce momenl je suis trop lasse et eacutecœureacutee
~ ~~--~
76 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquo pour laisser 11I011 UgravellH dramal iqnc dl amaliser Ics
eacutevegravenements ( comme III sembles le crnindre
laquo Il est vrai que 1111 IIi rnest plus dalliellieux
laquo peut-(~LIl que la lnrcur le r1i~( ou la folie
Il Mon oivorce 11I1 11)(1(11111 prouveacute Iuuo la deacutelishy
l(atls~ (xquisl du COIllI( Iousa qui voulu il IIW [nissr-tshy
laquo 1I11t glalllk paIl dl Sil lortunc
laquo 111 orgueil [ai refuseacute lu llIISCS
laquo SCUllIHlIt Illon lIIUI a llt~ eacutemu de laffeclion
laquo (lue me temuignc Illon mari rnalgleacute lous mes torts
~la vic est laide nest-ce-pas ma Michegravele
laquo Lorsque je la contemple du haut de ce que jai de laquo meilleur en moi I11 haul d~ loul ce qlle javais esshy
laquo 1)(1( Cl gland pa nurtuuu d lemps passeacute toujours
laquo pluvicu x Ille hante d~ trisf csse
laquo Continue il IIlC plniudrc cal lon cœur qui seul
laquo il compris tregraves jeune un pen du mien me console
Il d me purifie
Il Emhrasse Edml si elle veu l de mon haiser
1 cd ange au x ailts doie hlnnche
lle lis ldadan la Princesse qui ne pardonshy
I( nai] las il son temps d~ lollhli dans son palais
laquo princesse- salis gloire dlInc poqne 011 Il comeacutedien I( seul porte cncore IIl1e cnurunuc )1
laquo Une lpoque ougrave le comeacuteriieu seul porte encore une
laquo couronne raquo) Heacutelas
laquo Dis agrave la mel combien je laime Iii mel libre la Il mer audncieusr
laquo Et laisse-moi embrasser tes main douces comme
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 77
laquo autrefois en pension lorsque tu avais sept ans que je laquo te prenais SUl mes genoux et lue tu posais tes mcnolshylaquo tes SUI ma bouche
bull Jane Kousta nest plus laquo Appelle-moi maintenant
Doloregraves JI
15 Juillet l O heures du soir
Quel inoubliable jour quelle heure eacutemouvante passhyseacutee sur la gregraveve deacuteserte agrave lapproche du creacutepuscule
quelle rencontre 1 quel espoir quel recircve reacutealiseacute
Tout resplendit en moi dune lumiegravere nouvelle qui
meacuteblouit et me transporte car celle lumiegravere adoreacutee
nest que laube du soleil prochain que laurore du matin qui ne connaicirctra plus de soir
1(OU5 nous promenions au bord de la mer montanshyte Edmeacutee son petit fregravere Guy et moi la journeacutee allait
finir et nous cherchions encore dans le sable sec et
brillant les coquillages nacreacutes et les algues roses lorsshyquEdmeacutee me saisit le bras en poussant un cri eacutetouffeacute
Je suivis la direction de son regard et japerccedilus au loin ua homme lui descendait la falaise
- Jean-Reneacute Formant murmura mon amie
Mais une impression eacutetrange forte profonde ja_ mais resentie menvahissait toute enliegravere et agrave mesure que la silhouelle lointaine se preacutecisait en approchan t joubliais la pauvre Edmeacutee joubliais tout ce qui menshytourait joubliais le monde entier et je ne voyais plus
-1 ~ ~ t ~ ri ril 1 78 LA CONQtJ~TE DE LmitAL
que ce grand jeune homme hrun tout entoureacute de beaushyleacute de penseacutee -Inspirnliun didtal cl mon ecirctre seacuteshy
1IIIlta vers lui
Tout en moi el autour d(~ moi chnntnll cl me reacutepeacuteshy
tait oc Cest lui raquo
(( Cest Luiraquo battail mon cœur avec transportsen
pulsations preacutecipiteacutees laquo Cest Lui raquo raurrnurait le souffle du vent (lli me caressait le visage oc Cest Lui raquo)
disaient les vagues victorieuses berccedilant mon espeacuterance de leur musique eacuteternelle cest Lui cest Lui Cest Lui Et cc mot ladieux vibra el reacutesonna ct retentit dans
la nature entiegravere et je ne savais plus rier (lle ce
mot unique el tricmphnl
Il entrait dans mon acircme il peacuteneacutetrait mon cœur
et mon Iront ct mes mains et ma chail cl il ouvrait des lodes fermeacutees de mon ecirctre irr-adiant mes yeux
de la beauteacute des chemins nouveaux
Alors Jean Reneacute eacutetait presquaupregraves de nous
Et je lconnus nettement limage cherie dun recircve
de mes nuits cette figure dune resplendissante beauteacute
el dont la ph) siouornie noble et grave sous les boumiddot
des brunes semble contenir des mondes de lorce cl des
mondes de penseacutee
Ses yeux dor dUne profondeur infinie rud ianls comme deux eacutetoiles mempliren t despeacuterance
Et lorsquil parla sa voix IIlC Iii tressaillir celte voix aux ncceuls tendres lIUX inflexions moduleacutees celle voix inoubliable qui nest que comme le prolongeshyment de lame eacutemue
~iais il sadressait agrave Edmeacutee El brusquement ceci
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 79
me lappela 1 preacutesence de mon amie el la reacutealiteacute si triste de SOli amour lour celui que jattendais el (lUI ja i reucontreacute maintenant
1~le la laune lllite eacutetait tellement troublee quelle balbutiait des mots sans suite el ne songeait mecircme pas agrave me preacutesenter Jean-Reneacute
Dailleurs ce geste maurait choqueacute par sa convenshylion moderne
El sans doute Lui eacutetait de mon avis car il dit en me peacuteneacutetrant du grand cha lme ugravee ses grands yeux il dit comme sil mavait toujours connue _
- Quel moment splendide nest-ce-pas celte heushyre ougrave le soleil el la mer sappellent el se confondenl dans un eacuteblouissement de rayons cl de reflets On dirait
que la lumiegravere se mateacuterialise en fleuve dor el de pourshypre et que les vagues sapaisent parce lfU lagraveme des flols est heureuse
Et je Ile pus mempecirccher de penser que celle phrashy
se apportait vers moi plus lJlIe les mols prononceacutes
El jai repondu plesQlle il voix basse
Cest une heure admirable cest un tableau de recircve
Il est tregraves tard malheureusement fil alors Edmeacutee el noas sommes forceacutes de rentrer pour dicircner
Viendrez-vous demain au Manoir Monsiellr Formant
- Avec une grande joie illldellloiselle llprit la voix grve et meacutelodieuse
Edmeacutee ojoulait
- Combien agravee temps resterez-vous dans ce village de Ker-Nouheacutel
- Je Ile sais pas encore
J-~~~J~ [middot1 Il -)~ l-J jI~J~1 t~~~r ~~~- bull - ~ bull bull Icirc middot~l~_
8Ugrave LA CONQUiTE DE LugttAY
Ils se tendirent la main elle eacutemue et confiante lui poli et indiffeacutereat Il se pencha vers le petit Guy pour lembrasser
Puis il me salua lentement et de nouveau il me
sembla que dans le chalme profond de ses yeux longs il menvoyait tout ce que jespeacuterais recevoir de son admiratioa noble et spontaneacutee
MoD bras passe sous le bras dEdmeacutee silencieuses toutes deux nous regagnions le Manoir et lespeacuterance illuminait mon cœur dun bonheur eacuteblouissant et je pensais Illarcher dans un recircve feacuteeacuterique au milieu de fleurs lumineuses et de ftambeaux de joie
Les roses de ma ceinture seffeuillegraverent sous mes lt
doigts eacutemus et la brise du soir emporta leurs peacutetales vers la mer
Comment le trouves-tu murmura Edmeacutee
Cette question me saisit et moppressa
Et la reacutealiteacute triste des souffrances de ma petite amie fit encore un nuage sombre agrave coteacute du tableau de lumiegravere
Que reacutependre Je fus sur le point de dire laquoIl est mOA Ideacuteal raquo
Je nen eus pa5 le courage et je gardai le si shylence eacutetrangement
Tout de suite Edmeacutee reprit - Tu as une ideacutee que tu noses pas exprimer Michele cette ideacutee je la deshyine Iaeilement tu as sur les legravevre s il Il l faim l pH et ce mot tu ne veu~ pas le pronoucer parshyce que tu crains de me faire pleurer
Mais tranquillise-toi jai confiance dans lavenir car
~ cmiddot ~~
~~
-_7middoto -~~~~Zmiddot ~Icircif~ -
LA CONQUEcircTE
maintenant je sais que jaime quagrave lorce damour je suis taire aimer
Cette phrase si simple les larmes me tecircte blonde et je
- su avait entendu serait-il pas toucheacute 1
Nous approchions de la maison qui taire SUI la route deacuteserte un refuge protecteur un abri
Calme insouciante heureuse Edmeacutee v
agrave chanter cependant quau-~
poir une lassitude menvahissait lourdie palpitante eacutemue eacutetait gonfleacutee de regraveves souffrir
tmiddot
Aujourdhui pour Le Nouheumll seacutetait
Le ciel agrave lorient avait des vent parfumeacute de jasmin dheacuteliotrope layait de jolis nuages floconneux plumes envoleacutees de laile dun
Celte journeacutee rose souriait lion rayounemen] javais rose fraicircche et ravissante tandis quEdmeacutee lineacutee de blanc se faisait
l bull jattendais comme elle
8l
JiJ~
DB IIDRAL
i
tant Jean-Reneacute FOlmant bien sucircre darriver agrave men
si douce me fitmiddot mal et montegraverent aux yeux Jattirai la petite
lembrassai en disant - Ma cheacuterie
ces paroles pensai-je nen
grande et soUgrave au soleil couchant semblait
bienveillant
seacutetait mise milieu du merveilleux esshy
~t que mon acircme ashyjusquagrave
i6 juillet au soir
recevoir sans doute Kershypareacute de toutes les richesses de leacuteteacute
nuances daurore et le et de genecirct bashy
comme de leacutegegraveres 1
cygne
Et en harmonie avec eacutetrenneacute une toilette de Ilncn
emmousse- belle aussi pour Celui que
r
6
- - -_ - d _
~~_ _ ~--J~~~III Il il --- J---t i -~Ji 1 Il _ ~bull1 oe
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL82
Ensemble eraves loutes deux moi plus quelle enshycore p1lrce que consciente des larmes qui couleront ici hientocirct en mecircme temps que ~eacutelegravev(la le g1lt1lld honneur nous descendicircmes HU jardin rejoindre Madame Torguegraves
et grandpegraverc Ils causaient assis sur un hanc dans le
bois aupregraves du ruisseau dnrgent
- Comme elles sont jolies 1I0S jeunes filles seacutecrie
grandpegravere rieur Ce Monsieur annonceacute est donc un Prince Cha lma ni
Madame Torguegraves aussi plaisante - Elles ont vite
saisi loccasion de mettre chacune une lOhe neuve
Mais nous sommes ressorties du bois Edmeacutee et moi
cherchant dans le jardin des fleurs pOUl nos cheveux
Lentement nous flacircnions lune aupregraves Ile lautre et
tregraves lointaines lune de lautre seacutepareacutees maintenant par
eette penseacutee pareille
- Comment cela finira-t-il soupirait mon cœur
Trois heures sonnegraverent iI leacuteglisr du village
- Deacutejagrave trois heures et il nest pas IiI dit Edmeacutee
Penses-tu quil va sucircrement venir Midlegravele
- Mais oui
Ces continuelles questions me tntigucnt minquiegraveshytent et Iumbiguiteacute de la si lua liun 1II1~ navre je fais
tout lOUI la faire soupccedilonner il Edmeacutee qui snhstiue il
ne rien refleacuteter que sa IHoIH~ espeacuter-ance el qui sem hie saveugler volontairement
Cette ignorance est dautant plus douloureuse dautant plus dangereuse que lorsque la veacutelite dessilshy
lera ses yeux son chagrin sera plus profond 1
Fo
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 83
Pal momen 1 une immense pitieacute memplit et me jette vers elle
Puis la l(alilt iloille de son lcstln moppresse et
la fr istesse laquoII(~ 1(pOIlSSe ma jeunesse entre en moi pu la tristesse dautrui
La soutlrnnce est-elle donc la loi neacutecessaire
Oh Illon seul ideacuteal Rendre lhomme plus heushyleux
Mais (IatlP heures sonnegraverent aussi A mon ton l
jeacutetais fdJlile imna Lien te su lexciteacutee pal la lten te qui
est presque malaise tant elle met au cœur dagitation
et de joie et de trou ble
- Quatre hern-es un quart soupirait Edmeacutee
Les rafales deacutechirant la nuit du second acte de
Tristun roulaient en moi comme III 1 orage et je pensais au geste enfiegravevre et crescendo de leacutecharpe apregraves lexshytinction de la torche
Oh tout lappel III mon (llc vers Toi la palpitashy
tion de mon cœur le tnmulle de mes recircves le Ireacutemisseshyment de mon espoir las-tu senti lean-Reneacute
Soudain un granll calme me peacuteneacutetra
Quatre heures el demie avaient sonneacute
- Quil est tard disait Edmeacutee
lai reacutepondu - Il vient
- Couuncul lu 1( vois
- Non pas encore mais je le I~nine lts pregraves dir i Edrneacutelaquo sdonnait
Le marteau du grand porche avait flppt PI le domestique venait ouvrir agrave l lntleacutel du jardin
Nous nous dirigeacircmes au-devant deJattendu
IL-middot- -------= _-==
H~ __ j i 1 l j j j 1 1 1 1 1 J 1 l J 1 1 1 1 1 ~ ~bullbullgt~
84 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ceacutetait bien Lui
Dans lalleacutee blonde et molle faite du sable des plages il avanccedilait vers nous
Et de nouveau un eacuteblouissement millumina et seacutepareacutee de tout ce qui mentourait je ne savais plus que Lui et jeacutetais comme isoleacutee dans son regard
- Quel merveilleux jardin dit-il tandis quapregraves Edmeacutee je lui tendais la main Quel cadre exquis calshy
me poetique pour la penseacutee meacutedita tive
- Un cadre pour le bonheur ai-je reacutepondu
- Cest vrai ajouta-t-il un coin de paradis
Nous sommes retourneacutes sous le bois ougrave eacutetaient resteacutes Mme Torguegraves Grandpegravere et Guy
A loreacute~ du taillis Jean-Reneacute sest arrecircteacute et il a
murmureacute
Quel mystegravere sest accompli lagrave qui a laisseacute ainsi le parfum de son souvenir
Oh grands arbres droits qui vous eacutelancez vers le ciel avec la foi de votre torce quelles eacutemotions avezshyvous sen li passer SUI vous autrefois pour conserver ainshy
si dans vos branches et dans vos feuilles celte aura cette atmosphegravere intense et dilluse
- VOliS parlez comme Michegravele a pai leacute en peacuteneacutetrant ici pour la premiegravere fois dit Edmeacutee avec eacutetonnement Til te souviens Micheline de limpression profonde que tu as ressentie lagrave aussi
Tu pensais que de grandes choses humaines a-
tA CONQuiTB DE LIDEacuteAL 85
valent ducirc vivre sous ces arbres et quils eacutetaient imshypreacutegneacutes de passeacute et de leacutegendes
Jean -Reneacute me regarda et sourit dlIl1 sourirlaquo joyeux
Nous approchions de Mme Forgues qui reccedilut aishymahlement le jeune homme et le preacutesenta il Gl1l1t1
pegravere
La conversation devint geacuteneacuterale et animeacutee
Mais le bonheur mentonrait le bonheur cnlrn i l en moi le bonheur paraissait fluer vers moi comme une riviegravere splendide qui descendait de son regald el qui me peacuteneacutetrait
Et la fleur de vie aœoureusement seacutepanouissait en mon cœur
Je me sentais forte je me sentais belle je me sentais admireacutee et ma beauteacute augmentait encore irrnshydieacutee sous la caresse de ses yeux voileacutes de recircverie
- Combien de temps comptez-volis rester il KershyNoueumll interrogeait Mill Torguegraves
- Ker-Nouheumll me semble ecirctre Madame Jendroit de toute la terre que lon espegravere souvent Cil legraveve et que 108 trouve une seille fois SUI le chemin Je pense donc y derneu lCI longtemps
Pourquoi poursuivre insaliahle 1111 voyage ougrave le lendemain regretter-ait salis doute nnjourdhui
Mme Torguegraves di agrave Edmeacutee daller il la maison faire preacuteparer le goucircter El comme chacun eacutetait debout sacheminant vers le jardin jeus la gvande joie de senshytir Jean-Reneacute chercher un tecircte-agrave-tecircte
-------
l_j t ~ i ~ ~ 1 1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL86 ---- ------__----------- ~_ _o
Habilemen l il Ille qlltsiiollllaii SUI la leacute~(~lIde dl la
Feacutee des Lys ct me pria d(~ lui montrer la Source
Enchanteacutee
Nous 1I0US Iqoi~nugravelIcs dOIl( lous leux vers le Iond (lu
petit bois el je palpitais un peu dune tregraves douce anshy
~oisse
_ Aimez-vous lhumaniteacute me demanda-t-B ugrave brucircle
pourpoint
_ Je voudrais quelle se Ilansformugravel Ie voudrais
aussi la connailre mieux ie la plains cal elleeouffre
el je laime parce qlle Ihommc esl rapable de bonteacute
et de ploglegraves infinis
11 continua
_ Vous avez raison SltIII(~ment ne trouvez-vous pas
(Ille laclion est p()Ilr ainsi dire le gage de la sinceacuteshy
rileacute f qut tlOp souvcut nous sommes satista its dlin senshy
liment qui proll(~ 1I01lc i-affiuement de conscience mais
qui est entiegraverement inefficace pOlll soulager lobjet de ce
sentiment
Pour moi aimer lhumaniteacute cest la servir
Comprenez-vous
_ Oui je comprends Et vous Ile faites que mexshy
pliquer Illon ideacuteal Pourf aul comment une femme ou
1111( [euuc fille duns la socieacuteteacute actuelle pourrait-elle utiliser ses dons pOlir le bien de lhomme
NOliS causerons de cela lon~uemellt plus tard
Je vous affirme que ~ts moyens reacuteels intenses dutilishy
ser toutes Jus capaciteacutes loutes les bonnes veloutes exisshy
teat Limportaat est que celte bonne volonteacute soit inteacutegrashy
le et cest ce qui est rare
~711 J -l ~ M ~ -----shy
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 87
le VOliS lassure Mademoiselle agrave ceux qui veillent
les loules ne manquen l pas Le principe dune action
vraimeut puissante esl duns lIdentification croissante
i mleacutefiuiment plo~ressiv(~ de toutes 1I0S forces avec le
hut que nous UOIIS proposons
-Je le crois Mai~ il faut justement dabord avoir
un but puis savoir comment faire eacutepanouir les Iaculshy
teacutes individuelles ail service de ce but
- Un but leprit-il navons-nous pas dil servir
Ihumanifeacute Cesl-agrave -dire conqueacuter-ir pour lIle plus de
bonheur
Certes le champ est vaste complexe semeacute dubsshy
curiteacute et je comprends que vous vous demandiez le
comment de celte œuvre les points interrueacutediuires les meacutethodes parce que ce mot reacutealiser le possihle es l pour vous en e( mornenl impreacutecis
Pour moi il est deacutebordnut de netteteacute de direction
car je sais un peu Je cc quil contient
- y aurait-il donc une science secregravete des posshy
sibiliteacutes humaines
- Certainement il y a toute une science des possishy
hilif eacutes humaines Si elle est secregravete cc nest pas quelle
soit cacheacutee anormalement mais simplement que lhornshy
me se bande les cu pOUl Ile pas III conuaitre ou m111middot
che les yellx ouverts dans UII sens oppose
Vous souvenez-vous d(~ ldie pilloll~ dun livr
f regraves ancien laquo La sagessr- (Tic dans les calrefours elle
appelle SUI les places puhliques ruais lou refusent
son invitation raquo
- Alors ce nest donc pas sur le nombre ltJue le
~tltCcedil~--1 gt
---------
89
i1--~----j~---t ~rJ -Ocircq J i bull i bull i bull bull i i bull i bulllJJ cI
LA CONQUFTE DE LmiAL88
mouvemen t don1 vous vous OCCII pez met son espoir de
reacuteussite
_ Le nombre pOllna venir en son lemps Mllis
un seul cœur riche denthousiasme dintelligenc~ et de
zegravele qui se donne toul entier vaut plus que dix mille
adheacutesions inertes
Le but immeacutediat de nos groupeltlents est de coorshy
donner les forces inlellccluelles et spirituelles les plus hautes acluellement manifesteacutees par des hommes isoshy
leacutes de faccedilon agrave former un orgllne speacutecial de connaisshy
sance et de direction un cerveau pOlir lhumaniteacute Il sagit de reacuteunir en faisceau les aspirations et la libre recherche des pionniers nliu qlle dans cette phalange eouune dans lin ceutrc solaire soient reccedillles et diffushyseacutees abondllmmenl les tnrccs ellpnhles deacutevoluer 111 mashy
tiegravere (lIIcirc nous entoure
Savants poegravetes allisles meacutedecins et toutes capashyciteacutes aujollrdhui meacuteconnues sans usages et mecircme
perseacutecuteacutees doivent en ordre concourir agrave cette
orgllnisalion
Il Y a ceux qui par le geacutenie philosophique la disshy
cipline de soi-mecircme lenseignement reccedilu et lexpeacuterishy
ence acquise sont comme la si hien exprimeacute Platon lei laquo harmonisuteurs JI de ces eacuteleacutements tel le chef dorshy
cheslre ail milieu de ses musiciens
Les recollllllilltmiddot les suivre les aider cest entrer
dans la pratique effective cest sengager sur le seul chemin qui ne soit pas une impasse Je ne parle pas toujours de ces chuses et je nen ai presque rien dit
ici
LA CO~QUEcircTIl DE LrmhL
Si vous Ole trouvez bien grave en lin moment ougrave tout autour de nous semble chanter la joie de la beauteacute de vivre cest justement parce que vous necirctes pas comme les autres
La splendeur de linstant me fait monter dans les reacutegions actives ougrave ma ecirctre le plus reacuteel se meut
Pourtant mille eacutenergies en moi respirent les parshyfums de lheure el ce bois est agrave mes yeux non plus
une forecirct de leacutegendes mais le jardin feacuteeacuterique des renshy
contres heureuses 1
Sa voie meacutelodieuse et cheacuterie mysteacuterieusement faishysait vibrer mon acircrne et en prononccedilant ces derniegraveres
paroles il avait leveacute SUI moi ses yeux profonds et ne les abaissait plus Je sentais le poids de son regard
unique mentourer le visage liIune lourde aureacuteole dashymour et vers moi semblaient mouler des oceacuteans
dattente
Je murmurai simplement
- Pourquoi ne pai vous dire que deacutejagrave je vous ai
vu que deacutejagrave je vous ai parleacute et que ceacutetait dans le plus beau des recircves de mes nuits que vous mecirctes
apparu
Pourquoi ne pas vous dire lue votre œuvre je le sens elle est mon ideacuteal encore inexprimeacute et que je my donnerai toute comme VOUI voudrez que je my donne f
Alors il se transfigura intenseacutement et la protonshylieur expressive de ses yeux eacutevoqua un espoir de boaheur infini Et nous nous egardugravernes comme pour la premiegravere fois avec des yeux extasieacutes
~( lt 1 l 1 -- --- bull ~-l ----J ~ ~J bull
f
90 LA CONQU~TE DE LIDEAL
--------------------_-~-------- shy
- MlIci replil-il avpe une eacutemotion contenue qui meacutemouvait plus encore merci de vos paroles si courageuses si confia nies Vous ecirctes helle Vous ecirctes
etranegravere il la vic han ale VOliS ocirctes libre des attnshy
bull ches du preacutejugeacute Nous SOIllJlIS llin et lnutre porteurs de la mecircme eacuteternelle veacuteriteacute Pl en cet instant lumishy
aeux ougrave nous le comprenons celte veacuteriteacute se legraveve et
chan te en nous et la voix de la joie du monde la voix de lhumaniteacute tressaille et passc agrave travers notre
espeacuterance illumineacutee Sentez-vous devant nous les immensiteacutes inconnues que le heau legraveve dune nuit ocirc
mon amie vous a sans doute laisseacute apercevoir bullbullbull POlir
moi de tels recircves sont lessence mecircme cl u reacuteel
NOliS eacutetions devan t la source de la Feacutee debout
tout pregraves lun de Inulre ct nous nous regardions au
fond des yeux comme pOlir nous reconnaicirctre
_ Oui ai-je reacutepondu el pal ce recircve je VOliS ai
compris et je vous ai peacutenegravetre autant lflle je suis actuelshy
lement capable el de vous comprendre et de VOllS peacuteshy
aeumltrer
A ce momest un brait de pas parvint jusshyquagrave nous et nous ne prononccedilacircmes plus lin mot
Seulement une ivresse de bonheur sexaltait et monshytait de la Fontaine Enchanteacutee et de la corolle qui Slllrouvre des branches qui seacutetcndent du papillon qui deacuteploie ses ailes du parfum mystique des grands lys blancs et rouges de loiseau qui plane de la lerre qui feacuteconde se deacutegageait seacutelevait simposait une harmonie sonore de force despeacuterance dalleacutegresse et sotre acircme confondue la seatait seacutepanouir en une tend lesse
miraculeuse
LA CONQViTE DE LIDEacuteAL 91
- Michegravele Michegravele Ougrave ecirctes -vous donc criait Edmeacutee
- Nous reatrous ai-je reacutepondu en tressaillant leshy~rettaNt la fin ds lheure envoleacutee deacutejagrave lointaine et
adorable
- M Vazaonegrave et Maman sont installeacutes pour roucircshy1
ter dans I~ bosquet de roses sous I~ grand magnolia continuait Edmeacutee essouffleacutee
Jy ai fait dresser la table agrave theacute pour jouir de
la vue de la mer de la beauteacute des roses et de ce parfum magique et ehaud des belles fleurs blanches du
magnolia
Elle souriait toute animeacutee et les cheveux eacuteboushy
riffeacutes par sa course sous bois pour nous retrouver elle souriait conten te et regardait Reneacute
Lui ne la voyait pas Je le sentais entoureacute de moishy
mecircme comme jeacutetais enveloppeacutee desou charme puissant Qund reviendra- t-il
-
1 7 Juillet 8 h du matin
Une grande lettre de Jane Kousta me navre et meacutepouvante Lucette Pagel avait raison de la sentir en danger 1
Ce que jai tellement craint pour elle il y a un an ce preacutecipice dont sa route semblait maintenant secirctre
eumlearteacutee voici quil est evaut elle et quelle y roule r Heacutelas se relegravevera-t-elle 1
~ _- -~~-- -
1 -~ JI JI Jl -- -- J - ~ 1 J r-r--r--r- C
9~ LA CONQUEcircTE DE LTD~AL
Ils existent doue C(~S ecirctres affreux peints pal les
romanciers ces ecirctres ljui ne songent quagrave leurs basses jouissances ces ecirctres pareils lUX vautours guellant leur proie des nuits entiegraveres ces ecirctres qui ne pouvant conqueacuterir une lemme ni pal lamour ni pal lestime ni par laffection IIi pal ladmii-ation attendent le moment de deacutetresse ougrave un laux-pas lie leur victime la fera tomber dans leurs bras
Ainsi pendant des mois lanneacutee passeacutee jai rencontreacute chez ma pauvre grande Jane un de ces ecirctresmiddot abjects Raoul Falbrut qui rocircdait sans cesse autour de sa beauteacute
Cest un horrible petit honmme avec une eacutenorme
tegravete agrave la nuque eacutepaisse au cou de taureau La simshyple eacutevocation Je son visage memplit de deacutegoucirct
Dailleurs sportman connu pilier des salles desshycrime grand joueur aux courses et richissime cercleux
Quil faut que Jane ait cruellement souffert pour meacutecrire aujourdhui cette nouvelle atroce
IlJe crois que jai toucheacute labicircme du tond de laquoma misegravere Michegravele
laquoApregraves de bien douloureuses journeacutees me voici
laquo maintenant plus tranquille mais aussi malheureuse
Je voyage en Suisse avec Raoul Falbrut dont CI tu dois te souvenir
laquo Royalement installeacutee agrave Interlaken la vue de la CI Jungfrau seule me lappelle quil pourrait y avoir CI de la beauteacute Mais pourquoi te mecircle agrave ces tristes laquochoses si ce nest pour tavertir (Oh 1 tu nas pas laquobesoin davertissement ) de limportance de chaque
LA CONQUEacuteTE DE LIDEacuteAL 13
CI peacuteriode de notre vie et des enchaicircnements eflarants CI de celle lulle agravepre et cruelle lorsque nous nous Il trompons de chemin
( Pourquoi nai-je jamais rencontreacute sur ma lalite Il que mensonges et vaniteacutes Ai-je donc toujours menti
laquo Michegravele Michegravele il y a de la lumiegraveres encore Cl dans le monde Dis Moi je Ile sais plus 1 Et pou1shy
(( tant je sens en moi tant de choses tant denergies (( tant de deacutesirs La somme de mes deacutesirs eut fait
laquo une trop grande espeacuterance une irreacutealisable espeacuterance laquo tu comprends AIOlS je nai pas pu lier ma gerbe
laquo De tous cocircteacutes mes desirs tiraient disloquaient mon laquo ecirctre
laquo Jai connu le teu des passions sans motif sans Il bu t par excegraves de mes propres forces
laquo Ah si quelquun avait passeacute si quelquun (( avait dompteacute si quelquun avait tait de moi la (( reacutealisa triee de ses recircves
(( Michegravele neacutetais -je pas comme une feacutee cornille laquo une magicienne Neacutetais-je pas puissante
laquo Et maintenant voilagrave jai trente ans tout ce que laquo jai veacutecu est derriegravere moi comme du vide
laquo Devant moi entre moi et lespeacuterance il y il
cc un abicircme infranchissable
laquo Avec tout ce que jeacutetais que suis-je deacutesormais
([ Je pleure sur moi-mecircme pareille agrave une heacuteroiumlne laquo( dEuripide je pleure sur ce qui aurait pu ecirctre Je CI pleure sur la part de splendeur de vie que jai mushye tileacutee en moi 1
95
~ ~ r IJ~~
9i LA CONQuiTE DE ~l~AL -_ ------_ _-shy
(( A quoi servent les lannes Elles sont inutiles laquocomme les regrets
laquole suis 111I tourhillon je suis emporteacutee je me laquo laisse emporter quv a t-il SUl celle pente (lue je
laquo deacutevale comme UIIC avalanche le lOCS
laquo Et sais-tu ~lichegravele pourquoi ma misegravere sest laquo eacuteclaireacutee subitement trop tard Cest parce que
laquo japerccedilois de lautre cocircte de labicircme parOli mes esshy
laquo peacuterances impossibles lEacutetoile dune reacutealiteacute
laquo Adieu cheacuterie Toi sois heureuse Tu es si droite
a si pue que tu aurais (Iii 1111 ta seule preacutesence me
laquo purifier
laquo Seulement jeacutetais trop aveugle trop enfieacutevreacutee
laquo trop enivreacutee des [eux eacutecœurants des salons ougrave lon Il madmirait
laquo Je t (limais sans tc regar(1eImiddot Tu avais raison
laquoDe toi me vieilt comme un rayon le deacutesir si
laquo cela eacutetait possible ugravee retrouver un chemin un
laquo chemin renouveleacute mais j~ suis prisonniegravere comme
laquo dans un cercle de montagnes
laquo Tout est fini
laquo Il ny a que des ruines autour de moi et en Il moi J)
Oui ma merveilleuse magicienne je connais ta richesse ta puissance ct tes dons et je te plains de toute mon affection
Mais III nas pas assez tocirct compris que III faisais naicirctre parlais des souffrances SUI ton chemin et que nos deacutesirs doivent se limiter lagrave ougrave ils produiraient
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
le deacutesordre tu nas pas assez tocirct compris que laquo les ronces que nous semons 5111 la route de la vie 1I0US les retrouvons tocirct ou tard au relour raquo tu nas pas assez tocirct compris que 1I0llS Ile sommes rion pOUl 1I0USshy
mecircmes ma gralld(~ Jane d que l(~(hallg-c seul llchallshyge charitable leacutechange qui sc douue lait Iii joie de vine
Si toutes tes forces et toutes les aspirations et tous tes recircves tu Ics avais plus souvent que sur toishymecircme tourneacute VCIS luumaniteacute tu aurais peut-ecirctre
ainsi connu un bonheur digne de loi
Un mot pourtant dans celte lettre navrante lourshy
de de tristesse encore inavoueacutee me donne pour Jane
un espoir de relegravevement possible un espoir davenir
malgreacute ce Raoul Falbrut dont elle a accepteacute une
royale installation en subissant un honteux esclavage
que jose agrave peine penscl El celle espeacuterance qui me reste cest celle eacutetoile de reacutealiteacute qui a si subiteshyment eacuteclaireacute sa misegravere et (lui peut-ecirctre pourr-ait comshy
me un soleil levant illuminer maintenant ses lendeshymains
Le ciel qui vient de s ouvrir pour moi ne pourshyrait-il pas sirradier devau t ellc bull
Moi je ne vis plus ici avec GrandPegravere ct nos amies
je vis seulement dans le souvenir de la beauteacute dhier dans lespoir du prochain revoit
Je suis comme endormie et la meilleure partie de moi-mecircme seacutechappe recircveuse vers Le Vuiuqueur qui mcntraicircne dans les lointains teacuteeacuterlques plus merveilleux que les merveilles du recircve
Instantaneacutement il IDa prise toute entiegravere parce
_OH 2 t 2amp middot
F=3 -~ RR ~~~~~-_-~-JL ~
l6 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
quinstantaneacutement je lai reconnu palce quinstantaneacuteshy
ment jai senti quIl eacutetait mon Heacuteros celui qui memshy
megravenera plus haut (Ille moi-mecircme vers mes plus hautes
capaciteacutes latentes vers les avenirs Ionjours glandissants
de beaute en heaulc de splendeur en spendeur despoir en espoir damolli (1 amour Oh seacutelever seacutelever
sans cesse seacutelever toujours plus haut Planer au-desshy
sus tics petitesses el monter vers la lumiegravere solaire
Parfois jc recircve quun aigle royal est mon coursier et
quil memporte vers les hauteurs et ses ailes trishy
omphales toutes rilndes deacuteployeacutees comme un eacutetandard
de victoire hatlent les airs cl seacutelegravevent majestueusement
en hymne de libeacutera tion
Et mainleuant jai lrnuveacute Illon coursier rOYIII et
avec lui je Irnnchirni les steppes arides je traverserai les deacuteserts jescaladerai les collines et lions gagnelons
la Terre Promise
Je laime dans tout ce quil dit dans tout ce quil croit dans tout ce quil pense dans tout ce quil veut
dans tout ce quil aime
Oh Jean Rene Songez-vous en cc moment fi moi
comme je sonne agrave vous cl savez-vous agrave quel point je
vous aime
Je ne connais rien de votre vie Hi de votre passeacute et deacutejagrave je suis il vous complegravetement el je souffre de la
lenteur des heures qui me seacuteparent de vous et de ce que vous ne mayez point encore serreacutee
dans vos bras sur votre cœur bien fort et longueshy
ment
Mais votre legllni dor intense comme la flamme dune pierre preacutecieuse infini comme les profondeurs
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 97
inconnues de la mel profonde votre regard ne me quille plus el menveloppe de son prodige
Dites-moi Jean-Heneacute dites-moi dites-moi (Ille
VOliS ne pourriez plus sans moi construire les avenirs
comme je ne pourrais plus les construire sans vous
l~ Juillet
1 deacuteshait autant me revoir degraves hier que je deacutesirais noi I~ rejoindre
El nous avons passeacute une magnifique journeacutee
ensemble il matin SUI ln haule [alaise ensemble lapregraves-midi sur la plage libre ensemble au c1nIcirc1 de lune apregraves le dicircner SUI les dunes doreacutees hOI deacutees
des loches sombres bordeacutees des loches devenues
farouches el eacutetraugcs sous les reflets lunaires
Quoique nous ayons eacuteteacute presque conlinllelleshyment en groupe puurtunl nos llgillds IIlIUS isolent lun dans lautre nos limes se parlent salis 1111(
et les moindres minutes lIe legravele il tegravete sont mainshy
tenant pour nous des siegravecles de honheul
La pauvre petite Edmeacutee dnbonl ne nous quishy
lait pas Puis elle a enfin comm-is quil ne dvsishy
lail pas rester seul aupregraves delle el suhitemenl lapregraves-midi lIle (51 devenue lrisle el songeuse Main tenan t je sens Et mee heacutelas tlegraves loin de moi elle sest complegravetement lermeacutee el ne resle plus en ma preacutesence ~(lw lorsquune autre PI(SCIlC(~ lui assure mon sillnce
Elle me lait pitieacute cl hien (Ie je ne puisse regretter pour elle la lin dune illusion de ce qui ne
- ~- l Jgt~~~~~
LA CONQUEcircTE DE LID~AL98
peut pas ecirctre je suis narreacutee de la voir malheureushyse de ce lui me lend si heureuse l Jui agrave certains momenls envie de provoquel bientocirct une scegravene deacuteshycisive qui changerait celle situation peacutenible entre nous deux Que faire Je ne sais encore Peut-ecirctre preacutevenir Crandpegravere el partir poursuivre mon bonheur loin des yeux de la pauvre cheacuterie
Ah pourquoi la vie est-elle si rude pOUl cershytains La frecircle petite Edmeacutee souffre deacutejagrave de soufshyfrances damour la frecircle petite Edmeacutee qui semble faile pour la tendresse et pOUl 1 joie Et dans son cœur ce ne sont plus les fleurs du recircve ce ne sont plus les fleurs vivantes ce ne sont que fleurs desseacutecheacutees vite eacutecloses locircl faneacutees
Et pourquoi Ocirc mon Edmeacutee faut-il (lle ce soit pal moi que tu souffres
Jai deacutejagrave rendu Andleacute Calvis malheureux et voilagrave que maintenant je te rends malheureuse moi qui cherche acircprement le honheur et qui voudrais aider pOUl lous son prodigieux eacutepanouissement
Limpuissance dagi l cest le plus terrible mal limpuissance devant le deacutesordre limpuissance devant le malheur Comment lhomme ne concentre-t-Il ras Ioules ses faculteacutes loutes ses eacutenergies tous ses efforts lous ses deacutesirs Ioules ses penseacutees toutes ses aspirations vers la seule chose neacutecesshysaire devenir de plus en plus maitre des forces appeleacutees forces inconnues (mais 1101 ineorrshynaissables ) devenir de plus lli plus maicirctre des eacutevegraveshynemenls de la vic Quexiste-t-il hors de cd Inteacuterecirct si intense Que SUlI t agrave cocircteacute de cela les distrac tiens-
LA CONQUEcircTE DE L[DRAL 09
ou les plaisirs ou les luttes de politiciens ou les luttes de partis ou de castes ou de laces ou tous ces gestes quelconques dans lesquels lhomme gaspille une si innombrable somme de forces inutiliseacutees
Jean-Reneacute sent autant et plus (lue moi-mecircme cette perte deacutenergies preacutecieuses ct le cher apocirctre qui a conquis mon ecirctre nous a ouvert un Instant SOli acircme geacuteneacuterruse cl vibrante si douloureuse de la souffrance humaine mais si vaillante dans leffort
Ce malin sur la falaise ensoleilleacutee nous eacutetions assis lui Edmeacutee et moi et nous aYons padeacute longuement de celle Philosophie Cosmique de celte meacutethode de vivre inleacutegralement rationnelle aussi bien Tndividuelle que sociale terrestre mondiale
Que dimmenses possibiliteacutes quels merveilleux espoirs quels horizons infinis il ouvrait devant mon intellishygence et mon cœur
Je veux me sou venir de ses paroles
oc La vic Tout ce qui csl tout ce qui a eacuteteacute tout ce qui sem la source ineacutepuisable la base sans limites la manifestation originelle de lInconnu pal laquelle et dans laquelle toutes nouvelles manifestations sont reacutealisables La Vie 1 Telle quelle nous apparnit actuelshylemen t elle est deacutejagrave le mystegravere sans bornes leacutepanouisshysement incessant la complexiteacute innombrable la leacuteerie continuelle des transformations inouiumles
Pourtant ce qui en est deacutejagrave reacutealiseacute est seulement comme un embryon aupregraves de Iegravelre magnifique et parshyfait A mesure que notre intelligence reacuteussit agrave seacutelever
-
1
100 LA CONQUEcircTE DE TlIJ~AL
dans la reacutegion conceptiveacute les formes lalentes seacuteveillent
autour de nous cl notre penseacutee constructive deacuteveloppe notr-e ideacuteal cl ccsl ln vic plus 1)I()f()ud(~rncnl heureuse
ln vie prollgo(r donl toutes les transformations sonl
bienfaisantes dont toutes Ics eacutenergies sont utiliseacutees
dont les fleurs ne se fanent pns dont les eacutepis g-erment ct (lui chante la joie cllalleacutegrcsse de limmortaliteacute
- Mais pal (1lels moyens ai-je demande peut-on
diminuer la souffrance
- Puisque la vie continua-I-il sc deacuteveloppe cl
seacutevolue suivant des lois que lon peut connuilre el
appliquer il est eacutevident pour un esprit philosophique
(cestil-dile snchaul penser dans une sphegravere logique
sans ecirctre enchaicircneacute pal It~s faits actuels qui S01l1 les
effets ct non les causes) il est eacutevident qlll la science
est la veritable resfitutricc de ricircge dor
Celle science il [aul quelle seacutetende aussi loin que
la vie elle-mecircme parlou ougrave lharmonie cl lerreur sont
capables ugraveapporleI la paix ou la souflrnnce
Pour conqueacuterir telle ltelle science indeacutefiniment proshy
gressive il faut des savants qui soient aussi des philososhy
phes ou qui adhegraverent il ln Philosophie libre cl audacishy
cuse cette vraie Philosophie annonciatrice de cont reacutees
toujours nouvelles
Si celle science cl ai l lrouvce ou en voic de lecirctre il
lesterait encore ugrave lllppliqu(( Mais les hommes se conshy
duisent pal imitation pal habitude pnr instinct
JI y aurait donc une œuvre immense de propagande
agrave enlreprendre pOlir fairc counaitre les conclusions scishy
entifiques inteacutegrales capables de modifier lexistence en
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL toI
ln conduisant dharmonies en harmonies vers un eacutetat de l-onheu l croissnn L
Il faudlnit plus eucorr- connaitll~ nest pa assez il
faut comprendre aimer Illaliquel celle scie nec li~leacutelashy
lrice il faul que Ioules les faculleacutes hUUlltlines euf rent
en jeu pour leacutepandre pour lllNil pour reacutealiser la par-ole daffranchissement
01 cette science existe ses bases en sont poseacutees Et
tandis que les savants et les philosophes voileacutes les precircshy
tres du sanctuaire doivent continuel la recherche el
la deacutecouverte en mocircme temps ct pnrallegravelernent il est
neacutecessaire ltlle les reacutesultats acquis soient diffuseacutes
Chaque grudation dhumaniteacute est apte agrave comprendre
et il utiliser celle pn de connaissance (lui lsi dans son
hor-izon normal el dont lIle peut efllcaccmeut sc servi
POUl llIll raison la diffusion mecircme de ce (lui esl
deacutejagrave connu et cn(gistll ne peut egravehe faite que par de
gr(~s pal seacuteries Celle loi eacutetablit linilialion pogIesivl
la classification le groupement hieacuterurrhiquc
Et maintenant je puis reacutepondre il votre question en
la preacutecisant quelles connaissnnees pouvez-vous actuelshy
lement donner pour commencer rameacuteiolalion conscishyente de leacutetat humain
Oh la veacuteriteacute est simple mais O1Il1ll dit Iiuml~ldeacutesjilsshyle Cl ils onl chercheacute beaucoup de discours raquo
Il y il dhumbles cailloux rouleacutes dans les lorrt-u ts de
la mentaliteacute seacuteculaire qui sont en reacutealiteacute des gelllmes
preacutecieuses De loin ils semblent sans valeur si on les lamasse si on les COIII(lIIple Iougucment 011 slfHrccediloit
quils sont tlane IrallIlrtnc pallaile el Ille I(~ monde sy reflegravete
--~ _~--~---------- _-
JIll
~~~JA~~~)~rJ~~~t~~ - iir~i ~ c lt ~~~
LA CONQutTB DBtot LA CONQUEcircTB DEuml LmhL -----------------------shy
but uMqu-e le culte deOui ce nest pas lous les joars quune vnouvelle loi niteacute
peut ecirctre trouveacutee quune nouvelle promesse peut temshy~Et lhomme doitber du ciel 1
tion des diverses capaciteacutes humaines Mais agrave travers le temps bien des deacutecouvertes se sont nir la progression in~essante
C amasseacutees bien des sentences de sagesse ont parsemeacute la bull
1 lhomme qui est ~ terre
le proteeteur le libeacuterateur deDes proverbes dont lorigine se perd dana la nuitiX la terre to~tes les torees
des iges sont comme des phares sur la route de leacute- fuseacutees par le regravegne r volutien individuelle et collective des rites et coushy ~ laquoAidemiddottoi le ciel taidera 1 J)tumes ~n divers pays maaitestent encore sous leur 1s-i
~~ symbolisme incompris la science des eacutepoques passeacutees u Chariteacute bien middot middotmiddotmiddotmiddotmiddot~~
laquo Bien faire et laisser dire Pour les peuples le progregraves ce sont des lois meilshy1middot~K~ leures le culte de la santeacute et de la vertu un pen de ~ TOlite cette sagesse ~W science au lieu de superstition un eacuteveil intellectuel Ion vrai rocircle sa responsabiliteacute~laquo qui ne peut venir quen enlevant le terrible poids de seignait quil doit avant tout~1rmiddot
la croyance irralsonneacutee et quen mesure seulement~r middot POUl ldite leacutevolltlioD ce~t ladheacutesion persistante des aides peuvent devenir
~l bullbullbull agrave la logique il lexpeacuterience ail maximum de bonheur Ainsi Jean-Reneacute~ ~ cest le plissage IU crible de lamas coolus et impur 10pque~ ~ ~
( des arts sans spirituahteacute des poeacutesies sans propheacutetisshy moi mes~ propres horizons1 me des sciences trop borneacutees ner dans le soir tiegravede etil~ Cest la reconstruction des mœurs des litteacuteratures finie que nous veacutecucircmes(~) (- - - des lois sur une base de bonne volonteacute complegravete et~( Etait-ee parce que les eacutetoiles brillantes nOlis parlaiententiegraverement libre
1 de paix et -damour eacutetait-cePour Itndlvidualiteacute qui aspire agrave ecirctre par soi-mecircme
plus seuls sous le manteaule cettel marcher en avant comme un pionnier et comme un
ce parce que nousluidechaque helire ehaque acte chaque penseacutee est
cœurs tout pregraves lun deuneacute voie de perfectionnement Cest le seuil des grands de nos corps neacutetaient plus agravedestins mecircme de nos Ames Pour toutes i~s gredutions ensemble le moyen deacutetashy
Silllpienle~t puisque 1I01ll(blil la eoopeacuterntlon harmonieuse est de reeonnaltre ~un
1~3LmAL
lideacuteal manifesteacute dacircns lhuma
comprendre que c~st de lfllljlisnshy
que lui peut veshy
vers le bonheur Cest linitiateur Ieacutevoluteur le gueacuterlsseur
lhomme Parce que sur
eosmtqueaeont ~ccedilues et ditshy
humain lhuman~teacute intellectuelle
ordonneacutee commence par sQi mecircme raquo J) bull
antique qui donnait agrave lhomme reacuteelle et qui Iui enshy
compte SUI lui-mecircme de sa propre pnissance
ses toUaborateurs raquo
parlait intalissablement et par uneIcircsuperbe illumineacutee despoir i1deacuteployait devant
Mais cest le soir apregraves dicircshy
constelleacute de limmensiteacute in-lheUJed~ recircve
parce que nous eacutetions nuit douceeacutetaitshy
sentions vers le vaste ciel pur nos
lautre et que les silhouettes celle heure que limage bull
OOIIS SOUlme t
------- ---- ------
104 LA CaNQUETE DR LlDF-A L
que aussi impeacuterieusement llin qlle lautre nous avion S
soif de certitude eacutel ail-ce parce ltlIC la minute avait
sonneacute p01l1 nous de taire du recircve exquis IIl1e ardente reacutealiteacute mais soudain nous nous sommes arrecircteacutes lonshygllcment en arriegravere tandis que les autres venaient de disparaicirch-e dans tin tournant du chemin et comme je Jaltendais comme je le deacutesir-ais comme je le voulais
Jean-Reneacute me prit la main dans les deux siennes et
avec une torce de lendresse passionneacutee il dit seulement
- Michegravele
Oh la douceur de ce nom tians sa bouche Oh
(~IIe lpeleacutee ainsi [Jill Lui ce me parut ecirctre comme une
pltlIIii~le eacutetreinte ct je Irissonnni dun frisson inconshy
IIU Dans lcs mains puissantes qui pressaient mes
ltjoils il me semblait sentir Ioule la substance de SOli
amour descendre en moi el monvelopper dune vague
somplueuse t luurde dexlase alauguie
ldais look alalldolllleacutee lt lorsque sasseyant SUI
UII talus killl-Itcneacute lUilUiliI aupregraves de lui je sentis
avec deacutelice ma faiblcssc devant sa (oree et je rae sershylai 10111 coulrc lui
Michidc 1(~plmiddotlililil il mi-voix ~Iiehegravele Michegravele
1 (lorn 1I1i1 ruuin il ses legravevres
- VOliS OcircII~S mou ideacuteal Michegravele reprit-il vous ecirctes la beauteacute dl mes llves el lintelligence de mon espeacuteshylance Mais Iii vie lttue je dois vivre sera souvent agraveshypre cl padois douloureuse La Cause que je SCIS est
cumhat lue car bien peu la comprennent Vouloir le
honhcur (ie hnuunr-s cest accepter Iisolemeut cl Iii hardiesse des idees cosmiques a besoin de soldats coushyrageux et pcrseacuteveacuteJanls toujours precircts agrave la deacutefense tou
~ ~ 1 1 ~
LA CONQUEcircTR DE LIDEacuteAL 105
jours precircts il subir Iii conlJadietion des preacutejuges les
assauts les plus deacutecevants et surtout les incompreacutehenshy
sions les plus navrantes Quand il est question tfeacutequishylihrcr le deacutesordre colossal des socieacuteteacutes chacun a des
yeux de lynx 10111 npercevoir tontes les dilficuleacutes de lœuvre les milieux ne sont pas preacutepareacutes les hommes
sont trop insoucieux dun bonheur encore lointain quil sagit de conqueacuterlr et les objections abondent
Cest justement parce que linertie est graude quil
nous faut plus deacutenelgie pour commencer ladmirable
tacircche ct aussi toulc ma viegt VOliS compr-euez Mishy
chegravele tou te ma vie est deacutevoueacutee lt1 cette Cause et ma vie est seacuterieuse ct seacutevegravere
Je veux que vous ayez bien compris Iii glaviteacute de
cette existence mon il mie avant de me permettre de
vous dire tout cc (lui de moi deacutesire senvoler vers VOliS
avant de vous dire que mon lime est pleine de vous
el que mon W~III bal biea tort dans ma poitrine ce
soir en vous parlant de vous sentir si pregraves de moi
si confiante si honne jIon unique recircve est eu vous
mon espoir sacreacute chclcheacute depuis des anneacutees cet in fi ni de feacuteliciteacute cet apaisllment de taut ltle peines ma
lumiegravere mon bonheur mon amour tout ce (UC je suis et tout ce que jespegravere tout est Vous
leacuteprouvais un bien-ecirctre deacutelicieux une eacutemoliou de
douceur (ode Une pleacutenitudlaquo de joie immense tandis que
sa voix enveloppante me parlait ainsi et de tout ce
que jentendais ct de tout ce que je voyais du ciel illumineacute de la mel argenteacutee par la 11Inl toute 10nshy
de qui moulait dans le zenith lcalalllt el maistnenshysv Ieclosion de 11I111I egravelr e stnrichissilil eacutemelveifleacutee de leacuteclosion paleille fie celui que jaime
l ------shy
~-t f~t
~~~~~~~ ~ ~ ~J~
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL106
- Reacutepondez-moi Michegravele leprit-il avec une allenshy
te freacutemissante
MOIl visage heureux seacutetait appuyeacute sm sa large eacutepaule et je ne pus lui dire quune phrase mais je
la lui dis du fond de lacircme - Je vous appar liens toute en liegravere
Un eclair de bonheur parlurna son regard et dans un eacutelan subit il se mil debout devant moi puis il
se pencha doucement et mc baisa sur le Ironl
Et nous nous regardagravernes sans plononcer une parole Ce fut Jean-Reneacute lui rompit le silence A voix basshy
se presque timidement il me dit laquo Ma cheacuterie je
taime Jt El moi comme un eacutecho jai reacutepondu laquo Je
taimbull raquo
A ce moment la nuit triomphait
La lune au dessus des flots laissait tomber une
gnmde lueur qui faisait SlI la mel une infiniteacute
leacutetoiles se balanccedilant agrave lhorizon multiples Itlellugraveshytres dans un sentier (largent tout caresseacute deacutecume
_ Comme celte Duit esl grande murmura Jean-Reneacute
comme celle nuit est belle et glolIcirceuse
Et YOUS ma cheacuterie vous ecirctes plus feacuteerique que jashy
mais sous ce ciel fleuri deacutetoiles ct dans vos yeux
bleus si infinis je vois encore un ciel aussi profond
a1l8si pur aussi radieux que lautre _ Jean-Reneacute lean-Reneacute 1
Et en lappelanl ainsi toul mon ecirctre seacutelanccedilait vers
lui Lorsque nous avons rejoint nos hocirctes il ma quitteacute
le bras et nous 1I0tlS sommes dun commun accord
tacite lIU peu daigneacutes lun de lautre
= LA CO~QUFTR ilE rmRA L 107
Ceci le fit sourire de son sourire si jeune cl charshymant SOIIS la graviteacute habituelle de sa physionomie
- Oh 1 une eacutetoile filante criait le petit Guy
Une graade fuseacutee de joie venait eu effet de sillonner
le ciel du nord au sud apportant un eacutellange mouveshyment dans lapparente immobiliteacute de lordre ceacuteleste
Et Jean-Rene (fui avait rejoint Mme Torguegraves lui pli shy
lait des mondes stellaires
- Le livre des Etoiles disait-il La lahle des grands
secrets La route hieacuteroglyphique imuuuhle qui pour
ceux qui savent en deacutechiffrer les figures mouvantes
ouvre l-s portes Ile la connaissance les arcanes de lharmonie
20 J uillet
Chaque heure tailleacutee dnns notre bonheur 1I0US (nshy
traicircne plus avant vers la communion infinie de lamour
et de la pensee el notre tendresse augmente irreacutesisshytihle comme le flux puissant avance agrave la mareacutee monshy
tante sans que rien ne puisse le retarder
Assis sur le vieux dulmen aupregraves de la source qui
chante nous avons hier passeacute un momen t exquis cashy
cheacutes par le rideau des feuilles tremhlautes du saule ishysoleacutes de tous isoleacutes (UII dans lautre
Nons~eacutetions tregraves eacutemus de ce tegravete- agrave-tegravete facile et charshymanl A voix basse Jean- Heneacute prononccedila - Maintenant donnez-moi votre regard longuement
Nos yeux se conlondiu-ut el 1111 charme Iascinateur- intensement fluidique 1I0US unit llin agrave lliure
- Comme notre agravellle rayonne dis-je doucement
~~
108 LA
Alors lui se pencha et nos legravevres se sont unies
Avant de quitter notre retraite Jean-Reneacute cueillit brin de genecirct dal pousseacute seul parmi les nissantes des vieux saules
- Mon Elue ma Fianceacutee dit-il Irant la fleur embaumeacutee
Et comme serreacutee dans ses sur sa luge eacutepaule il con tinua avec
- Vous me permettez de vous
- jen suis tregraves fiegravere et jen suis reacutepondu
- Une vieille leacutegende galloise negravet parle bonheur aux fianceacutes agrave cause
de soleil couleur de lessence et de la vie et agrave cause aussi de son parfum doranger fleur de la marieacutee Nc que ce porte-bosheur soit venu
gage de promesse agrave cette heure divine fianccedilons
Sa voix eacutemouvante faisait trembler
- Vous ecirctes lideacuteal de mon ideacuteal ecirctes la vic de ma vie vous ecirctes mon Tout et je suis li toi ajoutai-je en serrant tegravete cheacuterie en tre mes mains je suis agrave jours eacuteternellemen t sans
- Oui reacutepeacuteta mon ami tu as nous sommes lun agrave lautre depuis jours eacuteternellemen l sa us limites
109
J ~~J ~pri-1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
--
Notre amour est noble et grandiose et profond Qui peut dire quand ila commenceacute
Alors allant vers le Bois des Lys nous regardacircmes ail loin le ciel breton pacircle et deacutelient le jardin en fleurs il lentreacutee du bois qui semblait 1Ir deacutecor de recircve sous les vapeurs mauves et lOses du prochain creacutepuscule
Puis nous nous regarducircmes longtemps jusquau fond de lacircme Et nous nous sommes embrasseacutes silencieushysement comme poII sceller notre promesse nos fianshyccedilailles notre han hem dans un silence lcm pli dUne eloquence vibrante et dun eacutechange eacutemu et sacreacute
Lui sembla descendre et se recueillir dans les proshyfondeurs de son egravetre el comme sil revenait de quelshyque contreacutee lointaine lentement gravement il ma dit
- Savez -vous Michegravele pourquoi nous avons eacuteteacute
attires avec tant de forccet de certitude vers le lieu
de notre rencontre Saveuroz-VOUS pourquoi degraves le plC-middot mier jour tout cc que nous sommes sest combineacute illumineacute magnifieacute lun dans lautre savez-vous pOlllshyquoi notre premier regard a eacuteteacute extasieacute pourquoi no tre premier contact a eacuteteacute comme un repos POlIlqIlO degraves 10 rs notre penseacutee na plus cesseacute de nous unir ct pourquoi des mondes se sont eacuteveilleacutes en nous comme des musiques de lumiegravere ct savez-vans pourquoi vous
mavez vous vu dans un de vos recircves en 1111 soir ougrave votre lime parlait
Cest Michegravele que Ics helles leacutegendes sont vraies que tout senchaicircne et recommence que dc tels que nous sont venus et revenus deacutejagrave sur celle terre cest
-
CONQUEcircTE DE LTDRAT
passionneacutement eumlperdumen t
un branches beacuteshy
lentemeat en mofshy
bras jappuyais ma tecircte douceur
appeler ainsi
si heureuse ai-je
raconte que le ge de sa couleur
la germination de pareil agrave la fleur
pensez-vous pas fleurir ici comme un
01 nous nous
mon agraveme
Jean-Reneacute vous en fout
agrave mon tour sa toi pour toushy
limites bull agrave jamais
raison ma Michegravele toujours et il Loushy
pou l jaurais
--l
-
1 ------
LA CONQUEgraveTE DE LIDEacuteAL110
lue nous nous sommes reconnus parce que nous nous
sommes retrouveacutes
Viens ma Bien-Aimeacutee ma Toute-Belle ma TouteshyRadieuse viens te souvenir
Viens revivre les anciens bonheurs plus somptueux
plus mCICill~ux llus magnifiques parce que toute lexplirience et toute la science et toute la joie de nos arnes seacuteculaires S~ cnndcnscnl maintenant pour reacutealiser toujours pllIS toujours mieux uulre ideacuteal notre ideacutee
notre dualiteacute
_ Oui llpoudis-je comme eacuteveilleacutee par ces paroles
en des temps anliqlles je sens tout cela depuis toushy
jours Mais ce que mes recircveries apportaient en moi agrave
certaines heures intenses de splendides contempl bullbull tions
ceHe sorte dextase certaine en laquelle rien naurait pu enlever ma foi eacutechappait padois fugitive il ma
penseacutee consciente et maintenant je sais quavec VOliS
je trouverai les chemins qui reacutevegravelent qui affirment la reacutealiteacute des veacuteriteacutes que connaicirct nol1p ecirctre inconshy
scient el dont nuhe esprit nentrevoit trop souvent que
de Iaihles lueurs je sais quavec VOliS je trouverai les chemins mysteacuterieu x qui peacutenegravetrcn t un pell da ns cel te
complexiteacute eacutetonnante et occulte quest la vie
Dans la vision radieuse ougrave je vous ai reconnu pour la premiegravele fois Jenn-Rcneacute VOliS avez deacutejagrave fait vibrer (1) mon cœur les libres du souvenir et celles du travail
magnifique actuel et celles dun g(and espoir
Vous mavez appeleacutee il vous comme vous venez de le faire encore et vous mavez deacutejagrave padeacute des belles choses quIl y a de pal le monde agrave accornplir ensem ble des recircves agrave reacutealiser des reacutecoltes agrave moissonner
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL III
des conquecirctes agrave poursuivre des espoirs agrave faire renaicircshytre des victoires agrave remporter des destins agrave magnifier
Et votre voix inoubliable a reacuteveilleacute en moi tout IIn passeacute lointain endormi dans mon egravelre
- Ma bien-aimeacutee leprit-il avec une eacutemotion heureuse je veux vous dire aujourdhui qlle moi aussi avant dnvoir le bonheur de vous rencontrer ici je VOliS ai vile souvent je vous ai padeacute souvent et qlle degraves
mon premier reg-ard en vous approchant SUI la plac creacutepusculaire devant ce coucher de soleil feacuteerique jai reconnu celle que jairnc Celle (lue jai toujours aimeacutee
Degraves ce sail lagrave jaurais voulu pOSC1 mes legravevres sur vos cheveux el vous dire simplement
- Tu es il moi comme je suis agrave toi te souviensshytu comme je me souviens
le VOliS avais d(~jagrave si souvent admireacutee et peacuteneacutetreacutee et comprise
Et depuis des mois jP vous cherchais tellement
Si souvent je vous ai vue toute semblable agrave ce que vous ecirctes en ce moment avec vos g~ands yeux hleus
pensifs pareils agrave limmensiteacute avec vos cheveux (101
releveacutes sur la nuque avec vos mains fines et votre bouche joyeuse
Si souvent je vous ai contempleacutee je vous ai admireacutee assise SUI un large sopha chargeacute degt coussins eacutepais dans une chambre toute rose dune eacuterugravece 1111 peu olishyentale avec son lit mauresque tregraves bas ses vases lII
terre ses crucheltes ct son brucircle-parfum de cuivre cishyseleacute ses etoffes roses et 01 de soie algerienne ses kashykeacutemonos japonais et tout le confort de ses grands
Il
tAJi ~ --~ ~4 J-t 14 1 t l 1 f J J 1 1 1 il iuml==f F1 -1 1
LA CONQUFTR DR LInRAL112
Iaulcuils de son vaste hurcau de ses souples tapis de
sa haule lampe iudicnue el toute latmosphegravere chaude
ct Illll( dIlne piegravece ougrave hm aime il vivre il penser
il 1((1
Ma surprislaquo S(illllI(illaii plo~I(s~iv(mclit c(lle
de~eliplioll si plOllllallllllplil (adc el lIillarlllable de ma
chamhre de jeune tille
Il lul sur mon yisa3c ccl (mcrveillemenl et continua
en som-innI
-le lit suis pas lili SOITi(I ma cheacuterie El je ne
lais pas de mirerles Quand YOllS aurez lin pell lravailleacute
avec moi la science psychiille tladitiollnelle VUliS
comprendrez 1legraves litt~ilcmell lcpliealion de cc qui peu maintenant YOliS palailrc mvslcrivux el qui vous
parait ainsi un iqucuu-ul pa rrc qll( VOliS i~nollz eucnshy
n les raisons sciculiflqucs les ra uscs dies tfrels nashy
turels de pheacutenomegravenes semhlahles
LOISqllOIl peul etudier (I)lIlplelldll~ analyser ex 1)shy
ruucn lrr lIplod IIi 11 il volon l lII un mot lursqunn
arrivlaquo il (xpliqll(1 scieilliliqlltnltill CP qui (si appeshy
leacute le laquo Slllll3tlllcl raquo 011 sil)tr~oil IllIe rien ues surgt
naturel (lIe le muaclaquo tI 1( hasard nexistent pas el
(l(~ la nature contenunt tout rieu ne peut eacutetre en
delierraquo delle _ Al()s dites-moi queslionunije l regraves interessee 101sshy
11t~ vous dl~s venu il l(I-~ollhd saviez-volis aussi qlle jy (Iais my aviez-vous vue
lai senti qll( je devais vr-nir ici cl(Z 1lnll 101shy
gllis POlU une raison plofonde mais je neacutet ais pas
assez conscient pOlll me lClIdle comple de cc qlle poushyvail rtre ceUe ltiSOll Cependalll c~lle inluition elait
LA CONQUEcircTR DR rIDRAL 113
si intense 1IH cIsi pour lui oheacute i r qll( jil quitte cel
eacutel ma III e a(~e lalIIII il passe lamilialrment cihllhillld~ lous les ans rr(s vacances
rou~ ne pouviez dOliC pas Ille voir il distance dans llI-)ldl(~1 couuu e OIlS mavez VIII dans ma cha rulm- il la ris
- i01l 011 du moins bcall(ollfl plus dilricilernenl
Cc qui Ia il Ille je VOliS i si souvent r(lald dans voshyIll jolie chambre lost c(sl qlle cet te piegraveclaquo est toute
spccialemen l (IIi(r dt vos fllOfllts forces cl qlle
celte au risn lio n lsi (OIllIU( Ill ldlt~cf(lIr Ill phare
une aid( pour Il seusil it IllIi chere ho ~ oil il distance
lnunsatton c(1 la mdiegraverr nerveuse matiJc plus
rilleacutefieacutee JIH la mlIiiI( plnsilllc qui ltlcllilppanl de
IlnlIS impregravegne lallllOsplllll d(lrllI( 11
Iormunt 1I11e amhinuce 11I11IillllS( plus 01
rahle visihle pour le vovaut cIsl-il-dilI
qui pl~1l1 voir dans ce dtgl~ plus rmfil (le Je dis alors
dl 101(es
moins dushy
pour celui
la matiegravere
Chaque 111 lII rt lsi 1111 vruan a leur lit forshylls
Plus 011 moins puissant rpolldil-iI plus 011 moins
deacuteveloppeacute Nous a vons lous (11110111 dl 1I01lS 1111 eutoushy
rage lin en velnppeman] fluidiqll( d ces fOlrts Ille
nous eacutemanons ((st re qui cuu s li lue Iuurn La coushy
leur la forme les eaparilts de laurn S01l1 multiples
ri immense est ItIldlll dlt (~(~llt~ slilrH des auras si lIeacuteg-lieacute~ si ill(~olllei uo lre liPOIIl
-- Que je str1i bCIlIrll~(~ qlland VOliS (10I1IItZ 1111(1shyprenlre tous crs mOllths d(ludlS pl de ~ilgISSr meacuteshyeriai-je
-------~----------------~
114 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
~
Puis je lai lluestionn( encore
_ AIOI~ lorsque d ans tonte la Bible on peut seacutetonshyner de voir ces hommes de Inie les palriarches les
pl()phi~le~ choisir en 111I moment la comparll~ de
leur vie nest-ce pas justement luce que rwchiqlleshyment ils se reconnaissaient lun lautre immeacutediatement
eacutetant assez lvol lieacutes usez conscients POIII agir ainsi
_ La Bibl comme les Veacutedas comme lAvesta comshy
me tant daulres livres sacreacutes renfr-rm des prolonshy
deurs sublimes malgreacute les traduefions insatisfaisantes
malgll hien des passa~es mutileacutes prrlills ou translorshy
meacutes et votre penseacutee est juste ma r-herre
_ Je suis si heureuse ai-je poursuivi clIe VOliS
connaissiez ma chambre car je ne sais pourquoi p~r une sode de pudeur jl nai iamais voulu y laisser enshytrer que de lregraves rares amies Elle est bien mon cadre
le plus intime et il me semble que de lavoir ainsi
peacuteneacutetreacutee cest un peu plus rie moi -mecircme qne vous
avez pris JI
laquo Il Y il plus de secrets dans le ciel et sur III terre Horashy
tio quils nen ont trouveacutesdllnl toutes leurs philosophies JI
dans laLI soir je suis entreacutee comme dhabitude honnechambre de ~rand pegravere rOll lui souhatter une lui etnuit En membrassant il me releva la tecircte vers
me regarda jUSCJUllll fond des YfIlX_
Je le sentais vibrant et tregraves lmil _ Sais-tu 10011 entant dit-il simplemlnt drpuis comshy
bien de jours lu connais M Formant
J - J J LA CONQUEcircTH DE LIDEacuteAL 115
1 l lOU gis palce lJ ue jaurais vou111 pouvoir garder plus longtemps pour moi seule notre grand secret
- Tn ne veux doue plus me consideacuterer comme ton vieil ami reprit-il
- (rand-pegravere cheacuteri meacutecriai-je lu sais bien que tu
seras le premier agrave qui je parlerai de mon bonheur Mais pourquoi me Ir demander si icircle
- Comprends ma petite fille qlle je ne deacutesire aushy
cnne confldence de Cl que lu veux ~-arder comme lin
treacutesor cacheacute tout ail fond de ton cœur Seulement ne
suis-]e pas lagrave encore et respnnsable de la jeune exisshytence nest-ce point faire mon devoir qlle de guider
les pas
- Til as raison ai-je murmureacute alors et si ton affecshy
tion pOli l la petite Michegravele ta fait deviner la veacutelIcirc leacute
pourquoi le la cacherais je J Et puis je suis heureuse ~rand pegravere je suis deacuteshy
licieusernent heureuse de pouvoir enfin te parler de
Lui
Ah tu me demandes depuis combien de jours je le conaais
Grand pegravere gland pegravere jl ne puis le dire je nen
sais plus rien mais c( qlll je sais ce que tout mun ecirctre eacutepanoui alliumlrllH PI proclame av(r alleacutenssl cest qlll deshypuis crs quelques jours jai veacutecu rlt-s mondes cest quenshy
tin jc Ill suis nl(~ qlll depuis nohc rcnconlre je Ile vis
je ne sens jl lit comprends jl nexiste que depuis quII est ici
Voilagrave coulinua ~rand pegravere soucieux ce que je pensais Mais je Ile croyais pas que tu le serais ainshy
~If f =1 If If H H H ~ H ~ -1 ~ ~~t
LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL -1116
li laisseacutee aller si vite comme une enfant
Je linterrompis
- Que dis-tll Comment toi tu ne l)[lImiddottag~s pas
ma joie
Sa voix tremblait lin peu lorsquil rem-it
- ~Ia Michegravelc mon treacutesor Pour Ion bonheur je donshy
nerais volontiers tout cc qlle je suis et jespegravere avec
une force dont on pourrnit lmire un vieux cœur cornshyme le mien incapable qlle lu as trouveacute le bonheur de ta vie Ton avenir mais ma cheacuterie ton avenir cest
ma penseacutee cest Illon espoir cest aussi mon lourment Si lu me vois troubleacute il un moment OlJ tu tattends de
ma part il une joie deacutebordante cest que je crains enshy
core que trop tocirct tu aies loi en lin espoir qui mest
cher mais qlle jaurais voulu llus certain avant quil
ne grandisse ainsi en toi
Jai si pelll lOUI ma Michegravele (ie la moindre souffranshy
ce de la molndre deacutesillusion Rent Formant me Tait
leffet je le lavoue dlin ecirctre exceptionnel par le cœur
comme par lintelligence el jai pour lui une immense
sympathie
Comment apregraves ces mots ne las linterrompre
-- Laisse moi tembrasser tregraves 1011 grand pegravere pour
cette parole
- Mais cheumlrie tu comprendrus facilement que jai
mille renseignements agrave prendre sur co jeune homme
sur sa famille SUI sa vie sur sa situation el quil seshy
rail peu sage a toi de lui faire aucuue promesse avant
de connaicirctre davantage les pnssibiliteacutes dlin projet vous
concernant tous deux
LA cONQuin DE LlDEacuteAL 1I7
Celte ideacutee de laquo prendre des renseignelllents J) sur JeanmiddotReneacute me fit eclater de rire
Cependllnl une lnruu deacutelllOtion (pli roulait sur la belle harhe blanche 11I( lendil aussiugravel moumiddotseacuteieux
- Ne spis pas inquiet mon cher grand pegravere ta petite Michegravele est sIcircrre duvoir trouveacute son bonheur et elle est
tranquille deacutesormais dans un chemin si noblement beau
ii eacutetincelant de lumiegraveres pures et diamantines (IUC
rien de deacutecevant ou damer ne pourra ly surprendre
Ali conlraire je monterai maintenanl de beauleacute en beauteacute velslIdeacuteal qui ne le voilera plus
- Je veux que lu dises vrai reprit-il glavemenl Seulement je dois le rappeleraquo que la vie est seacuterieuse
que tu es tregraves jeune et que si rnalgeacute tes dix-huit ans
je te laisse aussi libre dans tes allures aussi lespollsahfe
de ton deslin cest laquoIle je llois profondeacutement en le
jug~me[Jl saie el sain de ton Ame et de ton inlelljtncf~
~e me donne donc pas de regrets pas de l(morlls
plus tard de tavoir eacutelevtie pal celte meacutethole que jai
ClU bonne en te preacuteparant tregraves lot il la lihelleacute cons shycienle eu te formant tregraves tocirct un cœur Je femme
Leacutemolion du bon visage hienveilJalll milvait gaglHt~
- Oh oui je sais tout ce laquone je te dois glalll pegravere cheacuteri et ma lecoullilissallce aUeudrit veul pour Il~ lCshy
mercier de Iaut de vrnio tendresse devenir 10UjOUlS plus
digne de la confiance rare si encourageante si preacutecishyeuse que lu as mise en moi
~ ~ ~ ~ ~)
LA CONQuecircTE DR LtDeacute~L ll~118 LA COllQUEcircTIl DR LIDEAL
- Ne me tais pas plus de mal Oh pourquoi es-tu venue ici cet eacuteteacute r Pourquoi esmiddot tu venue
21 Juillet
Jai provoqueacute ce matin la conversation tlue je senshyJe lentraicircnai sur Il canapeacute oit je lattirni Ioule PlOshylais neacutecessaire entre Edrnee et moi
che _ Laisse moi Michegravelt seacutecria -l-elle brnsluemenl sishy
tocirct tlue jentrai dans sa chambre CIl se levant du fall shy -- Til as tort de regret ter ma preacutesence cheacuterie Qui teuil ougrave elle eacutetait assise laisse-moi Jai besoin decirctre peut dire que si je neacutetais pas 11 J~all-Itcllt~ et moi Ile
nous serions pas rencontreacutes un jour et que plus dt soulshyseule 1 Irances encore auraient pu samonceler CI~ SOllt les _ Non reacutepondis-je en la serrant dans mes bras non atfiniteacutes qui (ont les attractions el lorsque deux destins je ne te laisserai pas Je sais ton chagrin je pleure tendenllun vers lautre tout leur est lin chemin pOUlde tes larmes el jai le droit de venir pregraves de toi te se retrouverconsoler tentourer te bercer dans ma tendresse Ne
suis-je donc plus ton amie - Non Michegravele interrompit Edmeacutee je Ile crois pas
-Tu as pu remarquer pourtant Michegravele reprit-elle cela Avant de te connaicirctre il eacutetnit heureux deacutejagrave de nous
avec amerlume que je vous laisse suffisamment lun agrave venir voir agrave Kel-NouH el ce Il~tail pas pour loi puisshyquil tignoraitlauhe lean-Heneacute et toi sous diffeacuterents preacutetextes que
mon cœur sait bien trouver Et maintenant jai beshy Mais t es passeacutee aupregraves de nous el la beauteacute la eacuteshy
soin de me recueillir et toi lu naurais pas de pitieacute Bloui f tu es passeacutee aupregraves de moi illI moment ougrave poushy
_ Oui rai va la tendre bailleacute mais jai VII 1Iussi que
vait naicirctre mon honhem- et jaul ais dugrave It~ preacutevoir cl
lorsque je vieas agrave toi d que lu me repousses avec un cela nest pas -je la [aute el jf l( len veux pas llIais
ail larouche lu ten us plm loin toute seule pleurer la ton eacutehlouissanlaquo jCllntssc a lail pagravelir il Ctlll dt loi la
pacircle Edmeacutel el luij] na plus apcrccedilu qUl le illag-e ciesolitude lumiegravere el de Icerio Ille tu laisses pal dellitIe toi
Laisse moi meacutelanger Illon atteclion qui comprend agrave ta Mainlenant mou co-ur lt 1111 momie iumlermc la Ileur
douleur cluelle po11 qulaquo jose encore croire que notrl de mon arne est lIeacutetlie
amitieacute si pure si fidegravele ne seffeuillera pas bientocirct cornshyDe grosses larmes roulaient des eux candides desme une lose faneacutee
puvts vellx qlle jelllhlassltlis Elit palIilil Ugrave voix IrugravesChegravere petite Edmeacutee deacutechireacutee et souffruute je veux basse el llit ajouta SIII 11 1011 dur d agraveJlll lII rhtlTlliInt
te laire du hien je peux le taire du bien ne me reponsshy agrave se deacuterober se pas je teD prie 1raquo
- Je tassure laisse moi le taime lu le sai d jeElle alors toute taihle et leacutegegravere fiappuya sur mon taimerai toujours tHais je lit peux pas te pmler en
eacutepaule ct uuglota doucement 1
IRRR R R R R R~ 120 LA CONQUEcircTE DB t1DEacuteU
ce moment Laisse moi Je veux ecirctre seule Si tu as pour moi quelque pitieacute Ile me parle plus 1
- Au contraire parlons Lit parole peut ecirctre un baushyme elle peut elle doit nd ra icircchir nparer reacuteunir oushyvrir les portes closes
Laisse entre nousIa parole laire de la lumiegravere ne descends pas dans la douleur farouchement instinctive comme dans une prison teacuteneacutebreuse
Cest dans lIntelligence ltlue nous devons vivre Comshyprendre cest triompher et SOli venl la souffrance serail moins amegravere si nous ne voulions pa~ laisser notre desshytin ecirctre an ecircte egravetre tenue par elle Aussi je ne te quitshy
terai pas Il faut que tu voies les choses telles quelles sont non agrave travers le brouillard illusoire de linexpeacuterishy
ence et du desir
Ecoute ma cheacuterie tu dis ltlue Jean-Reneacute eacutetait heushyreux avant de me connaicirctre de venir le retrouver mais pensesmiddot tu que souvent el souvent deacutejagrave son agraveme de poegraveshyte a dIIcirc seacutemerveiller ltles rencontres virginales qui ont
traverseacute Son chemin 1
Crots tu quad miration eacutechange affiniteacute tranquille
est comparable agrave linteacutegral amour
Il est venu vers toi mais pour combien de temps
Ah 1 la vie est plus complexe plus plastique plus oceacuteshyanienne (lue IIOS Iaihles eœurs 11 serait si beau desshy sayer chaque jour de nous rendre plus vasles et plus vasles encore pur ecirctre moins indignes dlaquo ses doas (
1 somptueux 1 1
La douleur dont tu souffres mon amie Ile sera pas 1
si tu le veux la tristesse lourde qui eacutepuise qui aneacuteshy bull
f- ~~ ~ ~ ~ ~ LA CONQuecircTB DR UgraveD~U li1
antit mais la douleur leacutegegravere qui sans deacutechiremeat sans rupture par II seule transformation de neas mecircshy
mes agrandit tout el preacutepare dei bonheurs futurs
Aucune ucircpreteacute nest en elle puisquelle nest uniqueshyment formeacutee (lue de notre reacutesistance injuste au bien reacuteneacuteral el que dans ce bien DOUS devoas ecirctre compris
Non Edmeacutee IID peu plus deacuteclat lin pen plus de 101shyce un p~u plus de recircve ce nest pas cela qui peut deacute sunir les agravemes unies cal chaque ecirctre a sa direction el tend vers un ecirctre Cest lont UD ensemble de qualiteacutes qui sont attendues et neacutecessaires pour le repos et lIl
lumination du destin et comment deux nalures disshysemblables pourraient-elles sa tistaire le mecircme problegraveme
Edmeacutee si tu eacutetais conscien te si tu savais choisir tu ne laurais pa~ choisi r puisquil est mien PI j suis agrave lui puisque nous eveillons lun OIIlS lautre de hauteur eD hauteur lindicible flamme du sanctuaire puisque 110US sommes un monde nouveau et UR monde ancien un monde eacuteternel
Acirc moins que - mais il faut pour cela aussi un cœur
qui sache souffrir pour la plus haute ideacutee un cœur qui sache trouver la joie dans limmeasiteacute de SIl propre reacuteso-shylution dans le deacutevouement dans lacceptation des deshygreacutes naturels qui nieacuternrchisent toutes choses - agrave moins que tu DC sois de celles dont la 100ce est daimer et qui se donnent salis rien attendre salis rien espeacuterer
Cettegrave femme Iii est heureuse de voir le bonheur de celui quelle aime sans en ecirctre le centre elle se reacuteshyjouit de participer agrave sa vie lans en ecirctre leacutetoile elle st satisfaite de recevoir sa penseacutee et no son amour elle
~ ~ ra r-
122 LA CONQUiTE DE rrn~AL
sait que sur la terre entiegravere il ny a pas lin homme si ce aest lui
El plutocirc qlle Je cherche il amoindrir son ideacuteal elle preacutefegravere renoncer aux banales salisfuctious dune union
saas rayons el slins aureacuteole Elle LII vu de loin elle La compris non pas avec ses possibiliteacutes actuelles el capables dl lui reacutepondre mais avec ses possibiliteacutes fushytures et la vision confuse de la splendeur heacuteroiumlque quII
est en tics sphegraveres encore inaccessibles
Edmeacutee minterrompit et seacutecria
- Tu parles de sur humains 1 Quelle vie que celle
dune Iemme qui contemplerait tous les jours son bonshy
heur perdu Quoi nne femme donnerait toul et sn eacutechange elle ne recevrait quune pari de lecirctre quelle
aime et quelle pa rt
Jai reacutepondu encore mais je savais bien celle fois que cela eacutetait inutile
- Pourquoi toujours j ugel (la pregraves un princi pc faux
parce quabsolu leacutechelle infinie des ldations et des correacutelation
Pourquoi exiger coarne un droit pour ce vide que couvrent leacuteg-oiumlsme et Iorgueil ce que peut-ecirctre la uashy
turc la reacutealiteacute la vie ne peut nous accorder comme
un fait t
Mais ce n f~sl pa pOlll loi cheacuterie (lue jai deacutevelopshy
peacute celle alternative el III me connais assez pOUl savoir que le seul souci de ne pas truhir lideacutee ma euh-aicircneacutee
jusque lagrave
POlir toi je le sais je le sens Inn destin nest pas fermeacute tu nes pas faite pOUl egravetre une renonciatrice
~ bull ~ --- ~~~-- - ~r~~
LA CONQUEcircTE DE LIDRAL 1~3
damour el dans ce moment mecircme je vois au loin quelquun dont tu saurais bercer les enthousiasmes fiegraveshyvreux dont ln saurais apaiser les soifs ardentes el que laltractinn (fui mesure laffiniteacute amegravenera sans doushyte tocirct ou ta ld au devant de tes recircves reacuteveilleacutes
22 J uillet 1
Jean-Reneacute heureux et grav ma donneacute tout 1 lheure cette lettre quil venait de reeevoir
laquo Hon Fregravere
Quoiqne VOlIS ne nous layez pas eacutecrit nous savons combien votre yoyage au h0111 de lOceacutean vous apporte comme le vent du large un flol dexpansion et r1~ )i~
sur la route du bonheur
Nous avons beaucoup daffiniteacute pour la pure aUrl blanche que nous sentientons pregraves de vous et qui vous donne le repos
Soyez deacutechargeacute en Cl moment de lous les soucis et
le responsabiliteacutes de votre rocircle qui sera rempli sous notre direction par vos aides habituels afin que vous preniez dans ces moments radieux de la Reucoutre tout
ce que vous ecirctes capable dy prendre en force et en joie afin quaussi VOliS puissiez donner bull celle (lui
desormais attend tout de YOUS linteacutegraliteacute dont elle a faim et soif lOUI leacutepanouissement de son ecirctre Jean-Reneacute Vous aimant comme je vous aime nul plus que moi ne se reacutejouit de limmense joie de votre cœur 1
Je vous embrasse Fregravere et no Maitre rous ento
t Jr- J1- J=t J=-=-i J==f R J==-f J~ ~ 1 R r-1 ri ri rl rl 1U LA CONQURTE DE LIDEacuteAL
rent Reneacute J)
Intriguee el eacutemue je relus plusieurs fois ces Iilnes
Jean-Reneacute alors me dit qnil y il une demeure pour lui
sacreacutee 11I1 fOY(~I II( paix de lumiegravere el damour qui dans le chaos parisien est un refuge pour la penseacutee un abri pour le cœur cl lagraveme
- Dans celle maison ajouta-l-il jai compns ce que
pourrait ecircfre la vil dans sa reelle beauteacute Jy ai beaushy
coup appris je veacuteliegravere ses hocirctes el jai la joie dy ecirctr e
aimeacute
Son nom lOuslaquo indique ce quelle est pour ceux
qui se sentent isoleacutes dans le deacutesert du monde pal leur
penseacutee mecircme Mes maicirctres y hahitcnl d ils vivent lagrave
comme en un large phalanstegravere il plusieurs qui font
lŒuvre Cosmique ensemble La solide fraterniteacute de leur communion inteacuterieure les aide il aplanir les dilflculles
les obstacles il supporIer les iucmnpreacutehensous les
deacutecevanees parfois ruegraveme les trahisons dl~ Inules sodes
La je voudrais vous conduire Michegravele avant que
vous soyez ma lemme
La ie vous lrai coanaitre le pegravere de mon inlegravelishygence Sarama lun de mes maicirctres Lit vous applenshy
drez agrave cOlllplendJ(~ cl il admirer mes deux chers et
grands amis Relieacute qui meacutecrit comme ils ont senti el
vu psychiquune~ll la beauteacute de notre reneoulre el sa
deacutelicieuse compaglle Stella qui deviendra bientocirct votre plus reacuteelle amitieacute feacuteminine et dunt la belle eacutevolution aidera la vocirctre
Je plisse lIl general chaque j01l1 dl longues heures agrave lOasis Jy travaille de lout Illon egravetre pour notre Cause
LA CONQEcircTE DE LIDEacuteAL 125
Je vais reacutepondre toul dl suite il Reneacute ltIne desormais
nos forces rluelles seront il t~UX pOUl les aider dans leur
lourd [lacircche nest-ce pas Michegravellaquo et combien [eur
lettre qui a devanceacute celle que je voulais lem ecrire el
(flli nous montre i ltflJ( 1 point ils nous devinent nous connaissent el nous prolegravezlnl 1I0US t~sl infinimr-n t douce il lous deux r
bull Ali milieu du monde ougrave ils 0111 choisi dl rester afin(
dy travailler ils sont lit hors du monde Ils ne touchent le monde quc p01l1 le Iormrr le classilil~I leacutevoluer
i le transformer Ils Ile S01l1 las touches pill lui el eushy1 sent son contact Cc qui VOliS eacutetonnera peul-ecirctre Iicbegraveshy
le ils ne participent pas aux joies de lad actuel dans
lequel vous lrouvez encore d( si hauts moments parce
que cet al est pOUl eux diminueacute el sali pal les reflets
du deacutesordre qllil l(~oil el incorpore comme sil les
acceptait La Haie 5pililllillitp lsi leur loi leur vie il
toutes heures (II est baieneacutee d lII eacutemane Ce sont des
JJJis-i-I selon 11111 vjpillt pillOf pOUl la seule chose neacutecessaire la lransfnrmation (le lhomme pt de lecirctre
23 Juillet
Grand pegravere a leccedilu de mvsterieuses lettres de Paris
qui lont eacutepanoui le dpvilll lexcellence (les lallltux
laquo lenseignements) quelles contenaien t
1 ma regardeacute longuement doucement apregraves leur
lecture el nous eacutetions heureux de 1I0US sentir vibrer
lous deux agrave lunisson dlin espoir magnifique qui est
laube merveilleuse dl ilia jeunesse ardente le soleil couchant de ses vieilles anneacutees
~---~~
LA=t J=i J=t J-t J--f J~ Jiiumlif ~
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL126
A preacutesent il nous considere un peu comme fianceacutes
Hier Jean-Bene proposa pOIlf dcma in il ~lildame
TOI~lIegraves une proruenadc 1~1I bateau 111Ielll~ declin a cr aishy
~nallt de lrop IIIa1 sn pporter la mer
- Quel lomm are Madalll( insi1lIailmiddotjljai 10111 une
si jolie hal1lle il vnilrlaquo e l jalllais laul illll VOliS COli
duire tous il lH(~ IItS Hluvi~Ies
Edmeacutee relnsa eacutegalmcnl ~ran(l-pegravet Il a las non
plIS k pied marin el ce 1111 11Ii qui salis heacutesiter dit en
souriaul aV(C malice dl~ son bon sourire heureux
_ Eh bien MOllsillIr Formant emmenez Michegravele avec
VOU Je suis sugraver qlll~ son acircme av(nlllrluc SI lI~jollmiddot
la beaucoup dl conllaillI le charmant ilot d de voshy
~uer une heure sur les flots bleus
25 Juillet
EIIP fllt exquise cette iollllleacutee dhil~r elle (Ill rna~iue
et plciue de 1egraveve celte premiegravere liberteacute il deux cette
promenade rvthmeacutee par le baluuccment eacuteterne] des vashy
~lIes il la surface dlin infini ehanzean l
NOliS nous eacutetions assis sur la mecircme banque Ile tourshy
nant le dos ail marin hacircleacute qui tendait de temps en temps
la voile et qui ne nous gegravenait pas heuucnu] plus tllW les
cheveliues vertes 011 bleues des alg-ues IIollarlles parmi
lopale nuanceacutee des flots calmes et profonds
Oh douceur de lheure charme intense de la vnix
ltlimeacutee chantant les paroles de vic oh rkht1IsI~ des choses neuves inconnues insnu pccedilon neacutees queacuteveille en mon ecirctre eacutebloui le moindre gestl la moindre inflexion
le moindre eacutelan de Illon fianceacute
~ -1 ~~ ~ ~ ~ ~ ~
LA CONQUEcircTE DB LmftAL 127
Heure inoubliable
La granlll ilill blanche du bateau gonlleacutecplI lin zeacuteshyphyl tregraves chaud parlIlUeacute de senteurs marines 1111 Il S
eulruina silt~rHillIsl~ment jIlS(IUagrave la petic ill solitaire
pilreacute~ de gemmes dO et dr gemmes rosex les ~enegravels el les hruyegraveres
Puis tandis qlle I~ marin jet ait lancre cl seacutetendait
SIII la goregraveve nous somm(s partis ugrave la deacutecouverte ivres
de vent el despilcl seucircls deacutelicieusement seuls il h-avers III lande perdue dans lnceacutean
NOliS nous sommes arregraveleacutes agrave lornhre dun eacuteglantier
en fleurs Jcnn-Beae Cil cassa plusieurs hrauches pour
men laire lin gros bouquet blanc Il eacutetait joyeux comme
un entant davoir trouveacute ltlaAs licircle cette gelhe de fianccedilailshyles
Pins loin lin hanc des roches Ianlastiques nous eacutemershy
veilla Nous avons pli y admirer 1111lCil dt III pleacutenitude
intense dn fond dl la IIICI si riche et si (xplIumlmugrave dans
le hIXI~ de la cuuleur dans la cmnple xitlaquo inoure gt dts formes
Tnut dun coup je lus surprise dapercevoir en haut
dun ~rilnd rocher une inscription en grilS caractegraveres
Nous nous en approenagravemes le plus possible Mais
quelle main avait pu ainsi eacutecrire il cette haul cur
Depuis cornhien dt lernps CIS lr-ltres agrave demi-cflaceacutees
confiaient-elles leur secret au cilI el agrave la mer
Avec Jifficuleacute nous sommes parvenus agrave deacutechiffrer
celle phrase qui SII celte place eacutetrange dus ce deacutecor
feacuteeacuterique nous apporta comme une vague immense de mystegravere dincoauu ugrave recircve et de penseacutee
bull
t2lLA CONqU~TE DE LIQEumlu
dun trouble ex(luis ce mot ma peacuteneacutetreacutee dun enchan lemen t ladieux
- Cela ne peul pas aller si vite soullal-Je
Et il me fallut bien longtemps bien longtemps parshyIer sans encore le convaincre tout-Agrave-fait pour aboutir il III solution normale et neacutecessaire
Bien (lue celle seacuteparation me navre autant quelle le liane bien quelle mapPolte deacutejagrave une loUlde ruclancoshy
lit je ne peux pas trusquement quitter Edmeacutee et je lui consacrerai quelques jours avant daiier lehouver celui qui est toute mil vie et qui doit heacutelas partir si
tocirct maintenant Oh que je vais ecirctre isoleacutee lorsque mon acircme toujours proche seacutelancera agrave travers les plnishy es cl loin vers lhorizon pU III reumljoiudre son agraveU1~ Uais il doit eu ecirctre ainsi et puis ce temps sera court
La megravere de JeanReneacute lentre il Paris demain et y
attend SOli fils duns quelques jours pour llpartir avec lui en Belgique ougrave elle a des parents
Il est UgraveOllC naturel quil nille la rejoindre Il lui anshynoncera son bonheur dont elle doit se douter deacutejagrave pense-t-u et il la prier-a dattendre agrave Puis M Vazanne et sa petite-fille
Lorsque notre lrecircle esquif regagna le petit por-t de Ker Nouheumll le soleil en globe louge rayonnant plonshygealt deacutejagrave (Ialls loceacutean et 1111 vent ltlu soir seacutelevait
humide el Sil leacute La mel moins calme deacuteferlait 5111 les galets de la gregraveve en dessous des falaises ct des dunes et menaccedilait de sagitel insoucieuse de notre pllh intime insoucieuse de loutes choses humaines
- La fraicirccheur tombe vite nous dit le marin et ce
Dans lelaquo jnulnf-es douces Olt dans les[ours amer~ Dans les lilles (Ill dons les eSlloil~ Pregraves de toi ou tregraves loiutuinement Toute ma vie et All-rirlagrave
LA CflNQUEcircTB DB LrnEacuteAL128
Emus 1I0llS avons compris ensemble ce (Ille nous eacutetions peul ecirctre pregraves doublier crue daulres vies etaient venues Jouir Il la petitlaquo icircle deacuteserte que daullls idylles
avaient pu y ecirclre deacutelicieuses quc dautres amours ~y
eacutelnIumltil cacheacutes et y avaient deacuterouleacute les anneaux du bonshyheur el que Ct~S rochers (lui eacutetaient seacuteculaires avaient
dil entendre hien des paroles graves avaient assisteacute
de g-eacutenclation Cil ~eacuteneacuteriltion il hien des excursions semblables et jamais semblables comme toutes les choses humaines
Jean -Reneacute a copi pour 1II0i sur une page arracheacutee
de son carnet la middotphrase presqueffaceacutee Cil haut du
gland rocher De ([lwl lointain des lins 1I0US est-elle
parven ue
El nest-ce pas ce que je lui pourrais lire de toul mon
ecirctre et nest-ce pas ce ~i1 me dit lui aussi ces vieilles
paroles dun amour tendre fidegravele eacuteternel
Au retour dans la barque nous IlVODS 1tInguemenl parleacute dEdmeacutee Il ne croyait pas possihle quelle souffrit ainsi pour lui le lui ai affirmeacute quil me serail peacutenible de poursuivre aupregraves de ce cœur blesseacute nos fianccedilailles si
heureuses cette grande tecircte de 111 vie pleine ct splendide
- Eh bien quittons Ker-Mouheacutel ensemble ma Mishychegravele et rentrons loul de suite 1I0US marier agrave Paris 1 seacutecria-l-i1
Nous marier l ce mot ma profondement troubleacutee
_qCcedilsLt~_
~_~lt~~ (~~-
LA CONQuiiTE OR LIDEacuteAL130
soleil couchanl annonee nu pruchain changemenl de
Lemps En oflel lail froid ml taisait frissonner malgreacute ilia
jaC(luelle de drap 1
El lcan-ltcneacute mahlila sous la large cape qui lui cnuvruil les (pallies et qui alors nous enveloppail tOIlS
deux Oh quuvee deacutelices je me hlot lis toul contre lui
_ Nolis voici ail pori mllllIlllla-l-il el [e le remercie
de celle jOllrneacutee (lIi csl comme une halte alolnhle dans
notre chemin montant vers les so mme ls COIIIue une
parle ouverte sur la vie qne nous ferons eomllle une
fleur magnifIcircflle eacutepanollie aux hrauchcs de Iadlle
iamollr je le remercie de celte jUIlIlIle qui est lin
souvenil iuteuse preacutecieux Inoubliable 1l1 fond de mon
cœur indicihlement eacutemu
lc tentoure de Illon manteau el ucst-ce pas un
symhole Ic tcuvcloppe dans la lciul ressc de Illon acircme
comme dans lin nuage protecteur le le berce dans les
flols de mon amour comme dans une cali vivifianle le deacuteroule 11 Illuur de toi la spirale de ines recircves lenvoleacutee
de mon intelligence comme lin jarugravein ougrave lu te promegraveshy
neras somptllellSemenl voilee COlllllle 1111 temple ougrave ln
rcglleras hieraliumllillellcnl lumineuse cuuuuc lin ciel ougrave
III blilleras nu-dessus de 10111 leacuteelal des etoiles
La barque sarrecirctait lenlement el nous aperccedilIcirclmes
grand pegravere qui arrivait aU-ltevant Je nOUS avec un
chaud raantcau pOlir moi
Ainsi que Jans lIle des Brllyegraveres mon fianceacute avait
passeacute son bras sous le mien cl lorque nOUS lljoignicircmes
LA CONQlnhE DE LIDEAL m
larrivant Jcnu-Hcneacute ne sccnrta pas dl moi el il lui
dit dun lon grave
- le voudrns VOliS cruln-asscr iHIlIISil~lIr el VOliS
dire merci de llIle jOIIlIl( superbe lplllheacuteosl dl 111011
seacutejour ici qui l~l la III a rchlaquo dor dl no re V i t
Le cher vieillard ouvrit S(S Ilr]~ rl une eacutemolion noushy
velle rndleig-Ilit lIIlOIl tandis (Ie dalls lair du soir
la erbc dglailline dont il muvail Ilcurilaquo embnushy
mait
27 Juillet
Lille tempecircte terrible sest eacuteleveacutee depuis lhlX jours
Dnburd un e pluie ch anrlc il lillg-ls gllllltes quun vent
violent a repousseacutee puis lin orag-e sec IJlI tonnerre deacuteshy
chiranlle ciel chargeacute lin combat de 1I11ages Iourhi llonshy
nants et les snulegravevcmen ls farIadiles de la mer halshy
lan le lor illolldalll la dllll( se pncipilant avec
furie coutre lu falaise
Oh (ltelles Iorccs incalculahlcs dans ces eacuteleacutements deacutechaineacutes
Les vaglles suuuveacuters se co~nallt les unes sur les
autres scmhl aicut UIIl allII(~ de eacuteallts dans le dlsllrdre
dIlne lutle I1III cl la rdalt Il (ollparI ail SOIllshy
Illet llIkvail IOIlI ltlII11l1 Idaflrhl Id 1(fllolail V(IS
la ealllpag-fle CO 11III( 1111( fI(i~t f101~01lIleUs(
Et celle armeacutee devcuai l de plus Cil plus eacutelccu-iseacuteegt
diaboliqulaquo fuulastiqucment impetueuse el meacutechante
11 fut impossihllaquo de sortir IHlr II~ vent eacutepouvantable
donl Je fracas hurlant el plain lit dont la lorce menaccedilanshy
132
~~~~~ ~~1J
)A CON~U~TB DB LtOilAL
te sacharnait sur le vieux manoir tremblant malgreacute ses murs si eacutepais malgreacute ses bases si solides
De la grnndebuie de la salle i manger nous avons contempleacute Edmeacutee el moi ce spectacle extraordinaire de furie et de tourrnente
Allcune voile Slll ln mel rieu il lhorizon mais la vile ne seacutetend pas loin ct nous savons que des navires et des barques de pecircche sont lagrave-bas dans le brouillurd
Aussi malgreacute la beauteacute eacutetrange et tormidnhle de ce spectacle d~ne lulle grandiose IIf)US avons eacuteteacute utlristeacutees car lacircme de lhumaniteacute sent combicn clic est solidaire lorsquelle est pregraves dun danger ou uune catastrophe
Edmeacutee a vibreacute comme moi nous avons veacutecu ensemble les mecircmes eacutemotions les mecircmes eacutetonnements les mecircmes admiraliins pendant celle tempecircte et ainsi pal lagrave-mecircme nous avons mieux encore retrouveacute notre eacutechauge dalshy
Iection
Elle sait que Jean-Heneacute sen va CclII la rend pensive Et toujours elle demeure dans sa rOUCCUI tris le
Lui est venu plusieurs fois nous voir malgreacute lourashygan Tout agrave lheure 1I1l instant nous avons eacuteteacute seuls Il
a releveacute ma ucircgure vers lui et comme lon boit dans une soif ardente il ma embrasseacutee sur les legravevres Notre ie nolre amour satttraleut seacutechangenicut se fondaient SlIshy
nissaient Jans ce baiser Et nous songions il la seacutepnration prochaine et 1I0lS nous aimions plus encore avec un pen de Irouble et dinquieacutetude de sentir linstant fugitif
~9 Juillet
Il nous a quitteacutes ce malin Une journeacutee seulejaent
LA CONQU~T DB LIDfuL iagrave3
depuis ce deacutepart Je suis comme seacutepareacutee en deux f Toute une partie de mon ecirctre la plus haute III plus belle tend vers lui j ce qui de moi leste ici ne peut que sentir la lourdeur des heures le potds de III solitude et je repasse sans cesse en 100n cœur ce mOlceau de temps qui vient de Seacutecouler ces quinze jours ladieux en lesshyquels jai plus veacutecu que dans toute ma vie jusque-Ii et
qui viennent de finir COmme emporteacutes par lui lui que jaime dont labsence meacutetonne et deacutejagrave me lasse A lavance jenvisageais celle seacutepalalion cOmme lon pcnse
dans les songes Elle me semblait lointaine presquilshyreumlellebull Maintenant il nest plus lagrave 1
Oh agrave bien tocirct mon Jean-Reneacute je ne peux plus vivre sans toi POlIItant ta penseacutee est une preacutesence continnel_ le enveloppante et Iu es tout pregraves de moi comme je
suis aupregraves de toi par le souvenir des 11~lIres lumineushyses par leacutechange actuel et par le merveilleux espoir
Telle quune immense confiance ma entraicircneacutee vers lui tel que mon amour sest de suile donneacute telle je veux que ma volonteacute ne soit plus que la sienne
Combien il me deacutepasse Combien souvent dun grand coup daile il sait memporter par SOn cœur noble par son intelligence profonde~ vers les recircve de mes recircves Jaime sa maniegravere saine et grave denvisager de comshyprendre et de vivre la vie 1 et parfois je me sens par rapport i lui comme une enfant trop urtificielle Une parisienne trop modelne trop peu de chose trop ocshycupeacutee encore de penseacutees miegravevres
Oh 1devenir de plus en plus el indeacutefiniment plus Une femme une vraie femme royale et somptueus ra enshynant autour delle le calme de J terce 1 pureteacute lulllibull
1 CONQUUgraveTE DR LIDEacuteAL134
1neuse le charme ct le repos attirent en elle les rayons toujours nouveaux de lintelligence et de lamour les 1 magnificences de la vie et toute la leacuteeacuterie des formes
parfaites
Oh reacutealiser en moi tout ce que lideacutee de femme eacutevoshyque de tendresse de beauteacute denthonsiasme de gragravece la lemme heacuteroiumlque des temps chevaleresques la lemme splendide des siegravecles de la Gregravece la lemme inspireacutee des Orients lointains Etre du soleil vivant 1 ecirctre le reflet des cieux et des mers ecirctre limage de la nature inshynombrable de la nature eacutepanouie ecirctre un fruit une
fleur un jardin Et quil en soit le Roi 1
Plus jeacutecoute la voix inteacuterieure la plus reacutefleacutechie la plus seacuterieuse la plus reacuteelle de mon cœur etmiddot plus je sais que la conception du vrai du bien J-lu beau du naturel qui esl celle de mon fianceacute est la meilleure et
la plus juste raison de vic ct de honneur
Ne ma-t-il pas dit
_ Tout ce qui neacutelegraveve pas iumlecircuraquo le diminue li taut que lc corps physique qui est la base de tout laccord psychique et intellectuel se manifeste et se deacutetermine par des actions droites et saines qui permettent seules son deacuteveloppement continu Il faut que lintelligence se libegravere salis cesse par lamour de la veacuteriteacute il law que lagraveme sagrandisse constamment dans le service de la
veacuteriteacute et de lutiliteacute
Et pour cela ne laissons entrer en nous par la penseacutee les actes les habitudes lemploi des jours lart
le travail que des eacutemotions et des aelions naturelles ~ tontes courageuses ennoblissantes et hautes li
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 135
En causant avec Edmeacutee hier je me rendais compte de leacutetat desprit de ln plupart des jeunes filles de netre eacutepoque en geacuteneacuteral elles nont pas assez confiance dans la vie elles manquent de deacutesir de courage despoir dattente elles se reacutesignent Avant davoir oseacute elles coupent elles-mecircmes les ailes lie leur recircve de jeunesse elles reacutefregravenent tout ce qui deacutepasse le milieu mesquin ougrave elles ont veacutecu et ougrave elles acceptent consciemment de maintenir leur propre destin Elles preacutetendent trop soushyvent que lhomme est mauvais que le Iland amou~shyest impossible agrave reacutealiser el concluent quon doit se conshytenter dlin bonheur agrave peu pregraves sur un chemin moins eacuteleveacute et ne pas recircver agrave limpossible
Cest quelles ne comprennenl pas quelles ne parlent lagrave que de la seule vie quelles savent vivre la vie allifi- cielle
Artificiel le monde ougrave elles sagitent artificiels ses vains plaisirs artificielles les passionnettes auxquelles les jeunes filles se laissent prendre et artificiels les jeunes gens laquo deacuteguiseacutes en hommes JI quelles croien t dignes du nom dhommes
Oh ne SUiVIC que la route de la vie naturelle si humshyble sentier quelle soit dabord 1 Ne plus se morceler dans linutile ne plus se donner au rien et vouloir senrichir seulement de ce qui augmente de ce qui inshytellectualise vivifie eacutevolue magnifie nulre ecirctre comshyplexe si feacutecond si riche pour qui veut sincegraverement leacutepanouir
Je veux arracher complegravetement en moi les mauvaises herbes eacutetouffantes que le monde quune eacuteducation pleshymiegravere superficielle peut y laisser encore afin de faire
gt ~
- ~
gt
~
~
LA CO~QEcircTR DR IIlFAL136
ccrmer croilre ct flcurlr mngnlflqncmcnt le grnnd
allire de vic
le veux repousser tout acle qui naccroit pas snshychant que lilutile est nuisible je veux savoir rompre avec roulage les ehaicircncs cntravantcs les prrjureacutes stushypides etrechelcher avec ardeur il raide de mon ineacuteshyhrnnlable appui la vraie vocalion de mon acircme ln plus haule et sa veacuterilnblc utiliteacute cal laquo nous naissons parshyleurs dun pli cnchcleacute raquo quil faut apprendre il ouvrir
pour y lire noire mission terrestre
o Jeunes filles mes sœurs l lc voudrais vous ouvrir ume porte sur la vic heureuse du mieux de mon pouvoir le voudrais vous dire combien lorsque lon entrevoit la reacutealiteacute haute on contemple avec un regret triste le vide et lagitation infructueuse du monde ininshy
tellectualiseacute f
Je voudrais vous dire quel immense bonheur on trouve il seacutelancer hors de lexistence banale jusquau lihre horizon de la conduite unifieacutee toute entiegravere tendue vers un but conscient puis apercevant les eacutetoiles de
lumiegravere il seacutelever vers elles en poursuivant son individushy
el ideacuteal r Car si les premiers pas sont arides en quittant
les distractions mondaines ou les habitudes que lon aime et qui prennent en soi tant de place faussement remplie lorsque lon commence il gravir la belle roushytc naturelle on y reacutecolte Ics fruits rares et exquis de ln joie dl vivre sur celle loule III sinceacuteriteacute et lashy
rnour Ilr-urlsse n t
Il Iant cultiver rn soi dabord les forces que lon
rl1fl(he et qlle 1011 d(isire trouver pour son han heur car c-s fOIClS dtvriorrrrl ntlircn il elles pnr affinileacute
LA CONQUlhE DR LIDEacuteAL f37
les forces semblables il faut avoir au moins en posshysibilileacute cc que lon veut recevoir dautrui le courage si lon veut sentir le courage des autres la sinceacuteriteacute qui attire la droiture lamour qui appelle lamour
Et ainsi naturellement fncilemenl la vic de noshyblesse ardente et volontaire incarne lideacuteal vers lequel
elle tend
Ilier soir un instant Il est monteacute jusque dans ma chambre Nous sentions que lheure passait rapide et quelle allait sonner la lin de ces premiers beaux jours
O mon hien aimeacute quand lu vins aupregraves de
moi ton front eacutetait soucieux ct chargeacute de meacutelancolie
Alors jai poseacute mes deux mains sur ta pauvre tecircte lourde et puis je lai caresseacutee doucemen l c 11 Ill celle
dlin tout petit enfant Et il me semblait que tu eacutetais vraime-nt mon petit enfant et que mes mains eacutelaien t
celles dune megravere
Peu agrave pen les plis de ton front se dissipegraverent et tu me souris longuement
Puis tu me pris III main tu la portas il tes legravevres ct tu la baisas avec tant de tendresse quun grand eacutelan
parcourucirct tout mon ecirctre 1
Alors - tout dun COllp - il me sembla quagrave mon 10111 jeacutetais un tout petit enfant dans les bras de son pegravere
Et je lnissai tomber ma tecircte sur ton eacutepaule et je me mis il pleurer de douces larmes de joie
Ce matin lorsque lu partis tu eacutetais si pucircle que jaurais voulu pouvoir de suite tout quitter pour te suivre
J
138 IA OONQUl~TE OK LWtAL
Mais tu mas dit avec force - Michegravele rien mainshyteuaul nest capable de nous seacuteparer Nous sommes deux en un il tout jamais Sois heureuse sois en paix ne laisse den le troubler Bienlocirct nous troushyverons dans la preacutesence de toules les heures le repos qui apaiseacute lharmonie qui fait eacuteclore la joie qui vishyvifie leacutelan victorieux qui dans l action feacuteconde affirshyme lindividualiteacute croissante parmi les champs infinis que lamour eacutetendra comme un ciel sans limites aushytour de nous Et je fais miennes les vieilles paroles
dont leacutecho nous a berceacutes
laquo Dans les journeacutees douces ou dans les jours amers Cl Dans les luttes ou dans les espoirs c Pregraves de toi ou tregraves lointainement laquo Toute ma vie et Au-delagrave raquo
31 Juillet
Quel bonheur Une lettre de Jean-Reneacute que je
relis mille et mille fois et dont le chant damour imshymense jaillit meacutelodieusement vers moi en cascades
protectrices et irradiantes
laquo0 bien-aimeacutee bieu -aimeacutee l Soyons unis dans lushyniteacute de lamour je laime ocirc lys ocirc rose dont le parshy
fum est de jasmin
Tu es douce tu ~s vaste ta mentaliteacute est droite et lucide tu eacutevolueras eacuteternellement en rectitude 1
Librement dans la lumiegravere tu agrandiras ton ecirctre par leacuteveil de toutes les possibiliteacutes 0 grande reine aimeacutee tu teacutelegraveveras jusquagrave toi-mecircme tu te legraveveras dans vta splendeur 1
IA CONQtl1~TE DI LIDEacuteAL 139
Tes paroles reviennent vers moi une il une tes penshyseacutees sont comme des colombes blanches
Tu me reacutevegraveles leacutequilibre agrave chaque instant aucune de tes paroles de veacuteriteacute nest perdue 0 chegravere lumiegravere damour jai taut agrave apprendre par toi
Comme tu sais eacutetreindre laction comme tu sais avancer sans cesse ta perfection sera une perfection inteacutegrale la blancheur de leacutequilibre sera autour de toi
Ta robe sera verte eacutemeraude et la vitaliteacute sen eacutemanera ton manteau sera rose ocirc indiciblement patheacutetique aimeacutee Les voiles saphirs de lin telligence seront autour de ta tecircte 1Tu teatourcras du violet de la puissance lor cie lessence parsegravemera tes echarpes
Que rlen de trouble ne puisse mrnro percevoir mon limeacutee
Je veux lui ecirctre un repos de force je veux ecirctre comme la protection de sa liberteacute 1
Tu eacuteclaires de ta preacutesence tout mon ecirctre qui sans cesse tentoure et tadmire et de tendresse iaeacutepuishysable te revecirct 1
Afin que les heures soient plus leacutegegraveres bien-aimeacutee que ta penseacutee vienne vers moi comme la mienrie est vers toi
Oh 1 combien tu embellis des rayons de ton pur et merveilleux ~mour mon agraveme deuml deacutesir et despoir1
Sois beacutenie dans leacutequilibre lamour la lumiegravere et la vie 1
Profondes sont nos profondeurs les aneacutees eumlpanoushy
__________millAlwn1itl6Mtmmiddotmiddotf bull bullbullmiddotbullrn----------------shy ~
140 LA CONQU~TE DB LIDEacuteAL
LA CONQllEgraveTE DB LIOacirc-lL 141
iront sans cesse lenivrante conscience de secirctre unis
~
il jamais 1
Unissons les trois torees en ure blanche hnrrnonie Enseigne-moi la miseacutericorde puisque ton acircme exquise
fer Aoucirct
Que la journeacutee dhier ma paru longue Comme jaurais voulu meacutechapper pour aller bien vile hien vile
L~~
~ veut accomplir partout le bien agrave faire
Tu es une fraicirccheur ombrageacutee ocirc donneuse de repos lui reacutepondre Enfin mil voici libre Il IIlC semble que toul mon cœur se reacutepand vers lui el tout Illon (llIl
que la lumiegravere en toi el en moi seacutechange est en alleacutegresse parce 1]l1C bientocirct il lira mil penseacutee
Que la force en mon ecirctre seacutelegraveve la force calme el bientocirct il tiendra en ses mains cc pnpier dans leque l
apaisante qui vivifie que toute nos penseacutees se perleeshy je veux infuser ma lendresse r~ tionnent jusquagrave leacutequilibre Teacutecrire quelle chose simple el eacutetruuge cl mCIshy
Depuis ton corps jusquagrave ta mentaliteacute et dans les veilleuse Teacutecrire eacutetats decirctre plus rareacutefieacutes tu es deacuteborJante de ta
beau leacute Je taime pour la beauteacute Michegravele je tIlimc Manoil de Ker-Noueacutel 1el Aoucirct
pour la splendeur 1 je taime pour tes recircves nobles 6 h du malin
et hauts pour ton enthousiasme sacreacute 1
o passive en qui le capable dutiliser et de
Etoile qui illumine la
Cosmos se reflegravete 0 sensitive diriger les forces bienfaisantes
terre 1
~
(( Oh elle est venue la belle lettre de mon bienshy
aimeacute elle est venue Ioule lumineuse comme un rashy
yon de soleil dans ln nuit milluminer et me reacuteshy
Jaime agrave laisser fluer vers toi lessor de mon admishylante tendresse vecirclement puissant du patheacutetisme inshy
chauffer dis apporteacutee
le malin el combien de joie elle ma
dissoluble qui conlient leacutetincelle la plus divine leacuteshy Oh Jean-Reneacute toul ce que vous me dites troushy
tincelle damour 1 ve 1Ii1 eacutecho profond dans mon cœur Parfois il Ille
Lamour f Lamour 1 Toutes les symphonies eacuteclatent 1 lous les poegravemes se reacuteveillent toutes les belles leacutegendes se legravevent 1
sem hie luc vous allez eacuteveiller louis en lui des germes tout decirctre cl parfois il me semble
des gelmes lnteuts enshyprecircts il chanter la joie
qllc cc sonl mes PlO
o musique extase ivresse ocirc Ideacuteal ocirc Recircve reacuteel 1ocirc chemin infini conjonction incessante 1 bull
ples penseacutees IC III exprimes comme eacutetant les tiennes El je lclis salis cesse cl sans cesse la chegravere messagegravere IIc Ion SOIlVCIIIcircI
Je taime et comme je taime tu maimes 1 Autour de toi avec toi en toi parmi toi agrave toi 1
A Ioule heure du jour ses phrases aimeacutees chantent en moi elles parfument les heures deacutesertes de labshy
c Jean-Reneacute _ sence elles me bercent de ta tendresse puissan le comme ~ le refrain tregraves doux dune musique exquise 1
-------lI
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteALH2
~
o les belles pages lant aimeacutees si remplies de toul ~
~ (1 ce que jespeacuteru is y trouver
La heau le de Ker-Nouegrave perd son charme depuis
que je suis scull il la contempler et il ln ViVlC Seule y suis-je vrnimeu] seule Non partout ougrave je suis jc sens votre pleacutesence ougrave je recircve je SCIIS votre
tendresse ougrave je pense je sens voire force ougrave jesshypegravere cc sonl OS yeux cest votre main cest votre cher visage qi mnpparaissent cl votre amour est url oland bercement dont les vagues me soulegravevent
mculrainent de bonheur en bonheur de pleacutenitude en
pleacutenitude vers un ciel dc supecircllle beauteacute
lrois jours oul passeacute avec lcnlcur depuis que nous sonunes loin lun de lnulrc Trois jours qui pegravesent
SUI moi deacutejagrave trop lourdement
Je suis hcnucoup avec Edmeacutec agrave laquelle je verse
dc Illon mieux qullllllS torees despeacuterance Je parle
aussi apregraves le dicircner i1V c glanu pegravere dans sa cham
bre L Et lors eesl vol re nom qui eacutemaille constammcnt
noire causerie inl irue
El puis le soir aV1I1 de me coucher je reste un
instant devnut ma tenegravetre grande ouverte SI)I la mel
el je pagraverle aux eacutetoiles qui mc reacutepondent Quelques
unes delles scintillent lollcmeut quelles paraissent me ~
regardcr ou IIlC sourire Et je mimagine (lue ce sont les mecircmes ltfliC III contemples Jean-Reneacute lagrave-bas agrave
~ Paris au mecircme moment
Et quelles lc chantent mon nom comme clics me disent le tien et que ccsl 1011 regard leveacute vers elles
~ quelles font redescendre SUI moi
LA CONQUtTB DB LIDEacuteAL H3
Hier je pensais avoir ainsi agrave travers les horizons
loinlains eacutechangeacute avec loi pal ma fenecirctre ouverte pendant quelques instants Jeacutetais entreacutee dans ma chambre VCIS dix heures Lorsque jai refermeacute ma croiseacutee minui sonnait
Peudaul deux heures je lai parle deux heures qui avaient passeacute comme des minutes mas-tu entendue las-tu comprise
o Jcan-Reneacute Je suis heureuse Jc suis heureuse que tu sois aupregraves Je moi comshy
me je suis aupregraves de toi
le suis heureuse ( Oh tellement heureuse ) dc poumiddot vcir tapporter du bonheur
Je suis heureuse hculeusc heureuse palce que je laime
Je voudrais en teacutecrivant savoir exprimer linexshy
primable Mais ne savons-nous IHIS (IIIC le silence parle
Lorsque nOlIS eacutetions aupregraves llin de lautre aucun
moment neacutetait perdu car nous avions toujours tant
de choses il nous dire ct (1 uand nous ne parlions
pas la graviteacute ardente des silences neacutetait-elle pas plus
belle notre communion plus luupide cncorc ne
seacutecha~geait-elle pas et ne 1I0llS cornpreuions 1I0llS
pas mieux ct davantage quagrave laide des paroles qui limitent
Notre retour agrave Paris est fixeacute au 4 aoucirct Mm lorgues
ft juslement eacuteteacute inviteacutee avec ses enlauts agrave passer ln liri du mois agrave Cabourg chez ugravees amis El agrave son eacutetonshynemenl (cal clic ne voil rien de leacutetnl ducircrue actuel desa Hile) Edmeacutee la supplieacutee daccepter cette disshytraction
LA OONQUEcircTR D~ LIDEacuteAL 1H
A bientocirct donc ocirc mon ami A bientocirct Que cest doux deacutecrire cela que de promesses et despoirs et de joies et deacutemoIions enfermeacutes dans ce petit mot magique
Allons ensemble pal les lumineux sentiers toujours
plus haut toujours plus loin vers les sommets fleuris et radieux et ltIlle llin de nous Ile deacutepasse jamais lautre llue pOlr Ientruicircner plus avant
Voici que jai penseacute lfue lideacuteal de la femme cest darriver agrave incarner lideacuteal de celui quelle aime
Et toi tu maugmenteras toujours et ce que tu ajoutes agrave mon ecirctre et que je veux sans arrecirct reacuteashyliser de mieux en mieux cest bien aussi moi-megraveme dans ce que jai de plus haut et de plus fort moi toute eacuteveilleacutee pal ton amour toute embellie ltle ta tendresse
A bientocirct mon cheacuteri mon aimeacute mon soleil et mon roi A bientocirct triomphal ce mot sonne et reacutesonne en ondes vivantes qui palpitent et en myriades de lushy
miegravercs eacuteblouissantes jaillissent et irrudient jusquau fond de mon cœur miraculeusement
Que degraves maintenant SUl la mel de notre vie notre nef enthousiaste vogue de force en force vers le port lointain ct monte plus encore dans la monteacutee
~nlinie qui par de lheure du temps pOUl jusquagrave leacuteterniteacute
Voici quelques peacutetulcs des loses pourpres qlle tu pl eacutelegravercs et puis voici mon agraveme abandonneacutee
Toute agrave toi Michegravele
laquo Michegravele 1 Michegravele 1
i~~
~ -- Ir ~ middoti
tA CONQu~rRDE L~OAL
(Et je nai rien dit agrave cocircteacute de ce que je voudrais dire )~ ))
or Aoucirct 0 heures du soir
(Cest une lettre de Jane Kousta que je viens de recevoir enfin 1)
CI - As-tu un peu penseacute agrave moi qui ai si soushyvent eacuteteacute dans mes recircves aupregraves de toi Tu sais le sombre destin ougrave je me suis traicircneacutee jusquagrave maintenant agrave travers des palais leacutethargiques parmi les fausses lumiegraveres dun monde sceptique sans foi et sans ideacuteal lumiegraveres brillantes qui attirent et qui brucirclent sans eacuteclairer tu sais combien mon deacutesespoir crise fatale paroxysme redou table me fi t deacutevaler lacircchemen t vers les gouffres sans fond
Sais-tu maintenant la torture de mon cœur dont les lambeaux eacutepars se reacuteunissent uri agrave un et aggloshymegraverent aujourdhui en Ionae vcomplegravete toute leur
1puissance retrouveacutee toute leur passion belle et ardente vers le Seul qui devait le posseacuteder tout entier inteacutegral cc malheureux cœur deacutechiqueteacute 1
Je Igtleure et jespegravere je pleure et jaspire 1 El peut-ecirctre ces larmes-lagrave les premiegraveres lalmes dignes de respect et sans doute aussi de pitieacute que verse mon ecirctre douloureusement meurtri peut-egravelre ces lar~es me laveront-elles de tant de souillures
Je sais heacutelas que le deacutesespoir regravegne et que la souffrance et la plainte eacutemanent de tous les porcs de lunivers 1
i
c
------- ---
Hn LA CUQU~TE DE IIDEacuteAL
---------~---__-- - --- ---__----shy
Oh 1 ces vagues qui se tordent sur la gregraveve en geacutemissant et qui allaient mengloulir Oh ce vent qui pleure lamentablement dans la forecirct et dont la plainte me hanle ct meacutetouffe 1 Oh ces nuages deacuteshychireacutes par leacuteclair et dont la foudre meacutepouvante 1 Oh tous ces arbres qui se penchent et qui se reshylegravevent sous Iassuul de la tempecircte pom retomber encore pour plier pour ecirctre rompus et terrasseacutes
pal le poids de celle souffrance effroyable de la
reacutesistance vaincue Oh 1 tous ces spectres vivants du
deacutelire du malheur du crime des maleacutedictions du deacuteshysespoir de la deacutefaite du deacutesir inassouvissable r
JI lem crie agrave lous Arrecirctez 1 Je leur vcrie Arshyriegravere arriegravere enfin 1 enfin 1
Car enfin jai rencontreacute ma torce ma protection mon sauveur et ma foi
El je veux quil ne soil pas Irop tard Oh 1 par pitieacute pas trop lard Je veux croire que loul ce que jai amonceleacute de drarnes pal derriegravere moi que tout ce
que jai attireacute de deacutesordre autour de ma vie ne pourra
assombrir la lumiegravere si pure ne poulra taire obstacle agrave la Destineacutee nohle ct large qui seacutelegraveve devant ma
roule Enfin enfin
Te souviens-lu dans ma derniegravere lettre de lEloile lumineuse cl lcelle (lui avait eacuteclaireacute la hideur de mon
miseacuterable sol
Cette Etoile ceacutetait celui que tu appelas un jour IL la figure de lavenir celui dont tu me parlais malgreacute ]t
rnes fautes en le deacutesignant sous le nom beacuteni de laquo ton premier amour )l bullbullbull
LA COXQUEcircT DE LlD~Ar H7
Cheacuterie je viens dans lespeacuterance encore humble et timide de tout mon ecirctre cruinfil Je laul de bonheur je
viens le dire merci davoir compris ce quil ) avnit de meilleur en ruoi merci el plus (IUll merci de III avoir aideacutee sans ten douter peul-ecirctre (el Iau l aideacutee lal les bonnes derniegraveres lettres encore) agrave reconnailre ougrave eacutet aicnt les nais henuleacutes de la vic merci merci d rna rCConshy
naissance repenlnnte il toi qui sus garder pal 111 douce droiture Vestale sacreacutee la derniegravere eacutetincelle pUIC
qui vacillait au-dessus de moi au-dessus de ma vie de
deacutesordres eacutetincelle que tu proteacutegeas pieusern-nt pendant plusieurs annees qui sans toi se serait eacuteteinte et qui
fient splendidement de silluminer toute en aurore radieuse dans 111 rencontre de mon premier amou
Il est lagrave 1 Il est ici 1 El cest bien Lui 1
Oh je voudrais que tu le connaisses bientocirct mon amie
celui qui a pris tout mon ecirclrc celui qui seul peut
effacer le passeacute moindre celui qui peul trrcnnohlir en macceptant comme sienne dans la commuuion pro
fonde de nos limes ravies lune par lau Ire pour toujours
Je laime dun noble amour fidegravele infini et pOUl la premiegravere lois ce quil y a de plus pur en mon ecirctre sincline eacuteveilleacute charmeacute exalteacute en admiration devant
celle Intelligence complexe et merveilleuse devant ce
haut caractegravere de volonteacute et de rectitude
[larry Wannshield est un homme
Oh comme jai longtemps llreacute avaul de le conuailre 1
que la terre est un grallJ dSI tJIIil y a peu dhommes SUI lcrre l Et cruira is-f u ltJUl si ma rie jusquici avait lleacute plus droi llaquo nous 1l11lIumlltJflS pu nous trouver plus locirct Il ma rcncoutreacutelaquo il y il trois ans
Hg LA COlQUEcircTB DR LIDEacuteAL
ans deacutejagrave plusieurs fois agrave Paris chez Lady Baret et malgreacute une intense attraction vers moi malgreacute mecircme de reacuteelles souffrances il sest eacuteloigneacute sans me laisser le temps de le comprendre devant tous les troubles infeacuterieurs dont jeacutetais alors prisonniegravere et desquels je
na vais pas encore la force de sortir r
Degraves mon arriveacutee agrave Interlaken il ma reconnue
Nous eacutetions descendus au mecircme hocirctel et moi jai eacuteteacute dabord profondeacutement blesseacutee et malheureuse de son
meacutepris
Oh comme jai pleureacute que de regrets inextinguibles de remords brucirclants de lourde tristesse 1 Puis jai
compris
Jai comprisque ma nature violente et indompteacutee eacutetait seule cause de ma deacutetresse et que ceacutetait peut-ecirctre un avertissement salutaire que je sois ainsi arrecircteacutee agrave temps sur une pente fatale par un laquo Halle-lagraveraquo de la Destineacutee
La doulesr comme un chien mord les talons du lacircche Qui dun jour neacutegligeacute surcharge an lendemain
Oh1 que je les ai meacutediteacutes ces deux vers 1 quils sont justes 1 Et comme la douleur est bonne parfois agrave celui qui nest pas capable heacutelas deacutevoluer sans elle 1
Seulement vois-tu Michegravele il vnul mieux la devancer il faut que lintelligence humaine du sage arrive agrave preacuteshy
ceacuteder lexpeacuterience ce qui fuI impossible agrave linsenseacutee que
jeacutelais
Jai Ileaucoup reacutefleacutechi agrave tout cela
Enfin il est venu un moment ougrave jai accepteacute comme une purification et mecircme cheacuteri loceacutean de peDseacute~~ dou-
LA CO~QUEcircTE DE LIDEacuteAl 149
loureuses agrave travers lequel seulement je pouvais remonter vers lui
Alors jai brusquement rompu avec Talbrut Je savais en le faisant que celle rupture eacutetait deacutefinitivement la lin Je mes deacutesordres Et forceacutee de vivre dune faccedilon beaucoup plus simple jai ducirc quitter lhocirctel ct bullhabiter la modeste petite chambre ougrave je suis reacutefugieacutee et~ seule maintenant
Michegravele1 Miehegravele1je suis tellement sucircre de necirctre plus Of -
la mecircme et de lui apporter tout ce quil espegravere trouver en moi de nouveau de sain de bon de vrai
Oh il faut quil le sache il faut quil ait confiance fout agrave fait il faut quil soit sucircr de moi
Je lespegravere si intenseacutement et je le crois Je sens quil plaint le cocircteacute sauvage avide bondissant et deacuteseacutequilibreacute de mon ecirctre comme il comprend mes aspiralions proshyfondes et belles
Il maime ma petite Michegravele il maime Oh1 ces mots 1 Mon cœur brucircle en les eacutecrivant Des larmes tombent de mes yeuxi Cest mon agraveme qui se fond El je pleure davoir trop pleureacute 1
Je suis tantocirct dans lextase calme et espeacuterante du vrai bonheur enlin cornpris enfin trouveacute Dans ees mornenls-lagrave cest en tendresse reconnaissante eacuteleveacutee respectueuse vibrante dune eacutemotion douce et profonde que je meacutelance vers lui et tantocirct un poignant sentiment de deacutecouragement mabat ct me terrasse
Jai peur mysteacuterieusement de souffrir de souffrir encore
Mais toi cheacuterie toi que penses- tu de ta Jane
110- - ______________________ _ bullbull _ bullbull __ 0 __ bullbull bullbullbullbull _ ~u ~ fl~ n JJJIIIIIII
HiO lA CON(~UlhR DR LmEacuteAt
Iliconlc-moi cc quclic doil Iaire Et puis parle donc un p~1I Je toi aussi Jai cru sentir dans la derniegravere lettre 1In souffle dalleacutegresse lellemeul parfumeacute despoir que je voudrais de les nouvelles plus preacutecises Me suis-je trompeacutee Ai-je lu seulement dans tes lignes affectueuses
et for-les le reflet de ma proplc espeacuterance Pari Micaeumlla1 Et pense agrave la pauvre acircme tourmenteacutee en laquelle
viennent deacutemerger impreacutevues et superbes tant de possishyLilileacutes enfin joyeuses et sereines
Doloregraves raquo 2 Aoucirct
Tout-agrave lheure une amicale discussion eut lieu encore SUI cc sujet qui lanl de fois fut abordeacute indirectement
pendant notre seacutejour ici et qui fut preacuteciseacute davantage
aujourdhui Mme Torguegraves seacutetonne agrave chaque inslanl du systegraveme
deducation trop large agrave son greacute avec lequel je suis eacuteleveacutee cl mentendant causer de Jane avec Edmeacutee elle dit agrave grand-pegravere - Javoue lue je ne vous comprends pas M Vnzanne de luisser ainsi Michegravele se lie l Jc plus en plus avec ~11Umiddot Kousla Cal elle a une conduite plus qucxtrnordinaire et toutes ses amies de pension comme Edmeacutee cl lanl dautres ont ducirc dabord espaCCI puis inlerrom pre les rela lions avec elle
- Par quelle loi Madame me suis-je eacutecrieacutee aurait-on le soi-disant devoir Je mentir agrave ses sentimenls reacuteels Cest agrave-dire pour quelles raisons dcvrnis-je eacuteteindre en moi laucircectiou sincegravere el profonde qui me lie agrave un ecirctre
Pourquoi retrancher quelque chose de vrai et dintense que nous apportc la vic J-~-Qn jamais trop deacutechanges
gt
LA CONQUEcircTE DR LIDF-AL 15t
veacuterltables raffineacutes et intelligents Amiddott-on jamais trop damitieacutes vraies A-t-on donc jamais trop de tout ce qui embellilla vie de lhomme par la preacutesence de lhomme
- Vous ne savez pas le tort que peut vous faire dans le monde cl pour votre avenir Michegravele reprit Mnbull Torguegraves lintimiteacute que vous avez avec une Jane Kousla
- Du tort aupregraves de qui repris-je doucement Ceux qui me connaissent ne peuvent se laisser influencer par rien de cela je pense
Oh t je vous assure Madame nont agrave redouter les opinions du monde que ceux qui reacuteellement veulent lui cacher quelque chose lEt nous nous coupons davantage les chemins de lavenir par tout ce que nous retranchons de lexistence craignant les preacute]ugeumls ou les jugemenls seacutevegraveres que par ce que nous faisons geacuteneacutereusement fleurir et eacutepanouir de ce que la vie libre forte et complexe nous oflre de reacuteelt
- 11 est certain comme le disaient les Latins quune amitieacute nest vraiment solide que si elle est baseacutee sur lintelligence interrompit Edmeacutee
- Cependant lintelligence nest pas tout reprit Mm Torguegraves
Et jai continueacute
- Jai foi en le relegravevement possible de Jane el je crois que je peux souvent lui faire un peu de bienEt puis jadmire les somptuositeacutes de sa nature sincegravere chaud et douloureuse
Jane souffre personne ne sail combien elle souffre1 Elle-mecircme lignore peut-ecirctre encore car il y a souvent
middot middot middot~-~V111V1l1-)middot tlbullbullrl~IY~~middotfmiddot~imiddottril1f~lrVljmiddot7i11~~fmiddotI mAr~~~rHI(fCcedilr~1riTT11-1111~V1((lI~~nnT(IonrVINnwfVampGVr u-__bull ~ _ _
1 LA COQll~m DI LlD 1
dans un cœur aussi vnsle des larmes verseacutees par une pari inconsciente de Iegravelre donl la conscience plus complegravete ne sent (Iur plus larel toule lamertume
Et la souffrance de ma pauvre et tragique amie deacutepasse tellement ses excegraves lt]Ui1 ne seruit pas charitable de lui jcler la pierre
- La seule chose quon puisse lui reprocher agrave mon sens dit grand-pegraverr cest que parfois ellc a fait souffrir le ne suis ni eacutetroit ni piniluin III le sais Michegravele mais
je nai jamais pu admettre la morale de ceux qui
foulent sans scrupules sous leurs pas orgueilleux les
bonheurs d~utrui
Lhomme a en lui une notion du juste et de linjuste et ce qui est injuste el coupahle surtout pOUl une intel shyligence cest le mal fait agrave dautres raquo
Comme M Torguegraves semparait aussitocirct de lideacutee de
grand-pegravere pour laccentuer encore jai de nouveau
reacutepondu
-- Bien entendu je ne veux pas deacutefendre les deacutetauls de mon amie mais seulement ses vertus
Elle est malgreacute ses torts un ornement de valeur et de
beauteacute dans ces landes arides qui forment ln terre landes qui pourraient devenir un merveilleux jardin de richesses feacutecondes si les ecirctres qui composent lhumaniteacute eacutetaient plus souvent de preacutecieux ornements de valeur ct de beauteacute Jase a une acircme vaste une acircme pleine de posslhilileacutes pleine de gClmes et de treacutesors J~lIe peut passer Cil heacuteroiumlne dans la vic au milieu des foules amorphes ougrave clic resplendit comme un phare dans 1i4 nuit comme un diamant parmi du silex
LA CONQJ~TE DI LmFAL Jr)3
Pourquoi nc pas admirer ce que son ecirctre a de supeacuterieur et de royal malgreacute les deacutesordres dont elle soul1re el quelle arrivera sans doute agrave dominer
Et puis mecircme agrave Paris qui esl cependant un centre de lumiegravere reacuteelle la plupart de ceux qui deacutepassent la moyenne des ecirc lres par une belle et noble in1lividualiteacute
son t pris - eu x aUS5~ - da ns lous les capriees ct les plaisirs qui agitent les inutiles existences de tant de Iutiles creacuteatures ils vivent trop en parade et ne sentent
que peu profondement ce qui nest pas leur inteacuterecirct immeacutediat ou linteacuterecirct des quelques oersonnes famille
ou amis auxquelles i1s_ ont dor aeuml de leur affection
Jane elle a une intelligence extlnordinailement vibrante pour tout ce (lui est geacuteneacuterositeacute P()UI lout ce qui est vie progregraves efforts volonteacute de transformer volonteacute de Iairo de faire mieux de faire plus de lclisel
un peu de tout cc que lhomme endormi peut eacuteveiller en lui agrave certains momenls dnspilntions haules el volonlaires despeacuterances de justice plus noble de bonleacute plus grande de bonheurs plus harmonieux Elle est une
de ces trop rares natures qui osenl qui cherchent qui
palpitent qui franchissent hardiment les vieilles ideacutees dhier pour sans cesse recircver plus haut
1shy
AJlIcircl
Il pleut La Bretagne est grise Ker-Nouheumll est morne
Temps de deacutepart Nous quiltols le M1noir demain malin lous ensemhle cl jen suis bien heureuse lIII
pour moi lacircme de cc pays est partie
__
t5~ LA CONQr~TR DE (rDecirclL
Tout me semble ville deacutecoloreacute le preacutesent me paraicirct deacutejagrave dans le passeacute Je hacircle les preacuteparatifs et voudrais
pouvoir hacircter lheure
) AoucircL au sail
Une nouvelle messagegravere de mon Bien-Aimeacute qui me reacutechauffe le cœur dans un grand eacutelan damour
Paris 2 Aoucirct
Ma toute Cheacuterie mon Etoile de Bonheur Je reccedilois agrave
linstant la douce lettre dhier la lettre exquisement douce agrave tout mon cœur et je teacutecris tout de suite afin que tu aies un peu plus de moi eucore avanl la merveilleuse rencontre degraves apregraves-dcman soir nest-ce pas ma rose -~
aimeacutee
Et je tenvoie louLe ma penseacutee tout mon merci eacutemu et glorifieacute des lignes a-lor-ables ct magnifiques qui chantent en moi les hymnes de la conjonction eacuteternelle 1
Si vous saviez ma Michegravele adoreacutee comme voIre eacutecriture votre style lous -cs mouvements de votre ecirctre si beau sont ceux que je comprends que je peacutenegravetre que je reccedilois quc jadmire que jaime
Ce fut pour moi un tel enchantement de YOUS lire 1 un tel eacutemerveillemen t un~ telle extase 1
Depuis que je suis ft Paris je me promegravene tous les matins ail RanclaglI cl je passe reacuteguliegraverement avenue Raphaeumll devant vulre joli home cc deacutelicieux hocirctel enfoui dans la verdure
Et hier ce me fut UIlC grande joie dapercevoir les volets ouverts les domestiques preacuteparant la maison pour
___~A~__
LA coxcuugravera DR LiDEacuteAL 155
votre retour le jardinier dehors toute la vie revenue tou t orgnnisan t votre proche arr veacutee
Si vous quittez KermiddotNollhiH apregraves-dematn matin vous serez sans doule gare Saint-Lazare agrave onze heures et demie du soil Je nose aller vous y chercher malgreacute len vie ardente que jen ai
Mais voici ce que je compte faire si M Vazanne ny voit pas dinconveacutenient jatlendrai vers minuit devant la porte du jardin avenue Raphaeumll Je vous aiderai agrave descendre
de voilure je vous souhaiterai 1 le bonsoir et si votre gland-pegravere me II permet si ma preacutesence ne doit pas vous gecircner si vous necirctes pas trop faligueacutee du long voyage bull jentrerai avec VOliS dans votre demeure ougrave nous passerons de suile les premiers les deacutelicieux instants f
Ne trouvez-vous pas que voilagrave une combinaison hellleuse
Ainsi en tous les cas je vous aurai vite degraves apregravesshydemain je vous aurai parleacute je vous aurai entendue ocirc ma cheacuterie cheacutelIcirce1
Quel bonheur Que de choses agrave se dire Ecirclre pregraves 1 tout pregraves de toi ma Michegravele approfondir sans cesse notre harmonie 1 Aimer 1 el ecirctre aimecirc Jai un besoin infini de tendresse de compreacutehension de libre sinceacuteriteacute de coopeacuteration et de Ion serait impossible dalleudre Je suis tellement insatiable incessanle Cil Comment
bercement fidegravele Il me encore pour le rt~v~r de loi el de ta preacutesence
pourrnis-jn patienle jusshyquliu Iendemaln de Ion relum- eacutetant si pregraves apregraves si longtemps
Lorsque tu arriveras je ne saurai peut-ecirctre que me
bull
1f) L cO(~lJlhE 08 LIDEacuteAL
taire ct te regarder et prendre la main mais nous aurons la cerfilude que les immensiteacutes de nos acircmes el de tout notre egravelre seacutelancent ct se confondent ct en silence ou en paroles banales dans lesquelles eacutetincellcron l les g-emme~ damour ou en mols enlaceacutes nous senti rons lextase de la rencontre ideacuteale
Mon cœur vers loi sen va sen va deacutelicieusement
Et toi tu viens agrave moi li mon royal treacutesor 1
Viens viens je taltends A toujours cl il toujours sois couronneacutee de mon amour sans fin ct snus limites
Jean-Reneacute
gt1shy Paris 5 AoIcircrt
Lomnibus du chemin de fer snrregravea devant notre porte
Une eacutemotion profonde metreignait Dans le SOli deacuteteacute la haute silhouette attendue sapprocha
Et tandis que gland-pfre descendait Je voilure nous nous serracircmes la main intenseacutement
Les dome~ti(IUeS accouraient chercher les bagages
Et nous sommes entreacutes tous les trois agrave la maison une exquise surprise my attendait
Dans le salon ougrave les lumiegraveres beaucoup (le lumiegraveres
toutes allumeacutees brillaient gaiemenl une abondance prodigieuse de fleurs blanches envahissaient les meubles et en profusion garnissaient les potiches et les vases samoncelaient en gerbes Ieacuteeacuteriques seacutelululcnt en bouquets eacuteparses
gt sur les lapis ou piqueacutees autour de palmiers et
de plantes vertes
LA COXQV~TE DE LWKAL 157
Des lilas blancs et des lys surtout et des roses et des arorncs ct des jasmius ct des aneacutemones et des orchideacutees teinteacutees de mauve et des tubeacutereuses enivrantes
TOlite une recircverie de fleurs damour
Jean-Reneacute sexcusait preslue aupregraves de grand-pegravere de la Iiberl(~ prise de cet envoi laquo mais comment ne pas mateacuteriiJlisel lin peu disait-il tous les chants dattente cl
de bienvenue qui milluminent ct quexhale en ondes si puissantes mon ecirctre profond raquo
Etle bon vieillard linterlOmpit doucement
- Vous avez bien fait mon ami de transformer ce salon en un jardin damour pousseacute et fleuri pour ma
petite Michegravele don t les yeux brillants me disent toute la joie eacutemue et douce
Vous avez raison de laimer comme VOliS laimez et je suis heureux lIegraves heureux croyezmoi bien de donner
son avenir et sa jeune vie si riche agrave votre grand ct noble CŒlII
Aimez-la bien aimez-la chaque jour davantage
Dans peu danneacutees peut-ecirctre VOliS serez son seul protecteur son seul appui dans lexistence et je voushy
drais que vous VOliS appliquiez agrave deacutecouvrir toujours
mieux tous les treacutesors enfouis dans sa vaillante nature tous les treacutesors que vous pourrez y eacuteveiller encore et y faire naicirctre par votre amour
Cal lamour vral comme celui qui vous unit mes enfants est le plus merveilleux creacuteateur deacutepanouisseshymen t con lin uel de transformatlons et de progregraves incessants D
Alors grand-pegravere passa le bras de mon bien-aimeacute aulour de ma ceinture et seacuteloigna agrave pas rapides
bull_
11
_
158 LAgrave COQUEcircTR DR LIDEacuteAL
Jean-Reneacute avec une force passionneacutee mallira vers lui et notre longue etreinte fut radieuse
Comment deacutecr-ire linexprimable Comment limiter par des mots Iimmcsurnb le
Ou mieux pourquoi mecircme deacutevoiler en moi jusquagrave vouloir me les deacutepeindre consciemment toutes les eacutemotions ressenties si profondes teus les bonheurs les plus sacreacutes toutes les secregravetes espeacuterances
Non je veux me taire je ne veux pas amoindrir en lexprimant la beauleacute des sphegraveres cacheacutees les plus hautes et les plus lumineuses de notre eacutechange et de notre communion
El mon acircme a son sanctuaire que Lui seul peut peacuteneacutetrer
- Merci mon Jean-Reneacute disais-je de celle symshyphonie de fleurs el de parfums qui entoure notre tenshydresse de son alleacutegresse de gragraveceet de torce de son charme meacutelodieux de son mystegravere peacuteneacutetrant
Les fleurs sont si bien laites ponr bercer lamour et latmosphegravere toute lemplie delles est si douce si extasieacutee pour envelopper cette heure inoubliable de notre rencontre eacuteternelle
Et ce fut le grand bercement des paroles
- Il Y a si longtemps si longtemps Michegravele que je luis seul tregraves seul si peu compris
Il y a beaucoup plus que des anneacutees il y a lanl de penseacutees1 il Ya lant de deacutesirs tant despeacuterances deacuteccedilues t
Mais ln es venue el te voilagrave1 El comme il est vrai que lon grandit quand 01 aime un ecirctre nouveau il est bien vrai que ln vic ne commence que Iorsquelle se
LA aONQueacuteTR DE LlDEacuteAL 159
retrouve Se peacutenegravetre sexalte cl seacutemerveille dans 14me droite lidegravele tendre de celle qui ltun geste lent et sucircr
dune ligne volonlaire vient en feacutee des jours anciens nous eacuteveiller agrave notre recircve mecircme
Vous changez ma nuit en IllIniegravere cl le flambeau de votre ideacuteal qui nous illuminera sans cesse est auss] haut et pur quune eacuteloile de infini Merci de renoncer par amour agrave la vie brillanle joyeuse eacuteclatanle que vous pourlIumlez avoir si taciement dans le monde et de libreshymenl accepter ma voie de rcaiiteacutes seacutevegraveres de disciplines incessantes el de classification de LOIILes choses en vue de lŒuvre agrave accomplir
- En choisissant ainsi lui aimiddotje reacutepondu j~chilDge le meacutetal clinquanl pour de lor pur et le simple cristal pour du diamant sans prix
Et puis si noIre chemin na pas le faux eacuteclat des vaniteacutes mondaines nesli1 pas eacuteclaireacute des lumiegraveres si douces de la paix de lharmonie nesl-il pas beacuteni dans ses espeacuterances merveilleuses JI
Longtemps nous avons eacuteoqlleacute ensemble les projels dun avenir de lIavai et de tcnuresse longlemps les imiges de nos recircves dresseacutees au Iour de nous nous ont entoureacutes et nous ont berceacutes dans un grand souille denthousiasme
Et les heures senfuyaient leacutegegraveles pleine ef adrables
Il ma parleacute de la bague de fia1iccedilailles bull et ensemble nous avons convenu ltun beau rubis cllneacute qui est la pieTe damour lIl toureacute ugravee peliles eacutemelaudes
- Bientocirct me dit-il je vous passerai 8U doigf cet lInneau symbolique en signe de la prolection et de
_~1 )~Inl~~i ~~~~ ~~i~~WSj ())i~Iii(tiiiii~rTxW ~~ X Y )~ r~)ji~ ~i i li) ~X~gi~ i i)1gt1)gtmiddotiI~ ~ f l ll bullbullbullbullbull _ bull
161
1GU LA CONQUI1TE DE LIDEacuteAL
lamour dont je vous entoure et vous enveloppe cela sera le sceau visible de nOS merveilleuses flanccedilaillesi
Michegravele je te confie mon bonheur je te confie mon espoir cl mes ar-lents deacutesirs pOUl toute la vie Jai en toi une confiance infinie que tu feras fleurir ce quil y a de meilleur en moi ct que je te donne avec toute la foi pure et haute de mon amour enivreacute
Michegravele 1 Michegravele 1 laisse-moi agrave toute heure vivre aupregraves de toi deacutesormais les minutes qui nous seacuteparent sont des amoindrissements de seacutereacuteniteacute et de vie
Et sois radieuse et belle Ocirc ma cheacuterie et sois toute baigneacutee damour el aspire vers tout ce qui augmente et vivifie notre ecirctre
Sois eacutepanouie dans ta beauteacute teacuteerlque sois rayonnante de notre joie raquo
Lorsque grand-pegravere enIra nous preacutevenir de lheure tregraves tardive dans la nuit deacutejagrave avanceacutee Jean-Reneacute lui demanda sil pourrait bientocirct venir nous voir avec s~
megravere qui a si grande envie de me connaicirctre
Il fut alors deacutecideacute quapregraves demain malin Mme Formant et son fils deacutejeuneraient avec nous
Je le reconduisis jusquagrave la porte au boul du jardin ougrave longuemeat encore sous la nuit molle et chaude qui seacutetalait autour de nous comme on boit le parfum des fleurs deacutelicieuses nous avons eacuteehangeacute et confondu la douceur de notre extase
tA bONQU~TB bE LIDtUuml il
xx UAoucirct
r ute io baigneacute des grande~ co~v~rsafioris ~ui ~Jllt
pendant ces que(lues jours illunUgraveneacutee et c6mme g~ndie jeacutecouteacute nies penseacutees ea eacutecho
Tout ce qui naugmente pas Jecirctre le diaHilue Tout ce qui ne grandit pas abalsse Tout ce qui nembellit pasabIcircme Rienmiddot nesl indiffeacuterent Rien
Pas une penseacutee pas un acte pas une paroJe pas un ~este pas Une heure
Leacutechange moindre la conversatidn banaJe eutraven t celui qui veut monter
Pour reacutealiser un grand id~al il faut que toute Ja ie tout ce qui Ja tait tout ce qui JJanime tout ce qui rapproche tendent vers cet ideumlal Il ny a pas de demi mesurs Linit~eacute a horreur des tiegravedes et comme la dit Nielzche li il faut ecirctre dur JI pour lIdeacutee Cenest pas eh acceptant les habitudes ordinaires te nest pas en parshy
Iicipant aux mœurs dUne Civilisation deacutecadegte agrave ce point ce nest pas en se nieacutelangeant au monde tel quil est quon peut former le monde futur
Daucuns crient laquoNotre eacutepoque est feacuteconde admirable supeacutelIcirceure raquoEn veacuteliteacute leur ideacuteal nest pas eacuteleveacute et ceuxshylagrave nont pas complis ce que pourrait ecirctre la vie les posshysibiliteacutes admirables qui sont en elle et (luels effroyable gasplUages on tail du temps
1 Cest un grand piegravege que celui de Jamitieacute Lecirctre qui aime mais qui refuse de suivre celui qui va plus Joln
versla sagesse sait se plain1re et apitoyer autrui nest-il pas abandandonneacute par lami hautaiD orgueilshy
_ ---shy
162 L~ CONQU~Tll DB LIDhi
Leux infidegravele qui pour une ideacutee supeacuterieure ou soi-disant telle a le cœur doublier laffection la tendresse le deacutevouement lamour peut-ecirctre de celui qui leste le niegraveme
Mais toi qui aspires agrave monter suis ton chemin Ne te laisse pas fixer par celui qui veut rester le mecircme Essaye de lentraicircner lagrave ougrave te portent tes pail hardis explique-lui ta penseacutee et console-toi de ce que Ion incompreacutehension fait pleurer en toi en essayant
de lui euvrir la porte du Sentier
Sil laime assez il comprendra ou alors cest quil est trop loin de toi et tu nas plus le droit darrecircter la vie et le progregraves en toi pour rester proche de lui en arriegravere
Cherche leacutechange de celui qui teacutelegraveve (lui tapporte qui teacutevolue
Donne agrave ceux qui suivent ton chemin et que tu peux aider agrave marcher vers la lumiegravere Ne te limite pas agrave ceux t1ui refusent daimer son eacuteclat ou (lui nient sa reacutealiteacute
Si tu en souffres deviens-en plus fort Nobscurcis jamai~ ce que tu ~s compris en le meacutelangeant et en le teintant de la penseacutee qui lamoindrait Il Garde toa cœur pius que toute chose quon garde raquo Et comme la dit lApocirctre ~e divise pas en toi le corps unifieacutebull
Souviens-toi du Lekhlekha (i) Biblique Avant de donner agrave Abraham sa haute mission agrave remplir lEternel dit agrave Abraham laquo Tu quitteras ton pays et le lieu de ton parentage raquo
Et pourtant Abraham eacutetait neacute il Or (Lumiegravere) en ClutIcleacutee Et la lumiegravere chaldeacuteenne (Aor) eacutetait deacutejagrave pro fonde
(t) Abandol1ne
tA dONQU~TE illt LIDEacuteAL 163
Mais On ne peut servir Dieu et le monde On ne doit poin t entraver en soi la malche de lideacutee Sois fort sois courageux La sentimentaliti ambiante tassume de toutes parts Ne confonds plIS sensibiIiteacuteavec affection ou bonteacute ou miseacutericorde Ln vraie miseacutericorde est une avec III Justice et il est juste avant toutes choses que tu protegraveges en toi le Divin que si peu reccediloivent et comshyprennent
Entretiens-toi sans cesse de la Sagesse qui es] lagrave science de la vie Refuse les paroles flivoles Fuis lentretien quelconque eacuteloigne-tot toujours plus de ceux qui acceptent le monde tel quil est ou qui douten t de ta mission
Sois fidegravele agrave ta mission par dessus tout
Sois le serviteur de lideacutee
En agissant ainsi tu deacutelivres lideacutee tului frayes uri gland chemin de respect et de seacuterieux tu la gardes
agraveplus pure et ceux qui riennent elle la comprendront plus nettement et oseront parce que tu lauras oseacute Se seacuteparer des ideacutees confuses et obscures se Seacuteparer des mœurs du monde
Ainsi un peu du monde futur pourra se ormel
4tbull
12 Aoucirct minuit
Oh 1 dramatique destin June pa uvre acirclDegrave si forte arrecircteacutee en plein eSSOr pal le reacuteseau dinextlicables obstacles quelle a elle-mecircme dresseacutes sur sa route
_-__-_-------------shy
tamp C()NQU~TE DR LroEAgraveLiucirc4
Pourquoi oh pourltJuoi Quand jc suis au milieu des recircves les plus beaux quand la vie magnlflque eomme un oceacutean prodigieux toule en ses flots puissants toutes les splendeurs dun udmirable eacuteteacute toutes les feacuteconditeacutes tou tes les richesses de la na ture lJuand les journeacutees ltIue nous vivons mon bien-aimeacute et moi sont tellement hautes intenses joyeusement sereines et remplies que je nai plus le deacutesir den exprimer les rythmes tant il est vrai que les profondeurs du bonheur sont silencieuses quand toute la lumiegravere pourrait devenir eacuteblouissante pourquoi oh pourquoi le soleil sarrecircte-t-il de luire soudainement sur cette miseacuterable
)
vie deacuteserte qui allait eumlnfin fleurit dans sa merveilleuse
pleacutenitude
Combien cela mattristc et je sens seulement mainshytenant agrave quel point je laime
Pauvre pauvre chegravere Jane Lexistence tc fut au fond toujours cruelle malgreacute les apparences brillantes dont elle tavait orneacutee et qui saura jamais tout ce que
lu as souffert
Moi-mecircme ai-je eacuteteacute pour toi ce quc jaurais ducirc ecirctre Peut-ecirctre si javais su parfois mieux tentourer aurais-lu eacuteteacute moins malheureuse moins heacutesitante moins troubleacutee
Je ne puis croire agrave cette reacutesolution eacutetrange deacutesesshypeacutereacutee Et lamentablement la silhouette douloureuse de Iane me hante Image tragique sans cesse preacutesente dans mon cœur elle syntheacutetise son Passeacute mysteacuterieux deacuteseacutequilibreacute et dont la reacuteaction Inexorable lencercle et
leacutetreint
Mais non cela nest pas possible 1 Elle est trop belle trop jeunc trop ardente pour renoncer agrave toutes joies
LA OONQm~TE DE LIDfAL 165
pour abandonner lespeacuterance au moment mecircme ougrave le bonhcur lui apparaissait si proche ougrave lnltcnte dc III reacutedemption irrndiuil tout son ecirctre
Cependant qua done cclie soireacutee cette nuit de si lourd de si trlstc
Et je lelis encore la lettre deacutechirnnle quelle a crieacutee vers moi
laquo Ma ltllch61e cheacuterie
laquo Au milieu des ruines de mon acircme je cherche pour un mornen t la force de te dire ma deacutetresse parce que tu as le droit de savoir parce que je veux Ique tu comprennes
laquo Trop tard ~ Trop tard l Tout trop tard 1 1
laquo( Trop tard venu lavertissement qui arrecircta ma course folle
laquo llOp lard la rencontre merveilleuse Trop tard ma rupture des indignes chaicircnes
laquo Trop tard tout leffort de ma volonteacute tendue pour reacutepare l Ics fau tes des truel rices
En avaut quand jo regarde au loin je naperccedilois plus quune route en Ieu des ponts qui secroulent des torrents qui ravagent et qui brisent
En arriegravero si je regarde je ne vois quun marais brumeux sordide miseacuterable slins une fie III de beauteacute
sans une lumiegravere damour sans une icircle de recircve Hien rien seulement langoisse du laquo cela alraillu ecirctre )
Je ne peux pas lutter Cest trop Je mentuierai loin loin
Je ne peux pas revoir ecmonde ce piegravege Ma lettreacute
u t
fifi LA CONQU~TR DB LIDEAL
est un adieu Si tu maimes ne cherche jamais agrave rien lavoir de moi
Jeacutetals freacutemissante despoir et de reacutesolution jc me sentais capable de remuer des montagnes jeacutetais eertaine de maffranchir de me relever Ile me purifier Oh 1 jeacutetais sucircre de resplendir
Mais voilagrave Lui il cst marieacute
Ah 1 il r a Irais ans Quand il maimait quand je lai deccedilu quand je ne lai pas reconnu quand jai ignoreacute lia souffrance quand jai joui de sa souffrance - comme 1
de celles des autres - alors il eacutetait libre
Cest bien moi qui nai pas su qui nai pas voulu Loo
La reacutealiteacute lagrave veacuteriteacute la vie tout sest offert1Moi je neacutetais pas precircte - Maintenant je pleure
Lui if est droit il est noble il a un foyer une femme des enfants - sa droiture est c onlregrave moi Il maime et toute sa vie aussi sera marteleacutee de mon souvenir il maime dans un regard dans un mot au fond de son agraveme voileacutee la lueur dUne eacutetoile au lieu de la clarteacute sans limites du soleil
Ah 1 je serais resteacutee jau~ais dompteacute lassoiffement de mon corps Jaunis domineacute le tumulte des vagues de ma tendresse impuissante jaurais veacutecu des mieIles de bonheur qui me seraient venIles de lui agrave travers lespace comme se nourrissent les oiseaux familiers 1
Cela mecircme est impossible Le fauve sest deacutechaicircneacute la colegravere la jalousie lorgueil ont allumeacute la farouche passhysion dUD homme qui se croit le droit de me garder par
Ia menace pal la violence pal la haine
s veageance plane oh 1 ras sur moi sur Lui
LA CONQutTE DB LIDEacuteAL 167
- _
Comprends-tu Michegravele
Sur Lui il est comme un otage qui reacutepond pour moi 1
Chacun de mes gestes est eacutepieacute par celui qui fut mon amant Talbrut 1 ne reculerait devant rien
Et lagrave cest linexorable Cet homme est en fer Je ne peux ni rester avec lui que jabhorre ni approcher Wanneshield dont la preacutesence est mon tout une parole une rencontre serait le duel peut-ecirctre le guet-apens 1
Alan je pars je menfuis Ne me demande pas ougrave je vais Le nuage informe quentraicircne louragan sait-il co quil sera demain
Ne me regarde plus
Tout est fini Ce soir je ne serai pas ici
Quelques-uns seacutetonneront Dautres me chercheront peut-ecirctre Iais nul ne me verra plus jamais jamais
Et la vie est ainsi laite quil faut que je leacutecrive mon adieu au moment ougrave tu mapprends la chegravere nouvelle de tes fianccedilailles
Dans ma douleur sans fond je taime pourtant assez Ocirc
ma cheacuterie pOUl sentir une eacutemotion p~ofonde et douce qui me pousse vers toi si tendrement
Michegravele bien aimeacutee je comprends en ce moment tant de choses nouvelles qui entrent brusqusmen t en moi par la grande blessure de mon cœur 1
Ah les plus hauts despsychologues qui nous peignent en tableaux admirables les passions les sensations les actes et les deacutesirs de lhomme ne vivent que dans un domaine infeacuterieur et au-delagrave de cette sphegravere active il y ~ tous les eacutelans plus protonds de lecirctre et toute la
_
(68 LA OONQUtTB DB L~DtAT-
ie reacuteelle - celle que je nai pas veacutecue - cette vie ineacuteshypuisable infinie mysteacuterieuse (lui nous frocircle de ses crandel ailes aux seuls moments heacutelas ougrave la douleur bat ~urnous
Pourquoi attendons-nous les heures si graves pour penser plus gravement
Pourquoi lacircme profonde ne seacuteveille-t-elle dans les ecirctres ou dans les peuples que lorsquun drame les eacutetreint
Bientocirct je serai loin tregraves loin et je sens seulement agrave cel instant terrible ougrave ma reacutesolution inexorable doit laccomplir - comme si je voyais deacutejagrave ma vie dici avec beaucoupde recul ou de ti egraves haul - je sens seulement mainlenant combien lexistence humaine est remplie dheures vaines steacuteriles superficielles distraites pal tout linutile et combien elle pourrait devenir splendide si chacun roulait comprendre 1 Le grand ennemi de lhomo megrave heacutelas cest lhomme lui-mecircme Et moi javais peutshyecirctre reccedilu plus de forces quil nen doit ecirctre accordeacute aux humains pour aimer
Lacircme profonde ~veut nous parler mais sa voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffent
Michegravele cheacuterie je sais que celui avec lequel tu vas vivre la vie a compris deacutejagrave plus que je ne sens encore Ecouleshyle suis-le comme tu laimes Il est de ces rares (lui cherchent agrave ouvrir les portes scelleacutees par ougrave notre espeacuteshyrance monte vers En-Haut et par ougrave un peu de la grande lumiegravere du ciel pourra descendre sur les hommes
Oh Iloyez heureux soyez beacutenis 1 Vous deux qui vivrez P9ur fair lavenir meilleur Je VQuS comprends et je
L CONQU~TB DE LIDEacuteAL Hm
vous regarde je vous comprends et je vous admire Oh Vous Deux soyez heureux 1
Et ce vœu est la seule eacutetincelle ardente qui seacutechappe de la Douloureuse qui sen va nemportant avec elle que remords deacutetresse regrets et renoncement
Car jai enfin renonceacute agrave Tout
Jane
16 Aoucirct
Nul ne sait ce quest devenue ma pauvre grande amie
A Interlakenon ne la pas revue depuis le 11 Aoucirct
Plusieurs preacutetendent quelle est partie par Je train du soir qui rejoint IExpress-Orlent Russie Sibeacuterie Chine - qui sait
Je lui avais teacuteleacutegraphieacute aussitocirct apregraves le reccedilu de sa lettre
La deacutepecircche nela plus trouveacutee heacutelas et mest reve~ue
TOIlI le pays est en eacutemoi de cette disparition subite ct complegravete
Sans doute celui pour lequel elle a tout abandonneacute a-t-il eu tille derniegravere leltre delle
Mais elle Ile lui aura padeacute qlle de lamour qui aurait pu ecirctre son relegravevemeu t et (fui est devcnu la cause de sa deacuteroute
Peut-ecirctre recevrat-je un JOUI lin mot delle venu le cel Orient lointain qui la toujours attireacutee Et je Jeacutevoque
je la revois si belle avec ses grands yeux de vertige
__________bull ~ ~ ~ t _ lt bullbullbullbull ~ ~ - j ~1middotbull11 nmiddotv 1 1 I~ IN H l~ Il~ Z 1Jl~~~f 1middot~~yv ~ l~ ( Ii l i l(gtgtmiddot~middot ~ ~ I~ ~r-r~ 1iI l~ l~ iuml~~llll~i) ~fi gt~~ 1 l)) iygt~middotg ~ 1~l 1 ~ 1lt ~i 1~S lt1 ~ iFS~W1~~~Icircmiddot~r(tmiddot~~~1~~ ~~n~~~(Fmiddot1
l70 LA CONQUI~TE Dn LIDEacuteAL
quand elle me prenait sur ses genoux et quelle me serrait contre son CŒlUI vibrant et passionneacute
Pauvre Jane 1 Nentends-tu pas lappel de ma tendresse qui seacutelance vors toi et qui voudrait si Iortemen t te sou tenir et te bercer
Il Y a dei moments ougrave la vie touche linsondable
Et malgreacute la consolation terme et douce de mon grand soutien je ne puis deacutetourner ma penseacutee de ce drame eacutetrange
Jean-Reneacute aurait eacuteteacute si capable de comprendre et daider Jane 1
Il a aimeacute la fin de sa lettre laquo Lacircme profonde veut 1
nous parler mais Sl voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffentraquo
- laquo Cela est vrai memiddot disait-il tout-agrave -lheure Ta
pauvre amie Michegravele a compris de nouvelles veacuteriteacutes
dans Sil lourde souffrance
Auxlleures tragiques qui sonnent dans la vie soudain son cocircteacute seacuterieux apparaicirct et lecirclre est tout precirct alors agrave
seo tir les progregraves agrave reacutealiser les ameacuteliorations agrave accomshyplir les efforts reacuteels il faire en soi et autour de soi pour abolir ce que lon peut des souffrances humaines
Mais heacutelas trop souvent presque toujours (lue le soleil ~u bonheur reacutechauffe lecirctre meurtri que la vie seacutepashynouisse de nouveau et avec la paix qui revient renaicirct lindiffeacuterence de lecirctre son inertie sa Irivoliteacute mecircme
Voilagrave une des immenses reacutealiteacutes symboliques de lAnshycien Testament chaque fois que le peuple dIsraeumll tombe en deacutetresse il se tourne vers ion Dieu pour limplorer j
~~
tA CONQuecircTB DE L~DacircAL 171
Dais degraves que la prospeacuteriteacute lui sourit de nouveau il deacute tourne ses pas des sentiers de la justice et il adore les idoles impures du monde profane D 1 Nous eacutetions dans un courant de penseacutee ougrave Jean-Reneacute est ineacutepuisahle Il continua Ionguement
-- laquo Tant ltflle la vie reste veacutegeacutetative inconsciente elle est heureuse telle quelle est parce quelle nexiste que dans le preacutesen t En geacuteneacuteral elle se conten te de ce quelle est puisquelle ne conccediloit pas le mieux-ecirctre
laquo iIais degraves que la conscience seacuteveille et que lintelligence
compare se souvient espegravere il ny a plus aucun bonheur possihle dans les conditions de la vie primaire classifieacutee alors comme insuffisante douloureuse instahle
laquo Lorsque la vic nest plus satisfaite par II sensation la sensualiteacute leacutepanouissement naturel et ltflle lintellishygence commence il formel des modes nouveaux de jouisshysance -les plaisirs intellectuels ou intellectualiseacutes - cest que la conscience est eacuteveilleacutee et par conseacutequent lhomme
qui touche cette phase ne peut plus sauf par un effort daveuglement volontaire se deacutetourner de la recherche constante du mieux-vivre
laquo Deacutesormais toute la sphegravere de laction possible appashyraicirct sous deux aspects llin constructeur lantre destrucshyteur lun (lui tend il ameacuteliorer lautre agrave deacuteteacuteriorer les conditions deacutejagrave acquises
laquo Sous cet angle les jouissances naturelles qui furent toute la vie primaire restent neacutecessairement la base de la vie intellectualiseacutee mais comme Iinlellectualisatten de ces jouissances est susceptible de les fausser il y a agrave
deacutevelopper une volonteacute de na tm-alisme balanceacute Iortifian t ~aiQ
-
-
1
_
173 112 LA CONqUlhE ns LIDEacuteAL
bull ci De plus pregraves encore il faut passer au crible les plaisirs intellectuels (lui si facilement peuvent devenir des excitants ruineux des stupeacutefiants des eacutepuisants
laquoAutrefois la saugraveuetlaquo de la vie consistait reacuteellemen 1
dans celte balance celle hieacuterarchie harmonieuse dc toutes les faculteacutes
CI La destruction vient de lexcegraves cest pourquoi Iasceacutetisaie nest quune caricature de la vie sainte parce quil cherche agrave saper la base fondamentale et naturelle
laquo Lorsquon a compris ces choses lorsquon sait que lintelligence peut transformer lorsquon sent tout ce qui manqlle que deviennent les plaisirs futiles les gasshypillages de forees les tempecirctes passionnelles et toutes ces distractions vaines tout ce (lui deacutesagregravege ce que nous voulons ce que nous devons organiser
laquo Les mots contiennent de grands enseignementsmiddot parshyce que lantiquiteacute savante les a formeacutes syntheacutetiquement selon les lois reacuteelles de lecirctre eacutetymologiquement distracshytion laquo distrahere raquo veut dire laquo tirer-hors raquo nous tirer hors de nous-mecircmes hors de notre preacuteoccupation de notre responsabiliteacute de notre espeacuterance nous faire oushyblier les choses seacuterieuses
laquo Et croyez-moi Michegravelesi la tlistraction peut ecirctre leacutegitime dans certains CfJS il certains moments 0 elle est ponr ainsi dire neacuteceSSaire combien elle est illeacutegitime et neacutefaste pOUl ceuz qui sen serveltt dans linsttuuuml Olt
pleins de [oree ils pourraient trtniailler agrave JeacuteaLiser lideacuteal cest-agrave-dire agrave mateacuterialiser dans la vie ambiante la conshyception in tellectuelle du mieux 1
laquo Que les homaes depuis si longtemps quils souffrent
tl CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
et se deacutebattent entre le Jardin de lInconscience et lacirc Terre Promise soient si pcu nombreux agrave prendre virileshyment la route qui les megravenera vers le bonheur intellectuel cest lagrave leacutetonnant mystegravere que la complexiteacute de lhistoire politique du genre humain explique en partie
laquo La frivoliteacute la leacutegegravereteacute inouiumle larrivisme eacutegoiumlste lindilTeacuterence cultiveacutee de la plupart des intelligences est comme un voile qui cache la graviteacute de la vie la proshyfondeur merveilleuse des possibiliteacutes quelle contient 1raquo
Une lettre dAndreacute Calvis
Florence 18 Aoucirct
Vous sentez tout ce que jeacuteprouve en apprenant vos fianccedilailles Michegravele 1 Par-dessus el au-dessuslife tous les sentiments divers et complexes que celle rande neuvelle
eacuteveille si profondeacuteœent en moi mes vœux seacutelancent ardents graves fervents et conscients de tout ce quils impliquent 1 Soyez heureuse chegravere Michegravele vous et celui que vous avez trouveacute digne de vous
Plus tard un peu plus tard quand VOliS serez mariee et lorsque je me sentirai plus fort je viendrai vers vous deux et jespegravere que vous maccueillerez comme je vienshydrai en ami et en fregravere Car je me souviens de vos paroles du dernier soir CI quil faut garGler comme des clioses tregraves preacutecieuses les liens reacuteels neacutes dans nos vies D
bullbullbullbullbullbulll lt~) ~~middot 1 bullbull~ bullbull bullbull ~Il~lt bullbull ~ _~ bullbull __ 0
__ __ __ _ _
174 LA CONQu~rE DK ~IDeacuteAL
Oui nous deacutetruisons parfois inconsideacutereacuterneul pal inconsshycience ou pHI fuihlesse ces lieus qui soa l en reacutealiteacute cl
en essence de la vic mecircme de la beauteacute de lamour dans le sens le plus eacuteleveacute du mol Nous tuons ainsi en nous de la vie en nous diminuant en veacuteriteacute nous-mecircmes
Parmi les ruines des souvenirs somplueux que vous mavez laisseacutes il esl neacute un nouveau poegraveme tel un jeune arbre plein de vigueur Je llais quen lachevant jaushyrai triompheacute de mon chagrin Michegravele El quoique ce puisse sembler choquant que jose encore aujourdhui Iait-e une allusion au passeacute il me Iait lanl de hien de POUVOil agrave cause de vos fianccedilailles mecircme vous redire ma respectueuse affection raon deacutevouement inalteacuterable Dites agrave velre fiasceacute combien deacutejagrave je laime puisquil vous rend heureuse Et sachez lous les deux quen ces heures inlenses lue vous vivez ougrave tanl davenirs ~erlllent parmi linconnu mysteacuterieux des destins (lui se nouent et se peacutenegraveshy
trent nul plus que moi nappelle vers vous le bonheur le gTand lunique hsnheur qui illumine la vie 1
SUl la terrasse dougrave je VOliS ecris le parfum intense des loses dItalie se reacutepand III moule dans lair du soir Quainsi montent jUS(IUagrave vous respectueux et profonds les neux de celui (lui meure un ami
hdreacute Calvis
Andreacute Calvis 1 Edmeacutee Torguegraves 1
Tons deux sc sonl trompeacutes dabord SUI leur veacuteritable chemin
Comme il esl facile de se tromper degraves quon ne parle
LA CONQUEcircTE DE LIDEAL 175
pa~ en soi un sens indeacutefinissable de la direction el de leacuteloile Les nuuges te lil seatiuieataliteacute tendre romashynesque el faible comme les voiles de 1 serrtiurenluliteacute somptueuse lyrique el dramatique suffisent 1 enteacuteneacutebrer la reute lour ceux-lagrave il faut ne main secourable qui tosse luire un rayon de veacuteriteacute Il me semble que de ces deux erreurs uae belle reacutealiteacute pourrait surgir Edmeacutee 1
Acircndleacute Ils Ile savent pas combien leurs natures se reacutepondent 1
Linterpeumlneumltratien cest lillimiteacute linfini 1
Mal~reacute lintensiteacute te leur ecirctre et sa valeur selon SI
propre loi tous deux furent agrave nous deux limiteacutes et finis parce que leur monde neacutetait pas notre monde parce (lue leur attente neacutetait pas notre attente 1
)Iais jai liatuilioa certaine quen se rencontrant ils se retrouveront et quen se trouvant ils vibreront eux I1Issi leur accord infini
~
20 Aoucirct
li Y a tnt de choses (IUC jaurais voulu pouveir eacutecrire de tout ce que me dit Jean-Reneacute Les coavershysatieas degraves quelles se dirigent vers les hauteurs deacuteroushyleat tes livres entiers Et je ne rappelle agrave la surface de ma meacutemoire que des fragments infiniment petits
laquoLa vie est ce que nous la faisons Or la vie de lhomme actuel nest pas encore consciente ni reacuteellement
Tbull yumiddot lxcv l7_Vf l rimiddot lt~~ li i i ili f v~l ~middoti1 middotmiddotGmiddot middotI~i~ ~WYINiumlW llPt 1 V)Ilt1tnJ~bull bullbull _ u bullbull bullbull on u
1
1iuml6 LA CONQUEcircTE DE il~tlU
formeacutee Lhomme dont les cinq sens ordinaires sont seushyIement eacuteveilleacutes veacutegegravete dans un eacutetat dinconscience grus~
siegravere et de leacutevolution de ses sens latents deacutepend le raffishynement et le progregraves veacuteritable de la vit
Quelques-uns conccediloivent mal comme quoi ce que Pdn appelle communeacutement de ce mot mal choisi loccullisshyme (mot qui ue veut rien dire en veacuteriteacute puisque tout est occulte jusquau jour ougrave cela devient objet de science cest-agrave-dire dexpeacuterience el de connaissance ce qui est preacuteciseacutement le cas actuel pour ce que lon appelleocculshytisme) quelques-uns conccediloivent donc mal que ce que lon appelle plus justement les sciences psychiques puissent aider par leur progregraves le honheur humain et la reacutealisashy
tioa dune vie plus haute et plus noble Comment ne pas comprendre cependant qlle si nous
voyons tous la vie agrave travers nos propres yeux que si nous n~ voyons que ce que nos orglInes actuels sont capables dapercevoir notre champ dinvestigation dintelligence de compreacutehension et de connaissances augmentera proshygressivement au fur et il mesure du deacuteveloppement de lhomme lui-mecircme et des sens supeacuterieurs quil possegravede latents Comment ne pas deacutesirer eacutevoluer au plus haut de son individualiteacute dans toutes les directions possibles
Comment ne pas mecircme essayer sincegraverement et avec perseacuteveacuterance leacuteveil de ces faculteacutes psychiques traditionshynellemenl connues et qui enrichissant lecirctre en profonshydeur et en reacutealileacute lui permellent de sentir Iil vie agrave un
eacutechelon quil ne soupccedilonnait pas encore auparavant de soulever un voile sur le mystegravere de linvisible et daccroicircshytre infini~ent la connaissance humaine en lui permetshytant de peacuteneacutetrer dans ce que lon pourrait appeler laquo lenshyvers ou lautre cocircteacute des choses D
LA CONQU~TE DR LIDEacuteAL i77
Alors lhomme eacutevolueacute ainsigt peut comprendre non seulement ce que paraissent les actes les paroles les penseacutees mais ce quelles Salit AlOlS sil cherche agrave trashyvailler au bonheur humain son effort raffineacute et compreacuteshyhensif visera juste et aura chance daider la vie en sa reacutealiteacute ct en Son essence mecircme en sa ~randeur en sa diviniteacute
Cal lhomme actuel ne se meut et nagit en geacuteneacuteral que dans lapparence primaire dun mouvement inslincshytit et suractiiuml quil prend pour la vie et qui est ocirc Comshybien loin dela reacutealiteacute des choses 1
laquo Lhomme ne vit que lorsquil est au plus haut de ses possibiliteacutes D a dit un poegravete Lorsque lon songe agrave cette penseacutee avec quelle meacutelancolie on constate corablen peu decirctres vivants vivent et combien rarement ceux-lagrave aussi qui savent monter au plus haut deux-mecircmes se maintienshynent sur ces cimes lumineuses 1
Toule lorganisa lion des socieacuteteacutes Con temporaines tend agrave ramener lhomme vers en bas Les habitudes les Conshyversa lions les usages les foules les fecirctes les reacuteunions mondainas amicales 011 familiales les eacutechanges les mœurs les amitieacutes les relalions rien nest fait en vue de leacuteleacutevation spirituelle de lindividu en vue de Son eacutevolution profonde et tout au contraire cherche agrave le faire descendre vers le niveau moyen - du Tout-leshyMonde ordinaire
l Comment ne pas voir que le progregraves de la vie ne peut
ecirctre quen mesure du progregraves de lhomme qui forme cette vie Comment ne pas sentir ce que la connaissance de la vie vi~~lIte et la peacuteneacutetration du soi-disant invisible ajoute il la conscience humaine Comment ne pas comshy
Ibullbullbullbullbullbullbullbull middotmiddot~~middotllt~ lt~ L Il
bull 1
li9 l bull
LA CONQU~TE DE LlOiAL
Mal nos doles eacutetreintes siIIumi~aient lune par lautre i 1 ) 1 r
DOS lents baisers sapprofondissaient lamour descendait sur nous nous baiaant de ses vagues envel~ppantes
Amollir seule reacutealiteacute que mon etre conccediloive hor~ de tespace et hors da temps amour unique loi de vie orishygine des choses et suprecircmebut de toutes lecircs choses
Puis comme ties profondeurs dun lac montent peu agrave peu et seacutepanouissent les fieurs du neacutenupbar lentement du profond de nos ecirctres seacutelevegraverent les paroles i
- Il fait eacuteternel murmura Jeaa-Beneuml
Et ioucement il eacutevoqua lavenir
- Dans quelques semaines Michegravele cheacuterie le cadre de notre solitude sera plus vaste et plus solitaire lorsque nous partirons quelques jours apregraves notre mariage dans ma petite maison deacuteteacute ougrave Octobre nous sera si beau
Dans ce pays de montagnes et de forecircts les automnes sont feacuteeriques et lagrave nous nous peacuteneacutetreacuterons chaque heure davantage ~t nous eacutetablirons une vie noble et haute sur cette base physique lI1erveilleuie la nature 1
Avec leacutechange constant de nos ecirctres les jotJis~IDeacutee5 clviendrent exquises et nous apprendrons de mieux en mieux agrave aimer les richesse que nous offre la terre la beaateacute des grands arbres la splendeur des champs les lointains des montagnes mauves les torrents dargent qui sautent si librement et qui forment les claires cascades voisines de notre home ougrave le murmure des chutes deau et de la brise dans les feuillllge~ enchanteront de leur musique notre alJloulmiddot recueilli Puis cc sera lheule Oi1
le soir tombe et ougrave DOS promesses seront si tendres dans chaque mot pronccedilnceuml tout bas t ce sera lheure ougrave les
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL
24 aoucirct
bull
o belle soireacutee dhier si intime el si douce atmosphegravere deacutelicieuse-de ma chambre alourdie pal les fumeacutees du haut brucircle-parfum et des odeurs mielleuses de toutes les gerbes de fianccedilailles qui remplissen t les vases les potiches et les cruchons de cuivrebull
Oh 1 charme de ces heures intenses deacutelices de vivre eacutechange abondant de tendlesse silencieuse bercement de bonheur eacuteclosion despoirs richesse de deacutesirs infiai
merveilleux
Nous ne nous parlions pas trop perdus dans loceacutean de notre regraveve
bullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullirr
prendre que tous les grands geacutenies qui formegraverent en veacuterileacute la civilisation actuelle furent des initieacutes des proshyphegravetes ou des occullisles El quc les penseurs de second rang ne veacutecurent que de ce quils pr-irent agrave ceuxshylagrave El pourquoi ne pas aller jusquau fond des choses 1
Toutes les civilisations qui anoblissent lhumaniteacute sont uniquement formeacutees sous linfluence des anciens livres sacreacutes la Chine intellectuelle est tout entiegravere contenue dans Confucius et LaoTseu lInde a ses Veacutedas les lois de Manou la reacuteforme de Siddharta Ce qui leste de Parsis garde lAvestha et limmensiteacute musulmane prend ses racishy
nes dans la Bible par Mahomet
Enfin notre penseacutee occidentale est davantage encore
fil~~ de la Bible ce splendide livre de sciences profondes que comprennent si peu ceux-lagrave mecircme (lui le veacutenegraverentraquo
178
gR A
HW LA CONQUEcircTE DE Lwh
eacutetoiles montent dans Ic ciel (lIi vient de seacuteteindre et ougrave nos penseacutees aussi libres (lIC linfini des cieux sans limites
chercheront de nouveaux horizons ~
Car nous voulons nest-ce pas ma Michegravellaquo mainlenir
nos legards vers toujours plus loin
Nous sen tons en neus un moi supeacuterieur (lIi demande
ft se manifester el qui cherche il seacutepanlllllir Et il ne faut pas encombrer nos vies de banaliteacutes doccupations quelshy
conques ou dideacutees mesquines si nous voulons progressishyvement chercher agrave monter vers ces crecirctes eacuteleveacutees ougrave
lhomme ne sait pas assez se maintenir
La spiritualiteacute nesl pas une qualiteacute mysi ique irnpreacuteshycise et vague de seacuteveacuteriteacute ou de pm-ilnnisme cesl la plus sage et la plus meacutethodique volonteacute dl reclvoir et dutiliser
toujours mieux nos capaciteacutes ces] la Iorcc de progregraves et deacutevolu lion que doi t deacutevelopper con1in uellemen t en elle
toute intelligence veacuteritable
Si chaque homme appliquait ses efforts de perfeclionshy
nement sur lui-mecircme si chacun cherchait avant tout agrave se construire sans cesse un corps plus sain et plus robuste
un caruclegravere plus souple el plus ouvert une volonteacute plus ferme une mentaliteacute plus savante el plus forle combien
toute la vie serail vite changeacutec-
Cest lagrave la a seule chose neacutecessaire raquo mais 011 a si peu
cempns 1
Il faut aussi -vouloir laquoatteiRdre raquo il la seacutereacuteniteacute il laut ~trecalme joyeux espeacuterant sans heur et sans trouble Tout trouble est nuisible surtout aux heures de danger et dangoisse ougrave il fait perdre III luciditeacute la clairvoyance
et la deacutecision deacutesirables
JA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 1Rl
-----------------------shy
Il faut ecirctre comme un grand arbre majestueux dont les racines sont profondes don la cime monte vers la lushymiegravere et dont les branches souples ct flexibles savent en se balanccedilant mollement reacutesisler agrave la tempecircte
Et si cet arbre porte des fruits agrave la maturiteacute ce fruit sc deacutetachera pal la loi naturelle de mecircme si lecirctre arrive
agrave ecirctre riche de puissances vitales et de dons spirituels il devra les manifester el reacutepandre SUI autrui la vision plus pure de son in lelligence
On ne doit ct lon ne peut rien garder jalousement pour soi si lon veul faire croicirctre la richesse de son ecirctre
Mais il faut seulement donner agrave ceux qui sont capahles de recevoir Et il nous faudra Iormer Michegravele degraves que nous reviendrons agrave Paris tout un milieu sympathique et raffineacute don] les tendances seront semhlahles dont les eacutechanges seront ha rmonieux don t la volon teacute sera intelshylectuelle ~eacuteneacuteleusegt eacuteleacutegante et pure
Au centre et au sommet de cc groupe nos Maicirctres shyaupregraves desquels jaurai tant de joie agrave vous conduire hienshy
tocirct en cet Oasis eugrave jai appris agrave penser - seront notre
lumiegravere ct le grand abri protecteur lArche sain le qui conlient les germes dun monde futurgt malgreacute la confushy
sion cl les chaos exteacuterieurs
J)jI ils me demandent de prnser i cet entourage eacuteleveacute (lui VOliS conviendra puisque nous aUlOIlS agrave voir beau cou p di ndividuali leacutes not re travail tan t avec les homshyeacute
mes Il faul vivre intenseacutement il Iaul entendre le plus possible les grandes symphonies eacuteternelles que chantent les mondes et comprendre toujours mieux les splendeurs de lart de la science de la vie prodigieusement infinie Mais er veillant agrave la mise en forme progressive ltte tout
~rlt~~middot~~ y ~ ~r~ middot~lt~middot~middot ~(tlt ~ 11-~ ~ ~~ JFf~~frY~ ~ N~middot~middotmiddot~~~~middot~i(~middot~~ ~~y~~)~ 1bull- bullbull rf bull H ~Il f r r 1 ~ r1H~n 1~~ (1 e ~ l v~~~~~~~lV~ V~middot-~l~~~~in~~ ~~ tmiddotR~middot ~V~I r~~ ~ Y~~~~~00~ ~ gt~ ~ ri~~gt~middot~middot~middot~middot~~ ~(1 imiddotmiddotmiddot~middotmiddot~ ~ ~
i8tmiddot LA OONQUTB DB LIDEacuteAr
lecirctre ct se mettre en lorme Cest se maicirctriser se discibull plinerbull
Il faut former eacutegalement lamhianee amicale et cher cher les affiniteacutes reacuteelles ascendantes
Ce groupe nous sera preacutecieux et nous aidera agrave surshymonter les niveaux infeacuterieurs dexistence qui se meacutelanshy~ent trop dans la civilisation actuelle et dans lorganisashytion de lactiviteacute des grandes villes nous ne pouvons savolr agrave quel point nOU5 ahsorbons les deacutefauts dautrui et surtout ce qui ne nous paraicirct pas un mal en lui-mecircme (et qui nen est peut-ecirctre en effet pas un pour lautre personne mais qui devient mauvais pour nous si nous voulons tendre plus haut) Nous ne pouvons savoir agrave quel point dans une seule conversation nous pouvons absorshyber de deacutecouragement e futiliteacutes dinertie de vulgariteacute de frivoliteacute dideacutees inutiles et banales quimiddot rempliront de longs jours et agrave tort les espaces de notre acircme
Je voudrais ma Michegravele pouvoir tentourer dun corshytegravege damis nobles et enthousiastes qui chercheraient agrave gravir avec nous les sentiers abrupts de la connaissance les sentiers fleuris de laffiniteacute reacutealisatrice et dont la
plastique intelligence sornptueuse vibrante eacutechangeacutee ferait une harmonie vivante et deacutelicieuse un grand coushylan t de formes joyeuses dans lequel nous eacutepanouirons doucement notre action au sein duquel nous voilerons meacutelodieusement notre bonheur raquo
Malgreacute moi une tristesse menvahit je voyais une tache sombre au tableau de lumiegravere la place vide de Jane parmi ce groupe ideacuteal ougrave sa belle intelligence aurait ai bien pu se spiritualiser
Mon bjeJ-oilJleacute ~~fltit lOIlllgtre qui venait de paner sur
JA CONQun DE L~IQEacute4L J83
moi Il mattira vers lui et il menlaccedila de toute sa tenshydresse forte et protectrice
--- Tu es dans mes bras mainlenan t cheacuterie et lagrave il ne doit plus rien y avoir pour toi que la paix la joie lespeacuterance
- Et il ny a que tout cela en effet Jean-Reneacute avec aussi lamour le plus profond que mon cœur puisse renfermer
Je lui ai dit eneore - Il faudrait que notre bonheur solt un forma leur
dautres bonheurs quil soit un eacutepanouisseur de vie un (acteur deacutechanges plus intenses et plus complets
Dans lentourage dont nous parlons et que nous espeacuteshyrons attirer autour de nous il faudra chercher agrave taire eacutetinceler sans cesse de nouvelles sympathies de noushyvelles amitieacutes de nouvelles amours l
Il faudrait y faire naicirctre toules les eacuteclosions des possihishyliteacutes y relever les fleurs pencheacutees comme ma petite amie Edmeacutee Torguegraves y deacutevelopper les faculteacutes les talents enshycourager les nobles essais et surtout taire de lavie middotmeilmiddot leure par ce geacuteneacuterateur admirableacute de la force humaine les eacutechanges en affiniteacutes reacuteelles
Car lexistence comprise et reacutealiseacutee volontairement par lunion profonde et laide spontaneacutee dintelligences qui comprennent qui veulent ensemble qui se suromhrent et sencouragent les unes les autres deviendrait comme un splendide feu dartifice aux bouquets ininterrompus alors quaujourdhui nous ne voyons que de pacircles fuseacutees sillonner de loin en loin la nuit
- Plus de vic plus de beauteacute plus damour mur mura Reneacute
egrave ~vrmv(~middot~~middotmiddotmiddot v lt1middotmiddotmiddotmiddot~middot~ 1 bull lt(~ii~)~1~~Wry)gmiddotr~~l~W~m_~
ilH LA CONQUlhn DR LIDEacuteAL
Vivre chaque heure eR beauteacute 1 A notre eacutepoque lart nest que limmense inassouvissement des acircmes qui voushydraient plus de libc~l plus dessor plus deacutepanouisseshyment plus de naturalisme plus de splendeur plus dideacuteal el qui sont forceacutees de chercher cela en dehors de la vic
Lart actuel nest pas une certaine partie dun tout magniflque il est leacutetincelle lumineuse seacutepareacutee solitaire vers laquelle se legraveve enivreacute le regard des egravetres de deacutesirs et de recircve 1
Et pourquoi ne pas reacutealiser toute lexistence en ltCIIVIe da rt pourquoi ne IHIS chercher il rendre plastiques
chacun de nos gestes chacune Ugravec nos altitudes chacune de nos penseacutees
Pour cela il faudrait que tout homme aille aussi loin que possible sur la route quil poursuit
Leacutevolution constante voulue ucircpremcnt avec une pelmiddot seacuteveacuterance inlassnbic est la Ta ride transforma triee
Penser aimer agir Penser de plus en plus prolondeacuteshyment aimer de plus en plus intenseacutement agir de plus en
plus activement
Et aire croicirctre en chaque ecirctre son moi le plus eacuteleveacute
laquo La philosophie a dit Novalis est lexcitation du moi reacuteel par le moi ideacuteal raquo
tA CoNQUEcircTB DE LIDEacuteAL
~--------------------
des dignorance sources des erreurs et des preacutejugeacutes les veacuteriteacutes illuminatriccs (lui libegraverent des impulsions et des passions et conduisent agrave lactivilegrave constante de notre ecirctre divin dougrave reacutesulte le regravegnc de lharmonie SUI les terres cela seul est un but digne de lintelligence une œuvre de sagesse et de reacutealisation solaire
Sous le regravegne de la raison et de la science plus haute quelle est apte agrave manifester la science intuitive il ny a plus de place pour les obstacles que lhumaniteacute instincshytive jette continuellement sur sa propre route il ny a
plus de place pour lobscure tyrannie des peuples sur les peuples pour les haines teacuteneacutebreuses des sectes contre les sectes pour les narcotiques empoisonneacutes qlle versent les
fausses morales eacutet les croya~ces eacutetroites
foutes ces entraves tontes ces laideurs seffondrent
se dissolvent disparaissen t et lcu 1 peu surgit lHumaniteacute nouvelle comme en un jardin comme en un temple eacutepanouie miseacutelicordieuse eacutepureacutee lHumaniteacute llormoshynieuse qui du sommet de la pyramide jusquagrave sa hase innomhrahle agit en union pour eacutetreindre en chaque heure lagrave heacuteatilude de lEternel Preacutesent
Je conternplais le deacuteroulcment des visions ct aperceshyvant dans le passeacute tant de snmhrcs trageacutedies faites au
nom du progregraves et de la spiritualisation des masses Ce moi supeacuterieur Ile seacuteveille que dans le calme de la
meacuteditation et il est un fait dun orQIC plus eacuteleveacute que lhomme eacuteleveacute saisira seul Mais lous peuvent sefforcer de le taire naicirctre en eux et cest la seconde naissance
Comme Spinoza le montre dune faccedilon si simple et si noble cultiver en nous-mecircmes et dans les autres hommes leacuteclosion de la raison substituer aux ideacutees confusesJourshy
iuml jajoutai comme une affirmation cl comme un deacutesir
_ Oui Guider lhumaniteacute la transformcr mais par
la joie
Loin de nous le fouet de la crainte et laiguillon de la terreur attirons- par un foyer de pleacutenitude vers le perlecuumlonuement de tentes choses
middotI
f~gt
Jshy
f liltMt limiddotW~middot(~~~f~~~nmiddot~lr(~1)~~~~Iuml ~ ~ - raquo~ ~~i~r~ Y~i ~i~ ~ imiddot~t ~I ~ ~ylt 1~ i~ lI~ (~ 1 gt(i~~~_ Y~~i~ ~ ~ 1~ ~ t l~~~~t~~ ~1 Sr ~~ ~ - ~~Y I~ ~~~ ~~
________
18u LA CONQUEcircTE DE ~II)eacute4~
Te souviens-tu lean-Reneacute de ces beaux vers philososhyphiques et propheacutetiques
laquo Profonde est la douleur bull Plus profonde est la joie r
La deuleur dit Passe el finis laquo Mais la joie veut leacuteterniteacute laquo Veut la profonde eacuteterniteacute gt
Je meacutetais leveacutee devant lui el je passai mes bras autour de son COll
- Et jaspire de tout mon ecirctre et je suis dans la pleacutenishytude du bonheur lui dis-je car maintenant jai trouveacute mon Ideacuteal
- Ma chi rie reacutepondit Jean-Reneacute en membrassant il y aune vieille parole laquo Lhomme nest jamais heureux mais il va toujours lecirctre raquo Cette parole est bien vraie car le bonheur Jeacuted cest lasoiralion et le bonheur ne
consiste pas dans lacquisition dune chose deacutesireacutee mais (( dans la poursuile dun recircve avec espoir raisonnable de succegraves D
LIdeacuteal est le maximum deacutenergie dharmonie deuml beauteacute quil soit donneacute agrave noire faiblesse actuelle denshytrevoir
LIdeacuteal le Bonheur lAmour sont les sommets dune route infinie les sommets lointains qui seacutelegravevent sans cesse li mesure que la route monte
raquo Mais lIdeacuteal nest pas la Chimegravere il est le but voulu et espeacutereacute reacutealisable Le conqueacuterir cest le graver dans son acircme dans Ion corps dans sa vie Le conqueacuterir cest avoir trouveacute un chemin de progregraves constants cest avoir comshypris que lIdeacuteal comme lAmour ne sont les cimes radieushyses de la vie que parce quils appartiennent agrave lillimiteacute
Iuiu-Uctobre 1908
bull
1rIl ~Imiddotlmiddot l fIl n-Iln l1il1 ilnn-11ln i ~l ~ YI)jjit 1 ~lS 1ilmiddot~~)~i~iiII~middoti IYi~ ~ 11 ~lmiddotimiddotimiddot~ ~Il~~~ 1 1~ ~ Itmiddot~~ ) j(X~~~ ~~~~middotiuml~i~ ~l~H~middot~~~gt~middot~~ ~ ~y~ ~Smiddot~~S~Y~~~middotmiddot~~rf ~-~~middot~8middot T1tmiddots~middotmiddot~middot ~~~~1~ ~~(~~~X~middot~~W~~(~~i~~~1NilWS~_t(~~~i~S
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LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
middotlui les richesses de la forme les lys sous les grands bois les roses au soleil les gazons cendreacutes de lune lorienshytale splendeur dune nuit blonde et douce la mer calme et bielle forte et feacuteconde loceacutean des eacutetoiles leau crisshytalline des gemmes preacutecieuses leacutemeraude aux tons dal shygue mouilleacutee la topaze dor le diamant cascade de lushymiegravere et les parfums qui nourrissent lacircme les encens rares lambre royale
Et mon imagination restaure et purifie les souvenirs de la vie moindre de la vie salie et abicircmeacutee par les so cieacuteteacutes meacutediocres
Cest ce moi fort et vaillant que jappelle aux heures de doute ce moi enthousiaste qui est mon direeteur choisi
Car je veux penser agrave lavenir pour espeacuterer non pour craindre Et si je me fais un motif ideacuteal de joie et dacshytion peut-ecirctre le v~rrai-je se reacutealiser un jour
En chaque homme lutte sans cesse des tendances diffeacuterentes parfois mecircme opposees Des ideacutees des habishytudes des acircmes le siegravecle le milieu les lectures les ex- peacuteriences les hasards les amours les recircves les meacutedishytations leacuteducation lexemple lheacutereacutediteacute la race lanshycecirctre latavisme lespegravece etc
Lutte immense des eacuteleacutements petite eacutevolution syntheacuteshytique microcosme une des plus feacutecondes analogies que nous nit leacutegueacutees lantiquiteacute la Paix et la Guerre se disshyputent lacircme par mille intermeacutediaires cest toute une Iliade
Oh que tout cela est profond el vrai quelles imashyges merveilleuses terribles majestueuses
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Un flambeau nous eacuteclaire et nous guide il faut le I~middot suivremiddot El quel est ce Jlambeau radieux Lharmonie
1 8 la beauteacute La reacutealisation de cel ideacuteal est difficile agrave v trouver quelquefois et agrave mesure que je progresse mecircshy~ me celte sorte de conscience se transforme
~
Elle devient plus complexe et en mecircme tcmps moins eacutetroite moins simple moins pinne
Je devine aussi des parties de moi-mecircme (lIi dorment encore et que je connais mal ou (lIC je ne connais pas
Seule je narriverai point agrave me comprendre toute entiegravereuml Sans lamour lamour grand et sublime unique
et divin que jattends je ne puis eacuteveiller les laquo palais endormis n
Mais avant lIue vienne le heacuteros mysteacuterieux je voushydrais augmenter enrichir chucun de mesegravetres tout en ne les meacutelangeant pHS avec cc qui pourrait me venir de lexteacuterieur el ne serait pas reacuteellemcnf moi-mecircme
Puis je voudrais les multiplier encore et les unir en les faisant converger vers lin megraverne ideacuteal
Car si je deacutesire tellement nrriver il devenir queshyquun cest que mon recircve est laceomplir quelque chose de valable pOI1l le bien de lhomme
El comme a dit Goethe ( Si tu veux reacutealiser une grande œuvre fais-loi dahold une grande agravemeraquo
Ceux-Iagrave ont une lime qui out toujours marcheacute dans la megraveme direction
Chacun a sa loi il faut sy tenir Son HJUVIC il lt~ faut laccomplir Cest un problegraveme agrave deacuteterminer ct agrave
reacutesoudre
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1(_J~jOy)J~jl~rV~ rt~ 1~middot~ - l bull
10 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Oh Avancel sans crainte Ne reculer jamais Lhomshyme daudace ressemble ail dompteur au milieu des faushy
les sil a peur le dange surgit Il faut transformer en science le souvenir de tout ce
qui a passeacute dans le rayon de noire vie Il tant harmoniser lame actuelle hiernrchiser les
sentiments teindlP certaines penseacutees en aviver dautres U fat transformer les avenirs voulus logiques deacutesishy
reacutes ltlimeacutes
Il Iaul trouver le centre Ile 1I01le acircme et le proclashy
mel roi Connais-loi toi-mecircme
30 Mai
Je viens de relire les Poesies complegravetcs du preshymier poegravete qui me fitcornprendre la merveilleuse feacuteeshy
rie du vers Ephrniumlm Michltlil Ephraim Michaeumll Celui qui mouvrit dAbord le monshy
de des formes plastiques cl la richesse du verbe sonoshyre l Celui dont jes tristes poegravemes meacutelodieux donnegraverent
unmomenl une expression il Illon ecirctre inconscient de lui mecircme dont les accents uostalgiques me- parlaient dune untrie que moi aussi javais connue pal delagrave les monugravets Celui dont le rythme assoupli mn vuix et
qui me doun a lamour des paroles suaves Ame trop faible pour la vie quelle a conccedilue 1 acircme
eacutepique ne succombant que sous sa propr~ immensiteacute ou plutocirct corps deacutebile pour tant de splendeur
Jaime ses vers somptueux comme de lor
LA CONQuftTE DEL(DEAL
Cest une orchestration savante eacutevoeatrlce avec des notes triomphales chargeacutee danciennes vies et de visionsshy
merveilleusement pures de la beauteacute qui se deacuteroule Chant mineur aussi mais sans alanguissement chant
dattente et de recueillement chant de deacutefaite olt sonshyne fiegraverement lappel des combats nouveaux et des vicshytoires futures 1 Chant de regret dlin prophegravete que le monde a attireacute sans lassouvil et qui pleure vaguementej bull
quelque couronne perdue Michaeumll quel beau geacutenie il serait devenu sil avait
trouveacute sur sa route un ami puissant une intelligence flushyrifiante une source de celle torce qui lui manqua toujours
En raison mecircme de ladmimtion llue je professe pour
son talent et de lardeur impeacutetueuse avec laquelle je me suis nOllrrie de celte acircme deacutesespeacutereacutee pendant plusieurs anneacutees je voudrais aire lin examen critique au point de vue de leacutepanouissement vital de ce manshyque qui la empecirccheacute de seacutelever jusquaux sommets
quil avait su recircver
Ainsi dans laquo Recircves ct Deacutesirs Il
Les chants vllglles et les formes indeacutecises passen t Ces formes neip euvent egravetr e atteintes pal lepoegravete Deacuteshycevance de la recherche de la beauteacute ougrave I~ reacutealiseacute est
1
moins beau que le recircve Le deacutesir inassouvi vit donc dans cc cœur il peut
seacuteteindre pal leacutepuisement il nest pas accompli JI
ne donne pas le calme qui suit la reacutealisation Il reste apregraves chaque essai daccomplissement le regret des deacuteshysirs morts
Jeacutetudie celle condition qui lui a manqueacute quelle est-elle r
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LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL12
laquo Les formes passent raquo JI Iaut sen saisir les maishytriser les creacuteer
Condition la force POlir (lIC les formes snrregravetcnt cl quon jouisse du
calme il laul savoir les eacutevoquer ou les dissoudre
bull Condition h force
Ce qui est recircve pOlIl llin cest-agrave-dire ideacutee pacircle cmshybellie seulement des layons lunaires de lImagination peut-ecirctre reacutealiteacute poIll un autre plus Iort Cest essenshytiellemeal relatif
Cela deacutepend de la force
On vise toujours plus haut pOUl atteindre plus bas Cest une loiphysi(lue dont lexplication est facile agrave trouver Lartiste reacutealise tOlljOUIS au-dessous de son regraveshyve Mais il taut regravevcr cest-agrave-dire viser de plus en plus haut
Condition la force
Pour eteindre le deacutesir il faut laccomplissement ou le renoncement JI ny a pas de milieu Autrement lacircme suse dans une poursuite vaine Or le deacutesir nous pashyrait mauvais cal un deacutesil pcrpeacutelulaquo est une faiblesse qui est im mora le
POUl renoncer ou pour accomplir que faut-il
La Iorce
PC)Il endormir son uumlmc dans la seacutereacuteniteacute des recircves accomplis il faut egravetrc maitre de ses recircves et les choishysir ou reacutealisables immeacutediatement ou reacutealisables dans lavenir
La vie actuelle eacutetant donneacutee telle quelle est il faut (sans po ur cela reuoacer agrave la mieux eacutepaaouir ) se conshy
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LA CONQUEcircTE DB LIDtAL 13
former agrave ses lois et agrave son but Ainsi on peut toujours accomplir son recircve
Mais si les recircves confus et discordauts de tous les hommes quelquefois pervers et troubles devaient ecirctre accomplis il ny aurait plus que le chaos
Vouloir ce qui doit ecirctre rom lharmonie totale Condition la force
( Ces deacutesirs jamais apaiseacutes et jamais accomplis toushy
jours fusant seacutepuisent en eacutepuisant lagraveme Il faudrait que lacircme se coneeatre au lieu de se dimiddot
soudre
Cest encore et toujours une question de force Et dans les Reacuteminiscences eacutepiques le poegravete qui U
dabord aime toutes les llleus de la civilisation dit aussi quil regrette le bonheur animal des geacuteants prishymitifs les luttes et la vie sauvage
Ces erreurs quil aime sont les lormes miegravevres les rocircles sans majesteacute les espoirs malsains toutes les faishyblesses dune eacutepoque deacutecadente
Puis par reacuteaction et polarisation ayan t eacuteteacute trop Ioia dans cet amour du faible le recircve se forme des teaps forts et des eacutequilibres anciens
Il voudrait la vie sauvage brutael animale sensuelle mais puissante
Et comme toute reacuteaction est exageacutereacutee lerreur eashygendre lerreur
Pour un ecirctre sain et intellectuelles temps preacutehistorishyques Dont rien denviable
On est sorti lentement et peacuteniblement de ce limbes oa eo a presque horreur
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44 U CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Lhomme inteacutegral naspire quagrave moaler Nul ne peut
sainement se lourner vers le passeacute deacutepasseacute
Et pOl1 eacuteviter agrave la fois cette tendresse des erreurs
miegravevres et ce regret contraire dun temps brutal que faut-il
Toujours la torce
MicJlaeumll Je sent bien celte fois-ci puisquil seacutecrie lui-ssegraveme
- Et dans ma nostalgie immense de la force je suis humilieacute de la splendeur des bois 1
Lhomme puissant nest pas humilieacute de la splendeur
bull es bois il communie avec eux et se fortifie de leur souffle feacutecond
Ainsi jai eacutecouteacute les chants dun poegravete que jaime
sans rien recevoir de ce qui en lui est moins pur quen moi-mecircme
Je me suis longuement berceacutee agrave son rythme enehanshy
teur jai vibreacute agrave ses sonoriteacutes agrave sa couleur agrave sa passion
agrave sa seacuteduction agrave son eacuteloquence Mais je veux me soushy
venir quau-dessus de tout cela il y a autre chose
Il y a la vie veacuteritable augmenteacutee ou diminueacutee
H y a linspiration sacreacutee venue de la lumiegravere et
celle issue des teacutenegravebres passionnelles aux lueurs troushybles
Nous avons appris dans le livre des grandes acircmes
que la gracircce et la beauteacute pouvaient revecirctir des esprits denfer Circeacute les Siregravenes Cleacuteopacirctre et tant de goershy
riers de savants mecircmes
Et puisque les œuvres que nous lisons deacuteterminent en
partie notre ecirctre plus je reacutefleacutechis et plus je pense quil
est on ne peut plus leacutegitime de nadmettre en nous
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LA CONQUEcircTE DE JIDEcircAL 15
par la lecture que des œuvres choisies et bienfaisantes
capables de nous aider agrave la reacutealisation de notre vie
Car tout individu qui a un but deacutefini ct fait des acshy
tions qui len eacuteloignent est contradictoire 01 nous flOUS deacutefendons des mauvaises actions parshy
ce quelles nous deacuteterminent dans le chemin que nous
reacuteprouvons et nous ne ferions pas de mecircme pour les
livres f Et puisque nous sommes obligeacutes de nous deacutefendre de
ces aclions mauvaises cest clone quelles sont tentatrishy
ces et quelles ont en elles quelque chose dattirant et
de seacuteducteur
Le mal nest pas toujours repoussant
Degraves lors pourquei nous eacutelonner que lœuvre llart
ait elle aussi un autre criteacuterium de sa valeur reacuteelle
que son degreacute dattraction et que ce criteacuterium soit sa
puissance dharmonisation de perfectionnement cie la
vie sa pureteacute Pourquoi proclamer belles et par lagrave au-dessus da
toute juridiction les œuvres qui seacuteduisent nos limes
puisque nous ne voudrions cGrtes en soutenir autant de
toutes les actions
Et malgreacute la grande admiration reconnaissante que
jai pour le poeumlte Michall je me sens plus forte dashy
voir ainsi sondeacute sor manque de force Ne dit-il pas lui-mecircme dans laquoCreacutepuscules pluvieux )
ses sentiments de vide du cœur sans raisoa damour
briseacute f Je ne meacutetonne pas de cette sensation de vide dans
ce pauvre cœur que rien na rempli non paree que rien ne pouvait le lemplir mais puce qatl aeacutetait
rempli par rien
48
JJ -Lbulltl~)A~l- r-i] Yi1 J~ ~ bull 1
LA CONQUEcircTE DE LIDiAL ----- - __----- shy
haule situation de sa famille el de tout ce que celui-ci avait dit pendant sa visite manifestant une acircme loyale
simple el tendre Et il ajouta _ Enfin depuis quatre ans deacutejagrave vit en lui SOD
amour pOUl toi amour tregraves sincegravere tregraves profond et que je trouve touchant je le lavoue
Lorsque dans un enthousiasme juveacutenile UB soir dans les montagnes il se laissa aller agrave le dire ses senti shymenls el que tu en fus si surprise je compris tregraves bien lattente de deux ans que tu reacuteclamas alors avant
de pouvoir songer agrave te marier Aujourdhui il Jen est plus de mecircme Tu as lacircme
dune femme el tu peux sentir comme moi le prix de cette affection fidegravele (lui dure depuis quatre ans et malgreacute deux anneacutees de seacuteparation complegravete
1
Enfin sans vouloir faire appel agrave ~es perpeetives mashyteacuterielles qui je le sais nont pas sur toi une bien grande influence ccpendant laisse-moi taffirmer que le bonheur dune femme esl bien embelli par la faciliteacute charmante quun certain luxe donne agrave la vie Et puis ma cheacuterie crois-moi cest quelque chose davoir un mari attentionneacute qui vous adore qui vous admire
qui se fait le reacutealisa leur de lous vos recircves 1
Le bon regard attendri de Srand-pegravere me laissait voir toute la joie quil aurait eacuteprouveacutee agrave laccomplissement
dun projet ltfui lui eacutetait tregraves cher Mais craignant peut-ecirctre davoir trop chercheacute agrave
-mIuiumlluencer il reprit uvee douceur ~ Toul ce que je te demande ma pelite Michegravele
cest de revoir Andreacute saas ideacutee preumlcoaccedilue avec un peu
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LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL -tg
de cette indulgeuco lfllc ge ne la pas donneacutee encore pour [cs hommes pour les choses pOlll la vic
Cependant tu sais nest-cc pas laquo(U~ comme je tai toujours laisseacutee libre dans tes penseacutees dans tes lectushyles dans les acles ayan tuute confinnce dans ta belle pureteacute dllns la lIcHe droiture je te laisserai Loushyjours absolument libre de deacutecider Loi-mecircme le chemin de ton desfin
Grand-pegravere el moi nous avons passeacute hier apregraves le dicircner une soireacutee tregraves intime Jo lc sentais preacuteoccupeacute dune deacutecision prochaine ct un peu meacutelancolique aussi car cc projet Ini taisait revivre sa jeunesse agrave lui etausshysi la jeunesse de ses enfants disparus ce projet auquel il tient pourfanl lui Iaisail revivre une eacutepoque deacutejagrave lointaine UgraveUTI passeacute ltiui Ile reviendra plus
3 Juin
Grand-pegravere a inviteacute rll(lll~ Calvis agrave dicircner pour la seshymaine prnchnlue PlliSlaquo(lIi veut absolument que je le revoie
Moi je snisbieu je sais ineacuteluctahlegravement que ce nest
pas Lui Mais pourquoi ne le reverr-ai-je pas Cest un ami nous avons beaucoup eacutechangeacute ensemble nos penshyseacutees et nos aspirations denfance el les liens damitieacute reacuteelle apportant leur joie sont si larcs
Peut-ecirctre ne voudra-I il las comprendre la h~allt~
dune affinileacute (lui dure t[llalll megraveme clic nest pas ehuishysie comme affiniteacute iUIg)ne
Les hommes do nos jours ne sont pas heroiumlques
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LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 21 20 LA CONQU~TE DE LtDEacuteAL
n y avait quelque chose de hien noble dans certaishynes ideacutees de la chevalerie dautrefois
Il me semble quaujourdhui 011 nc seacute garantit pas assez de la souffrance destructive on se reacutesigne trop facilement agrave leacutetat miseacuterable du monde et de lhumashyniteacute et au contraire lon eacutevite avec une veacuteritable lacircshycheteacute leacutecole de certaines douleurs psychiques qui disshyciplineraient et augmenteraient notre ecirctre Je veux dire que degraves mon relus il est probable quAnugravereacute prenshydra la reacutesolution de ne plus me rencontrer pour ne pas se souvenir
Au lieu de laisser vivre entre lui et moi tout ce qui peut de son admiration totale egravetre reccedilu par mon affecshytion partielle il cherchera agrave tout couper agrave tout reti shyrel agrave tout eacuteteindre Cest dommage 1
Tant de fleurs de tendresse sont ainsi faneacutees trop tocirct et souvent faneacutees il jamais pal ce manque de courage par celte crainte faible dune augmentation de peine
Oh ne jamais rien deacutetruire volontairement des amitieacutes des sentimen ts des pesseacutees des liens reacuteels 1 ne pas craindre la viedu cœur ne pas fuir devant les
( orages possibles
Je veux fortifier mon coura~e et je voudrais semer du courage en autrui car jaime la force etIenduranshyce Au contraire je nadraets pas la reacutesignation si annishy
hilante precirccheacutee agrave tort comme une vertu
Andreacute comprendra-t-il comme je le sens que nous devons conserver la vie coservel en elle ce qui est vivant et laugmenter et leacutepanouir
Mais quil faut avoir une volonteacute aussi forte que lintelligence pour rester harmonieux et une volonteacute morale plus forte que le deacutesir instinctif de vie
~ Dailleurs depuis deux ans Andreacute a certainement mucircri et progresseacute
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f Je sais quil est poegravete quil a de vrais dons lyriques une ugraveme pure et noble
Mais quimporte
Celui que je recircve est le seul qui puisse mentraicircner plus haut que moi-mecircme agrave la conquecircte incessante d~
mon ideacuteal infini
Et je veux quc reacutealiser son recircve quincarner son espeacuterance soit mon expression protonrle celle clue jentrevois comme une ~ ossibiliteacute merveilleuse encore lointaine dans mes instan ls de deacutesirs les plus eacuteleveacutes
Oui Grand-pegravere tu as raison Cest quelque chose davoir Il n mari qui se fait le reacutealisateur de toutes vos aspirations
Mais faut-il encore quil puisse sentir ces asplrnlions mecircme celles qui dorrncn 1 an fond (Je mol-mecircme fusshyquau temps ~ugrave sa penseacutee eacutevocatrice les eacuteveillera
Lorsque je le sentirai veuil de tous les cocircteacutes seacutelegraveveshyront des chants dalleacutegresse
Et le jardin dl mon ucircme fleurira enfin et vibrera comme le vent du soir fait reacutesonner sourdement le grand orgue des bois
Des accents de victoire eacuteclateront dans les airs des
fanfares joyeuses selanceront et ce sera lhosanna triomphal entonneacute dans mon cœur pOUl lnrriveacutee cie son roi
Tous les recircves se legraveveront en moi comme une foule et les phrases damour berccedileuses qui chantent dans
mon egravetre les paroles erubaumeacutees et douces qui sorashy
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LA CONQUEcircTE
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CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
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III i Il 9 heures du suu
(111 le (Ii 111 )
meillent encore mes knrs pourront enfin te le dire il loi que jalrllds
Tu mapprcndrns toujours mieux les secrets profonds
de la il mysteacuter-ieuse cl 1I011~ lIilli~(JOIl~ tous deux
lideacuteal Cil reacutealil eacute Cilrmiddot iIVI(~ loi la vie sela le Temple
du Beau Avec loi 1~lle S(il II~ illlclllail(~ du Biell
Et ta parole mlnlrnilleri mc MliVlIraml1xllllera
vers les hauts sommcs de la pell~le lrumainr-
Tous mes recircves lappellenl d mes souvenirs lous tont appeleacute un agrave un
O Viens hicnlugravel Viens mou unique soleil A la
lueur je veux COmpIIIIiII il Iii 1111111 je VIUX savoir
agrave ta lueur je veux chauler il la lil(III je V(IIX aimer
Triomphant rt adoreacute viens Iairc villII mun acircme ct
reacutesonner loules les con]lts de 1111 h ll In nd Il salis loi
Alljollrdhui jni ltIt prendre ilshy llil cll(z laur Kousta
que ie navais pas 1111 dp)lIi~ plus dl~ trois mnis
Cest une klIIme pcinlrc hilII connu 1 Pilis
maintenant pOlir SOli lalltolll cl SOli ldlIard( hlallI
Elle minltIlssait l)(illlCOIlP (II plIlsioli il v il qur-lshy
ques anneacutees lorsque la jeune Iilll~ clIIiells cl farouche quelle eacutetait alors soccllpnil iI 1( pilgtsion d( la 1011 (P
petite Michegravele
il
Jl
~
Elle eacutepousa depuis Wladimir Kousta comte poloshy
nais beaucoup plus ilgeacute qurllc dont lIndulgr-nce inshydiffeacuterente ct taihlr- lintcllicence savante compliqueacutee
fine ct douce laquo( lnimnil pntpllIdlelllcnt tout lII la laissant
entiegraverement IilllL)J comme dll Ille le dil en i-ianl pOUl
mannoncer ce singulier mariaulaquo
Jane eacutetait vraiment somptueusement belle cel apregravesshy
midi dans sa lohe souple de lil)(I1~- ornnge ses bras
magnifiques chnrgeacute de hrucr-Icls lourds
Tregraves entoureacutee elle parlait vivement son lIelllCl 5011shy
rire eacuteclairant son brun visage de grcc(flIe antique et
elle faisait de grands getes conservant pourtant la
gragravece distingueacutee ct harraonieusc si rare si d(~irlle si
impreacutevue qui est la sienne
Elle paraissait lrucircncr dans son vasle aldil~I luxueux
ail milieu du deacutesordre voulu eI nrrungeacute du pegravele-mele
garccedilonniel des tableaux des chevalets des bouquins
des hibelots el des toiles commenceacutees
Degraves que le domestique meucirct annonceacutee Jane flollssa
un grand cri enthousiaste ct mouvrit lar~cmclli ses hras
- Eh hien fOon enfant iHicnHa ch hien ~ mon hlond
oiseau vagabond cest comme cela que depuis des mois
et des mois tu nous as tOIlS ahn mlonneacutes t
Tout le grollpe ami surencheacuterit bruyamment
- Il sest sucircrement passeacute quelque chose t1lqrnn~c
dans la vie de Mademoiselle Vazuuuc cd hiver nfllrma
le pianiste Edmond Cnud
- Viens-tu lions annoncer les fiausaillrs r lplii Jashy
ne en mattirant pregraves delle tandis (Ie je svrru is enshy
core cinq ou six mains tendues vers moi
-------_
~~6~Uumli~~~~~middotmiddoti
GlIillaum~ Tara sinclina ~ 1 ~ Je ne puis vous feacuteliciter de voire 5uceegravesjMonsiellr
lui dismiddotojenayantni III ni YU toille piegravece Dune voix grassedeacutepl~isaDte ra1-a reacutepondit en ricirc~
caout 1 gt1 -Ma litteacuterature en effet Mademois~ll~ ~~est p~U preacuteciseacutement cc quon peut faire-lire aux jeunes filles
_ Ceci lqt ~rte peu pour Mad~m~i5el1~ V~zaDDe~ ~t dun tonelmable Edmond Gaud EUe a ungrand~pamp
re eacutepatant qui la laisse libre deacute lire tocircnt~ee qll~eacuteneveUt C~stvr~i repri~je Mai~ Il m~Jais~ecircceumlJtel~
teacute jllstem~lIt parce quil sail qui( Y~ (~ ~eri~in ~rl qlli ne jninteacuteresse pas du tout middot ~ ~
Tous eacuteclategraverent enriant 10 bull
~ Ehbien1 ~OD vieux Gui TareeUepe vriu~ 18 pas envoyeacute dire 1
He~reusementque tout le mondeaParisnest plis de vaireavis MademoiselJc murmuraGuil1a~me Tara
-Cest certain Monsieur reacutepliquai-Je Vous sentez tregraves justement que parmi vous tous je suis un peu comme
une eacutetrangegravere une provinciale si vous voulez
Et profitant dun instant de conversation geacuteneacuterlllede plus en plus bruyante je dis agrave Jane en aparteacute - Et voi~
lagrave preacuteciseacutement pourquoi je parais tabandonner mon ashymie Si lu voulais me voir seule agrave seule de temps en temps iuml~lurais le senliment dun eacuteocirchange damilieacute feacutetiUeentre nous deux Notr~ affection -aipsi ~rait vie et manifestationnaturelle devie ~ lt~ v
liais tu mas souvent fait c~anp~lidrequ~ je poubull shyvtPt te gecircner ~~ veacutenant middotautro~egravebt~qU~~~)Dmiddot1joure Qubull
gtlo
middotmiddotEt avent que jaie eu le temps d~reacutepoodrela peshy0 bullbullbull lttite R()se~Malie des- Franccedilais dont je nai jamais aimeacute ~ bull Ies yeux pointus tregraves brillants et tregraves vides seacutecria avec ~f+~alice _ 1( ~~ Mais cest vrai il Y a du nouveau pour vousb l (
li 4ndreacute CriJis est de retour agrave Paris gt gt Tuvas nous raconter tout cela pour te faire parshy f~onntlr ton lacircchage dit Jane mais tumiddot prendras des
forces avant lfagdeleinr ajoutat-elle servez-lui donc le theacute
Magdel~ille Lamarre un peu ridicule par lextrecircme ~ mJ9picq~ilIe lui permet pas de quitter un instante ~ 00 facebullbullbull mains et aussi par lair de jeunesse ingeacutenue ~J ~lJe cherchentagrave jouer ses trente-cinq ans de vi~iumlllefillr egrave Ee preacuteejpila gnmincmeni agrave ln table ougrave le samovar
bO~lrdQnnait doucement sa chnnsonmonptQne ~
Un~ Iorte odeur de cOleacuteopsis se reacutepnndait dnns la piegraverrochaqne mouvement de Magdeleine dont la fishy gure savamment maquilleacutee eacutetait eacutecraseacutee pal un chashy
0 lfll n monumental ougrave seacutetouflaient les plumes daulrushyche cil les rose tendres 1 bullbull
rregraves Ile Jane un petit jeune homme hlondesecvan ~ visage~legravellieaux vilnius yeux gris se ba1nnccedilagraveit dans uu
bull fauteuil debois fumant nonchalamment un gros cigare Son ail IlIS et fat me deacuteplut - Tu regardes notre nouvel intime interrogea Jane
Tq ne Je connais pas - Et sur ma reacuteponse neacutegative
~ - Jete preacutesente Guillaume Taraullhmiddotemeo~dit mon
ami middotGu Tare lauteur si connu par Vimmeuse( ~~lt ~JriQuf~e middotdemiddotl $ai$OO~ ~leFqu~~jre
~~tmiddotmiddot
1
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succegraves eacuteclaboussant extrashy
parler du toute cette
EIlmJlId Gaud vint sasseoir pregraves de moi Il est intel-
nous avez que QOUS vous
ici qui
un instant la conversation
de Paris
dans cet dadjectifs vides
phrases presque toushy
les seules agrave peu pregraves quon puisse pla
mondain mi tout le monde veut par- 1
des eacutechanges fluishy
des sourires
nerveuses et deacuteseacutequilibreacutees
de Ia vie
Au contraire elles lemshy
vous voulez Il faut dQD
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~f~C~~~)~~~lt ~~~heacute~~i t~- ~ ~ lt lt gt
16 LA OONQuiTB DB LIDEacuteAL
eacuteela deacuterangerait ton travail tes seacuteances de modegraveles etc
Et je tavoue franchement que si aujourdhui par exem- pie rai la joie dadmirer ta bea Il teacute ce qui est deacutejagrave quelque chose cest vrai tout ce quune in limiteacute douce nous permettrait de reacutealiser et deacutechange de sincegravere et
de profond est empecirccheacute annihileacute par le convenu et lartificiel dont sbabille Paris mecircme dans ses reacuteunions
les plus restrein tes Comme pour me donner raison le domestique annonshy
ccedila le duc et Ia duchesse dArmiore Jane ell ce moment fait les portraits de la duchesse
et de ses enfants
Aussitocirct elle sempressa autour deux et commenccedila
les preacutesentations dlisage
Magdeleine Larnarre souriante et ingeacutenue retourna agrave la table de theacute et Jean Chermy qui flirtait avec elle
passa les assiettes de petits gacircteallx Puis coup sur coup en tregraverent dans latelier les
peintres Demerront et MaulIcircce Picot lactrice Nelly Reflet et plusieurs autres personnes
La conversation devint de plus en plus tapageuse et quelconque
Guillaume Tara le grand homme du jour que je senshy
t~is tregraves peacuteniblement dailleurs ecirctre en ce moment le fashyvori de Jane paraissait succomber sous le poids de ladshymiration que tous ces pan lins lui prodiguaient
O~ ne parlait plus que du Fou-Rire de ses actrices -de la scegravene extrordinaire du 3e acte ougrave la situation se complique si drocirclatiquement de larriveacutee des deux acircmants du compte-rendu de cet imbeacutecile de Veacutery qui aVilit preacutedit un four et de lavenir superbe que proshy
-~
r~~ middot~J~~~Jr h~~l~~~~~~ij~
LA C0NQU~TB DE LtDBll
mettait agrave Monsieur Tara le ordinaire affolant Ile cette premiegravere piegravece
loi qui navais jamais encore entendu Fou-RilC j~me sentais stupideparmi meacutediocriteacute
ligebullt et sympathique
-- Ainsi Mademoiselle me dit-il vous deacuteclareacute tout agrave lheure agrave mots couverts
rasIOns
- Seacutepareacutement il Y a IJuelques pelsoones sont chnrmantes
Mais soyez franc Ecoutez
de ce salon qui est un des plus intelligents
Et dites-moi linh~Iegravet que lon peut trouver eacutechange dexclamations dadverbes et
de sens dans ces lambeaux de
jours inacheveacutees
cer dans un salon (
ler et personne ne veut ecouter
~ Jy trouve des sensations nerveuses agreacuteables parshy
fois fortes reprit le jeune pianiste
diques des amitieacutes des flirts du parfum
-- Je VOllS comprends mais ces sensations lil me font leffet decirctres artificielles
elles ne reacutepondent agrave aucun besoin profond
et uexpansent pas le-bonheur poison rient
- Si j(~ ne me trompe Mademoiselle mettre en pratique la parole de M~rcAul~le ~
~
J~ J- - J~ - - --
28 LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
ner au corps ce qui est neacutecessnire pOUl lacircme et il lacircme ce qui est neacutecessaire pOIll quelle seacutelegraveve raquo
- Le plus possihle et je voudrais reacutealiser aussi cetshyte autre penseacutee dEacutepictegravete Sois libre malgreacute le monde
Mais la force du monde est infinie lloyez-le par rapport agrave la lorce de lindividu el le monde est enshycore anarchique el deacutesaccordeacute
Etre droit et eacutequilibreacute cest sisolcr difleacutercr du ruishy
lien et pOlir reacutesister il liuflncnce Iunc force si puisshysante influence dailleurs nerveuse cest-agrave db c pll~sqlle
physique ct ne venant pas des id(c- i-snes seulement de ces sensations passagegraveres que VOliS aimez je crois que
lhomme sain ne reacutesiste qucu sclcvau l tregraves haut cl en
bacirctissant autour de son acircme (les murs de diamant
- Vos ideacutees sont bien daccord avec votre forme exteacuterieure reacutepondit Gand I(~ crois voir une jeune filshyle de lantique Chaldeacutee dans le calme de ses regravevcs plirs
allant la cruche sur ln legravete puiser lcau bicntaisantc
Vous vivez plus avec les eacutetoiles quavec les hommes et vos yeux longs (jolientale hlonde reflegravetent ra nosshylalgie de lideacutealiteacute Moi jni gueacuteri celle nostalgie peut
ecirctre cette gllelison est-elle lin amoindrissement Ccpenshy
danl vous saurez heacutelas un jour que les pensees les
plus belles viennenl toutes de ces sensations nerveuses qlle vous croyez infeacuterieures souvent niegraveme nolre intelligence deacutepend de la fnccedilon dont nous avons digeacutereacute notre deacutejeushy
ner et tout nest que sensation
Cest pourquoi la musique est ma vie Quy n-t il an monde agrave cocircteacute de cela le me repreacutesente la terre comshy
me un lien Ie lhomme doit taire vibrer de toutes les faccedilons et le plus possible sil vent ecirctre vraiment heureux
-t--~ - -
LA
et vraiment quelquun Quy de leacutemotion Plus
CONQUEcircTE DB LmEacuteAL 29
a-t-il dans la vie hors lin ecirctre est capable deacutemotions de
tontes les sodes plus il est inteacuteressant plus il existe _ Pour VOliS reacutepondre repris-je en soudant jappel-
le toute la Chaldeacutee il mon aide VOliS dites tout est sensation pourquoi vous contreshy
diruis-je A travers mon enfance entiegravere jai su gilldel la notion du reacuteel le parfum des loses leffluve des arbres les affections les deacutesirs les penseacutees eacutelaient un monde vivant autour de moi Dunivers en univers de
hauteur en hauteur tout est reacuteel je le sens Comprendre savoir apercevoir espeacuterer cest toucher
par un sens ou par un autre Ce qui nest pas en conshy
tact avec moi est inexistant pour moi et le seul et unishy
versellien entre le monde et moi cest la sensation Vous dites tout est vibratiou Daccord La vibration
exteacuterieure peacutenegravetre en nous sous forme de sensation
MaIS ne remarquez-vous pas vons-mecircme quil y a une
infiniteacute de modes vibratoires
Londe musicale est pour vous le type et le centre
des possibiliteacutes rayonnantes mais la vibration de la
lumiegravere celle de lamour celle de lintelligence Si le piano que vous faites reacutesonner est faux ou a
des cordes briseacutees en ecirctes-vous pour cela moins musicien et votre eacutemotion mal servie ne seacutemane-t-elle pas imshy
patiente et complegravete
Si mauvais interpregravete VO1S trahissez le geacutenial comshypositeur lœuvre splendide enregistreacutee par les signes
en est-elle moins parfaite 1 Eh 1 bien quand votre corps physique alourdi de
sommeil 01 eacutepuiseacute dinsomnie accableacute par lexcegraves ou le
--
~
- -~ ~ ~ ~ ~ l
SO LA CONQUEcircTB DE LmEacuteAL
manque de nourriture par lexercice iiuquiegravetude ou
toute autre cause devient lin mauvais instrument lin
mauvais reacutecepteur est-ce que londe intellectuulte qui
dans de meilleures conditions laurait fait vibrer harshymonieusement est changeacutee
Croyez-le il y a des sensations de tous ordres Les sensations physiques peuvent apregraves avoir eacuteteacute comme
un cristal transparent devenir ugrave certains moments comme
un voile opaque pOlir les sensations supeacuterieures elles
nen sont pourtant que le vecirctement et la manifestation
Et les sensations immeacutediatement supeacuterieures agrave leur
tour transmettent de la mecircme faccedilon selon leur capashy
citeacute des vibrations plus hautaines encore
Jgtonc agrave mon avis non pas notre intelligence mais
seulement sa manifestation physique ce (lui est tout diffeacuteshy
rent pe~t deacutependre œdune digestionraquo comme vous dites
Pendant quelques instants Edmond Gaud et moi nous
causacircmes encore Puis je me levai pour partir au
milieu du brouhaha mondain Et Jane Kousta lacirccheacutee de me voir sortir sans presque mavoir parleacute maccomshy
pagDB jusquagrave la grande galerie deFlIIt(~ ct sexcusa
- Tu ne men veux pas petiJeacute Micllcline 1 Jo tassure
que si je ne te demande pas de venir me voit un jour
toute seule cest quen ce moment cr-ia mest vraiment impossible
- Tu as trop agrave travailler lui demanugravelIi-je
Et aussitocirct je sentis brusquement que bien autre chose
que la peinture la preacuteoccupait et labsorbait Je la regardai Elle rougit Et ma penseacutee eacutevoqua aupregraves delle la sishyhouette affreusement antipathique de Ouilla urne Tnrn
Je me rapprochai de Jane et lui prenant la main
~ ~ -~ ~~ ~ l )--~
LA C01llQUEcircTB DB LIDEacuteAL 3~
- Mori amie Les choses seacuterieuses et profondes sont les plus vraies les plus douces celles qui donnent la sensation de dureacutee dagraveme de vie Crois-moi ce qui
senvole inutilement ce qui brille un jour pour seacuteteinshy
dre vite cest le neacuteant Tu te laisses entraicircner dans un tourbillon trompeur
et hi ny es pas heureuse Jane car tu vaux beaucoup
mieux que la vie que tu te denues
- Tais-toi interrompit-elle tais-toi Je ne veux plus penser au moins pour quelque temps
Ce qui me rend le plus triste ajouta-t-elle cest que
je suis jalouse et sa voix tremblait
-- Au contraire insistai-je tu devrais prendre le
temps de penser Ce que tu as de plus beau en tei
peut seacuteveiller Seacutepanouir et te diriger mieux
- Me diriger Et ougrave 1 Depuis des mois et des mois
je suis une pauvre nef ballotteacutee sur un oceacutean en teshy
pegravete et ea tumulte tu ne peux savoir Plains Illoi
ne Ille juge pas Michegravele
-- Ma pauvre Jane je ne te juge pas certes et je
taime 1
Tu dejaandes comment te diriger 1 Fais le silence ee
toi dabord et autour de toi des sensations et des deacuteshy
sirs calme ton excitation et eacutecoute la voix inteacuterieushy
re la voix intime et profonde de ton ecirctre soupireacutee
chanteacutee moduleacutee au fond de ton acircme
Jaurais voulu Ionguemeat parler agrave mon alllie mais
la sonnette seacutetait tait entendre et le domestique (l1ashyvraitla porte dentreacutee agrave deux dames empresseacutees et
vlubiles
~~
Je suis
LA CONQUEcircTll DE LrDjAt
Jane courut agrave elles le sourireaux legravevres et memshy
l2
~C~- -n-t -~ 1 _ 1 bull l ~
LA CaNQUETE DB tIDEacuteAL 33
alleacutee avec grand-pegravere acheler des fleurs puis j~i eacutegayeacute la maison des taches dor des jonquilles elbrossa ~n hacircte pour retourner ail salon en mecircme temps jai piqueacute dans lous nos longs vases les liges droites que ces deux arrivantes des boules de neige gonfleacutees grosses el candides des
Mais dans son baiser prompt je sentis loute la tendresshy lys eacuteclatanls si purs dans leur blancheur resplendisshyse intease dont elle esl capable et toul ce que son ecirctre sante et des lilas blancs ou mauves an parfnm tiegravedlaquodeacuteseacutequilibreacute farouchement nelveux contien t encore de
Enfin seule au-salon jeacutetalais dans une potiche basse profond de puissant el aussi cette capaciteacute quelle a
sur le piano habilleacute de soie quelques grosses roses au milieu dune vie factice el trouble de garder oushy
rouges lorsque la porte souvrit sans bruit derriegravere moi vertes des eacutechappeacutees lointaines sur les vastes espaces
Javais devineacute qui entrait Plus timide que dhabitushyillumineacutes et de sembler avoir toujours uae part de son ecirctre plongeacute dans un oceacutean daspirations pures et innomshy de je nosai me retourner
- Oh 1 Michegravele murmura Calvis comme VOliS ecirctesbrables devenue belle 1
Surmontant mon eacutemotion je marchai Vers lui la main tendue
Il la serra longuement dans la sienne et leflleumlura rlun baiser rapide
9 Juin Minuit f2 Je le trouvai bien changeacute Plus grand plus Iort et
plus fin agrave la fois Je le lui dis
- Oui jai beaucoup changeacute Michegravele reacutepondit-il Andreacute Calvis sort dici agrave lInstant el je nai pas - En deux anneacutees dexil toujours seul aux pay~ loinshy
sommeil tains on comprend on senl bien des choses nouvelles
Quelle apregraves-midi agiteacutee jai passeacutee en lattendant je Ces deux anneacutees ont eacuteteacute dures Mais je ne les regrette me croyais moins nerveuse mais mon affection pour pas Elles furent pour moi une eacutecole merveilleuse qui lui souffrait deacutejagrave davoir agrave assombrir un passage du magrave ouvert la porte de mon acircme qui ma deacuteveloppeacutechemin de sa vie davoir agrave briser son premier lhe qui ma formeacute Celle eacutecole je suis heureux de lavoir
Vers ) heures jai joueacute du piano longuement et eue et cest agrave vous que je la dols Michegravele me suis mise agrave chanier cependant mes penseacutees sonshy
- Non pas cest vous Andreacute qui avez voulu partirgeaient tristement el impatiente jaurais voulu que
au loin et voyager Je ne vous ai jamais demandeacute celle les heures senvolassent plus vite Mais rien ne peut seacuteparationacceacuteleacuterer le temps que le bonheur ou le calme
3
J
34
r-lI- --- ----J JI 1 r-l ~ 1
TA eumlONQUEcircTE DE TrOEacuteAL
_ Vous aviez exigeacute que jaltende deux ans avant de
vous consideacuterer comme une jeune fille Comment penshysiez-vous que je pouvais vous voir pendant si longtemps sans vous parler de lunique espoir de tout mon ecirctre 1
Dailleurs cest votre grand-pegravere et mes parents qui ont
voulu ce deacutepart lis ont donc eu raison puisque ce long- voyage
vous a mucircri _ Mais parlons de vous Michegravele reprit-il Comme
vous ecircles devenue grande cl belle 1 Tous les recircves ltlune penseacutee toujours vers vous vous
aureacuteolaient moins encore que ne vous ideacutealise la deacutelishy
cieuse reacutealiteacute daujourdhui Voire casque dor est plus lourd et plus doreacute quaushy
trefois el la phosphorescence de vos grands yeux bleus
brille dun nouvel eacuteclal cl voile de nouvelles profonshy
deurs n eacutetait troubleacute Je massis sm un canapeacute el il vint
se mellre pregraves de moi _ Je suis tregraves eacutemu vous le voyez nest-ce pas ajoutashy
t-il lregraves eacutemu de me retrouver dans ce salon ougrave jai
passeacute de si belles heures de si doux moments de si chegraveshy
res anneacutees 1 Tregraves eacutemu de celle minute attendue appeleacutee deacutesireacutee
tant de fois el dans laquelle jai tellement de choses ugrave vous dire mais les paroles que je prononce ne corshyrespondenl pas il celles que VOlIS attendiez peut-ecirclre
el elles exprimenl si mal loul ce que je voudrais que
vous compreniez Je sens heacutelas quil esl facile de ne pas saisir le
bonheur qui passe
~-l j1 Jl-j1J Tl Jl Q
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 35
Et jaimerais savoir parler seulement pour ouvrir voh e agraveme el si vous le vouliez Lien ouvrir voire cœur Je menivre de votre preacutesence Michegravele mais je crains L
Jai une crainte affreuse deffaroucher loiseau melshyveilleux le papillon bleu
- Taisez-vous dis-je en liulerrompan l laisez-vous Andreacute Pourquoi vous laisser entrnincr pal vnlre penseacutee de poegravele avant de savoir ce que nous pourrons ecirctre lun pour laulre Apregraves une aussi longue seacuteparation
nous avons changeacute lous les deux el nous ne
nous connaissons plus Inlellectuellemenl jai parcollru
de grands espaces el le lieu de mon repos actuel est hien eacuteloigneacute de mes songesdautrefois
Aussi avons-nous preslllle il nous deacutecouvrir mainteshy
nant Parlons librement explorons ensemble les plus
complexes horizons de noire penseacutee mais croyez- moi
ne repren~z pas le dialogue ancien 1lt1 011 VOliS lavez laisshyseacute sans lenir compte du temps qui dans nos ucircmes il
depuis fail gerrnlI des floraisons ncuvelles
- Commenl pourrais-je VOliS parler librement 101sshyque Ioule mon inlelligence est annihileacutee pregraves de vous
par lextase de Illon cœur ardent cl enthousiaste
iumll~ ne sont pas des mols qui peuvent nous lapproshy
cher lun de lautre li mon amie ma chegravere amie
Le silence seul est leacutepanchement veacuteriluhle dies
yeux les yeux parlent si eacuteloquemnu-nt la langue de lacircme 1
Heureusement grand-pegravere entra agrave ce moment el intershy
rompit une conversation ougrave il IOPSUle quAudrlaquo sex alshytait je me sentais de plus en plus Iroide calme indifshyleacutereute
bull
jJrr
~
Il il III 1 1 r-~ 1] 11 Jl TU J~ J 1 ~ ~( bull ~
36 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ledicircner fut bientocirct servi el pendant Iout le temps quil dura jc me confirmais de pins en plus dan s cette conshyviction que jamais jamnis Calvis ne serail lOUI moi aushy
tre chose quun ami
Grand-pegravere et lui parlegraverent avec animation de la musique en Allemagne ougrave Andreacute avait passeacute six mois de la Chambre des Deacuteputeacutes et du Suffrage universel de Sarah Bernardt de Rostand des religions et de Mahoshy
met
De temps en temps je disais une phrase quAndreacute
approuvait toujours en mentour~rt dun chaud regard
de tendre et muette admiration
Mais une voix criait en moi que toute la partie la
plus haute et la plus feacuteconde de mon intelligence celte partie soupccedilonneacutee de moi seule cette vic pr(sque inconsshy
ciente encorequi me met en rapport avec lau-delagrave de mon ecirctre celte vie de certitudes mystiques de visions
merveilleuses dintuition nette et preacutecise cette vie Inshy
tente encore spiritualiseacutee mysteacuterieuse et profonde ce neacutetait pas Andreacute qui pourrait jamais la comprendre
la satisfaire leacutevoluer cc neacutetait pas Andreacute ~ui pourrait
jamais la cultiver et leacutepanouir ~
Lorsque dans la soireacutee grand-pegravere nous laissa dt nouveau seuls ensemble au salon Calvis reprit sa place
sur le canapeacute et avec une ardeur contenue il me deshy
manacirca
_ VOlllez-vol~S eacutecouter une leacutegende un recircve un
poegraveme qui me hante et que je nai pas eacutecrit 1
Je nosai refuser et il commenccedila
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL 37
- laquo Le lIalde recueillait avec ivresse le chant inteacuterieur Ie Iui versait sa lVTus~ O si tu es aimeacute disaitelle ruyonnc 11 Ile dlmallde pliS autre gloire
laquo 101 Elle la Terrestre qui taime deviens Inrt ct gllllld sois henu ct gillJde loi
laquo Crois Cil Elle iuvincihlcmen l el quelle soit ta magishycienne
laquo Tu contempleras son image radieuse et tu seras conshysoleacute
laquo Tu le suuviendrns de ses paroles douces et tu seras fortifieacute
laquo Happelle-Ioi Cest Elle Elle lunique la seule femshyme que tes yeux ont adm ireacute dans ce monde la seule que Ion ame a choisie la seule que til chair il deacutesireacutee
Celle-lit enfin qui sc donne il toi pour toujours COIlshy
finn te
laquo Sois fidegravele il la route quelle a traceacutee de sa main
cheacuterie et marche ardent vers le but sans voir le monshyde
fi Pour Elle
laquo lII jour III lallras conquise alors 10111 sera cuhue
et merveilleux raquo
Et voici JIU le Barde reacutepondait il la ~]ust en penshysant il sa hien aimeacutee
laquo Sur lin feuillet amoureusement choisi lhistoire est grllveacutee de nos amours ct de mes souffrnnccs et des lutshytes et des recircves
laquo Mon amour sy reflegravete mon cœur sy (st envole en ses plus hau taiues visions
laquo Cest la couronne de mon œuvre cest le livre dno mour
Il
_~__~==========iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiliiiI(iir--TT1rnliiumlmiddotlfllmrJInnlllllllll11111I_1_1bullbullbull11111111111middot11 bullbull 1 1
J -~ --1i1I~~~~~) J J 1 ~ ~ ~ 0 bull
ss LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquoltJe lui donnerai au jour beacuteni ougrave nous serons lun agrave lautre pOlir quelle y puise la confiance et lamour la fideacuteliteacute ct lenJhousiilsme la reconnaissance et la joie
( POUl quelle y apprenne la ~randeur de ce qui nous unira la merveille -de notre chaine dor lardeur de
ma penseacutee laquoSeule Elle le connaicirctra Et ce livre sera comme notregrave
jardin secret
laquo PJ1rc magnifique ougrave nous nous promegravenerons souvent ravis loin des foules loin des regards seuls seuls enshy
tre nos acircmes enlaceacutees en Ire nos COlPS attireacutes
laquo Irreacuteveleacute ce sera lagrave le coinecircde mystegravere ougrave lon se
retrempe aux jours de deacutesespeacuterance la fontaine damour
ougrave toute plaie sefface
laquo Le talisman fait de son acircme ougrave toute torce resplenshydit il sera le secret de la force silencieuse il SHa le lien indissoluble que nulle penseacutee indiscregravete naura souilleacutee
laquo Et apregraves avoir mis tout ce que jai de meilleur tout
ce que je sais de plus grandiose dans ces pnges jen ferai mon chef-dœuvre copieacute de ma main et je le
donnerai agrave mon amie
laquo Et un jour nous le lirons ensemhle en face de la
mer immense ct bleue SUI la haute falaise laquo Et middotpour qui~ ne soit pas profaneacute parce que nous
laurons graveacute dans nos acircmes je me legraveverai dans un geste royal et grave je lancerai dans Jabicircme lenfant
cheacuteri de ma penseacutee
laquo Cal ce sera un signe que jaurai renonceacute ft la 1510ishyre du monde pour la gloire dEUe
~~--- ~ )
DB LIDEacuteAL 39LA CONQUEcircTE
- Cc livre
Et un long silence accompagnera sa chute tandis quil
pll~sera magique eacutetoile dans le ciel recircveacute de notre recircve D
Apregraves un moment soudainement timide Andreacute ajouta damour il est presque termineacute Cest ma
vie Ile ugraveeux anneacutees celle des heures de meacutelancolie comme celle des heures despeacuterance
Le lirons-nous ensemble Michegravele avant que ne lenshysevelisse magnifique tombeau la mer fgtlysteacuterieuse proshyfonde insondable gardienne eacuteternelle de ce secret rashy
dieux de ce deacutepocirct sacreacute
Il parlait avec tant damour avec un prodigieux et
si tendre cnthousinsme que jen eacutetais troubleacutee et quun
instant jallais mecircme me laisser eacutemouvoir par lideacutee de cette œuvre damour conccedilue neacutee pour mourir et
mourant afin de lester le confident SIIcircl et fidegravele de deux acircmes unies
Mai1 aussitocirct je sentis plus fortemcnt encore latmosshy
phegravere miegravevre et presque malsaine dont cc scntiment mentourait
El (lune voix donce qui cherchait agrave atteacutenuer IJOIII
mon ami Allereacute ln rudesse dune pensee tellement eacuteloishyglllC de la sienne je Ini reacutepondis
- Ecoulez-moi Andleacute je vais vous faire de la peishyne p~IICC (lue je le sens un poegravete est comme exteacuteriorf
seacute dam son œuvre el ne pas vibrer il lunisson des mots et des rythmes ougrave il a mis sa vie cest le blesser
Et pourtant je ne puis laisser passel vers moi sans vous avertir leacutecho middotdun monde (lui esmiddott le vocirctre et qui manque non seulement de lumiegravere rnuis encore de force et de vie Heacutelas cest ainsi que les jeunes-gens recircvent
41
~44td-~Jp-middot~ 1 1 JI -- --)~ ~-
40 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Andreacute je VOliS parle ici avec mon amitieacute sincegravere el loyale
Vous pourriez ecirctre lin gl1lnd lin tregraves grand poegravete Vous savez laire eacutetinceler les mots passionneacutes et en vous eacutecoutant jai lII devant les jeux des visions de poulpre dazur etdor Vous savez faire jouer comshyme un orchestreles syllabes dansantes VOliS pouvez tailler lin vecirctement splendide capable de rendre visible limshypalpa ble Ideacutee
Mais votre Ideacutee nest pas assez haute pas assez pme [HIS assez coulageuse
Ce mot des anciens La Vertu cest aussi un monde un monde reacuteel celtl-Iagrave un monde qui se cousshyfruit
Vous vous consumez dans une sphegravere passionnelle que vous prenez pour le Cie
Cest de cela (lue je voudrais vous avertir Ce nest pas comme un artistc exteacuterieur agrave son œuvre qlle VOliS deacuteroulez lextase enfiegravevreacutec de votre heacuteros afin de nous montrer par de-Iagrave des horizons plus calmes votre heacuteshyros il est vous-mecircme vous lout entier VOliS ne conshycevant pas une destineacutee plus grandiose que celle de sabicircmer dans un gouffre damour
Cest donc vous-mecircme votre caractegravere voire philoshysophie votre infime conscience des choses (lui ecirctes enshyveloppeacute de ces bru mes 1011 rdernen t coloreacutees comme lin coucher de soleil pal 1111 soir dorage
Et moi jc suis hors de ces nuages
-Parce que VOliS ne maimez pas dit-il avec beaushycoup de tristesse
1 -f
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Laccent interrogateu- avec lequel il prononccedilait ces paroles me posait une question qui apportnit vers moi un e implorante attente Et comme jene me deacutecidais pns il reacutepondre reacutepugnant il la moindre dissimulntion mais troubleacutee pn cotte soulla nee _(II i III1jUlelltail aushypregraves de moi Andreacute ajouta dune voix mdallcoli(lue
- Oh quelle chose navrante que de revivre heure par heure les chegraveres journeacutees de Iautretois [ojeux de cet autrefois (IUC (lVPC UII peu dhuhileteacute 1111 peu de tenncite 1011 aurnit pu taire UgraveIlIP~ plus longtemps lon aurait pli deacutelicieusement prolonger et qui vivrait encore peut-ecirctre
llnintcnaltmiddot El alors ail serail heureux comme on lddt ~ ftrefois soi et Elle Elle la petite fille (lui riai] et qui
chantait qui ne sinquieacutetait pas de grandchose qui soushyriait aux regards de vos yeux et il la pression de votre main Mais non tout cela est envoleacute envoleacute plus loin
que les oiseaux snnvages que VOliS avez vu passer au-dessus de votre tegravete ail deacutebut de lhiver dans ICIlI luite vers les pays du Sud Tout cela est perdu perdri plus deacutefinitishyvement perdu que le navire (lue VOlIS avez vu sertir du port joyeux les grandes voiles deacuteployeacutees et qui nest jamais revenu jamais Que personne ne retrouvera parce que les vagues lont briseacute et quil est tombeacute au Iond d(~
la mel en lin lieu inconnu Et ill a 1111 morceau dl
mon lime dans ce navire perdu
- Vous ne doutez pas vous ne douterez jamais Andreacute je le sais de laffection profonde el dollce que jai pour Illon ami denfance Et cet ami si cher je veux quil me gnrde toujours une grandemiddot r place dans ses amitieacutes ~lais je voudrais je voudrais tant vous inspirer du coushy
-------------------
-- -- 1 ~ ~~-~-~ - bull 1 III ~ III T~r0
-~~
LA CONQuecircTE DE LIDEacuteAl 43 LA CONQU~TB DB LIDEacuteAL42
une force intense que je sentais monter et vibrer en rage de la puissance de vivre et de lutter aussi de la moi je l4r sa main dans la mienne et la serr nnt viveshybelle puissance feacutecondante et illurninatrice ment je tarlai plus haut en le regardant bien en face 11 Yadans le stoiumlcisme une racine tregraves vraie que neacuteshy
-- Si vous vouliez Andreacute si vous vouliez Compreshycessite le principe megraveme de la conselvation de la vie On peut tirer le beau et le bien de toutes les situations nez quels ltSOIS sublimes sont enfouis dans voire resshy
plendissante jeunesse et recevez de moi ce soir jeet comme la dit un penseur Nul na jamais le droit de deacutesespeacuterer puisque nul ne connaicirct avenir Mais il faut vous en prie un peu de ce courage lui pourrait illushy
miner votre chemin actuel un peu de cete foi enenvisager les eacutevegravenements avec couruge se chercher un nous-mecircmes celle foi qui transporte les montagnesbut heacuteroiumlque el suivre une voie droite qlli monte sans
Je voudrais pouvoir loucher voire agraveme et lallumer cesse
Accomplir un nohle ideacuteal cest toul ce qlle lon nouve comme un flambeau
de plus henu en ce monde Ne lu-isez pas ne brisez Ecartez ces vilains nuages ces brumes tipnisses et jamais rien que la vie OIIS don nt mais transformez troubles dont je vous parlaisfout-agrave-Iheure cl dont
je suis hors non pns seulement comme vous le croyez souvent Oh savoir se trnnsfomcr assez vite assez facilement parce que je neacuteprouve pas les mecircmes sentiments que
ceux que vous eacuteprouvez poar moi mais surtout je liens Andreacute pOlir ne pas snnnihilel contre les obstacles de agrave vous ll dire palce que j~ ne partage pas votre penshyln route Etre comme leau qui prend III forme du seacutee et que jai des conceptions inlellectuelles tregraves diffeacuteshyvase qui sait toujouls IrOUCl son niveau et qui ne renLes des vocirctreslaisse aucun vide Agil pour le mieux parmi les cirshy
constances avoir plusieurs plans pour la coftstruetion Le point culminant de la leacutegende que VOllS mavez de leacutedifice savoir prendre les mnteacutelIumlauJgt accessibles fait connaicirctre le geste somptueux qui la termine est et sans chercher lirreacutealisable ploglesser toujours cornshy une erreur me un homme vraiment digne de ce nom
Dabord vous preacutesentez cornmc une apotheacuteose la Un homme mou ami senllzmiddotvous comme moi tout
destruction dune œuvre dintelligence et damour Moi ce quun homme peut taire et peut devenir je ny vois quun sacrifice inuLile et coutre-nature une
Quelles limites existe-t-il aux lointains norizons de deacuteformation de la sensibiliteacute normale un acte reacutealisant
la penseacutee humaine une penseacutee chimeacuterique et deacutesordonneacutee Et comme Andreacute Calvis palaissail accableacute dune
Cest la neacutean tissement de reacutealiteacutes passeacutees preacutesenteslourde meacutelancolie dune deacutesillusion immense el cruelle et il venir pour lexaltation dune minute vaine
un sentiment de pitieacute me peacuteneacutetra toute Naurampient-illi donc jamais deacutesireacute le relire ce livre fJe meacutetais promis de lentourer despeacuterance et avec
L J J ~ l ~ f ~ t ~ 1 ~ 1 ~ ~ i 1 i ~ l~-~~--n n Ti
~5u r CONQUftTR na rmEacutee middot1 LA CONQUftTB nR LIDEacutelt
1
Non La pleacutenitude de la trame de la vil nest pas une chose si facile il atteindre quon puisse saul
pat neacutecessi teacute en (lnOlII1 des fi ls
El pourquni ne pas II~ donner aux hommes I~I~ poegrave
me chef-dœuvre ougrave tant deacutenclg-ies sont venues sinshy
carner Pour le poeacutelc et sa compagne ces pa~es sont vecues
donc deacutepasseacutees Ils vont vers des hauteurs nouvelles laissant pOUl
ceux qui les suivent cette marche dalhagravelle Toute la vie senchaicircne el se reacutepond rien nest
fermeacute Et ceux-lit dont la puissance laspiration le
geacutenie sont mulliplieacutes pI lamour ceux-Ill ont besoin
pOlll lenr lorce duellc dun chard dexpansion daushy
tant plus grand LIgOISIlI( il deux lst reacutealisahlc cornshy
me toutes petitesses mais il ne peut avoir iicu de
eontuun avec lheacuteroiumlsme el le suhlitue ~
Toutes mes penseacutees sont tourneacutees vers lutiliteacute tout
mon ecirctre seacutecrie ( Que la vie sail plus helle que
lhumanitlaquo soit plus nohle )J El toute action qui ne
tend pliS vers cc hui me parait un gllspillage cl une
perle Au plus haul point le poegravete le formateur le roi
dl la rcalisalion active est chargeacute dune grave resshy
pnnsnhiliteacute Cest lui qui jel tc dans le monde sous
une forme intenseacutement attractive et assimilahle les
ideacutees Et dans le vaste conflit lideacutee de lHarmonie na
jamais assez dannonciateurs et (1( hagraveaulls _ Ah Michegravele seacutecria Andreacute en portant arrlemshy
ment il ses legravevres mil main qui encore serrait la sienne moi je vous dis si vous aviez voulu si vous aviez voulu
Je suis plus plastique lue VOliS ne le pensez vous minfluencez tellernent Et je reccedilois voire ideacutee et jen suis dynamiseacute comme Il un grand jet magneacutetique lui deacutejagrave me transporte et mexalte
Si vous aviez voulu si vous aviez voulu Cest VOliS qui auriez eacuteteacute mon guide et mon appui
ma III use Illon iuspirah-ice Oh vos chegraveres penseacutees
hautes et braves comme jaurais eacuteteacute heureux et fier de les vegravettr de mots fervents lumineux passionneacutes
eacuteblouis
- Mais si vraiment je puis un instant aider mon ami poegravete pourquoi croyez-vous ndleacute que je ne le
voudrais pas
Il se meacuteprit un peu ou peut-ecirctre voulu se meacuteprenshy
dre sur le sens de mes paroles et il reacutepondit tout bas
sans lever les yeux sur moi - Quel espoir merveilleux voulez-vous donc encore
laisser dans mon cœur
Aucun autre Ilue celui (le vous ecirctre toujours une
amie sincegravere et fidegravele - Vous concevez alors des relations veacuteritables contishy
nuant agrave exister entre vous Michegravele qui De vibrez quashy
vec votre intelligence et 1 malheureux qui vous apshy
partient tout entier et dont la seule raison de vine
eacutetait leacutetoile despeacuterance quil avait mise en vous
11 parlait segravechemen l cette fois dun lOB ironique
lui voulait cacher son chagrin Je repris avec douceur - Vous avez tort de me parler avec tant damertushy
me Illon ami lorsque vous devriez comprendre la soutshyfrance vive que jai de lOUS aire du mal
6
~ l _ -J l ~~~11
LA egraveONQUirE DE LIirEacuteAL
Je veus ai dit ne brisez pas ne brisez jamais rien
que la vie vous donne maistransfolmez souvent
Comme lon a tort de couper des liens lorsque ces
liens auraient pu modifieacutes par la volonteacute et suivant les
eacutevegravenements temeurer toujours La vie passe les cilconstances ne se r~trouvent pas
deux fois les mecircmes et il est presque impossible de regraveshyfaire plus tard quand on les regrette les anciens liens
briseacutes
Andreacute minterrompit gravement _ Pensez-vous q~e facilement jarriverai comme VOliS
le deacutesirez agrave faire fleurir mon amour en une saine amitieacute
surtout surtout Michegravele si un eacutechange actuel subsisshy
tait entre nous
Ne songes-vous pas agrave Ja douleur que jemporte ce
soir en YOUS quittant apregraves que vous mavez verseacute tan t
de beauteacute tant de gracircce tant de lumiegravere et lorsque
telle quune pluie llautomne deacutelicieuse et cleacutemente vous avez baigneacute mon acircme deacuteserle assoiffeacutee avide
comme ~ne terre brucircleacutee apregraves un lourd eacuteteacute
Comprenez-moi je ne veux pas dire oh 1 loin
de lagrave quil soit bon de jouer pour un temps avec lil shy
Iusien de ce qui ne peul pas ecirctre Tant que YOUS
souffrirez en recircvant agrave vos recircves eacuteloignez-vous retirez
votre penseacutee si cest lagrave Totre moyen le plus doux le
plus sucircr de tranformntion Oui certes nous avons droit
ehacun agrave ce qui nous est propre
Seulement si vous Touiez me croire que cet eacuteloishy
gnement soit tempolaire que cette seacuteparation nait rien 4-irreacutevocable Car il me semble que la douleur ne peut
LA CONQUftTR DE LIDEacuteAl 17
avoir dacircpreteacute dans des liens qui se perpeacutetueat et
que en deacutefinitive tout ce qui unit est un bienfait
Mais je vous sens las et je voudrais savoir vous dire quelque chose de large et de sain qui vous fasse vraishy
ment du bien
Je serais moins triste de la deacutesillusion que je vous
cause si vous vouliez garder en souvenir de moi un
peu despoir un peu de force et UD vouloir defforts
URe foi rebuste dans la vie si impreacutevue si riche si
ianombrable
Soyez eacuteneacutereux envers elle onnezmiddotlui abondamment
faites de la joie autour de vous faites jaillir partout
de lespeacuteraace ne chutez dans vos poegravemes que le
courage lalleacutegresse le respleadissement des mershyl
veilles humaines appelez deacutesirez attendez eacutevoquez
sans cesse le bonheur 1
Il viendra on jour mon ami 1 je vous le promets
et je vous le preacutedis 1 Neacute formez rien en tristesse et
en deacutesespoir entourez-voas dune atmosphegravere sereine
tout apprschera de vous en beauteacute en douceur
Ua poegravete agrave dit Œ Celui qui chante au dieu un
chant despeacuterance Terra SOR vœu saccomplirraquo
Aspirez lenthousiasme soyez vibrant de vie et palshy
pitaat de foi Soyez fort pendant leacutepreuve
Et je vous auaonce en certitude que votre jeunesse
silluminera bientocirct dun retour splendide de la desshytiaeumle lt
Et je parlai je parlai loateps eacore sentant que
je tenais egrave soir comme dans mes maias Le cœur dhomme qui Tibrait agrave cocircteacute de moi j longtemps encore
9
J
LA CONQUEcircTE LIDiAt48 DE
je renveloppai de visions radieuses comme on en vemiddot loppe chaudement lin petit entant qui tremble de troid
car sa meacutelancolie cherchait il recevolr mou optimisme et sa lassitude buvait agrave flots [eacutenergie cl lenthousiasshy
me dont je cherchais agrave le reacutecontor ter
Puis GIandpegravere vint timidement nous interrompre
Mes enfants il est pregraves de minuit _ Heacutelas murmura Andreacute dune voix tregraves basse que
seule jentendis heacutelas heacutelas heacutelas Voici avant longshy
temps ma derniegravere joie finie
Crandpegravele un peu gecircneacute souriant dans sa barbe blanche un peu inquiet aussi reacutepeacutetait avec bienveilshy
laace __ ~lons mes enfants Dites-vous adieu Et VOliS
Andreacute venez je vous accompagnerai avec la lampe
jusquagrave la porte du jardin
Puis il sortit emportant la lumiegravere poseacutee sur le piano NOliS eacutetions mnintenantdebout lun devant lautre
Andreacute et moi dans une demi-obscuriteacute relativeIeacutetais
eacutemue car tr~s violemment je sentais palpiter le pauvre cœur dAndreacute comme un oiseau blesseacute aux battements
dailes douloureux II sapprocha dun cornet de cristal poseacute sur la conshy
sole de marbre il cassa la tige Jun lys tt me dit
_ Vous permettez que jemporte ce lys Michegravele
il vous ressemble si pur si eacuteclatant si fier avec la spiritualiteacute dc toute Ba blancheur avec son grand cœur
tout en or
Sa voix si triste mimprcBsionnait
Cardez-le reacutepondis-je doucement
il 1 1 1 l J
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Son COlm dol renfertne un mot pour le poegravete laquo COli jltlgc ct Espeacutelltlnce raquo
Alors il hnisa pieusement Iii llcur puis il O1UImlll8 apregraves un moment de silence - IgteacuteSOllllilis ce mot sera ma devise
Et il sot-lit lentement du salon agrave reculons h-s yeux fixeacutes SUI moi comme sil voulait emplir 10llt son ecirclre el
tout son souvenir de Illon image il cet instant
Que la vic est mysteacutelieuse plisltllIe ail milieu de ccLle villlanie eacutemotion hegraves helle ltpli cherchait 1 me peacuteneacutellcl je me sentais entoureacutee pal quelque chose dinvisible qui misolait et jeacutetais appeleacutee loule vers lAuhc le RlHlieux (Ille je connais el ltlIC jignore
14 Juill
Depuis quelques jOIIlS jiiIuml peu de temps agrave moi cal je sens glillldpegravelC soucicux et firligueacute cl jc vis beaucoup ashy
vec lui Pauvre cher ganJpegravere Il ma tout-agrave-fail appIollveacutec dl IlC pas avoir retardeacute III franchise de ma
deacutecision il Audleacute puisltjlle jc sentais si nettement (lue mes
sentiments Ile leacuteponJlllicut jamais aux siens Seulement il leglclle hCiIUCOUP jc crois quil en soil ainsi Cu il a
une protonde envie dl me voir tIlHIVlt~1 bientocirct mon honshy
hCIII cl puis il alme tendrement cc fils de ses vieux amis
Il ml parle sn liS cesse dc ses idees SUI la vic ougrave les lem mes selon lui ne peuveu l ecircti lt~ complegravelcmcnt hClIIcusrs (lue dans lin mariage damour il vaille aussi le malillgc tregraves tocirct dans la toute jeunesse union infiniment plus normale plus saine pour la santeacute merule ct physiquc dunc rnce
50
JI-1 j 1 j iumlI -l r--l l-~ lJ -J r-J r-J JJ bull
L COSQUEcircTF DE L1D~AL
f
Hier jai reccedilu un mot tleacuteidculi de Jane Iousta Elle
me demande de bien ouloir ehantCl deux duos agrave une ~
soireacutee musicale qui a lieu chez elle le ~O Juin avec son amie Lucette Pager Iii tille du peintre El e1h~ insiste si
affectueusement que je nv CuX pas refuser Et agrave linstant jOllVlC celte lettre ltlEdmeacutee Torguegraves
1) lujn Manoir (le Ker-Nollhi1
( Oui Cheacuterie nous sommes deacutejil il Kel-NoUheumll laman
Guy et moi Notre tleacutep1 t sest lkcideacute si sllhitement que
je nai pas eu megraveme le temps de cauri temIJIasser Mais
Papa vient decirctre forceacute Je nous quitter encore nue fois
pour Mew-Y 0 11 Et comme il avait besoin de passer
quelques jours 8 son usine de Saint-Nazaire avant sa
longue absence (il ne sera salis loutc dl re lour quen
Octobre) nOliS lavons accompagneacute jusquici tous les trois
et il a preacutefeacuteteacute nous lluiller il Ker-Nouhi1 tout installeacutes
pour leacuteteacute qu de nous iuisscr laire sans lui 1111 Illois plus
tard le voyage compli(Ill~ (le Pai-is jusquici Aussi nous avons nIisIS un IOIlI de torce en expeacutediant
tous les preacutepillatifs en lin [our et une nuil Avant hier au SOil mon cher Papa nous li quitteacutes tregraves
courageux mais 1011 triste El maintenant 1aman cl moi nous tronVODS sans
nous lavoue l la gande maison bien grande et bien vide 1
Pour-lan l le mois de luin est une fecircte perpeacuteluelle un
eacuteblouissement enchanteur et le jardin nest quun fouilshy
lis de roses les roses roues et les roses blanches les
roses theacutes et les loses roses qui nssaillenl les vieux murs qui enlacent les branches qui surmonlent les
LA CONQURTE DE rmEacuteu 51
cimes des jeunes ormes et des ch(~nesliegraveges el qui se balancent au vr-nl pleines dUn parfum IOIIld comme de grands encensoirs
Puis devant la maison au hou] du champ hordlt des tamaris en 11(~UIS la Illel emplil jhMiwn la Iller
merveilleusom-ut changeante opaline el aZllIe tranquilshy
le ou anxieuse avec ses innomblables valiegravels de nuanshyces et sa musique eacuteternelle
Bientocirct Juillct i et alors tout lepanouissernent Iles
genecircts dQI des bluyegraveles des lavandes dcs cbegravevrc-Ieuilles
des œillets des verveines ci des grands lys sous le petit bois
Et je vienS te demander Michl~le si tu ne voudrais pas loi aussi veuil il Ker-Nou heacutel dans cc cortegravege de leacuteteacute
Cest mon recircve depuis longlemps tu sais de tavoir id
Ton cher grilndpegravele aiderait si hien ~lnan lemplir
les heures cruelles de Iubsence d loi ilia grande cheacuterie
lu me donnerais tant de joie tant de bonheur
Je ten prie vile un mot 111I mol qui nous tela 1011shy
ner ici de joie ct dimpaticncc L Cal jai lanl de choses agrave le dire raquo
Jai bien envie moi aussi ltatTivet Jans lenchanshy
tement de Kel-Nouluumll ail milieu ltIII cortegravego de leacuteteacute
Et pal celle lettre jni limpression dt~Ite a ppele vers
la Bretagne dune maniegravere si torle ri si prntoude ltlle
cela metonne presque malgreacute lamitieacute qui me lie t Edmeacutee
Mainlenant je me sens euveloppclaquo comme pal la
main dune feacutee de milles petits fils lumineux invishy
53
-- JI ~-- - JI JI JI J n LA CONQllEcircTR DE ImEacuteAL
sibles qui mattirent qui mattirent doucement mais
invinciblement
bull
16 Juin
Apregraves une longue seacuterie dexpeacuterimentations il ce sujet je suis arriveacutee fi me convaincre quc [es songes de la nuit sont dune infiniteacute despegraveces diffeacuterentes Comme
il y a plusieurs genres de sommeils qlle lon commence un peu agrave connaicirctre en sciences psychiques il y a plushy
sieurs tenres de recircves Dnbord le recircve ordinaire qui me paraicirct purement
ph) sique comme les exlrnva~nnl(s penseacutees du cervelet
pendant le sommeil tandis JIJ( la partie controcircleuse du cerveau est endormie comme hien des cauchemars
aussi qui viennent simplement dune digestion difficile
ou dune couverture trop lourde sur le corps
Cependant il y a dautres recircves (lue ceux-lagrave dont tout
le monde na pas connaissance d ailleurs mais seulement
les personnes sensitives Et ces regraveves me semblent venir dune partie inconsciente de notre ecirctre qui e se reacutevegravele agrave
~
la part ltle nous-mecircmes la plus nor-malemenl ctnsciente
et active que lorsque celle-ci est elllo)mie
Je connais une dame tregraves intelligente et aussi meacutedium
remarquable qui est toujours preacutevenue la nuit en recircve de tous les eacutevegravenements importants heureux ou malshyheureux qui arriveront dans SR vie ou dans la vie de
ceux quelle aime quelques jours plus tarltil
-~
i1
r LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Je connais aussi une petlte liJe de douze ans qui Il eu if y il deux mois lin songe asse curieux elle recircvait qll(lle cnlendaitllne voix lui crier Iorterncnt dans 101 ciJe Legraveve foi vile 101 lit 111 teacutecrascr
Acceplallt cel extraordinaires paroles avec la faciliteacute dont on il(elleiJlt tIi ri( souvent les plus soties ideacutees ell(~ IlIt prie rlllll irdelse ICllelll el se levant
precipitamment cuu ru t jusquau land de sachamhrc en
criant Elle J eacutetait il pein arriveacutee (1111 les g)OS ornements de bronze SlPP0llillll les lideillix de son lit tombaient dll pleacutellond en Inisant 111 tracas (pollvantablc
Le rlornainn rlu Bel est ceres illimite
Le monde est infini Le monde esl dune cornplex ie infinie
El je sais et je sens el loul mon (Ire atlirmlaquo ltflle certains de mes recircves sont des eacutealileacutel
Rt~aliles dun autre ordre sans doute actions acles et pensees existant POIl ainsi dire dans un domaine dif Ieacuterent un domaine (li est je leur existant dans une
partie plus subtile du Cosmos mais une partie qui
esl aussi reelle par lnploI il elle-mecircme quune main
physique est reacuteelle pal rapport il des yeux physirJlles Tout esl )cJalil
Celle nuit jai fail 1111 de ces recircves El il ma particullshyegraverement impression lieacutee
Jeacutetais seule Sll une haute laaise dans IR nuit imrneacuten se sans lune el sans eacutetoiles
Devant moi je devinai dans Jombre la mer-houleuse qui IrappnIcirct je locher et qui mariait sa plainte terrible aux lonis geacutemissemenls des vents
----
__ bull - J1-_____
1
04 LA CONqIJEcircTI DE LIDEacuteAL
UIIC alxid~ metreignait ct aussi une iltenle comme lespoir dun honheur
TOIII il coup le dei parucirc] souvr-ir d lin jel de lumiegravere
rudieuso en descendit qll1 Irancha lohscuritc
Puis 1111 nllage dDI el dlzu duue merveilleuse splr-nshy
deur se 101l1li au-dessus de caux illuminnn la mer
Cc nlligc apportait 111 grand calme (pli mc peacuteneacuteh-a Ioule cl qui ilpliia megraveme h-s flols pl les vcns
Alorsl1l milieu du nuagl huuiucu x je vis se (orrncr
progressivement et de plus Cil plus nettement lima~e
dun jeune ho III 11I( I(UII( rcsplcudissaute beauteacute cl donl
la physionomie n()hll~ el grlve sous les longnes boucles
bull1LA CONQUEcircTE DK 1IIgtJlAL 55
-----shy
o viens agrave moi f ocirc viens agrave moi raquo
Et le nllag-e Iumineus sembla se diwlldlc dans leau t lappilli Iio n ceumllete dispnrucirct
Comment rxpillllIeacuternolion jnmuis ltssrdie 11 jlshy
follvili lII (nlellllili Je 1II111mlllt de lltic voix iu ouhlinshy
Idl Cette loix lt111 i(~cnls tendres et gruves ((Ill voix
1 l1 i Il(lai (lII C()IIII1l(~ I~ prolongemcnl (1t linle eacutem lit
Des lthos(s infillis ct innomhrahles Sl~ pneisairnl Cil
moi remuees pal ClS PillOJ(S El ce mct laquo Souviens toi
avait leacuteveilleacute au fond d(~ moi-megraveme tO~lt UII pilSSC loin fain vndormi dalls IIIOIi ecirctre
Drs choses infinies cl inllolllhrahks contilluellcs veshybrunes semhl il contenir des mondes de Iorces el des mondes de penseacutees
Ses )(UX dor (jUII( protoudcur iuuumlnic rndinnts cornshy
mc deux (Ioills melllplissaient i1(middotspuumlilnce El lorsquIl mc pilrla une all(IsS(~ inconnue lit vibrer lout mon ecirctre
Souviens loi nie Iii-il Souviens loi Depuis laquoes siegraveshy
cles ct des sicclcs ln es il moi d (Ppllis des siegravecles el des
siegravecles j(~ tappilrlicns ilia hicn-aiuHl
Cherche-moi EL viens il moi
Sur la terre jardin en triche sur 111 lerre demeure
des hommes joyau des dieux je li1t1ends
o viens il moi
Nous avons dl plll I(~ monde dl~ ~Iarllirs choses il Iaire
ensemble (1111 de J(~t$ lalisel dl conquecirctes 1 pourshy
suivre (iioCspoils il Inn-e naIcirclre dc deslins il magnifier
Je reacutecoltes il moissonner dl victolres il remporter
nues de tregraves Ioin passnIcircPIII pilssairlll tians mon souvenir
cl sy pressaient lII foule avec des visions dEgyple et dCnde anlique
Ellolsle lappillilioll ceacuteleste disPilllIcircI la nuit etait
devenue le jou r Les eacutetoiles avaient dahord illumineacute le frlmnrncllt dc leurs millions deacutelincellcs dal puis le
solril seacutelai leveacute dans 1I11(~ lespielldissalilc aurore lfui PlIlflouplilil despIII11P lholizon dlloui
~Iols je meacutevcillai dans mil chlllhe close penetree dlin houheu r selin el mClveillellx
91 Juin
Oh 1 Silliall dl VII r k p01l1 piano lI violon crs pages si compldes de 1lIIlIS el L1sflili1lions ces cris de ddr esse June ame incomprise cette seacutereacuteniteacute espeacuteshy
tt
r _
- bull bull bull bull
iHi L~ ON(~ J Jh I~ DR LID( AL LA cUNQurhg UF LlDEacuteAL 7
lalit celle ruclaucoic el lItle glUgraveel charmantes sunrinnt
uvee houleacute devant a plwriil( duue vie qlli heurle le
~eacuteuic r l toutes (es (IIIols huutninr-s 11 dtSslI(CS l(IS
la cime nouvelle elllOle jillilais a lleiu le
Oh lCS plmii~)(s pliass illlpllises lillIes qui
surtenl du nI( el illi Il pl~IIII1l1 lIl dlic(lIdll l1Icirc plashy
uen l 1I11-desSlIs des ehmes 1 1l1i (lIelellelil (Il lillonnanl
le plus lumineux chern in pOlIr monter pillS halll cucurr
Oh ce second rnurccuu somhle d 11011(11 d IUIIe
la dOlllllll pesante iipn d (11111 qlli (lIilse le 111111
el (sil de lllIlislP lI l(S llvoiles vinlcul cs qlli hashy
versent el flIldelli la nuil 10111 (OllflllIir toutes les torees
du Ciel el ces cnthousinsuu-s dSPIIiIlIC( qui f01l1 sortir
de soi-mecircme comme IUIH)IIs plll la Itmpegravel(~ des sons
lmd igiell x d ((S llili 1(S dOlilolllCIISIS rnvnrc qui ensshy
seul hlqllelll(IlII(SSOI lII Ilrillll lespoir suhluue ri qlli
sillIgloltrd IUlIf has 1111 SIII ~rall 1(ITildl
Perulnu t 1( IllIl1s qui lllllllll si Ilill1Il11I1 quelque
rclI suuvaae el d(sol 1clqlll 11I~1I1le mannir sulishy
laire comin cel IIi dll le ade dl Tristuu javais hier
soir c1I1)I luu Iollsln pns dl moi la mailrcssc de la
maison lui Ille sllIddail vivrlaquo (II SOli 111111 IOIlI It drillle
puissant de les trois lrclIIilrs IlIUITliIX
Sun sourire orgll(illlu vuilai] sur SOIl visilgl dulle
pMen de 111 ilrllll ladlIh~ Jdless( d~ SOli 111)( el lIle
se Illait IOllil~ Irtlit- irnluollih tOCllllie 1111 sphYIIX eacutegpshy
lien dalls ulle mil Iloil( Sllleacute( doIumll 1IlI(Igeail lOllle lil
IJlilllchcul illquidalll~ d sa loillill lit SIS eacutepallll~s d
de ses hnls sl(lltlit1(IUlll nas
Une lose louge saiguail (1 S( mUllIail dalls SUII chigllOIl
deacutebegravene el cdaillagrave SOLI seul bijou
----
- IJe quel dtsil (j~(u portes-tu dOliC le deuil pensai-je
(II la rgil(lillIl hlllliis qlle dam Il lerilalif Ilagilll( passhy
~ilii h~ souvenir Iii Iillliise des phrases irnplugraveis(s cl lilshy
gllS du deacutehut CIS phrases qui sollelll ou reve cl (IIi Ill
peuveut en dscrlltln qui plilll(lIl ilu-dlsSUS des chosls cl
qui dlllc1wlIl lIl lilollllllnL h plus lumineu s ClllHlill
10111 111011(1 plus ha ul Puis la f(wIioll 1Ii11lanlr
de la lil illidc el solilailI Jlltulail (lIeOI~ tl de 1I0l(shy
veau je elllIlIlais ds veux la somhrt silholltll(~ de 1111~
(lui cerfaiuement frissollllilil 1111111 dlHmalillH illg()bsl~ el semhlnlt plIil pillilllIcolC
Puis llllleacutegrello 11glI eornl1len~a El Ct Iul la Iill SOIlshy
liillllr cllIn~ gllI si distillglleacutee ces llpollses tlt~galltes tIlI liHIIO 1111 violon duo tI(~ charmu enjolleacute cl impreacutevu
FIanck 1I01lS peignallt les hadillilgcs dilllUUI tlt~ 11lOs dl 1h(illr( d~ usse]
El 011 lun toup celll elllolle 1lIll1e qui lIOIlS lalll(lIt~ rlillIs ii joie dt ftITt ilplegraves 1ln~ lIlOllts s IIHlIL el
11111 ndosilJlI Siliw de ~Iitlt~ lalgl~lI fOIII (li Iiliss( au CIClIl 111 dlsir d~ 111111 illIioll
1 011 Iii IIlelill(lIse sOllale lIII 11 bien supllilu
l~nllIlt infelpllIeacutee pal e lcmilllJlIagtl liololish umand Cousin el Son paltellilile Pilulo Cegravezan
plegraves lue Lilcellc Pagel el moi IUIIS ellmes charlleacute lt~ jolis dllos de CllilUSSOJl IIne challIallltmiddot lillelle dc luilze
1IIIS enlevil SUl Iii harpe c1l1ollil1ilue L(s DlIlIses SashyCIllS et Plolilnts de DelIIISS)
1)lIdles inrplegtsiolls deacutelicieuses fll-i1i les lUllIlle
cllalll aeacuteriln Comm( I frissoll Illli1ire tlislallillts clmme
Ulle SOlllce Inurlllulalllc paleilles agrave UII soupit agrave IIne
(()Nllflh~ OR lIIlI~ A 1 1~
fumeacutee capricieuse Ugrave une vapellr qui seacutelegravevlaquo des riviegraveres
desseacutecheacutees ougrave Ileurissent les lauriers-roses el viln-anlcs
dune alleacutegTessc de vol dhilonddles qui (kchilltnl dlin
cli sl rldent le ~r(nd silence rlrs nlHIges dalltomne
Ilans C(S 1lilmts lcnls volu pl ucu x in((IIlillS ascI(S
enivres pllSSCll1 cl Iourbillonuuut en lg(S Iaulocircmes
les visions Iltnlallic(s liIIli0IlIltII(middotS el lasses des danshy
seusrs lvdiennes
Milis celle lascin aliou maniugraverce cl malsaine paleacutee de
couleurs faneacutees de deuri-Ir-iutcs impreacutecises a une odeur
dl poison cl de mensonge cl Debussy diffuse dans lair
des parfums subtils et Irouhles
En allant leacutelicitvr III jeune halpisle Il husard d la
cohue mondaine me Iacilif n nn 1(lc-il-I(lt impreacutevu avec
Jane
le n avais pu lui parler encore cl je lui demandai il voix hasse
-- Comment St lnif-il qlll ni lon amie Hose-Marie ui
Edmond (lIld ni lnuleur du 101 Hire ne soient ici
ce soir
Une ombre passa1I1 le hrau visage pille
- Edmond Gaud est en tourneacutee dans le n011 de lAushy
~Ietelre reacutepondit-elle Ouau l aux dellx 811 Ires (cl de
nOUV(llU elle me parugrave pugravelil plus encore) je ne sais pas
grilndchosc le les espeacuterais bien ce soir cest loul cc
Ilue je puis le dircmiddot
11 devinai toutes les souffrances de ma pauvre amie sa
singuliegravere passion pour ce Guillaume Tara et le caprice
de celui-ci pOUl la petite Itose-ecirclarie du Theacuteacirctre Franccedilais
II 1 II ~ 1J I~7
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL ~9
qui avail d chercher il enlever ft Jane un amant si utile pour ouvrir laccegraves des premiers rocircles
Iane ajouta - Tu avais raison ~lichegravele dl~ ne pas aimr-r lIos( 111( Illa si hilII lrahie
Malgl( 1~lIvil que jcil eus je Ilosai pas Cil er moment
lui la issr r voir C( (JlJ( pensais de lanliplllhiCfue Tarn Et je dis seulement
- Tu es si hltIIlt lan e PI si infiniment plus digne decirctre aimeacutee ]lH Ile lonl jamais su la pillpnrl de ceux
qui laimegraverent jllsquf1lolmiddotS Tu peux lembellir encore en
augmentant Il aulant ton esprit de luttes diniliative de
courage dendulallce que lu as souffert de deacuteceptions
dl chagrins de truhfsous dl deacutesillusiolls El tu lenshy
con 1lllilS enfin UII jour la slIll joie l)Iofonde el durable de
la vic un amour eacutegal il celui laquo(IIi sommeille en loi ri qui
lsi encore in lac] el plll palc Cf Ut nul na su leacuteveiller 11I1 amour digne lII fi 11 d( Il posseacuteder toute
iis 1 ce moment le comte Kousln sapprochait
-- Pardon lanlaquo veui llr-z vous occuper un peu de OS
amis cal il est lheure dl failI pass(~r au hu(fltl
El tandis que la noile silhouelle seacuteloignait apregraves ma
voir jeteacute un chaud rcglrd de lendnssp pour aller lljoindre
les groupes qui lranstormaicut ce snir le vaste atelier eu voliegravere le comte Kousta moffrit aimablement le liras
- Quel singulier homme Cfue ce mari affable lt1 comshy
plaisant pensai-je pendant quil me cOR1rlirnlIlail
SUI la faccedilon dont javais chanteacute Comment sexpliquer
de le lles unions Puis je constatai combien il avait
vieilli l maigri JI il peul -rire beaucoup souffert Qui sait
bull 1---- middot - 1 bull i
~ 60 LA CONQUKTE J)P LIIH~AL
-- -- ------__- ----------------__-shy
Et reacutepundaul dune lnccedilon distraite aux amabiliteacutes du
Comte de Jean ChellllY el de Magdelciue Lamarre isoler pu Il tourhillon lui se pressnil autour du huflcl je mishysolais plus encore en mui-m egravenu- tImil pensee poursuivi
son ((J1I1~ I( Comment SI fait-il It jaime lanl lou le la nature k Jane la vO)ilnl si dl~Iquilil)II dons UII tlill tfue jl~ trouve lelllIfII1 inhIIcirctlIr1 la il 11iI1l1t el PI(
Et je me reacutepondais I( C(~l Ilaprl~s milrf~ plu dans cz le monde pendant quelques mois je snis deacutejugrave d(~s~nshychanteacutee pal ek almosphegraveru tod~ (1 (aussI dt soireacutees des bals des 1heacutelti lres i nlJlIignre heacutelas cornrue de la deacutecadence dune eacutepoque ougrave lon sent que tout vouloir en lhousiaste geacuteneacutelf~u deacutesinteacuteresseacute lout apostolat pour sel vil mecircme une admira hie cause paraicirctrait ridicule et deacuteplaceacute tant ces steacuteriles Ianlnches modernes ont COIIIshy
plegravetemenl rempli leurs vies ri leurs ames de tous ces petits gtslfs de Inules ces petites paroles de toutes ces petites danses cie toutes ces petites penseacutees de feacutebriles
nrarionnetles chez lesquels larrivisme seul apporte encore UII pen de seacuterieux et de volonteacute
JIIi assez de ce monde inutile chic el improductif et parmi sa vaniteacute je sens ma grande lane comme une arne pleine et vivante capable de profondeur et cie progregraves
Elle est helle Loulageuse ardente riche de forces somptueuses el complexes mais ces forces nont pas trouveacute deacutepanchement normal il leur besoin de manifesshytation et elles ont deacutevie du chemin (Ir-oit pal manque de satisfaction parce que nulle rencontre JlIl eacuteteacute assez belle assez puissan le SUI ce chemin droit pour les lier pour les garder pour les eacutepanouir
1
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAl tii 1
Malheurense dans le cours normal de sa vie lnne sest preacutecipitee de cocircteacute et dautres
Et ce quelle cherche inconsciemment cest lutilisation de ses eacutenergies car il ny bull de bonheur que tians la manishyfestatioD
Il faudrait que celle superbe natur de femme puisse trouver une nature masculine pins intense encore quelleshymecircme qui sache la comprendre la domine r Jeacutequilibrer la diriger
Mes reacutellexions furent aors interrompues
Dans latelier la musique recommenccedilait
Paulo Cezare joua avec beaucoup dentrain et de brio la valse de Chopin en la beacutemol et la XI rapsodie de Liszt
Apregraves lui heacutelas un Italien vin] exeacutecuter sur la guitare
quantiteacute de morceaux longs et fastidieux Il eacutetait dailshyleurs un fort vinuese qui ellthousiasma lauditoire pal ses acrobaties vertig-ineuses
~bis ~randmiddotpegravere eacutetait fatigueacute cette guitare lobseacutedait comme moi
](ous nous en allacirc mes en sourdine
Ln musiqlle quel puissant levier pour faire vibrer notre ecirctre Quel connexion intime elle a avec nos nerfs avec notre imll~inalion avec notre acircme et quel grand domshymage de jouer si confuseacutement sm le lavier de nos eacutemoshyIious dl 1I0S aspilaliollsde 1I0S deacutesirs et de placer le centre harmonique dans chaque murceau dans chaque frag-rnenl 011 dans chaque cIIVIe IIU lieu de le mettre dans lensemble mecircme de laudition musicale et du pro-
Il
I------~$_---_---middotmiddot_-----------shy--- --~~- --------------shy------------======
~I ) j J 1 J j J ~ J W J 1 bull J 1 J 111 JI il il J 1 -L ~-
6 LA CONQUEcircTE DR LmEacuteAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 63
Flamme choisi de mecircme quun beau tahleau ne pourrail
suffire agrave satisfaire lœil dans lin salon disgrarielx et en
deacutesordre de mecircme lin beau moment musical ne suffit pas agrave faire resplendil uos eacutenrrgies et nos torees sil est
suivi de meacutediocriteacute ou de perversion
Milis quel sentit le musicien il notre eacutepoque capable de
traduire pal exemple la magnificence Je cette page qui
monte vers le Ciel conlhe une pyramide de gloire le canshytique dAzilriils dans le livre du prophegravete Daniel
El que de ressuurces lorgue aux mugissantes splenshy
1 ) j
Et voici que je meuvole dans le recircve de lUniteacute la vie ~ deurs le violon (peldu dattente la voix hUIIl aine eacutemoushy
vante inspireacutee innornbrahle la harpe aux accents mysshyest tout toujours plus de vie el la vie saglandit du tiques au langage fluide et visionnaire sans parler dechamp de lintellipcnce el linldli~ence seacutepanouit dans
lamour Et je recircve dune musique pleine dt vie wrnpshy lorchestre de sa prestigieuse puiss ance et de tous les
tueusement intellectuelle indiciblement aimante dont cuines aux sonneries triomphales
toutes les plnases sont calculeacutees non plus seulemenl tIl Alors on reviendrait dune de ces soireacutees enivreacutegt eacutebloui
harmoaie sonore non plus seulemeRt en ~uirlandes freacuteshy aYill t chasseacute pour longlem ps lou tes les pensees grises on
reviendrait les nerfs fortifieacutes limagination embellie lucircme missantes qui expliquent et dominent lin drame mais renouveleacutee avec autour Je soi dans les lointains feacuteeacuterishyharmoniseacutees il tous les dtgreacutes pour lapaisemenl la pacilishyques les scegravenes merveilleuses du Bonheur conquis de la cation laugmentation la uumloraisou inteacutegrale de la vie de Rencontre eacutelue lintelligence de lamour dirigees insuflleacutees agrave travers
lenthousiasme docile et confiant de lauditcur jusque Ce nest pllS ainsi que je suis lentreacutee hier Et encore dans les racines les plus profondes de sa vie de son intelshy une fois latmosphegravere artificielle des convenances monshy
ligence de son amour daines et des conversations insipides mil deacuteccedilue et attristeacutee Une musique volontail( une musique plmiddotopheacutetique Heureusement nous purloas bientocirct pour Ker-Nouheacutel
l1on la capricieuse arabesque des regravevelies philosophishy et lagrave je sais bien que la nature en tecircte et le ciel et la
ques mystiques ou sentimentales de lauteur ni les eacutevoshy mel et les fleurs et les arbres toujours purs toujours
cations de formes et de matiegravere mais la sculpture incesshy vrais toujours pareils el toujours nouveaux ne terniront
saale intense de notre ecirctre la symphonie du Courage de - pas mes recircves
lHeacuteroiuml5me la cantate de lArnoul lhymne dt la Victoire
loratorio de la Joie tout Iappel de lIdeacuteal sans heurt sans coDlraste dans lideacutee sans une plainte de faiblesse 30 Juin SaDamp une descente dans les labyrinthes lt111 regret dans
ManoIumlI de KermiddotNouhiq lobscuriteacute de la vie moindre fluant de tout son poids de
Apregraves le lon~ V()yIg(~ (II rhcmiu d( flr el ses troistout son eacutelan de eertitudes vers le bill lHomme changemenls de train Crund-pegravere et moi sommes arriveacuteslhomme plus grand lhomme plus hcureux
V J iumlJ v fJ V J 1 J J ij J ~ J 1 J f - il - H 1
_
64 LA CONQUEcircTE DE LmEacuteAL
hier agrave deux hCIIIes de lapregraves-midi agrave la petite gaIe russhytique de la lleumlrt ougrave Madam~ Torgnegravesiuml Edmeacutee el le jeune
GU) nous attendaient avec leur votture
Que] accueil joyeux el enthousiaste nous avons reccedilu el quelle belle heure amicale passeacutee dans le vieux lnndau tout fleuri pour ce jou r de tegravete de ~ends dor cr iant
leur or bien fort bien haut dans le lumineux soleil en ouvrant grande leur petite gueule casqueacutee donllhaleine est si parfumeacutee de fleur doranger
Tout le long de la rouir merveilleuse tailleacutee dans le
rocher qui suit la mer pendant huil kilomegravetres de Ln Heacutert il Ker-Nouheumll dautres grands genecircls dor eacuteclatants
au milieu des bruyegraveres roussies dressaient leur gloire
leur richesse leur noblesse liers comme les vieux seishy
gneurs de ces terres hrelonnes
Et tout cet or dans les loches violettes SlI loceacuteun
dull hleu fonceacute leacutepandait des chants ltl811ltgTlt~sSI des promesses de bonheur un ivresse lie lumiegravere de deacutesirs de feacuteconditeacute heureuse
Vive la vie meacutecriai-je
Et vive la Bretagne reacutepondit Edmeacutee
Et je repris
- Vive la joie
Et jajoutai Vive lamour
- Eh hien Michegravele sourit Gland Jli~IC
En arrlvant agrave K~r-Nouheumllccfulent denouvenux eacuteblouisshysements
LA CONQUEcircTB DE tIDEacuteAL es
Oh ladorable vieille maison en grosses pierres eacutepaisses qui lui fout des murs dancien couvent et luge longue Lasse ct couver-le dun siruple toit hor]shy
zontal tout JI oit ltfui Iorme la plus commode des tershyrasses
Devant elle un pelil chemin de passage puis un champ tout blond et lumineux bordeacute de lamaris ces
jolis arbres marins dont le feuillage nest quune JUID~e verte et la fleur une fumeacutee lose
Au bout de ces deux centsmegravetres de thbmps18dubegrave
blanche et lumineuse aussi et les loches violenes puis
la mer la mer profonde el mlljcslueuse changeaole bull capricieuse la mer immense et toujours belle
Mais la plus jolie sUJIiseest eacuteserveacutec encore il fugravel entrer dans la maison taversel la glarllic stllie li h1at~h vitreacutee dont la baie sureacuteleveacutee domine loccall haefs~ aussi le salon vieillot 1UX meubles anciens Ilui eumltcittts suranneacutees et puis ouvrir la pollc-f~necirctte qui donncSliilt penon du jardin et alors le legallt1 eacuteUlelreillecirc seacutelend~ijl une feacuteerie
Comment deacutepeindre ce vieux perron agrave double escliliegraver engutrlandeuml de oses ougrave chacunc des larges maloches
csl bordeacutee de trois poIs degeacutelapiuws de ces merveilleuses
espegraveces de geacuteraniums si sonores quils semblent HoIumll
retenu en eux la lumiegravere et lalllclIl dt ltfucllfue f1aIQshyboyant coucher de soleil
Comment deacutepeindre la souplesse des lignes COUIO~CS de celle longue pelouse verte doucemeu] vallonueacutee rt encadreacutee tantocirct Je massifs opulents el d~boldjlnls duue exubeacuterance de fleurs tantocirct ltle hautes luliies de peuplicl) dItalie et de peupliers-helllbies au frileux feuillage
5
J
~ ~- ~ 1 V 1 f ~~-J ---w ~ t11 ) AI
66 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
ltli~eiteacute tantocirct deacutenormes touffes de lavande qui jettent dagravens hiumli~ embaumeacute leur jolie note violette et tantocirct de y~ccas depalmiers hauts et maigres de figuiers lourds qugravei~eumlvOque~t lOrient lointain
Et sous les arbustes dans le plein soleil court un ruisshysellen1ent de loses dheacuteliotropes aux senteurs de vanille J~ dahlias dœillets de fuchsias lie lobeacutelias dun bleu de
roi etagravee mauves louges et de jasmins de reacuteseacutedas de pavoIs superbes de glaiumleuls hautains et toutes les varieacuteshyteacutes-dune flore deacutebordante innombrable
Auuml tond du jardin se dresse UA bois dormes de hecirctres
er 4efrecircnes un bois profond calme et grave tans le deacutelicieux dessin de ses petites alleacutees sinuaules et mysteacuteshy
rieuses il est impreacutegneacute dune atmosphegravere intense parejlle
agrave une acircme eacuteparse et flottante parmi la haute futaie et dans le taillis eacutepaisdes centaines et des centaines de touffes de lys blancs et de lys louges bordent les sentiers et achegravevent pal leur couleur et leur parfum mystique cet
aspect de bois sacreacute exhalan t malgreacute leurs odeurs mielshy
leuses des penseacutees de pureteacute et de paix
LOls(lue jentrai dans ce bois je fus plus impressionneacutee
et plus recueillie quen peacuteneacutetrant dans la plus haute et la plus fervente des catheacutedrales
- Voici notre Bois des Lys (lit gaiement Edmeacutee
El je ne pus mempecirccher de lui ltpondre
- Lagrave il fant parler agrave voix basse
Sens-lu Edmeacutee toute lambiance (lui demeure ici On dirait que de grandes choses humaines se sont passhyseacutees derriegravere ees arbres el quils sont impreacutegneacutes de soushyvenirs puissants et lourds Cest un temple de Recircve et de Secret
LA CONQUEcircTB DB Lmltn 67
-- Je te lacontclai reprit E lmeacutee bien des leacutegendes bretonnes sur le Bois des Lys
- Ah Cest un lieu leacutegcndaile Je lalIai devineacute Des Ieacutees des auges et des geacutenies sy promegravenent ugravelelU~lIt pendant les soirs de lune vois il y a SUI ce rocher COUVClt de mousse lempreinle dune main de nvmphe Ougrave est donc la SOIIce enchanteacutee ougrave clic doit saller haigllel t
Edmeacutee sourit - Tu es eacutetonnante fit elle III sais (IIC tu dis vrai ct111le la SOlllce (le la feacutee (ICi Ly~ e-t tout aufond du bois
NOliS lIOUS sommes assises tOlites deux SUI le jocher moussu
- Cheacuterie commenccedila EJmie en me uren mt la main je suis sans lloute SUI e point de reacutealiser bien lot ie recircve de ma vic
- Tu aimes f dis-je
Je le crois
Til es aimeacutee f leplis-je en lemhrasant avec eacutemotion
- Je lespegravere
Et comme je multipliais alors les feacutelicitations joyeuses et les questlons presseacutees Edmeacutee mintelTompil
- Pas si vite Michegravele pas si vite Rien nest certain encore rien nest deacutecideacute ni mecircme COmmenceacute Mais mil
nature timide et lroidlaquo (lte tu counais bien sest eacuteveilleacutee
agrave UII eacutelan tel quil me semble impossible (Ille celui (11I~ Il
ainsi remueacute mon ecirctre ne soit pas celui-Iagrave megravem- (lIi lapaisera et Ieacutepauouu-a
- Qui est-ce cOIDn~1I1 le counats-tu
---------------
- J bull 1 1 --- bull il J 1 ~ I~ 1 ~ 1 iiiiiiiumlI C -1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL68
_ Jai dineacute avec Jean-Reneacute Formant il y a pri~s dun
an chez UII dc nos cousins et deacutejugrave ce jOlll-lil javais
eacuteleacute attireacutee par son altilude silencieuse et silencieuse
de ce silence qui est vibrant de vie el dintelligence
javais eacuteteacute alors fascineacutee par ce Iront lumineux et calme
par ces ~rands yeux eacutellanges qui paraisscnl emhellis
encore des reflets de hcuuleacutes cntJevucs ou de mystegraveres
compris
Depuis je navais plus rencontreacute MonsieUl Formant
el aussi je lavais presque oublieacute
~ Comment l lu avais si profondeacutemenl remarqueacute ce
jeune homme el lu navais pas mecircme essayeacute de le reshy
voir _ Quaurais-je pn taire
~ Nimperle oo enfin continue ma petite Edmeacutee
--- Je lavais donc presque oublieacute oIS(IUC le) juin
dernier quelquun mania dans notre corapartiment de chemin de ter au morncat ougrave allait seacutebranler lexshy
press dc Paris-Nantes el cc quelquun
_ CeacutellIcircllui meacutecriai-je
_ Justement Je le reconnus immeacutediatement mais il ne saperccedilul quan boul dun ccrtain temps quil se
trouvait au milieu de cette famille avec laquelle il J avait dicircneacute chcz Lucien Torguegraves quclques mois aupashy
ravan t Papa cl lui se mireul alors il causer el quant agrave
moi ne me lassant pas de ladmirer je buvais agrave flots
ses paroles et ses penseacutees comme 1011 boit une eau
exquise Ce long voya~e mc pa ru t ne dul(1 quune scconde
Et dcpuis lespoir du OOllcHI Iwt ltJe laile autour dt
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL r 69
mon fron l
lII dois donc le revo ir
Oui d hientocirct Il palait de Paris pour aller - retrouver sa megravere SUI une pla~e du Finistegravere
Ali houl de Ilois semuiucs il (lli(~ra cctte plage PI
Ina il lIcirc((I Il( paril d(s (ltIcircles hrelonncs cornrnc il
passera agrave Ker-Nouheacutel lapa la iuvilaquo ugrave venir nous voir et il en ~ palu tregraves heureux
Joyeuse Ellm(~e parlait doucement cl souriait en proie il un tOlIhle d(1ica
Elle me dit la vie helle ct seacuterieuse de lean-Reneacute Formant qui trnvnil le ltlprernent SUI Ini-megraverne ct qui
n donneacute aussi toute sa delle jeunesse et SOli avenir lucile n une glandc œuvre dIlartuonisnfion Humaine
Cette œuvre Edmeacutee me pm-ait la comprendre encore
assez mal mais elle admire tant lapocirctrlaquo que sa cause aussi il tout son respect
j
Cependant il mesure que jeacutecoutais avec affection Edmeacutee qui faisait en moi deborder SOli cœur sensible
trop plein d(sp(ocircrallccs cou tenues il me snmhlait que Ic
jeune homme quclllaquo aime est pIIS profond llus haut
plus inlelligcld (11Ie1le Luhncrn tmiddotil Poullallt elle sc
donnera sans doute il lui toute entiegravere avec labandon complet de sa nature simple chaudr- amoureuse el pcnshysive
Chegravere pelile Edrn(c Malgreacute ses vingt et un ans elle mappelle en rinnl sa sœul aill(~e et elle dit vrai cest
lin peu moi qui rai cOllduite cl plokg-(e jusque lagrave cl
aussi jnuruis 111I vrni bOIlllt1I1 si ic P(OX hien locirct voir sa vic construite et assureacutee dans lin azur tregraves doux (pli
a 1 bull bull 1 1 1 ~ 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ~ J1 1 1 1 J
70 LA CONQU~TR DE LIDHAL
bercera sa lregravele joliesse
gt Juillet
6 heures du malin
Devant la fenecirctre ouverte qui laisse entrer un peu
de linfini dans ma chambre avec lail matinal frais
et leacuteger lodeur du varech et la vue magnifique du ciel
elair et de la me l bleue je viens deacutecrire longuement agrave Jane Kousta
Une leltre inquieacutetante de Lucelle Pager reccedilue hier
soir ma avertie pour ilia pauvre amie dun certain
danger que je ne comprends guegravere encore mais qui me
tourmente
laquo VOliS comprenez que si je vous eacutecris ainsi chegravere
Mademoiselle dit la lettre de Lucelle cest parce que je
sais la grande influence que vous avez sur Jane el
que je la crois vraiment en danger
Il Vous ignorez peut ecirctre que le Comte Kousla a
demandeacute le divorce ct bien (JIll celle seacuteparation ne
eaase pas de chagrin agrave Jane sa situation va ecirctre comshy
plegravetement changeacutee Cal elle a eacutenergiquement refuseacute
daccepter quoi que ce soit de la grosse fortune de son
mari
Vous ignorez peut-ecirctre aussi la grande douleur
quelle II elle derniegraverement en mecircme temps quune
deacuteception Jamitieacute et quune blessure grave damourshy
propre
laquo Mais vous connaissez sa nature violente emporshy
teacutee orageuse et vous pouvez vous imaginer la deacuteshy
tresse aeluelle de celle lionne abattue
Il Je vous demande donc chegravere Mademoiselle daller
ri
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 71
lIU plus vite voir notre amie de lattirer-agrave des ~()n
fidences et de la diriger vers un espoir reacutealisable que
votre en-ur el votre intelligence sauront trouver l facilemenl raquo
~
le suis bien reconnaissante il Mademoiselle Pager 11 mavnir avertie ainsi
- ~
Seulement je ne suis pas agrave Paris ct malgreacute la
longueur de la lettre (lle jenvoie agrave la helle lionne
attristeacutee jaurais eacuteteacute plus sucircre de lanimer en elle 1 flamme de lespeacuterance ct du courage pal une conshyversation in lime
Rien ne peut remplacer leacutechange du cœur to~t aupregraves du cœur
Pauvre grande Jane que na-t-elle rencontreacute ~U1 Son chemin deacutesert la main assez puissante 1011I lenshyt rainer vers les cimes radieases
~est celle rencon lre que je lui souhaite si 1lIemshy
mentvcest pour celle rencontre (Ille je la supplie dans ma lettre de rester forte haute belle et droil~middot
Et je dresse devant ses yeux par dessusto~t~~
les figures du passeacute triste et morne une flgure slIper
be la figure de lavenir de cet avenir si souventfait
de noIre preacutesent de cet avenir que nous devons tacirccher
de formel en or et en diamant pur
le crains tant que Jane ne se laisse tom bel lJus
bas et aller agrave la deacuterive par deacutegoucirct de sa vie manqueacutee
) Juillet
Les jours passent Lesjours plissent et passent
ii - _
ll ( i 1 i J i i j 1 3 l bull A J i 1 1 1 1 ~ -1 ~ 1 ~-I ~
7 LA CONQUiTE DE ~IDiAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 73
nec une rapiditeacute cruelle dans latmosphegravere de ce Kershy
Nouheumll dont on aime chaque heure davantage les axshy
pecls les arbres les fleurs cl les prairies el les sourshy
ces el III mer
On dirail quil plni] il leacuteteacute decirctre radieux pour
tecircter ces belles journeacutees paiaihles
Mais elles passent toujours plus vite et le temps
inflexihle dit il Ioule minute qui senvole Adieu minushy
te Tu es partie maintenant Tu ne reviendras plus
Le temps manileste III Justice la Justice stricte
sana chnriteacute lorsquon la gaspill( il ne le pardonne
pas
lt1ais celui qui cherche il toujours graudir nuhlic
celle rigueur ct ne peut sentir le regrcl steacuterile des
extases envolees lal lheure suivante apporte en elle lespoir nouveau du progregraves Iulur
Et jaime ladmirable fin du Second Fnust lorsshy
que Meacutephistopheacutelegraves vient leacutedamer larne du vieux Docteur qui doit lui appartenir sil agrave reacuteussi l la sashy
listai11 Faust en homme de deacutesirs en aspirant inlasshyable quaucun progl egraves na rassasieacute quaucune joie na
endormi peut lui reacuteponure vicloricuscment
laquo Si jamais jai dit agrave llieure arrecircte-loi raquo
Et devant lui cest le ciel qui souvre
Pourtant on devrait cherchcr avec amour la posshy
sibiliteacute de prolonger la vie en lriornphant pour ainsi
dire du temps an lieu dorienter les merveilles des
deacutecouvertes de la science moderne vers des engins de gU(IIl YeIS daffreux moyens de dcstruction
QueU~ tri~t~ss~ agrave la reJl~eacute~ des efforts et du tlavili
bull
ql11 donnent certains cerveaux de geacutenie pOUf arriver
il perfectionner la lulle de lhumaniteacute coutre lhumashy
niteacute lhorreur cl la ddlessc des combats brutaux
ries sOlllfrarJ(es et des morts augmenteacutees
Si tous k-s hom nu-s voulaient cons lruire au iir-u dl deacutetruire sils voulnicu Iormer el beacutenir nu lieu de d(filir(~ el d(~ maudirt- les vieilles lorm ules eacutetroites les
IIIUIS des cachots sombres e des forteresses prOOCilshy
tric 5 Iumhernicn t Iiell vite t~1I ruines devanl la mashy
g-nifieerce des pells((S neuves cl des palais splc~dides seacutelevant sur Ioule la lcrre sous la caresse du grard
soleil
Pregraves du sol de cette merveilleuse Bletagne leacutecrnde
el complexe comme lon sent ce que pOllnail egravetre la
vie si elle neacutetait Iausseacutec par lnrtificiel ligneshy
rance ct les perversions des sncieacuteteacutes miegravevres ct
su perficielles
Quelquun a dit laquo Lhomme meur de Inirn au milieu
d(~ laholldancr))
Cst vrai l)lIeik lnmile PilUITC sai combien Iarshy
g(~m(lIl eIe pnurta i s(~ nuurt-ir avec d(s plats dorshy
ties des haies dilllblpinces algues de la mer des
pousses de pin el avec lan l de substances encore si
repandues et si utilisables
Lhomme meurt aussi de rhagrin au milieu de la joie ou de douleur lorsque la vie mieux comprise pOIIImiddot
lail diminuer tant de maux lant de souffrances et
pourrait lII llvauche apporter tellcmeut de reacuteconfort
Le poegravete des laquo Ames Vivan les raquo a penseacute qlle Cl 1)lIllqlltlois la vie celle (orme de la jouissance seacuteton
pl el pleure parce que nous ne la comprenons pas 1
-1 1
H LA CONQUftTE DE L~DiAL
Mais comme la vie est souvent inconsciente cest agrave lhumaniteacute intelligente quapparl ient cc rocircle suprecircme de lintellectualiser de leacutevoluer de la rendre toujours
plus consciente rie ce dont 111( a hesnin afin (lfi 11(1
Ioujours mieux (1 toujours plus vers 1( bonheur
Edmeacutee me disail ((~ malin une palolt~ de lenrishy
Rtneacute Forrnnnt laquo Le (III dt-voir de lhomme rst de
rendre lhommlaquo plus heurcux l raquo
Comme je partage cc senlirnent
Pendant des heures entiegraveres nous parlons des proshy
jets dEmceet nous passons (nStlllhle de bons moments
tantocirct assises Slll 11 haule falaise qui domine loceacutean
et dolt la vue seacutetend sur nue cocircte de roches lantasshy
tiques sans cesse hatlues pal les vagues chantantes
tantocirct allongeacutees SUI le snhllaquo chaud fin et doreacute de la
plnge tantocirct dans le jardin riant et emhaullIeacute de fleurs
el aussi dans lltl bois des lys que jaime comme ou aishy
me une acircme solitaire qui garde un mysteacuterieux secret
Pregraves de la source de la Feacutee il y a deux gTands
saules pleureurs qui cachent 1111 vieux dolmen tregraves
beau dans leurs branches basses et caressantes laime
masseoir SUI ce vieux dolmen et degraves quon a peacuteneacutetreacute
sous le feuillage mouvant ct deacutelicat des saules on pour
lait se croire perdu car on ne voit plus rien ni devant
ni derriegravere soi que ces feuilles fines tremblantes et bull innombrables comme une eacutepaisse dentelle verte
La source chante doucement un ruisseau dargent
paraicirct heureux de naicirctre lagrave et traverse les Lois en
zig-zag refletant agrave travers leurs ombres les taches dor du soleil qui dansenl el miroitent sur leau claire
Sous les arbres des touffes de monnaies du pa-
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 75 ------gt-- -------shy
pe hieacuteratiques et droites semblent des verges sacreacutees
fleuries pal UI1 miracle et patineacutees pal les lAyons lushynaires dont elles ont la pilleur ( leacutelrnujre lclat noclurne
La pdile slthoue lle mince dEdmeacutee anime ~entilllenl
la heauleacute de 1(1- ouhl1 mais (II(~ est hors de Ct qui l(nloure ct 011 la SPlit perdue lhorizun infini dHIS laagrave
douceur de ses recircves
Pourquoi parfois llla me lait-il souffrir de Iii voir
ainsi recircveuse le crains pour elle une deacuteceplion un
chagrin peut-ecirctre
le suis cependant lemplie pal un espoir i rnmense qui vit en moi ct de temps en lemps une appreacutehension
triste vient me surprendre
Allons Michi-ll Slcoue la poussiegravere des ideacutees g1Icircshy
ses ltfui alourdit inufilcmenl tes ailes et avec de la vomiddot
Ionie tu arriveras il donner une forme harmonieuse aux
espoirs qui le hantent ~
Il faut pOUl [e bonheur et pour la joie se mainshytenir forl pal la joie elle-mecircme
10 luillet
Je reccedilois un mot hien vague de Jane Kousta el ces
phrases etranges ne me salisfonl guegravere
Elles leacutepandent si peu il ce (lue jespeacuterais apregraves
ma longue lettre
laquo Michegravele
laquo Ie mennuie cest vrai je mennuie agrave pleurer
0 mais en ce momenl je suis trop lasse et eacutecœureacutee
~ ~~--~
76 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquo pour laisser 11I011 UgravellH dramal iqnc dl amaliser Ics
eacutevegravenements ( comme III sembles le crnindre
laquo Il est vrai que 1111 IIi rnest plus dalliellieux
laquo peut-(~LIl que la lnrcur le r1i~( ou la folie
Il Mon oivorce 11I1 11)(1(11111 prouveacute Iuuo la deacutelishy
l(atls~ (xquisl du COIllI( Iousa qui voulu il IIW [nissr-tshy
laquo 1I11t glalllk paIl dl Sil lortunc
laquo 111 orgueil [ai refuseacute lu llIISCS
laquo SCUllIHlIt Illon lIIUI a llt~ eacutemu de laffeclion
laquo (lue me temuignc Illon mari rnalgleacute lous mes torts
~la vic est laide nest-ce-pas ma Michegravele
laquo Lorsque je la contemple du haut de ce que jai de laquo meilleur en moi I11 haul d~ loul ce qlle javais esshy
laquo 1)(1( Cl gland pa nurtuuu d lemps passeacute toujours
laquo pluvicu x Ille hante d~ trisf csse
laquo Continue il IIlC plniudrc cal lon cœur qui seul
laquo il compris tregraves jeune un pen du mien me console
Il d me purifie
Il Emhrasse Edml si elle veu l de mon haiser
1 cd ange au x ailts doie hlnnche
lle lis ldadan la Princesse qui ne pardonshy
I( nai] las il son temps d~ lollhli dans son palais
laquo princesse- salis gloire dlInc poqne 011 Il comeacutedien I( seul porte cncore IIl1e cnurunuc )1
laquo Une lpoque ougrave le comeacuteriieu seul porte encore une
laquo couronne raquo) Heacutelas
laquo Dis agrave la mel combien je laime Iii mel libre la Il mer audncieusr
laquo Et laisse-moi embrasser tes main douces comme
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 77
laquo autrefois en pension lorsque tu avais sept ans que je laquo te prenais SUl mes genoux et lue tu posais tes mcnolshylaquo tes SUI ma bouche
bull Jane Kousta nest plus laquo Appelle-moi maintenant
Doloregraves JI
15 Juillet l O heures du soir
Quel inoubliable jour quelle heure eacutemouvante passhyseacutee sur la gregraveve deacuteserte agrave lapproche du creacutepuscule
quelle rencontre 1 quel espoir quel recircve reacutealiseacute
Tout resplendit en moi dune lumiegravere nouvelle qui
meacuteblouit et me transporte car celle lumiegravere adoreacutee
nest que laube du soleil prochain que laurore du matin qui ne connaicirctra plus de soir
1(OU5 nous promenions au bord de la mer montanshyte Edmeacutee son petit fregravere Guy et moi la journeacutee allait
finir et nous cherchions encore dans le sable sec et
brillant les coquillages nacreacutes et les algues roses lorsshyquEdmeacutee me saisit le bras en poussant un cri eacutetouffeacute
Je suivis la direction de son regard et japerccedilus au loin ua homme lui descendait la falaise
- Jean-Reneacute Formant murmura mon amie
Mais une impression eacutetrange forte profonde ja_ mais resentie menvahissait toute enliegravere et agrave mesure que la silhouelle lointaine se preacutecisait en approchan t joubliais la pauvre Edmeacutee joubliais tout ce qui menshytourait joubliais le monde entier et je ne voyais plus
-1 ~ ~ t ~ ri ril 1 78 LA CONQtJ~TE DE LmitAL
que ce grand jeune homme hrun tout entoureacute de beaushyleacute de penseacutee -Inspirnliun didtal cl mon ecirctre seacuteshy
1IIIlta vers lui
Tout en moi el autour d(~ moi chnntnll cl me reacutepeacuteshy
tait oc Cest lui raquo
(( Cest Luiraquo battail mon cœur avec transportsen
pulsations preacutecipiteacutees laquo Cest Lui raquo raurrnurait le souffle du vent (lli me caressait le visage oc Cest Lui raquo)
disaient les vagues victorieuses berccedilant mon espeacuterance de leur musique eacuteternelle cest Lui cest Lui Cest Lui Et cc mot ladieux vibra el reacutesonna ct retentit dans
la nature entiegravere et je ne savais plus rier (lle ce
mot unique el tricmphnl
Il entrait dans mon acircme il peacuteneacutetrait mon cœur
et mon Iront ct mes mains et ma chail cl il ouvrait des lodes fermeacutees de mon ecirctre irr-adiant mes yeux
de la beauteacute des chemins nouveaux
Alors Jean Reneacute eacutetait presquaupregraves de nous
Et je lconnus nettement limage cherie dun recircve
de mes nuits cette figure dune resplendissante beauteacute
el dont la ph) siouornie noble et grave sous les boumiddot
des brunes semble contenir des mondes de lorce cl des
mondes de penseacutee
Ses yeux dor dUne profondeur infinie rud ianls comme deux eacutetoiles mempliren t despeacuterance
Et lorsquil parla sa voix IIlC Iii tressaillir celte voix aux ncceuls tendres lIUX inflexions moduleacutees celle voix inoubliable qui nest que comme le prolongeshyment de lame eacutemue
~iais il sadressait agrave Edmeacutee El brusquement ceci
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 79
me lappela 1 preacutesence de mon amie el la reacutealiteacute si triste de SOli amour lour celui que jattendais el (lUI ja i reucontreacute maintenant
1~le la laune lllite eacutetait tellement troublee quelle balbutiait des mots sans suite el ne songeait mecircme pas agrave me preacutesenter Jean-Reneacute
Dailleurs ce geste maurait choqueacute par sa convenshylion moderne
El sans doute Lui eacutetait de mon avis car il dit en me peacuteneacutetrant du grand cha lme ugravee ses grands yeux il dit comme sil mavait toujours connue _
- Quel moment splendide nest-ce-pas celte heushyre ougrave le soleil el la mer sappellent el se confondenl dans un eacuteblouissement de rayons cl de reflets On dirait
que la lumiegravere se mateacuterialise en fleuve dor el de pourshypre et que les vagues sapaisent parce lfU lagraveme des flols est heureuse
Et je Ile pus mempecirccher de penser que celle phrashy
se apportait vers moi plus lJlIe les mols prononceacutes
El jai repondu plesQlle il voix basse
Cest une heure admirable cest un tableau de recircve
Il est tregraves tard malheureusement fil alors Edmeacutee el noas sommes forceacutes de rentrer pour dicircner
Viendrez-vous demain au Manoir Monsiellr Formant
- Avec une grande joie illldellloiselle llprit la voix grve et meacutelodieuse
Edmeacutee ojoulait
- Combien agravee temps resterez-vous dans ce village de Ker-Nouheacutel
- Je Ile sais pas encore
J-~~~J~ [middot1 Il -)~ l-J jI~J~1 t~~~r ~~~- bull - ~ bull bull Icirc middot~l~_
8Ugrave LA CONQUiTE DE LugttAY
Ils se tendirent la main elle eacutemue et confiante lui poli et indiffeacutereat Il se pencha vers le petit Guy pour lembrasser
Puis il me salua lentement et de nouveau il me
sembla que dans le chalme profond de ses yeux longs il menvoyait tout ce que jespeacuterais recevoir de son admiratioa noble et spontaneacutee
MoD bras passe sous le bras dEdmeacutee silencieuses toutes deux nous regagnions le Manoir et lespeacuterance illuminait mon cœur dun bonheur eacuteblouissant et je pensais Illarcher dans un recircve feacuteeacuterique au milieu de fleurs lumineuses et de ftambeaux de joie
Les roses de ma ceinture seffeuillegraverent sous mes lt
doigts eacutemus et la brise du soir emporta leurs peacutetales vers la mer
Comment le trouves-tu murmura Edmeacutee
Cette question me saisit et moppressa
Et la reacutealiteacute triste des souffrances de ma petite amie fit encore un nuage sombre agrave coteacute du tableau de lumiegravere
Que reacutependre Je fus sur le point de dire laquoIl est mOA Ideacuteal raquo
Je nen eus pa5 le courage et je gardai le si shylence eacutetrangement
Tout de suite Edmeacutee reprit - Tu as une ideacutee que tu noses pas exprimer Michele cette ideacutee je la deshyine Iaeilement tu as sur les legravevre s il Il l faim l pH et ce mot tu ne veu~ pas le pronoucer parshyce que tu crains de me faire pleurer
Mais tranquillise-toi jai confiance dans lavenir car
~ cmiddot ~~
~~
-_7middoto -~~~~Zmiddot ~Icircif~ -
LA CONQUEcircTE
maintenant je sais que jaime quagrave lorce damour je suis taire aimer
Cette phrase si simple les larmes me tecircte blonde et je
- su avait entendu serait-il pas toucheacute 1
Nous approchions de la maison qui taire SUI la route deacuteserte un refuge protecteur un abri
Calme insouciante heureuse Edmeacutee v
agrave chanter cependant quau-~
poir une lassitude menvahissait lourdie palpitante eacutemue eacutetait gonfleacutee de regraveves souffrir
tmiddot
Aujourdhui pour Le Nouheumll seacutetait
Le ciel agrave lorient avait des vent parfumeacute de jasmin dheacuteliotrope layait de jolis nuages floconneux plumes envoleacutees de laile dun
Celte journeacutee rose souriait lion rayounemen] javais rose fraicircche et ravissante tandis quEdmeacutee lineacutee de blanc se faisait
l bull jattendais comme elle
8l
JiJ~
DB IIDRAL
i
tant Jean-Reneacute FOlmant bien sucircre darriver agrave men
si douce me fitmiddot mal et montegraverent aux yeux Jattirai la petite
lembrassai en disant - Ma cheacuterie
ces paroles pensai-je nen
grande et soUgrave au soleil couchant semblait
bienveillant
seacutetait mise milieu du merveilleux esshy
~t que mon acircme ashyjusquagrave
i6 juillet au soir
recevoir sans doute Kershypareacute de toutes les richesses de leacuteteacute
nuances daurore et le et de genecirct bashy
comme de leacutegegraveres 1
cygne
Et en harmonie avec eacutetrenneacute une toilette de Ilncn
emmousse- belle aussi pour Celui que
r
6
- - -_ - d _
~~_ _ ~--J~~~III Il il --- J---t i -~Ji 1 Il _ ~bull1 oe
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL82
Ensemble eraves loutes deux moi plus quelle enshycore p1lrce que consciente des larmes qui couleront ici hientocirct en mecircme temps que ~eacutelegravev(la le g1lt1lld honneur nous descendicircmes HU jardin rejoindre Madame Torguegraves
et grandpegraverc Ils causaient assis sur un hanc dans le
bois aupregraves du ruisseau dnrgent
- Comme elles sont jolies 1I0S jeunes filles seacutecrie
grandpegravere rieur Ce Monsieur annonceacute est donc un Prince Cha lma ni
Madame Torguegraves aussi plaisante - Elles ont vite
saisi loccasion de mettre chacune une lOhe neuve
Mais nous sommes ressorties du bois Edmeacutee et moi
cherchant dans le jardin des fleurs pOUl nos cheveux
Lentement nous flacircnions lune aupregraves Ile lautre et
tregraves lointaines lune de lautre seacutepareacutees maintenant par
eette penseacutee pareille
- Comment cela finira-t-il soupirait mon cœur
Trois heures sonnegraverent iI leacuteglisr du village
- Deacutejagrave trois heures et il nest pas IiI dit Edmeacutee
Penses-tu quil va sucircrement venir Midlegravele
- Mais oui
Ces continuelles questions me tntigucnt minquiegraveshytent et Iumbiguiteacute de la si lua liun 1II1~ navre je fais
tout lOUI la faire soupccedilonner il Edmeacutee qui snhstiue il
ne rien refleacuteter que sa IHoIH~ espeacuter-ance el qui sem hie saveugler volontairement
Cette ignorance est dautant plus douloureuse dautant plus dangereuse que lorsque la veacutelite dessilshy
lera ses yeux son chagrin sera plus profond 1
Fo
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 83
Pal momen 1 une immense pitieacute memplit et me jette vers elle
Puis la l(alilt iloille de son lcstln moppresse et
la fr istesse laquoII(~ 1(pOIlSSe ma jeunesse entre en moi pu la tristesse dautrui
La soutlrnnce est-elle donc la loi neacutecessaire
Oh Illon seul ideacuteal Rendre lhomme plus heushyleux
Mais (IatlP heures sonnegraverent aussi A mon ton l
jeacutetais fdJlile imna Lien te su lexciteacutee pal la lten te qui
est presque malaise tant elle met au cœur dagitation
et de joie et de trou ble
- Quatre hern-es un quart soupirait Edmeacutee
Les rafales deacutechirant la nuit du second acte de
Tristun roulaient en moi comme III 1 orage et je pensais au geste enfiegravevre et crescendo de leacutecharpe apregraves lexshytinction de la torche
Oh tout lappel III mon (llc vers Toi la palpitashy
tion de mon cœur le tnmulle de mes recircves le Ireacutemisseshyment de mon espoir las-tu senti lean-Reneacute
Soudain un granll calme me peacuteneacutetra
Quatre heures el demie avaient sonneacute
- Quil est tard disait Edmeacutee
lai reacutepondu - Il vient
- Couuncul lu 1( vois
- Non pas encore mais je le I~nine lts pregraves dir i Edrneacutelaquo sdonnait
Le marteau du grand porche avait flppt PI le domestique venait ouvrir agrave l lntleacutel du jardin
Nous nous dirigeacircmes au-devant deJattendu
IL-middot- -------= _-==
H~ __ j i 1 l j j j 1 1 1 1 1 J 1 l J 1 1 1 1 1 ~ ~bullbullgt~
84 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ceacutetait bien Lui
Dans lalleacutee blonde et molle faite du sable des plages il avanccedilait vers nous
Et de nouveau un eacuteblouissement millumina et seacutepareacutee de tout ce qui mentourait je ne savais plus que Lui et jeacutetais comme isoleacutee dans son regard
- Quel merveilleux jardin dit-il tandis quapregraves Edmeacutee je lui tendais la main Quel cadre exquis calshy
me poetique pour la penseacutee meacutedita tive
- Un cadre pour le bonheur ai-je reacutepondu
- Cest vrai ajouta-t-il un coin de paradis
Nous sommes retourneacutes sous le bois ougrave eacutetaient resteacutes Mme Torguegraves Grandpegravere et Guy
A loreacute~ du taillis Jean-Reneacute sest arrecircteacute et il a
murmureacute
Quel mystegravere sest accompli lagrave qui a laisseacute ainsi le parfum de son souvenir
Oh grands arbres droits qui vous eacutelancez vers le ciel avec la foi de votre torce quelles eacutemotions avezshyvous sen li passer SUI vous autrefois pour conserver ainshy
si dans vos branches et dans vos feuilles celte aura cette atmosphegravere intense et dilluse
- VOliS parlez comme Michegravele a pai leacute en peacuteneacutetrant ici pour la premiegravere fois dit Edmeacutee avec eacutetonnement Til te souviens Micheline de limpression profonde que tu as ressentie lagrave aussi
Tu pensais que de grandes choses humaines a-
tA CONQuiTB DE LIDEacuteAL 85
valent ducirc vivre sous ces arbres et quils eacutetaient imshypreacutegneacutes de passeacute et de leacutegendes
Jean -Reneacute me regarda et sourit dlIl1 sourirlaquo joyeux
Nous approchions de Mme Forgues qui reccedilut aishymahlement le jeune homme et le preacutesenta il Gl1l1t1
pegravere
La conversation devint geacuteneacuterale et animeacutee
Mais le bonheur mentonrait le bonheur cnlrn i l en moi le bonheur paraissait fluer vers moi comme une riviegravere splendide qui descendait de son regald el qui me peacuteneacutetrait
Et la fleur de vie aœoureusement seacutepanouissait en mon cœur
Je me sentais forte je me sentais belle je me sentais admireacutee et ma beauteacute augmentait encore irrnshydieacutee sous la caresse de ses yeux voileacutes de recircverie
- Combien de temps comptez-volis rester il KershyNoueumll interrogeait Mill Torguegraves
- Ker-Nouheumll me semble ecirctre Madame Jendroit de toute la terre que lon espegravere souvent Cil legraveve et que 108 trouve une seille fois SUI le chemin Je pense donc y derneu lCI longtemps
Pourquoi poursuivre insaliahle 1111 voyage ougrave le lendemain regretter-ait salis doute nnjourdhui
Mme Torguegraves di agrave Edmeacutee daller il la maison faire preacuteparer le goucircter El comme chacun eacutetait debout sacheminant vers le jardin jeus la gvande joie de senshytir Jean-Reneacute chercher un tecircte-agrave-tecircte
-------
l_j t ~ i ~ ~ 1 1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL86 ---- ------__----------- ~_ _o
Habilemen l il Ille qlltsiiollllaii SUI la leacute~(~lIde dl la
Feacutee des Lys ct me pria d(~ lui montrer la Source
Enchanteacutee
Nous 1I0US Iqoi~nugravelIcs dOIl( lous leux vers le Iond (lu
petit bois el je palpitais un peu dune tregraves douce anshy
~oisse
_ Aimez-vous lhumaniteacute me demanda-t-B ugrave brucircle
pourpoint
_ Je voudrais quelle se Ilansformugravel Ie voudrais
aussi la connailre mieux ie la plains cal elleeouffre
el je laime parce qlle Ihommc esl rapable de bonteacute
et de ploglegraves infinis
11 continua
_ Vous avez raison SltIII(~ment ne trouvez-vous pas
(Ille laclion est p()Ilr ainsi dire le gage de la sinceacuteshy
rileacute f qut tlOp souvcut nous sommes satista its dlin senshy
liment qui proll(~ 1I01lc i-affiuement de conscience mais
qui est entiegraverement inefficace pOlll soulager lobjet de ce
sentiment
Pour moi aimer lhumaniteacute cest la servir
Comprenez-vous
_ Oui je comprends Et vous Ile faites que mexshy
pliquer Illon ideacuteal Pourf aul comment une femme ou
1111( [euuc fille duns la socieacuteteacute actuelle pourrait-elle utiliser ses dons pOlir le bien de lhomme
NOliS causerons de cela lon~uemellt plus tard
Je vous affirme que ~ts moyens reacuteels intenses dutilishy
ser toutes Jus capaciteacutes loutes les bonnes veloutes exisshy
teat Limportaat est que celte bonne volonteacute soit inteacutegrashy
le et cest ce qui est rare
~711 J -l ~ M ~ -----shy
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 87
le VOliS lassure Mademoiselle agrave ceux qui veillent
les loules ne manquen l pas Le principe dune action
vraimeut puissante esl duns lIdentification croissante
i mleacutefiuiment plo~ressiv(~ de toutes 1I0S forces avec le
hut que nous UOIIS proposons
-Je le crois Mai~ il faut justement dabord avoir
un but puis savoir comment faire eacutepanouir les Iaculshy
teacutes individuelles ail service de ce but
- Un but leprit-il navons-nous pas dil servir
Ihumanifeacute Cesl-agrave -dire conqueacuter-ir pour lIle plus de
bonheur
Certes le champ est vaste complexe semeacute dubsshy
curiteacute et je comprends que vous vous demandiez le
comment de celte œuvre les points interrueacutediuires les meacutethodes parce que ce mot reacutealiser le possihle es l pour vous en e( mornenl impreacutecis
Pour moi il est deacutebordnut de netteteacute de direction
car je sais un peu Je cc quil contient
- y aurait-il donc une science secregravete des posshy
sibiliteacutes humaines
- Certainement il y a toute une science des possishy
hilif eacutes humaines Si elle est secregravete cc nest pas quelle
soit cacheacutee anormalement mais simplement que lhornshy
me se bande les cu pOUl Ile pas III conuaitre ou m111middot
che les yellx ouverts dans UII sens oppose
Vous souvenez-vous d(~ ldie pilloll~ dun livr
f regraves ancien laquo La sagessr- (Tic dans les calrefours elle
appelle SUI les places puhliques ruais lou refusent
son invitation raquo
- Alors ce nest donc pas sur le nombre ltJue le
~tltCcedil~--1 gt
---------
89
i1--~----j~---t ~rJ -Ocircq J i bull i bull i bull bull i i bull i bulllJJ cI
LA CONQUFTE DE LmiAL88
mouvemen t don1 vous vous OCCII pez met son espoir de
reacuteussite
_ Le nombre pOllna venir en son lemps Mllis
un seul cœur riche denthousiasme dintelligenc~ et de
zegravele qui se donne toul entier vaut plus que dix mille
adheacutesions inertes
Le but immeacutediat de nos groupeltlents est de coorshy
donner les forces inlellccluelles et spirituelles les plus hautes acluellement manifesteacutees par des hommes isoshy
leacutes de faccedilon agrave former un orgllne speacutecial de connaisshy
sance et de direction un cerveau pOlir lhumaniteacute Il sagit de reacuteunir en faisceau les aspirations et la libre recherche des pionniers nliu qlle dans cette phalange eouune dans lin ceutrc solaire soient reccedillles et diffushyseacutees abondllmmenl les tnrccs ellpnhles deacutevoluer 111 mashy
tiegravere (lIIcirc nous entoure
Savants poegravetes allisles meacutedecins et toutes capashyciteacutes aujollrdhui meacuteconnues sans usages et mecircme
perseacutecuteacutees doivent en ordre concourir agrave cette
orgllnisalion
Il Y a ceux qui par le geacutenie philosophique la disshy
cipline de soi-mecircme lenseignement reccedilu et lexpeacuterishy
ence acquise sont comme la si hien exprimeacute Platon lei laquo harmonisuteurs JI de ces eacuteleacutements tel le chef dorshy
cheslre ail milieu de ses musiciens
Les recollllllilltmiddot les suivre les aider cest entrer
dans la pratique effective cest sengager sur le seul chemin qui ne soit pas une impasse Je ne parle pas toujours de ces chuses et je nen ai presque rien dit
ici
LA CO~QUEcircTIl DE LrmhL
Si vous Ole trouvez bien grave en lin moment ougrave tout autour de nous semble chanter la joie de la beauteacute de vivre cest justement parce que vous necirctes pas comme les autres
La splendeur de linstant me fait monter dans les reacutegions actives ougrave ma ecirctre le plus reacuteel se meut
Pourtant mille eacutenergies en moi respirent les parshyfums de lheure el ce bois est agrave mes yeux non plus
une forecirct de leacutegendes mais le jardin feacuteeacuterique des renshy
contres heureuses 1
Sa voie meacutelodieuse et cheacuterie mysteacuterieusement faishysait vibrer mon acircrne et en prononccedilant ces derniegraveres
paroles il avait leveacute SUI moi ses yeux profonds et ne les abaissait plus Je sentais le poids de son regard
unique mentourer le visage liIune lourde aureacuteole dashymour et vers moi semblaient mouler des oceacuteans
dattente
Je murmurai simplement
- Pourquoi ne pai vous dire que deacutejagrave je vous ai
vu que deacutejagrave je vous ai parleacute et que ceacutetait dans le plus beau des recircves de mes nuits que vous mecirctes
apparu
Pourquoi ne pas vous dire lue votre œuvre je le sens elle est mon ideacuteal encore inexprimeacute et que je my donnerai toute comme VOUI voudrez que je my donne f
Alors il se transfigura intenseacutement et la protonshylieur expressive de ses yeux eacutevoqua un espoir de boaheur infini Et nous nous egardugravernes comme pour la premiegravere fois avec des yeux extasieacutes
~( lt 1 l 1 -- --- bull ~-l ----J ~ ~J bull
f
90 LA CONQU~TE DE LIDEAL
--------------------_-~-------- shy
- MlIci replil-il avpe une eacutemotion contenue qui meacutemouvait plus encore merci de vos paroles si courageuses si confia nies Vous ecirctes helle Vous ecirctes
etranegravere il la vic han ale VOliS ocirctes libre des attnshy
bull ches du preacutejugeacute Nous SOIllJlIS llin et lnutre porteurs de la mecircme eacuteternelle veacuteriteacute Pl en cet instant lumishy
aeux ougrave nous le comprenons celte veacuteriteacute se legraveve et
chan te en nous et la voix de la joie du monde la voix de lhumaniteacute tressaille et passc agrave travers notre
espeacuterance illumineacutee Sentez-vous devant nous les immensiteacutes inconnues que le heau legraveve dune nuit ocirc
mon amie vous a sans doute laisseacute apercevoir bullbullbull POlir
moi de tels recircves sont lessence mecircme cl u reacuteel
NOliS eacutetions devan t la source de la Feacutee debout
tout pregraves lun de Inulre ct nous nous regardions au
fond des yeux comme pOlir nous reconnaicirctre
_ Oui ai-je reacutepondu el pal ce recircve je VOliS ai
compris et je vous ai peacutenegravetre autant lflle je suis actuelshy
lement capable el de vous comprendre et de VOllS peacuteshy
aeumltrer
A ce momest un brait de pas parvint jusshyquagrave nous et nous ne prononccedilacircmes plus lin mot
Seulement une ivresse de bonheur sexaltait et monshytait de la Fontaine Enchanteacutee et de la corolle qui Slllrouvre des branches qui seacutetcndent du papillon qui deacuteploie ses ailes du parfum mystique des grands lys blancs et rouges de loiseau qui plane de la lerre qui feacuteconde se deacutegageait seacutelevait simposait une harmonie sonore de force despeacuterance dalleacutegresse et sotre acircme confondue la seatait seacutepanouir en une tend lesse
miraculeuse
LA CONQViTE DE LIDEacuteAL 91
- Michegravele Michegravele Ougrave ecirctes -vous donc criait Edmeacutee
- Nous reatrous ai-je reacutepondu en tressaillant leshy~rettaNt la fin ds lheure envoleacutee deacutejagrave lointaine et
adorable
- M Vazaonegrave et Maman sont installeacutes pour roucircshy1
ter dans I~ bosquet de roses sous I~ grand magnolia continuait Edmeacutee essouffleacutee
Jy ai fait dresser la table agrave theacute pour jouir de
la vue de la mer de la beauteacute des roses et de ce parfum magique et ehaud des belles fleurs blanches du
magnolia
Elle souriait toute animeacutee et les cheveux eacuteboushy
riffeacutes par sa course sous bois pour nous retrouver elle souriait conten te et regardait Reneacute
Lui ne la voyait pas Je le sentais entoureacute de moishy
mecircme comme jeacutetais enveloppeacutee desou charme puissant Qund reviendra- t-il
-
1 7 Juillet 8 h du matin
Une grande lettre de Jane Kousta me navre et meacutepouvante Lucette Pagel avait raison de la sentir en danger 1
Ce que jai tellement craint pour elle il y a un an ce preacutecipice dont sa route semblait maintenant secirctre
eumlearteacutee voici quil est evaut elle et quelle y roule r Heacutelas se relegravevera-t-elle 1
~ _- -~~-- -
1 -~ JI JI Jl -- -- J - ~ 1 J r-r--r--r- C
9~ LA CONQUEcircTE DE LTD~AL
Ils existent doue C(~S ecirctres affreux peints pal les
romanciers ces ecirctres ljui ne songent quagrave leurs basses jouissances ces ecirctres pareils lUX vautours guellant leur proie des nuits entiegraveres ces ecirctres qui ne pouvant conqueacuterir une lemme ni pal lamour ni pal lestime ni par laffection IIi pal ladmii-ation attendent le moment de deacutetresse ougrave un laux-pas lie leur victime la fera tomber dans leurs bras
Ainsi pendant des mois lanneacutee passeacutee jai rencontreacute chez ma pauvre grande Jane un de ces ecirctresmiddot abjects Raoul Falbrut qui rocircdait sans cesse autour de sa beauteacute
Cest un horrible petit honmme avec une eacutenorme
tegravete agrave la nuque eacutepaisse au cou de taureau La simshyple eacutevocation Je son visage memplit de deacutegoucirct
Dailleurs sportman connu pilier des salles desshycrime grand joueur aux courses et richissime cercleux
Quil faut que Jane ait cruellement souffert pour meacutecrire aujourdhui cette nouvelle atroce
IlJe crois que jai toucheacute labicircme du tond de laquoma misegravere Michegravele
laquoApregraves de bien douloureuses journeacutees me voici
laquo maintenant plus tranquille mais aussi malheureuse
Je voyage en Suisse avec Raoul Falbrut dont CI tu dois te souvenir
laquo Royalement installeacutee agrave Interlaken la vue de la CI Jungfrau seule me lappelle quil pourrait y avoir CI de la beauteacute Mais pourquoi te mecircle agrave ces tristes laquochoses si ce nest pour tavertir (Oh 1 tu nas pas laquobesoin davertissement ) de limportance de chaque
LA CONQUEacuteTE DE LIDEacuteAL 13
CI peacuteriode de notre vie et des enchaicircnements eflarants CI de celle lulle agravepre et cruelle lorsque nous nous Il trompons de chemin
( Pourquoi nai-je jamais rencontreacute sur ma lalite Il que mensonges et vaniteacutes Ai-je donc toujours menti
laquo Michegravele Michegravele il y a de la lumiegraveres encore Cl dans le monde Dis Moi je Ile sais plus 1 Et pou1shy
(( tant je sens en moi tant de choses tant denergies (( tant de deacutesirs La somme de mes deacutesirs eut fait
laquo une trop grande espeacuterance une irreacutealisable espeacuterance laquo tu comprends AIOlS je nai pas pu lier ma gerbe
laquo De tous cocircteacutes mes desirs tiraient disloquaient mon laquo ecirctre
laquo Jai connu le teu des passions sans motif sans Il bu t par excegraves de mes propres forces
laquo Ah si quelquun avait passeacute si quelquun (( avait dompteacute si quelquun avait tait de moi la (( reacutealisa triee de ses recircves
(( Michegravele neacutetais -je pas comme une feacutee cornille laquo une magicienne Neacutetais-je pas puissante
laquo Et maintenant voilagrave jai trente ans tout ce que laquo jai veacutecu est derriegravere moi comme du vide
laquo Devant moi entre moi et lespeacuterance il y il
cc un abicircme infranchissable
laquo Avec tout ce que jeacutetais que suis-je deacutesormais
([ Je pleure sur moi-mecircme pareille agrave une heacuteroiumlne laquo( dEuripide je pleure sur ce qui aurait pu ecirctre Je CI pleure sur la part de splendeur de vie que jai mushye tileacutee en moi 1
95
~ ~ r IJ~~
9i LA CONQuiTE DE ~l~AL -_ ------_ _-shy
(( A quoi servent les lannes Elles sont inutiles laquocomme les regrets
laquole suis 111I tourhillon je suis emporteacutee je me laquo laisse emporter quv a t-il SUl celle pente (lue je
laquo deacutevale comme UIIC avalanche le lOCS
laquo Et sais-tu ~lichegravele pourquoi ma misegravere sest laquo eacuteclaireacutee subitement trop tard Cest parce que
laquo japerccedilois de lautre cocircte de labicircme parOli mes esshy
laquo peacuterances impossibles lEacutetoile dune reacutealiteacute
laquo Adieu cheacuterie Toi sois heureuse Tu es si droite
a si pue que tu aurais (Iii 1111 ta seule preacutesence me
laquo purifier
laquo Seulement jeacutetais trop aveugle trop enfieacutevreacutee
laquo trop enivreacutee des [eux eacutecœurants des salons ougrave lon Il madmirait
laquo Je t (limais sans tc regar(1eImiddot Tu avais raison
laquoDe toi me vieilt comme un rayon le deacutesir si
laquo cela eacutetait possible ugravee retrouver un chemin un
laquo chemin renouveleacute mais j~ suis prisonniegravere comme
laquo dans un cercle de montagnes
laquo Tout est fini
laquo Il ny a que des ruines autour de moi et en Il moi J)
Oui ma merveilleuse magicienne je connais ta richesse ta puissance ct tes dons et je te plains de toute mon affection
Mais III nas pas assez tocirct compris que III faisais naicirctre parlais des souffrances SUI ton chemin et que nos deacutesirs doivent se limiter lagrave ougrave ils produiraient
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
le deacutesordre tu nas pas assez tocirct compris que laquo les ronces que nous semons 5111 la route de la vie 1I0US les retrouvons tocirct ou tard au relour raquo tu nas pas assez tocirct compris que 1I0llS Ile sommes rion pOUl 1I0USshy
mecircmes ma gralld(~ Jane d que l(~(hallg-c seul llchallshyge charitable leacutechange qui sc douue lait Iii joie de vine
Si toutes tes forces et toutes les aspirations et tous tes recircves tu Ics avais plus souvent que sur toishymecircme tourneacute VCIS luumaniteacute tu aurais peut-ecirctre
ainsi connu un bonheur digne de loi
Un mot pourtant dans celte lettre navrante lourshy
de de tristesse encore inavoueacutee me donne pour Jane
un espoir de relegravevement possible un espoir davenir
malgreacute ce Raoul Falbrut dont elle a accepteacute une
royale installation en subissant un honteux esclavage
que jose agrave peine penscl El celle espeacuterance qui me reste cest celle eacutetoile de reacutealiteacute qui a si subiteshyment eacuteclaireacute sa misegravere et (lui peut-ecirctre pourr-ait comshy
me un soleil levant illuminer maintenant ses lendeshymains
Le ciel qui vient de s ouvrir pour moi ne pourshyrait-il pas sirradier devau t ellc bull
Moi je ne vis plus ici avec GrandPegravere ct nos amies
je vis seulement dans le souvenir de la beauteacute dhier dans lespoir du prochain revoit
Je suis comme endormie et la meilleure partie de moi-mecircme seacutechappe recircveuse vers Le Vuiuqueur qui mcntraicircne dans les lointains teacuteeacuterlques plus merveilleux que les merveilles du recircve
Instantaneacutement il IDa prise toute entiegravere parce
_OH 2 t 2amp middot
F=3 -~ RR ~~~~~-_-~-JL ~
l6 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
quinstantaneacutement je lai reconnu palce quinstantaneacuteshy
ment jai senti quIl eacutetait mon Heacuteros celui qui memshy
megravenera plus haut (Ille moi-mecircme vers mes plus hautes
capaciteacutes latentes vers les avenirs Ionjours glandissants
de beaute en heaulc de splendeur en spendeur despoir en espoir damolli (1 amour Oh seacutelever seacutelever
sans cesse seacutelever toujours plus haut Planer au-desshy
sus tics petitesses el monter vers la lumiegravere solaire
Parfois jc recircve quun aigle royal est mon coursier et
quil memporte vers les hauteurs et ses ailes trishy
omphales toutes rilndes deacuteployeacutees comme un eacutetandard
de victoire hatlent les airs cl seacutelegravevent majestueusement
en hymne de libeacutera tion
Et mainleuant jai lrnuveacute Illon coursier rOYIII et
avec lui je Irnnchirni les steppes arides je traverserai les deacuteserts jescaladerai les collines et lions gagnelons
la Terre Promise
Je laime dans tout ce quil dit dans tout ce quil croit dans tout ce quil pense dans tout ce quil veut
dans tout ce quil aime
Oh Jean Rene Songez-vous en cc moment fi moi
comme je sonne agrave vous cl savez-vous agrave quel point je
vous aime
Je ne connais rien de votre vie Hi de votre passeacute et deacutejagrave je suis il vous complegravetement el je souffre de la
lenteur des heures qui me seacuteparent de vous et de ce que vous ne mayez point encore serreacutee
dans vos bras sur votre cœur bien fort et longueshy
ment
Mais votre legllni dor intense comme la flamme dune pierre preacutecieuse infini comme les profondeurs
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 97
inconnues de la mel profonde votre regard ne me quille plus el menveloppe de son prodige
Dites-moi Jean-Heneacute dites-moi dites-moi (Ille
VOliS ne pourriez plus sans moi construire les avenirs
comme je ne pourrais plus les construire sans vous
l~ Juillet
1 deacuteshait autant me revoir degraves hier que je deacutesirais noi I~ rejoindre
El nous avons passeacute une magnifique journeacutee
ensemble il matin SUI ln haule [alaise ensemble lapregraves-midi sur la plage libre ensemble au c1nIcirc1 de lune apregraves le dicircner SUI les dunes doreacutees hOI deacutees
des loches sombres bordeacutees des loches devenues
farouches el eacutetraugcs sous les reflets lunaires
Quoique nous ayons eacuteteacute presque conlinllelleshyment en groupe puurtunl nos llgillds IIlIUS isolent lun dans lautre nos limes se parlent salis 1111(
et les moindres minutes lIe legravele il tegravete sont mainshy
tenant pour nous des siegravecles de honheul
La pauvre petite Edmeacutee dnbonl ne nous quishy
lait pas Puis elle a enfin comm-is quil ne dvsishy
lail pas rester seul aupregraves delle el suhitemenl lapregraves-midi lIle (51 devenue lrisle el songeuse Main tenan t je sens Et mee heacutelas tlegraves loin de moi elle sest complegravetement lermeacutee el ne resle plus en ma preacutesence ~(lw lorsquune autre PI(SCIlC(~ lui assure mon sillnce
Elle me lait pitieacute cl hien (Ie je ne puisse regretter pour elle la lin dune illusion de ce qui ne
- ~- l Jgt~~~~~
LA CONQUEcircTE DE LID~AL98
peut pas ecirctre je suis narreacutee de la voir malheureushyse de ce lui me lend si heureuse l Jui agrave certains momenls envie de provoquel bientocirct une scegravene deacuteshycisive qui changerait celle situation peacutenible entre nous deux Que faire Je ne sais encore Peut-ecirctre preacutevenir Crandpegravere el partir poursuivre mon bonheur loin des yeux de la pauvre cheacuterie
Ah pourquoi la vie est-elle si rude pOUl cershytains La frecircle petite Edmeacutee souffre deacutejagrave de soufshyfrances damour la frecircle petite Edmeacutee qui semble faile pour la tendresse et pOUl 1 joie Et dans son cœur ce ne sont plus les fleurs du recircve ce ne sont plus les fleurs vivantes ce ne sont que fleurs desseacutecheacutees vite eacutecloses locircl faneacutees
Et pourquoi Ocirc mon Edmeacutee faut-il (lle ce soit pal moi que tu souffres
Jai deacutejagrave rendu Andleacute Calvis malheureux et voilagrave que maintenant je te rends malheureuse moi qui cherche acircprement le honheur et qui voudrais aider pOUl lous son prodigieux eacutepanouissement
Limpuissance dagi l cest le plus terrible mal limpuissance devant le deacutesordre limpuissance devant le malheur Comment lhomme ne concentre-t-Il ras Ioules ses faculteacutes loutes ses eacutenergies tous ses efforts lous ses deacutesirs Ioules ses penseacutees toutes ses aspirations vers la seule chose neacutecesshysaire devenir de plus en plus maitre des forces appeleacutees forces inconnues (mais 1101 ineorrshynaissables ) devenir de plus lli plus maicirctre des eacutevegraveshynemenls de la vic Quexiste-t-il hors de cd Inteacuterecirct si intense Que SUlI t agrave cocircteacute de cela les distrac tiens-
LA CONQUEcircTE DE L[DRAL 09
ou les plaisirs ou les luttes de politiciens ou les luttes de partis ou de castes ou de laces ou tous ces gestes quelconques dans lesquels lhomme gaspille une si innombrable somme de forces inutiliseacutees
Jean-Reneacute sent autant et plus (lue moi-mecircme cette perte deacutenergies preacutecieuses ct le cher apocirctre qui a conquis mon ecirctre nous a ouvert un Instant SOli acircme geacuteneacuterruse cl vibrante si douloureuse de la souffrance humaine mais si vaillante dans leffort
Ce malin sur la falaise ensoleilleacutee nous eacutetions assis lui Edmeacutee et moi et nous aYons padeacute longuement de celle Philosophie Cosmique de celte meacutethode de vivre inleacutegralement rationnelle aussi bien Tndividuelle que sociale terrestre mondiale
Que dimmenses possibiliteacutes quels merveilleux espoirs quels horizons infinis il ouvrait devant mon intellishygence et mon cœur
Je veux me sou venir de ses paroles
oc La vic Tout ce qui csl tout ce qui a eacuteteacute tout ce qui sem la source ineacutepuisable la base sans limites la manifestation originelle de lInconnu pal laquelle et dans laquelle toutes nouvelles manifestations sont reacutealisables La Vie 1 Telle quelle nous apparnit actuelshylemen t elle est deacutejagrave le mystegravere sans bornes leacutepanouisshysement incessant la complexiteacute innombrable la leacuteerie continuelle des transformations inouiumles
Pourtant ce qui en est deacutejagrave reacutealiseacute est seulement comme un embryon aupregraves de Iegravelre magnifique et parshyfait A mesure que notre intelligence reacuteussit agrave seacutelever
-
1
100 LA CONQUEcircTE DE TlIJ~AL
dans la reacutegion conceptiveacute les formes lalentes seacuteveillent
autour de nous cl notre penseacutee constructive deacuteveloppe notr-e ideacuteal cl ccsl ln vic plus 1)I()f()ud(~rncnl heureuse
ln vie prollgo(r donl toutes les transformations sonl
bienfaisantes dont toutes Ics eacutenergies sont utiliseacutees
dont les fleurs ne se fanent pns dont les eacutepis g-erment ct (lui chante la joie cllalleacutegrcsse de limmortaliteacute
- Mais pal (1lels moyens ai-je demande peut-on
diminuer la souffrance
- Puisque la vie continua-I-il sc deacuteveloppe cl
seacutevolue suivant des lois que lon peut connuilre el
appliquer il est eacutevident pour un esprit philosophique
(cestil-dile snchaul penser dans une sphegravere logique
sans ecirctre enchaicircneacute pal It~s faits actuels qui S01l1 les
effets ct non les causes) il est eacutevident qlll la science
est la veritable resfitutricc de ricircge dor
Celle science il [aul quelle seacutetende aussi loin que
la vie elle-mecircme parlou ougrave lharmonie cl lerreur sont
capables ugraveapporleI la paix ou la souflrnnce
Pour conqueacuterir telle ltelle science indeacutefiniment proshy
gressive il faut des savants qui soient aussi des philososhy
phes ou qui adhegraverent il ln Philosophie libre cl audacishy
cuse cette vraie Philosophie annonciatrice de cont reacutees
toujours nouvelles
Si celle science cl ai l lrouvce ou en voic de lecirctre il
lesterait encore ugrave lllppliqu(( Mais les hommes se conshy
duisent pal imitation pal habitude pnr instinct
JI y aurait donc une œuvre immense de propagande
agrave enlreprendre pOlir fairc counaitre les conclusions scishy
entifiques inteacutegrales capables de modifier lexistence en
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL toI
ln conduisant dharmonies en harmonies vers un eacutetat de l-onheu l croissnn L
Il faudlnit plus eucorr- connaitll~ nest pa assez il
faut comprendre aimer Illaliquel celle scie nec li~leacutelashy
lrice il faul que Ioules les faculleacutes hUUlltlines euf rent
en jeu pour leacutepandre pour lllNil pour reacutealiser la par-ole daffranchissement
01 cette science existe ses bases en sont poseacutees Et
tandis que les savants et les philosophes voileacutes les precircshy
tres du sanctuaire doivent continuel la recherche el
la deacutecouverte en mocircme temps ct pnrallegravelernent il est
neacutecessaire ltlle les reacutesultats acquis soient diffuseacutes
Chaque grudation dhumaniteacute est apte agrave comprendre
et il utiliser celle pn de connaissance (lui lsi dans son
hor-izon normal el dont lIle peut efllcaccmeut sc servi
POUl llIll raison la diffusion mecircme de ce (lui esl
deacutejagrave connu et cn(gistll ne peut egravehe faite que par de
gr(~s pal seacuteries Celle loi eacutetablit linilialion pogIesivl
la classification le groupement hieacuterurrhiquc
Et maintenant je puis reacutepondre il votre question en
la preacutecisant quelles connaissnnees pouvez-vous actuelshy
lement donner pour commencer rameacuteiolalion conscishyente de leacutetat humain
Oh la veacuteriteacute est simple mais O1Il1ll dit Iiuml~ldeacutesjilsshyle Cl ils onl chercheacute beaucoup de discours raquo
Il y il dhumbles cailloux rouleacutes dans les lorrt-u ts de
la mentaliteacute seacuteculaire qui sont en reacutealiteacute des gelllmes
preacutecieuses De loin ils semblent sans valeur si on les lamasse si on les COIII(lIIple Iougucment 011 slfHrccediloit
quils sont tlane IrallIlrtnc pallaile el Ille I(~ monde sy reflegravete
--~ _~--~---------- _-
JIll
~~~JA~~~)~rJ~~~t~~ - iir~i ~ c lt ~~~
LA CONQutTB DBtot LA CONQUEcircTB DEuml LmhL -----------------------shy
but uMqu-e le culte deOui ce nest pas lous les joars quune vnouvelle loi niteacute
peut ecirctre trouveacutee quune nouvelle promesse peut temshy~Et lhomme doitber du ciel 1
tion des diverses capaciteacutes humaines Mais agrave travers le temps bien des deacutecouvertes se sont nir la progression in~essante
C amasseacutees bien des sentences de sagesse ont parsemeacute la bull
1 lhomme qui est ~ terre
le proteeteur le libeacuterateur deDes proverbes dont lorigine se perd dana la nuitiX la terre to~tes les torees
des iges sont comme des phares sur la route de leacute- fuseacutees par le regravegne r volutien individuelle et collective des rites et coushy ~ laquoAidemiddottoi le ciel taidera 1 J)tumes ~n divers pays maaitestent encore sous leur 1s-i
~~ symbolisme incompris la science des eacutepoques passeacutees u Chariteacute bien middot middotmiddotmiddotmiddotmiddot~~
laquo Bien faire et laisser dire Pour les peuples le progregraves ce sont des lois meilshy1middot~K~ leures le culte de la santeacute et de la vertu un pen de ~ TOlite cette sagesse ~W science au lieu de superstition un eacuteveil intellectuel Ion vrai rocircle sa responsabiliteacute~laquo qui ne peut venir quen enlevant le terrible poids de seignait quil doit avant tout~1rmiddot
la croyance irralsonneacutee et quen mesure seulement~r middot POUl ldite leacutevolltlioD ce~t ladheacutesion persistante des aides peuvent devenir
~l bullbullbull agrave la logique il lexpeacuterience ail maximum de bonheur Ainsi Jean-Reneacute~ ~ cest le plissage IU crible de lamas coolus et impur 10pque~ ~ ~
( des arts sans spirituahteacute des poeacutesies sans propheacutetisshy moi mes~ propres horizons1 me des sciences trop borneacutees ner dans le soir tiegravede etil~ Cest la reconstruction des mœurs des litteacuteratures finie que nous veacutecucircmes(~) (- - - des lois sur une base de bonne volonteacute complegravete et~( Etait-ee parce que les eacutetoiles brillantes nOlis parlaiententiegraverement libre
1 de paix et -damour eacutetait-cePour Itndlvidualiteacute qui aspire agrave ecirctre par soi-mecircme
plus seuls sous le manteaule cettel marcher en avant comme un pionnier et comme un
ce parce que nousluidechaque helire ehaque acte chaque penseacutee est
cœurs tout pregraves lun deuneacute voie de perfectionnement Cest le seuil des grands de nos corps neacutetaient plus agravedestins mecircme de nos Ames Pour toutes i~s gredutions ensemble le moyen deacutetashy
Silllpienle~t puisque 1I01ll(blil la eoopeacuterntlon harmonieuse est de reeonnaltre ~un
1~3LmAL
lideacuteal manifesteacute dacircns lhuma
comprendre que c~st de lfllljlisnshy
que lui peut veshy
vers le bonheur Cest linitiateur Ieacutevoluteur le gueacuterlsseur
lhomme Parce que sur
eosmtqueaeont ~ccedilues et ditshy
humain lhuman~teacute intellectuelle
ordonneacutee commence par sQi mecircme raquo J) bull
antique qui donnait agrave lhomme reacuteelle et qui Iui enshy
compte SUI lui-mecircme de sa propre pnissance
ses toUaborateurs raquo
parlait intalissablement et par uneIcircsuperbe illumineacutee despoir i1deacuteployait devant
Mais cest le soir apregraves dicircshy
constelleacute de limmensiteacute in-lheUJed~ recircve
parce que nous eacutetions nuit douceeacutetaitshy
sentions vers le vaste ciel pur nos
lautre et que les silhouettes celle heure que limage bull
OOIIS SOUlme t
------- ---- ------
104 LA CaNQUETE DR LlDF-A L
que aussi impeacuterieusement llin qlle lautre nous avion S
soif de certitude eacutel ail-ce parce ltlIC la minute avait
sonneacute p01l1 nous de taire du recircve exquis IIl1e ardente reacutealiteacute mais soudain nous nous sommes arrecircteacutes lonshygllcment en arriegravere tandis que les autres venaient de disparaicirch-e dans tin tournant du chemin et comme je Jaltendais comme je le deacutesir-ais comme je le voulais
Jean-Reneacute me prit la main dans les deux siennes et
avec une torce de lendresse passionneacutee il dit seulement
- Michegravele
Oh la douceur de ce nom tians sa bouche Oh
(~IIe lpeleacutee ainsi [Jill Lui ce me parut ecirctre comme une
pltlIIii~le eacutetreinte ct je Irissonnni dun frisson inconshy
IIU Dans lcs mains puissantes qui pressaient mes
ltjoils il me semblait sentir Ioule la substance de SOli
amour descendre en moi el monvelopper dune vague
somplueuse t luurde dexlase alauguie
ldais look alalldolllleacutee lt lorsque sasseyant SUI
UII talus killl-Itcneacute lUilUiliI aupregraves de lui je sentis
avec deacutelice ma faiblcssc devant sa (oree et je rae sershylai 10111 coulrc lui
Michidc 1(~plmiddotlililil il mi-voix ~Iiehegravele Michegravele
1 (lorn 1I1i1 ruuin il ses legravevres
- VOliS OcircII~S mou ideacuteal Michegravele reprit-il vous ecirctes la beauteacute dl mes llves el lintelligence de mon espeacuteshylance Mais Iii vie lttue je dois vivre sera souvent agraveshypre cl padois douloureuse La Cause que je SCIS est
cumhat lue car bien peu la comprennent Vouloir le
honhcur (ie hnuunr-s cest accepter Iisolemeut cl Iii hardiesse des idees cosmiques a besoin de soldats coushyrageux et pcrseacuteveacuteJanls toujours precircts agrave la deacutefense tou
~ ~ 1 1 ~
LA CONQUEcircTR DE LIDEacuteAL 105
jours precircts il subir Iii conlJadietion des preacutejuges les
assauts les plus deacutecevants et surtout les incompreacutehenshy
sions les plus navrantes Quand il est question tfeacutequishylihrcr le deacutesordre colossal des socieacuteteacutes chacun a des
yeux de lynx 10111 npercevoir tontes les dilficuleacutes de lœuvre les milieux ne sont pas preacutepareacutes les hommes
sont trop insoucieux dun bonheur encore lointain quil sagit de conqueacuterlr et les objections abondent
Cest justement parce que linertie est graude quil
nous faut plus deacutenelgie pour commencer ladmirable
tacircche ct aussi toulc ma viegt VOliS compr-euez Mishy
chegravele tou te ma vie est deacutevoueacutee lt1 cette Cause et ma vie est seacuterieuse ct seacutevegravere
Je veux que vous ayez bien compris Iii glaviteacute de
cette existence mon il mie avant de me permettre de
vous dire tout cc (lui de moi deacutesire senvoler vers VOliS
avant de vous dire que mon lime est pleine de vous
el que mon W~III bal biea tort dans ma poitrine ce
soir en vous parlant de vous sentir si pregraves de moi
si confiante si honne jIon unique recircve est eu vous
mon espoir sacreacute chclcheacute depuis des anneacutees cet in fi ni de feacuteliciteacute cet apaisllment de taut ltle peines ma
lumiegravere mon bonheur mon amour tout ce (UC je suis et tout ce que jespegravere tout est Vous
leacuteprouvais un bien-ecirctre deacutelicieux une eacutemoliou de
douceur (ode Une pleacutenitudlaquo de joie immense tandis que
sa voix enveloppante me parlait ainsi et de tout ce
que jentendais ct de tout ce que je voyais du ciel illumineacute de la mel argenteacutee par la 11Inl toute 10nshy
de qui moulait dans le zenith lcalalllt el maistnenshysv Ieclosion de 11I111I egravelr e stnrichissilil eacutemelveifleacutee de leacuteclosion paleille fie celui que jaime
l ------shy
~-t f~t
~~~~~~~ ~ ~ ~J~
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL106
- Reacutepondez-moi Michegravele leprit-il avec une allenshy
te freacutemissante
MOIl visage heureux seacutetait appuyeacute sm sa large eacutepaule et je ne pus lui dire quune phrase mais je
la lui dis du fond de lacircme - Je vous appar liens toute en liegravere
Un eclair de bonheur parlurna son regard et dans un eacutelan subit il se mil debout devant moi puis il
se pencha doucement et mc baisa sur le Ironl
Et nous nous regardagravernes sans plononcer une parole Ce fut Jean-Reneacute lui rompit le silence A voix basshy
se presque timidement il me dit laquo Ma cheacuterie je
taime Jt El moi comme un eacutecho jai reacutepondu laquo Je
taimbull raquo
A ce moment la nuit triomphait
La lune au dessus des flots laissait tomber une
gnmde lueur qui faisait SlI la mel une infiniteacute
leacutetoiles se balanccedilant agrave lhorizon multiples Itlellugraveshytres dans un sentier (largent tout caresseacute deacutecume
_ Comme celte Duit esl grande murmura Jean-Reneacute
comme celle nuit est belle et glolIcirceuse
Et YOUS ma cheacuterie vous ecirctes plus feacuteerique que jashy
mais sous ce ciel fleuri deacutetoiles ct dans vos yeux
bleus si infinis je vois encore un ciel aussi profond
a1l8si pur aussi radieux que lautre _ Jean-Reneacute lean-Reneacute 1
Et en lappelanl ainsi toul mon ecirctre seacutelanccedilait vers
lui Lorsque nous avons rejoint nos hocirctes il ma quitteacute
le bras et nous 1I0tlS sommes dun commun accord
tacite lIU peu daigneacutes lun de lautre
= LA CO~QUFTR ilE rmRA L 107
Ceci le fit sourire de son sourire si jeune cl charshymant SOIIS la graviteacute habituelle de sa physionomie
- Oh 1 une eacutetoile filante criait le petit Guy
Une graade fuseacutee de joie venait eu effet de sillonner
le ciel du nord au sud apportant un eacutellange mouveshyment dans lapparente immobiliteacute de lordre ceacuteleste
Et Jean-Rene (fui avait rejoint Mme Torguegraves lui pli shy
lait des mondes stellaires
- Le livre des Etoiles disait-il La lahle des grands
secrets La route hieacuteroglyphique imuuuhle qui pour
ceux qui savent en deacutechiffrer les figures mouvantes
ouvre l-s portes Ile la connaissance les arcanes de lharmonie
20 J uillet
Chaque heure tailleacutee dnns notre bonheur 1I0US (nshy
traicircne plus avant vers la communion infinie de lamour
et de la pensee el notre tendresse augmente irreacutesisshytihle comme le flux puissant avance agrave la mareacutee monshy
tante sans que rien ne puisse le retarder
Assis sur le vieux dulmen aupregraves de la source qui
chante nous avons hier passeacute un momen t exquis cashy
cheacutes par le rideau des feuilles tremhlautes du saule ishysoleacutes de tous isoleacutes (UII dans lautre
Nons~eacutetions tregraves eacutemus de ce tegravete- agrave-tegravete facile et charshymanl A voix basse Jean- Heneacute prononccedila - Maintenant donnez-moi votre regard longuement
Nos yeux se conlondiu-ut el 1111 charme Iascinateur- intensement fluidique 1I0US unit llin agrave lliure
- Comme notre agravellle rayonne dis-je doucement
~~
108 LA
Alors lui se pencha et nos legravevres se sont unies
Avant de quitter notre retraite Jean-Reneacute cueillit brin de genecirct dal pousseacute seul parmi les nissantes des vieux saules
- Mon Elue ma Fianceacutee dit-il Irant la fleur embaumeacutee
Et comme serreacutee dans ses sur sa luge eacutepaule il con tinua avec
- Vous me permettez de vous
- jen suis tregraves fiegravere et jen suis reacutepondu
- Une vieille leacutegende galloise negravet parle bonheur aux fianceacutes agrave cause
de soleil couleur de lessence et de la vie et agrave cause aussi de son parfum doranger fleur de la marieacutee Nc que ce porte-bosheur soit venu
gage de promesse agrave cette heure divine fianccedilons
Sa voix eacutemouvante faisait trembler
- Vous ecirctes lideacuteal de mon ideacuteal ecirctes la vic de ma vie vous ecirctes mon Tout et je suis li toi ajoutai-je en serrant tegravete cheacuterie en tre mes mains je suis agrave jours eacuteternellemen t sans
- Oui reacutepeacuteta mon ami tu as nous sommes lun agrave lautre depuis jours eacuteternellemen l sa us limites
109
J ~~J ~pri-1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
--
Notre amour est noble et grandiose et profond Qui peut dire quand ila commenceacute
Alors allant vers le Bois des Lys nous regardacircmes ail loin le ciel breton pacircle et deacutelient le jardin en fleurs il lentreacutee du bois qui semblait 1Ir deacutecor de recircve sous les vapeurs mauves et lOses du prochain creacutepuscule
Puis nous nous regarducircmes longtemps jusquau fond de lacircme Et nous nous sommes embrasseacutes silencieushysement comme poII sceller notre promesse nos fianshyccedilailles notre han hem dans un silence lcm pli dUne eloquence vibrante et dun eacutechange eacutemu et sacreacute
Lui sembla descendre et se recueillir dans les proshyfondeurs de son egravetre el comme sil revenait de quelshyque contreacutee lointaine lentement gravement il ma dit
- Savez -vous Michegravele pourquoi nous avons eacuteteacute
attires avec tant de forccet de certitude vers le lieu
de notre rencontre Saveuroz-VOUS pourquoi degraves le plC-middot mier jour tout cc que nous sommes sest combineacute illumineacute magnifieacute lun dans lautre savez-vous pOlllshyquoi notre premier regard a eacuteteacute extasieacute pourquoi no tre premier contact a eacuteteacute comme un repos POlIlqIlO degraves 10 rs notre penseacutee na plus cesseacute de nous unir ct pourquoi des mondes se sont eacuteveilleacutes en nous comme des musiques de lumiegravere ct savez-vans pourquoi vous
mavez vous vu dans un de vos recircves en 1111 soir ougrave votre lime parlait
Cest Michegravele que Ics helles leacutegendes sont vraies que tout senchaicircne et recommence que dc tels que nous sont venus et revenus deacutejagrave sur celle terre cest
-
CONQUEcircTE DE LTDRAT
passionneacutement eumlperdumen t
un branches beacuteshy
lentemeat en mofshy
bras jappuyais ma tecircte douceur
appeler ainsi
si heureuse ai-je
raconte que le ge de sa couleur
la germination de pareil agrave la fleur
pensez-vous pas fleurir ici comme un
01 nous nous
mon agraveme
Jean-Reneacute vous en fout
agrave mon tour sa toi pour toushy
limites bull agrave jamais
raison ma Michegravele toujours et il Loushy
pou l jaurais
--l
-
1 ------
LA CONQUEgraveTE DE LIDEacuteAL110
lue nous nous sommes reconnus parce que nous nous
sommes retrouveacutes
Viens ma Bien-Aimeacutee ma Toute-Belle ma TouteshyRadieuse viens te souvenir
Viens revivre les anciens bonheurs plus somptueux
plus mCICill~ux llus magnifiques parce que toute lexplirience et toute la science et toute la joie de nos arnes seacuteculaires S~ cnndcnscnl maintenant pour reacutealiser toujours pllIS toujours mieux uulre ideacuteal notre ideacutee
notre dualiteacute
_ Oui llpoudis-je comme eacuteveilleacutee par ces paroles
en des temps anliqlles je sens tout cela depuis toushy
jours Mais ce que mes recircveries apportaient en moi agrave
certaines heures intenses de splendides contempl bullbull tions
ceHe sorte dextase certaine en laquelle rien naurait pu enlever ma foi eacutechappait padois fugitive il ma
penseacutee consciente et maintenant je sais quavec VOliS
je trouverai les chemins qui reacutevegravelent qui affirment la reacutealiteacute des veacuteriteacutes que connaicirct nol1p ecirctre inconshy
scient el dont nuhe esprit nentrevoit trop souvent que
de Iaihles lueurs je sais quavec VOliS je trouverai les chemins mysteacuterieu x qui peacutenegravetrcn t un pell da ns cel te
complexiteacute eacutetonnante et occulte quest la vie
Dans la vision radieuse ougrave je vous ai reconnu pour la premiegravele fois Jenn-Rcneacute VOliS avez deacutejagrave fait vibrer (1) mon cœur les libres du souvenir et celles du travail
magnifique actuel et celles dun g(and espoir
Vous mavez appeleacutee il vous comme vous venez de le faire encore et vous mavez deacutejagrave padeacute des belles choses quIl y a de pal le monde agrave accornplir ensem ble des recircves agrave reacutealiser des reacutecoltes agrave moissonner
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL III
des conquecirctes agrave poursuivre des espoirs agrave faire renaicircshytre des victoires agrave remporter des destins agrave magnifier
Et votre voix inoubliable a reacuteveilleacute en moi tout IIn passeacute lointain endormi dans mon egravelre
- Ma bien-aimeacutee leprit-il avec une eacutemotion heureuse je veux vous dire aujourdhui qlle moi aussi avant dnvoir le bonheur de vous rencontrer ici je VOliS ai vile souvent je vous ai padeacute souvent et qlle degraves
mon premier reg-ard en vous approchant SUI la plac creacutepusculaire devant ce coucher de soleil feacuteerique jai reconnu celle que jairnc Celle (lue jai toujours aimeacutee
Degraves ce sail lagrave jaurais voulu pOSC1 mes legravevres sur vos cheveux el vous dire simplement
- Tu es il moi comme je suis agrave toi te souviensshytu comme je me souviens
le VOliS avais d(~jagrave si souvent admireacutee et peacuteneacutetreacutee et comprise
Et depuis des mois jP vous cherchais tellement
Si souvent je vous ai vue toute semblable agrave ce que vous ecirctes en ce moment avec vos g~ands yeux hleus
pensifs pareils agrave limmensiteacute avec vos cheveux (101
releveacutes sur la nuque avec vos mains fines et votre bouche joyeuse
Si souvent je vous ai contempleacutee je vous ai admireacutee assise SUI un large sopha chargeacute degt coussins eacutepais dans une chambre toute rose dune eacuterugravece 1111 peu olishyentale avec son lit mauresque tregraves bas ses vases lII
terre ses crucheltes ct son brucircle-parfum de cuivre cishyseleacute ses etoffes roses et 01 de soie algerienne ses kashykeacutemonos japonais et tout le confort de ses grands
Il
tAJi ~ --~ ~4 J-t 14 1 t l 1 f J J 1 1 1 il iuml==f F1 -1 1
LA CONQUFTR DR LInRAL112
Iaulcuils de son vaste hurcau de ses souples tapis de
sa haule lampe iudicnue el toute latmosphegravere chaude
ct Illll( dIlne piegravece ougrave hm aime il vivre il penser
il 1((1
Ma surprislaquo S(illllI(illaii plo~I(s~iv(mclit c(lle
de~eliplioll si plOllllallllllplil (adc el lIillarlllable de ma
chamhre de jeune tille
Il lul sur mon yisa3c ccl (mcrveillemenl et continua
en som-innI
-le lit suis pas lili SOITi(I ma cheacuterie El je ne
lais pas de mirerles Quand YOllS aurez lin pell lravailleacute
avec moi la science psychiille tladitiollnelle VUliS
comprendrez 1legraves litt~ilcmell lcpliealion de cc qui peu maintenant YOliS palailrc mvslcrivux el qui vous
parait ainsi un iqucuu-ul pa rrc qll( VOliS i~nollz eucnshy
n les raisons sciculiflqucs les ra uscs dies tfrels nashy
turels de pheacutenomegravenes semhlahles
LOISqllOIl peul etudier (I)lIlplelldll~ analyser ex 1)shy
ruucn lrr lIplod IIi 11 il volon l lII un mot lursqunn
arrivlaquo il (xpliqll(1 scieilliliqlltnltill CP qui (si appeshy
leacute le laquo Slllll3tlllcl raquo 011 sil)tr~oil IllIe rien ues surgt
naturel (lIe le muaclaquo tI 1( hasard nexistent pas el
(l(~ la nature contenunt tout rieu ne peut eacutetre en
delierraquo delle _ Al()s dites-moi queslionunije l regraves interessee 101sshy
11t~ vous dl~s venu il l(I-~ollhd saviez-volis aussi qlle jy (Iais my aviez-vous vue
lai senti qll( je devais vr-nir ici cl(Z 1lnll 101shy
gllis POlU une raison plofonde mais je neacutet ais pas
assez conscient pOlll me lClIdle comple de cc qlle poushyvail rtre ceUe ltiSOll Cependalll c~lle inluition elait
LA CONQUEcircTR DR rIDRAL 113
si intense 1IH cIsi pour lui oheacute i r qll( jil quitte cel
eacutel ma III e a(~e lalIIII il passe lamilialrment cihllhillld~ lous les ans rr(s vacances
rou~ ne pouviez dOliC pas Ille voir il distance dans llI-)ldl(~1 couuu e OIlS mavez VIII dans ma cha rulm- il la ris
- i01l 011 du moins bcall(ollfl plus dilricilernenl
Cc qui Ia il Ille je VOliS i si souvent r(lald dans voshyIll jolie chambre lost c(sl qlle cet te piegraveclaquo est toute
spccialemen l (IIi(r dt vos fllOfllts forces cl qlle
celte au risn lio n lsi (OIllIU( Ill ldlt~cf(lIr Ill phare
une aid( pour Il seusil it IllIi chere ho ~ oil il distance
lnunsatton c(1 la mdiegraverr nerveuse matiJc plus
rilleacutefieacutee JIH la mlIiiI( plnsilllc qui ltlcllilppanl de
IlnlIS impregravegne lallllOsplllll d(lrllI( 11
Iormunt 1I11e amhinuce 11I11IillllS( plus 01
rahle visihle pour le vovaut cIsl-il-dilI
qui pl~1l1 voir dans ce dtgl~ plus rmfil (le Je dis alors
dl 101(es
moins dushy
pour celui
la matiegravere
Chaque 111 lII rt lsi 1111 vruan a leur lit forshylls
Plus 011 moins puissant rpolldil-iI plus 011 moins
deacuteveloppeacute Nous a vons lous (11110111 dl 1I01lS 1111 eutoushy
rage lin en velnppeman] fluidiqll( d ces fOlrts Ille
nous eacutemanons ((st re qui cuu s li lue Iuurn La coushy
leur la forme les eaparilts de laurn S01l1 multiples
ri immense est ItIldlll dlt (~(~llt~ slilrH des auras si lIeacuteg-lieacute~ si ill(~olllei uo lre liPOIIl
-- Que je str1i bCIlIrll~(~ qlland VOliS (10I1IItZ 1111(1shyprenlre tous crs mOllths d(ludlS pl de ~ilgISSr meacuteshyeriai-je
-------~----------------~
114 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
~
Puis je lai lluestionn( encore
_ AIOI~ lorsque d ans tonte la Bible on peut seacutetonshyner de voir ces hommes de Inie les palriarches les
pl()phi~le~ choisir en 111I moment la comparll~ de
leur vie nest-ce pas justement luce que rwchiqlleshyment ils se reconnaissaient lun lautre immeacutediatement
eacutetant assez lvol lieacutes usez conscients POIII agir ainsi
_ La Bibl comme les Veacutedas comme lAvesta comshy
me tant daulres livres sacreacutes renfr-rm des prolonshy
deurs sublimes malgreacute les traduefions insatisfaisantes
malgll hien des passa~es mutileacutes prrlills ou translorshy
meacutes et votre penseacutee est juste ma r-herre
_ Je suis si heureuse ai-je poursuivi clIe VOliS
connaissiez ma chambre car je ne sais pourquoi p~r une sode de pudeur jl nai iamais voulu y laisser enshytrer que de lregraves rares amies Elle est bien mon cadre
le plus intime et il me semble que de lavoir ainsi
peacuteneacutetreacutee cest un peu plus rie moi -mecircme qne vous
avez pris JI
laquo Il Y il plus de secrets dans le ciel et sur III terre Horashy
tio quils nen ont trouveacutesdllnl toutes leurs philosophies JI
dans laLI soir je suis entreacutee comme dhabitude honnechambre de ~rand pegravere rOll lui souhatter une lui etnuit En membrassant il me releva la tecircte vers
me regarda jUSCJUllll fond des YfIlX_
Je le sentais vibrant et tregraves lmil _ Sais-tu 10011 entant dit-il simplemlnt drpuis comshy
bien de jours lu connais M Formant
J - J J LA CONQUEcircTH DE LIDEacuteAL 115
1 l lOU gis palce lJ ue jaurais vou111 pouvoir garder plus longtemps pour moi seule notre grand secret
- Tn ne veux doue plus me consideacuterer comme ton vieil ami reprit-il
- (rand-pegravere cheacuteri meacutecriai-je lu sais bien que tu
seras le premier agrave qui je parlerai de mon bonheur Mais pourquoi me Ir demander si icircle
- Comprends ma petite fille qlle je ne deacutesire aushy
cnne confldence de Cl que lu veux ~-arder comme lin
treacutesor cacheacute tout ail fond de ton cœur Seulement ne
suis-]e pas lagrave encore et respnnsable de la jeune exisshytence nest-ce point faire mon devoir qlle de guider
les pas
- Til as raison ai-je murmureacute alors et si ton affecshy
tion pOli l la petite Michegravele ta fait deviner la veacutelIcirc leacute
pourquoi le la cacherais je J Et puis je suis heureuse ~rand pegravere je suis deacuteshy
licieusernent heureuse de pouvoir enfin te parler de
Lui
Ah tu me demandes depuis combien de jours je le conaais
Grand pegravere gland pegravere jl ne puis le dire je nen
sais plus rien mais c( qlll je sais ce que tout mun ecirctre eacutepanoui alliumlrllH PI proclame av(r alleacutenssl cest qlll deshypuis crs quelques jours jai veacutecu rlt-s mondes cest quenshy
tin jc Ill suis nl(~ qlll depuis nohc rcnconlre je Ile vis
je ne sens jl lit comprends jl nexiste que depuis quII est ici
Voilagrave coulinua ~rand pegravere soucieux ce que je pensais Mais je Ile croyais pas que tu le serais ainshy
~If f =1 If If H H H ~ H ~ -1 ~ ~~t
LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL -1116
li laisseacutee aller si vite comme une enfant
Je linterrompis
- Que dis-tll Comment toi tu ne l)[lImiddottag~s pas
ma joie
Sa voix tremblait lin peu lorsquil rem-it
- ~Ia Michegravelc mon treacutesor Pour Ion bonheur je donshy
nerais volontiers tout cc qlle je suis et jespegravere avec
une force dont on pourrnit lmire un vieux cœur cornshyme le mien incapable qlle lu as trouveacute le bonheur de ta vie Ton avenir mais ma cheacuterie ton avenir cest
ma penseacutee cest Illon espoir cest aussi mon lourment Si lu me vois troubleacute il un moment OlJ tu tattends de
ma part il une joie deacutebordante cest que je crains enshy
core que trop tocirct tu aies loi en lin espoir qui mest
cher mais qlle jaurais voulu llus certain avant quil
ne grandisse ainsi en toi
Jai si pelll lOUI ma Michegravele (ie la moindre souffranshy
ce de la molndre deacutesillusion Rent Formant me Tait
leffet je le lavoue dlin ecirctre exceptionnel par le cœur
comme par lintelligence el jai pour lui une immense
sympathie
Comment apregraves ces mots ne las linterrompre
-- Laisse moi tembrasser tregraves 1011 grand pegravere pour
cette parole
- Mais cheumlrie tu comprendrus facilement que jai
mille renseignements agrave prendre sur co jeune homme
sur sa famille SUI sa vie sur sa situation el quil seshy
rail peu sage a toi de lui faire aucuue promesse avant
de connaicirctre davantage les pnssibiliteacutes dlin projet vous
concernant tous deux
LA cONQuin DE LlDEacuteAL 1I7
Celte ideacutee de laquo prendre des renseignelllents J) sur JeanmiddotReneacute me fit eclater de rire
Cependllnl une lnruu deacutelllOtion (pli roulait sur la belle harhe blanche 11I( lendil aussiugravel moumiddotseacuteieux
- Ne spis pas inquiet mon cher grand pegravere ta petite Michegravele est sIcircrre duvoir trouveacute son bonheur et elle est
tranquille deacutesormais dans un chemin si noblement beau
ii eacutetincelant de lumiegraveres pures et diamantines (IUC
rien de deacutecevant ou damer ne pourra ly surprendre
Ali conlraire je monterai maintenanl de beauleacute en beauteacute velslIdeacuteal qui ne le voilera plus
- Je veux que lu dises vrai reprit-il glavemenl Seulement je dois le rappeleraquo que la vie est seacuterieuse
que tu es tregraves jeune et que si rnalgeacute tes dix-huit ans
je te laisse aussi libre dans tes allures aussi lespollsahfe
de ton deslin cest laquoIle je llois profondeacutement en le
jug~me[Jl saie el sain de ton Ame et de ton inlelljtncf~
~e me donne donc pas de regrets pas de l(morlls
plus tard de tavoir eacutelevtie pal celte meacutethole que jai
ClU bonne en te preacuteparant tregraves lot il la lihelleacute cons shycienle eu te formant tregraves tocirct un cœur Je femme
Leacutemolion du bon visage hienveilJalll milvait gaglHt~
- Oh oui je sais tout ce laquone je te dois glalll pegravere cheacuteri et ma lecoullilissallce aUeudrit veul pour Il~ lCshy
mercier de Iaut de vrnio tendresse devenir 10UjOUlS plus
digne de la confiance rare si encourageante si preacutecishyeuse que lu as mise en moi
~ ~ ~ ~ ~)
LA CONQuecircTE DR LtDeacute~L ll~118 LA COllQUEcircTIl DR LIDEAL
- Ne me tais pas plus de mal Oh pourquoi es-tu venue ici cet eacuteteacute r Pourquoi esmiddot tu venue
21 Juillet
Jai provoqueacute ce matin la conversation tlue je senshyJe lentraicircnai sur Il canapeacute oit je lattirni Ioule PlOshylais neacutecessaire entre Edrnee et moi
che _ Laisse moi Michegravelt seacutecria -l-elle brnsluemenl sishy
tocirct tlue jentrai dans sa chambre CIl se levant du fall shy -- Til as tort de regret ter ma preacutesence cheacuterie Qui teuil ougrave elle eacutetait assise laisse-moi Jai besoin decirctre peut dire que si je neacutetais pas 11 J~all-Itcllt~ et moi Ile
nous serions pas rencontreacutes un jour et que plus dt soulshyseule 1 Irances encore auraient pu samonceler CI~ SOllt les _ Non reacutepondis-je en la serrant dans mes bras non atfiniteacutes qui (ont les attractions el lorsque deux destins je ne te laisserai pas Je sais ton chagrin je pleure tendenllun vers lautre tout leur est lin chemin pOUlde tes larmes el jai le droit de venir pregraves de toi te se retrouverconsoler tentourer te bercer dans ma tendresse Ne
suis-je donc plus ton amie - Non Michegravele interrompit Edmeacutee je Ile crois pas
-Tu as pu remarquer pourtant Michegravele reprit-elle cela Avant de te connaicirctre il eacutetnit heureux deacutejagrave de nous
avec amerlume que je vous laisse suffisamment lun agrave venir voir agrave Kel-NouH el ce Il~tail pas pour loi puisshyquil tignoraitlauhe lean-Heneacute et toi sous diffeacuterents preacutetextes que
mon cœur sait bien trouver Et maintenant jai beshy Mais t es passeacutee aupregraves de nous el la beauteacute la eacuteshy
soin de me recueillir et toi lu naurais pas de pitieacute Bloui f tu es passeacutee aupregraves de moi illI moment ougrave poushy
_ Oui rai va la tendre bailleacute mais jai VII 1Iussi que
vait naicirctre mon honhem- et jaul ais dugrave It~ preacutevoir cl
lorsque je vieas agrave toi d que lu me repousses avec un cela nest pas -je la [aute el jf l( len veux pas llIais
ail larouche lu ten us plm loin toute seule pleurer la ton eacutehlouissanlaquo jCllntssc a lail pagravelir il Ctlll dt loi la
pacircle Edmeacutel el luij] na plus apcrccedilu qUl le illag-e ciesolitude lumiegravere el de Icerio Ille tu laisses pal dellitIe toi
Laisse moi meacutelanger Illon atteclion qui comprend agrave ta Mainlenant mou co-ur lt 1111 momie iumlermc la Ileur
douleur cluelle po11 qulaquo jose encore croire que notrl de mon arne est lIeacutetlie
amitieacute si pure si fidegravele ne seffeuillera pas bientocirct cornshyDe grosses larmes roulaient des eux candides desme une lose faneacutee
puvts vellx qlle jelllhlassltlis Elit palIilil Ugrave voix IrugravesChegravere petite Edmeacutee deacutechireacutee et souffruute je veux basse el llit ajouta SIII 11 1011 dur d agraveJlll lII rhtlTlliInt
te laire du hien je peux le taire du bien ne me reponsshy agrave se deacuterober se pas je teD prie 1raquo
- Je tassure laisse moi le taime lu le sai d jeElle alors toute taihle et leacutegegravere fiappuya sur mon taimerai toujours tHais je lit peux pas te pmler en
eacutepaule ct uuglota doucement 1
IRRR R R R R R~ 120 LA CONQUEcircTE DB t1DEacuteU
ce moment Laisse moi Je veux ecirctre seule Si tu as pour moi quelque pitieacute Ile me parle plus 1
- Au contraire parlons Lit parole peut ecirctre un baushyme elle peut elle doit nd ra icircchir nparer reacuteunir oushyvrir les portes closes
Laisse entre nousIa parole laire de la lumiegravere ne descends pas dans la douleur farouchement instinctive comme dans une prison teacuteneacutebreuse
Cest dans lIntelligence ltlue nous devons vivre Comshyprendre cest triompher et SOli venl la souffrance serail moins amegravere si nous ne voulions pa~ laisser notre desshytin ecirctre an ecircte egravetre tenue par elle Aussi je ne te quitshy
terai pas Il faut que tu voies les choses telles quelles sont non agrave travers le brouillard illusoire de linexpeacuterishy
ence et du desir
Ecoute ma cheacuterie tu dis ltlue Jean-Reneacute eacutetait heushyreux avant de me connaicirctre de venir le retrouver mais pensesmiddot tu que souvent el souvent deacutejagrave son agraveme de poegraveshyte a dIIcirc seacutemerveiller ltles rencontres virginales qui ont
traverseacute Son chemin 1
Crots tu quad miration eacutechange affiniteacute tranquille
est comparable agrave linteacutegral amour
Il est venu vers toi mais pour combien de temps
Ah 1 la vie est plus complexe plus plastique plus oceacuteshyanienne (lue IIOS Iaihles eœurs 11 serait si beau desshy sayer chaque jour de nous rendre plus vasles et plus vasles encore pur ecirctre moins indignes dlaquo ses doas (
1 somptueux 1 1
La douleur dont tu souffres mon amie Ile sera pas 1
si tu le veux la tristesse lourde qui eacutepuise qui aneacuteshy bull
f- ~~ ~ ~ ~ ~ LA CONQuecircTB DR UgraveD~U li1
antit mais la douleur leacutegegravere qui sans deacutechiremeat sans rupture par II seule transformation de neas mecircshy
mes agrandit tout el preacutepare dei bonheurs futurs
Aucune ucircpreteacute nest en elle puisquelle nest uniqueshyment formeacutee (lue de notre reacutesistance injuste au bien reacuteneacuteral el que dans ce bien DOUS devoas ecirctre compris
Non Edmeacutee IID peu plus deacuteclat lin pen plus de 101shyce un p~u plus de recircve ce nest pas cela qui peut deacute sunir les agravemes unies cal chaque ecirctre a sa direction el tend vers un ecirctre Cest lont UD ensemble de qualiteacutes qui sont attendues et neacutecessaires pour le repos et lIl
lumination du destin et comment deux nalures disshysemblables pourraient-elles sa tistaire le mecircme problegraveme
Edmeacutee si tu eacutetais conscien te si tu savais choisir tu ne laurais pa~ choisi r puisquil est mien PI j suis agrave lui puisque nous eveillons lun OIIlS lautre de hauteur eD hauteur lindicible flamme du sanctuaire puisque 110US sommes un monde nouveau et UR monde ancien un monde eacuteternel
Acirc moins que - mais il faut pour cela aussi un cœur
qui sache souffrir pour la plus haute ideacutee un cœur qui sache trouver la joie dans limmeasiteacute de SIl propre reacuteso-shylution dans le deacutevouement dans lacceptation des deshygreacutes naturels qui nieacuternrchisent toutes choses - agrave moins que tu DC sois de celles dont la 100ce est daimer et qui se donnent salis rien attendre salis rien espeacuterer
Cettegrave femme Iii est heureuse de voir le bonheur de celui quelle aime sans en ecirctre le centre elle se reacuteshyjouit de participer agrave sa vie lans en ecirctre leacutetoile elle st satisfaite de recevoir sa penseacutee et no son amour elle
~ ~ ra r-
122 LA CONQUiTE DE rrn~AL
sait que sur la terre entiegravere il ny a pas lin homme si ce aest lui
El plutocirc qlle Je cherche il amoindrir son ideacuteal elle preacutefegravere renoncer aux banales salisfuctious dune union
saas rayons el slins aureacuteole Elle LII vu de loin elle La compris non pas avec ses possibiliteacutes actuelles el capables dl lui reacutepondre mais avec ses possibiliteacutes fushytures et la vision confuse de la splendeur heacuteroiumlque quII
est en tics sphegraveres encore inaccessibles
Edmeacutee minterrompit et seacutecria
- Tu parles de sur humains 1 Quelle vie que celle
dune Iemme qui contemplerait tous les jours son bonshy
heur perdu Quoi nne femme donnerait toul et sn eacutechange elle ne recevrait quune pari de lecirctre quelle
aime et quelle pa rt
Jai reacutepondu encore mais je savais bien celle fois que cela eacutetait inutile
- Pourquoi toujours j ugel (la pregraves un princi pc faux
parce quabsolu leacutechelle infinie des ldations et des correacutelation
Pourquoi exiger coarne un droit pour ce vide que couvrent leacuteg-oiumlsme et Iorgueil ce que peut-ecirctre la uashy
turc la reacutealiteacute la vie ne peut nous accorder comme
un fait t
Mais ce n f~sl pa pOlll loi cheacuterie (lue jai deacutevelopshy
peacute celle alternative el III me connais assez pOUl savoir que le seul souci de ne pas truhir lideacutee ma euh-aicircneacutee
jusque lagrave
POlir toi je le sais je le sens Inn destin nest pas fermeacute tu nes pas faite pOUl egravetre une renonciatrice
~ bull ~ --- ~~~-- - ~r~~
LA CONQUEcircTE DE LIDRAL 1~3
damour el dans ce moment mecircme je vois au loin quelquun dont tu saurais bercer les enthousiasmes fiegraveshyvreux dont ln saurais apaiser les soifs ardentes el que laltractinn (fui mesure laffiniteacute amegravenera sans doushyte tocirct ou ta ld au devant de tes recircves reacuteveilleacutes
22 J uillet 1
Jean-Reneacute heureux et grav ma donneacute tout 1 lheure cette lettre quil venait de reeevoir
laquo Hon Fregravere
Quoiqne VOlIS ne nous layez pas eacutecrit nous savons combien votre yoyage au h0111 de lOceacutean vous apporte comme le vent du large un flol dexpansion et r1~ )i~
sur la route du bonheur
Nous avons beaucoup daffiniteacute pour la pure aUrl blanche que nous sentientons pregraves de vous et qui vous donne le repos
Soyez deacutechargeacute en Cl moment de lous les soucis et
le responsabiliteacutes de votre rocircle qui sera rempli sous notre direction par vos aides habituels afin que vous preniez dans ces moments radieux de la Reucoutre tout
ce que vous ecirctes capable dy prendre en force et en joie afin quaussi VOliS puissiez donner bull celle (lui
desormais attend tout de YOUS linteacutegraliteacute dont elle a faim et soif lOUI leacutepanouissement de son ecirctre Jean-Reneacute Vous aimant comme je vous aime nul plus que moi ne se reacutejouit de limmense joie de votre cœur 1
Je vous embrasse Fregravere et no Maitre rous ento
t Jr- J1- J=t J=-=-i J==f R J==-f J~ ~ 1 R r-1 ri ri rl rl 1U LA CONQURTE DE LIDEacuteAL
rent Reneacute J)
Intriguee el eacutemue je relus plusieurs fois ces Iilnes
Jean-Reneacute alors me dit qnil y il une demeure pour lui
sacreacutee 11I1 fOY(~I II( paix de lumiegravere el damour qui dans le chaos parisien est un refuge pour la penseacutee un abri pour le cœur cl lagraveme
- Dans celle maison ajouta-l-il jai compns ce que
pourrait ecircfre la vil dans sa reelle beauteacute Jy ai beaushy
coup appris je veacuteliegravere ses hocirctes el jai la joie dy ecirctr e
aimeacute
Son nom lOuslaquo indique ce quelle est pour ceux
qui se sentent isoleacutes dans le deacutesert du monde pal leur
penseacutee mecircme Mes maicirctres y hahitcnl d ils vivent lagrave
comme en un large phalanstegravere il plusieurs qui font
lŒuvre Cosmique ensemble La solide fraterniteacute de leur communion inteacuterieure les aide il aplanir les dilflculles
les obstacles il supporIer les iucmnpreacutehensous les
deacutecevanees parfois ruegraveme les trahisons dl~ Inules sodes
La je voudrais vous conduire Michegravele avant que
vous soyez ma lemme
La ie vous lrai coanaitre le pegravere de mon inlegravelishygence Sarama lun de mes maicirctres Lit vous applenshy
drez agrave cOlllplendJ(~ cl il admirer mes deux chers et
grands amis Relieacute qui meacutecrit comme ils ont senti el
vu psychiquune~ll la beauteacute de notre reneoulre el sa
deacutelicieuse compaglle Stella qui deviendra bientocirct votre plus reacuteelle amitieacute feacuteminine et dunt la belle eacutevolution aidera la vocirctre
Je plisse lIl general chaque j01l1 dl longues heures agrave lOasis Jy travaille de lout Illon egravetre pour notre Cause
LA CONQEcircTE DE LIDEacuteAL 125
Je vais reacutepondre toul dl suite il Reneacute ltIne desormais
nos forces rluelles seront il t~UX pOUl les aider dans leur
lourd [lacircche nest-ce pas Michegravellaquo et combien [eur
lettre qui a devanceacute celle que je voulais lem ecrire el
(flli nous montre i ltflJ( 1 point ils nous devinent nous connaissent el nous prolegravezlnl 1I0US t~sl infinimr-n t douce il lous deux r
bull Ali milieu du monde ougrave ils 0111 choisi dl rester afin(
dy travailler ils sont lit hors du monde Ils ne touchent le monde quc p01l1 le Iormrr le classilil~I leacutevoluer
i le transformer Ils Ile S01l1 las touches pill lui el eushy1 sent son contact Cc qui VOliS eacutetonnera peul-ecirctre Iicbegraveshy
le ils ne participent pas aux joies de lad actuel dans
lequel vous lrouvez encore d( si hauts moments parce
que cet al est pOUl eux diminueacute el sali pal les reflets
du deacutesordre qllil l(~oil el incorpore comme sil les
acceptait La Haie 5pililllillitp lsi leur loi leur vie il
toutes heures (II est baieneacutee d lII eacutemane Ce sont des
JJJis-i-I selon 11111 vjpillt pillOf pOUl la seule chose neacutecessaire la lransfnrmation (le lhomme pt de lecirctre
23 Juillet
Grand pegravere a leccedilu de mvsterieuses lettres de Paris
qui lont eacutepanoui le dpvilll lexcellence (les lallltux
laquo lenseignements) quelles contenaien t
1 ma regardeacute longuement doucement apregraves leur
lecture el nous eacutetions heureux de 1I0US sentir vibrer
lous deux agrave lunisson dlin espoir magnifique qui est
laube merveilleuse dl ilia jeunesse ardente le soleil couchant de ses vieilles anneacutees
~---~~
LA=t J=i J=t J-t J--f J~ Jiiumlif ~
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL126
A preacutesent il nous considere un peu comme fianceacutes
Hier Jean-Bene proposa pOIlf dcma in il ~lildame
TOI~lIegraves une proruenadc 1~1I bateau 111Ielll~ declin a cr aishy
~nallt de lrop IIIa1 sn pporter la mer
- Quel lomm are Madalll( insi1lIailmiddotjljai 10111 une
si jolie hal1lle il vnilrlaquo e l jalllais laul illll VOliS COli
duire tous il lH(~ IItS Hluvi~Ies
Edmeacutee relnsa eacutegalmcnl ~ran(l-pegravet Il a las non
plIS k pied marin el ce 1111 11Ii qui salis heacutesiter dit en
souriaul aV(C malice dl~ son bon sourire heureux
_ Eh bien MOllsillIr Formant emmenez Michegravele avec
VOU Je suis sugraver qlll~ son acircme av(nlllrluc SI lI~jollmiddot
la beaucoup dl conllaillI le charmant ilot d de voshy
~uer une heure sur les flots bleus
25 Juillet
EIIP fllt exquise cette iollllleacutee dhil~r elle (Ill rna~iue
et plciue de 1egraveve celte premiegravere liberteacute il deux cette
promenade rvthmeacutee par le baluuccment eacuteterne] des vashy
~lIes il la surface dlin infini ehanzean l
NOliS nous eacutetions assis sur la mecircme banque Ile tourshy
nant le dos ail marin hacircleacute qui tendait de temps en temps
la voile et qui ne nous gegravenait pas heuucnu] plus tllW les
cheveliues vertes 011 bleues des alg-ues IIollarlles parmi
lopale nuanceacutee des flots calmes et profonds
Oh douceur de lheure charme intense de la vnix
ltlimeacutee chantant les paroles de vic oh rkht1IsI~ des choses neuves inconnues insnu pccedilon neacutees queacuteveille en mon ecirctre eacutebloui le moindre gestl la moindre inflexion
le moindre eacutelan de Illon fianceacute
~ -1 ~~ ~ ~ ~ ~ ~
LA CONQUEcircTE DB LmftAL 127
Heure inoubliable
La granlll ilill blanche du bateau gonlleacutecplI lin zeacuteshyphyl tregraves chaud parlIlUeacute de senteurs marines 1111 Il S
eulruina silt~rHillIsl~ment jIlS(IUagrave la petic ill solitaire
pilreacute~ de gemmes dO et dr gemmes rosex les ~enegravels el les hruyegraveres
Puis tandis qlle I~ marin jet ait lancre cl seacutetendait
SIII la goregraveve nous somm(s partis ugrave la deacutecouverte ivres
de vent el despilcl seucircls deacutelicieusement seuls il h-avers III lande perdue dans lnceacutean
NOliS nous sommes arregraveleacutes agrave lornhre dun eacuteglantier
en fleurs Jcnn-Beae Cil cassa plusieurs hrauches pour
men laire lin gros bouquet blanc Il eacutetait joyeux comme
un entant davoir trouveacute ltlaAs licircle cette gelhe de fianccedilailshyles
Pins loin lin hanc des roches Ianlastiques nous eacutemershy
veilla Nous avons pli y admirer 1111lCil dt III pleacutenitude
intense dn fond dl la IIICI si riche et si (xplIumlmugrave dans
le hIXI~ de la cuuleur dans la cmnple xitlaquo inoure gt dts formes
Tnut dun coup je lus surprise dapercevoir en haut
dun ~rilnd rocher une inscription en grilS caractegraveres
Nous nous en approenagravemes le plus possible Mais
quelle main avait pu ainsi eacutecrire il cette haul cur
Depuis cornhien dt lernps CIS lr-ltres agrave demi-cflaceacutees
confiaient-elles leur secret au cilI el agrave la mer
Avec Jifficuleacute nous sommes parvenus agrave deacutechiffrer
celle phrase qui SII celte place eacutetrange dus ce deacutecor
feacuteeacuterique nous apporta comme une vague immense de mystegravere dincoauu ugrave recircve et de penseacutee
bull
t2lLA CONqU~TE DE LIQEumlu
dun trouble ex(luis ce mot ma peacuteneacutetreacutee dun enchan lemen t ladieux
- Cela ne peul pas aller si vite soullal-Je
Et il me fallut bien longtemps bien longtemps parshyIer sans encore le convaincre tout-Agrave-fait pour aboutir il III solution normale et neacutecessaire
Bien (lue celle seacuteparation me navre autant quelle le liane bien quelle mapPolte deacutejagrave une loUlde ruclancoshy
lit je ne peux pas trusquement quitter Edmeacutee et je lui consacrerai quelques jours avant daiier lehouver celui qui est toute mil vie et qui doit heacutelas partir si
tocirct maintenant Oh que je vais ecirctre isoleacutee lorsque mon acircme toujours proche seacutelancera agrave travers les plnishy es cl loin vers lhorizon pU III reumljoiudre son agraveU1~ Uais il doit eu ecirctre ainsi et puis ce temps sera court
La megravere de JeanReneacute lentre il Paris demain et y
attend SOli fils duns quelques jours pour llpartir avec lui en Belgique ougrave elle a des parents
Il est UgraveOllC naturel quil nille la rejoindre Il lui anshynoncera son bonheur dont elle doit se douter deacutejagrave pense-t-u et il la prier-a dattendre agrave Puis M Vazanne et sa petite-fille
Lorsque notre lrecircle esquif regagna le petit por-t de Ker Nouheumll le soleil en globe louge rayonnant plonshygealt deacutejagrave (Ialls loceacutean et 1111 vent ltlu soir seacutelevait
humide el Sil leacute La mel moins calme deacuteferlait 5111 les galets de la gregraveve en dessous des falaises ct des dunes et menaccedilait de sagitel insoucieuse de notre pllh intime insoucieuse de loutes choses humaines
- La fraicirccheur tombe vite nous dit le marin et ce
Dans lelaquo jnulnf-es douces Olt dans les[ours amer~ Dans les lilles (Ill dons les eSlloil~ Pregraves de toi ou tregraves loiutuinement Toute ma vie et All-rirlagrave
LA CflNQUEcircTB DB LrnEacuteAL128
Emus 1I0llS avons compris ensemble ce (Ille nous eacutetions peul ecirctre pregraves doublier crue daulres vies etaient venues Jouir Il la petitlaquo icircle deacuteserte que daullls idylles
avaient pu y ecirclre deacutelicieuses quc dautres amours ~y
eacutelnIumltil cacheacutes et y avaient deacuterouleacute les anneaux du bonshyheur el que Ct~S rochers (lui eacutetaient seacuteculaires avaient
dil entendre hien des paroles graves avaient assisteacute
de g-eacutenclation Cil ~eacuteneacuteriltion il hien des excursions semblables et jamais semblables comme toutes les choses humaines
Jean -Reneacute a copi pour 1II0i sur une page arracheacutee
de son carnet la middotphrase presqueffaceacutee Cil haut du
gland rocher De ([lwl lointain des lins 1I0US est-elle
parven ue
El nest-ce pas ce que je lui pourrais lire de toul mon
ecirctre et nest-ce pas ce ~i1 me dit lui aussi ces vieilles
paroles dun amour tendre fidegravele eacuteternel
Au retour dans la barque nous IlVODS 1tInguemenl parleacute dEdmeacutee Il ne croyait pas possihle quelle souffrit ainsi pour lui le lui ai affirmeacute quil me serail peacutenible de poursuivre aupregraves de ce cœur blesseacute nos fianccedilailles si
heureuses cette grande tecircte de 111 vie pleine ct splendide
- Eh bien quittons Ker-Mouheacutel ensemble ma Mishychegravele et rentrons loul de suite 1I0US marier agrave Paris 1 seacutecria-l-i1
Nous marier l ce mot ma profondement troubleacutee
_qCcedilsLt~_
~_~lt~~ (~~-
LA CONQuiiTE OR LIDEacuteAL130
soleil couchanl annonee nu pruchain changemenl de
Lemps En oflel lail froid ml taisait frissonner malgreacute ilia
jaC(luelle de drap 1
El lcan-ltcneacute mahlila sous la large cape qui lui cnuvruil les (pallies et qui alors nous enveloppail tOIlS
deux Oh quuvee deacutelices je me hlot lis toul contre lui
_ Nolis voici ail pori mllllIlllla-l-il el [e le remercie
de celle jOllrneacutee (lIi csl comme une halte alolnhle dans
notre chemin montant vers les so mme ls COIIIue une
parle ouverte sur la vie qne nous ferons eomllle une
fleur magnifIcircflle eacutepanollie aux hrauchcs de Iadlle
iamollr je le remercie de celte jUIlIlIle qui est lin
souvenil iuteuse preacutecieux Inoubliable 1l1 fond de mon
cœur indicihlement eacutemu
lc tentoure de Illon manteau el ucst-ce pas un
symhole Ic tcuvcloppe dans la lciul ressc de Illon acircme
comme dans lin nuage protecteur le le berce dans les
flols de mon amour comme dans une cali vivifianle le deacuteroule 11 Illuur de toi la spirale de ines recircves lenvoleacutee
de mon intelligence comme lin jarugravein ougrave lu te promegraveshy
neras somptllellSemenl voilee COlllllle 1111 temple ougrave ln
rcglleras hieraliumllillellcnl lumineuse cuuuuc lin ciel ougrave
III blilleras nu-dessus de 10111 leacuteelal des etoiles
La barque sarrecirctait lenlement el nous aperccedilIcirclmes
grand pegravere qui arrivait aU-ltevant Je nOUS avec un
chaud raantcau pOlir moi
Ainsi que Jans lIle des Brllyegraveres mon fianceacute avait
passeacute son bras sous le mien cl lorque nOUS lljoignicircmes
LA CONQlnhE DE LIDEAL m
larrivant Jcnu-Hcneacute ne sccnrta pas dl moi el il lui
dit dun lon grave
- le voudrns VOliS cruln-asscr iHIlIISil~lIr el VOliS
dire merci de llIle jOIIlIl( superbe lplllheacuteosl dl 111011
seacutejour ici qui l~l la III a rchlaquo dor dl no re V i t
Le cher vieillard ouvrit S(S Ilr]~ rl une eacutemolion noushy
velle rndleig-Ilit lIIlOIl tandis (Ie dalls lair du soir
la erbc dglailline dont il muvail Ilcurilaquo embnushy
mait
27 Juillet
Lille tempecircte terrible sest eacuteleveacutee depuis lhlX jours
Dnburd un e pluie ch anrlc il lillg-ls gllllltes quun vent
violent a repousseacutee puis lin orag-e sec IJlI tonnerre deacuteshy
chiranlle ciel chargeacute lin combat de 1I11ages Iourhi llonshy
nants et les snulegravevcmen ls farIadiles de la mer halshy
lan le lor illolldalll la dllll( se pncipilant avec
furie coutre lu falaise
Oh (ltelles Iorccs incalculahlcs dans ces eacuteleacutements deacutechaineacutes
Les vaglles suuuveacuters se co~nallt les unes sur les
autres scmhl aicut UIIl allII(~ de eacuteallts dans le dlsllrdre
dIlne lutle I1III cl la rdalt Il (ollparI ail SOIllshy
Illet llIkvail IOIlI ltlII11l1 Idaflrhl Id 1(fllolail V(IS
la ealllpag-fle CO 11III( 1111( fI(i~t f101~01lIleUs(
Et celle armeacutee devcuai l de plus Cil plus eacutelccu-iseacuteegt
diaboliqulaquo fuulastiqucment impetueuse el meacutechante
11 fut impossihllaquo de sortir IHlr II~ vent eacutepouvantable
donl Je fracas hurlant el plain lit dont la lorce menaccedilanshy
132
~~~~~ ~~1J
)A CON~U~TB DB LtOilAL
te sacharnait sur le vieux manoir tremblant malgreacute ses murs si eacutepais malgreacute ses bases si solides
De la grnndebuie de la salle i manger nous avons contempleacute Edmeacutee el moi ce spectacle extraordinaire de furie et de tourrnente
Allcune voile Slll ln mel rieu il lhorizon mais la vile ne seacutetend pas loin ct nous savons que des navires et des barques de pecircche sont lagrave-bas dans le brouillurd
Aussi malgreacute la beauteacute eacutetrange et tormidnhle de ce spectacle d~ne lulle grandiose IIf)US avons eacuteteacute utlristeacutees car lacircme de lhumaniteacute sent combicn clic est solidaire lorsquelle est pregraves dun danger ou uune catastrophe
Edmeacutee a vibreacute comme moi nous avons veacutecu ensemble les mecircmes eacutemotions les mecircmes eacutetonnements les mecircmes admiraliins pendant celle tempecircte et ainsi pal lagrave-mecircme nous avons mieux encore retrouveacute notre eacutechauge dalshy
Iection
Elle sait que Jean-Heneacute sen va CclII la rend pensive Et toujours elle demeure dans sa rOUCCUI tris le
Lui est venu plusieurs fois nous voir malgreacute lourashygan Tout agrave lheure 1I1l instant nous avons eacuteteacute seuls Il
a releveacute ma ucircgure vers lui et comme lon boit dans une soif ardente il ma embrasseacutee sur les legravevres Notre ie nolre amour satttraleut seacutechangenicut se fondaient SlIshy
nissaient Jans ce baiser Et nous songions il la seacutepnration prochaine et 1I0lS nous aimions plus encore avec un pen de Irouble et dinquieacutetude de sentir linstant fugitif
~9 Juillet
Il nous a quitteacutes ce malin Une journeacutee seulejaent
LA CONQU~T DB LIDfuL iagrave3
depuis ce deacutepart Je suis comme seacutepareacutee en deux f Toute une partie de mon ecirctre la plus haute III plus belle tend vers lui j ce qui de moi leste ici ne peut que sentir la lourdeur des heures le potds de III solitude et je repasse sans cesse en 100n cœur ce mOlceau de temps qui vient de Seacutecouler ces quinze jours ladieux en lesshyquels jai plus veacutecu que dans toute ma vie jusque-Ii et
qui viennent de finir COmme emporteacutes par lui lui que jaime dont labsence meacutetonne et deacutejagrave me lasse A lavance jenvisageais celle seacutepalalion cOmme lon pcnse
dans les songes Elle me semblait lointaine presquilshyreumlellebull Maintenant il nest plus lagrave 1
Oh agrave bien tocirct mon Jean-Reneacute je ne peux plus vivre sans toi POlIItant ta penseacutee est une preacutesence continnel_ le enveloppante et Iu es tout pregraves de moi comme je
suis aupregraves de toi par le souvenir des 11~lIres lumineushyses par leacutechange actuel et par le merveilleux espoir
Telle quune immense confiance ma entraicircneacutee vers lui tel que mon amour sest de suile donneacute telle je veux que ma volonteacute ne soit plus que la sienne
Combien il me deacutepasse Combien souvent dun grand coup daile il sait memporter par SOn cœur noble par son intelligence profonde~ vers les recircve de mes recircves Jaime sa maniegravere saine et grave denvisager de comshyprendre et de vivre la vie 1 et parfois je me sens par rapport i lui comme une enfant trop urtificielle Une parisienne trop modelne trop peu de chose trop ocshycupeacutee encore de penseacutees miegravevres
Oh 1devenir de plus en plus el indeacutefiniment plus Une femme une vraie femme royale et somptueus ra enshynant autour delle le calme de J terce 1 pureteacute lulllibull
1 CONQUUgraveTE DR LIDEacuteAL134
1neuse le charme ct le repos attirent en elle les rayons toujours nouveaux de lintelligence et de lamour les 1 magnificences de la vie et toute la leacuteeacuterie des formes
parfaites
Oh reacutealiser en moi tout ce que lideacutee de femme eacutevoshyque de tendresse de beauteacute denthonsiasme de gragravece la lemme heacuteroiumlque des temps chevaleresques la lemme splendide des siegravecles de la Gregravece la lemme inspireacutee des Orients lointains Etre du soleil vivant 1 ecirctre le reflet des cieux et des mers ecirctre limage de la nature inshynombrable de la nature eacutepanouie ecirctre un fruit une
fleur un jardin Et quil en soit le Roi 1
Plus jeacutecoute la voix inteacuterieure la plus reacutefleacutechie la plus seacuterieuse la plus reacuteelle de mon cœur etmiddot plus je sais que la conception du vrai du bien J-lu beau du naturel qui esl celle de mon fianceacute est la meilleure et
la plus juste raison de vic ct de honneur
Ne ma-t-il pas dit
_ Tout ce qui neacutelegraveve pas iumlecircuraquo le diminue li taut que lc corps physique qui est la base de tout laccord psychique et intellectuel se manifeste et se deacutetermine par des actions droites et saines qui permettent seules son deacuteveloppement continu Il faut que lintelligence se libegravere salis cesse par lamour de la veacuteriteacute il law que lagraveme sagrandisse constamment dans le service de la
veacuteriteacute et de lutiliteacute
Et pour cela ne laissons entrer en nous par la penseacutee les actes les habitudes lemploi des jours lart
le travail que des eacutemotions et des aelions naturelles ~ tontes courageuses ennoblissantes et hautes li
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 135
En causant avec Edmeacutee hier je me rendais compte de leacutetat desprit de ln plupart des jeunes filles de netre eacutepoque en geacuteneacuteral elles nont pas assez confiance dans la vie elles manquent de deacutesir de courage despoir dattente elles se reacutesignent Avant davoir oseacute elles coupent elles-mecircmes les ailes lie leur recircve de jeunesse elles reacutefregravenent tout ce qui deacutepasse le milieu mesquin ougrave elles ont veacutecu et ougrave elles acceptent consciemment de maintenir leur propre destin Elles preacutetendent trop soushyvent que lhomme est mauvais que le Iland amou~shyest impossible agrave reacutealiser el concluent quon doit se conshytenter dlin bonheur agrave peu pregraves sur un chemin moins eacuteleveacute et ne pas recircver agrave limpossible
Cest quelles ne comprennenl pas quelles ne parlent lagrave que de la seule vie quelles savent vivre la vie allifi- cielle
Artificiel le monde ougrave elles sagitent artificiels ses vains plaisirs artificielles les passionnettes auxquelles les jeunes filles se laissent prendre et artificiels les jeunes gens laquo deacuteguiseacutes en hommes JI quelles croien t dignes du nom dhommes
Oh ne SUiVIC que la route de la vie naturelle si humshyble sentier quelle soit dabord 1 Ne plus se morceler dans linutile ne plus se donner au rien et vouloir senrichir seulement de ce qui augmente de ce qui inshytellectualise vivifie eacutevolue magnifie nulre ecirctre comshyplexe si feacutecond si riche pour qui veut sincegraverement leacutepanouir
Je veux arracher complegravetement en moi les mauvaises herbes eacutetouffantes que le monde quune eacuteducation pleshymiegravere superficielle peut y laisser encore afin de faire
gt ~
- ~
gt
~
~
LA CO~QEcircTR DR IIlFAL136
ccrmer croilre ct flcurlr mngnlflqncmcnt le grnnd
allire de vic
le veux repousser tout acle qui naccroit pas snshychant que lilutile est nuisible je veux savoir rompre avec roulage les ehaicircncs cntravantcs les prrjureacutes stushypides etrechelcher avec ardeur il raide de mon ineacuteshyhrnnlable appui la vraie vocalion de mon acircme ln plus haule et sa veacuterilnblc utiliteacute cal laquo nous naissons parshyleurs dun pli cnchcleacute raquo quil faut apprendre il ouvrir
pour y lire noire mission terrestre
o Jeunes filles mes sœurs l lc voudrais vous ouvrir ume porte sur la vic heureuse du mieux de mon pouvoir le voudrais vous dire combien lorsque lon entrevoit la reacutealiteacute haute on contemple avec un regret triste le vide et lagitation infructueuse du monde ininshy
tellectualiseacute f
Je voudrais vous dire quel immense bonheur on trouve il seacutelancer hors de lexistence banale jusquau lihre horizon de la conduite unifieacutee toute entiegravere tendue vers un but conscient puis apercevant les eacutetoiles de
lumiegravere il seacutelever vers elles en poursuivant son individushy
el ideacuteal r Car si les premiers pas sont arides en quittant
les distractions mondaines ou les habitudes que lon aime et qui prennent en soi tant de place faussement remplie lorsque lon commence il gravir la belle roushytc naturelle on y reacutecolte Ics fruits rares et exquis de ln joie dl vivre sur celle loule III sinceacuteriteacute et lashy
rnour Ilr-urlsse n t
Il Iant cultiver rn soi dabord les forces que lon
rl1fl(he et qlle 1011 d(isire trouver pour son han heur car c-s fOIClS dtvriorrrrl ntlircn il elles pnr affinileacute
LA CONQUlhE DR LIDEacuteAL f37
les forces semblables il faut avoir au moins en posshysibilileacute cc que lon veut recevoir dautrui le courage si lon veut sentir le courage des autres la sinceacuteriteacute qui attire la droiture lamour qui appelle lamour
Et ainsi naturellement fncilemenl la vic de noshyblesse ardente et volontaire incarne lideacuteal vers lequel
elle tend
Ilier soir un instant Il est monteacute jusque dans ma chambre Nous sentions que lheure passait rapide et quelle allait sonner la lin de ces premiers beaux jours
O mon hien aimeacute quand lu vins aupregraves de
moi ton front eacutetait soucieux ct chargeacute de meacutelancolie
Alors jai poseacute mes deux mains sur ta pauvre tecircte lourde et puis je lai caresseacutee doucemen l c 11 Ill celle
dlin tout petit enfant Et il me semblait que tu eacutetais vraime-nt mon petit enfant et que mes mains eacutelaien t
celles dune megravere
Peu agrave pen les plis de ton front se dissipegraverent et tu me souris longuement
Puis tu me pris III main tu la portas il tes legravevres ct tu la baisas avec tant de tendresse quun grand eacutelan
parcourucirct tout mon ecirctre 1
Alors - tout dun COllp - il me sembla quagrave mon 10111 jeacutetais un tout petit enfant dans les bras de son pegravere
Et je lnissai tomber ma tecircte sur ton eacutepaule et je me mis il pleurer de douces larmes de joie
Ce matin lorsque lu partis tu eacutetais si pucircle que jaurais voulu pouvoir de suite tout quitter pour te suivre
J
138 IA OONQUl~TE OK LWtAL
Mais tu mas dit avec force - Michegravele rien mainshyteuaul nest capable de nous seacuteparer Nous sommes deux en un il tout jamais Sois heureuse sois en paix ne laisse den le troubler Bienlocirct nous troushyverons dans la preacutesence de toules les heures le repos qui apaiseacute lharmonie qui fait eacuteclore la joie qui vishyvifie leacutelan victorieux qui dans l action feacuteconde affirshyme lindividualiteacute croissante parmi les champs infinis que lamour eacutetendra comme un ciel sans limites aushytour de nous Et je fais miennes les vieilles paroles
dont leacutecho nous a berceacutes
laquo Dans les journeacutees douces ou dans les jours amers Cl Dans les luttes ou dans les espoirs c Pregraves de toi ou tregraves lointainement laquo Toute ma vie et Au-delagrave raquo
31 Juillet
Quel bonheur Une lettre de Jean-Reneacute que je
relis mille et mille fois et dont le chant damour imshymense jaillit meacutelodieusement vers moi en cascades
protectrices et irradiantes
laquo0 bien-aimeacutee bieu -aimeacutee l Soyons unis dans lushyniteacute de lamour je laime ocirc lys ocirc rose dont le parshy
fum est de jasmin
Tu es douce tu ~s vaste ta mentaliteacute est droite et lucide tu eacutevolueras eacuteternellement en rectitude 1
Librement dans la lumiegravere tu agrandiras ton ecirctre par leacuteveil de toutes les possibiliteacutes 0 grande reine aimeacutee tu teacutelegraveveras jusquagrave toi-mecircme tu te legraveveras dans vta splendeur 1
IA CONQtl1~TE DI LIDEacuteAL 139
Tes paroles reviennent vers moi une il une tes penshyseacutees sont comme des colombes blanches
Tu me reacutevegraveles leacutequilibre agrave chaque instant aucune de tes paroles de veacuteriteacute nest perdue 0 chegravere lumiegravere damour jai taut agrave apprendre par toi
Comme tu sais eacutetreindre laction comme tu sais avancer sans cesse ta perfection sera une perfection inteacutegrale la blancheur de leacutequilibre sera autour de toi
Ta robe sera verte eacutemeraude et la vitaliteacute sen eacutemanera ton manteau sera rose ocirc indiciblement patheacutetique aimeacutee Les voiles saphirs de lin telligence seront autour de ta tecircte 1Tu teatourcras du violet de la puissance lor cie lessence parsegravemera tes echarpes
Que rlen de trouble ne puisse mrnro percevoir mon limeacutee
Je veux lui ecirctre un repos de force je veux ecirctre comme la protection de sa liberteacute 1
Tu eacuteclaires de ta preacutesence tout mon ecirctre qui sans cesse tentoure et tadmire et de tendresse iaeacutepuishysable te revecirct 1
Afin que les heures soient plus leacutegegraveres bien-aimeacutee que ta penseacutee vienne vers moi comme la mienrie est vers toi
Oh 1 combien tu embellis des rayons de ton pur et merveilleux ~mour mon agraveme deuml deacutesir et despoir1
Sois beacutenie dans leacutequilibre lamour la lumiegravere et la vie 1
Profondes sont nos profondeurs les aneacutees eumlpanoushy
__________millAlwn1itl6Mtmmiddotmiddotf bull bullbullmiddotbullrn----------------shy ~
140 LA CONQU~TE DB LIDEacuteAL
LA CONQllEgraveTE DB LIOacirc-lL 141
iront sans cesse lenivrante conscience de secirctre unis
~
il jamais 1
Unissons les trois torees en ure blanche hnrrnonie Enseigne-moi la miseacutericorde puisque ton acircme exquise
fer Aoucirct
Que la journeacutee dhier ma paru longue Comme jaurais voulu meacutechapper pour aller bien vile hien vile
L~~
~ veut accomplir partout le bien agrave faire
Tu es une fraicirccheur ombrageacutee ocirc donneuse de repos lui reacutepondre Enfin mil voici libre Il IIlC semble que toul mon cœur se reacutepand vers lui el tout Illon (llIl
que la lumiegravere en toi el en moi seacutechange est en alleacutegresse parce 1]l1C bientocirct il lira mil penseacutee
Que la force en mon ecirctre seacutelegraveve la force calme el bientocirct il tiendra en ses mains cc pnpier dans leque l
apaisante qui vivifie que toute nos penseacutees se perleeshy je veux infuser ma lendresse r~ tionnent jusquagrave leacutequilibre Teacutecrire quelle chose simple el eacutetruuge cl mCIshy
Depuis ton corps jusquagrave ta mentaliteacute et dans les veilleuse Teacutecrire eacutetats decirctre plus rareacutefieacutes tu es deacuteborJante de ta
beau leacute Je taime pour la beauteacute Michegravele je tIlimc Manoil de Ker-Noueacutel 1el Aoucirct
pour la splendeur 1 je taime pour tes recircves nobles 6 h du malin
et hauts pour ton enthousiasme sacreacute 1
o passive en qui le capable dutiliser et de
Etoile qui illumine la
Cosmos se reflegravete 0 sensitive diriger les forces bienfaisantes
terre 1
~
(( Oh elle est venue la belle lettre de mon bienshy
aimeacute elle est venue Ioule lumineuse comme un rashy
yon de soleil dans ln nuit milluminer et me reacuteshy
Jaime agrave laisser fluer vers toi lessor de mon admishylante tendresse vecirclement puissant du patheacutetisme inshy
chauffer dis apporteacutee
le malin el combien de joie elle ma
dissoluble qui conlient leacutetincelle la plus divine leacuteshy Oh Jean-Reneacute toul ce que vous me dites troushy
tincelle damour 1 ve 1Ii1 eacutecho profond dans mon cœur Parfois il Ille
Lamour f Lamour 1 Toutes les symphonies eacuteclatent 1 lous les poegravemes se reacuteveillent toutes les belles leacutegendes se legravevent 1
sem hie luc vous allez eacuteveiller louis en lui des germes tout decirctre cl parfois il me semble
des gelmes lnteuts enshyprecircts il chanter la joie
qllc cc sonl mes PlO
o musique extase ivresse ocirc Ideacuteal ocirc Recircve reacuteel 1ocirc chemin infini conjonction incessante 1 bull
ples penseacutees IC III exprimes comme eacutetant les tiennes El je lclis salis cesse cl sans cesse la chegravere messagegravere IIc Ion SOIlVCIIIcircI
Je taime et comme je taime tu maimes 1 Autour de toi avec toi en toi parmi toi agrave toi 1
A Ioule heure du jour ses phrases aimeacutees chantent en moi elles parfument les heures deacutesertes de labshy
c Jean-Reneacute _ sence elles me bercent de ta tendresse puissan le comme ~ le refrain tregraves doux dune musique exquise 1
-------lI
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteALH2
~
o les belles pages lant aimeacutees si remplies de toul ~
~ (1 ce que jespeacuteru is y trouver
La heau le de Ker-Nouegrave perd son charme depuis
que je suis scull il la contempler et il ln ViVlC Seule y suis-je vrnimeu] seule Non partout ougrave je suis jc sens votre pleacutesence ougrave je recircve je SCIIS votre
tendresse ougrave je pense je sens voire force ougrave jesshypegravere cc sonl OS yeux cest votre main cest votre cher visage qi mnpparaissent cl votre amour est url oland bercement dont les vagues me soulegravevent
mculrainent de bonheur en bonheur de pleacutenitude en
pleacutenitude vers un ciel dc supecircllle beauteacute
lrois jours oul passeacute avec lcnlcur depuis que nous sonunes loin lun de lnulrc Trois jours qui pegravesent
SUI moi deacutejagrave trop lourdement
Je suis hcnucoup avec Edmeacutec agrave laquelle je verse
dc Illon mieux qullllllS torees despeacuterance Je parle
aussi apregraves le dicircner i1V c glanu pegravere dans sa cham
bre L Et lors eesl vol re nom qui eacutemaille constammcnt
noire causerie inl irue
El puis le soir aV1I1 de me coucher je reste un
instant devnut ma tenegravetre grande ouverte SI)I la mel
el je pagraverle aux eacutetoiles qui mc reacutepondent Quelques
unes delles scintillent lollcmeut quelles paraissent me ~
regardcr ou IIlC sourire Et je mimagine (lue ce sont les mecircmes ltfliC III contemples Jean-Reneacute lagrave-bas agrave
~ Paris au mecircme moment
Et quelles lc chantent mon nom comme clics me disent le tien et que ccsl 1011 regard leveacute vers elles
~ quelles font redescendre SUI moi
LA CONQUtTB DB LIDEacuteAL H3
Hier je pensais avoir ainsi agrave travers les horizons
loinlains eacutechangeacute avec loi pal ma fenecirctre ouverte pendant quelques instants Jeacutetais entreacutee dans ma chambre VCIS dix heures Lorsque jai refermeacute ma croiseacutee minui sonnait
Peudaul deux heures je lai parle deux heures qui avaient passeacute comme des minutes mas-tu entendue las-tu comprise
o Jcan-Reneacute Je suis heureuse Jc suis heureuse que tu sois aupregraves Je moi comshy
me je suis aupregraves de toi
le suis heureuse ( Oh tellement heureuse ) dc poumiddot vcir tapporter du bonheur
Je suis heureuse hculeusc heureuse palce que je laime
Je voudrais en teacutecrivant savoir exprimer linexshy
primable Mais ne savons-nous IHIS (IIIC le silence parle
Lorsque nOlIS eacutetions aupregraves llin de lautre aucun
moment neacutetait perdu car nous avions toujours tant
de choses il nous dire ct (1 uand nous ne parlions
pas la graviteacute ardente des silences neacutetait-elle pas plus
belle notre communion plus luupide cncorc ne
seacutecha~geait-elle pas et ne 1I0llS cornpreuions 1I0llS
pas mieux ct davantage quagrave laide des paroles qui limitent
Notre retour agrave Paris est fixeacute au 4 aoucirct Mm lorgues
ft juslement eacuteteacute inviteacutee avec ses enlauts agrave passer ln liri du mois agrave Cabourg chez ugravees amis El agrave son eacutetonshynemenl (cal clic ne voil rien de leacutetnl ducircrue actuel desa Hile) Edmeacutee la supplieacutee daccepter cette disshytraction
LA OONQUEcircTR D~ LIDEacuteAL 1H
A bientocirct donc ocirc mon ami A bientocirct Que cest doux deacutecrire cela que de promesses et despoirs et de joies et deacutemoIions enfermeacutes dans ce petit mot magique
Allons ensemble pal les lumineux sentiers toujours
plus haut toujours plus loin vers les sommets fleuris et radieux et ltIlle llin de nous Ile deacutepasse jamais lautre llue pOlr Ientruicircner plus avant
Voici que jai penseacute lfue lideacuteal de la femme cest darriver agrave incarner lideacuteal de celui quelle aime
Et toi tu maugmenteras toujours et ce que tu ajoutes agrave mon ecirctre et que je veux sans arrecirct reacuteashyliser de mieux en mieux cest bien aussi moi-megraveme dans ce que jai de plus haut et de plus fort moi toute eacuteveilleacutee pal ton amour toute embellie ltle ta tendresse
A bientocirct mon cheacuteri mon aimeacute mon soleil et mon roi A bientocirct triomphal ce mot sonne et reacutesonne en ondes vivantes qui palpitent et en myriades de lushy
miegravercs eacuteblouissantes jaillissent et irrudient jusquau fond de mon cœur miraculeusement
Que degraves maintenant SUl la mel de notre vie notre nef enthousiaste vogue de force en force vers le port lointain ct monte plus encore dans la monteacutee
~nlinie qui par de lheure du temps pOUl jusquagrave leacuteterniteacute
Voici quelques peacutetulcs des loses pourpres qlle tu pl eacutelegravercs et puis voici mon agraveme abandonneacutee
Toute agrave toi Michegravele
laquo Michegravele 1 Michegravele 1
i~~
~ -- Ir ~ middoti
tA CONQu~rRDE L~OAL
(Et je nai rien dit agrave cocircteacute de ce que je voudrais dire )~ ))
or Aoucirct 0 heures du soir
(Cest une lettre de Jane Kousta que je viens de recevoir enfin 1)
CI - As-tu un peu penseacute agrave moi qui ai si soushyvent eacuteteacute dans mes recircves aupregraves de toi Tu sais le sombre destin ougrave je me suis traicircneacutee jusquagrave maintenant agrave travers des palais leacutethargiques parmi les fausses lumiegraveres dun monde sceptique sans foi et sans ideacuteal lumiegraveres brillantes qui attirent et qui brucirclent sans eacuteclairer tu sais combien mon deacutesespoir crise fatale paroxysme redou table me fi t deacutevaler lacircchemen t vers les gouffres sans fond
Sais-tu maintenant la torture de mon cœur dont les lambeaux eacutepars se reacuteunissent uri agrave un et aggloshymegraverent aujourdhui en Ionae vcomplegravete toute leur
1puissance retrouveacutee toute leur passion belle et ardente vers le Seul qui devait le posseacuteder tout entier inteacutegral cc malheureux cœur deacutechiqueteacute 1
Je Igtleure et jespegravere je pleure et jaspire 1 El peut-ecirctre ces larmes-lagrave les premiegraveres lalmes dignes de respect et sans doute aussi de pitieacute que verse mon ecirctre douloureusement meurtri peut-egravelre ces lar~es me laveront-elles de tant de souillures
Je sais heacutelas que le deacutesespoir regravegne et que la souffrance et la plainte eacutemanent de tous les porcs de lunivers 1
i
c
------- ---
Hn LA CUQU~TE DE IIDEacuteAL
---------~---__-- - --- ---__----shy
Oh 1 ces vagues qui se tordent sur la gregraveve en geacutemissant et qui allaient mengloulir Oh ce vent qui pleure lamentablement dans la forecirct et dont la plainte me hanle ct meacutetouffe 1 Oh ces nuages deacuteshychireacutes par leacuteclair et dont la foudre meacutepouvante 1 Oh tous ces arbres qui se penchent et qui se reshylegravevent sous Iassuul de la tempecircte pom retomber encore pour plier pour ecirctre rompus et terrasseacutes
pal le poids de celle souffrance effroyable de la
reacutesistance vaincue Oh 1 tous ces spectres vivants du
deacutelire du malheur du crime des maleacutedictions du deacuteshysespoir de la deacutefaite du deacutesir inassouvissable r
JI lem crie agrave lous Arrecirctez 1 Je leur vcrie Arshyriegravere arriegravere enfin 1 enfin 1
Car enfin jai rencontreacute ma torce ma protection mon sauveur et ma foi
El je veux quil ne soil pas Irop tard Oh 1 par pitieacute pas trop lard Je veux croire que loul ce que jai amonceleacute de drarnes pal derriegravere moi que tout ce
que jai attireacute de deacutesordre autour de ma vie ne pourra
assombrir la lumiegravere si pure ne poulra taire obstacle agrave la Destineacutee nohle ct large qui seacutelegraveve devant ma
roule Enfin enfin
Te souviens-lu dans ma derniegravere lettre de lEloile lumineuse cl lcelle (lui avait eacuteclaireacute la hideur de mon
miseacuterable sol
Cette Etoile ceacutetait celui que tu appelas un jour IL la figure de lavenir celui dont tu me parlais malgreacute ]t
rnes fautes en le deacutesignant sous le nom beacuteni de laquo ton premier amour )l bullbullbull
LA COXQUEcircT DE LlD~Ar H7
Cheacuterie je viens dans lespeacuterance encore humble et timide de tout mon ecirctre cruinfil Je laul de bonheur je
viens le dire merci davoir compris ce quil ) avnit de meilleur en ruoi merci el plus (IUll merci de III avoir aideacutee sans ten douter peul-ecirctre (el Iau l aideacutee lal les bonnes derniegraveres lettres encore) agrave reconnailre ougrave eacutet aicnt les nais henuleacutes de la vic merci merci d rna rCConshy
naissance repenlnnte il toi qui sus garder pal 111 douce droiture Vestale sacreacutee la derniegravere eacutetincelle pUIC
qui vacillait au-dessus de moi au-dessus de ma vie de
deacutesordres eacutetincelle que tu proteacutegeas pieusern-nt pendant plusieurs annees qui sans toi se serait eacuteteinte et qui
fient splendidement de silluminer toute en aurore radieuse dans 111 rencontre de mon premier amou
Il est lagrave 1 Il est ici 1 El cest bien Lui 1
Oh je voudrais que tu le connaisses bientocirct mon amie
celui qui a pris tout mon ecirclrc celui qui seul peut
effacer le passeacute moindre celui qui peul trrcnnohlir en macceptant comme sienne dans la commuuion pro
fonde de nos limes ravies lune par lau Ire pour toujours
Je laime dun noble amour fidegravele infini et pOUl la premiegravere lois ce quil y a de plus pur en mon ecirctre sincline eacuteveilleacute charmeacute exalteacute en admiration devant
celle Intelligence complexe et merveilleuse devant ce
haut caractegravere de volonteacute et de rectitude
[larry Wannshield est un homme
Oh comme jai longtemps llreacute avaul de le conuailre 1
que la terre est un grallJ dSI tJIIil y a peu dhommes SUI lcrre l Et cruira is-f u ltJUl si ma rie jusquici avait lleacute plus droi llaquo nous 1l11lIumlltJflS pu nous trouver plus locirct Il ma rcncoutreacutelaquo il y il trois ans
Hg LA COlQUEcircTB DR LIDEacuteAL
ans deacutejagrave plusieurs fois agrave Paris chez Lady Baret et malgreacute une intense attraction vers moi malgreacute mecircme de reacuteelles souffrances il sest eacuteloigneacute sans me laisser le temps de le comprendre devant tous les troubles infeacuterieurs dont jeacutetais alors prisonniegravere et desquels je
na vais pas encore la force de sortir r
Degraves mon arriveacutee agrave Interlaken il ma reconnue
Nous eacutetions descendus au mecircme hocirctel et moi jai eacuteteacute dabord profondeacutement blesseacutee et malheureuse de son
meacutepris
Oh comme jai pleureacute que de regrets inextinguibles de remords brucirclants de lourde tristesse 1 Puis jai
compris
Jai comprisque ma nature violente et indompteacutee eacutetait seule cause de ma deacutetresse et que ceacutetait peut-ecirctre un avertissement salutaire que je sois ainsi arrecircteacutee agrave temps sur une pente fatale par un laquo Halle-lagraveraquo de la Destineacutee
La doulesr comme un chien mord les talons du lacircche Qui dun jour neacutegligeacute surcharge an lendemain
Oh1 que je les ai meacutediteacutes ces deux vers 1 quils sont justes 1 Et comme la douleur est bonne parfois agrave celui qui nest pas capable heacutelas deacutevoluer sans elle 1
Seulement vois-tu Michegravele il vnul mieux la devancer il faut que lintelligence humaine du sage arrive agrave preacuteshy
ceacuteder lexpeacuterience ce qui fuI impossible agrave linsenseacutee que
jeacutelais
Jai Ileaucoup reacutefleacutechi agrave tout cela
Enfin il est venu un moment ougrave jai accepteacute comme une purification et mecircme cheacuteri loceacutean de peDseacute~~ dou-
LA CO~QUEcircTE DE LIDEacuteAl 149
loureuses agrave travers lequel seulement je pouvais remonter vers lui
Alors jai brusquement rompu avec Talbrut Je savais en le faisant que celle rupture eacutetait deacutefinitivement la lin Je mes deacutesordres Et forceacutee de vivre dune faccedilon beaucoup plus simple jai ducirc quitter lhocirctel ct bullhabiter la modeste petite chambre ougrave je suis reacutefugieacutee et~ seule maintenant
Michegravele1 Miehegravele1je suis tellement sucircre de necirctre plus Of -
la mecircme et de lui apporter tout ce quil espegravere trouver en moi de nouveau de sain de bon de vrai
Oh il faut quil le sache il faut quil ait confiance fout agrave fait il faut quil soit sucircr de moi
Je lespegravere si intenseacutement et je le crois Je sens quil plaint le cocircteacute sauvage avide bondissant et deacuteseacutequilibreacute de mon ecirctre comme il comprend mes aspiralions proshyfondes et belles
Il maime ma petite Michegravele il maime Oh1 ces mots 1 Mon cœur brucircle en les eacutecrivant Des larmes tombent de mes yeuxi Cest mon agraveme qui se fond El je pleure davoir trop pleureacute 1
Je suis tantocirct dans lextase calme et espeacuterante du vrai bonheur enlin cornpris enfin trouveacute Dans ees mornenls-lagrave cest en tendresse reconnaissante eacuteleveacutee respectueuse vibrante dune eacutemotion douce et profonde que je meacutelance vers lui et tantocirct un poignant sentiment de deacutecouragement mabat ct me terrasse
Jai peur mysteacuterieusement de souffrir de souffrir encore
Mais toi cheacuterie toi que penses- tu de ta Jane
110- - ______________________ _ bullbull _ bullbull __ 0 __ bullbull bullbullbullbull _ ~u ~ fl~ n JJJIIIIIII
HiO lA CON(~UlhR DR LmEacuteAt
Iliconlc-moi cc quclic doil Iaire Et puis parle donc un p~1I Je toi aussi Jai cru sentir dans la derniegravere lettre 1In souffle dalleacutegresse lellemeul parfumeacute despoir que je voudrais de les nouvelles plus preacutecises Me suis-je trompeacutee Ai-je lu seulement dans tes lignes affectueuses
et for-les le reflet de ma proplc espeacuterance Pari Micaeumlla1 Et pense agrave la pauvre acircme tourmenteacutee en laquelle
viennent deacutemerger impreacutevues et superbes tant de possishyLilileacutes enfin joyeuses et sereines
Doloregraves raquo 2 Aoucirct
Tout-agrave lheure une amicale discussion eut lieu encore SUI cc sujet qui lanl de fois fut abordeacute indirectement
pendant notre seacutejour ici et qui fut preacuteciseacute davantage
aujourdhui Mme Torguegraves seacutetonne agrave chaque inslanl du systegraveme
deducation trop large agrave son greacute avec lequel je suis eacuteleveacutee cl mentendant causer de Jane avec Edmeacutee elle dit agrave grand-pegravere - Javoue lue je ne vous comprends pas M Vnzanne de luisser ainsi Michegravele se lie l Jc plus en plus avec ~11Umiddot Kousla Cal elle a une conduite plus qucxtrnordinaire et toutes ses amies de pension comme Edmeacutee cl lanl dautres ont ducirc dabord espaCCI puis inlerrom pre les rela lions avec elle
- Par quelle loi Madame me suis-je eacutecrieacutee aurait-on le soi-disant devoir Je mentir agrave ses sentimenls reacuteels Cest agrave-dire pour quelles raisons dcvrnis-je eacuteteindre en moi laucircectiou sincegravere el profonde qui me lie agrave un ecirctre
Pourquoi retrancher quelque chose de vrai et dintense que nous apportc la vic J-~-Qn jamais trop deacutechanges
gt
LA CONQUEcircTE DR LIDF-AL 15t
veacuterltables raffineacutes et intelligents Amiddott-on jamais trop damitieacutes vraies A-t-on donc jamais trop de tout ce qui embellilla vie de lhomme par la preacutesence de lhomme
- Vous ne savez pas le tort que peut vous faire dans le monde cl pour votre avenir Michegravele reprit Mnbull Torguegraves lintimiteacute que vous avez avec une Jane Kousla
- Du tort aupregraves de qui repris-je doucement Ceux qui me connaissent ne peuvent se laisser influencer par rien de cela je pense
Oh t je vous assure Madame nont agrave redouter les opinions du monde que ceux qui reacuteellement veulent lui cacher quelque chose lEt nous nous coupons davantage les chemins de lavenir par tout ce que nous retranchons de lexistence craignant les preacute]ugeumls ou les jugemenls seacutevegraveres que par ce que nous faisons geacuteneacutereusement fleurir et eacutepanouir de ce que la vie libre forte et complexe nous oflre de reacuteelt
- 11 est certain comme le disaient les Latins quune amitieacute nest vraiment solide que si elle est baseacutee sur lintelligence interrompit Edmeacutee
- Cependant lintelligence nest pas tout reprit Mm Torguegraves
Et jai continueacute
- Jai foi en le relegravevement possible de Jane el je crois que je peux souvent lui faire un peu de bienEt puis jadmire les somptuositeacutes de sa nature sincegravere chaud et douloureuse
Jane souffre personne ne sail combien elle souffre1 Elle-mecircme lignore peut-ecirctre encore car il y a souvent
middot middot middot~-~V111V1l1-)middot tlbullbullrl~IY~~middotfmiddot~imiddottril1f~lrVljmiddot7i11~~fmiddotI mAr~~~rHI(fCcedilr~1riTT11-1111~V1((lI~~nnT(IonrVINnwfVampGVr u-__bull ~ _ _
1 LA COQll~m DI LlD 1
dans un cœur aussi vnsle des larmes verseacutees par une pari inconsciente de Iegravelre donl la conscience plus complegravete ne sent (Iur plus larel toule lamertume
Et la souffrance de ma pauvre et tragique amie deacutepasse tellement ses excegraves lt]Ui1 ne seruit pas charitable de lui jcler la pierre
- La seule chose quon puisse lui reprocher agrave mon sens dit grand-pegraverr cest que parfois ellc a fait souffrir le ne suis ni eacutetroit ni piniluin III le sais Michegravele mais
je nai jamais pu admettre la morale de ceux qui
foulent sans scrupules sous leurs pas orgueilleux les
bonheurs d~utrui
Lhomme a en lui une notion du juste et de linjuste et ce qui est injuste el coupahle surtout pOUl une intel shyligence cest le mal fait agrave dautres raquo
Comme M Torguegraves semparait aussitocirct de lideacutee de
grand-pegravere pour laccentuer encore jai de nouveau
reacutepondu
-- Bien entendu je ne veux pas deacutefendre les deacutetauls de mon amie mais seulement ses vertus
Elle est malgreacute ses torts un ornement de valeur et de
beauteacute dans ces landes arides qui forment ln terre landes qui pourraient devenir un merveilleux jardin de richesses feacutecondes si les ecirctres qui composent lhumaniteacute eacutetaient plus souvent de preacutecieux ornements de valeur ct de beauteacute Jase a une acircme vaste une acircme pleine de posslhilileacutes pleine de gClmes et de treacutesors J~lIe peut passer Cil heacuteroiumlne dans la vic au milieu des foules amorphes ougrave clic resplendit comme un phare dans 1i4 nuit comme un diamant parmi du silex
LA CONQJ~TE DI LmFAL Jr)3
Pourquoi nc pas admirer ce que son ecirctre a de supeacuterieur et de royal malgreacute les deacutesordres dont elle soul1re el quelle arrivera sans doute agrave dominer
Et puis mecircme agrave Paris qui esl cependant un centre de lumiegravere reacuteelle la plupart de ceux qui deacutepassent la moyenne des ecirc lres par une belle et noble in1lividualiteacute
son t pris - eu x aUS5~ - da ns lous les capriees ct les plaisirs qui agitent les inutiles existences de tant de Iutiles creacuteatures ils vivent trop en parade et ne sentent
que peu profondement ce qui nest pas leur inteacuterecirct immeacutediat ou linteacuterecirct des quelques oersonnes famille
ou amis auxquelles i1s_ ont dor aeuml de leur affection
Jane elle a une intelligence extlnordinailement vibrante pour tout ce (lui est geacuteneacuterositeacute P()UI lout ce qui est vie progregraves efforts volonteacute de transformer volonteacute de Iairo de faire mieux de faire plus de lclisel
un peu de tout cc que lhomme endormi peut eacuteveiller en lui agrave certains momenls dnspilntions haules el volonlaires despeacuterances de justice plus noble de bonleacute plus grande de bonheurs plus harmonieux Elle est une
de ces trop rares natures qui osenl qui cherchent qui
palpitent qui franchissent hardiment les vieilles ideacutees dhier pour sans cesse recircver plus haut
1shy
AJlIcircl
Il pleut La Bretagne est grise Ker-Nouheumll est morne
Temps de deacutepart Nous quiltols le M1noir demain malin lous ensemhle cl jen suis bien heureuse lIII
pour moi lacircme de cc pays est partie
__
t5~ LA CONQr~TR DE (rDecirclL
Tout me semble ville deacutecoloreacute le preacutesent me paraicirct deacutejagrave dans le passeacute Je hacircle les preacuteparatifs et voudrais
pouvoir hacircter lheure
) AoucircL au sail
Une nouvelle messagegravere de mon Bien-Aimeacute qui me reacutechauffe le cœur dans un grand eacutelan damour
Paris 2 Aoucirct
Ma toute Cheacuterie mon Etoile de Bonheur Je reccedilois agrave
linstant la douce lettre dhier la lettre exquisement douce agrave tout mon cœur et je teacutecris tout de suite afin que tu aies un peu plus de moi eucore avanl la merveilleuse rencontre degraves apregraves-dcman soir nest-ce pas ma rose -~
aimeacutee
Et je tenvoie louLe ma penseacutee tout mon merci eacutemu et glorifieacute des lignes a-lor-ables ct magnifiques qui chantent en moi les hymnes de la conjonction eacuteternelle 1
Si vous saviez ma Michegravele adoreacutee comme voIre eacutecriture votre style lous -cs mouvements de votre ecirctre si beau sont ceux que je comprends que je peacutenegravetre que je reccedilois quc jadmire que jaime
Ce fut pour moi un tel enchantement de YOUS lire 1 un tel eacutemerveillemen t un~ telle extase 1
Depuis que je suis ft Paris je me promegravene tous les matins ail RanclaglI cl je passe reacuteguliegraverement avenue Raphaeumll devant vulre joli home cc deacutelicieux hocirctel enfoui dans la verdure
Et hier ce me fut UIlC grande joie dapercevoir les volets ouverts les domestiques preacuteparant la maison pour
___~A~__
LA coxcuugravera DR LiDEacuteAL 155
votre retour le jardinier dehors toute la vie revenue tou t orgnnisan t votre proche arr veacutee
Si vous quittez KermiddotNollhiH apregraves-dematn matin vous serez sans doule gare Saint-Lazare agrave onze heures et demie du soil Je nose aller vous y chercher malgreacute len vie ardente que jen ai
Mais voici ce que je compte faire si M Vazanne ny voit pas dinconveacutenient jatlendrai vers minuit devant la porte du jardin avenue Raphaeumll Je vous aiderai agrave descendre
de voilure je vous souhaiterai 1 le bonsoir et si votre gland-pegravere me II permet si ma preacutesence ne doit pas vous gecircner si vous necirctes pas trop faligueacutee du long voyage bull jentrerai avec VOliS dans votre demeure ougrave nous passerons de suile les premiers les deacutelicieux instants f
Ne trouvez-vous pas que voilagrave une combinaison hellleuse
Ainsi en tous les cas je vous aurai vite degraves apregravesshydemain je vous aurai parleacute je vous aurai entendue ocirc ma cheacuterie cheacutelIcirce1
Quel bonheur Que de choses agrave se dire Ecirclre pregraves 1 tout pregraves de toi ma Michegravele approfondir sans cesse notre harmonie 1 Aimer 1 el ecirctre aimecirc Jai un besoin infini de tendresse de compreacutehension de libre sinceacuteriteacute de coopeacuteration et de Ion serait impossible dalleudre Je suis tellement insatiable incessanle Cil Comment
bercement fidegravele Il me encore pour le rt~v~r de loi el de ta preacutesence
pourrnis-jn patienle jusshyquliu Iendemaln de Ion relum- eacutetant si pregraves apregraves si longtemps
Lorsque tu arriveras je ne saurai peut-ecirctre que me
bull
1f) L cO(~lJlhE 08 LIDEacuteAL
taire ct te regarder et prendre la main mais nous aurons la cerfilude que les immensiteacutes de nos acircmes el de tout notre egravelre seacutelancent ct se confondent ct en silence ou en paroles banales dans lesquelles eacutetincellcron l les g-emme~ damour ou en mols enlaceacutes nous senti rons lextase de la rencontre ideacuteale
Mon cœur vers loi sen va sen va deacutelicieusement
Et toi tu viens agrave moi li mon royal treacutesor 1
Viens viens je taltends A toujours cl il toujours sois couronneacutee de mon amour sans fin ct snus limites
Jean-Reneacute
gt1shy Paris 5 AoIcircrt
Lomnibus du chemin de fer snrregravea devant notre porte
Une eacutemotion profonde metreignait Dans le SOli deacuteteacute la haute silhouette attendue sapprocha
Et tandis que gland-pfre descendait Je voilure nous nous serracircmes la main intenseacutement
Les dome~ti(IUeS accouraient chercher les bagages
Et nous sommes entreacutes tous les trois agrave la maison une exquise surprise my attendait
Dans le salon ougrave les lumiegraveres beaucoup (le lumiegraveres
toutes allumeacutees brillaient gaiemenl une abondance prodigieuse de fleurs blanches envahissaient les meubles et en profusion garnissaient les potiches et les vases samoncelaient en gerbes Ieacuteeacuteriques seacutelululcnt en bouquets eacuteparses
gt sur les lapis ou piqueacutees autour de palmiers et
de plantes vertes
LA COXQV~TE DE LWKAL 157
Des lilas blancs et des lys surtout et des roses et des arorncs ct des jasmius ct des aneacutemones et des orchideacutees teinteacutees de mauve et des tubeacutereuses enivrantes
TOlite une recircverie de fleurs damour
Jean-Reneacute sexcusait preslue aupregraves de grand-pegravere de la Iiberl(~ prise de cet envoi laquo mais comment ne pas mateacuteriiJlisel lin peu disait-il tous les chants dattente cl
de bienvenue qui milluminent ct quexhale en ondes si puissantes mon ecirctre profond raquo
Etle bon vieillard linterlOmpit doucement
- Vous avez bien fait mon ami de transformer ce salon en un jardin damour pousseacute et fleuri pour ma
petite Michegravele don t les yeux brillants me disent toute la joie eacutemue et douce
Vous avez raison de laimer comme VOliS laimez et je suis heureux lIegraves heureux croyezmoi bien de donner
son avenir et sa jeune vie si riche agrave votre grand ct noble CŒlII
Aimez-la bien aimez-la chaque jour davantage
Dans peu danneacutees peut-ecirctre VOliS serez son seul protecteur son seul appui dans lexistence et je voushy
drais que vous VOliS appliquiez agrave deacutecouvrir toujours
mieux tous les treacutesors enfouis dans sa vaillante nature tous les treacutesors que vous pourrez y eacuteveiller encore et y faire naicirctre par votre amour
Cal lamour vral comme celui qui vous unit mes enfants est le plus merveilleux creacuteateur deacutepanouisseshymen t con lin uel de transformatlons et de progregraves incessants D
Alors grand-pegravere passa le bras de mon bien-aimeacute aulour de ma ceinture et seacuteloigna agrave pas rapides
bull_
11
_
158 LAgrave COQUEcircTR DR LIDEacuteAL
Jean-Reneacute avec une force passionneacutee mallira vers lui et notre longue etreinte fut radieuse
Comment deacutecr-ire linexprimable Comment limiter par des mots Iimmcsurnb le
Ou mieux pourquoi mecircme deacutevoiler en moi jusquagrave vouloir me les deacutepeindre consciemment toutes les eacutemotions ressenties si profondes teus les bonheurs les plus sacreacutes toutes les secregravetes espeacuterances
Non je veux me taire je ne veux pas amoindrir en lexprimant la beauleacute des sphegraveres cacheacutees les plus hautes et les plus lumineuses de notre eacutechange et de notre communion
El mon acircme a son sanctuaire que Lui seul peut peacuteneacutetrer
- Merci mon Jean-Reneacute disais-je de celle symshyphonie de fleurs el de parfums qui entoure notre tenshydresse de son alleacutegresse de gragraveceet de torce de son charme meacutelodieux de son mystegravere peacuteneacutetrant
Les fleurs sont si bien laites ponr bercer lamour et latmosphegravere toute lemplie delles est si douce si extasieacutee pour envelopper cette heure inoubliable de notre rencontre eacuteternelle
Et ce fut le grand bercement des paroles
- Il Y a si longtemps si longtemps Michegravele que je luis seul tregraves seul si peu compris
Il y a beaucoup plus que des anneacutees il y a lanl de penseacutees1 il Ya lant de deacutesirs tant despeacuterances deacuteccedilues t
Mais ln es venue el te voilagrave1 El comme il est vrai que lon grandit quand 01 aime un ecirctre nouveau il est bien vrai que ln vic ne commence que Iorsquelle se
LA aONQueacuteTR DE LlDEacuteAL 159
retrouve Se peacutenegravetre sexalte cl seacutemerveille dans 14me droite lidegravele tendre de celle qui ltun geste lent et sucircr
dune ligne volonlaire vient en feacutee des jours anciens nous eacuteveiller agrave notre recircve mecircme
Vous changez ma nuit en IllIniegravere cl le flambeau de votre ideacuteal qui nous illuminera sans cesse est auss] haut et pur quune eacuteloile de infini Merci de renoncer par amour agrave la vie brillanle joyeuse eacuteclatanle que vous pourlIumlez avoir si taciement dans le monde et de libreshymenl accepter ma voie de rcaiiteacutes seacutevegraveres de disciplines incessantes el de classification de LOIILes choses en vue de lŒuvre agrave accomplir
- En choisissant ainsi lui aimiddotje reacutepondu j~chilDge le meacutetal clinquanl pour de lor pur et le simple cristal pour du diamant sans prix
Et puis si noIre chemin na pas le faux eacuteclat des vaniteacutes mondaines nesli1 pas eacuteclaireacute des lumiegraveres si douces de la paix de lharmonie nesl-il pas beacuteni dans ses espeacuterances merveilleuses JI
Longtemps nous avons eacuteoqlleacute ensemble les projels dun avenir de lIavai et de tcnuresse longlemps les imiges de nos recircves dresseacutees au Iour de nous nous ont entoureacutes et nous ont berceacutes dans un grand souille denthousiasme
Et les heures senfuyaient leacutegegraveles pleine ef adrables
Il ma parleacute de la bague de fia1iccedilailles bull et ensemble nous avons convenu ltun beau rubis cllneacute qui est la pieTe damour lIl toureacute ugravee peliles eacutemelaudes
- Bientocirct me dit-il je vous passerai 8U doigf cet lInneau symbolique en signe de la prolection et de
_~1 )~Inl~~i ~~~~ ~~i~~WSj ())i~Iii(tiiiii~rTxW ~~ X Y )~ r~)ji~ ~i i li) ~X~gi~ i i)1gt1)gtmiddotiI~ ~ f l ll bullbullbullbullbull _ bull
161
1GU LA CONQUI1TE DE LIDEacuteAL
lamour dont je vous entoure et vous enveloppe cela sera le sceau visible de nOS merveilleuses flanccedilaillesi
Michegravele je te confie mon bonheur je te confie mon espoir cl mes ar-lents deacutesirs pOUl toute la vie Jai en toi une confiance infinie que tu feras fleurir ce quil y a de meilleur en moi ct que je te donne avec toute la foi pure et haute de mon amour enivreacute
Michegravele 1 Michegravele 1 laisse-moi agrave toute heure vivre aupregraves de toi deacutesormais les minutes qui nous seacuteparent sont des amoindrissements de seacutereacuteniteacute et de vie
Et sois radieuse et belle Ocirc ma cheacuterie et sois toute baigneacutee damour el aspire vers tout ce qui augmente et vivifie notre ecirctre
Sois eacutepanouie dans ta beauteacute teacuteerlque sois rayonnante de notre joie raquo
Lorsque grand-pegravere enIra nous preacutevenir de lheure tregraves tardive dans la nuit deacutejagrave avanceacutee Jean-Reneacute lui demanda sil pourrait bientocirct venir nous voir avec s~
megravere qui a si grande envie de me connaicirctre
Il fut alors deacutecideacute quapregraves demain malin Mme Formant et son fils deacutejeuneraient avec nous
Je le reconduisis jusquagrave la porte au boul du jardin ougrave longuemeat encore sous la nuit molle et chaude qui seacutetalait autour de nous comme on boit le parfum des fleurs deacutelicieuses nous avons eacuteehangeacute et confondu la douceur de notre extase
tA bONQU~TB bE LIDtUuml il
xx UAoucirct
r ute io baigneacute des grande~ co~v~rsafioris ~ui ~Jllt
pendant ces que(lues jours illunUgraveneacutee et c6mme g~ndie jeacutecouteacute nies penseacutees ea eacutecho
Tout ce qui naugmente pas Jecirctre le diaHilue Tout ce qui ne grandit pas abalsse Tout ce qui nembellit pasabIcircme Rienmiddot nesl indiffeacuterent Rien
Pas une penseacutee pas un acte pas une paroJe pas un ~este pas Une heure
Leacutechange moindre la conversatidn banaJe eutraven t celui qui veut monter
Pour reacutealiser un grand id~al il faut que toute Ja ie tout ce qui Ja tait tout ce qui JJanime tout ce qui rapproche tendent vers cet ideumlal Il ny a pas de demi mesurs Linit~eacute a horreur des tiegravedes et comme la dit Nielzche li il faut ecirctre dur JI pour lIdeacutee Cenest pas eh acceptant les habitudes ordinaires te nest pas en parshy
Iicipant aux mœurs dUne Civilisation deacutecadegte agrave ce point ce nest pas en se nieacutelangeant au monde tel quil est quon peut former le monde futur
Daucuns crient laquoNotre eacutepoque est feacuteconde admirable supeacutelIcirceure raquoEn veacuteliteacute leur ideacuteal nest pas eacuteleveacute et ceuxshylagrave nont pas complis ce que pourrait ecirctre la vie les posshysibiliteacutes admirables qui sont en elle et (luels effroyable gasplUages on tail du temps
1 Cest un grand piegravege que celui de Jamitieacute Lecirctre qui aime mais qui refuse de suivre celui qui va plus Joln
versla sagesse sait se plain1re et apitoyer autrui nest-il pas abandandonneacute par lami hautaiD orgueilshy
_ ---shy
162 L~ CONQU~Tll DB LIDhi
Leux infidegravele qui pour une ideacutee supeacuterieure ou soi-disant telle a le cœur doublier laffection la tendresse le deacutevouement lamour peut-ecirctre de celui qui leste le niegraveme
Mais toi qui aspires agrave monter suis ton chemin Ne te laisse pas fixer par celui qui veut rester le mecircme Essaye de lentraicircner lagrave ougrave te portent tes pail hardis explique-lui ta penseacutee et console-toi de ce que Ion incompreacutehension fait pleurer en toi en essayant
de lui euvrir la porte du Sentier
Sil laime assez il comprendra ou alors cest quil est trop loin de toi et tu nas plus le droit darrecircter la vie et le progregraves en toi pour rester proche de lui en arriegravere
Cherche leacutechange de celui qui teacutelegraveve (lui tapporte qui teacutevolue
Donne agrave ceux qui suivent ton chemin et que tu peux aider agrave marcher vers la lumiegravere Ne te limite pas agrave ceux t1ui refusent daimer son eacuteclat ou (lui nient sa reacutealiteacute
Si tu en souffres deviens-en plus fort Nobscurcis jamai~ ce que tu ~s compris en le meacutelangeant et en le teintant de la penseacutee qui lamoindrait Il Garde toa cœur pius que toute chose quon garde raquo Et comme la dit lApocirctre ~e divise pas en toi le corps unifieacutebull
Souviens-toi du Lekhlekha (i) Biblique Avant de donner agrave Abraham sa haute mission agrave remplir lEternel dit agrave Abraham laquo Tu quitteras ton pays et le lieu de ton parentage raquo
Et pourtant Abraham eacutetait neacute il Or (Lumiegravere) en ClutIcleacutee Et la lumiegravere chaldeacuteenne (Aor) eacutetait deacutejagrave pro fonde
(t) Abandol1ne
tA dONQU~TE illt LIDEacuteAL 163
Mais On ne peut servir Dieu et le monde On ne doit poin t entraver en soi la malche de lideacutee Sois fort sois courageux La sentimentaliti ambiante tassume de toutes parts Ne confonds plIS sensibiIiteacuteavec affection ou bonteacute ou miseacutericorde Ln vraie miseacutericorde est une avec III Justice et il est juste avant toutes choses que tu protegraveges en toi le Divin que si peu reccediloivent et comshyprennent
Entretiens-toi sans cesse de la Sagesse qui es] lagrave science de la vie Refuse les paroles flivoles Fuis lentretien quelconque eacuteloigne-tot toujours plus de ceux qui acceptent le monde tel quil est ou qui douten t de ta mission
Sois fidegravele agrave ta mission par dessus tout
Sois le serviteur de lideacutee
En agissant ainsi tu deacutelivres lideacutee tului frayes uri gland chemin de respect et de seacuterieux tu la gardes
agraveplus pure et ceux qui riennent elle la comprendront plus nettement et oseront parce que tu lauras oseacute Se seacuteparer des ideacutees confuses et obscures se Seacuteparer des mœurs du monde
Ainsi un peu du monde futur pourra se ormel
4tbull
12 Aoucirct minuit
Oh 1 dramatique destin June pa uvre acirclDegrave si forte arrecircteacutee en plein eSSOr pal le reacuteseau dinextlicables obstacles quelle a elle-mecircme dresseacutes sur sa route
_-__-_-------------shy
tamp C()NQU~TE DR LroEAgraveLiucirc4
Pourquoi oh pourltJuoi Quand jc suis au milieu des recircves les plus beaux quand la vie magnlflque eomme un oceacutean prodigieux toule en ses flots puissants toutes les splendeurs dun udmirable eacuteteacute toutes les feacuteconditeacutes tou tes les richesses de la na ture lJuand les journeacutees ltIue nous vivons mon bien-aimeacute et moi sont tellement hautes intenses joyeusement sereines et remplies que je nai plus le deacutesir den exprimer les rythmes tant il est vrai que les profondeurs du bonheur sont silencieuses quand toute la lumiegravere pourrait devenir eacuteblouissante pourquoi oh pourquoi le soleil sarrecircte-t-il de luire soudainement sur cette miseacuterable
)
vie deacuteserte qui allait eumlnfin fleurit dans sa merveilleuse
pleacutenitude
Combien cela mattristc et je sens seulement mainshytenant agrave quel point je laime
Pauvre pauvre chegravere Jane Lexistence tc fut au fond toujours cruelle malgreacute les apparences brillantes dont elle tavait orneacutee et qui saura jamais tout ce que
lu as souffert
Moi-mecircme ai-je eacuteteacute pour toi ce quc jaurais ducirc ecirctre Peut-ecirctre si javais su parfois mieux tentourer aurais-lu eacuteteacute moins malheureuse moins heacutesitante moins troubleacutee
Je ne puis croire agrave cette reacutesolution eacutetrange deacutesesshypeacutereacutee Et lamentablement la silhouette douloureuse de Iane me hante Image tragique sans cesse preacutesente dans mon cœur elle syntheacutetise son Passeacute mysteacuterieux deacuteseacutequilibreacute et dont la reacuteaction Inexorable lencercle et
leacutetreint
Mais non cela nest pas possible 1 Elle est trop belle trop jeunc trop ardente pour renoncer agrave toutes joies
LA OONQm~TE DE LIDfAL 165
pour abandonner lespeacuterance au moment mecircme ougrave le bonhcur lui apparaissait si proche ougrave lnltcnte dc III reacutedemption irrndiuil tout son ecirctre
Cependant qua done cclie soireacutee cette nuit de si lourd de si trlstc
Et je lelis encore la lettre deacutechirnnle quelle a crieacutee vers moi
laquo Ma ltllch61e cheacuterie
laquo Au milieu des ruines de mon acircme je cherche pour un mornen t la force de te dire ma deacutetresse parce que tu as le droit de savoir parce que je veux Ique tu comprennes
laquo Trop tard ~ Trop tard l Tout trop tard 1 1
laquo( Trop tard venu lavertissement qui arrecircta ma course folle
laquo llOp lard la rencontre merveilleuse Trop tard ma rupture des indignes chaicircnes
laquo Trop tard tout leffort de ma volonteacute tendue pour reacutepare l Ics fau tes des truel rices
En avaut quand jo regarde au loin je naperccedilois plus quune route en Ieu des ponts qui secroulent des torrents qui ravagent et qui brisent
En arriegravero si je regarde je ne vois quun marais brumeux sordide miseacuterable slins une fie III de beauteacute
sans une lumiegravere damour sans une icircle de recircve Hien rien seulement langoisse du laquo cela alraillu ecirctre )
Je ne peux pas lutter Cest trop Je mentuierai loin loin
Je ne peux pas revoir ecmonde ce piegravege Ma lettreacute
u t
fifi LA CONQU~TR DB LIDEAL
est un adieu Si tu maimes ne cherche jamais agrave rien lavoir de moi
Jeacutetals freacutemissante despoir et de reacutesolution jc me sentais capable de remuer des montagnes jeacutetais eertaine de maffranchir de me relever Ile me purifier Oh 1 jeacutetais sucircre de resplendir
Mais voilagrave Lui il cst marieacute
Ah 1 il r a Irais ans Quand il maimait quand je lai deccedilu quand je ne lai pas reconnu quand jai ignoreacute lia souffrance quand jai joui de sa souffrance - comme 1
de celles des autres - alors il eacutetait libre
Cest bien moi qui nai pas su qui nai pas voulu Loo
La reacutealiteacute lagrave veacuteriteacute la vie tout sest offert1Moi je neacutetais pas precircte - Maintenant je pleure
Lui if est droit il est noble il a un foyer une femme des enfants - sa droiture est c onlregrave moi Il maime et toute sa vie aussi sera marteleacutee de mon souvenir il maime dans un regard dans un mot au fond de son agraveme voileacutee la lueur dUne eacutetoile au lieu de la clarteacute sans limites du soleil
Ah 1 je serais resteacutee jau~ais dompteacute lassoiffement de mon corps Jaunis domineacute le tumulte des vagues de ma tendresse impuissante jaurais veacutecu des mieIles de bonheur qui me seraient venIles de lui agrave travers lespace comme se nourrissent les oiseaux familiers 1
Cela mecircme est impossible Le fauve sest deacutechaicircneacute la colegravere la jalousie lorgueil ont allumeacute la farouche passhysion dUD homme qui se croit le droit de me garder par
Ia menace pal la violence pal la haine
s veageance plane oh 1 ras sur moi sur Lui
LA CONQutTE DB LIDEacuteAL 167
- _
Comprends-tu Michegravele
Sur Lui il est comme un otage qui reacutepond pour moi 1
Chacun de mes gestes est eacutepieacute par celui qui fut mon amant Talbrut 1 ne reculerait devant rien
Et lagrave cest linexorable Cet homme est en fer Je ne peux ni rester avec lui que jabhorre ni approcher Wanneshield dont la preacutesence est mon tout une parole une rencontre serait le duel peut-ecirctre le guet-apens 1
Alan je pars je menfuis Ne me demande pas ougrave je vais Le nuage informe quentraicircne louragan sait-il co quil sera demain
Ne me regarde plus
Tout est fini Ce soir je ne serai pas ici
Quelques-uns seacutetonneront Dautres me chercheront peut-ecirctre Iais nul ne me verra plus jamais jamais
Et la vie est ainsi laite quil faut que je leacutecrive mon adieu au moment ougrave tu mapprends la chegravere nouvelle de tes fianccedilailles
Dans ma douleur sans fond je taime pourtant assez Ocirc
ma cheacuterie pOUl sentir une eacutemotion p~ofonde et douce qui me pousse vers toi si tendrement
Michegravele bien aimeacutee je comprends en ce moment tant de choses nouvelles qui entrent brusqusmen t en moi par la grande blessure de mon cœur 1
Ah les plus hauts despsychologues qui nous peignent en tableaux admirables les passions les sensations les actes et les deacutesirs de lhomme ne vivent que dans un domaine infeacuterieur et au-delagrave de cette sphegravere active il y ~ tous les eacutelans plus protonds de lecirctre et toute la
_
(68 LA OONQUtTB DB L~DtAT-
ie reacuteelle - celle que je nai pas veacutecue - cette vie ineacuteshypuisable infinie mysteacuterieuse (lui nous frocircle de ses crandel ailes aux seuls moments heacutelas ougrave la douleur bat ~urnous
Pourquoi attendons-nous les heures si graves pour penser plus gravement
Pourquoi lacircme profonde ne seacuteveille-t-elle dans les ecirctres ou dans les peuples que lorsquun drame les eacutetreint
Bientocirct je serai loin tregraves loin et je sens seulement agrave cel instant terrible ougrave ma reacutesolution inexorable doit laccomplir - comme si je voyais deacutejagrave ma vie dici avec beaucoupde recul ou de ti egraves haul - je sens seulement mainlenant combien lexistence humaine est remplie dheures vaines steacuteriles superficielles distraites pal tout linutile et combien elle pourrait devenir splendide si chacun roulait comprendre 1 Le grand ennemi de lhomo megrave heacutelas cest lhomme lui-mecircme Et moi javais peutshyecirctre reccedilu plus de forces quil nen doit ecirctre accordeacute aux humains pour aimer
Lacircme profonde ~veut nous parler mais sa voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffent
Michegravele cheacuterie je sais que celui avec lequel tu vas vivre la vie a compris deacutejagrave plus que je ne sens encore Ecouleshyle suis-le comme tu laimes Il est de ces rares (lui cherchent agrave ouvrir les portes scelleacutees par ougrave notre espeacuteshyrance monte vers En-Haut et par ougrave un peu de la grande lumiegravere du ciel pourra descendre sur les hommes
Oh Iloyez heureux soyez beacutenis 1 Vous deux qui vivrez P9ur fair lavenir meilleur Je VQuS comprends et je
L CONQU~TB DE LIDEacuteAL Hm
vous regarde je vous comprends et je vous admire Oh Vous Deux soyez heureux 1
Et ce vœu est la seule eacutetincelle ardente qui seacutechappe de la Douloureuse qui sen va nemportant avec elle que remords deacutetresse regrets et renoncement
Car jai enfin renonceacute agrave Tout
Jane
16 Aoucirct
Nul ne sait ce quest devenue ma pauvre grande amie
A Interlakenon ne la pas revue depuis le 11 Aoucirct
Plusieurs preacutetendent quelle est partie par Je train du soir qui rejoint IExpress-Orlent Russie Sibeacuterie Chine - qui sait
Je lui avais teacuteleacutegraphieacute aussitocirct apregraves le reccedilu de sa lettre
La deacutepecircche nela plus trouveacutee heacutelas et mest reve~ue
TOIlI le pays est en eacutemoi de cette disparition subite ct complegravete
Sans doute celui pour lequel elle a tout abandonneacute a-t-il eu tille derniegravere leltre delle
Mais elle Ile lui aura padeacute qlle de lamour qui aurait pu ecirctre son relegravevemeu t et (fui est devcnu la cause de sa deacuteroute
Peut-ecirctre recevrat-je un JOUI lin mot delle venu le cel Orient lointain qui la toujours attireacutee Et je Jeacutevoque
je la revois si belle avec ses grands yeux de vertige
__________bull ~ ~ ~ t _ lt bullbullbullbull ~ ~ - j ~1middotbull11 nmiddotv 1 1 I~ IN H l~ Il~ Z 1Jl~~~f 1middot~~yv ~ l~ ( Ii l i l(gtgtmiddot~middot ~ ~ I~ ~r-r~ 1iI l~ l~ iuml~~llll~i) ~fi gt~~ 1 l)) iygt~middotg ~ 1~l 1 ~ 1lt ~i 1~S lt1 ~ iFS~W1~~~Icircmiddot~r(tmiddot~~~1~~ ~~n~~~(Fmiddot1
l70 LA CONQUI~TE Dn LIDEacuteAL
quand elle me prenait sur ses genoux et quelle me serrait contre son CŒlUI vibrant et passionneacute
Pauvre Jane 1 Nentends-tu pas lappel de ma tendresse qui seacutelance vors toi et qui voudrait si Iortemen t te sou tenir et te bercer
Il Y a dei moments ougrave la vie touche linsondable
Et malgreacute la consolation terme et douce de mon grand soutien je ne puis deacutetourner ma penseacutee de ce drame eacutetrange
Jean-Reneacute aurait eacuteteacute si capable de comprendre et daider Jane 1
Il a aimeacute la fin de sa lettre laquo Lacircme profonde veut 1
nous parler mais Sl voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffentraquo
- laquo Cela est vrai memiddot disait-il tout-agrave -lheure Ta
pauvre amie Michegravele a compris de nouvelles veacuteriteacutes
dans Sil lourde souffrance
Auxlleures tragiques qui sonnent dans la vie soudain son cocircteacute seacuterieux apparaicirct et lecirclre est tout precirct alors agrave
seo tir les progregraves agrave reacutealiser les ameacuteliorations agrave accomshyplir les efforts reacuteels il faire en soi et autour de soi pour abolir ce que lon peut des souffrances humaines
Mais heacutelas trop souvent presque toujours (lue le soleil ~u bonheur reacutechauffe lecirctre meurtri que la vie seacutepashynouisse de nouveau et avec la paix qui revient renaicirct lindiffeacuterence de lecirctre son inertie sa Irivoliteacute mecircme
Voilagrave une des immenses reacutealiteacutes symboliques de lAnshycien Testament chaque fois que le peuple dIsraeumll tombe en deacutetresse il se tourne vers ion Dieu pour limplorer j
~~
tA CONQuecircTB DE L~DacircAL 171
Dais degraves que la prospeacuteriteacute lui sourit de nouveau il deacute tourne ses pas des sentiers de la justice et il adore les idoles impures du monde profane D 1 Nous eacutetions dans un courant de penseacutee ougrave Jean-Reneacute est ineacutepuisahle Il continua Ionguement
-- laquo Tant ltflle la vie reste veacutegeacutetative inconsciente elle est heureuse telle quelle est parce quelle nexiste que dans le preacutesen t En geacuteneacuteral elle se conten te de ce quelle est puisquelle ne conccediloit pas le mieux-ecirctre
laquo iIais degraves que la conscience seacuteveille et que lintelligence
compare se souvient espegravere il ny a plus aucun bonheur possihle dans les conditions de la vie primaire classifieacutee alors comme insuffisante douloureuse instahle
laquo Lorsque la vic nest plus satisfaite par II sensation la sensualiteacute leacutepanouissement naturel et ltflle lintellishygence commence il formel des modes nouveaux de jouisshysance -les plaisirs intellectuels ou intellectualiseacutes - cest que la conscience est eacuteveilleacutee et par conseacutequent lhomme
qui touche cette phase ne peut plus sauf par un effort daveuglement volontaire se deacutetourner de la recherche constante du mieux-vivre
laquo Deacutesormais toute la sphegravere de laction possible appashyraicirct sous deux aspects llin constructeur lantre destrucshyteur lun (lui tend il ameacuteliorer lautre agrave deacuteteacuteriorer les conditions deacutejagrave acquises
laquo Sous cet angle les jouissances naturelles qui furent toute la vie primaire restent neacutecessairement la base de la vie intellectualiseacutee mais comme Iinlellectualisatten de ces jouissances est susceptible de les fausser il y a agrave
deacutevelopper une volonteacute de na tm-alisme balanceacute Iortifian t ~aiQ
-
-
1
_
173 112 LA CONqUlhE ns LIDEacuteAL
bull ci De plus pregraves encore il faut passer au crible les plaisirs intellectuels (lui si facilement peuvent devenir des excitants ruineux des stupeacutefiants des eacutepuisants
laquoAutrefois la saugraveuetlaquo de la vie consistait reacuteellemen 1
dans celte balance celle hieacuterarchie harmonieuse dc toutes les faculteacutes
CI La destruction vient de lexcegraves cest pourquoi Iasceacutetisaie nest quune caricature de la vie sainte parce quil cherche agrave saper la base fondamentale et naturelle
laquo Lorsquon a compris ces choses lorsquon sait que lintelligence peut transformer lorsquon sent tout ce qui manqlle que deviennent les plaisirs futiles les gasshypillages de forees les tempecirctes passionnelles et toutes ces distractions vaines tout ce (lui deacutesagregravege ce que nous voulons ce que nous devons organiser
laquo Les mots contiennent de grands enseignementsmiddot parshyce que lantiquiteacute savante les a formeacutes syntheacutetiquement selon les lois reacuteelles de lecirctre eacutetymologiquement distracshytion laquo distrahere raquo veut dire laquo tirer-hors raquo nous tirer hors de nous-mecircmes hors de notre preacuteoccupation de notre responsabiliteacute de notre espeacuterance nous faire oushyblier les choses seacuterieuses
laquo Et croyez-moi Michegravelesi la tlistraction peut ecirctre leacutegitime dans certains CfJS il certains moments 0 elle est ponr ainsi dire neacuteceSSaire combien elle est illeacutegitime et neacutefaste pOUl ceuz qui sen serveltt dans linsttuuuml Olt
pleins de [oree ils pourraient trtniailler agrave JeacuteaLiser lideacuteal cest-agrave-dire agrave mateacuterialiser dans la vie ambiante la conshyception in tellectuelle du mieux 1
laquo Que les homaes depuis si longtemps quils souffrent
tl CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
et se deacutebattent entre le Jardin de lInconscience et lacirc Terre Promise soient si pcu nombreux agrave prendre virileshyment la route qui les megravenera vers le bonheur intellectuel cest lagrave leacutetonnant mystegravere que la complexiteacute de lhistoire politique du genre humain explique en partie
laquo La frivoliteacute la leacutegegravereteacute inouiumle larrivisme eacutegoiumlste lindilTeacuterence cultiveacutee de la plupart des intelligences est comme un voile qui cache la graviteacute de la vie la proshyfondeur merveilleuse des possibiliteacutes quelle contient 1raquo
Une lettre dAndreacute Calvis
Florence 18 Aoucirct
Vous sentez tout ce que jeacuteprouve en apprenant vos fianccedilailles Michegravele 1 Par-dessus el au-dessuslife tous les sentiments divers et complexes que celle rande neuvelle
eacuteveille si profondeacuteœent en moi mes vœux seacutelancent ardents graves fervents et conscients de tout ce quils impliquent 1 Soyez heureuse chegravere Michegravele vous et celui que vous avez trouveacute digne de vous
Plus tard un peu plus tard quand VOliS serez mariee et lorsque je me sentirai plus fort je viendrai vers vous deux et jespegravere que vous maccueillerez comme je vienshydrai en ami et en fregravere Car je me souviens de vos paroles du dernier soir CI quil faut garGler comme des clioses tregraves preacutecieuses les liens reacuteels neacutes dans nos vies D
bullbullbullbullbullbulll lt~) ~~middot 1 bullbull~ bullbull bullbull ~Il~lt bullbull ~ _~ bullbull __ 0
__ __ __ _ _
174 LA CONQu~rE DK ~IDeacuteAL
Oui nous deacutetruisons parfois inconsideacutereacuterneul pal inconsshycience ou pHI fuihlesse ces lieus qui soa l en reacutealiteacute cl
en essence de la vic mecircme de la beauteacute de lamour dans le sens le plus eacuteleveacute du mol Nous tuons ainsi en nous de la vie en nous diminuant en veacuteriteacute nous-mecircmes
Parmi les ruines des souvenirs somplueux que vous mavez laisseacutes il esl neacute un nouveau poegraveme tel un jeune arbre plein de vigueur Je llais quen lachevant jaushyrai triompheacute de mon chagrin Michegravele El quoique ce puisse sembler choquant que jose encore aujourdhui Iait-e une allusion au passeacute il me Iait lanl de hien de POUVOil agrave cause de vos fianccedilailles mecircme vous redire ma respectueuse affection raon deacutevouement inalteacuterable Dites agrave velre fiasceacute combien deacutejagrave je laime puisquil vous rend heureuse Et sachez lous les deux quen ces heures inlenses lue vous vivez ougrave tanl davenirs ~erlllent parmi linconnu mysteacuterieux des destins (lui se nouent et se peacutenegraveshy
trent nul plus que moi nappelle vers vous le bonheur le gTand lunique hsnheur qui illumine la vie 1
SUl la terrasse dougrave je VOliS ecris le parfum intense des loses dItalie se reacutepand III moule dans lair du soir Quainsi montent jUS(IUagrave vous respectueux et profonds les neux de celui (lui meure un ami
hdreacute Calvis
Andreacute Calvis 1 Edmeacutee Torguegraves 1
Tons deux sc sonl trompeacutes dabord SUI leur veacuteritable chemin
Comme il esl facile de se tromper degraves quon ne parle
LA CONQUEcircTE DE LIDEAL 175
pa~ en soi un sens indeacutefinissable de la direction el de leacuteloile Les nuuges te lil seatiuieataliteacute tendre romashynesque el faible comme les voiles de 1 serrtiurenluliteacute somptueuse lyrique el dramatique suffisent 1 enteacuteneacutebrer la reute lour ceux-lagrave il faut ne main secourable qui tosse luire un rayon de veacuteriteacute Il me semble que de ces deux erreurs uae belle reacutealiteacute pourrait surgir Edmeacutee 1
Acircndleacute Ils Ile savent pas combien leurs natures se reacutepondent 1
Linterpeumlneumltratien cest lillimiteacute linfini 1
Mal~reacute lintensiteacute te leur ecirctre et sa valeur selon SI
propre loi tous deux furent agrave nous deux limiteacutes et finis parce que leur monde neacutetait pas notre monde parce (lue leur attente neacutetait pas notre attente 1
)Iais jai liatuilioa certaine quen se rencontrant ils se retrouveront et quen se trouvant ils vibreront eux I1Issi leur accord infini
~
20 Aoucirct
li Y a tnt de choses (IUC jaurais voulu pouveir eacutecrire de tout ce que me dit Jean-Reneacute Les coavershysatieas degraves quelles se dirigent vers les hauteurs deacuteroushyleat tes livres entiers Et je ne rappelle agrave la surface de ma meacutemoire que des fragments infiniment petits
laquoLa vie est ce que nous la faisons Or la vie de lhomme actuel nest pas encore consciente ni reacuteellement
Tbull yumiddot lxcv l7_Vf l rimiddot lt~~ li i i ili f v~l ~middoti1 middotmiddotGmiddot middotI~i~ ~WYINiumlW llPt 1 V)Ilt1tnJ~bull bullbull _ u bullbull bullbull on u
1
1iuml6 LA CONQUEcircTE DE il~tlU
formeacutee Lhomme dont les cinq sens ordinaires sont seushyIement eacuteveilleacutes veacutegegravete dans un eacutetat dinconscience grus~
siegravere et de leacutevolution de ses sens latents deacutepend le raffishynement et le progregraves veacuteritable de la vit
Quelques-uns conccediloivent mal comme quoi ce que Pdn appelle communeacutement de ce mot mal choisi loccullisshyme (mot qui ue veut rien dire en veacuteriteacute puisque tout est occulte jusquau jour ougrave cela devient objet de science cest-agrave-dire dexpeacuterience el de connaissance ce qui est preacuteciseacutement le cas actuel pour ce que lon appelleocculshytisme) quelques-uns conccediloivent donc mal que ce que lon appelle plus justement les sciences psychiques puissent aider par leur progregraves le honheur humain et la reacutealisashy
tioa dune vie plus haute et plus noble Comment ne pas comprendre cependant qlle si nous
voyons tous la vie agrave travers nos propres yeux que si nous n~ voyons que ce que nos orglInes actuels sont capables dapercevoir notre champ dinvestigation dintelligence de compreacutehension et de connaissances augmentera proshygressivement au fur et il mesure du deacuteveloppement de lhomme lui-mecircme et des sens supeacuterieurs quil possegravede latents Comment ne pas deacutesirer eacutevoluer au plus haut de son individualiteacute dans toutes les directions possibles
Comment ne pas mecircme essayer sincegraverement et avec perseacuteveacuterance leacuteveil de ces faculteacutes psychiques traditionshynellemenl connues et qui enrichissant lecirctre en profonshydeur et en reacutealileacute lui permellent de sentir Iil vie agrave un
eacutechelon quil ne soupccedilonnait pas encore auparavant de soulever un voile sur le mystegravere de linvisible et daccroicircshytre infini~ent la connaissance humaine en lui permetshytant de peacuteneacutetrer dans ce que lon pourrait appeler laquo lenshyvers ou lautre cocircteacute des choses D
LA CONQU~TE DR LIDEacuteAL i77
Alors lhomme eacutevolueacute ainsigt peut comprendre non seulement ce que paraissent les actes les paroles les penseacutees mais ce quelles Salit AlOlS sil cherche agrave trashyvailler au bonheur humain son effort raffineacute et compreacuteshyhensif visera juste et aura chance daider la vie en sa reacutealiteacute ct en Son essence mecircme en sa ~randeur en sa diviniteacute
Cal lhomme actuel ne se meut et nagit en geacuteneacuteral que dans lapparence primaire dun mouvement inslincshytit et suractiiuml quil prend pour la vie et qui est ocirc Comshybien loin dela reacutealiteacute des choses 1
laquo Lhomme ne vit que lorsquil est au plus haut de ses possibiliteacutes D a dit un poegravete Lorsque lon songe agrave cette penseacutee avec quelle meacutelancolie on constate corablen peu decirctres vivants vivent et combien rarement ceux-lagrave aussi qui savent monter au plus haut deux-mecircmes se maintienshynent sur ces cimes lumineuses 1
Toule lorganisa lion des socieacuteteacutes Con temporaines tend agrave ramener lhomme vers en bas Les habitudes les Conshyversa lions les usages les foules les fecirctes les reacuteunions mondainas amicales 011 familiales les eacutechanges les mœurs les amitieacutes les relalions rien nest fait en vue de leacuteleacutevation spirituelle de lindividu en vue de Son eacutevolution profonde et tout au contraire cherche agrave le faire descendre vers le niveau moyen - du Tout-leshyMonde ordinaire
l Comment ne pas voir que le progregraves de la vie ne peut
ecirctre quen mesure du progregraves de lhomme qui forme cette vie Comment ne pas sentir ce que la connaissance de la vie vi~~lIte et la peacuteneacutetration du soi-disant invisible ajoute il la conscience humaine Comment ne pas comshy
Ibullbullbullbullbullbullbullbull middotmiddot~~middotllt~ lt~ L Il
bull 1
li9 l bull
LA CONQU~TE DE LlOiAL
Mal nos doles eacutetreintes siIIumi~aient lune par lautre i 1 ) 1 r
DOS lents baisers sapprofondissaient lamour descendait sur nous nous baiaant de ses vagues envel~ppantes
Amollir seule reacutealiteacute que mon etre conccediloive hor~ de tespace et hors da temps amour unique loi de vie orishygine des choses et suprecircmebut de toutes lecircs choses
Puis comme ties profondeurs dun lac montent peu agrave peu et seacutepanouissent les fieurs du neacutenupbar lentement du profond de nos ecirctres seacutelevegraverent les paroles i
- Il fait eacuteternel murmura Jeaa-Beneuml
Et ioucement il eacutevoqua lavenir
- Dans quelques semaines Michegravele cheacuterie le cadre de notre solitude sera plus vaste et plus solitaire lorsque nous partirons quelques jours apregraves notre mariage dans ma petite maison deacuteteacute ougrave Octobre nous sera si beau
Dans ce pays de montagnes et de forecircts les automnes sont feacuteeriques et lagrave nous nous peacuteneacutetreacuterons chaque heure davantage ~t nous eacutetablirons une vie noble et haute sur cette base physique lI1erveilleuie la nature 1
Avec leacutechange constant de nos ecirctres les jotJis~IDeacutee5 clviendrent exquises et nous apprendrons de mieux en mieux agrave aimer les richesse que nous offre la terre la beaateacute des grands arbres la splendeur des champs les lointains des montagnes mauves les torrents dargent qui sautent si librement et qui forment les claires cascades voisines de notre home ougrave le murmure des chutes deau et de la brise dans les feuillllge~ enchanteront de leur musique notre alJloulmiddot recueilli Puis cc sera lheule Oi1
le soir tombe et ougrave DOS promesses seront si tendres dans chaque mot pronccedilnceuml tout bas t ce sera lheure ougrave les
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL
24 aoucirct
bull
o belle soireacutee dhier si intime el si douce atmosphegravere deacutelicieuse-de ma chambre alourdie pal les fumeacutees du haut brucircle-parfum et des odeurs mielleuses de toutes les gerbes de fianccedilailles qui remplissen t les vases les potiches et les cruchons de cuivrebull
Oh 1 charme de ces heures intenses deacutelices de vivre eacutechange abondant de tendlesse silencieuse bercement de bonheur eacuteclosion despoirs richesse de deacutesirs infiai
merveilleux
Nous ne nous parlions pas trop perdus dans loceacutean de notre regraveve
bullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullirr
prendre que tous les grands geacutenies qui formegraverent en veacuterileacute la civilisation actuelle furent des initieacutes des proshyphegravetes ou des occullisles El quc les penseurs de second rang ne veacutecurent que de ce quils pr-irent agrave ceuxshylagrave El pourquoi ne pas aller jusquau fond des choses 1
Toutes les civilisations qui anoblissent lhumaniteacute sont uniquement formeacutees sous linfluence des anciens livres sacreacutes la Chine intellectuelle est tout entiegravere contenue dans Confucius et LaoTseu lInde a ses Veacutedas les lois de Manou la reacuteforme de Siddharta Ce qui leste de Parsis garde lAvestha et limmensiteacute musulmane prend ses racishy
nes dans la Bible par Mahomet
Enfin notre penseacutee occidentale est davantage encore
fil~~ de la Bible ce splendide livre de sciences profondes que comprennent si peu ceux-lagrave mecircme (lui le veacutenegraverentraquo
178
gR A
HW LA CONQUEcircTE DE Lwh
eacutetoiles montent dans Ic ciel (lIi vient de seacuteteindre et ougrave nos penseacutees aussi libres (lIC linfini des cieux sans limites
chercheront de nouveaux horizons ~
Car nous voulons nest-ce pas ma Michegravellaquo mainlenir
nos legards vers toujours plus loin
Nous sen tons en neus un moi supeacuterieur (lIi demande
ft se manifester el qui cherche il seacutepanlllllir Et il ne faut pas encombrer nos vies de banaliteacutes doccupations quelshy
conques ou dideacutees mesquines si nous voulons progressishyvement chercher agrave monter vers ces crecirctes eacuteleveacutees ougrave
lhomme ne sait pas assez se maintenir
La spiritualiteacute nesl pas une qualiteacute mysi ique irnpreacuteshycise et vague de seacuteveacuteriteacute ou de pm-ilnnisme cesl la plus sage et la plus meacutethodique volonteacute dl reclvoir et dutiliser
toujours mieux nos capaciteacutes ces] la Iorcc de progregraves et deacutevolu lion que doi t deacutevelopper con1in uellemen t en elle
toute intelligence veacuteritable
Si chaque homme appliquait ses efforts de perfeclionshy
nement sur lui-mecircme si chacun cherchait avant tout agrave se construire sans cesse un corps plus sain et plus robuste
un caruclegravere plus souple el plus ouvert une volonteacute plus ferme une mentaliteacute plus savante el plus forle combien
toute la vie serail vite changeacutec-
Cest lagrave la a seule chose neacutecessaire raquo mais 011 a si peu
cempns 1
Il faut aussi -vouloir laquoatteiRdre raquo il la seacutereacuteniteacute il laut ~trecalme joyeux espeacuterant sans heur et sans trouble Tout trouble est nuisible surtout aux heures de danger et dangoisse ougrave il fait perdre III luciditeacute la clairvoyance
et la deacutecision deacutesirables
JA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 1Rl
-----------------------shy
Il faut ecirctre comme un grand arbre majestueux dont les racines sont profondes don la cime monte vers la lushymiegravere et dont les branches souples ct flexibles savent en se balanccedilant mollement reacutesisler agrave la tempecircte
Et si cet arbre porte des fruits agrave la maturiteacute ce fruit sc deacutetachera pal la loi naturelle de mecircme si lecirctre arrive
agrave ecirctre riche de puissances vitales et de dons spirituels il devra les manifester el reacutepandre SUI autrui la vision plus pure de son in lelligence
On ne doit ct lon ne peut rien garder jalousement pour soi si lon veul faire croicirctre la richesse de son ecirctre
Mais il faut seulement donner agrave ceux qui sont capahles de recevoir Et il nous faudra Iormer Michegravele degraves que nous reviendrons agrave Paris tout un milieu sympathique et raffineacute don] les tendances seront semhlahles dont les eacutechanges seront ha rmonieux don t la volon teacute sera intelshylectuelle ~eacuteneacuteleusegt eacuteleacutegante et pure
Au centre et au sommet de cc groupe nos Maicirctres shyaupregraves desquels jaurai tant de joie agrave vous conduire hienshy
tocirct en cet Oasis eugrave jai appris agrave penser - seront notre
lumiegravere ct le grand abri protecteur lArche sain le qui conlient les germes dun monde futurgt malgreacute la confushy
sion cl les chaos exteacuterieurs
J)jI ils me demandent de prnser i cet entourage eacuteleveacute (lui VOliS conviendra puisque nous aUlOIlS agrave voir beau cou p di ndividuali leacutes not re travail tan t avec les homshyeacute
mes Il faul vivre intenseacutement il Iaul entendre le plus possible les grandes symphonies eacuteternelles que chantent les mondes et comprendre toujours mieux les splendeurs de lart de la science de la vie prodigieusement infinie Mais er veillant agrave la mise en forme progressive ltte tout
~rlt~~middot~~ y ~ ~r~ middot~lt~middot~middot ~(tlt ~ 11-~ ~ ~~ JFf~~frY~ ~ N~middot~middotmiddot~~~~middot~i(~middot~~ ~~y~~)~ 1bull- bullbull rf bull H ~Il f r r 1 ~ r1H~n 1~~ (1 e ~ l v~~~~~~~lV~ V~middot-~l~~~~in~~ ~~ tmiddotR~middot ~V~I r~~ ~ Y~~~~~00~ ~ gt~ ~ ri~~gt~middot~middot~middot~middot~~ ~(1 imiddotmiddotmiddot~middotmiddot~ ~ ~
i8tmiddot LA OONQUTB DB LIDEacuteAr
lecirctre ct se mettre en lorme Cest se maicirctriser se discibull plinerbull
Il faut former eacutegalement lamhianee amicale et cher cher les affiniteacutes reacuteelles ascendantes
Ce groupe nous sera preacutecieux et nous aidera agrave surshymonter les niveaux infeacuterieurs dexistence qui se meacutelanshy~ent trop dans la civilisation actuelle et dans lorganisashytion de lactiviteacute des grandes villes nous ne pouvons savolr agrave quel point nOU5 ahsorbons les deacutefauts dautrui et surtout ce qui ne nous paraicirct pas un mal en lui-mecircme (et qui nen est peut-ecirctre en effet pas un pour lautre personne mais qui devient mauvais pour nous si nous voulons tendre plus haut) Nous ne pouvons savoir agrave quel point dans une seule conversation nous pouvons absorshyber de deacutecouragement e futiliteacutes dinertie de vulgariteacute de frivoliteacute dideacutees inutiles et banales quimiddot rempliront de longs jours et agrave tort les espaces de notre acircme
Je voudrais ma Michegravele pouvoir tentourer dun corshytegravege damis nobles et enthousiastes qui chercheraient agrave gravir avec nous les sentiers abrupts de la connaissance les sentiers fleuris de laffiniteacute reacutealisatrice et dont la
plastique intelligence sornptueuse vibrante eacutechangeacutee ferait une harmonie vivante et deacutelicieuse un grand coushylan t de formes joyeuses dans lequel nous eacutepanouirons doucement notre action au sein duquel nous voilerons meacutelodieusement notre bonheur raquo
Malgreacute moi une tristesse menvahit je voyais une tache sombre au tableau de lumiegravere la place vide de Jane parmi ce groupe ideacuteal ougrave sa belle intelligence aurait ai bien pu se spiritualiser
Mon bjeJ-oilJleacute ~~fltit lOIlllgtre qui venait de paner sur
JA CONQun DE L~IQEacute4L J83
moi Il mattira vers lui et il menlaccedila de toute sa tenshydresse forte et protectrice
--- Tu es dans mes bras mainlenan t cheacuterie et lagrave il ne doit plus rien y avoir pour toi que la paix la joie lespeacuterance
- Et il ny a que tout cela en effet Jean-Reneacute avec aussi lamour le plus profond que mon cœur puisse renfermer
Je lui ai dit eneore - Il faudrait que notre bonheur solt un forma leur
dautres bonheurs quil soit un eacutepanouisseur de vie un (acteur deacutechanges plus intenses et plus complets
Dans lentourage dont nous parlons et que nous espeacuteshyrons attirer autour de nous il faudra chercher agrave taire eacutetinceler sans cesse de nouvelles sympathies de noushyvelles amitieacutes de nouvelles amours l
Il faudrait y faire naicirctre toules les eacuteclosions des possihishyliteacutes y relever les fleurs pencheacutees comme ma petite amie Edmeacutee Torguegraves y deacutevelopper les faculteacutes les talents enshycourager les nobles essais et surtout taire de lavie middotmeilmiddot leure par ce geacuteneacuterateur admirableacute de la force humaine les eacutechanges en affiniteacutes reacuteelles
Car lexistence comprise et reacutealiseacutee volontairement par lunion profonde et laide spontaneacutee dintelligences qui comprennent qui veulent ensemble qui se suromhrent et sencouragent les unes les autres deviendrait comme un splendide feu dartifice aux bouquets ininterrompus alors quaujourdhui nous ne voyons que de pacircles fuseacutees sillonner de loin en loin la nuit
- Plus de vic plus de beauteacute plus damour mur mura Reneacute
egrave ~vrmv(~middot~~middotmiddotmiddot v lt1middotmiddotmiddotmiddot~middot~ 1 bull lt(~ii~)~1~~Wry)gmiddotr~~l~W~m_~
ilH LA CONQUlhn DR LIDEacuteAL
Vivre chaque heure eR beauteacute 1 A notre eacutepoque lart nest que limmense inassouvissement des acircmes qui voushydraient plus de libc~l plus dessor plus deacutepanouisseshyment plus de naturalisme plus de splendeur plus dideacuteal el qui sont forceacutees de chercher cela en dehors de la vic
Lart actuel nest pas une certaine partie dun tout magniflque il est leacutetincelle lumineuse seacutepareacutee solitaire vers laquelle se legraveve enivreacute le regard des egravetres de deacutesirs et de recircve 1
Et pourquoi ne pas reacutealiser toute lexistence en ltCIIVIe da rt pourquoi ne IHIS chercher il rendre plastiques
chacun de nos gestes chacune Ugravec nos altitudes chacune de nos penseacutees
Pour cela il faudrait que tout homme aille aussi loin que possible sur la route quil poursuit
Leacutevolution constante voulue ucircpremcnt avec une pelmiddot seacuteveacuterance inlassnbic est la Ta ride transforma triee
Penser aimer agir Penser de plus en plus prolondeacuteshyment aimer de plus en plus intenseacutement agir de plus en
plus activement
Et aire croicirctre en chaque ecirctre son moi le plus eacuteleveacute
laquo La philosophie a dit Novalis est lexcitation du moi reacuteel par le moi ideacuteal raquo
tA CoNQUEcircTB DE LIDEacuteAL
~--------------------
des dignorance sources des erreurs et des preacutejugeacutes les veacuteriteacutes illuminatriccs (lui libegraverent des impulsions et des passions et conduisent agrave lactivilegrave constante de notre ecirctre divin dougrave reacutesulte le regravegnc de lharmonie SUI les terres cela seul est un but digne de lintelligence une œuvre de sagesse et de reacutealisation solaire
Sous le regravegne de la raison et de la science plus haute quelle est apte agrave manifester la science intuitive il ny a plus de place pour les obstacles que lhumaniteacute instincshytive jette continuellement sur sa propre route il ny a
plus de place pour lobscure tyrannie des peuples sur les peuples pour les haines teacuteneacutebreuses des sectes contre les sectes pour les narcotiques empoisonneacutes qlle versent les
fausses morales eacutet les croya~ces eacutetroites
foutes ces entraves tontes ces laideurs seffondrent
se dissolvent disparaissen t et lcu 1 peu surgit lHumaniteacute nouvelle comme en un jardin comme en un temple eacutepanouie miseacutelicordieuse eacutepureacutee lHumaniteacute llormoshynieuse qui du sommet de la pyramide jusquagrave sa hase innomhrahle agit en union pour eacutetreindre en chaque heure lagrave heacuteatilude de lEternel Preacutesent
Je conternplais le deacuteroulcment des visions ct aperceshyvant dans le passeacute tant de snmhrcs trageacutedies faites au
nom du progregraves et de la spiritualisation des masses Ce moi supeacuterieur Ile seacuteveille que dans le calme de la
meacuteditation et il est un fait dun orQIC plus eacuteleveacute que lhomme eacuteleveacute saisira seul Mais lous peuvent sefforcer de le taire naicirctre en eux et cest la seconde naissance
Comme Spinoza le montre dune faccedilon si simple et si noble cultiver en nous-mecircmes et dans les autres hommes leacuteclosion de la raison substituer aux ideacutees confusesJourshy
iuml jajoutai comme une affirmation cl comme un deacutesir
_ Oui Guider lhumaniteacute la transformcr mais par
la joie
Loin de nous le fouet de la crainte et laiguillon de la terreur attirons- par un foyer de pleacutenitude vers le perlecuumlonuement de tentes choses
middotI
f~gt
Jshy
f liltMt limiddotW~middot(~~~f~~~nmiddot~lr(~1)~~~~Iuml ~ ~ - raquo~ ~~i~r~ Y~i ~i~ ~ imiddot~t ~I ~ ~ylt 1~ i~ lI~ (~ 1 gt(i~~~_ Y~~i~ ~ ~ 1~ ~ t l~~~~t~~ ~1 Sr ~~ ~ - ~~Y I~ ~~~ ~~
________
18u LA CONQUEcircTE DE ~II)eacute4~
Te souviens-tu lean-Reneacute de ces beaux vers philososhyphiques et propheacutetiques
laquo Profonde est la douleur bull Plus profonde est la joie r
La deuleur dit Passe el finis laquo Mais la joie veut leacuteterniteacute laquo Veut la profonde eacuteterniteacute gt
Je meacutetais leveacutee devant lui el je passai mes bras autour de son COll
- Et jaspire de tout mon ecirctre et je suis dans la pleacutenishytude du bonheur lui dis-je car maintenant jai trouveacute mon Ideacuteal
- Ma chi rie reacutepondit Jean-Reneacute en membrassant il y aune vieille parole laquo Lhomme nest jamais heureux mais il va toujours lecirctre raquo Cette parole est bien vraie car le bonheur Jeacuted cest lasoiralion et le bonheur ne
consiste pas dans lacquisition dune chose deacutesireacutee mais (( dans la poursuile dun recircve avec espoir raisonnable de succegraves D
LIdeacuteal est le maximum deacutenergie dharmonie deuml beauteacute quil soit donneacute agrave noire faiblesse actuelle denshytrevoir
LIdeacuteal le Bonheur lAmour sont les sommets dune route infinie les sommets lointains qui seacutelegravevent sans cesse li mesure que la route monte
raquo Mais lIdeacuteal nest pas la Chimegravere il est le but voulu et espeacutereacute reacutealisable Le conqueacuterir cest le graver dans son acircme dans Ion corps dans sa vie Le conqueacuterir cest avoir trouveacute un chemin de progregraves constants cest avoir comshypris que lIdeacuteal comme lAmour ne sont les cimes radieushyses de la vie que parce quils appartiennent agrave lillimiteacute
Iuiu-Uctobre 1908
bull
1rIl ~Imiddotlmiddot l fIl n-Iln l1il1 ilnn-11ln i ~l ~ YI)jjit 1 ~lS 1ilmiddot~~)~i~iiII~middoti IYi~ ~ 11 ~lmiddotimiddotimiddot~ ~Il~~~ 1 1~ ~ Itmiddot~~ ) j(X~~~ ~~~~middotiuml~i~ ~l~H~middot~~~gt~middot~~ ~ ~y~ ~Smiddot~~S~Y~~~middotmiddot~~rf ~-~~middot~8middot T1tmiddots~middotmiddot~middot ~~~~1~ ~~(~~~X~middot~~W~~(~~i~~~1NilWS~_t(~~~i~S
11
1(_J~jOy)J~jl~rV~ rt~ 1~middot~ - l bull
10 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Oh Avancel sans crainte Ne reculer jamais Lhomshyme daudace ressemble ail dompteur au milieu des faushy
les sil a peur le dange surgit Il faut transformer en science le souvenir de tout ce
qui a passeacute dans le rayon de noire vie Il tant harmoniser lame actuelle hiernrchiser les
sentiments teindlP certaines penseacutees en aviver dautres U fat transformer les avenirs voulus logiques deacutesishy
reacutes ltlimeacutes
Il Iaul trouver le centre Ile 1I01le acircme et le proclashy
mel roi Connais-loi toi-mecircme
30 Mai
Je viens de relire les Poesies complegravetcs du preshymier poegravete qui me fitcornprendre la merveilleuse feacuteeshy
rie du vers Ephrniumlm Michltlil Ephraim Michaeumll Celui qui mouvrit dAbord le monshy
de des formes plastiques cl la richesse du verbe sonoshyre l Celui dont jes tristes poegravemes meacutelodieux donnegraverent
unmomenl une expression il Illon ecirctre inconscient de lui mecircme dont les accents uostalgiques me- parlaient dune untrie que moi aussi javais connue pal delagrave les monugravets Celui dont le rythme assoupli mn vuix et
qui me doun a lamour des paroles suaves Ame trop faible pour la vie quelle a conccedilue 1 acircme
eacutepique ne succombant que sous sa propr~ immensiteacute ou plutocirct corps deacutebile pour tant de splendeur
Jaime ses vers somptueux comme de lor
LA CONQuftTE DEL(DEAL
Cest une orchestration savante eacutevoeatrlce avec des notes triomphales chargeacutee danciennes vies et de visionsshy
merveilleusement pures de la beauteacute qui se deacuteroule Chant mineur aussi mais sans alanguissement chant
dattente et de recueillement chant de deacutefaite olt sonshyne fiegraverement lappel des combats nouveaux et des vicshytoires futures 1 Chant de regret dlin prophegravete que le monde a attireacute sans lassouvil et qui pleure vaguementej bull
quelque couronne perdue Michaeumll quel beau geacutenie il serait devenu sil avait
trouveacute sur sa route un ami puissant une intelligence flushyrifiante une source de celle torce qui lui manqua toujours
En raison mecircme de ladmimtion llue je professe pour
son talent et de lardeur impeacutetueuse avec laquelle je me suis nOllrrie de celte acircme deacutesespeacutereacutee pendant plusieurs anneacutees je voudrais aire lin examen critique au point de vue de leacutepanouissement vital de ce manshyque qui la empecirccheacute de seacutelever jusquaux sommets
quil avait su recircver
Ainsi dans laquo Recircves ct Deacutesirs Il
Les chants vllglles et les formes indeacutecises passen t Ces formes neip euvent egravetr e atteintes pal lepoegravete Deacuteshycevance de la recherche de la beauteacute ougrave I~ reacutealiseacute est
1
moins beau que le recircve Le deacutesir inassouvi vit donc dans cc cœur il peut
seacuteteindre pal leacutepuisement il nest pas accompli JI
ne donne pas le calme qui suit la reacutealisation Il reste apregraves chaque essai daccomplissement le regret des deacuteshysirs morts
Jeacutetudie celle condition qui lui a manqueacute quelle est-elle r
~j
f ~
LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL12
laquo Les formes passent raquo JI Iaut sen saisir les maishytriser les creacuteer
Condition la force POlir (lIC les formes snrregravetcnt cl quon jouisse du
calme il laul savoir les eacutevoquer ou les dissoudre
bull Condition h force
Ce qui est recircve pOlIl llin cest-agrave-dire ideacutee pacircle cmshybellie seulement des layons lunaires de lImagination peut-ecirctre reacutealiteacute poIll un autre plus Iort Cest essenshytiellemeal relatif
Cela deacutepend de la force
On vise toujours plus haut pOUl atteindre plus bas Cest une loiphysi(lue dont lexplication est facile agrave trouver Lartiste reacutealise tOlljOUIS au-dessous de son regraveshyve Mais il taut regravevcr cest-agrave-dire viser de plus en plus haut
Condition la force
Pour eteindre le deacutesir il faut laccomplissement ou le renoncement JI ny a pas de milieu Autrement lacircme suse dans une poursuite vaine Or le deacutesir nous pashyrait mauvais cal un deacutesil pcrpeacutelulaquo est une faiblesse qui est im mora le
POUl renoncer ou pour accomplir que faut-il
La Iorce
PC)Il endormir son uumlmc dans la seacutereacuteniteacute des recircves accomplis il faut egravetrc maitre de ses recircves et les choishysir ou reacutealisables immeacutediatement ou reacutealisables dans lavenir
La vie actuelle eacutetant donneacutee telle quelle est il faut (sans po ur cela reuoacer agrave la mieux eacutepaaouir ) se conshy
a -1 -- ~W -- - ~
LA CONQUEcircTE DB LIDtAL 13
former agrave ses lois et agrave son but Ainsi on peut toujours accomplir son recircve
Mais si les recircves confus et discordauts de tous les hommes quelquefois pervers et troubles devaient ecirctre accomplis il ny aurait plus que le chaos
Vouloir ce qui doit ecirctre rom lharmonie totale Condition la force
( Ces deacutesirs jamais apaiseacutes et jamais accomplis toushy
jours fusant seacutepuisent en eacutepuisant lagraveme Il faudrait que lacircme se coneeatre au lieu de se dimiddot
soudre
Cest encore et toujours une question de force Et dans les Reacuteminiscences eacutepiques le poegravete qui U
dabord aime toutes les llleus de la civilisation dit aussi quil regrette le bonheur animal des geacuteants prishymitifs les luttes et la vie sauvage
Ces erreurs quil aime sont les lormes miegravevres les rocircles sans majesteacute les espoirs malsains toutes les faishyblesses dune eacutepoque deacutecadente
Puis par reacuteaction et polarisation ayan t eacuteteacute trop Ioia dans cet amour du faible le recircve se forme des teaps forts et des eacutequilibres anciens
Il voudrait la vie sauvage brutael animale sensuelle mais puissante
Et comme toute reacuteaction est exageacutereacutee lerreur eashygendre lerreur
Pour un ecirctre sain et intellectuelles temps preacutehistorishyques Dont rien denviable
On est sorti lentement et peacuteniblement de ce limbes oa eo a presque horreur
~i
] -J71 Iii~ W - --1 - -1~
44 U CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Lhomme inteacutegral naspire quagrave moaler Nul ne peut
sainement se lourner vers le passeacute deacutepasseacute
Et pOl1 eacuteviter agrave la fois cette tendresse des erreurs
miegravevres et ce regret contraire dun temps brutal que faut-il
Toujours la torce
MicJlaeumll Je sent bien celte fois-ci puisquil seacutecrie lui-ssegraveme
- Et dans ma nostalgie immense de la force je suis humilieacute de la splendeur des bois 1
Lhomme puissant nest pas humilieacute de la splendeur
bull es bois il communie avec eux et se fortifie de leur souffle feacutecond
Ainsi jai eacutecouteacute les chants dun poegravete que jaime
sans rien recevoir de ce qui en lui est moins pur quen moi-mecircme
Je me suis longuement berceacutee agrave son rythme enehanshy
teur jai vibreacute agrave ses sonoriteacutes agrave sa couleur agrave sa passion
agrave sa seacuteduction agrave son eacuteloquence Mais je veux me soushy
venir quau-dessus de tout cela il y a autre chose
Il y a la vie veacuteritable augmenteacutee ou diminueacutee
H y a linspiration sacreacutee venue de la lumiegravere et
celle issue des teacutenegravebres passionnelles aux lueurs troushybles
Nous avons appris dans le livre des grandes acircmes
que la gracircce et la beauteacute pouvaient revecirctir des esprits denfer Circeacute les Siregravenes Cleacuteopacirctre et tant de goershy
riers de savants mecircmes
Et puisque les œuvres que nous lisons deacuteterminent en
partie notre ecirctre plus je reacutefleacutechis et plus je pense quil
est on ne peut plus leacutegitime de nadmettre en nous
(
-1 - -r10 u l ( ~l~
LA CONQUEcircTE DE JIDEcircAL 15
par la lecture que des œuvres choisies et bienfaisantes
capables de nous aider agrave la reacutealisation de notre vie
Car tout individu qui a un but deacutefini ct fait des acshy
tions qui len eacuteloignent est contradictoire 01 nous flOUS deacutefendons des mauvaises actions parshy
ce quelles nous deacuteterminent dans le chemin que nous
reacuteprouvons et nous ne ferions pas de mecircme pour les
livres f Et puisque nous sommes obligeacutes de nous deacutefendre de
ces aclions mauvaises cest clone quelles sont tentatrishy
ces et quelles ont en elles quelque chose dattirant et
de seacuteducteur
Le mal nest pas toujours repoussant
Degraves lors pourquei nous eacutelonner que lœuvre llart
ait elle aussi un autre criteacuterium de sa valeur reacuteelle
que son degreacute dattraction et que ce criteacuterium soit sa
puissance dharmonisation de perfectionnement cie la
vie sa pureteacute Pourquoi proclamer belles et par lagrave au-dessus da
toute juridiction les œuvres qui seacuteduisent nos limes
puisque nous ne voudrions cGrtes en soutenir autant de
toutes les actions
Et malgreacute la grande admiration reconnaissante que
jai pour le poeumlte Michall je me sens plus forte dashy
voir ainsi sondeacute sor manque de force Ne dit-il pas lui-mecircme dans laquoCreacutepuscules pluvieux )
ses sentiments de vide du cœur sans raisoa damour
briseacute f Je ne meacutetonne pas de cette sensation de vide dans
ce pauvre cœur que rien na rempli non paree que rien ne pouvait le lemplir mais puce qatl aeacutetait
rempli par rien
48
JJ -Lbulltl~)A~l- r-i] Yi1 J~ ~ bull 1
LA CONQUEcircTE DE LIDiAL ----- - __----- shy
haule situation de sa famille el de tout ce que celui-ci avait dit pendant sa visite manifestant une acircme loyale
simple el tendre Et il ajouta _ Enfin depuis quatre ans deacutejagrave vit en lui SOD
amour pOUl toi amour tregraves sincegravere tregraves profond et que je trouve touchant je le lavoue
Lorsque dans un enthousiasme juveacutenile UB soir dans les montagnes il se laissa aller agrave le dire ses senti shymenls el que tu en fus si surprise je compris tregraves bien lattente de deux ans que tu reacuteclamas alors avant
de pouvoir songer agrave te marier Aujourdhui il Jen est plus de mecircme Tu as lacircme
dune femme el tu peux sentir comme moi le prix de cette affection fidegravele (lui dure depuis quatre ans et malgreacute deux anneacutees de seacuteparation complegravete
1
Enfin sans vouloir faire appel agrave ~es perpeetives mashyteacuterielles qui je le sais nont pas sur toi une bien grande influence ccpendant laisse-moi taffirmer que le bonheur dune femme esl bien embelli par la faciliteacute charmante quun certain luxe donne agrave la vie Et puis ma cheacuterie crois-moi cest quelque chose davoir un mari attentionneacute qui vous adore qui vous admire
qui se fait le reacutealisa leur de lous vos recircves 1
Le bon regard attendri de Srand-pegravere me laissait voir toute la joie quil aurait eacuteprouveacutee agrave laccomplissement
dun projet ltfui lui eacutetait tregraves cher Mais craignant peut-ecirctre davoir trop chercheacute agrave
-mIuiumlluencer il reprit uvee douceur ~ Toul ce que je te demande ma pelite Michegravele
cest de revoir Andreacute saas ideacutee preumlcoaccedilue avec un peu
~
J~J~W-J
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL -tg
de cette indulgeuco lfllc ge ne la pas donneacutee encore pour [cs hommes pour les choses pOlll la vic
Cependant tu sais nest-cc pas laquo(U~ comme je tai toujours laisseacutee libre dans tes penseacutees dans tes lectushyles dans les acles ayan tuute confinnce dans ta belle pureteacute dllns la lIcHe droiture je te laisserai Loushyjours absolument libre de deacutecider Loi-mecircme le chemin de ton desfin
Grand-pegravere el moi nous avons passeacute hier apregraves le dicircner une soireacutee tregraves intime Jo lc sentais preacuteoccupeacute dune deacutecision prochaine ct un peu meacutelancolique aussi car cc projet Ini taisait revivre sa jeunesse agrave lui etausshysi la jeunesse de ses enfants disparus ce projet auquel il tient pourfanl lui Iaisail revivre une eacutepoque deacutejagrave lointaine UgraveUTI passeacute ltiui Ile reviendra plus
3 Juin
Grand-pegravere a inviteacute rll(lll~ Calvis agrave dicircner pour la seshymaine prnchnlue PlliSlaquo(lIi veut absolument que je le revoie
Moi je snisbieu je sais ineacuteluctahlegravement que ce nest
pas Lui Mais pourquoi ne le reverr-ai-je pas Cest un ami nous avons beaucoup eacutechangeacute ensemble nos penshyseacutees et nos aspirations denfance el les liens damitieacute reacuteelle apportant leur joie sont si larcs
Peut-ecirctre ne voudra-I il las comprendre la h~allt~
dune affinileacute (lui dure t[llalll megraveme clic nest pas ehuishysie comme affiniteacute iUIg)ne
Les hommes do nos jours ne sont pas heroiumlques
_ _ _ J
l 1 Il ~ ~~ ~-~ ~ ~ ~ ~ 1J- -
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 21 20 LA CONQU~TE DE LtDEacuteAL
n y avait quelque chose de hien noble dans certaishynes ideacutees de la chevalerie dautrefois
Il me semble quaujourdhui 011 nc seacute garantit pas assez de la souffrance destructive on se reacutesigne trop facilement agrave leacutetat miseacuterable du monde et de lhumashyniteacute et au contraire lon eacutevite avec une veacuteritable lacircshycheteacute leacutecole de certaines douleurs psychiques qui disshyciplineraient et augmenteraient notre ecirctre Je veux dire que degraves mon relus il est probable quAnugravereacute prenshydra la reacutesolution de ne plus me rencontrer pour ne pas se souvenir
Au lieu de laisser vivre entre lui et moi tout ce qui peut de son admiration totale egravetre reccedilu par mon affecshytion partielle il cherchera agrave tout couper agrave tout reti shyrel agrave tout eacuteteindre Cest dommage 1
Tant de fleurs de tendresse sont ainsi faneacutees trop tocirct et souvent faneacutees il jamais pal ce manque de courage par celte crainte faible dune augmentation de peine
Oh ne jamais rien deacutetruire volontairement des amitieacutes des sentimen ts des pesseacutees des liens reacuteels 1 ne pas craindre la viedu cœur ne pas fuir devant les
( orages possibles
Je veux fortifier mon coura~e et je voudrais semer du courage en autrui car jaime la force etIenduranshyce Au contraire je nadraets pas la reacutesignation si annishy
hilante precirccheacutee agrave tort comme une vertu
Andreacute comprendra-t-il comme je le sens que nous devons conserver la vie coservel en elle ce qui est vivant et laugmenter et leacutepanouir
Mais quil faut avoir une volonteacute aussi forte que lintelligence pour rester harmonieux et une volonteacute morale plus forte que le deacutesir instinctif de vie
~ Dailleurs depuis deux ans Andreacute a certainement mucircri et progresseacute
t ~I
f Je sais quil est poegravete quil a de vrais dons lyriques une ugraveme pure et noble
Mais quimporte
Celui que je recircve est le seul qui puisse mentraicircner plus haut que moi-mecircme agrave la conquecircte incessante d~
mon ideacuteal infini
Et je veux quc reacutealiser son recircve quincarner son espeacuterance soit mon expression protonrle celle clue jentrevois comme une ~ ossibiliteacute merveilleuse encore lointaine dans mes instan ls de deacutesirs les plus eacuteleveacutes
Oui Grand-pegravere tu as raison Cest quelque chose davoir Il n mari qui se fait le reacutealisateur de toutes vos aspirations
Mais faut-il encore quil puisse sentir ces asplrnlions mecircme celles qui dorrncn 1 an fond (Je mol-mecircme fusshyquau temps ~ugrave sa penseacutee eacutevocatrice les eacuteveillera
Lorsque je le sentirai veuil de tous les cocircteacutes seacutelegraveveshyront des chants dalleacutegresse
Et le jardin dl mon ucircme fleurira enfin et vibrera comme le vent du soir fait reacutesonner sourdement le grand orgue des bois
Des accents de victoire eacuteclateront dans les airs des
fanfares joyeuses selanceront et ce sera lhosanna triomphal entonneacute dans mon cœur pOUl lnrriveacutee cie son roi
Tous les recircves se legraveveront en moi comme une foule et les phrases damour berccedileuses qui chantent dans
mon egravetre les paroles erubaumeacutees et douces qui sorashy
bull
1 )
2
j J J--J
LA CONQUEcircTE
j~ I~j~
DE LmEacuteAL
~ Il_ Il ~-
1 J
LA
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CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
)
23
-- 1
III i Il 9 heures du suu
(111 le (Ii 111 )
meillent encore mes knrs pourront enfin te le dire il loi que jalrllds
Tu mapprcndrns toujours mieux les secrets profonds
de la il mysteacuter-ieuse cl 1I011~ lIilli~(JOIl~ tous deux
lideacuteal Cil reacutealil eacute Cilrmiddot iIVI(~ loi la vie sela le Temple
du Beau Avec loi 1~lle S(il II~ illlclllail(~ du Biell
Et ta parole mlnlrnilleri mc MliVlIraml1xllllera
vers les hauts sommcs de la pell~le lrumainr-
Tous mes recircves lappellenl d mes souvenirs lous tont appeleacute un agrave un
O Viens hicnlugravel Viens mou unique soleil A la
lueur je veux COmpIIIIiII il Iii 1111111 je VIUX savoir
agrave ta lueur je veux chauler il la lil(III je V(IIX aimer
Triomphant rt adoreacute viens Iairc villII mun acircme ct
reacutesonner loules les con]lts de 1111 h ll In nd Il salis loi
Alljollrdhui jni ltIt prendre ilshy llil cll(z laur Kousta
que ie navais pas 1111 dp)lIi~ plus dl~ trois mnis
Cest une klIIme pcinlrc hilII connu 1 Pilis
maintenant pOlir SOli lalltolll cl SOli ldlIard( hlallI
Elle minltIlssait l)(illlCOIlP (II plIlsioli il v il qur-lshy
ques anneacutees lorsque la jeune Iilll~ clIIiells cl farouche quelle eacutetait alors soccllpnil iI 1( pilgtsion d( la 1011 (P
petite Michegravele
il
Jl
~
Elle eacutepousa depuis Wladimir Kousta comte poloshy
nais beaucoup plus ilgeacute qurllc dont lIndulgr-nce inshydiffeacuterente ct taihlr- lintcllicence savante compliqueacutee
fine ct douce laquo( lnimnil pntpllIdlelllcnt tout lII la laissant
entiegraverement IilllL)J comme dll Ille le dil en i-ianl pOUl
mannoncer ce singulier mariaulaquo
Jane eacutetait vraiment somptueusement belle cel apregravesshy
midi dans sa lohe souple de lil)(I1~- ornnge ses bras
magnifiques chnrgeacute de hrucr-Icls lourds
Tregraves entoureacutee elle parlait vivement son lIelllCl 5011shy
rire eacuteclairant son brun visage de grcc(flIe antique et
elle faisait de grands getes conservant pourtant la
gragravece distingueacutee ct harraonieusc si rare si d(~irlle si
impreacutevue qui est la sienne
Elle paraissait lrucircncr dans son vasle aldil~I luxueux
ail milieu du deacutesordre voulu eI nrrungeacute du pegravele-mele
garccedilonniel des tableaux des chevalets des bouquins
des hibelots el des toiles commenceacutees
Degraves que le domestique meucirct annonceacutee Jane flollssa
un grand cri enthousiaste ct mouvrit lar~cmclli ses hras
- Eh hien fOon enfant iHicnHa ch hien ~ mon hlond
oiseau vagabond cest comme cela que depuis des mois
et des mois tu nous as tOIlS ahn mlonneacutes t
Tout le grollpe ami surencheacuterit bruyamment
- Il sest sucircrement passeacute quelque chose t1lqrnn~c
dans la vie de Mademoiselle Vazuuuc cd hiver nfllrma
le pianiste Edmond Cnud
- Viens-tu lions annoncer les fiausaillrs r lplii Jashy
ne en mattirant pregraves delle tandis (Ie je svrru is enshy
core cinq ou six mains tendues vers moi
-------_
~~6~Uumli~~~~~middotmiddoti
GlIillaum~ Tara sinclina ~ 1 ~ Je ne puis vous feacuteliciter de voire 5uceegravesjMonsiellr
lui dismiddotojenayantni III ni YU toille piegravece Dune voix grassedeacutepl~isaDte ra1-a reacutepondit en ricirc~
caout 1 gt1 -Ma litteacuterature en effet Mademois~ll~ ~~est p~U preacuteciseacutement cc quon peut faire-lire aux jeunes filles
_ Ceci lqt ~rte peu pour Mad~m~i5el1~ V~zaDDe~ ~t dun tonelmable Edmond Gaud EUe a ungrand~pamp
re eacutepatant qui la laisse libre deacute lire tocircnt~ee qll~eacuteneveUt C~stvr~i repri~je Mai~ Il m~Jais~ecircceumlJtel~
teacute jllstem~lIt parce quil sail qui( Y~ (~ ~eri~in ~rl qlli ne jninteacuteresse pas du tout middot ~ ~
Tous eacuteclategraverent enriant 10 bull
~ Ehbien1 ~OD vieux Gui TareeUepe vriu~ 18 pas envoyeacute dire 1
He~reusementque tout le mondeaParisnest plis de vaireavis MademoiselJc murmuraGuil1a~me Tara
-Cest certain Monsieur reacutepliquai-Je Vous sentez tregraves justement que parmi vous tous je suis un peu comme
une eacutetrangegravere une provinciale si vous voulez
Et profitant dun instant de conversation geacuteneacuterlllede plus en plus bruyante je dis agrave Jane en aparteacute - Et voi~
lagrave preacuteciseacutement pourquoi je parais tabandonner mon ashymie Si lu voulais me voir seule agrave seule de temps en temps iuml~lurais le senliment dun eacuteocirchange damilieacute feacutetiUeentre nous deux Notr~ affection -aipsi ~rait vie et manifestationnaturelle devie ~ lt~ v
liais tu mas souvent fait c~anp~lidrequ~ je poubull shyvtPt te gecircner ~~ veacutenant middotautro~egravebt~qU~~~)Dmiddot1joure Qubull
gtlo
middotmiddotEt avent que jaie eu le temps d~reacutepoodrela peshy0 bullbullbull lttite R()se~Malie des- Franccedilais dont je nai jamais aimeacute ~ bull Ies yeux pointus tregraves brillants et tregraves vides seacutecria avec ~f+~alice _ 1( ~~ Mais cest vrai il Y a du nouveau pour vousb l (
li 4ndreacute CriJis est de retour agrave Paris gt gt Tuvas nous raconter tout cela pour te faire parshy f~onntlr ton lacircchage dit Jane mais tumiddot prendras des
forces avant lfagdeleinr ajoutat-elle servez-lui donc le theacute
Magdel~ille Lamarre un peu ridicule par lextrecircme ~ mJ9picq~ilIe lui permet pas de quitter un instante ~ 00 facebullbullbull mains et aussi par lair de jeunesse ingeacutenue ~J ~lJe cherchentagrave jouer ses trente-cinq ans de vi~iumlllefillr egrave Ee preacuteejpila gnmincmeni agrave ln table ougrave le samovar
bO~lrdQnnait doucement sa chnnsonmonptQne ~
Un~ Iorte odeur de cOleacuteopsis se reacutepnndait dnns la piegraverrochaqne mouvement de Magdeleine dont la fishy gure savamment maquilleacutee eacutetait eacutecraseacutee pal un chashy
0 lfll n monumental ougrave seacutetouflaient les plumes daulrushyche cil les rose tendres 1 bullbull
rregraves Ile Jane un petit jeune homme hlondesecvan ~ visage~legravellieaux vilnius yeux gris se ba1nnccedilagraveit dans uu
bull fauteuil debois fumant nonchalamment un gros cigare Son ail IlIS et fat me deacuteplut - Tu regardes notre nouvel intime interrogea Jane
Tq ne Je connais pas - Et sur ma reacuteponse neacutegative
~ - Jete preacutesente Guillaume Taraullhmiddotemeo~dit mon
ami middotGu Tare lauteur si connu par Vimmeuse( ~~lt ~JriQuf~e middotdemiddotl $ai$OO~ ~leFqu~~jre
~~tmiddotmiddot
1
~
succegraves eacuteclaboussant extrashy
parler du toute cette
EIlmJlId Gaud vint sasseoir pregraves de moi Il est intel-
nous avez que QOUS vous
ici qui
un instant la conversation
de Paris
dans cet dadjectifs vides
phrases presque toushy
les seules agrave peu pregraves quon puisse pla
mondain mi tout le monde veut par- 1
des eacutechanges fluishy
des sourires
nerveuses et deacuteseacutequilibreacutees
de Ia vie
Au contraire elles lemshy
vous voulez Il faut dQD
li
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IWshy
~
~
l 1 1
1 1 i
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~f~C~~~)~~~lt ~~~heacute~~i t~- ~ ~ lt lt gt
16 LA OONQuiTB DB LIDEacuteAL
eacuteela deacuterangerait ton travail tes seacuteances de modegraveles etc
Et je tavoue franchement que si aujourdhui par exem- pie rai la joie dadmirer ta bea Il teacute ce qui est deacutejagrave quelque chose cest vrai tout ce quune in limiteacute douce nous permettrait de reacutealiser et deacutechange de sincegravere et
de profond est empecirccheacute annihileacute par le convenu et lartificiel dont sbabille Paris mecircme dans ses reacuteunions
les plus restrein tes Comme pour me donner raison le domestique annonshy
ccedila le duc et Ia duchesse dArmiore Jane ell ce moment fait les portraits de la duchesse
et de ses enfants
Aussitocirct elle sempressa autour deux et commenccedila
les preacutesentations dlisage
Magdeleine Larnarre souriante et ingeacutenue retourna agrave la table de theacute et Jean Chermy qui flirtait avec elle
passa les assiettes de petits gacircteallx Puis coup sur coup en tregraverent dans latelier les
peintres Demerront et MaulIcircce Picot lactrice Nelly Reflet et plusieurs autres personnes
La conversation devint de plus en plus tapageuse et quelconque
Guillaume Tara le grand homme du jour que je senshy
t~is tregraves peacuteniblement dailleurs ecirctre en ce moment le fashyvori de Jane paraissait succomber sous le poids de ladshymiration que tous ces pan lins lui prodiguaient
O~ ne parlait plus que du Fou-Rire de ses actrices -de la scegravene extrordinaire du 3e acte ougrave la situation se complique si drocirclatiquement de larriveacutee des deux acircmants du compte-rendu de cet imbeacutecile de Veacutery qui aVilit preacutedit un four et de lavenir superbe que proshy
-~
r~~ middot~J~~~Jr h~~l~~~~~~ij~
LA C0NQU~TB DE LtDBll
mettait agrave Monsieur Tara le ordinaire affolant Ile cette premiegravere piegravece
loi qui navais jamais encore entendu Fou-RilC j~me sentais stupideparmi meacutediocriteacute
ligebullt et sympathique
-- Ainsi Mademoiselle me dit-il vous deacuteclareacute tout agrave lheure agrave mots couverts
rasIOns
- Seacutepareacutement il Y a IJuelques pelsoones sont chnrmantes
Mais soyez franc Ecoutez
de ce salon qui est un des plus intelligents
Et dites-moi linh~Iegravet que lon peut trouver eacutechange dexclamations dadverbes et
de sens dans ces lambeaux de
jours inacheveacutees
cer dans un salon (
ler et personne ne veut ecouter
~ Jy trouve des sensations nerveuses agreacuteables parshy
fois fortes reprit le jeune pianiste
diques des amitieacutes des flirts du parfum
-- Je VOllS comprends mais ces sensations lil me font leffet decirctres artificielles
elles ne reacutepondent agrave aucun besoin profond
et uexpansent pas le-bonheur poison rient
- Si j(~ ne me trompe Mademoiselle mettre en pratique la parole de M~rcAul~le ~
~
J~ J- - J~ - - --
28 LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
ner au corps ce qui est neacutecessnire pOUl lacircme et il lacircme ce qui est neacutecessaire pOIll quelle seacutelegraveve raquo
- Le plus possihle et je voudrais reacutealiser aussi cetshyte autre penseacutee dEacutepictegravete Sois libre malgreacute le monde
Mais la force du monde est infinie lloyez-le par rapport agrave la lorce de lindividu el le monde est enshycore anarchique el deacutesaccordeacute
Etre droit et eacutequilibreacute cest sisolcr difleacutercr du ruishy
lien et pOlir reacutesister il liuflncnce Iunc force si puisshysante influence dailleurs nerveuse cest-agrave db c pll~sqlle
physique ct ne venant pas des id(c- i-snes seulement de ces sensations passagegraveres que VOliS aimez je crois que
lhomme sain ne reacutesiste qucu sclcvau l tregraves haut cl en
bacirctissant autour de son acircme (les murs de diamant
- Vos ideacutees sont bien daccord avec votre forme exteacuterieure reacutepondit Gand I(~ crois voir une jeune filshyle de lantique Chaldeacutee dans le calme de ses regravevcs plirs
allant la cruche sur ln legravete puiser lcau bicntaisantc
Vous vivez plus avec les eacutetoiles quavec les hommes et vos yeux longs (jolientale hlonde reflegravetent ra nosshylalgie de lideacutealiteacute Moi jni gueacuteri celle nostalgie peut
ecirctre cette gllelison est-elle lin amoindrissement Ccpenshy
danl vous saurez heacutelas un jour que les pensees les
plus belles viennenl toutes de ces sensations nerveuses qlle vous croyez infeacuterieures souvent niegraveme nolre intelligence deacutepend de la fnccedilon dont nous avons digeacutereacute notre deacutejeushy
ner et tout nest que sensation
Cest pourquoi la musique est ma vie Quy n-t il an monde agrave cocircteacute de cela le me repreacutesente la terre comshy
me un lien Ie lhomme doit taire vibrer de toutes les faccedilons et le plus possible sil vent ecirctre vraiment heureux
-t--~ - -
LA
et vraiment quelquun Quy de leacutemotion Plus
CONQUEcircTE DB LmEacuteAL 29
a-t-il dans la vie hors lin ecirctre est capable deacutemotions de
tontes les sodes plus il est inteacuteressant plus il existe _ Pour VOliS reacutepondre repris-je en soudant jappel-
le toute la Chaldeacutee il mon aide VOliS dites tout est sensation pourquoi vous contreshy
diruis-je A travers mon enfance entiegravere jai su gilldel la notion du reacuteel le parfum des loses leffluve des arbres les affections les deacutesirs les penseacutees eacutelaient un monde vivant autour de moi Dunivers en univers de
hauteur en hauteur tout est reacuteel je le sens Comprendre savoir apercevoir espeacuterer cest toucher
par un sens ou par un autre Ce qui nest pas en conshy
tact avec moi est inexistant pour moi et le seul et unishy
versellien entre le monde et moi cest la sensation Vous dites tout est vibratiou Daccord La vibration
exteacuterieure peacutenegravetre en nous sous forme de sensation
MaIS ne remarquez-vous pas vons-mecircme quil y a une
infiniteacute de modes vibratoires
Londe musicale est pour vous le type et le centre
des possibiliteacutes rayonnantes mais la vibration de la
lumiegravere celle de lamour celle de lintelligence Si le piano que vous faites reacutesonner est faux ou a
des cordes briseacutees en ecirctes-vous pour cela moins musicien et votre eacutemotion mal servie ne seacutemane-t-elle pas imshy
patiente et complegravete
Si mauvais interpregravete VO1S trahissez le geacutenial comshypositeur lœuvre splendide enregistreacutee par les signes
en est-elle moins parfaite 1 Eh 1 bien quand votre corps physique alourdi de
sommeil 01 eacutepuiseacute dinsomnie accableacute par lexcegraves ou le
--
~
- -~ ~ ~ ~ ~ l
SO LA CONQUEcircTB DE LmEacuteAL
manque de nourriture par lexercice iiuquiegravetude ou
toute autre cause devient lin mauvais instrument lin
mauvais reacutecepteur est-ce que londe intellectuulte qui
dans de meilleures conditions laurait fait vibrer harshymonieusement est changeacutee
Croyez-le il y a des sensations de tous ordres Les sensations physiques peuvent apregraves avoir eacuteteacute comme
un cristal transparent devenir ugrave certains moments comme
un voile opaque pOlir les sensations supeacuterieures elles
nen sont pourtant que le vecirctement et la manifestation
Et les sensations immeacutediatement supeacuterieures agrave leur
tour transmettent de la mecircme faccedilon selon leur capashy
citeacute des vibrations plus hautaines encore
Jgtonc agrave mon avis non pas notre intelligence mais
seulement sa manifestation physique ce (lui est tout diffeacuteshy
rent pe~t deacutependre œdune digestionraquo comme vous dites
Pendant quelques instants Edmond Gaud et moi nous
causacircmes encore Puis je me levai pour partir au
milieu du brouhaha mondain Et Jane Kousta lacirccheacutee de me voir sortir sans presque mavoir parleacute maccomshy
pagDB jusquagrave la grande galerie deFlIIt(~ ct sexcusa
- Tu ne men veux pas petiJeacute Micllcline 1 Jo tassure
que si je ne te demande pas de venir me voit un jour
toute seule cest quen ce moment cr-ia mest vraiment impossible
- Tu as trop agrave travailler lui demanugravelIi-je
Et aussitocirct je sentis brusquement que bien autre chose
que la peinture la preacuteoccupait et labsorbait Je la regardai Elle rougit Et ma penseacutee eacutevoqua aupregraves delle la sishyhouette affreusement antipathique de Ouilla urne Tnrn
Je me rapprochai de Jane et lui prenant la main
~ ~ -~ ~~ ~ l )--~
LA C01llQUEcircTB DB LIDEacuteAL 3~
- Mori amie Les choses seacuterieuses et profondes sont les plus vraies les plus douces celles qui donnent la sensation de dureacutee dagraveme de vie Crois-moi ce qui
senvole inutilement ce qui brille un jour pour seacuteteinshy
dre vite cest le neacuteant Tu te laisses entraicircner dans un tourbillon trompeur
et hi ny es pas heureuse Jane car tu vaux beaucoup
mieux que la vie que tu te denues
- Tais-toi interrompit-elle tais-toi Je ne veux plus penser au moins pour quelque temps
Ce qui me rend le plus triste ajouta-t-elle cest que
je suis jalouse et sa voix tremblait
-- Au contraire insistai-je tu devrais prendre le
temps de penser Ce que tu as de plus beau en tei
peut seacuteveiller Seacutepanouir et te diriger mieux
- Me diriger Et ougrave 1 Depuis des mois et des mois
je suis une pauvre nef ballotteacutee sur un oceacutean en teshy
pegravete et ea tumulte tu ne peux savoir Plains Illoi
ne Ille juge pas Michegravele
-- Ma pauvre Jane je ne te juge pas certes et je
taime 1
Tu dejaandes comment te diriger 1 Fais le silence ee
toi dabord et autour de toi des sensations et des deacuteshy
sirs calme ton excitation et eacutecoute la voix inteacuterieushy
re la voix intime et profonde de ton ecirctre soupireacutee
chanteacutee moduleacutee au fond de ton acircme
Jaurais voulu Ionguemeat parler agrave mon alllie mais
la sonnette seacutetait tait entendre et le domestique (l1ashyvraitla porte dentreacutee agrave deux dames empresseacutees et
vlubiles
~~
Je suis
LA CONQUEcircTll DE LrDjAt
Jane courut agrave elles le sourireaux legravevres et memshy
l2
~C~- -n-t -~ 1 _ 1 bull l ~
LA CaNQUETE DB tIDEacuteAL 33
alleacutee avec grand-pegravere acheler des fleurs puis j~i eacutegayeacute la maison des taches dor des jonquilles elbrossa ~n hacircte pour retourner ail salon en mecircme temps jai piqueacute dans lous nos longs vases les liges droites que ces deux arrivantes des boules de neige gonfleacutees grosses el candides des
Mais dans son baiser prompt je sentis loute la tendresshy lys eacuteclatanls si purs dans leur blancheur resplendisshyse intease dont elle esl capable et toul ce que son ecirctre sante et des lilas blancs ou mauves an parfnm tiegravedlaquodeacuteseacutequilibreacute farouchement nelveux contien t encore de
Enfin seule au-salon jeacutetalais dans une potiche basse profond de puissant el aussi cette capaciteacute quelle a
sur le piano habilleacute de soie quelques grosses roses au milieu dune vie factice el trouble de garder oushy
rouges lorsque la porte souvrit sans bruit derriegravere moi vertes des eacutechappeacutees lointaines sur les vastes espaces
Javais devineacute qui entrait Plus timide que dhabitushyillumineacutes et de sembler avoir toujours uae part de son ecirctre plongeacute dans un oceacutean daspirations pures et innomshy de je nosai me retourner
- Oh 1 Michegravele murmura Calvis comme VOliS ecirctesbrables devenue belle 1
Surmontant mon eacutemotion je marchai Vers lui la main tendue
Il la serra longuement dans la sienne et leflleumlura rlun baiser rapide
9 Juin Minuit f2 Je le trouvai bien changeacute Plus grand plus Iort et
plus fin agrave la fois Je le lui dis
- Oui jai beaucoup changeacute Michegravele reacutepondit-il Andreacute Calvis sort dici agrave lInstant el je nai pas - En deux anneacutees dexil toujours seul aux pay~ loinshy
sommeil tains on comprend on senl bien des choses nouvelles
Quelle apregraves-midi agiteacutee jai passeacutee en lattendant je Ces deux anneacutees ont eacuteteacute dures Mais je ne les regrette me croyais moins nerveuse mais mon affection pour pas Elles furent pour moi une eacutecole merveilleuse qui lui souffrait deacutejagrave davoir agrave assombrir un passage du magrave ouvert la porte de mon acircme qui ma deacuteveloppeacutechemin de sa vie davoir agrave briser son premier lhe qui ma formeacute Celle eacutecole je suis heureux de lavoir
Vers ) heures jai joueacute du piano longuement et eue et cest agrave vous que je la dols Michegravele me suis mise agrave chanier cependant mes penseacutees sonshy
- Non pas cest vous Andreacute qui avez voulu partirgeaient tristement el impatiente jaurais voulu que
au loin et voyager Je ne vous ai jamais demandeacute celle les heures senvolassent plus vite Mais rien ne peut seacuteparationacceacuteleacuterer le temps que le bonheur ou le calme
3
J
34
r-lI- --- ----J JI 1 r-l ~ 1
TA eumlONQUEcircTE DE TrOEacuteAL
_ Vous aviez exigeacute que jaltende deux ans avant de
vous consideacuterer comme une jeune fille Comment penshysiez-vous que je pouvais vous voir pendant si longtemps sans vous parler de lunique espoir de tout mon ecirctre 1
Dailleurs cest votre grand-pegravere et mes parents qui ont
voulu ce deacutepart lis ont donc eu raison puisque ce long- voyage
vous a mucircri _ Mais parlons de vous Michegravele reprit-il Comme
vous ecircles devenue grande cl belle 1 Tous les recircves ltlune penseacutee toujours vers vous vous
aureacuteolaient moins encore que ne vous ideacutealise la deacutelishy
cieuse reacutealiteacute daujourdhui Voire casque dor est plus lourd et plus doreacute quaushy
trefois el la phosphorescence de vos grands yeux bleus
brille dun nouvel eacuteclal cl voile de nouvelles profonshy
deurs n eacutetait troubleacute Je massis sm un canapeacute el il vint
se mellre pregraves de moi _ Je suis tregraves eacutemu vous le voyez nest-ce pas ajoutashy
t-il lregraves eacutemu de me retrouver dans ce salon ougrave jai
passeacute de si belles heures de si doux moments de si chegraveshy
res anneacutees 1 Tregraves eacutemu de celle minute attendue appeleacutee deacutesireacutee
tant de fois el dans laquelle jai tellement de choses ugrave vous dire mais les paroles que je prononce ne corshyrespondenl pas il celles que VOlIS attendiez peut-ecirclre
el elles exprimenl si mal loul ce que je voudrais que
vous compreniez Je sens heacutelas quil esl facile de ne pas saisir le
bonheur qui passe
~-l j1 Jl-j1J Tl Jl Q
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 35
Et jaimerais savoir parler seulement pour ouvrir voh e agraveme el si vous le vouliez Lien ouvrir voire cœur Je menivre de votre preacutesence Michegravele mais je crains L
Jai une crainte affreuse deffaroucher loiseau melshyveilleux le papillon bleu
- Taisez-vous dis-je en liulerrompan l laisez-vous Andreacute Pourquoi vous laisser entrnincr pal vnlre penseacutee de poegravele avant de savoir ce que nous pourrons ecirctre lun pour laulre Apregraves une aussi longue seacuteparation
nous avons changeacute lous les deux el nous ne
nous connaissons plus Inlellectuellemenl jai parcollru
de grands espaces el le lieu de mon repos actuel est hien eacuteloigneacute de mes songesdautrefois
Aussi avons-nous preslllle il nous deacutecouvrir mainteshy
nant Parlons librement explorons ensemble les plus
complexes horizons de noire penseacutee mais croyez- moi
ne repren~z pas le dialogue ancien 1lt1 011 VOliS lavez laisshyseacute sans lenir compte du temps qui dans nos ucircmes il
depuis fail gerrnlI des floraisons ncuvelles
- Commenl pourrais-je VOliS parler librement 101sshyque Ioule mon inlelligence est annihileacutee pregraves de vous
par lextase de Illon cœur ardent cl enthousiaste
iumll~ ne sont pas des mols qui peuvent nous lapproshy
cher lun de lautre li mon amie ma chegravere amie
Le silence seul est leacutepanchement veacuteriluhle dies
yeux les yeux parlent si eacuteloquemnu-nt la langue de lacircme 1
Heureusement grand-pegravere entra agrave ce moment el intershy
rompit une conversation ougrave il IOPSUle quAudrlaquo sex alshytait je me sentais de plus en plus Iroide calme indifshyleacutereute
bull
jJrr
~
Il il III 1 1 r-~ 1] 11 Jl TU J~ J 1 ~ ~( bull ~
36 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ledicircner fut bientocirct servi el pendant Iout le temps quil dura jc me confirmais de pins en plus dan s cette conshyviction que jamais jamnis Calvis ne serail lOUI moi aushy
tre chose quun ami
Grand-pegravere et lui parlegraverent avec animation de la musique en Allemagne ougrave Andreacute avait passeacute six mois de la Chambre des Deacuteputeacutes et du Suffrage universel de Sarah Bernardt de Rostand des religions et de Mahoshy
met
De temps en temps je disais une phrase quAndreacute
approuvait toujours en mentour~rt dun chaud regard
de tendre et muette admiration
Mais une voix criait en moi que toute la partie la
plus haute et la plus feacuteconde de mon intelligence celte partie soupccedilonneacutee de moi seule cette vic pr(sque inconsshy
ciente encorequi me met en rapport avec lau-delagrave de mon ecirctre celte vie de certitudes mystiques de visions
merveilleuses dintuition nette et preacutecise cette vie Inshy
tente encore spiritualiseacutee mysteacuterieuse et profonde ce neacutetait pas Andreacute qui pourrait jamais la comprendre
la satisfaire leacutevoluer cc neacutetait pas Andreacute ~ui pourrait
jamais la cultiver et leacutepanouir ~
Lorsque dans la soireacutee grand-pegravere nous laissa dt nouveau seuls ensemble au salon Calvis reprit sa place
sur le canapeacute et avec une ardeur contenue il me deshy
manacirca
_ VOlllez-vol~S eacutecouter une leacutegende un recircve un
poegraveme qui me hante et que je nai pas eacutecrit 1
Je nosai refuser et il commenccedila
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL 37
- laquo Le lIalde recueillait avec ivresse le chant inteacuterieur Ie Iui versait sa lVTus~ O si tu es aimeacute disaitelle ruyonnc 11 Ile dlmallde pliS autre gloire
laquo 101 Elle la Terrestre qui taime deviens Inrt ct gllllld sois henu ct gillJde loi
laquo Crois Cil Elle iuvincihlcmen l el quelle soit ta magishycienne
laquo Tu contempleras son image radieuse et tu seras conshysoleacute
laquo Tu le suuviendrns de ses paroles douces et tu seras fortifieacute
laquo Happelle-Ioi Cest Elle Elle lunique la seule femshyme que tes yeux ont adm ireacute dans ce monde la seule que Ion ame a choisie la seule que til chair il deacutesireacutee
Celle-lit enfin qui sc donne il toi pour toujours COIlshy
finn te
laquo Sois fidegravele il la route quelle a traceacutee de sa main
cheacuterie et marche ardent vers le but sans voir le monshyde
fi Pour Elle
laquo lII jour III lallras conquise alors 10111 sera cuhue
et merveilleux raquo
Et voici JIU le Barde reacutepondait il la ~]ust en penshysant il sa hien aimeacutee
laquo Sur lin feuillet amoureusement choisi lhistoire est grllveacutee de nos amours ct de mes souffrnnccs et des lutshytes et des recircves
laquo Mon amour sy reflegravete mon cœur sy (st envole en ses plus hau taiues visions
laquo Cest la couronne de mon œuvre cest le livre dno mour
Il
_~__~==========iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiliiiI(iir--TT1rnliiumlmiddotlfllmrJInnlllllllll11111I_1_1bullbullbull11111111111middot11 bullbull 1 1
J -~ --1i1I~~~~~) J J 1 ~ ~ ~ 0 bull
ss LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquoltJe lui donnerai au jour beacuteni ougrave nous serons lun agrave lautre pOlir quelle y puise la confiance et lamour la fideacuteliteacute ct lenJhousiilsme la reconnaissance et la joie
( POUl quelle y apprenne la ~randeur de ce qui nous unira la merveille -de notre chaine dor lardeur de
ma penseacutee laquoSeule Elle le connaicirctra Et ce livre sera comme notregrave
jardin secret
laquo PJ1rc magnifique ougrave nous nous promegravenerons souvent ravis loin des foules loin des regards seuls seuls enshy
tre nos acircmes enlaceacutees en Ire nos COlPS attireacutes
laquo Irreacuteveleacute ce sera lagrave le coinecircde mystegravere ougrave lon se
retrempe aux jours de deacutesespeacuterance la fontaine damour
ougrave toute plaie sefface
laquo Le talisman fait de son acircme ougrave toute torce resplenshydit il sera le secret de la force silencieuse il SHa le lien indissoluble que nulle penseacutee indiscregravete naura souilleacutee
laquo Et apregraves avoir mis tout ce que jai de meilleur tout
ce que je sais de plus grandiose dans ces pnges jen ferai mon chef-dœuvre copieacute de ma main et je le
donnerai agrave mon amie
laquo Et un jour nous le lirons ensemhle en face de la
mer immense ct bleue SUI la haute falaise laquo Et middotpour qui~ ne soit pas profaneacute parce que nous
laurons graveacute dans nos acircmes je me legraveverai dans un geste royal et grave je lancerai dans Jabicircme lenfant
cheacuteri de ma penseacutee
laquo Cal ce sera un signe que jaurai renonceacute ft la 1510ishyre du monde pour la gloire dEUe
~~--- ~ )
DB LIDEacuteAL 39LA CONQUEcircTE
- Cc livre
Et un long silence accompagnera sa chute tandis quil
pll~sera magique eacutetoile dans le ciel recircveacute de notre recircve D
Apregraves un moment soudainement timide Andreacute ajouta damour il est presque termineacute Cest ma
vie Ile ugraveeux anneacutees celle des heures de meacutelancolie comme celle des heures despeacuterance
Le lirons-nous ensemble Michegravele avant que ne lenshysevelisse magnifique tombeau la mer fgtlysteacuterieuse proshyfonde insondable gardienne eacuteternelle de ce secret rashy
dieux de ce deacutepocirct sacreacute
Il parlait avec tant damour avec un prodigieux et
si tendre cnthousinsme que jen eacutetais troubleacutee et quun
instant jallais mecircme me laisser eacutemouvoir par lideacutee de cette œuvre damour conccedilue neacutee pour mourir et
mourant afin de lester le confident SIIcircl et fidegravele de deux acircmes unies
Mai1 aussitocirct je sentis plus fortemcnt encore latmosshy
phegravere miegravevre et presque malsaine dont cc scntiment mentourait
El (lune voix donce qui cherchait agrave atteacutenuer IJOIII
mon ami Allereacute ln rudesse dune pensee tellement eacuteloishyglllC de la sienne je Ini reacutepondis
- Ecoulez-moi Andleacute je vais vous faire de la peishyne p~IICC (lue je le sens un poegravete est comme exteacuteriorf
seacute dam son œuvre el ne pas vibrer il lunisson des mots et des rythmes ougrave il a mis sa vie cest le blesser
Et pourtant je ne puis laisser passel vers moi sans vous avertir leacutecho middotdun monde (lui esmiddott le vocirctre et qui manque non seulement de lumiegravere rnuis encore de force et de vie Heacutelas cest ainsi que les jeunes-gens recircvent
41
~44td-~Jp-middot~ 1 1 JI -- --)~ ~-
40 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Andreacute je VOliS parle ici avec mon amitieacute sincegravere el loyale
Vous pourriez ecirctre lin gl1lnd lin tregraves grand poegravete Vous savez laire eacutetinceler les mots passionneacutes et en vous eacutecoutant jai lII devant les jeux des visions de poulpre dazur etdor Vous savez faire jouer comshyme un orchestreles syllabes dansantes VOliS pouvez tailler lin vecirctement splendide capable de rendre visible limshypalpa ble Ideacutee
Mais votre Ideacutee nest pas assez haute pas assez pme [HIS assez coulageuse
Ce mot des anciens La Vertu cest aussi un monde un monde reacuteel celtl-Iagrave un monde qui se cousshyfruit
Vous vous consumez dans une sphegravere passionnelle que vous prenez pour le Cie
Cest de cela (lue je voudrais vous avertir Ce nest pas comme un artistc exteacuterieur agrave son œuvre qlle VOliS deacuteroulez lextase enfiegravevreacutec de votre heacuteros afin de nous montrer par de-Iagrave des horizons plus calmes votre heacuteshyros il est vous-mecircme vous lout entier VOliS ne conshycevant pas une destineacutee plus grandiose que celle de sabicircmer dans un gouffre damour
Cest donc vous-mecircme votre caractegravere voire philoshysophie votre infime conscience des choses (lui ecirctes enshyveloppeacute de ces bru mes 1011 rdernen t coloreacutees comme lin coucher de soleil pal 1111 soir dorage
Et moi jc suis hors de ces nuages
-Parce que VOliS ne maimez pas dit-il avec beaushycoup de tristesse
1 -f
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Laccent interrogateu- avec lequel il prononccedilait ces paroles me posait une question qui apportnit vers moi un e implorante attente Et comme jene me deacutecidais pns il reacutepondre reacutepugnant il la moindre dissimulntion mais troubleacutee pn cotte soulla nee _(II i III1jUlelltail aushypregraves de moi Andreacute ajouta dune voix mdallcoli(lue
- Oh quelle chose navrante que de revivre heure par heure les chegraveres journeacutees de Iautretois [ojeux de cet autrefois (IUC (lVPC UII peu dhuhileteacute 1111 peu de tenncite 1011 aurnit pu taire UgraveIlIP~ plus longtemps lon aurait pli deacutelicieusement prolonger et qui vivrait encore peut-ecirctre
llnintcnaltmiddot El alors ail serail heureux comme on lddt ~ ftrefois soi et Elle Elle la petite fille (lui riai] et qui
chantait qui ne sinquieacutetait pas de grandchose qui soushyriait aux regards de vos yeux et il la pression de votre main Mais non tout cela est envoleacute envoleacute plus loin
que les oiseaux snnvages que VOliS avez vu passer au-dessus de votre tegravete ail deacutebut de lhiver dans ICIlI luite vers les pays du Sud Tout cela est perdu perdri plus deacutefinitishyvement perdu que le navire (lue VOlIS avez vu sertir du port joyeux les grandes voiles deacuteployeacutees et qui nest jamais revenu jamais Que personne ne retrouvera parce que les vagues lont briseacute et quil est tombeacute au Iond d(~
la mel en lin lieu inconnu Et ill a 1111 morceau dl
mon lime dans ce navire perdu
- Vous ne doutez pas vous ne douterez jamais Andreacute je le sais de laffection profonde el dollce que jai pour Illon ami denfance Et cet ami si cher je veux quil me gnrde toujours une grandemiddot r place dans ses amitieacutes ~lais je voudrais je voudrais tant vous inspirer du coushy
-------------------
-- -- 1 ~ ~~-~-~ - bull 1 III ~ III T~r0
-~~
LA CONQuecircTE DE LIDEacuteAl 43 LA CONQU~TB DB LIDEacuteAL42
une force intense que je sentais monter et vibrer en rage de la puissance de vivre et de lutter aussi de la moi je l4r sa main dans la mienne et la serr nnt viveshybelle puissance feacutecondante et illurninatrice ment je tarlai plus haut en le regardant bien en face 11 Yadans le stoiumlcisme une racine tregraves vraie que neacuteshy
-- Si vous vouliez Andreacute si vous vouliez Compreshycessite le principe megraveme de la conselvation de la vie On peut tirer le beau et le bien de toutes les situations nez quels ltSOIS sublimes sont enfouis dans voire resshy
plendissante jeunesse et recevez de moi ce soir jeet comme la dit un penseur Nul na jamais le droit de deacutesespeacuterer puisque nul ne connaicirct avenir Mais il faut vous en prie un peu de ce courage lui pourrait illushy
miner votre chemin actuel un peu de cete foi enenvisager les eacutevegravenements avec couruge se chercher un nous-mecircmes celle foi qui transporte les montagnesbut heacuteroiumlque el suivre une voie droite qlli monte sans
Je voudrais pouvoir loucher voire agraveme et lallumer cesse
Accomplir un nohle ideacuteal cest toul ce qlle lon nouve comme un flambeau
de plus henu en ce monde Ne lu-isez pas ne brisez Ecartez ces vilains nuages ces brumes tipnisses et jamais rien que la vie OIIS don nt mais transformez troubles dont je vous parlaisfout-agrave-Iheure cl dont
je suis hors non pns seulement comme vous le croyez souvent Oh savoir se trnnsfomcr assez vite assez facilement parce que je neacuteprouve pas les mecircmes sentiments que
ceux que vous eacuteprouvez poar moi mais surtout je liens Andreacute pOlir ne pas snnnihilel contre les obstacles de agrave vous ll dire palce que j~ ne partage pas votre penshyln route Etre comme leau qui prend III forme du seacutee et que jai des conceptions inlellectuelles tregraves diffeacuteshyvase qui sait toujouls IrOUCl son niveau et qui ne renLes des vocirctreslaisse aucun vide Agil pour le mieux parmi les cirshy
constances avoir plusieurs plans pour la coftstruetion Le point culminant de la leacutegende que VOllS mavez de leacutedifice savoir prendre les mnteacutelIumlauJgt accessibles fait connaicirctre le geste somptueux qui la termine est et sans chercher lirreacutealisable ploglesser toujours cornshy une erreur me un homme vraiment digne de ce nom
Dabord vous preacutesentez cornmc une apotheacuteose la Un homme mou ami senllzmiddotvous comme moi tout
destruction dune œuvre dintelligence et damour Moi ce quun homme peut taire et peut devenir je ny vois quun sacrifice inuLile et coutre-nature une
Quelles limites existe-t-il aux lointains norizons de deacuteformation de la sensibiliteacute normale un acte reacutealisant
la penseacutee humaine une penseacutee chimeacuterique et deacutesordonneacutee Et comme Andreacute Calvis palaissail accableacute dune
Cest la neacutean tissement de reacutealiteacutes passeacutees preacutesenteslourde meacutelancolie dune deacutesillusion immense el cruelle et il venir pour lexaltation dune minute vaine
un sentiment de pitieacute me peacuteneacutetra toute Naurampient-illi donc jamais deacutesireacute le relire ce livre fJe meacutetais promis de lentourer despeacuterance et avec
L J J ~ l ~ f ~ t ~ 1 ~ 1 ~ ~ i 1 i ~ l~-~~--n n Ti
~5u r CONQUftTR na rmEacutee middot1 LA CONQUftTB nR LIDEacutelt
1
Non La pleacutenitude de la trame de la vil nest pas une chose si facile il atteindre quon puisse saul
pat neacutecessi teacute en (lnOlII1 des fi ls
El pourquni ne pas II~ donner aux hommes I~I~ poegrave
me chef-dœuvre ougrave tant deacutenclg-ies sont venues sinshy
carner Pour le poeacutelc et sa compagne ces pa~es sont vecues
donc deacutepasseacutees Ils vont vers des hauteurs nouvelles laissant pOUl
ceux qui les suivent cette marche dalhagravelle Toute la vie senchaicircne el se reacutepond rien nest
fermeacute Et ceux-lit dont la puissance laspiration le
geacutenie sont mulliplieacutes pI lamour ceux-Ill ont besoin
pOlll lenr lorce duellc dun chard dexpansion daushy
tant plus grand LIgOISIlI( il deux lst reacutealisahlc cornshy
me toutes petitesses mais il ne peut avoir iicu de
eontuun avec lheacuteroiumlsme el le suhlitue ~
Toutes mes penseacutees sont tourneacutees vers lutiliteacute tout
mon ecirctre seacutecrie ( Que la vie sail plus helle que
lhumanitlaquo soit plus nohle )J El toute action qui ne
tend pliS vers cc hui me parait un gllspillage cl une
perle Au plus haul point le poegravete le formateur le roi
dl la rcalisalion active est chargeacute dune grave resshy
pnnsnhiliteacute Cest lui qui jel tc dans le monde sous
une forme intenseacutement attractive et assimilahle les
ideacutees Et dans le vaste conflit lideacutee de lHarmonie na
jamais assez dannonciateurs et (1( hagraveaulls _ Ah Michegravele seacutecria Andreacute en portant arrlemshy
ment il ses legravevres mil main qui encore serrait la sienne moi je vous dis si vous aviez voulu si vous aviez voulu
Je suis plus plastique lue VOliS ne le pensez vous minfluencez tellernent Et je reccedilois voire ideacutee et jen suis dynamiseacute comme Il un grand jet magneacutetique lui deacutejagrave me transporte et mexalte
Si vous aviez voulu si vous aviez voulu Cest VOliS qui auriez eacuteteacute mon guide et mon appui
ma III use Illon iuspirah-ice Oh vos chegraveres penseacutees
hautes et braves comme jaurais eacuteteacute heureux et fier de les vegravettr de mots fervents lumineux passionneacutes
eacuteblouis
- Mais si vraiment je puis un instant aider mon ami poegravete pourquoi croyez-vous ndleacute que je ne le
voudrais pas
Il se meacuteprit un peu ou peut-ecirctre voulu se meacuteprenshy
dre sur le sens de mes paroles et il reacutepondit tout bas
sans lever les yeux sur moi - Quel espoir merveilleux voulez-vous donc encore
laisser dans mon cœur
Aucun autre Ilue celui (le vous ecirctre toujours une
amie sincegravere et fidegravele - Vous concevez alors des relations veacuteritables contishy
nuant agrave exister entre vous Michegravele qui De vibrez quashy
vec votre intelligence et 1 malheureux qui vous apshy
partient tout entier et dont la seule raison de vine
eacutetait leacutetoile despeacuterance quil avait mise en vous
11 parlait segravechemen l cette fois dun lOB ironique
lui voulait cacher son chagrin Je repris avec douceur - Vous avez tort de me parler avec tant damertushy
me Illon ami lorsque vous devriez comprendre la soutshyfrance vive que jai de lOUS aire du mal
6
~ l _ -J l ~~~11
LA egraveONQUirE DE LIirEacuteAL
Je veus ai dit ne brisez pas ne brisez jamais rien
que la vie vous donne maistransfolmez souvent
Comme lon a tort de couper des liens lorsque ces
liens auraient pu modifieacutes par la volonteacute et suivant les
eacutevegravenements temeurer toujours La vie passe les cilconstances ne se r~trouvent pas
deux fois les mecircmes et il est presque impossible de regraveshyfaire plus tard quand on les regrette les anciens liens
briseacutes
Andreacute minterrompit gravement _ Pensez-vous q~e facilement jarriverai comme VOliS
le deacutesirez agrave faire fleurir mon amour en une saine amitieacute
surtout surtout Michegravele si un eacutechange actuel subsisshy
tait entre nous
Ne songes-vous pas agrave Ja douleur que jemporte ce
soir en YOUS quittant apregraves que vous mavez verseacute tan t
de beauteacute tant de gracircce tant de lumiegravere et lorsque
telle quune pluie llautomne deacutelicieuse et cleacutemente vous avez baigneacute mon acircme deacuteserle assoiffeacutee avide
comme ~ne terre brucircleacutee apregraves un lourd eacuteteacute
Comprenez-moi je ne veux pas dire oh 1 loin
de lagrave quil soit bon de jouer pour un temps avec lil shy
Iusien de ce qui ne peul pas ecirctre Tant que YOUS
souffrirez en recircvant agrave vos recircves eacuteloignez-vous retirez
votre penseacutee si cest lagrave Totre moyen le plus doux le
plus sucircr de tranformntion Oui certes nous avons droit
ehacun agrave ce qui nous est propre
Seulement si vous Touiez me croire que cet eacuteloishy
gnement soit tempolaire que cette seacuteparation nait rien 4-irreacutevocable Car il me semble que la douleur ne peut
LA CONQUftTR DE LIDEacuteAl 17
avoir dacircpreteacute dans des liens qui se perpeacutetueat et
que en deacutefinitive tout ce qui unit est un bienfait
Mais je vous sens las et je voudrais savoir vous dire quelque chose de large et de sain qui vous fasse vraishy
ment du bien
Je serais moins triste de la deacutesillusion que je vous
cause si vous vouliez garder en souvenir de moi un
peu despoir un peu de force et UD vouloir defforts
URe foi rebuste dans la vie si impreacutevue si riche si
ianombrable
Soyez eacuteneacutereux envers elle onnezmiddotlui abondamment
faites de la joie autour de vous faites jaillir partout
de lespeacuteraace ne chutez dans vos poegravemes que le
courage lalleacutegresse le respleadissement des mershyl
veilles humaines appelez deacutesirez attendez eacutevoquez
sans cesse le bonheur 1
Il viendra on jour mon ami 1 je vous le promets
et je vous le preacutedis 1 Neacute formez rien en tristesse et
en deacutesespoir entourez-voas dune atmosphegravere sereine
tout apprschera de vous en beauteacute en douceur
Ua poegravete agrave dit Œ Celui qui chante au dieu un
chant despeacuterance Terra SOR vœu saccomplirraquo
Aspirez lenthousiasme soyez vibrant de vie et palshy
pitaat de foi Soyez fort pendant leacutepreuve
Et je vous auaonce en certitude que votre jeunesse
silluminera bientocirct dun retour splendide de la desshytiaeumle lt
Et je parlai je parlai loateps eacore sentant que
je tenais egrave soir comme dans mes maias Le cœur dhomme qui Tibrait agrave cocircteacute de moi j longtemps encore
9
J
LA CONQUEcircTE LIDiAt48 DE
je renveloppai de visions radieuses comme on en vemiddot loppe chaudement lin petit entant qui tremble de troid
car sa meacutelancolie cherchait il recevolr mou optimisme et sa lassitude buvait agrave flots [eacutenergie cl lenthousiasshy
me dont je cherchais agrave le reacutecontor ter
Puis GIandpegravere vint timidement nous interrompre
Mes enfants il est pregraves de minuit _ Heacutelas murmura Andreacute dune voix tregraves basse que
seule jentendis heacutelas heacutelas heacutelas Voici avant longshy
temps ma derniegravere joie finie
Crandpegravele un peu gecircneacute souriant dans sa barbe blanche un peu inquiet aussi reacutepeacutetait avec bienveilshy
laace __ ~lons mes enfants Dites-vous adieu Et VOliS
Andreacute venez je vous accompagnerai avec la lampe
jusquagrave la porte du jardin
Puis il sortit emportant la lumiegravere poseacutee sur le piano NOliS eacutetions mnintenantdebout lun devant lautre
Andreacute et moi dans une demi-obscuriteacute relativeIeacutetais
eacutemue car tr~s violemment je sentais palpiter le pauvre cœur dAndreacute comme un oiseau blesseacute aux battements
dailes douloureux II sapprocha dun cornet de cristal poseacute sur la conshy
sole de marbre il cassa la tige Jun lys tt me dit
_ Vous permettez que jemporte ce lys Michegravele
il vous ressemble si pur si eacuteclatant si fier avec la spiritualiteacute dc toute Ba blancheur avec son grand cœur
tout en or
Sa voix si triste mimprcBsionnait
Cardez-le reacutepondis-je doucement
il 1 1 1 l J
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Son COlm dol renfertne un mot pour le poegravete laquo COli jltlgc ct Espeacutelltlnce raquo
Alors il hnisa pieusement Iii llcur puis il O1UImlll8 apregraves un moment de silence - IgteacuteSOllllilis ce mot sera ma devise
Et il sot-lit lentement du salon agrave reculons h-s yeux fixeacutes SUI moi comme sil voulait emplir 10llt son ecirclre el
tout son souvenir de Illon image il cet instant
Que la vic est mysteacutelieuse plisltllIe ail milieu de ccLle villlanie eacutemotion hegraves helle ltpli cherchait 1 me peacuteneacutellcl je me sentais entoureacutee pal quelque chose dinvisible qui misolait et jeacutetais appeleacutee loule vers lAuhc le RlHlieux (Ille je connais el ltlIC jignore
14 Juill
Depuis quelques jOIIlS jiiIuml peu de temps agrave moi cal je sens glillldpegravelC soucicux et firligueacute cl jc vis beaucoup ashy
vec lui Pauvre cher ganJpegravere Il ma tout-agrave-fail appIollveacutec dl IlC pas avoir retardeacute III franchise de ma
deacutecision il Audleacute puisltjlle jc sentais si nettement (lue mes
sentiments Ile leacuteponJlllicut jamais aux siens Seulement il leglclle hCiIUCOUP jc crois quil en soil ainsi Cu il a
une protonde envie dl me voir tIlHIVlt~1 bientocirct mon honshy
hCIII cl puis il alme tendrement cc fils de ses vieux amis
Il ml parle sn liS cesse dc ses idees SUI la vic ougrave les lem mes selon lui ne peuveu l ecircti lt~ complegravelcmcnt hClIIcusrs (lue dans lin mariage damour il vaille aussi le malillgc tregraves tocirct dans la toute jeunesse union infiniment plus normale plus saine pour la santeacute merule ct physiquc dunc rnce
50
JI-1 j 1 j iumlI -l r--l l-~ lJ -J r-J r-J JJ bull
L COSQUEcircTF DE L1D~AL
f
Hier jai reccedilu un mot tleacuteidculi de Jane Iousta Elle
me demande de bien ouloir ehantCl deux duos agrave une ~
soireacutee musicale qui a lieu chez elle le ~O Juin avec son amie Lucette Pager Iii tille du peintre El e1h~ insiste si
affectueusement que je nv CuX pas refuser Et agrave linstant jOllVlC celte lettre ltlEdmeacutee Torguegraves
1) lujn Manoir (le Ker-Nollhi1
( Oui Cheacuterie nous sommes deacutejil il Kel-NoUheumll laman
Guy et moi Notre tleacutep1 t sest lkcideacute si sllhitement que
je nai pas eu megraveme le temps de cauri temIJIasser Mais
Papa vient decirctre forceacute Je nous quitter encore nue fois
pour Mew-Y 0 11 Et comme il avait besoin de passer
quelques jours 8 son usine de Saint-Nazaire avant sa
longue absence (il ne sera salis loutc dl re lour quen
Octobre) nOliS lavons accompagneacute jusquici tous les trois
et il a preacutefeacuteteacute nous lluiller il Ker-Nouhi1 tout installeacutes
pour leacuteteacute qu de nous iuisscr laire sans lui 1111 Illois plus
tard le voyage compli(Ill~ (le Pai-is jusquici Aussi nous avons nIisIS un IOIlI de torce en expeacutediant
tous les preacutepillatifs en lin [our et une nuil Avant hier au SOil mon cher Papa nous li quitteacutes tregraves
courageux mais 1011 triste El maintenant 1aman cl moi nous tronVODS sans
nous lavoue l la gande maison bien grande et bien vide 1
Pour-lan l le mois de luin est une fecircte perpeacuteluelle un
eacuteblouissement enchanteur et le jardin nest quun fouilshy
lis de roses les roses roues et les roses blanches les
roses theacutes et les loses roses qui nssaillenl les vieux murs qui enlacent les branches qui surmonlent les
LA CONQURTE DE rmEacuteu 51
cimes des jeunes ormes et des ch(~nesliegraveges el qui se balancent au vr-nl pleines dUn parfum IOIIld comme de grands encensoirs
Puis devant la maison au hou] du champ hordlt des tamaris en 11(~UIS la Illel emplil jhMiwn la Iller
merveilleusom-ut changeante opaline el aZllIe tranquilshy
le ou anxieuse avec ses innomblables valiegravels de nuanshyces et sa musique eacuteternelle
Bientocirct Juillct i et alors tout lepanouissernent Iles
genecircts dQI des bluyegraveles des lavandes dcs cbegravevrc-Ieuilles
des œillets des verveines ci des grands lys sous le petit bois
Et je vienS te demander Michl~le si tu ne voudrais pas loi aussi veuil il Ker-Nou heacutel dans cc cortegravege de leacuteteacute
Cest mon recircve depuis longlemps tu sais de tavoir id
Ton cher grilndpegravele aiderait si hien ~lnan lemplir
les heures cruelles de Iubsence d loi ilia grande cheacuterie
lu me donnerais tant de joie tant de bonheur
Je ten prie vile un mot 111I mol qui nous tela 1011shy
ner ici de joie ct dimpaticncc L Cal jai lanl de choses agrave le dire raquo
Jai bien envie moi aussi ltatTivet Jans lenchanshy
tement de Kel-Nouluumll ail milieu ltIII cortegravego de leacuteteacute
Et pal celle lettre jni limpression dt~Ite a ppele vers
la Bretagne dune maniegravere si torle ri si prntoude ltlle
cela metonne presque malgreacute lamitieacute qui me lie t Edmeacutee
Mainlenant je me sens euveloppclaquo comme pal la
main dune feacutee de milles petits fils lumineux invishy
53
-- JI ~-- - JI JI JI J n LA CONQllEcircTR DE ImEacuteAL
sibles qui mattirent qui mattirent doucement mais
invinciblement
bull
16 Juin
Apregraves une longue seacuterie dexpeacuterimentations il ce sujet je suis arriveacutee fi me convaincre quc [es songes de la nuit sont dune infiniteacute despegraveces diffeacuterentes Comme
il y a plusieurs genres de sommeils qlle lon commence un peu agrave connaicirctre en sciences psychiques il y a plushy
sieurs tenres de recircves Dnbord le recircve ordinaire qui me paraicirct purement
ph) sique comme les exlrnva~nnl(s penseacutees du cervelet
pendant le sommeil tandis JIJ( la partie controcircleuse du cerveau est endormie comme hien des cauchemars
aussi qui viennent simplement dune digestion difficile
ou dune couverture trop lourde sur le corps
Cependant il y a dautres recircves (lue ceux-lagrave dont tout
le monde na pas connaissance d ailleurs mais seulement
les personnes sensitives Et ces regraveves me semblent venir dune partie inconsciente de notre ecirctre qui e se reacutevegravele agrave
~
la part ltle nous-mecircmes la plus nor-malemenl ctnsciente
et active que lorsque celle-ci est elllo)mie
Je connais une dame tregraves intelligente et aussi meacutedium
remarquable qui est toujours preacutevenue la nuit en recircve de tous les eacutevegravenements importants heureux ou malshyheureux qui arriveront dans SR vie ou dans la vie de
ceux quelle aime quelques jours plus tarltil
-~
i1
r LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Je connais aussi une petlte liJe de douze ans qui Il eu if y il deux mois lin songe asse curieux elle recircvait qll(lle cnlendaitllne voix lui crier Iorterncnt dans 101 ciJe Legraveve foi vile 101 lit 111 teacutecrascr
Acceplallt cel extraordinaires paroles avec la faciliteacute dont on il(elleiJlt tIi ri( souvent les plus soties ideacutees ell(~ IlIt prie rlllll irdelse ICllelll el se levant
precipitamment cuu ru t jusquau land de sachamhrc en
criant Elle J eacutetait il pein arriveacutee (1111 les g)OS ornements de bronze SlPP0llillll les lideillix de son lit tombaient dll pleacutellond en Inisant 111 tracas (pollvantablc
Le rlornainn rlu Bel est ceres illimite
Le monde est infini Le monde esl dune cornplex ie infinie
El je sais et je sens el loul mon (Ire atlirmlaquo ltflle certains de mes recircves sont des eacutealileacutel
Rt~aliles dun autre ordre sans doute actions acles et pensees existant POIl ainsi dire dans un domaine dif Ieacuterent un domaine (li est je leur existant dans une
partie plus subtile du Cosmos mais une partie qui
esl aussi reelle par lnploI il elle-mecircme quune main
physique est reacuteelle pal rapport il des yeux physirJlles Tout esl )cJalil
Celle nuit jai fail 1111 de ces recircves El il ma particullshyegraverement impression lieacutee
Jeacutetais seule Sll une haute laaise dans IR nuit imrneacuten se sans lune el sans eacutetoiles
Devant moi je devinai dans Jombre la mer-houleuse qui IrappnIcirct je locher et qui mariait sa plainte terrible aux lonis geacutemissemenls des vents
----
__ bull - J1-_____
1
04 LA CONqIJEcircTI DE LIDEacuteAL
UIIC alxid~ metreignait ct aussi une iltenle comme lespoir dun honheur
TOIII il coup le dei parucirc] souvr-ir d lin jel de lumiegravere
rudieuso en descendit qll1 Irancha lohscuritc
Puis 1111 nllage dDI el dlzu duue merveilleuse splr-nshy
deur se 101l1li au-dessus de caux illuminnn la mer
Cc nlligc apportait 111 grand calme (pli mc peacuteneacuteh-a Ioule cl qui ilpliia megraveme h-s flols pl les vcns
Alorsl1l milieu du nuagl huuiucu x je vis se (orrncr
progressivement et de plus Cil plus nettement lima~e
dun jeune ho III 11I( I(UII( rcsplcudissaute beauteacute cl donl
la physionomie n()hll~ el grlve sous les longnes boucles
bull1LA CONQUEcircTE DK 1IIgtJlAL 55
-----shy
o viens agrave moi f ocirc viens agrave moi raquo
Et le nllag-e Iumineus sembla se diwlldlc dans leau t lappilli Iio n ceumllete dispnrucirct
Comment rxpillllIeacuternolion jnmuis ltssrdie 11 jlshy
follvili lII (nlellllili Je 1II111mlllt de lltic voix iu ouhlinshy
Idl Cette loix lt111 i(~cnls tendres et gruves ((Ill voix
1 l1 i Il(lai (lII C()IIII1l(~ I~ prolongemcnl (1t linle eacutem lit
Des lthos(s infillis ct innomhrahles Sl~ pneisairnl Cil
moi remuees pal ClS PillOJ(S El ce mct laquo Souviens toi
avait leacuteveilleacute au fond d(~ moi-megraveme tO~lt UII pilSSC loin fain vndormi dalls IIIOIi ecirctre
Drs choses infinies cl inllolllhrahks contilluellcs veshybrunes semhl il contenir des mondes de Iorces el des mondes de penseacutees
Ses )(UX dor (jUII( protoudcur iuuumlnic rndinnts cornshy
mc deux (Ioills melllplissaient i1(middotspuumlilnce El lorsquIl mc pilrla une all(IsS(~ inconnue lit vibrer lout mon ecirctre
Souviens loi nie Iii-il Souviens loi Depuis laquoes siegraveshy
cles ct des sicclcs ln es il moi d (Ppllis des siegravecles el des
siegravecles j(~ tappilrlicns ilia hicn-aiuHl
Cherche-moi EL viens il moi
Sur la terre jardin en triche sur 111 lerre demeure
des hommes joyau des dieux je li1t1ends
o viens il moi
Nous avons dl plll I(~ monde dl~ ~Iarllirs choses il Iaire
ensemble (1111 de J(~t$ lalisel dl conquecirctes 1 pourshy
suivre (iioCspoils il Inn-e naIcirclre dc deslins il magnifier
Je reacutecoltes il moissonner dl victolres il remporter
nues de tregraves Ioin passnIcircPIII pilssairlll tians mon souvenir
cl sy pressaient lII foule avec des visions dEgyple et dCnde anlique
Ellolsle lappillilioll ceacuteleste disPilllIcircI la nuit etait
devenue le jou r Les eacutetoiles avaient dahord illumineacute le frlmnrncllt dc leurs millions deacutelincellcs dal puis le
solril seacutelai leveacute dans 1I11(~ lespielldissalilc aurore lfui PlIlflouplilil despIII11P lholizon dlloui
~Iols je meacutevcillai dans mil chlllhe close penetree dlin houheu r selin el mClveillellx
91 Juin
Oh 1 Silliall dl VII r k p01l1 piano lI violon crs pages si compldes de 1lIIlIS el L1sflili1lions ces cris de ddr esse June ame incomprise cette seacutereacuteniteacute espeacuteshy
tt
r _
- bull bull bull bull
iHi L~ ON(~ J Jh I~ DR LID( AL LA cUNQurhg UF LlDEacuteAL 7
lalit celle ruclaucoic el lItle glUgraveel charmantes sunrinnt
uvee houleacute devant a plwriil( duue vie qlli heurle le
~eacuteuic r l toutes (es (IIIols huutninr-s 11 dtSslI(CS l(IS
la cime nouvelle elllOle jillilais a lleiu le
Oh lCS plmii~)(s pliass illlpllises lillIes qui
surtenl du nI( el illi Il pl~IIII1l1 lIl dlic(lIdll l1Icirc plashy
uen l 1I11-desSlIs des ehmes 1 1l1i (lIelellelil (Il lillonnanl
le plus lumineux chern in pOlIr monter pillS halll cucurr
Oh ce second rnurccuu somhle d 11011(11 d IUIIe
la dOlllllll pesante iipn d (11111 qlli (lIilse le 111111
el (sil de lllIlislP lI l(S llvoiles vinlcul cs qlli hashy
versent el flIldelli la nuil 10111 (OllflllIir toutes les torees
du Ciel el ces cnthousinsuu-s dSPIIiIlIC( qui f01l1 sortir
de soi-mecircme comme IUIH)IIs plll la Itmpegravel(~ des sons
lmd igiell x d ((S llili 1(S dOlilolllCIISIS rnvnrc qui ensshy
seul hlqllelll(IlII(SSOI lII Ilrillll lespoir suhluue ri qlli
sillIgloltrd IUlIf has 1111 SIII ~rall 1(ITildl
Perulnu t 1( IllIl1s qui lllllllll si Ilill1Il11I1 quelque
rclI suuvaae el d(sol 1clqlll 11I~1I1le mannir sulishy
laire comin cel IIi dll le ade dl Tristuu javais hier
soir c1I1)I luu Iollsln pns dl moi la mailrcssc de la
maison lui Ille sllIddail vivrlaquo (II SOli 111111 IOIlI It drillle
puissant de les trois lrclIIilrs IlIUITliIX
Sun sourire orgll(illlu vuilai] sur SOIl visilgl dulle
pMen de 111 ilrllll ladlIh~ Jdless( d~ SOli 111)( el lIle
se Illait IOllil~ Irtlit- irnluollih tOCllllie 1111 sphYIIX eacutegpshy
lien dalls ulle mil Iloil( Sllleacute( doIumll 1IlI(Igeail lOllle lil
IJlilllchcul illquidalll~ d sa loillill lit SIS eacutepallll~s d
de ses hnls sl(lltlit1(IUlll nas
Une lose louge saiguail (1 S( mUllIail dalls SUII chigllOIl
deacutebegravene el cdaillagrave SOLI seul bijou
----
- IJe quel dtsil (j~(u portes-tu dOliC le deuil pensai-je
(II la rgil(lillIl hlllliis qlle dam Il lerilalif Ilagilll( passhy
~ilii h~ souvenir Iii Iillliise des phrases irnplugraveis(s cl lilshy
gllS du deacutehut CIS phrases qui sollelll ou reve cl (IIi Ill
peuveut en dscrlltln qui plilll(lIl ilu-dlsSUS des chosls cl
qui dlllc1wlIl lIl lilollllllnL h plus lumineu s ClllHlill
10111 111011(1 plus ha ul Puis la f(wIioll 1Ii11lanlr
de la lil illidc el solilailI Jlltulail (lIeOI~ tl de 1I0l(shy
veau je elllIlIlais ds veux la somhrt silholltll(~ de 1111~
(lui cerfaiuement frissollllilil 1111111 dlHmalillH illg()bsl~ el semhlnlt plIil pillilllIcolC
Puis llllleacutegrello 11glI eornl1len~a El Ct Iul la Iill SOIlshy
liillllr cllIn~ gllI si distillglleacutee ces llpollses tlt~galltes tIlI liHIIO 1111 violon duo tI(~ charmu enjolleacute cl impreacutevu
FIanck 1I01lS peignallt les hadillilgcs dilllUUI tlt~ 11lOs dl 1h(illr( d~ usse]
El 011 lun toup celll elllolle 1lIll1e qui lIOIlS lalll(lIt~ rlillIs ii joie dt ftITt ilplegraves 1ln~ lIlOllts s IIHlIL el
11111 ndosilJlI Siliw de ~Iitlt~ lalgl~lI fOIII (li Iiliss( au CIClIl 111 dlsir d~ 111111 illIioll
1 011 Iii IIlelill(lIse sOllale lIII 11 bien supllilu
l~nllIlt infelpllIeacutee pal e lcmilllJlIagtl liololish umand Cousin el Son paltellilile Pilulo Cegravezan
plegraves lue Lilcellc Pagel el moi IUIIS ellmes charlleacute lt~ jolis dllos de CllilUSSOJl IIne challIallltmiddot lillelle dc luilze
1IIIS enlevil SUl Iii harpe c1l1ollil1ilue L(s DlIlIses SashyCIllS et Plolilnts de DelIIISS)
1)lIdles inrplegtsiolls deacutelicieuses fll-i1i les lUllIlle
cllalll aeacuteriln Comm( I frissoll Illli1ire tlislallillts clmme
Ulle SOlllce Inurlllulalllc paleilles agrave UII soupit agrave IIne
(()Nllflh~ OR lIIlI~ A 1 1~
fumeacutee capricieuse Ugrave une vapellr qui seacutelegravevlaquo des riviegraveres
desseacutecheacutees ougrave Ileurissent les lauriers-roses el viln-anlcs
dune alleacutegTessc de vol dhilonddles qui (kchilltnl dlin
cli sl rldent le ~r(nd silence rlrs nlHIges dalltomne
Ilans C(S 1lilmts lcnls volu pl ucu x in((IIlillS ascI(S
enivres pllSSCll1 cl Iourbillonuuut en lg(S Iaulocircmes
les visions Iltnlallic(s liIIli0IlIltII(middotS el lasses des danshy
seusrs lvdiennes
Milis celle lascin aliou maniugraverce cl malsaine paleacutee de
couleurs faneacutees de deuri-Ir-iutcs impreacutecises a une odeur
dl poison cl de mensonge cl Debussy diffuse dans lair
des parfums subtils et Irouhles
En allant leacutelicitvr III jeune halpisle Il husard d la
cohue mondaine me Iacilif n nn 1(lc-il-I(lt impreacutevu avec
Jane
le n avais pu lui parler encore cl je lui demandai il voix hasse
-- Comment St lnif-il qlll ni lon amie Hose-Marie ui
Edmond (lIld ni lnuleur du 101 Hire ne soient ici
ce soir
Une ombre passa1I1 le hrau visage pille
- Edmond Gaud est en tourneacutee dans le n011 de lAushy
~Ietelre reacutepondit-elle Ouau l aux dellx 811 Ires (cl de
nOUV(llU elle me parugrave pugravelil plus encore) je ne sais pas
grilndchosc le les espeacuterais bien ce soir cest loul cc
Ilue je puis le dircmiddot
11 devinai toutes les souffrances de ma pauvre amie sa
singuliegravere passion pour ce Guillaume Tara et le caprice
de celui-ci pOUl la petite Itose-ecirclarie du Theacuteacirctre Franccedilais
II 1 II ~ 1J I~7
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL ~9
qui avail d chercher il enlever ft Jane un amant si utile pour ouvrir laccegraves des premiers rocircles
Iane ajouta - Tu avais raison ~lichegravele dl~ ne pas aimr-r lIos( 111( Illa si hilII lrahie
Malgl( 1~lIvil que jcil eus je Ilosai pas Cil er moment
lui la issr r voir C( (JlJ( pensais de lanliplllhiCfue Tarn Et je dis seulement
- Tu es si hltIIlt lan e PI si infiniment plus digne decirctre aimeacutee ]lH Ile lonl jamais su la pillpnrl de ceux
qui laimegraverent jllsquf1lolmiddotS Tu peux lembellir encore en
augmentant Il aulant ton esprit de luttes diniliative de
courage dendulallce que lu as souffert de deacuteceptions
dl chagrins de truhfsous dl deacutesillusiolls El tu lenshy
con 1lllilS enfin UII jour la slIll joie l)Iofonde el durable de
la vic un amour eacutegal il celui laquo(IIi sommeille en loi ri qui
lsi encore in lac] el plll palc Cf Ut nul na su leacuteveiller 11I1 amour digne lII fi 11 d( Il posseacuteder toute
iis 1 ce moment le comte Kousln sapprochait
-- Pardon lanlaquo veui llr-z vous occuper un peu de OS
amis cal il est lheure dl failI pass(~r au hu(fltl
El tandis que la noile silhouelle seacuteloignait apregraves ma
voir jeteacute un chaud rcglrd de lendnssp pour aller lljoindre
les groupes qui lranstormaicut ce snir le vaste atelier eu voliegravere le comte Kousta moffrit aimablement le liras
- Quel singulier homme Cfue ce mari affable lt1 comshy
plaisant pensai-je pendant quil me cOR1rlirnlIlail
SUI la faccedilon dont javais chanteacute Comment sexpliquer
de le lles unions Puis je constatai combien il avait
vieilli l maigri JI il peul -rire beaucoup souffert Qui sait
bull 1---- middot - 1 bull i
~ 60 LA CONQUKTE J)P LIIH~AL
-- -- ------__- ----------------__-shy
Et reacutepundaul dune lnccedilon distraite aux amabiliteacutes du
Comte de Jean ChellllY el de Magdelciue Lamarre isoler pu Il tourhillon lui se pressnil autour du huflcl je mishysolais plus encore en mui-m egravenu- tImil pensee poursuivi
son ((J1I1~ I( Comment SI fait-il It jaime lanl lou le la nature k Jane la vO)ilnl si dl~Iquilil)II dons UII tlill tfue jl~ trouve lelllIfII1 inhIIcirctlIr1 la il 11iI1l1t el PI(
Et je me reacutepondais I( C(~l Ilaprl~s milrf~ plu dans cz le monde pendant quelques mois je snis deacutejugrave d(~s~nshychanteacutee pal ek almosphegraveru tod~ (1 (aussI dt soireacutees des bals des 1heacutelti lres i nlJlIignre heacutelas cornrue de la deacutecadence dune eacutepoque ougrave lon sent que tout vouloir en lhousiaste geacuteneacutelf~u deacutesinteacuteresseacute lout apostolat pour sel vil mecircme une admira hie cause paraicirctrait ridicule et deacuteplaceacute tant ces steacuteriles Ianlnches modernes ont COIIIshy
plegravetemenl rempli leurs vies ri leurs ames de tous ces petits gtslfs de Inules ces petites paroles de toutes ces petites danses cie toutes ces petites penseacutees de feacutebriles
nrarionnetles chez lesquels larrivisme seul apporte encore UII pen de seacuterieux et de volonteacute
JIIi assez de ce monde inutile chic el improductif et parmi sa vaniteacute je sens ma grande lane comme une arne pleine et vivante capable de profondeur et cie progregraves
Elle est helle Loulageuse ardente riche de forces somptueuses el complexes mais ces forces nont pas trouveacute deacutepanchement normal il leur besoin de manifesshytation et elles ont deacutevie du chemin (Ir-oit pal manque de satisfaction parce que nulle rencontre JlIl eacuteteacute assez belle assez puissan le SUI ce chemin droit pour les lier pour les garder pour les eacutepanouir
1
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAl tii 1
Malheurense dans le cours normal de sa vie lnne sest preacutecipitee de cocircteacute et dautres
Et ce quelle cherche inconsciemment cest lutilisation de ses eacutenergies car il ny bull de bonheur que tians la manishyfestatioD
Il faudrait que celle superbe natur de femme puisse trouver une nature masculine pins intense encore quelleshymecircme qui sache la comprendre la domine r Jeacutequilibrer la diriger
Mes reacutellexions furent aors interrompues
Dans latelier la musique recommenccedilait
Paulo Cezare joua avec beaucoup dentrain et de brio la valse de Chopin en la beacutemol et la XI rapsodie de Liszt
Apregraves lui heacutelas un Italien vin] exeacutecuter sur la guitare
quantiteacute de morceaux longs et fastidieux Il eacutetait dailshyleurs un fort vinuese qui ellthousiasma lauditoire pal ses acrobaties vertig-ineuses
~bis ~randmiddotpegravere eacutetait fatigueacute cette guitare lobseacutedait comme moi
](ous nous en allacirc mes en sourdine
Ln musiqlle quel puissant levier pour faire vibrer notre ecirctre Quel connexion intime elle a avec nos nerfs avec notre imll~inalion avec notre acircme et quel grand domshymage de jouer si confuseacutement sm le lavier de nos eacutemoshyIious dl 1I0S aspilaliollsde 1I0S deacutesirs et de placer le centre harmonique dans chaque murceau dans chaque frag-rnenl 011 dans chaque cIIVIe IIU lieu de le mettre dans lensemble mecircme de laudition musicale et du pro-
Il
I------~$_---_---middotmiddot_-----------shy--- --~~- --------------shy------------======
~I ) j J 1 J j J ~ J W J 1 bull J 1 J 111 JI il il J 1 -L ~-
6 LA CONQUEcircTE DR LmEacuteAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 63
Flamme choisi de mecircme quun beau tahleau ne pourrail
suffire agrave satisfaire lœil dans lin salon disgrarielx et en
deacutesordre de mecircme lin beau moment musical ne suffit pas agrave faire resplendil uos eacutenrrgies et nos torees sil est
suivi de meacutediocriteacute ou de perversion
Milis quel sentit le musicien il notre eacutepoque capable de
traduire pal exemple la magnificence Je cette page qui
monte vers le Ciel conlhe une pyramide de gloire le canshytique dAzilriils dans le livre du prophegravete Daniel
El que de ressuurces lorgue aux mugissantes splenshy
1 ) j
Et voici que je meuvole dans le recircve de lUniteacute la vie ~ deurs le violon (peldu dattente la voix hUIIl aine eacutemoushy
vante inspireacutee innornbrahle la harpe aux accents mysshyest tout toujours plus de vie el la vie saglandit du tiques au langage fluide et visionnaire sans parler dechamp de lintellipcnce el linldli~ence seacutepanouit dans
lamour Et je recircve dune musique pleine dt vie wrnpshy lorchestre de sa prestigieuse puiss ance et de tous les
tueusement intellectuelle indiciblement aimante dont cuines aux sonneries triomphales
toutes les plnases sont calculeacutees non plus seulemenl tIl Alors on reviendrait dune de ces soireacutees enivreacutegt eacutebloui
harmoaie sonore non plus seulemeRt en ~uirlandes freacuteshy aYill t chasseacute pour longlem ps lou tes les pensees grises on
reviendrait les nerfs fortifieacutes limagination embellie lucircme missantes qui expliquent et dominent lin drame mais renouveleacutee avec autour Je soi dans les lointains feacuteeacuterishyharmoniseacutees il tous les dtgreacutes pour lapaisemenl la pacilishyques les scegravenes merveilleuses du Bonheur conquis de la cation laugmentation la uumloraisou inteacutegrale de la vie de Rencontre eacutelue lintelligence de lamour dirigees insuflleacutees agrave travers
lenthousiasme docile et confiant de lauditcur jusque Ce nest pllS ainsi que je suis lentreacutee hier Et encore dans les racines les plus profondes de sa vie de son intelshy une fois latmosphegravere artificielle des convenances monshy
ligence de son amour daines et des conversations insipides mil deacuteccedilue et attristeacutee Une musique volontail( une musique plmiddotopheacutetique Heureusement nous purloas bientocirct pour Ker-Nouheacutel
l1on la capricieuse arabesque des regravevelies philosophishy et lagrave je sais bien que la nature en tecircte et le ciel et la
ques mystiques ou sentimentales de lauteur ni les eacutevoshy mel et les fleurs et les arbres toujours purs toujours
cations de formes et de matiegravere mais la sculpture incesshy vrais toujours pareils el toujours nouveaux ne terniront
saale intense de notre ecirctre la symphonie du Courage de - pas mes recircves
lHeacuteroiuml5me la cantate de lArnoul lhymne dt la Victoire
loratorio de la Joie tout Iappel de lIdeacuteal sans heurt sans coDlraste dans lideacutee sans une plainte de faiblesse 30 Juin SaDamp une descente dans les labyrinthes lt111 regret dans
ManoIumlI de KermiddotNouhiq lobscuriteacute de la vie moindre fluant de tout son poids de
Apregraves le lon~ V()yIg(~ (II rhcmiu d( flr el ses troistout son eacutelan de eertitudes vers le bill lHomme changemenls de train Crund-pegravere et moi sommes arriveacuteslhomme plus grand lhomme plus hcureux
V J iumlJ v fJ V J 1 J J ij J ~ J 1 J f - il - H 1
_
64 LA CONQUEcircTE DE LmEacuteAL
hier agrave deux hCIIIes de lapregraves-midi agrave la petite gaIe russhytique de la lleumlrt ougrave Madam~ Torgnegravesiuml Edmeacutee el le jeune
GU) nous attendaient avec leur votture
Que] accueil joyeux el enthousiaste nous avons reccedilu el quelle belle heure amicale passeacutee dans le vieux lnndau tout fleuri pour ce jou r de tegravete de ~ends dor cr iant
leur or bien fort bien haut dans le lumineux soleil en ouvrant grande leur petite gueule casqueacutee donllhaleine est si parfumeacutee de fleur doranger
Tout le long de la rouir merveilleuse tailleacutee dans le
rocher qui suit la mer pendant huil kilomegravetres de Ln Heacutert il Ker-Nouheumll dautres grands genecircls dor eacuteclatants
au milieu des bruyegraveres roussies dressaient leur gloire
leur richesse leur noblesse liers comme les vieux seishy
gneurs de ces terres hrelonnes
Et tout cet or dans les loches violettes SlI loceacuteun
dull hleu fonceacute leacutepandait des chants ltl811ltgTlt~sSI des promesses de bonheur un ivresse lie lumiegravere de deacutesirs de feacuteconditeacute heureuse
Vive la vie meacutecriai-je
Et vive la Bretagne reacutepondit Edmeacutee
Et je repris
- Vive la joie
Et jajoutai Vive lamour
- Eh hien Michegravele sourit Gland Jli~IC
En arrlvant agrave K~r-Nouheumllccfulent denouvenux eacuteblouisshysements
LA CONQUEcircTB DE tIDEacuteAL es
Oh ladorable vieille maison en grosses pierres eacutepaisses qui lui fout des murs dancien couvent et luge longue Lasse ct couver-le dun siruple toit hor]shy
zontal tout JI oit ltfui Iorme la plus commode des tershyrasses
Devant elle un pelil chemin de passage puis un champ tout blond et lumineux bordeacute de lamaris ces
jolis arbres marins dont le feuillage nest quune JUID~e verte et la fleur une fumeacutee lose
Au bout de ces deux centsmegravetres de thbmps18dubegrave
blanche et lumineuse aussi et les loches violenes puis
la mer la mer profonde el mlljcslueuse changeaole bull capricieuse la mer immense et toujours belle
Mais la plus jolie sUJIiseest eacuteserveacutec encore il fugravel entrer dans la maison taversel la glarllic stllie li h1at~h vitreacutee dont la baie sureacuteleveacutee domine loccall haefs~ aussi le salon vieillot 1UX meubles anciens Ilui eumltcittts suranneacutees et puis ouvrir la pollc-f~necirctte qui donncSliilt penon du jardin et alors le legallt1 eacuteUlelreillecirc seacutelend~ijl une feacuteerie
Comment deacutepeindre ce vieux perron agrave double escliliegraver engutrlandeuml de oses ougrave chacunc des larges maloches
csl bordeacutee de trois poIs degeacutelapiuws de ces merveilleuses
espegraveces de geacuteraniums si sonores quils semblent HoIumll
retenu en eux la lumiegravere et lalllclIl dt ltfucllfue f1aIQshyboyant coucher de soleil
Comment deacutepeindre la souplesse des lignes COUIO~CS de celle longue pelouse verte doucemeu] vallonueacutee rt encadreacutee tantocirct Je massifs opulents el d~boldjlnls duue exubeacuterance de fleurs tantocirct ltle hautes luliies de peuplicl) dItalie et de peupliers-helllbies au frileux feuillage
5
J
~ ~- ~ 1 V 1 f ~~-J ---w ~ t11 ) AI
66 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
ltli~eiteacute tantocirct deacutenormes touffes de lavande qui jettent dagravens hiumli~ embaumeacute leur jolie note violette et tantocirct de y~ccas depalmiers hauts et maigres de figuiers lourds qugravei~eumlvOque~t lOrient lointain
Et sous les arbustes dans le plein soleil court un ruisshysellen1ent de loses dheacuteliotropes aux senteurs de vanille J~ dahlias dœillets de fuchsias lie lobeacutelias dun bleu de
roi etagravee mauves louges et de jasmins de reacuteseacutedas de pavoIs superbes de glaiumleuls hautains et toutes les varieacuteshyteacutes-dune flore deacutebordante innombrable
Auuml tond du jardin se dresse UA bois dormes de hecirctres
er 4efrecircnes un bois profond calme et grave tans le deacutelicieux dessin de ses petites alleacutees sinuaules et mysteacuteshy
rieuses il est impreacutegneacute dune atmosphegravere intense parejlle
agrave une acircme eacuteparse et flottante parmi la haute futaie et dans le taillis eacutepaisdes centaines et des centaines de touffes de lys blancs et de lys louges bordent les sentiers et achegravevent pal leur couleur et leur parfum mystique cet
aspect de bois sacreacute exhalan t malgreacute leurs odeurs mielshy
leuses des penseacutees de pureteacute et de paix
LOls(lue jentrai dans ce bois je fus plus impressionneacutee
et plus recueillie quen peacuteneacutetrant dans la plus haute et la plus fervente des catheacutedrales
- Voici notre Bois des Lys (lit gaiement Edmeacutee
El je ne pus mempecirccher de lui ltpondre
- Lagrave il fant parler agrave voix basse
Sens-lu Edmeacutee toute lambiance (lui demeure ici On dirait que de grandes choses humaines se sont passhyseacutees derriegravere ees arbres el quils sont impreacutegneacutes de soushyvenirs puissants et lourds Cest un temple de Recircve et de Secret
LA CONQUEcircTB DB Lmltn 67
-- Je te lacontclai reprit E lmeacutee bien des leacutegendes bretonnes sur le Bois des Lys
- Ah Cest un lieu leacutegcndaile Je lalIai devineacute Des Ieacutees des auges et des geacutenies sy promegravenent ugravelelU~lIt pendant les soirs de lune vois il y a SUI ce rocher COUVClt de mousse lempreinle dune main de nvmphe Ougrave est donc la SOIIce enchanteacutee ougrave clic doit saller haigllel t
Edmeacutee sourit - Tu es eacutetonnante fit elle III sais (IIC tu dis vrai ct111le la SOlllce (le la feacutee (ICi Ly~ e-t tout aufond du bois
NOliS lIOUS sommes assises tOlites deux SUI le jocher moussu
- Cheacuterie commenccedila EJmie en me uren mt la main je suis sans lloute SUI e point de reacutealiser bien lot ie recircve de ma vic
- Tu aimes f dis-je
Je le crois
Til es aimeacutee f leplis-je en lemhrasant avec eacutemotion
- Je lespegravere
Et comme je multipliais alors les feacutelicitations joyeuses et les questlons presseacutees Edmeacutee mintelTompil
- Pas si vite Michegravele pas si vite Rien nest certain encore rien nest deacutecideacute ni mecircme COmmenceacute Mais mil
nature timide et lroidlaquo (lte tu counais bien sest eacuteveilleacutee
agrave UII eacutelan tel quil me semble impossible (Ille celui (11I~ Il
ainsi remueacute mon ecirctre ne soit pas celui-Iagrave megravem- (lIi lapaisera et Ieacutepauouu-a
- Qui est-ce cOIDn~1I1 le counats-tu
---------------
- J bull 1 1 --- bull il J 1 ~ I~ 1 ~ 1 iiiiiiiumlI C -1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL68
_ Jai dineacute avec Jean-Reneacute Formant il y a pri~s dun
an chez UII dc nos cousins et deacutejugrave ce jOlll-lil javais
eacuteleacute attireacutee par son altilude silencieuse et silencieuse
de ce silence qui est vibrant de vie el dintelligence
javais eacuteteacute alors fascineacutee par ce Iront lumineux et calme
par ces ~rands yeux eacutellanges qui paraisscnl emhellis
encore des reflets de hcuuleacutes cntJevucs ou de mystegraveres
compris
Depuis je navais plus rencontreacute MonsieUl Formant
el aussi je lavais presque oublieacute
~ Comment l lu avais si profondeacutemenl remarqueacute ce
jeune homme el lu navais pas mecircme essayeacute de le reshy
voir _ Quaurais-je pn taire
~ Nimperle oo enfin continue ma petite Edmeacutee
--- Je lavais donc presque oublieacute oIS(IUC le) juin
dernier quelquun mania dans notre corapartiment de chemin de ter au morncat ougrave allait seacutebranler lexshy
press dc Paris-Nantes el cc quelquun
_ CeacutellIcircllui meacutecriai-je
_ Justement Je le reconnus immeacutediatement mais il ne saperccedilul quan boul dun ccrtain temps quil se
trouvait au milieu de cette famille avec laquelle il J avait dicircneacute chcz Lucien Torguegraves quclques mois aupashy
ravan t Papa cl lui se mireul alors il causer el quant agrave
moi ne me lassant pas de ladmirer je buvais agrave flots
ses paroles et ses penseacutees comme 1011 boit une eau
exquise Ce long voya~e mc pa ru t ne dul(1 quune scconde
Et dcpuis lespoir du OOllcHI Iwt ltJe laile autour dt
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL r 69
mon fron l
lII dois donc le revo ir
Oui d hientocirct Il palait de Paris pour aller - retrouver sa megravere SUI une pla~e du Finistegravere
Ali houl de Ilois semuiucs il (lli(~ra cctte plage PI
Ina il lIcirc((I Il( paril d(s (ltIcircles hrelonncs cornrnc il
passera agrave Ker-Nouheacutel lapa la iuvilaquo ugrave venir nous voir et il en ~ palu tregraves heureux
Joyeuse Ellm(~e parlait doucement cl souriait en proie il un tOlIhle d(1ica
Elle me dit la vie helle ct seacuterieuse de lean-Reneacute Formant qui trnvnil le ltlprernent SUI Ini-megraverne ct qui
n donneacute aussi toute sa delle jeunesse et SOli avenir lucile n une glandc œuvre dIlartuonisnfion Humaine
Cette œuvre Edmeacutee me pm-ait la comprendre encore
assez mal mais elle admire tant lapocirctrlaquo que sa cause aussi il tout son respect
j
Cependant il mesure que jeacutecoutais avec affection Edmeacutee qui faisait en moi deborder SOli cœur sensible
trop plein d(sp(ocircrallccs cou tenues il me snmhlait que Ic
jeune homme quclllaquo aime est pIIS profond llus haut
plus inlelligcld (11Ie1le Luhncrn tmiddotil Poullallt elle sc
donnera sans doute il lui toute entiegravere avec labandon complet de sa nature simple chaudr- amoureuse el pcnshysive
Chegravere pelile Edrn(c Malgreacute ses vingt et un ans elle mappelle en rinnl sa sœul aill(~e et elle dit vrai cest
lin peu moi qui rai cOllduite cl plokg-(e jusque lagrave cl
aussi jnuruis 111I vrni bOIlllt1I1 si ic P(OX hien locirct voir sa vic construite et assureacutee dans lin azur tregraves doux (pli
a 1 bull bull 1 1 1 ~ 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 ~ J1 1 1 1 J
70 LA CONQU~TR DE LIDHAL
bercera sa lregravele joliesse
gt Juillet
6 heures du malin
Devant la fenecirctre ouverte qui laisse entrer un peu
de linfini dans ma chambre avec lail matinal frais
et leacuteger lodeur du varech et la vue magnifique du ciel
elair et de la me l bleue je viens deacutecrire longuement agrave Jane Kousta
Une leltre inquieacutetante de Lucelle Pager reccedilue hier
soir ma avertie pour ilia pauvre amie dun certain
danger que je ne comprends guegravere encore mais qui me
tourmente
laquo VOliS comprenez que si je vous eacutecris ainsi chegravere
Mademoiselle dit la lettre de Lucelle cest parce que je
sais la grande influence que vous avez sur Jane el
que je la crois vraiment en danger
Il Vous ignorez peut ecirctre que le Comte Kousla a
demandeacute le divorce ct bien (JIll celle seacuteparation ne
eaase pas de chagrin agrave Jane sa situation va ecirctre comshy
plegravetement changeacutee Cal elle a eacutenergiquement refuseacute
daccepter quoi que ce soit de la grosse fortune de son
mari
Vous ignorez peut-ecirctre aussi la grande douleur
quelle II elle derniegraverement en mecircme temps quune
deacuteception Jamitieacute et quune blessure grave damourshy
propre
laquo Mais vous connaissez sa nature violente emporshy
teacutee orageuse et vous pouvez vous imaginer la deacuteshy
tresse aeluelle de celle lionne abattue
Il Je vous demande donc chegravere Mademoiselle daller
ri
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 71
lIU plus vite voir notre amie de lattirer-agrave des ~()n
fidences et de la diriger vers un espoir reacutealisable que
votre en-ur el votre intelligence sauront trouver l facilemenl raquo
~
le suis bien reconnaissante il Mademoiselle Pager 11 mavnir avertie ainsi
- ~
Seulement je ne suis pas agrave Paris ct malgreacute la
longueur de la lettre (lle jenvoie agrave la helle lionne
attristeacutee jaurais eacuteteacute plus sucircre de lanimer en elle 1 flamme de lespeacuterance ct du courage pal une conshyversation in lime
Rien ne peut remplacer leacutechange du cœur to~t aupregraves du cœur
Pauvre grande Jane que na-t-elle rencontreacute ~U1 Son chemin deacutesert la main assez puissante 1011I lenshyt rainer vers les cimes radieases
~est celle rencon lre que je lui souhaite si 1lIemshy
mentvcest pour celle rencontre (Ille je la supplie dans ma lettre de rester forte haute belle et droil~middot
Et je dresse devant ses yeux par dessusto~t~~
les figures du passeacute triste et morne une flgure slIper
be la figure de lavenir de cet avenir si souventfait
de noIre preacutesent de cet avenir que nous devons tacirccher
de formel en or et en diamant pur
le crains tant que Jane ne se laisse tom bel lJus
bas et aller agrave la deacuterive par deacutegoucirct de sa vie manqueacutee
) Juillet
Les jours passent Lesjours plissent et passent
ii - _
ll ( i 1 i J i i j 1 3 l bull A J i 1 1 1 1 ~ -1 ~ 1 ~-I ~
7 LA CONQUiTE DE ~IDiAL LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 73
nec une rapiditeacute cruelle dans latmosphegravere de ce Kershy
Nouheumll dont on aime chaque heure davantage les axshy
pecls les arbres les fleurs cl les prairies el les sourshy
ces el III mer
On dirail quil plni] il leacuteteacute decirctre radieux pour
tecircter ces belles journeacutees paiaihles
Mais elles passent toujours plus vite et le temps
inflexihle dit il Ioule minute qui senvole Adieu minushy
te Tu es partie maintenant Tu ne reviendras plus
Le temps manileste III Justice la Justice stricte
sana chnriteacute lorsquon la gaspill( il ne le pardonne
pas
lt1ais celui qui cherche il toujours graudir nuhlic
celle rigueur ct ne peut sentir le regrcl steacuterile des
extases envolees lal lheure suivante apporte en elle lespoir nouveau du progregraves Iulur
Et jaime ladmirable fin du Second Fnust lorsshy
que Meacutephistopheacutelegraves vient leacutedamer larne du vieux Docteur qui doit lui appartenir sil agrave reacuteussi l la sashy
listai11 Faust en homme de deacutesirs en aspirant inlasshyable quaucun progl egraves na rassasieacute quaucune joie na
endormi peut lui reacuteponure vicloricuscment
laquo Si jamais jai dit agrave llieure arrecircte-loi raquo
Et devant lui cest le ciel qui souvre
Pourtant on devrait cherchcr avec amour la posshy
sibiliteacute de prolonger la vie en lriornphant pour ainsi
dire du temps an lieu dorienter les merveilles des
deacutecouvertes de la science moderne vers des engins de gU(IIl YeIS daffreux moyens de dcstruction
QueU~ tri~t~ss~ agrave la reJl~eacute~ des efforts et du tlavili
bull
ql11 donnent certains cerveaux de geacutenie pOUf arriver
il perfectionner la lulle de lhumaniteacute coutre lhumashy
niteacute lhorreur cl la ddlessc des combats brutaux
ries sOlllfrarJ(es et des morts augmenteacutees
Si tous k-s hom nu-s voulaient cons lruire au iir-u dl deacutetruire sils voulnicu Iormer el beacutenir nu lieu de d(filir(~ el d(~ maudirt- les vieilles lorm ules eacutetroites les
IIIUIS des cachots sombres e des forteresses prOOCilshy
tric 5 Iumhernicn t Iiell vite t~1I ruines devanl la mashy
g-nifieerce des pells((S neuves cl des palais splc~dides seacutelevant sur Ioule la lcrre sous la caresse du grard
soleil
Pregraves du sol de cette merveilleuse Bletagne leacutecrnde
el complexe comme lon sent ce que pOllnail egravetre la
vie si elle neacutetait Iausseacutec par lnrtificiel ligneshy
rance ct les perversions des sncieacuteteacutes miegravevres ct
su perficielles
Quelquun a dit laquo Lhomme meur de Inirn au milieu
d(~ laholldancr))
Cst vrai l)lIeik lnmile PilUITC sai combien Iarshy
g(~m(lIl eIe pnurta i s(~ nuurt-ir avec d(s plats dorshy
ties des haies dilllblpinces algues de la mer des
pousses de pin el avec lan l de substances encore si
repandues et si utilisables
Lhomme meurt aussi de rhagrin au milieu de la joie ou de douleur lorsque la vie mieux comprise pOIIImiddot
lail diminuer tant de maux lant de souffrances et
pourrait lII llvauche apporter tellcmeut de reacuteconfort
Le poegravete des laquo Ames Vivan les raquo a penseacute qlle Cl 1)lIllqlltlois la vie celle (orme de la jouissance seacuteton
pl el pleure parce que nous ne la comprenons pas 1
-1 1
H LA CONQUftTE DE L~DiAL
Mais comme la vie est souvent inconsciente cest agrave lhumaniteacute intelligente quapparl ient cc rocircle suprecircme de lintellectualiser de leacutevoluer de la rendre toujours
plus consciente rie ce dont 111( a hesnin afin (lfi 11(1
Ioujours mieux (1 toujours plus vers 1( bonheur
Edmeacutee me disail ((~ malin une palolt~ de lenrishy
Rtneacute Forrnnnt laquo Le (III dt-voir de lhomme rst de
rendre lhommlaquo plus heurcux l raquo
Comme je partage cc senlirnent
Pendant des heures entiegraveres nous parlons des proshy
jets dEmceet nous passons (nStlllhle de bons moments
tantocirct assises Slll 11 haule falaise qui domine loceacutean
et dolt la vue seacutetend sur nue cocircte de roches lantasshy
tiques sans cesse hatlues pal les vagues chantantes
tantocirct allongeacutees SUI le snhllaquo chaud fin et doreacute de la
plnge tantocirct dans le jardin riant et emhaullIeacute de fleurs
el aussi dans lltl bois des lys que jaime comme ou aishy
me une acircme solitaire qui garde un mysteacuterieux secret
Pregraves de la source de la Feacutee il y a deux gTands
saules pleureurs qui cachent 1111 vieux dolmen tregraves
beau dans leurs branches basses et caressantes laime
masseoir SUI ce vieux dolmen et degraves quon a peacuteneacutetreacute
sous le feuillage mouvant ct deacutelicat des saules on pour
lait se croire perdu car on ne voit plus rien ni devant
ni derriegravere soi que ces feuilles fines tremblantes et bull innombrables comme une eacutepaisse dentelle verte
La source chante doucement un ruisseau dargent
paraicirct heureux de naicirctre lagrave et traverse les Lois en
zig-zag refletant agrave travers leurs ombres les taches dor du soleil qui dansenl el miroitent sur leau claire
Sous les arbres des touffes de monnaies du pa-
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 75 ------gt-- -------shy
pe hieacuteratiques et droites semblent des verges sacreacutees
fleuries pal UI1 miracle et patineacutees pal les lAyons lushynaires dont elles ont la pilleur ( leacutelrnujre lclat noclurne
La pdile slthoue lle mince dEdmeacutee anime ~entilllenl
la heauleacute de 1(1- ouhl1 mais (II(~ est hors de Ct qui l(nloure ct 011 la SPlit perdue lhorizun infini dHIS laagrave
douceur de ses recircves
Pourquoi parfois llla me lait-il souffrir de Iii voir
ainsi recircveuse le crains pour elle une deacuteceplion un
chagrin peut-ecirctre
le suis cependant lemplie pal un espoir i rnmense qui vit en moi ct de temps en lemps une appreacutehension
triste vient me surprendre
Allons Michi-ll Slcoue la poussiegravere des ideacutees g1Icircshy
ses ltfui alourdit inufilcmenl tes ailes et avec de la vomiddot
Ionie tu arriveras il donner une forme harmonieuse aux
espoirs qui le hantent ~
Il faut pOUl [e bonheur et pour la joie se mainshytenir forl pal la joie elle-mecircme
10 luillet
Je reccedilois un mot hien vague de Jane Kousta el ces
phrases etranges ne me salisfonl guegravere
Elles leacutepandent si peu il ce (lue jespeacuterais apregraves
ma longue lettre
laquo Michegravele
laquo Ie mennuie cest vrai je mennuie agrave pleurer
0 mais en ce momenl je suis trop lasse et eacutecœureacutee
~ ~~--~
76 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
laquo pour laisser 11I011 UgravellH dramal iqnc dl amaliser Ics
eacutevegravenements ( comme III sembles le crnindre
laquo Il est vrai que 1111 IIi rnest plus dalliellieux
laquo peut-(~LIl que la lnrcur le r1i~( ou la folie
Il Mon oivorce 11I1 11)(1(11111 prouveacute Iuuo la deacutelishy
l(atls~ (xquisl du COIllI( Iousa qui voulu il IIW [nissr-tshy
laquo 1I11t glalllk paIl dl Sil lortunc
laquo 111 orgueil [ai refuseacute lu llIISCS
laquo SCUllIHlIt Illon lIIUI a llt~ eacutemu de laffeclion
laquo (lue me temuignc Illon mari rnalgleacute lous mes torts
~la vic est laide nest-ce-pas ma Michegravele
laquo Lorsque je la contemple du haut de ce que jai de laquo meilleur en moi I11 haul d~ loul ce qlle javais esshy
laquo 1)(1( Cl gland pa nurtuuu d lemps passeacute toujours
laquo pluvicu x Ille hante d~ trisf csse
laquo Continue il IIlC plniudrc cal lon cœur qui seul
laquo il compris tregraves jeune un pen du mien me console
Il d me purifie
Il Emhrasse Edml si elle veu l de mon haiser
1 cd ange au x ailts doie hlnnche
lle lis ldadan la Princesse qui ne pardonshy
I( nai] las il son temps d~ lollhli dans son palais
laquo princesse- salis gloire dlInc poqne 011 Il comeacutedien I( seul porte cncore IIl1e cnurunuc )1
laquo Une lpoque ougrave le comeacuteriieu seul porte encore une
laquo couronne raquo) Heacutelas
laquo Dis agrave la mel combien je laime Iii mel libre la Il mer audncieusr
laquo Et laisse-moi embrasser tes main douces comme
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 77
laquo autrefois en pension lorsque tu avais sept ans que je laquo te prenais SUl mes genoux et lue tu posais tes mcnolshylaquo tes SUI ma bouche
bull Jane Kousta nest plus laquo Appelle-moi maintenant
Doloregraves JI
15 Juillet l O heures du soir
Quel inoubliable jour quelle heure eacutemouvante passhyseacutee sur la gregraveve deacuteserte agrave lapproche du creacutepuscule
quelle rencontre 1 quel espoir quel recircve reacutealiseacute
Tout resplendit en moi dune lumiegravere nouvelle qui
meacuteblouit et me transporte car celle lumiegravere adoreacutee
nest que laube du soleil prochain que laurore du matin qui ne connaicirctra plus de soir
1(OU5 nous promenions au bord de la mer montanshyte Edmeacutee son petit fregravere Guy et moi la journeacutee allait
finir et nous cherchions encore dans le sable sec et
brillant les coquillages nacreacutes et les algues roses lorsshyquEdmeacutee me saisit le bras en poussant un cri eacutetouffeacute
Je suivis la direction de son regard et japerccedilus au loin ua homme lui descendait la falaise
- Jean-Reneacute Formant murmura mon amie
Mais une impression eacutetrange forte profonde ja_ mais resentie menvahissait toute enliegravere et agrave mesure que la silhouelle lointaine se preacutecisait en approchan t joubliais la pauvre Edmeacutee joubliais tout ce qui menshytourait joubliais le monde entier et je ne voyais plus
-1 ~ ~ t ~ ri ril 1 78 LA CONQtJ~TE DE LmitAL
que ce grand jeune homme hrun tout entoureacute de beaushyleacute de penseacutee -Inspirnliun didtal cl mon ecirctre seacuteshy
1IIIlta vers lui
Tout en moi el autour d(~ moi chnntnll cl me reacutepeacuteshy
tait oc Cest lui raquo
(( Cest Luiraquo battail mon cœur avec transportsen
pulsations preacutecipiteacutees laquo Cest Lui raquo raurrnurait le souffle du vent (lli me caressait le visage oc Cest Lui raquo)
disaient les vagues victorieuses berccedilant mon espeacuterance de leur musique eacuteternelle cest Lui cest Lui Cest Lui Et cc mot ladieux vibra el reacutesonna ct retentit dans
la nature entiegravere et je ne savais plus rier (lle ce
mot unique el tricmphnl
Il entrait dans mon acircme il peacuteneacutetrait mon cœur
et mon Iront ct mes mains et ma chail cl il ouvrait des lodes fermeacutees de mon ecirctre irr-adiant mes yeux
de la beauteacute des chemins nouveaux
Alors Jean Reneacute eacutetait presquaupregraves de nous
Et je lconnus nettement limage cherie dun recircve
de mes nuits cette figure dune resplendissante beauteacute
el dont la ph) siouornie noble et grave sous les boumiddot
des brunes semble contenir des mondes de lorce cl des
mondes de penseacutee
Ses yeux dor dUne profondeur infinie rud ianls comme deux eacutetoiles mempliren t despeacuterance
Et lorsquil parla sa voix IIlC Iii tressaillir celte voix aux ncceuls tendres lIUX inflexions moduleacutees celle voix inoubliable qui nest que comme le prolongeshyment de lame eacutemue
~iais il sadressait agrave Edmeacutee El brusquement ceci
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 79
me lappela 1 preacutesence de mon amie el la reacutealiteacute si triste de SOli amour lour celui que jattendais el (lUI ja i reucontreacute maintenant
1~le la laune lllite eacutetait tellement troublee quelle balbutiait des mots sans suite el ne songeait mecircme pas agrave me preacutesenter Jean-Reneacute
Dailleurs ce geste maurait choqueacute par sa convenshylion moderne
El sans doute Lui eacutetait de mon avis car il dit en me peacuteneacutetrant du grand cha lme ugravee ses grands yeux il dit comme sil mavait toujours connue _
- Quel moment splendide nest-ce-pas celte heushyre ougrave le soleil el la mer sappellent el se confondenl dans un eacuteblouissement de rayons cl de reflets On dirait
que la lumiegravere se mateacuterialise en fleuve dor el de pourshypre et que les vagues sapaisent parce lfU lagraveme des flols est heureuse
Et je Ile pus mempecirccher de penser que celle phrashy
se apportait vers moi plus lJlIe les mols prononceacutes
El jai repondu plesQlle il voix basse
Cest une heure admirable cest un tableau de recircve
Il est tregraves tard malheureusement fil alors Edmeacutee el noas sommes forceacutes de rentrer pour dicircner
Viendrez-vous demain au Manoir Monsiellr Formant
- Avec une grande joie illldellloiselle llprit la voix grve et meacutelodieuse
Edmeacutee ojoulait
- Combien agravee temps resterez-vous dans ce village de Ker-Nouheacutel
- Je Ile sais pas encore
J-~~~J~ [middot1 Il -)~ l-J jI~J~1 t~~~r ~~~- bull - ~ bull bull Icirc middot~l~_
8Ugrave LA CONQUiTE DE LugttAY
Ils se tendirent la main elle eacutemue et confiante lui poli et indiffeacutereat Il se pencha vers le petit Guy pour lembrasser
Puis il me salua lentement et de nouveau il me
sembla que dans le chalme profond de ses yeux longs il menvoyait tout ce que jespeacuterais recevoir de son admiratioa noble et spontaneacutee
MoD bras passe sous le bras dEdmeacutee silencieuses toutes deux nous regagnions le Manoir et lespeacuterance illuminait mon cœur dun bonheur eacuteblouissant et je pensais Illarcher dans un recircve feacuteeacuterique au milieu de fleurs lumineuses et de ftambeaux de joie
Les roses de ma ceinture seffeuillegraverent sous mes lt
doigts eacutemus et la brise du soir emporta leurs peacutetales vers la mer
Comment le trouves-tu murmura Edmeacutee
Cette question me saisit et moppressa
Et la reacutealiteacute triste des souffrances de ma petite amie fit encore un nuage sombre agrave coteacute du tableau de lumiegravere
Que reacutependre Je fus sur le point de dire laquoIl est mOA Ideacuteal raquo
Je nen eus pa5 le courage et je gardai le si shylence eacutetrangement
Tout de suite Edmeacutee reprit - Tu as une ideacutee que tu noses pas exprimer Michele cette ideacutee je la deshyine Iaeilement tu as sur les legravevre s il Il l faim l pH et ce mot tu ne veu~ pas le pronoucer parshyce que tu crains de me faire pleurer
Mais tranquillise-toi jai confiance dans lavenir car
~ cmiddot ~~
~~
-_7middoto -~~~~Zmiddot ~Icircif~ -
LA CONQUEcircTE
maintenant je sais que jaime quagrave lorce damour je suis taire aimer
Cette phrase si simple les larmes me tecircte blonde et je
- su avait entendu serait-il pas toucheacute 1
Nous approchions de la maison qui taire SUI la route deacuteserte un refuge protecteur un abri
Calme insouciante heureuse Edmeacutee v
agrave chanter cependant quau-~
poir une lassitude menvahissait lourdie palpitante eacutemue eacutetait gonfleacutee de regraveves souffrir
tmiddot
Aujourdhui pour Le Nouheumll seacutetait
Le ciel agrave lorient avait des vent parfumeacute de jasmin dheacuteliotrope layait de jolis nuages floconneux plumes envoleacutees de laile dun
Celte journeacutee rose souriait lion rayounemen] javais rose fraicircche et ravissante tandis quEdmeacutee lineacutee de blanc se faisait
l bull jattendais comme elle
8l
JiJ~
DB IIDRAL
i
tant Jean-Reneacute FOlmant bien sucircre darriver agrave men
si douce me fitmiddot mal et montegraverent aux yeux Jattirai la petite
lembrassai en disant - Ma cheacuterie
ces paroles pensai-je nen
grande et soUgrave au soleil couchant semblait
bienveillant
seacutetait mise milieu du merveilleux esshy
~t que mon acircme ashyjusquagrave
i6 juillet au soir
recevoir sans doute Kershypareacute de toutes les richesses de leacuteteacute
nuances daurore et le et de genecirct bashy
comme de leacutegegraveres 1
cygne
Et en harmonie avec eacutetrenneacute une toilette de Ilncn
emmousse- belle aussi pour Celui que
r
6
- - -_ - d _
~~_ _ ~--J~~~III Il il --- J---t i -~Ji 1 Il _ ~bull1 oe
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL82
Ensemble eraves loutes deux moi plus quelle enshycore p1lrce que consciente des larmes qui couleront ici hientocirct en mecircme temps que ~eacutelegravev(la le g1lt1lld honneur nous descendicircmes HU jardin rejoindre Madame Torguegraves
et grandpegraverc Ils causaient assis sur un hanc dans le
bois aupregraves du ruisseau dnrgent
- Comme elles sont jolies 1I0S jeunes filles seacutecrie
grandpegravere rieur Ce Monsieur annonceacute est donc un Prince Cha lma ni
Madame Torguegraves aussi plaisante - Elles ont vite
saisi loccasion de mettre chacune une lOhe neuve
Mais nous sommes ressorties du bois Edmeacutee et moi
cherchant dans le jardin des fleurs pOUl nos cheveux
Lentement nous flacircnions lune aupregraves Ile lautre et
tregraves lointaines lune de lautre seacutepareacutees maintenant par
eette penseacutee pareille
- Comment cela finira-t-il soupirait mon cœur
Trois heures sonnegraverent iI leacuteglisr du village
- Deacutejagrave trois heures et il nest pas IiI dit Edmeacutee
Penses-tu quil va sucircrement venir Midlegravele
- Mais oui
Ces continuelles questions me tntigucnt minquiegraveshytent et Iumbiguiteacute de la si lua liun 1II1~ navre je fais
tout lOUI la faire soupccedilonner il Edmeacutee qui snhstiue il
ne rien refleacuteter que sa IHoIH~ espeacuter-ance el qui sem hie saveugler volontairement
Cette ignorance est dautant plus douloureuse dautant plus dangereuse que lorsque la veacutelite dessilshy
lera ses yeux son chagrin sera plus profond 1
Fo
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 83
Pal momen 1 une immense pitieacute memplit et me jette vers elle
Puis la l(alilt iloille de son lcstln moppresse et
la fr istesse laquoII(~ 1(pOIlSSe ma jeunesse entre en moi pu la tristesse dautrui
La soutlrnnce est-elle donc la loi neacutecessaire
Oh Illon seul ideacuteal Rendre lhomme plus heushyleux
Mais (IatlP heures sonnegraverent aussi A mon ton l
jeacutetais fdJlile imna Lien te su lexciteacutee pal la lten te qui
est presque malaise tant elle met au cœur dagitation
et de joie et de trou ble
- Quatre hern-es un quart soupirait Edmeacutee
Les rafales deacutechirant la nuit du second acte de
Tristun roulaient en moi comme III 1 orage et je pensais au geste enfiegravevre et crescendo de leacutecharpe apregraves lexshytinction de la torche
Oh tout lappel III mon (llc vers Toi la palpitashy
tion de mon cœur le tnmulle de mes recircves le Ireacutemisseshyment de mon espoir las-tu senti lean-Reneacute
Soudain un granll calme me peacuteneacutetra
Quatre heures el demie avaient sonneacute
- Quil est tard disait Edmeacutee
lai reacutepondu - Il vient
- Couuncul lu 1( vois
- Non pas encore mais je le I~nine lts pregraves dir i Edrneacutelaquo sdonnait
Le marteau du grand porche avait flppt PI le domestique venait ouvrir agrave l lntleacutel du jardin
Nous nous dirigeacircmes au-devant deJattendu
IL-middot- -------= _-==
H~ __ j i 1 l j j j 1 1 1 1 1 J 1 l J 1 1 1 1 1 ~ ~bullbullgt~
84 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
Ceacutetait bien Lui
Dans lalleacutee blonde et molle faite du sable des plages il avanccedilait vers nous
Et de nouveau un eacuteblouissement millumina et seacutepareacutee de tout ce qui mentourait je ne savais plus que Lui et jeacutetais comme isoleacutee dans son regard
- Quel merveilleux jardin dit-il tandis quapregraves Edmeacutee je lui tendais la main Quel cadre exquis calshy
me poetique pour la penseacutee meacutedita tive
- Un cadre pour le bonheur ai-je reacutepondu
- Cest vrai ajouta-t-il un coin de paradis
Nous sommes retourneacutes sous le bois ougrave eacutetaient resteacutes Mme Torguegraves Grandpegravere et Guy
A loreacute~ du taillis Jean-Reneacute sest arrecircteacute et il a
murmureacute
Quel mystegravere sest accompli lagrave qui a laisseacute ainsi le parfum de son souvenir
Oh grands arbres droits qui vous eacutelancez vers le ciel avec la foi de votre torce quelles eacutemotions avezshyvous sen li passer SUI vous autrefois pour conserver ainshy
si dans vos branches et dans vos feuilles celte aura cette atmosphegravere intense et dilluse
- VOliS parlez comme Michegravele a pai leacute en peacuteneacutetrant ici pour la premiegravere fois dit Edmeacutee avec eacutetonnement Til te souviens Micheline de limpression profonde que tu as ressentie lagrave aussi
Tu pensais que de grandes choses humaines a-
tA CONQuiTB DE LIDEacuteAL 85
valent ducirc vivre sous ces arbres et quils eacutetaient imshypreacutegneacutes de passeacute et de leacutegendes
Jean -Reneacute me regarda et sourit dlIl1 sourirlaquo joyeux
Nous approchions de Mme Forgues qui reccedilut aishymahlement le jeune homme et le preacutesenta il Gl1l1t1
pegravere
La conversation devint geacuteneacuterale et animeacutee
Mais le bonheur mentonrait le bonheur cnlrn i l en moi le bonheur paraissait fluer vers moi comme une riviegravere splendide qui descendait de son regald el qui me peacuteneacutetrait
Et la fleur de vie aœoureusement seacutepanouissait en mon cœur
Je me sentais forte je me sentais belle je me sentais admireacutee et ma beauteacute augmentait encore irrnshydieacutee sous la caresse de ses yeux voileacutes de recircverie
- Combien de temps comptez-volis rester il KershyNoueumll interrogeait Mill Torguegraves
- Ker-Nouheumll me semble ecirctre Madame Jendroit de toute la terre que lon espegravere souvent Cil legraveve et que 108 trouve une seille fois SUI le chemin Je pense donc y derneu lCI longtemps
Pourquoi poursuivre insaliahle 1111 voyage ougrave le lendemain regretter-ait salis doute nnjourdhui
Mme Torguegraves di agrave Edmeacutee daller il la maison faire preacuteparer le goucircter El comme chacun eacutetait debout sacheminant vers le jardin jeus la gvande joie de senshytir Jean-Reneacute chercher un tecircte-agrave-tecircte
-------
l_j t ~ i ~ ~ 1 1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL86 ---- ------__----------- ~_ _o
Habilemen l il Ille qlltsiiollllaii SUI la leacute~(~lIde dl la
Feacutee des Lys ct me pria d(~ lui montrer la Source
Enchanteacutee
Nous 1I0US Iqoi~nugravelIcs dOIl( lous leux vers le Iond (lu
petit bois el je palpitais un peu dune tregraves douce anshy
~oisse
_ Aimez-vous lhumaniteacute me demanda-t-B ugrave brucircle
pourpoint
_ Je voudrais quelle se Ilansformugravel Ie voudrais
aussi la connailre mieux ie la plains cal elleeouffre
el je laime parce qlle Ihommc esl rapable de bonteacute
et de ploglegraves infinis
11 continua
_ Vous avez raison SltIII(~ment ne trouvez-vous pas
(Ille laclion est p()Ilr ainsi dire le gage de la sinceacuteshy
rileacute f qut tlOp souvcut nous sommes satista its dlin senshy
liment qui proll(~ 1I01lc i-affiuement de conscience mais
qui est entiegraverement inefficace pOlll soulager lobjet de ce
sentiment
Pour moi aimer lhumaniteacute cest la servir
Comprenez-vous
_ Oui je comprends Et vous Ile faites que mexshy
pliquer Illon ideacuteal Pourf aul comment une femme ou
1111( [euuc fille duns la socieacuteteacute actuelle pourrait-elle utiliser ses dons pOlir le bien de lhomme
NOliS causerons de cela lon~uemellt plus tard
Je vous affirme que ~ts moyens reacuteels intenses dutilishy
ser toutes Jus capaciteacutes loutes les bonnes veloutes exisshy
teat Limportaat est que celte bonne volonteacute soit inteacutegrashy
le et cest ce qui est rare
~711 J -l ~ M ~ -----shy
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 87
le VOliS lassure Mademoiselle agrave ceux qui veillent
les loules ne manquen l pas Le principe dune action
vraimeut puissante esl duns lIdentification croissante
i mleacutefiuiment plo~ressiv(~ de toutes 1I0S forces avec le
hut que nous UOIIS proposons
-Je le crois Mai~ il faut justement dabord avoir
un but puis savoir comment faire eacutepanouir les Iaculshy
teacutes individuelles ail service de ce but
- Un but leprit-il navons-nous pas dil servir
Ihumanifeacute Cesl-agrave -dire conqueacuter-ir pour lIle plus de
bonheur
Certes le champ est vaste complexe semeacute dubsshy
curiteacute et je comprends que vous vous demandiez le
comment de celte œuvre les points interrueacutediuires les meacutethodes parce que ce mot reacutealiser le possihle es l pour vous en e( mornenl impreacutecis
Pour moi il est deacutebordnut de netteteacute de direction
car je sais un peu Je cc quil contient
- y aurait-il donc une science secregravete des posshy
sibiliteacutes humaines
- Certainement il y a toute une science des possishy
hilif eacutes humaines Si elle est secregravete cc nest pas quelle
soit cacheacutee anormalement mais simplement que lhornshy
me se bande les cu pOUl Ile pas III conuaitre ou m111middot
che les yellx ouverts dans UII sens oppose
Vous souvenez-vous d(~ ldie pilloll~ dun livr
f regraves ancien laquo La sagessr- (Tic dans les calrefours elle
appelle SUI les places puhliques ruais lou refusent
son invitation raquo
- Alors ce nest donc pas sur le nombre ltJue le
~tltCcedil~--1 gt
---------
89
i1--~----j~---t ~rJ -Ocircq J i bull i bull i bull bull i i bull i bulllJJ cI
LA CONQUFTE DE LmiAL88
mouvemen t don1 vous vous OCCII pez met son espoir de
reacuteussite
_ Le nombre pOllna venir en son lemps Mllis
un seul cœur riche denthousiasme dintelligenc~ et de
zegravele qui se donne toul entier vaut plus que dix mille
adheacutesions inertes
Le but immeacutediat de nos groupeltlents est de coorshy
donner les forces inlellccluelles et spirituelles les plus hautes acluellement manifesteacutees par des hommes isoshy
leacutes de faccedilon agrave former un orgllne speacutecial de connaisshy
sance et de direction un cerveau pOlir lhumaniteacute Il sagit de reacuteunir en faisceau les aspirations et la libre recherche des pionniers nliu qlle dans cette phalange eouune dans lin ceutrc solaire soient reccedillles et diffushyseacutees abondllmmenl les tnrccs ellpnhles deacutevoluer 111 mashy
tiegravere (lIIcirc nous entoure
Savants poegravetes allisles meacutedecins et toutes capashyciteacutes aujollrdhui meacuteconnues sans usages et mecircme
perseacutecuteacutees doivent en ordre concourir agrave cette
orgllnisalion
Il Y a ceux qui par le geacutenie philosophique la disshy
cipline de soi-mecircme lenseignement reccedilu et lexpeacuterishy
ence acquise sont comme la si hien exprimeacute Platon lei laquo harmonisuteurs JI de ces eacuteleacutements tel le chef dorshy
cheslre ail milieu de ses musiciens
Les recollllllilltmiddot les suivre les aider cest entrer
dans la pratique effective cest sengager sur le seul chemin qui ne soit pas une impasse Je ne parle pas toujours de ces chuses et je nen ai presque rien dit
ici
LA CO~QUEcircTIl DE LrmhL
Si vous Ole trouvez bien grave en lin moment ougrave tout autour de nous semble chanter la joie de la beauteacute de vivre cest justement parce que vous necirctes pas comme les autres
La splendeur de linstant me fait monter dans les reacutegions actives ougrave ma ecirctre le plus reacuteel se meut
Pourtant mille eacutenergies en moi respirent les parshyfums de lheure el ce bois est agrave mes yeux non plus
une forecirct de leacutegendes mais le jardin feacuteeacuterique des renshy
contres heureuses 1
Sa voie meacutelodieuse et cheacuterie mysteacuterieusement faishysait vibrer mon acircrne et en prononccedilant ces derniegraveres
paroles il avait leveacute SUI moi ses yeux profonds et ne les abaissait plus Je sentais le poids de son regard
unique mentourer le visage liIune lourde aureacuteole dashymour et vers moi semblaient mouler des oceacuteans
dattente
Je murmurai simplement
- Pourquoi ne pai vous dire que deacutejagrave je vous ai
vu que deacutejagrave je vous ai parleacute et que ceacutetait dans le plus beau des recircves de mes nuits que vous mecirctes
apparu
Pourquoi ne pas vous dire lue votre œuvre je le sens elle est mon ideacuteal encore inexprimeacute et que je my donnerai toute comme VOUI voudrez que je my donne f
Alors il se transfigura intenseacutement et la protonshylieur expressive de ses yeux eacutevoqua un espoir de boaheur infini Et nous nous egardugravernes comme pour la premiegravere fois avec des yeux extasieacutes
~( lt 1 l 1 -- --- bull ~-l ----J ~ ~J bull
f
90 LA CONQU~TE DE LIDEAL
--------------------_-~-------- shy
- MlIci replil-il avpe une eacutemotion contenue qui meacutemouvait plus encore merci de vos paroles si courageuses si confia nies Vous ecirctes helle Vous ecirctes
etranegravere il la vic han ale VOliS ocirctes libre des attnshy
bull ches du preacutejugeacute Nous SOIllJlIS llin et lnutre porteurs de la mecircme eacuteternelle veacuteriteacute Pl en cet instant lumishy
aeux ougrave nous le comprenons celte veacuteriteacute se legraveve et
chan te en nous et la voix de la joie du monde la voix de lhumaniteacute tressaille et passc agrave travers notre
espeacuterance illumineacutee Sentez-vous devant nous les immensiteacutes inconnues que le heau legraveve dune nuit ocirc
mon amie vous a sans doute laisseacute apercevoir bullbullbull POlir
moi de tels recircves sont lessence mecircme cl u reacuteel
NOliS eacutetions devan t la source de la Feacutee debout
tout pregraves lun de Inulre ct nous nous regardions au
fond des yeux comme pOlir nous reconnaicirctre
_ Oui ai-je reacutepondu el pal ce recircve je VOliS ai
compris et je vous ai peacutenegravetre autant lflle je suis actuelshy
lement capable el de vous comprendre et de VOllS peacuteshy
aeumltrer
A ce momest un brait de pas parvint jusshyquagrave nous et nous ne prononccedilacircmes plus lin mot
Seulement une ivresse de bonheur sexaltait et monshytait de la Fontaine Enchanteacutee et de la corolle qui Slllrouvre des branches qui seacutetcndent du papillon qui deacuteploie ses ailes du parfum mystique des grands lys blancs et rouges de loiseau qui plane de la lerre qui feacuteconde se deacutegageait seacutelevait simposait une harmonie sonore de force despeacuterance dalleacutegresse et sotre acircme confondue la seatait seacutepanouir en une tend lesse
miraculeuse
LA CONQViTE DE LIDEacuteAL 91
- Michegravele Michegravele Ougrave ecirctes -vous donc criait Edmeacutee
- Nous reatrous ai-je reacutepondu en tressaillant leshy~rettaNt la fin ds lheure envoleacutee deacutejagrave lointaine et
adorable
- M Vazaonegrave et Maman sont installeacutes pour roucircshy1
ter dans I~ bosquet de roses sous I~ grand magnolia continuait Edmeacutee essouffleacutee
Jy ai fait dresser la table agrave theacute pour jouir de
la vue de la mer de la beauteacute des roses et de ce parfum magique et ehaud des belles fleurs blanches du
magnolia
Elle souriait toute animeacutee et les cheveux eacuteboushy
riffeacutes par sa course sous bois pour nous retrouver elle souriait conten te et regardait Reneacute
Lui ne la voyait pas Je le sentais entoureacute de moishy
mecircme comme jeacutetais enveloppeacutee desou charme puissant Qund reviendra- t-il
-
1 7 Juillet 8 h du matin
Une grande lettre de Jane Kousta me navre et meacutepouvante Lucette Pagel avait raison de la sentir en danger 1
Ce que jai tellement craint pour elle il y a un an ce preacutecipice dont sa route semblait maintenant secirctre
eumlearteacutee voici quil est evaut elle et quelle y roule r Heacutelas se relegravevera-t-elle 1
~ _- -~~-- -
1 -~ JI JI Jl -- -- J - ~ 1 J r-r--r--r- C
9~ LA CONQUEcircTE DE LTD~AL
Ils existent doue C(~S ecirctres affreux peints pal les
romanciers ces ecirctres ljui ne songent quagrave leurs basses jouissances ces ecirctres pareils lUX vautours guellant leur proie des nuits entiegraveres ces ecirctres qui ne pouvant conqueacuterir une lemme ni pal lamour ni pal lestime ni par laffection IIi pal ladmii-ation attendent le moment de deacutetresse ougrave un laux-pas lie leur victime la fera tomber dans leurs bras
Ainsi pendant des mois lanneacutee passeacutee jai rencontreacute chez ma pauvre grande Jane un de ces ecirctresmiddot abjects Raoul Falbrut qui rocircdait sans cesse autour de sa beauteacute
Cest un horrible petit honmme avec une eacutenorme
tegravete agrave la nuque eacutepaisse au cou de taureau La simshyple eacutevocation Je son visage memplit de deacutegoucirct
Dailleurs sportman connu pilier des salles desshycrime grand joueur aux courses et richissime cercleux
Quil faut que Jane ait cruellement souffert pour meacutecrire aujourdhui cette nouvelle atroce
IlJe crois que jai toucheacute labicircme du tond de laquoma misegravere Michegravele
laquoApregraves de bien douloureuses journeacutees me voici
laquo maintenant plus tranquille mais aussi malheureuse
Je voyage en Suisse avec Raoul Falbrut dont CI tu dois te souvenir
laquo Royalement installeacutee agrave Interlaken la vue de la CI Jungfrau seule me lappelle quil pourrait y avoir CI de la beauteacute Mais pourquoi te mecircle agrave ces tristes laquochoses si ce nest pour tavertir (Oh 1 tu nas pas laquobesoin davertissement ) de limportance de chaque
LA CONQUEacuteTE DE LIDEacuteAL 13
CI peacuteriode de notre vie et des enchaicircnements eflarants CI de celle lulle agravepre et cruelle lorsque nous nous Il trompons de chemin
( Pourquoi nai-je jamais rencontreacute sur ma lalite Il que mensonges et vaniteacutes Ai-je donc toujours menti
laquo Michegravele Michegravele il y a de la lumiegraveres encore Cl dans le monde Dis Moi je Ile sais plus 1 Et pou1shy
(( tant je sens en moi tant de choses tant denergies (( tant de deacutesirs La somme de mes deacutesirs eut fait
laquo une trop grande espeacuterance une irreacutealisable espeacuterance laquo tu comprends AIOlS je nai pas pu lier ma gerbe
laquo De tous cocircteacutes mes desirs tiraient disloquaient mon laquo ecirctre
laquo Jai connu le teu des passions sans motif sans Il bu t par excegraves de mes propres forces
laquo Ah si quelquun avait passeacute si quelquun (( avait dompteacute si quelquun avait tait de moi la (( reacutealisa triee de ses recircves
(( Michegravele neacutetais -je pas comme une feacutee cornille laquo une magicienne Neacutetais-je pas puissante
laquo Et maintenant voilagrave jai trente ans tout ce que laquo jai veacutecu est derriegravere moi comme du vide
laquo Devant moi entre moi et lespeacuterance il y il
cc un abicircme infranchissable
laquo Avec tout ce que jeacutetais que suis-je deacutesormais
([ Je pleure sur moi-mecircme pareille agrave une heacuteroiumlne laquo( dEuripide je pleure sur ce qui aurait pu ecirctre Je CI pleure sur la part de splendeur de vie que jai mushye tileacutee en moi 1
95
~ ~ r IJ~~
9i LA CONQuiTE DE ~l~AL -_ ------_ _-shy
(( A quoi servent les lannes Elles sont inutiles laquocomme les regrets
laquole suis 111I tourhillon je suis emporteacutee je me laquo laisse emporter quv a t-il SUl celle pente (lue je
laquo deacutevale comme UIIC avalanche le lOCS
laquo Et sais-tu ~lichegravele pourquoi ma misegravere sest laquo eacuteclaireacutee subitement trop tard Cest parce que
laquo japerccedilois de lautre cocircte de labicircme parOli mes esshy
laquo peacuterances impossibles lEacutetoile dune reacutealiteacute
laquo Adieu cheacuterie Toi sois heureuse Tu es si droite
a si pue que tu aurais (Iii 1111 ta seule preacutesence me
laquo purifier
laquo Seulement jeacutetais trop aveugle trop enfieacutevreacutee
laquo trop enivreacutee des [eux eacutecœurants des salons ougrave lon Il madmirait
laquo Je t (limais sans tc regar(1eImiddot Tu avais raison
laquoDe toi me vieilt comme un rayon le deacutesir si
laquo cela eacutetait possible ugravee retrouver un chemin un
laquo chemin renouveleacute mais j~ suis prisonniegravere comme
laquo dans un cercle de montagnes
laquo Tout est fini
laquo Il ny a que des ruines autour de moi et en Il moi J)
Oui ma merveilleuse magicienne je connais ta richesse ta puissance ct tes dons et je te plains de toute mon affection
Mais III nas pas assez tocirct compris que III faisais naicirctre parlais des souffrances SUI ton chemin et que nos deacutesirs doivent se limiter lagrave ougrave ils produiraient
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
le deacutesordre tu nas pas assez tocirct compris que laquo les ronces que nous semons 5111 la route de la vie 1I0US les retrouvons tocirct ou tard au relour raquo tu nas pas assez tocirct compris que 1I0llS Ile sommes rion pOUl 1I0USshy
mecircmes ma gralld(~ Jane d que l(~(hallg-c seul llchallshyge charitable leacutechange qui sc douue lait Iii joie de vine
Si toutes tes forces et toutes les aspirations et tous tes recircves tu Ics avais plus souvent que sur toishymecircme tourneacute VCIS luumaniteacute tu aurais peut-ecirctre
ainsi connu un bonheur digne de loi
Un mot pourtant dans celte lettre navrante lourshy
de de tristesse encore inavoueacutee me donne pour Jane
un espoir de relegravevement possible un espoir davenir
malgreacute ce Raoul Falbrut dont elle a accepteacute une
royale installation en subissant un honteux esclavage
que jose agrave peine penscl El celle espeacuterance qui me reste cest celle eacutetoile de reacutealiteacute qui a si subiteshyment eacuteclaireacute sa misegravere et (lui peut-ecirctre pourr-ait comshy
me un soleil levant illuminer maintenant ses lendeshymains
Le ciel qui vient de s ouvrir pour moi ne pourshyrait-il pas sirradier devau t ellc bull
Moi je ne vis plus ici avec GrandPegravere ct nos amies
je vis seulement dans le souvenir de la beauteacute dhier dans lespoir du prochain revoit
Je suis comme endormie et la meilleure partie de moi-mecircme seacutechappe recircveuse vers Le Vuiuqueur qui mcntraicircne dans les lointains teacuteeacuterlques plus merveilleux que les merveilles du recircve
Instantaneacutement il IDa prise toute entiegravere parce
_OH 2 t 2amp middot
F=3 -~ RR ~~~~~-_-~-JL ~
l6 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
quinstantaneacutement je lai reconnu palce quinstantaneacuteshy
ment jai senti quIl eacutetait mon Heacuteros celui qui memshy
megravenera plus haut (Ille moi-mecircme vers mes plus hautes
capaciteacutes latentes vers les avenirs Ionjours glandissants
de beaute en heaulc de splendeur en spendeur despoir en espoir damolli (1 amour Oh seacutelever seacutelever
sans cesse seacutelever toujours plus haut Planer au-desshy
sus tics petitesses el monter vers la lumiegravere solaire
Parfois jc recircve quun aigle royal est mon coursier et
quil memporte vers les hauteurs et ses ailes trishy
omphales toutes rilndes deacuteployeacutees comme un eacutetandard
de victoire hatlent les airs cl seacutelegravevent majestueusement
en hymne de libeacutera tion
Et mainleuant jai lrnuveacute Illon coursier rOYIII et
avec lui je Irnnchirni les steppes arides je traverserai les deacuteserts jescaladerai les collines et lions gagnelons
la Terre Promise
Je laime dans tout ce quil dit dans tout ce quil croit dans tout ce quil pense dans tout ce quil veut
dans tout ce quil aime
Oh Jean Rene Songez-vous en cc moment fi moi
comme je sonne agrave vous cl savez-vous agrave quel point je
vous aime
Je ne connais rien de votre vie Hi de votre passeacute et deacutejagrave je suis il vous complegravetement el je souffre de la
lenteur des heures qui me seacuteparent de vous et de ce que vous ne mayez point encore serreacutee
dans vos bras sur votre cœur bien fort et longueshy
ment
Mais votre legllni dor intense comme la flamme dune pierre preacutecieuse infini comme les profondeurs
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL 97
inconnues de la mel profonde votre regard ne me quille plus el menveloppe de son prodige
Dites-moi Jean-Heneacute dites-moi dites-moi (Ille
VOliS ne pourriez plus sans moi construire les avenirs
comme je ne pourrais plus les construire sans vous
l~ Juillet
1 deacuteshait autant me revoir degraves hier que je deacutesirais noi I~ rejoindre
El nous avons passeacute une magnifique journeacutee
ensemble il matin SUI ln haule [alaise ensemble lapregraves-midi sur la plage libre ensemble au c1nIcirc1 de lune apregraves le dicircner SUI les dunes doreacutees hOI deacutees
des loches sombres bordeacutees des loches devenues
farouches el eacutetraugcs sous les reflets lunaires
Quoique nous ayons eacuteteacute presque conlinllelleshyment en groupe puurtunl nos llgillds IIlIUS isolent lun dans lautre nos limes se parlent salis 1111(
et les moindres minutes lIe legravele il tegravete sont mainshy
tenant pour nous des siegravecles de honheul
La pauvre petite Edmeacutee dnbonl ne nous quishy
lait pas Puis elle a enfin comm-is quil ne dvsishy
lail pas rester seul aupregraves delle el suhitemenl lapregraves-midi lIle (51 devenue lrisle el songeuse Main tenan t je sens Et mee heacutelas tlegraves loin de moi elle sest complegravetement lermeacutee el ne resle plus en ma preacutesence ~(lw lorsquune autre PI(SCIlC(~ lui assure mon sillnce
Elle me lait pitieacute cl hien (Ie je ne puisse regretter pour elle la lin dune illusion de ce qui ne
- ~- l Jgt~~~~~
LA CONQUEcircTE DE LID~AL98
peut pas ecirctre je suis narreacutee de la voir malheureushyse de ce lui me lend si heureuse l Jui agrave certains momenls envie de provoquel bientocirct une scegravene deacuteshycisive qui changerait celle situation peacutenible entre nous deux Que faire Je ne sais encore Peut-ecirctre preacutevenir Crandpegravere el partir poursuivre mon bonheur loin des yeux de la pauvre cheacuterie
Ah pourquoi la vie est-elle si rude pOUl cershytains La frecircle petite Edmeacutee souffre deacutejagrave de soufshyfrances damour la frecircle petite Edmeacutee qui semble faile pour la tendresse et pOUl 1 joie Et dans son cœur ce ne sont plus les fleurs du recircve ce ne sont plus les fleurs vivantes ce ne sont que fleurs desseacutecheacutees vite eacutecloses locircl faneacutees
Et pourquoi Ocirc mon Edmeacutee faut-il (lle ce soit pal moi que tu souffres
Jai deacutejagrave rendu Andleacute Calvis malheureux et voilagrave que maintenant je te rends malheureuse moi qui cherche acircprement le honheur et qui voudrais aider pOUl lous son prodigieux eacutepanouissement
Limpuissance dagi l cest le plus terrible mal limpuissance devant le deacutesordre limpuissance devant le malheur Comment lhomme ne concentre-t-Il ras Ioules ses faculteacutes loutes ses eacutenergies tous ses efforts lous ses deacutesirs Ioules ses penseacutees toutes ses aspirations vers la seule chose neacutecesshysaire devenir de plus en plus maitre des forces appeleacutees forces inconnues (mais 1101 ineorrshynaissables ) devenir de plus lli plus maicirctre des eacutevegraveshynemenls de la vic Quexiste-t-il hors de cd Inteacuterecirct si intense Que SUlI t agrave cocircteacute de cela les distrac tiens-
LA CONQUEcircTE DE L[DRAL 09
ou les plaisirs ou les luttes de politiciens ou les luttes de partis ou de castes ou de laces ou tous ces gestes quelconques dans lesquels lhomme gaspille une si innombrable somme de forces inutiliseacutees
Jean-Reneacute sent autant et plus (lue moi-mecircme cette perte deacutenergies preacutecieuses ct le cher apocirctre qui a conquis mon ecirctre nous a ouvert un Instant SOli acircme geacuteneacuterruse cl vibrante si douloureuse de la souffrance humaine mais si vaillante dans leffort
Ce malin sur la falaise ensoleilleacutee nous eacutetions assis lui Edmeacutee et moi et nous aYons padeacute longuement de celle Philosophie Cosmique de celte meacutethode de vivre inleacutegralement rationnelle aussi bien Tndividuelle que sociale terrestre mondiale
Que dimmenses possibiliteacutes quels merveilleux espoirs quels horizons infinis il ouvrait devant mon intellishygence et mon cœur
Je veux me sou venir de ses paroles
oc La vic Tout ce qui csl tout ce qui a eacuteteacute tout ce qui sem la source ineacutepuisable la base sans limites la manifestation originelle de lInconnu pal laquelle et dans laquelle toutes nouvelles manifestations sont reacutealisables La Vie 1 Telle quelle nous apparnit actuelshylemen t elle est deacutejagrave le mystegravere sans bornes leacutepanouisshysement incessant la complexiteacute innombrable la leacuteerie continuelle des transformations inouiumles
Pourtant ce qui en est deacutejagrave reacutealiseacute est seulement comme un embryon aupregraves de Iegravelre magnifique et parshyfait A mesure que notre intelligence reacuteussit agrave seacutelever
-
1
100 LA CONQUEcircTE DE TlIJ~AL
dans la reacutegion conceptiveacute les formes lalentes seacuteveillent
autour de nous cl notre penseacutee constructive deacuteveloppe notr-e ideacuteal cl ccsl ln vic plus 1)I()f()ud(~rncnl heureuse
ln vie prollgo(r donl toutes les transformations sonl
bienfaisantes dont toutes Ics eacutenergies sont utiliseacutees
dont les fleurs ne se fanent pns dont les eacutepis g-erment ct (lui chante la joie cllalleacutegrcsse de limmortaliteacute
- Mais pal (1lels moyens ai-je demande peut-on
diminuer la souffrance
- Puisque la vie continua-I-il sc deacuteveloppe cl
seacutevolue suivant des lois que lon peut connuilre el
appliquer il est eacutevident pour un esprit philosophique
(cestil-dile snchaul penser dans une sphegravere logique
sans ecirctre enchaicircneacute pal It~s faits actuels qui S01l1 les
effets ct non les causes) il est eacutevident qlll la science
est la veritable resfitutricc de ricircge dor
Celle science il [aul quelle seacutetende aussi loin que
la vie elle-mecircme parlou ougrave lharmonie cl lerreur sont
capables ugraveapporleI la paix ou la souflrnnce
Pour conqueacuterir telle ltelle science indeacutefiniment proshy
gressive il faut des savants qui soient aussi des philososhy
phes ou qui adhegraverent il ln Philosophie libre cl audacishy
cuse cette vraie Philosophie annonciatrice de cont reacutees
toujours nouvelles
Si celle science cl ai l lrouvce ou en voic de lecirctre il
lesterait encore ugrave lllppliqu(( Mais les hommes se conshy
duisent pal imitation pal habitude pnr instinct
JI y aurait donc une œuvre immense de propagande
agrave enlreprendre pOlir fairc counaitre les conclusions scishy
entifiques inteacutegrales capables de modifier lexistence en
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL toI
ln conduisant dharmonies en harmonies vers un eacutetat de l-onheu l croissnn L
Il faudlnit plus eucorr- connaitll~ nest pa assez il
faut comprendre aimer Illaliquel celle scie nec li~leacutelashy
lrice il faul que Ioules les faculleacutes hUUlltlines euf rent
en jeu pour leacutepandre pour lllNil pour reacutealiser la par-ole daffranchissement
01 cette science existe ses bases en sont poseacutees Et
tandis que les savants et les philosophes voileacutes les precircshy
tres du sanctuaire doivent continuel la recherche el
la deacutecouverte en mocircme temps ct pnrallegravelernent il est
neacutecessaire ltlle les reacutesultats acquis soient diffuseacutes
Chaque grudation dhumaniteacute est apte agrave comprendre
et il utiliser celle pn de connaissance (lui lsi dans son
hor-izon normal el dont lIle peut efllcaccmeut sc servi
POUl llIll raison la diffusion mecircme de ce (lui esl
deacutejagrave connu et cn(gistll ne peut egravehe faite que par de
gr(~s pal seacuteries Celle loi eacutetablit linilialion pogIesivl
la classification le groupement hieacuterurrhiquc
Et maintenant je puis reacutepondre il votre question en
la preacutecisant quelles connaissnnees pouvez-vous actuelshy
lement donner pour commencer rameacuteiolalion conscishyente de leacutetat humain
Oh la veacuteriteacute est simple mais O1Il1ll dit Iiuml~ldeacutesjilsshyle Cl ils onl chercheacute beaucoup de discours raquo
Il y il dhumbles cailloux rouleacutes dans les lorrt-u ts de
la mentaliteacute seacuteculaire qui sont en reacutealiteacute des gelllmes
preacutecieuses De loin ils semblent sans valeur si on les lamasse si on les COIII(lIIple Iougucment 011 slfHrccediloit
quils sont tlane IrallIlrtnc pallaile el Ille I(~ monde sy reflegravete
--~ _~--~---------- _-
JIll
~~~JA~~~)~rJ~~~t~~ - iir~i ~ c lt ~~~
LA CONQutTB DBtot LA CONQUEcircTB DEuml LmhL -----------------------shy
but uMqu-e le culte deOui ce nest pas lous les joars quune vnouvelle loi niteacute
peut ecirctre trouveacutee quune nouvelle promesse peut temshy~Et lhomme doitber du ciel 1
tion des diverses capaciteacutes humaines Mais agrave travers le temps bien des deacutecouvertes se sont nir la progression in~essante
C amasseacutees bien des sentences de sagesse ont parsemeacute la bull
1 lhomme qui est ~ terre
le proteeteur le libeacuterateur deDes proverbes dont lorigine se perd dana la nuitiX la terre to~tes les torees
des iges sont comme des phares sur la route de leacute- fuseacutees par le regravegne r volutien individuelle et collective des rites et coushy ~ laquoAidemiddottoi le ciel taidera 1 J)tumes ~n divers pays maaitestent encore sous leur 1s-i
~~ symbolisme incompris la science des eacutepoques passeacutees u Chariteacute bien middot middotmiddotmiddotmiddotmiddot~~
laquo Bien faire et laisser dire Pour les peuples le progregraves ce sont des lois meilshy1middot~K~ leures le culte de la santeacute et de la vertu un pen de ~ TOlite cette sagesse ~W science au lieu de superstition un eacuteveil intellectuel Ion vrai rocircle sa responsabiliteacute~laquo qui ne peut venir quen enlevant le terrible poids de seignait quil doit avant tout~1rmiddot
la croyance irralsonneacutee et quen mesure seulement~r middot POUl ldite leacutevolltlioD ce~t ladheacutesion persistante des aides peuvent devenir
~l bullbullbull agrave la logique il lexpeacuterience ail maximum de bonheur Ainsi Jean-Reneacute~ ~ cest le plissage IU crible de lamas coolus et impur 10pque~ ~ ~
( des arts sans spirituahteacute des poeacutesies sans propheacutetisshy moi mes~ propres horizons1 me des sciences trop borneacutees ner dans le soir tiegravede etil~ Cest la reconstruction des mœurs des litteacuteratures finie que nous veacutecucircmes(~) (- - - des lois sur une base de bonne volonteacute complegravete et~( Etait-ee parce que les eacutetoiles brillantes nOlis parlaiententiegraverement libre
1 de paix et -damour eacutetait-cePour Itndlvidualiteacute qui aspire agrave ecirctre par soi-mecircme
plus seuls sous le manteaule cettel marcher en avant comme un pionnier et comme un
ce parce que nousluidechaque helire ehaque acte chaque penseacutee est
cœurs tout pregraves lun deuneacute voie de perfectionnement Cest le seuil des grands de nos corps neacutetaient plus agravedestins mecircme de nos Ames Pour toutes i~s gredutions ensemble le moyen deacutetashy
Silllpienle~t puisque 1I01ll(blil la eoopeacuterntlon harmonieuse est de reeonnaltre ~un
1~3LmAL
lideacuteal manifesteacute dacircns lhuma
comprendre que c~st de lfllljlisnshy
que lui peut veshy
vers le bonheur Cest linitiateur Ieacutevoluteur le gueacuterlsseur
lhomme Parce que sur
eosmtqueaeont ~ccedilues et ditshy
humain lhuman~teacute intellectuelle
ordonneacutee commence par sQi mecircme raquo J) bull
antique qui donnait agrave lhomme reacuteelle et qui Iui enshy
compte SUI lui-mecircme de sa propre pnissance
ses toUaborateurs raquo
parlait intalissablement et par uneIcircsuperbe illumineacutee despoir i1deacuteployait devant
Mais cest le soir apregraves dicircshy
constelleacute de limmensiteacute in-lheUJed~ recircve
parce que nous eacutetions nuit douceeacutetaitshy
sentions vers le vaste ciel pur nos
lautre et que les silhouettes celle heure que limage bull
OOIIS SOUlme t
------- ---- ------
104 LA CaNQUETE DR LlDF-A L
que aussi impeacuterieusement llin qlle lautre nous avion S
soif de certitude eacutel ail-ce parce ltlIC la minute avait
sonneacute p01l1 nous de taire du recircve exquis IIl1e ardente reacutealiteacute mais soudain nous nous sommes arrecircteacutes lonshygllcment en arriegravere tandis que les autres venaient de disparaicirch-e dans tin tournant du chemin et comme je Jaltendais comme je le deacutesir-ais comme je le voulais
Jean-Reneacute me prit la main dans les deux siennes et
avec une torce de lendresse passionneacutee il dit seulement
- Michegravele
Oh la douceur de ce nom tians sa bouche Oh
(~IIe lpeleacutee ainsi [Jill Lui ce me parut ecirctre comme une
pltlIIii~le eacutetreinte ct je Irissonnni dun frisson inconshy
IIU Dans lcs mains puissantes qui pressaient mes
ltjoils il me semblait sentir Ioule la substance de SOli
amour descendre en moi el monvelopper dune vague
somplueuse t luurde dexlase alauguie
ldais look alalldolllleacutee lt lorsque sasseyant SUI
UII talus killl-Itcneacute lUilUiliI aupregraves de lui je sentis
avec deacutelice ma faiblcssc devant sa (oree et je rae sershylai 10111 coulrc lui
Michidc 1(~plmiddotlililil il mi-voix ~Iiehegravele Michegravele
1 (lorn 1I1i1 ruuin il ses legravevres
- VOliS OcircII~S mou ideacuteal Michegravele reprit-il vous ecirctes la beauteacute dl mes llves el lintelligence de mon espeacuteshylance Mais Iii vie lttue je dois vivre sera souvent agraveshypre cl padois douloureuse La Cause que je SCIS est
cumhat lue car bien peu la comprennent Vouloir le
honhcur (ie hnuunr-s cest accepter Iisolemeut cl Iii hardiesse des idees cosmiques a besoin de soldats coushyrageux et pcrseacuteveacuteJanls toujours precircts agrave la deacutefense tou
~ ~ 1 1 ~
LA CONQUEcircTR DE LIDEacuteAL 105
jours precircts il subir Iii conlJadietion des preacutejuges les
assauts les plus deacutecevants et surtout les incompreacutehenshy
sions les plus navrantes Quand il est question tfeacutequishylihrcr le deacutesordre colossal des socieacuteteacutes chacun a des
yeux de lynx 10111 npercevoir tontes les dilficuleacutes de lœuvre les milieux ne sont pas preacutepareacutes les hommes
sont trop insoucieux dun bonheur encore lointain quil sagit de conqueacuterlr et les objections abondent
Cest justement parce que linertie est graude quil
nous faut plus deacutenelgie pour commencer ladmirable
tacircche ct aussi toulc ma viegt VOliS compr-euez Mishy
chegravele tou te ma vie est deacutevoueacutee lt1 cette Cause et ma vie est seacuterieuse ct seacutevegravere
Je veux que vous ayez bien compris Iii glaviteacute de
cette existence mon il mie avant de me permettre de
vous dire tout cc (lui de moi deacutesire senvoler vers VOliS
avant de vous dire que mon lime est pleine de vous
el que mon W~III bal biea tort dans ma poitrine ce
soir en vous parlant de vous sentir si pregraves de moi
si confiante si honne jIon unique recircve est eu vous
mon espoir sacreacute chclcheacute depuis des anneacutees cet in fi ni de feacuteliciteacute cet apaisllment de taut ltle peines ma
lumiegravere mon bonheur mon amour tout ce (UC je suis et tout ce que jespegravere tout est Vous
leacuteprouvais un bien-ecirctre deacutelicieux une eacutemoliou de
douceur (ode Une pleacutenitudlaquo de joie immense tandis que
sa voix enveloppante me parlait ainsi et de tout ce
que jentendais ct de tout ce que je voyais du ciel illumineacute de la mel argenteacutee par la 11Inl toute 10nshy
de qui moulait dans le zenith lcalalllt el maistnenshysv Ieclosion de 11I111I egravelr e stnrichissilil eacutemelveifleacutee de leacuteclosion paleille fie celui que jaime
l ------shy
~-t f~t
~~~~~~~ ~ ~ ~J~
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL106
- Reacutepondez-moi Michegravele leprit-il avec une allenshy
te freacutemissante
MOIl visage heureux seacutetait appuyeacute sm sa large eacutepaule et je ne pus lui dire quune phrase mais je
la lui dis du fond de lacircme - Je vous appar liens toute en liegravere
Un eclair de bonheur parlurna son regard et dans un eacutelan subit il se mil debout devant moi puis il
se pencha doucement et mc baisa sur le Ironl
Et nous nous regardagravernes sans plononcer une parole Ce fut Jean-Reneacute lui rompit le silence A voix basshy
se presque timidement il me dit laquo Ma cheacuterie je
taime Jt El moi comme un eacutecho jai reacutepondu laquo Je
taimbull raquo
A ce moment la nuit triomphait
La lune au dessus des flots laissait tomber une
gnmde lueur qui faisait SlI la mel une infiniteacute
leacutetoiles se balanccedilant agrave lhorizon multiples Itlellugraveshytres dans un sentier (largent tout caresseacute deacutecume
_ Comme celte Duit esl grande murmura Jean-Reneacute
comme celle nuit est belle et glolIcirceuse
Et YOUS ma cheacuterie vous ecirctes plus feacuteerique que jashy
mais sous ce ciel fleuri deacutetoiles ct dans vos yeux
bleus si infinis je vois encore un ciel aussi profond
a1l8si pur aussi radieux que lautre _ Jean-Reneacute lean-Reneacute 1
Et en lappelanl ainsi toul mon ecirctre seacutelanccedilait vers
lui Lorsque nous avons rejoint nos hocirctes il ma quitteacute
le bras et nous 1I0tlS sommes dun commun accord
tacite lIU peu daigneacutes lun de lautre
= LA CO~QUFTR ilE rmRA L 107
Ceci le fit sourire de son sourire si jeune cl charshymant SOIIS la graviteacute habituelle de sa physionomie
- Oh 1 une eacutetoile filante criait le petit Guy
Une graade fuseacutee de joie venait eu effet de sillonner
le ciel du nord au sud apportant un eacutellange mouveshyment dans lapparente immobiliteacute de lordre ceacuteleste
Et Jean-Rene (fui avait rejoint Mme Torguegraves lui pli shy
lait des mondes stellaires
- Le livre des Etoiles disait-il La lahle des grands
secrets La route hieacuteroglyphique imuuuhle qui pour
ceux qui savent en deacutechiffrer les figures mouvantes
ouvre l-s portes Ile la connaissance les arcanes de lharmonie
20 J uillet
Chaque heure tailleacutee dnns notre bonheur 1I0US (nshy
traicircne plus avant vers la communion infinie de lamour
et de la pensee el notre tendresse augmente irreacutesisshytihle comme le flux puissant avance agrave la mareacutee monshy
tante sans que rien ne puisse le retarder
Assis sur le vieux dulmen aupregraves de la source qui
chante nous avons hier passeacute un momen t exquis cashy
cheacutes par le rideau des feuilles tremhlautes du saule ishysoleacutes de tous isoleacutes (UII dans lautre
Nons~eacutetions tregraves eacutemus de ce tegravete- agrave-tegravete facile et charshymanl A voix basse Jean- Heneacute prononccedila - Maintenant donnez-moi votre regard longuement
Nos yeux se conlondiu-ut el 1111 charme Iascinateur- intensement fluidique 1I0US unit llin agrave lliure
- Comme notre agravellle rayonne dis-je doucement
~~
108 LA
Alors lui se pencha et nos legravevres se sont unies
Avant de quitter notre retraite Jean-Reneacute cueillit brin de genecirct dal pousseacute seul parmi les nissantes des vieux saules
- Mon Elue ma Fianceacutee dit-il Irant la fleur embaumeacutee
Et comme serreacutee dans ses sur sa luge eacutepaule il con tinua avec
- Vous me permettez de vous
- jen suis tregraves fiegravere et jen suis reacutepondu
- Une vieille leacutegende galloise negravet parle bonheur aux fianceacutes agrave cause
de soleil couleur de lessence et de la vie et agrave cause aussi de son parfum doranger fleur de la marieacutee Nc que ce porte-bosheur soit venu
gage de promesse agrave cette heure divine fianccedilons
Sa voix eacutemouvante faisait trembler
- Vous ecirctes lideacuteal de mon ideacuteal ecirctes la vic de ma vie vous ecirctes mon Tout et je suis li toi ajoutai-je en serrant tegravete cheacuterie en tre mes mains je suis agrave jours eacuteternellemen t sans
- Oui reacutepeacuteta mon ami tu as nous sommes lun agrave lautre depuis jours eacuteternellemen l sa us limites
109
J ~~J ~pri-1
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
--
Notre amour est noble et grandiose et profond Qui peut dire quand ila commenceacute
Alors allant vers le Bois des Lys nous regardacircmes ail loin le ciel breton pacircle et deacutelient le jardin en fleurs il lentreacutee du bois qui semblait 1Ir deacutecor de recircve sous les vapeurs mauves et lOses du prochain creacutepuscule
Puis nous nous regarducircmes longtemps jusquau fond de lacircme Et nous nous sommes embrasseacutes silencieushysement comme poII sceller notre promesse nos fianshyccedilailles notre han hem dans un silence lcm pli dUne eloquence vibrante et dun eacutechange eacutemu et sacreacute
Lui sembla descendre et se recueillir dans les proshyfondeurs de son egravetre el comme sil revenait de quelshyque contreacutee lointaine lentement gravement il ma dit
- Savez -vous Michegravele pourquoi nous avons eacuteteacute
attires avec tant de forccet de certitude vers le lieu
de notre rencontre Saveuroz-VOUS pourquoi degraves le plC-middot mier jour tout cc que nous sommes sest combineacute illumineacute magnifieacute lun dans lautre savez-vous pOlllshyquoi notre premier regard a eacuteteacute extasieacute pourquoi no tre premier contact a eacuteteacute comme un repos POlIlqIlO degraves 10 rs notre penseacutee na plus cesseacute de nous unir ct pourquoi des mondes se sont eacuteveilleacutes en nous comme des musiques de lumiegravere ct savez-vans pourquoi vous
mavez vous vu dans un de vos recircves en 1111 soir ougrave votre lime parlait
Cest Michegravele que Ics helles leacutegendes sont vraies que tout senchaicircne et recommence que dc tels que nous sont venus et revenus deacutejagrave sur celle terre cest
-
CONQUEcircTE DE LTDRAT
passionneacutement eumlperdumen t
un branches beacuteshy
lentemeat en mofshy
bras jappuyais ma tecircte douceur
appeler ainsi
si heureuse ai-je
raconte que le ge de sa couleur
la germination de pareil agrave la fleur
pensez-vous pas fleurir ici comme un
01 nous nous
mon agraveme
Jean-Reneacute vous en fout
agrave mon tour sa toi pour toushy
limites bull agrave jamais
raison ma Michegravele toujours et il Loushy
pou l jaurais
--l
-
1 ------
LA CONQUEgraveTE DE LIDEacuteAL110
lue nous nous sommes reconnus parce que nous nous
sommes retrouveacutes
Viens ma Bien-Aimeacutee ma Toute-Belle ma TouteshyRadieuse viens te souvenir
Viens revivre les anciens bonheurs plus somptueux
plus mCICill~ux llus magnifiques parce que toute lexplirience et toute la science et toute la joie de nos arnes seacuteculaires S~ cnndcnscnl maintenant pour reacutealiser toujours pllIS toujours mieux uulre ideacuteal notre ideacutee
notre dualiteacute
_ Oui llpoudis-je comme eacuteveilleacutee par ces paroles
en des temps anliqlles je sens tout cela depuis toushy
jours Mais ce que mes recircveries apportaient en moi agrave
certaines heures intenses de splendides contempl bullbull tions
ceHe sorte dextase certaine en laquelle rien naurait pu enlever ma foi eacutechappait padois fugitive il ma
penseacutee consciente et maintenant je sais quavec VOliS
je trouverai les chemins qui reacutevegravelent qui affirment la reacutealiteacute des veacuteriteacutes que connaicirct nol1p ecirctre inconshy
scient el dont nuhe esprit nentrevoit trop souvent que
de Iaihles lueurs je sais quavec VOliS je trouverai les chemins mysteacuterieu x qui peacutenegravetrcn t un pell da ns cel te
complexiteacute eacutetonnante et occulte quest la vie
Dans la vision radieuse ougrave je vous ai reconnu pour la premiegravele fois Jenn-Rcneacute VOliS avez deacutejagrave fait vibrer (1) mon cœur les libres du souvenir et celles du travail
magnifique actuel et celles dun g(and espoir
Vous mavez appeleacutee il vous comme vous venez de le faire encore et vous mavez deacutejagrave padeacute des belles choses quIl y a de pal le monde agrave accornplir ensem ble des recircves agrave reacutealiser des reacutecoltes agrave moissonner
LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL III
des conquecirctes agrave poursuivre des espoirs agrave faire renaicircshytre des victoires agrave remporter des destins agrave magnifier
Et votre voix inoubliable a reacuteveilleacute en moi tout IIn passeacute lointain endormi dans mon egravelre
- Ma bien-aimeacutee leprit-il avec une eacutemotion heureuse je veux vous dire aujourdhui qlle moi aussi avant dnvoir le bonheur de vous rencontrer ici je VOliS ai vile souvent je vous ai padeacute souvent et qlle degraves
mon premier reg-ard en vous approchant SUI la plac creacutepusculaire devant ce coucher de soleil feacuteerique jai reconnu celle que jairnc Celle (lue jai toujours aimeacutee
Degraves ce sail lagrave jaurais voulu pOSC1 mes legravevres sur vos cheveux el vous dire simplement
- Tu es il moi comme je suis agrave toi te souviensshytu comme je me souviens
le VOliS avais d(~jagrave si souvent admireacutee et peacuteneacutetreacutee et comprise
Et depuis des mois jP vous cherchais tellement
Si souvent je vous ai vue toute semblable agrave ce que vous ecirctes en ce moment avec vos g~ands yeux hleus
pensifs pareils agrave limmensiteacute avec vos cheveux (101
releveacutes sur la nuque avec vos mains fines et votre bouche joyeuse
Si souvent je vous ai contempleacutee je vous ai admireacutee assise SUI un large sopha chargeacute degt coussins eacutepais dans une chambre toute rose dune eacuterugravece 1111 peu olishyentale avec son lit mauresque tregraves bas ses vases lII
terre ses crucheltes ct son brucircle-parfum de cuivre cishyseleacute ses etoffes roses et 01 de soie algerienne ses kashykeacutemonos japonais et tout le confort de ses grands
Il
tAJi ~ --~ ~4 J-t 14 1 t l 1 f J J 1 1 1 il iuml==f F1 -1 1
LA CONQUFTR DR LInRAL112
Iaulcuils de son vaste hurcau de ses souples tapis de
sa haule lampe iudicnue el toute latmosphegravere chaude
ct Illll( dIlne piegravece ougrave hm aime il vivre il penser
il 1((1
Ma surprislaquo S(illllI(illaii plo~I(s~iv(mclit c(lle
de~eliplioll si plOllllallllllplil (adc el lIillarlllable de ma
chamhre de jeune tille
Il lul sur mon yisa3c ccl (mcrveillemenl et continua
en som-innI
-le lit suis pas lili SOITi(I ma cheacuterie El je ne
lais pas de mirerles Quand YOllS aurez lin pell lravailleacute
avec moi la science psychiille tladitiollnelle VUliS
comprendrez 1legraves litt~ilcmell lcpliealion de cc qui peu maintenant YOliS palailrc mvslcrivux el qui vous
parait ainsi un iqucuu-ul pa rrc qll( VOliS i~nollz eucnshy
n les raisons sciculiflqucs les ra uscs dies tfrels nashy
turels de pheacutenomegravenes semhlahles
LOISqllOIl peul etudier (I)lIlplelldll~ analyser ex 1)shy
ruucn lrr lIplod IIi 11 il volon l lII un mot lursqunn
arrivlaquo il (xpliqll(1 scieilliliqlltnltill CP qui (si appeshy
leacute le laquo Slllll3tlllcl raquo 011 sil)tr~oil IllIe rien ues surgt
naturel (lIe le muaclaquo tI 1( hasard nexistent pas el
(l(~ la nature contenunt tout rieu ne peut eacutetre en
delierraquo delle _ Al()s dites-moi queslionunije l regraves interessee 101sshy
11t~ vous dl~s venu il l(I-~ollhd saviez-volis aussi qlle jy (Iais my aviez-vous vue
lai senti qll( je devais vr-nir ici cl(Z 1lnll 101shy
gllis POlU une raison plofonde mais je neacutet ais pas
assez conscient pOlll me lClIdle comple de cc qlle poushyvail rtre ceUe ltiSOll Cependalll c~lle inluition elait
LA CONQUEcircTR DR rIDRAL 113
si intense 1IH cIsi pour lui oheacute i r qll( jil quitte cel
eacutel ma III e a(~e lalIIII il passe lamilialrment cihllhillld~ lous les ans rr(s vacances
rou~ ne pouviez dOliC pas Ille voir il distance dans llI-)ldl(~1 couuu e OIlS mavez VIII dans ma cha rulm- il la ris
- i01l 011 du moins bcall(ollfl plus dilricilernenl
Cc qui Ia il Ille je VOliS i si souvent r(lald dans voshyIll jolie chambre lost c(sl qlle cet te piegraveclaquo est toute
spccialemen l (IIi(r dt vos fllOfllts forces cl qlle
celte au risn lio n lsi (OIllIU( Ill ldlt~cf(lIr Ill phare
une aid( pour Il seusil it IllIi chere ho ~ oil il distance
lnunsatton c(1 la mdiegraverr nerveuse matiJc plus
rilleacutefieacutee JIH la mlIiiI( plnsilllc qui ltlcllilppanl de
IlnlIS impregravegne lallllOsplllll d(lrllI( 11
Iormunt 1I11e amhinuce 11I11IillllS( plus 01
rahle visihle pour le vovaut cIsl-il-dilI
qui pl~1l1 voir dans ce dtgl~ plus rmfil (le Je dis alors
dl 101(es
moins dushy
pour celui
la matiegravere
Chaque 111 lII rt lsi 1111 vruan a leur lit forshylls
Plus 011 moins puissant rpolldil-iI plus 011 moins
deacuteveloppeacute Nous a vons lous (11110111 dl 1I01lS 1111 eutoushy
rage lin en velnppeman] fluidiqll( d ces fOlrts Ille
nous eacutemanons ((st re qui cuu s li lue Iuurn La coushy
leur la forme les eaparilts de laurn S01l1 multiples
ri immense est ItIldlll dlt (~(~llt~ slilrH des auras si lIeacuteg-lieacute~ si ill(~olllei uo lre liPOIIl
-- Que je str1i bCIlIrll~(~ qlland VOliS (10I1IItZ 1111(1shyprenlre tous crs mOllths d(ludlS pl de ~ilgISSr meacuteshyeriai-je
-------~----------------~
114 LA CONQUEcircTE DE LIDEacuteAL
~
Puis je lai lluestionn( encore
_ AIOI~ lorsque d ans tonte la Bible on peut seacutetonshyner de voir ces hommes de Inie les palriarches les
pl()phi~le~ choisir en 111I moment la comparll~ de
leur vie nest-ce pas justement luce que rwchiqlleshyment ils se reconnaissaient lun lautre immeacutediatement
eacutetant assez lvol lieacutes usez conscients POIII agir ainsi
_ La Bibl comme les Veacutedas comme lAvesta comshy
me tant daulres livres sacreacutes renfr-rm des prolonshy
deurs sublimes malgreacute les traduefions insatisfaisantes
malgll hien des passa~es mutileacutes prrlills ou translorshy
meacutes et votre penseacutee est juste ma r-herre
_ Je suis si heureuse ai-je poursuivi clIe VOliS
connaissiez ma chambre car je ne sais pourquoi p~r une sode de pudeur jl nai iamais voulu y laisser enshytrer que de lregraves rares amies Elle est bien mon cadre
le plus intime et il me semble que de lavoir ainsi
peacuteneacutetreacutee cest un peu plus rie moi -mecircme qne vous
avez pris JI
laquo Il Y il plus de secrets dans le ciel et sur III terre Horashy
tio quils nen ont trouveacutesdllnl toutes leurs philosophies JI
dans laLI soir je suis entreacutee comme dhabitude honnechambre de ~rand pegravere rOll lui souhatter une lui etnuit En membrassant il me releva la tecircte vers
me regarda jUSCJUllll fond des YfIlX_
Je le sentais vibrant et tregraves lmil _ Sais-tu 10011 entant dit-il simplemlnt drpuis comshy
bien de jours lu connais M Formant
J - J J LA CONQUEcircTH DE LIDEacuteAL 115
1 l lOU gis palce lJ ue jaurais vou111 pouvoir garder plus longtemps pour moi seule notre grand secret
- Tn ne veux doue plus me consideacuterer comme ton vieil ami reprit-il
- (rand-pegravere cheacuteri meacutecriai-je lu sais bien que tu
seras le premier agrave qui je parlerai de mon bonheur Mais pourquoi me Ir demander si icircle
- Comprends ma petite fille qlle je ne deacutesire aushy
cnne confldence de Cl que lu veux ~-arder comme lin
treacutesor cacheacute tout ail fond de ton cœur Seulement ne
suis-]e pas lagrave encore et respnnsable de la jeune exisshytence nest-ce point faire mon devoir qlle de guider
les pas
- Til as raison ai-je murmureacute alors et si ton affecshy
tion pOli l la petite Michegravele ta fait deviner la veacutelIcirc leacute
pourquoi le la cacherais je J Et puis je suis heureuse ~rand pegravere je suis deacuteshy
licieusernent heureuse de pouvoir enfin te parler de
Lui
Ah tu me demandes depuis combien de jours je le conaais
Grand pegravere gland pegravere jl ne puis le dire je nen
sais plus rien mais c( qlll je sais ce que tout mun ecirctre eacutepanoui alliumlrllH PI proclame av(r alleacutenssl cest qlll deshypuis crs quelques jours jai veacutecu rlt-s mondes cest quenshy
tin jc Ill suis nl(~ qlll depuis nohc rcnconlre je Ile vis
je ne sens jl lit comprends jl nexiste que depuis quII est ici
Voilagrave coulinua ~rand pegravere soucieux ce que je pensais Mais je Ile croyais pas que tu le serais ainshy
~If f =1 If If H H H ~ H ~ -1 ~ ~~t
LA CONQUEcircTB DE LIDEacuteAL -1116
li laisseacutee aller si vite comme une enfant
Je linterrompis
- Que dis-tll Comment toi tu ne l)[lImiddottag~s pas
ma joie
Sa voix tremblait lin peu lorsquil rem-it
- ~Ia Michegravelc mon treacutesor Pour Ion bonheur je donshy
nerais volontiers tout cc qlle je suis et jespegravere avec
une force dont on pourrnit lmire un vieux cœur cornshyme le mien incapable qlle lu as trouveacute le bonheur de ta vie Ton avenir mais ma cheacuterie ton avenir cest
ma penseacutee cest Illon espoir cest aussi mon lourment Si lu me vois troubleacute il un moment OlJ tu tattends de
ma part il une joie deacutebordante cest que je crains enshy
core que trop tocirct tu aies loi en lin espoir qui mest
cher mais qlle jaurais voulu llus certain avant quil
ne grandisse ainsi en toi
Jai si pelll lOUI ma Michegravele (ie la moindre souffranshy
ce de la molndre deacutesillusion Rent Formant me Tait
leffet je le lavoue dlin ecirctre exceptionnel par le cœur
comme par lintelligence el jai pour lui une immense
sympathie
Comment apregraves ces mots ne las linterrompre
-- Laisse moi tembrasser tregraves 1011 grand pegravere pour
cette parole
- Mais cheumlrie tu comprendrus facilement que jai
mille renseignements agrave prendre sur co jeune homme
sur sa famille SUI sa vie sur sa situation el quil seshy
rail peu sage a toi de lui faire aucuue promesse avant
de connaicirctre davantage les pnssibiliteacutes dlin projet vous
concernant tous deux
LA cONQuin DE LlDEacuteAL 1I7
Celte ideacutee de laquo prendre des renseignelllents J) sur JeanmiddotReneacute me fit eclater de rire
Cependllnl une lnruu deacutelllOtion (pli roulait sur la belle harhe blanche 11I( lendil aussiugravel moumiddotseacuteieux
- Ne spis pas inquiet mon cher grand pegravere ta petite Michegravele est sIcircrre duvoir trouveacute son bonheur et elle est
tranquille deacutesormais dans un chemin si noblement beau
ii eacutetincelant de lumiegraveres pures et diamantines (IUC
rien de deacutecevant ou damer ne pourra ly surprendre
Ali conlraire je monterai maintenanl de beauleacute en beauteacute velslIdeacuteal qui ne le voilera plus
- Je veux que lu dises vrai reprit-il glavemenl Seulement je dois le rappeleraquo que la vie est seacuterieuse
que tu es tregraves jeune et que si rnalgeacute tes dix-huit ans
je te laisse aussi libre dans tes allures aussi lespollsahfe
de ton deslin cest laquoIle je llois profondeacutement en le
jug~me[Jl saie el sain de ton Ame et de ton inlelljtncf~
~e me donne donc pas de regrets pas de l(morlls
plus tard de tavoir eacutelevtie pal celte meacutethole que jai
ClU bonne en te preacuteparant tregraves lot il la lihelleacute cons shycienle eu te formant tregraves tocirct un cœur Je femme
Leacutemolion du bon visage hienveilJalll milvait gaglHt~
- Oh oui je sais tout ce laquone je te dois glalll pegravere cheacuteri et ma lecoullilissallce aUeudrit veul pour Il~ lCshy
mercier de Iaut de vrnio tendresse devenir 10UjOUlS plus
digne de la confiance rare si encourageante si preacutecishyeuse que lu as mise en moi
~ ~ ~ ~ ~)
LA CONQuecircTE DR LtDeacute~L ll~118 LA COllQUEcircTIl DR LIDEAL
- Ne me tais pas plus de mal Oh pourquoi es-tu venue ici cet eacuteteacute r Pourquoi esmiddot tu venue
21 Juillet
Jai provoqueacute ce matin la conversation tlue je senshyJe lentraicircnai sur Il canapeacute oit je lattirni Ioule PlOshylais neacutecessaire entre Edrnee et moi
che _ Laisse moi Michegravelt seacutecria -l-elle brnsluemenl sishy
tocirct tlue jentrai dans sa chambre CIl se levant du fall shy -- Til as tort de regret ter ma preacutesence cheacuterie Qui teuil ougrave elle eacutetait assise laisse-moi Jai besoin decirctre peut dire que si je neacutetais pas 11 J~all-Itcllt~ et moi Ile
nous serions pas rencontreacutes un jour et que plus dt soulshyseule 1 Irances encore auraient pu samonceler CI~ SOllt les _ Non reacutepondis-je en la serrant dans mes bras non atfiniteacutes qui (ont les attractions el lorsque deux destins je ne te laisserai pas Je sais ton chagrin je pleure tendenllun vers lautre tout leur est lin chemin pOUlde tes larmes el jai le droit de venir pregraves de toi te se retrouverconsoler tentourer te bercer dans ma tendresse Ne
suis-je donc plus ton amie - Non Michegravele interrompit Edmeacutee je Ile crois pas
-Tu as pu remarquer pourtant Michegravele reprit-elle cela Avant de te connaicirctre il eacutetnit heureux deacutejagrave de nous
avec amerlume que je vous laisse suffisamment lun agrave venir voir agrave Kel-NouH el ce Il~tail pas pour loi puisshyquil tignoraitlauhe lean-Heneacute et toi sous diffeacuterents preacutetextes que
mon cœur sait bien trouver Et maintenant jai beshy Mais t es passeacutee aupregraves de nous el la beauteacute la eacuteshy
soin de me recueillir et toi lu naurais pas de pitieacute Bloui f tu es passeacutee aupregraves de moi illI moment ougrave poushy
_ Oui rai va la tendre bailleacute mais jai VII 1Iussi que
vait naicirctre mon honhem- et jaul ais dugrave It~ preacutevoir cl
lorsque je vieas agrave toi d que lu me repousses avec un cela nest pas -je la [aute el jf l( len veux pas llIais
ail larouche lu ten us plm loin toute seule pleurer la ton eacutehlouissanlaquo jCllntssc a lail pagravelir il Ctlll dt loi la
pacircle Edmeacutel el luij] na plus apcrccedilu qUl le illag-e ciesolitude lumiegravere el de Icerio Ille tu laisses pal dellitIe toi
Laisse moi meacutelanger Illon atteclion qui comprend agrave ta Mainlenant mou co-ur lt 1111 momie iumlermc la Ileur
douleur cluelle po11 qulaquo jose encore croire que notrl de mon arne est lIeacutetlie
amitieacute si pure si fidegravele ne seffeuillera pas bientocirct cornshyDe grosses larmes roulaient des eux candides desme une lose faneacutee
puvts vellx qlle jelllhlassltlis Elit palIilil Ugrave voix IrugravesChegravere petite Edmeacutee deacutechireacutee et souffruute je veux basse el llit ajouta SIII 11 1011 dur d agraveJlll lII rhtlTlliInt
te laire du hien je peux le taire du bien ne me reponsshy agrave se deacuterober se pas je teD prie 1raquo
- Je tassure laisse moi le taime lu le sai d jeElle alors toute taihle et leacutegegravere fiappuya sur mon taimerai toujours tHais je lit peux pas te pmler en
eacutepaule ct uuglota doucement 1
IRRR R R R R R~ 120 LA CONQUEcircTE DB t1DEacuteU
ce moment Laisse moi Je veux ecirctre seule Si tu as pour moi quelque pitieacute Ile me parle plus 1
- Au contraire parlons Lit parole peut ecirctre un baushyme elle peut elle doit nd ra icircchir nparer reacuteunir oushyvrir les portes closes
Laisse entre nousIa parole laire de la lumiegravere ne descends pas dans la douleur farouchement instinctive comme dans une prison teacuteneacutebreuse
Cest dans lIntelligence ltlue nous devons vivre Comshyprendre cest triompher et SOli venl la souffrance serail moins amegravere si nous ne voulions pa~ laisser notre desshytin ecirctre an ecircte egravetre tenue par elle Aussi je ne te quitshy
terai pas Il faut que tu voies les choses telles quelles sont non agrave travers le brouillard illusoire de linexpeacuterishy
ence et du desir
Ecoute ma cheacuterie tu dis ltlue Jean-Reneacute eacutetait heushyreux avant de me connaicirctre de venir le retrouver mais pensesmiddot tu que souvent el souvent deacutejagrave son agraveme de poegraveshyte a dIIcirc seacutemerveiller ltles rencontres virginales qui ont
traverseacute Son chemin 1
Crots tu quad miration eacutechange affiniteacute tranquille
est comparable agrave linteacutegral amour
Il est venu vers toi mais pour combien de temps
Ah 1 la vie est plus complexe plus plastique plus oceacuteshyanienne (lue IIOS Iaihles eœurs 11 serait si beau desshy sayer chaque jour de nous rendre plus vasles et plus vasles encore pur ecirctre moins indignes dlaquo ses doas (
1 somptueux 1 1
La douleur dont tu souffres mon amie Ile sera pas 1
si tu le veux la tristesse lourde qui eacutepuise qui aneacuteshy bull
f- ~~ ~ ~ ~ ~ LA CONQuecircTB DR UgraveD~U li1
antit mais la douleur leacutegegravere qui sans deacutechiremeat sans rupture par II seule transformation de neas mecircshy
mes agrandit tout el preacutepare dei bonheurs futurs
Aucune ucircpreteacute nest en elle puisquelle nest uniqueshyment formeacutee (lue de notre reacutesistance injuste au bien reacuteneacuteral el que dans ce bien DOUS devoas ecirctre compris
Non Edmeacutee IID peu plus deacuteclat lin pen plus de 101shyce un p~u plus de recircve ce nest pas cela qui peut deacute sunir les agravemes unies cal chaque ecirctre a sa direction el tend vers un ecirctre Cest lont UD ensemble de qualiteacutes qui sont attendues et neacutecessaires pour le repos et lIl
lumination du destin et comment deux nalures disshysemblables pourraient-elles sa tistaire le mecircme problegraveme
Edmeacutee si tu eacutetais conscien te si tu savais choisir tu ne laurais pa~ choisi r puisquil est mien PI j suis agrave lui puisque nous eveillons lun OIIlS lautre de hauteur eD hauteur lindicible flamme du sanctuaire puisque 110US sommes un monde nouveau et UR monde ancien un monde eacuteternel
Acirc moins que - mais il faut pour cela aussi un cœur
qui sache souffrir pour la plus haute ideacutee un cœur qui sache trouver la joie dans limmeasiteacute de SIl propre reacuteso-shylution dans le deacutevouement dans lacceptation des deshygreacutes naturels qui nieacuternrchisent toutes choses - agrave moins que tu DC sois de celles dont la 100ce est daimer et qui se donnent salis rien attendre salis rien espeacuterer
Cettegrave femme Iii est heureuse de voir le bonheur de celui quelle aime sans en ecirctre le centre elle se reacuteshyjouit de participer agrave sa vie lans en ecirctre leacutetoile elle st satisfaite de recevoir sa penseacutee et no son amour elle
~ ~ ra r-
122 LA CONQUiTE DE rrn~AL
sait que sur la terre entiegravere il ny a pas lin homme si ce aest lui
El plutocirc qlle Je cherche il amoindrir son ideacuteal elle preacutefegravere renoncer aux banales salisfuctious dune union
saas rayons el slins aureacuteole Elle LII vu de loin elle La compris non pas avec ses possibiliteacutes actuelles el capables dl lui reacutepondre mais avec ses possibiliteacutes fushytures et la vision confuse de la splendeur heacuteroiumlque quII
est en tics sphegraveres encore inaccessibles
Edmeacutee minterrompit et seacutecria
- Tu parles de sur humains 1 Quelle vie que celle
dune Iemme qui contemplerait tous les jours son bonshy
heur perdu Quoi nne femme donnerait toul et sn eacutechange elle ne recevrait quune pari de lecirctre quelle
aime et quelle pa rt
Jai reacutepondu encore mais je savais bien celle fois que cela eacutetait inutile
- Pourquoi toujours j ugel (la pregraves un princi pc faux
parce quabsolu leacutechelle infinie des ldations et des correacutelation
Pourquoi exiger coarne un droit pour ce vide que couvrent leacuteg-oiumlsme et Iorgueil ce que peut-ecirctre la uashy
turc la reacutealiteacute la vie ne peut nous accorder comme
un fait t
Mais ce n f~sl pa pOlll loi cheacuterie (lue jai deacutevelopshy
peacute celle alternative el III me connais assez pOUl savoir que le seul souci de ne pas truhir lideacutee ma euh-aicircneacutee
jusque lagrave
POlir toi je le sais je le sens Inn destin nest pas fermeacute tu nes pas faite pOUl egravetre une renonciatrice
~ bull ~ --- ~~~-- - ~r~~
LA CONQUEcircTE DE LIDRAL 1~3
damour el dans ce moment mecircme je vois au loin quelquun dont tu saurais bercer les enthousiasmes fiegraveshyvreux dont ln saurais apaiser les soifs ardentes el que laltractinn (fui mesure laffiniteacute amegravenera sans doushyte tocirct ou ta ld au devant de tes recircves reacuteveilleacutes
22 J uillet 1
Jean-Reneacute heureux et grav ma donneacute tout 1 lheure cette lettre quil venait de reeevoir
laquo Hon Fregravere
Quoiqne VOlIS ne nous layez pas eacutecrit nous savons combien votre yoyage au h0111 de lOceacutean vous apporte comme le vent du large un flol dexpansion et r1~ )i~
sur la route du bonheur
Nous avons beaucoup daffiniteacute pour la pure aUrl blanche que nous sentientons pregraves de vous et qui vous donne le repos
Soyez deacutechargeacute en Cl moment de lous les soucis et
le responsabiliteacutes de votre rocircle qui sera rempli sous notre direction par vos aides habituels afin que vous preniez dans ces moments radieux de la Reucoutre tout
ce que vous ecirctes capable dy prendre en force et en joie afin quaussi VOliS puissiez donner bull celle (lui
desormais attend tout de YOUS linteacutegraliteacute dont elle a faim et soif lOUI leacutepanouissement de son ecirctre Jean-Reneacute Vous aimant comme je vous aime nul plus que moi ne se reacutejouit de limmense joie de votre cœur 1
Je vous embrasse Fregravere et no Maitre rous ento
t Jr- J1- J=t J=-=-i J==f R J==-f J~ ~ 1 R r-1 ri ri rl rl 1U LA CONQURTE DE LIDEacuteAL
rent Reneacute J)
Intriguee el eacutemue je relus plusieurs fois ces Iilnes
Jean-Reneacute alors me dit qnil y il une demeure pour lui
sacreacutee 11I1 fOY(~I II( paix de lumiegravere el damour qui dans le chaos parisien est un refuge pour la penseacutee un abri pour le cœur cl lagraveme
- Dans celle maison ajouta-l-il jai compns ce que
pourrait ecircfre la vil dans sa reelle beauteacute Jy ai beaushy
coup appris je veacuteliegravere ses hocirctes el jai la joie dy ecirctr e
aimeacute
Son nom lOuslaquo indique ce quelle est pour ceux
qui se sentent isoleacutes dans le deacutesert du monde pal leur
penseacutee mecircme Mes maicirctres y hahitcnl d ils vivent lagrave
comme en un large phalanstegravere il plusieurs qui font
lŒuvre Cosmique ensemble La solide fraterniteacute de leur communion inteacuterieure les aide il aplanir les dilflculles
les obstacles il supporIer les iucmnpreacutehensous les
deacutecevanees parfois ruegraveme les trahisons dl~ Inules sodes
La je voudrais vous conduire Michegravele avant que
vous soyez ma lemme
La ie vous lrai coanaitre le pegravere de mon inlegravelishygence Sarama lun de mes maicirctres Lit vous applenshy
drez agrave cOlllplendJ(~ cl il admirer mes deux chers et
grands amis Relieacute qui meacutecrit comme ils ont senti el
vu psychiquune~ll la beauteacute de notre reneoulre el sa
deacutelicieuse compaglle Stella qui deviendra bientocirct votre plus reacuteelle amitieacute feacuteminine et dunt la belle eacutevolution aidera la vocirctre
Je plisse lIl general chaque j01l1 dl longues heures agrave lOasis Jy travaille de lout Illon egravetre pour notre Cause
LA CONQEcircTE DE LIDEacuteAL 125
Je vais reacutepondre toul dl suite il Reneacute ltIne desormais
nos forces rluelles seront il t~UX pOUl les aider dans leur
lourd [lacircche nest-ce pas Michegravellaquo et combien [eur
lettre qui a devanceacute celle que je voulais lem ecrire el
(flli nous montre i ltflJ( 1 point ils nous devinent nous connaissent el nous prolegravezlnl 1I0US t~sl infinimr-n t douce il lous deux r
bull Ali milieu du monde ougrave ils 0111 choisi dl rester afin(
dy travailler ils sont lit hors du monde Ils ne touchent le monde quc p01l1 le Iormrr le classilil~I leacutevoluer
i le transformer Ils Ile S01l1 las touches pill lui el eushy1 sent son contact Cc qui VOliS eacutetonnera peul-ecirctre Iicbegraveshy
le ils ne participent pas aux joies de lad actuel dans
lequel vous lrouvez encore d( si hauts moments parce
que cet al est pOUl eux diminueacute el sali pal les reflets
du deacutesordre qllil l(~oil el incorpore comme sil les
acceptait La Haie 5pililllillitp lsi leur loi leur vie il
toutes heures (II est baieneacutee d lII eacutemane Ce sont des
JJJis-i-I selon 11111 vjpillt pillOf pOUl la seule chose neacutecessaire la lransfnrmation (le lhomme pt de lecirctre
23 Juillet
Grand pegravere a leccedilu de mvsterieuses lettres de Paris
qui lont eacutepanoui le dpvilll lexcellence (les lallltux
laquo lenseignements) quelles contenaien t
1 ma regardeacute longuement doucement apregraves leur
lecture el nous eacutetions heureux de 1I0US sentir vibrer
lous deux agrave lunisson dlin espoir magnifique qui est
laube merveilleuse dl ilia jeunesse ardente le soleil couchant de ses vieilles anneacutees
~---~~
LA=t J=i J=t J-t J--f J~ Jiiumlif ~
LA CONQUEcircTE DR LIDEacuteAL126
A preacutesent il nous considere un peu comme fianceacutes
Hier Jean-Bene proposa pOIlf dcma in il ~lildame
TOI~lIegraves une proruenadc 1~1I bateau 111Ielll~ declin a cr aishy
~nallt de lrop IIIa1 sn pporter la mer
- Quel lomm are Madalll( insi1lIailmiddotjljai 10111 une
si jolie hal1lle il vnilrlaquo e l jalllais laul illll VOliS COli
duire tous il lH(~ IItS Hluvi~Ies
Edmeacutee relnsa eacutegalmcnl ~ran(l-pegravet Il a las non
plIS k pied marin el ce 1111 11Ii qui salis heacutesiter dit en
souriaul aV(C malice dl~ son bon sourire heureux
_ Eh bien MOllsillIr Formant emmenez Michegravele avec
VOU Je suis sugraver qlll~ son acircme av(nlllrluc SI lI~jollmiddot
la beaucoup dl conllaillI le charmant ilot d de voshy
~uer une heure sur les flots bleus
25 Juillet
EIIP fllt exquise cette iollllleacutee dhil~r elle (Ill rna~iue
et plciue de 1egraveve celte premiegravere liberteacute il deux cette
promenade rvthmeacutee par le baluuccment eacuteterne] des vashy
~lIes il la surface dlin infini ehanzean l
NOliS nous eacutetions assis sur la mecircme banque Ile tourshy
nant le dos ail marin hacircleacute qui tendait de temps en temps
la voile et qui ne nous gegravenait pas heuucnu] plus tllW les
cheveliues vertes 011 bleues des alg-ues IIollarlles parmi
lopale nuanceacutee des flots calmes et profonds
Oh douceur de lheure charme intense de la vnix
ltlimeacutee chantant les paroles de vic oh rkht1IsI~ des choses neuves inconnues insnu pccedilon neacutees queacuteveille en mon ecirctre eacutebloui le moindre gestl la moindre inflexion
le moindre eacutelan de Illon fianceacute
~ -1 ~~ ~ ~ ~ ~ ~
LA CONQUEcircTE DB LmftAL 127
Heure inoubliable
La granlll ilill blanche du bateau gonlleacutecplI lin zeacuteshyphyl tregraves chaud parlIlUeacute de senteurs marines 1111 Il S
eulruina silt~rHillIsl~ment jIlS(IUagrave la petic ill solitaire
pilreacute~ de gemmes dO et dr gemmes rosex les ~enegravels el les hruyegraveres
Puis tandis qlle I~ marin jet ait lancre cl seacutetendait
SIII la goregraveve nous somm(s partis ugrave la deacutecouverte ivres
de vent el despilcl seucircls deacutelicieusement seuls il h-avers III lande perdue dans lnceacutean
NOliS nous sommes arregraveleacutes agrave lornhre dun eacuteglantier
en fleurs Jcnn-Beae Cil cassa plusieurs hrauches pour
men laire lin gros bouquet blanc Il eacutetait joyeux comme
un entant davoir trouveacute ltlaAs licircle cette gelhe de fianccedilailshyles
Pins loin lin hanc des roches Ianlastiques nous eacutemershy
veilla Nous avons pli y admirer 1111lCil dt III pleacutenitude
intense dn fond dl la IIICI si riche et si (xplIumlmugrave dans
le hIXI~ de la cuuleur dans la cmnple xitlaquo inoure gt dts formes
Tnut dun coup je lus surprise dapercevoir en haut
dun ~rilnd rocher une inscription en grilS caractegraveres
Nous nous en approenagravemes le plus possible Mais
quelle main avait pu ainsi eacutecrire il cette haul cur
Depuis cornhien dt lernps CIS lr-ltres agrave demi-cflaceacutees
confiaient-elles leur secret au cilI el agrave la mer
Avec Jifficuleacute nous sommes parvenus agrave deacutechiffrer
celle phrase qui SII celte place eacutetrange dus ce deacutecor
feacuteeacuterique nous apporta comme une vague immense de mystegravere dincoauu ugrave recircve et de penseacutee
bull
t2lLA CONqU~TE DE LIQEumlu
dun trouble ex(luis ce mot ma peacuteneacutetreacutee dun enchan lemen t ladieux
- Cela ne peul pas aller si vite soullal-Je
Et il me fallut bien longtemps bien longtemps parshyIer sans encore le convaincre tout-Agrave-fait pour aboutir il III solution normale et neacutecessaire
Bien (lue celle seacuteparation me navre autant quelle le liane bien quelle mapPolte deacutejagrave une loUlde ruclancoshy
lit je ne peux pas trusquement quitter Edmeacutee et je lui consacrerai quelques jours avant daiier lehouver celui qui est toute mil vie et qui doit heacutelas partir si
tocirct maintenant Oh que je vais ecirctre isoleacutee lorsque mon acircme toujours proche seacutelancera agrave travers les plnishy es cl loin vers lhorizon pU III reumljoiudre son agraveU1~ Uais il doit eu ecirctre ainsi et puis ce temps sera court
La megravere de JeanReneacute lentre il Paris demain et y
attend SOli fils duns quelques jours pour llpartir avec lui en Belgique ougrave elle a des parents
Il est UgraveOllC naturel quil nille la rejoindre Il lui anshynoncera son bonheur dont elle doit se douter deacutejagrave pense-t-u et il la prier-a dattendre agrave Puis M Vazanne et sa petite-fille
Lorsque notre lrecircle esquif regagna le petit por-t de Ker Nouheumll le soleil en globe louge rayonnant plonshygealt deacutejagrave (Ialls loceacutean et 1111 vent ltlu soir seacutelevait
humide el Sil leacute La mel moins calme deacuteferlait 5111 les galets de la gregraveve en dessous des falaises ct des dunes et menaccedilait de sagitel insoucieuse de notre pllh intime insoucieuse de loutes choses humaines
- La fraicirccheur tombe vite nous dit le marin et ce
Dans lelaquo jnulnf-es douces Olt dans les[ours amer~ Dans les lilles (Ill dons les eSlloil~ Pregraves de toi ou tregraves loiutuinement Toute ma vie et All-rirlagrave
LA CflNQUEcircTB DB LrnEacuteAL128
Emus 1I0llS avons compris ensemble ce (Ille nous eacutetions peul ecirctre pregraves doublier crue daulres vies etaient venues Jouir Il la petitlaquo icircle deacuteserte que daullls idylles
avaient pu y ecirclre deacutelicieuses quc dautres amours ~y
eacutelnIumltil cacheacutes et y avaient deacuterouleacute les anneaux du bonshyheur el que Ct~S rochers (lui eacutetaient seacuteculaires avaient
dil entendre hien des paroles graves avaient assisteacute
de g-eacutenclation Cil ~eacuteneacuteriltion il hien des excursions semblables et jamais semblables comme toutes les choses humaines
Jean -Reneacute a copi pour 1II0i sur une page arracheacutee
de son carnet la middotphrase presqueffaceacutee Cil haut du
gland rocher De ([lwl lointain des lins 1I0US est-elle
parven ue
El nest-ce pas ce que je lui pourrais lire de toul mon
ecirctre et nest-ce pas ce ~i1 me dit lui aussi ces vieilles
paroles dun amour tendre fidegravele eacuteternel
Au retour dans la barque nous IlVODS 1tInguemenl parleacute dEdmeacutee Il ne croyait pas possihle quelle souffrit ainsi pour lui le lui ai affirmeacute quil me serail peacutenible de poursuivre aupregraves de ce cœur blesseacute nos fianccedilailles si
heureuses cette grande tecircte de 111 vie pleine ct splendide
- Eh bien quittons Ker-Mouheacutel ensemble ma Mishychegravele et rentrons loul de suite 1I0US marier agrave Paris 1 seacutecria-l-i1
Nous marier l ce mot ma profondement troubleacutee
_qCcedilsLt~_
~_~lt~~ (~~-
LA CONQuiiTE OR LIDEacuteAL130
soleil couchanl annonee nu pruchain changemenl de
Lemps En oflel lail froid ml taisait frissonner malgreacute ilia
jaC(luelle de drap 1
El lcan-ltcneacute mahlila sous la large cape qui lui cnuvruil les (pallies et qui alors nous enveloppail tOIlS
deux Oh quuvee deacutelices je me hlot lis toul contre lui
_ Nolis voici ail pori mllllIlllla-l-il el [e le remercie
de celle jOllrneacutee (lIi csl comme une halte alolnhle dans
notre chemin montant vers les so mme ls COIIIue une
parle ouverte sur la vie qne nous ferons eomllle une
fleur magnifIcircflle eacutepanollie aux hrauchcs de Iadlle
iamollr je le remercie de celte jUIlIlIle qui est lin
souvenil iuteuse preacutecieux Inoubliable 1l1 fond de mon
cœur indicihlement eacutemu
lc tentoure de Illon manteau el ucst-ce pas un
symhole Ic tcuvcloppe dans la lciul ressc de Illon acircme
comme dans lin nuage protecteur le le berce dans les
flols de mon amour comme dans une cali vivifianle le deacuteroule 11 Illuur de toi la spirale de ines recircves lenvoleacutee
de mon intelligence comme lin jarugravein ougrave lu te promegraveshy
neras somptllellSemenl voilee COlllllle 1111 temple ougrave ln
rcglleras hieraliumllillellcnl lumineuse cuuuuc lin ciel ougrave
III blilleras nu-dessus de 10111 leacuteelal des etoiles
La barque sarrecirctait lenlement el nous aperccedilIcirclmes
grand pegravere qui arrivait aU-ltevant Je nOUS avec un
chaud raantcau pOlir moi
Ainsi que Jans lIle des Brllyegraveres mon fianceacute avait
passeacute son bras sous le mien cl lorque nOUS lljoignicircmes
LA CONQlnhE DE LIDEAL m
larrivant Jcnu-Hcneacute ne sccnrta pas dl moi el il lui
dit dun lon grave
- le voudrns VOliS cruln-asscr iHIlIISil~lIr el VOliS
dire merci de llIle jOIIlIl( superbe lplllheacuteosl dl 111011
seacutejour ici qui l~l la III a rchlaquo dor dl no re V i t
Le cher vieillard ouvrit S(S Ilr]~ rl une eacutemolion noushy
velle rndleig-Ilit lIIlOIl tandis (Ie dalls lair du soir
la erbc dglailline dont il muvail Ilcurilaquo embnushy
mait
27 Juillet
Lille tempecircte terrible sest eacuteleveacutee depuis lhlX jours
Dnburd un e pluie ch anrlc il lillg-ls gllllltes quun vent
violent a repousseacutee puis lin orag-e sec IJlI tonnerre deacuteshy
chiranlle ciel chargeacute lin combat de 1I11ages Iourhi llonshy
nants et les snulegravevcmen ls farIadiles de la mer halshy
lan le lor illolldalll la dllll( se pncipilant avec
furie coutre lu falaise
Oh (ltelles Iorccs incalculahlcs dans ces eacuteleacutements deacutechaineacutes
Les vaglles suuuveacuters se co~nallt les unes sur les
autres scmhl aicut UIIl allII(~ de eacuteallts dans le dlsllrdre
dIlne lutle I1III cl la rdalt Il (ollparI ail SOIllshy
Illet llIkvail IOIlI ltlII11l1 Idaflrhl Id 1(fllolail V(IS
la ealllpag-fle CO 11III( 1111( fI(i~t f101~01lIleUs(
Et celle armeacutee devcuai l de plus Cil plus eacutelccu-iseacuteegt
diaboliqulaquo fuulastiqucment impetueuse el meacutechante
11 fut impossihllaquo de sortir IHlr II~ vent eacutepouvantable
donl Je fracas hurlant el plain lit dont la lorce menaccedilanshy
132
~~~~~ ~~1J
)A CON~U~TB DB LtOilAL
te sacharnait sur le vieux manoir tremblant malgreacute ses murs si eacutepais malgreacute ses bases si solides
De la grnndebuie de la salle i manger nous avons contempleacute Edmeacutee el moi ce spectacle extraordinaire de furie et de tourrnente
Allcune voile Slll ln mel rieu il lhorizon mais la vile ne seacutetend pas loin ct nous savons que des navires et des barques de pecircche sont lagrave-bas dans le brouillurd
Aussi malgreacute la beauteacute eacutetrange et tormidnhle de ce spectacle d~ne lulle grandiose IIf)US avons eacuteteacute utlristeacutees car lacircme de lhumaniteacute sent combicn clic est solidaire lorsquelle est pregraves dun danger ou uune catastrophe
Edmeacutee a vibreacute comme moi nous avons veacutecu ensemble les mecircmes eacutemotions les mecircmes eacutetonnements les mecircmes admiraliins pendant celle tempecircte et ainsi pal lagrave-mecircme nous avons mieux encore retrouveacute notre eacutechauge dalshy
Iection
Elle sait que Jean-Heneacute sen va CclII la rend pensive Et toujours elle demeure dans sa rOUCCUI tris le
Lui est venu plusieurs fois nous voir malgreacute lourashygan Tout agrave lheure 1I1l instant nous avons eacuteteacute seuls Il
a releveacute ma ucircgure vers lui et comme lon boit dans une soif ardente il ma embrasseacutee sur les legravevres Notre ie nolre amour satttraleut seacutechangenicut se fondaient SlIshy
nissaient Jans ce baiser Et nous songions il la seacutepnration prochaine et 1I0lS nous aimions plus encore avec un pen de Irouble et dinquieacutetude de sentir linstant fugitif
~9 Juillet
Il nous a quitteacutes ce malin Une journeacutee seulejaent
LA CONQU~T DB LIDfuL iagrave3
depuis ce deacutepart Je suis comme seacutepareacutee en deux f Toute une partie de mon ecirctre la plus haute III plus belle tend vers lui j ce qui de moi leste ici ne peut que sentir la lourdeur des heures le potds de III solitude et je repasse sans cesse en 100n cœur ce mOlceau de temps qui vient de Seacutecouler ces quinze jours ladieux en lesshyquels jai plus veacutecu que dans toute ma vie jusque-Ii et
qui viennent de finir COmme emporteacutes par lui lui que jaime dont labsence meacutetonne et deacutejagrave me lasse A lavance jenvisageais celle seacutepalalion cOmme lon pcnse
dans les songes Elle me semblait lointaine presquilshyreumlellebull Maintenant il nest plus lagrave 1
Oh agrave bien tocirct mon Jean-Reneacute je ne peux plus vivre sans toi POlIItant ta penseacutee est une preacutesence continnel_ le enveloppante et Iu es tout pregraves de moi comme je
suis aupregraves de toi par le souvenir des 11~lIres lumineushyses par leacutechange actuel et par le merveilleux espoir
Telle quune immense confiance ma entraicircneacutee vers lui tel que mon amour sest de suile donneacute telle je veux que ma volonteacute ne soit plus que la sienne
Combien il me deacutepasse Combien souvent dun grand coup daile il sait memporter par SOn cœur noble par son intelligence profonde~ vers les recircve de mes recircves Jaime sa maniegravere saine et grave denvisager de comshyprendre et de vivre la vie 1 et parfois je me sens par rapport i lui comme une enfant trop urtificielle Une parisienne trop modelne trop peu de chose trop ocshycupeacutee encore de penseacutees miegravevres
Oh 1devenir de plus en plus el indeacutefiniment plus Une femme une vraie femme royale et somptueus ra enshynant autour delle le calme de J terce 1 pureteacute lulllibull
1 CONQUUgraveTE DR LIDEacuteAL134
1neuse le charme ct le repos attirent en elle les rayons toujours nouveaux de lintelligence et de lamour les 1 magnificences de la vie et toute la leacuteeacuterie des formes
parfaites
Oh reacutealiser en moi tout ce que lideacutee de femme eacutevoshyque de tendresse de beauteacute denthonsiasme de gragravece la lemme heacuteroiumlque des temps chevaleresques la lemme splendide des siegravecles de la Gregravece la lemme inspireacutee des Orients lointains Etre du soleil vivant 1 ecirctre le reflet des cieux et des mers ecirctre limage de la nature inshynombrable de la nature eacutepanouie ecirctre un fruit une
fleur un jardin Et quil en soit le Roi 1
Plus jeacutecoute la voix inteacuterieure la plus reacutefleacutechie la plus seacuterieuse la plus reacuteelle de mon cœur etmiddot plus je sais que la conception du vrai du bien J-lu beau du naturel qui esl celle de mon fianceacute est la meilleure et
la plus juste raison de vic ct de honneur
Ne ma-t-il pas dit
_ Tout ce qui neacutelegraveve pas iumlecircuraquo le diminue li taut que lc corps physique qui est la base de tout laccord psychique et intellectuel se manifeste et se deacutetermine par des actions droites et saines qui permettent seules son deacuteveloppement continu Il faut que lintelligence se libegravere salis cesse par lamour de la veacuteriteacute il law que lagraveme sagrandisse constamment dans le service de la
veacuteriteacute et de lutiliteacute
Et pour cela ne laissons entrer en nous par la penseacutee les actes les habitudes lemploi des jours lart
le travail que des eacutemotions et des aelions naturelles ~ tontes courageuses ennoblissantes et hautes li
LA CONQUEcircTB DB LIDEacuteAL 135
En causant avec Edmeacutee hier je me rendais compte de leacutetat desprit de ln plupart des jeunes filles de netre eacutepoque en geacuteneacuteral elles nont pas assez confiance dans la vie elles manquent de deacutesir de courage despoir dattente elles se reacutesignent Avant davoir oseacute elles coupent elles-mecircmes les ailes lie leur recircve de jeunesse elles reacutefregravenent tout ce qui deacutepasse le milieu mesquin ougrave elles ont veacutecu et ougrave elles acceptent consciemment de maintenir leur propre destin Elles preacutetendent trop soushyvent que lhomme est mauvais que le Iland amou~shyest impossible agrave reacutealiser el concluent quon doit se conshytenter dlin bonheur agrave peu pregraves sur un chemin moins eacuteleveacute et ne pas recircver agrave limpossible
Cest quelles ne comprennenl pas quelles ne parlent lagrave que de la seule vie quelles savent vivre la vie allifi- cielle
Artificiel le monde ougrave elles sagitent artificiels ses vains plaisirs artificielles les passionnettes auxquelles les jeunes filles se laissent prendre et artificiels les jeunes gens laquo deacuteguiseacutes en hommes JI quelles croien t dignes du nom dhommes
Oh ne SUiVIC que la route de la vie naturelle si humshyble sentier quelle soit dabord 1 Ne plus se morceler dans linutile ne plus se donner au rien et vouloir senrichir seulement de ce qui augmente de ce qui inshytellectualise vivifie eacutevolue magnifie nulre ecirctre comshyplexe si feacutecond si riche pour qui veut sincegraverement leacutepanouir
Je veux arracher complegravetement en moi les mauvaises herbes eacutetouffantes que le monde quune eacuteducation pleshymiegravere superficielle peut y laisser encore afin de faire
gt ~
- ~
gt
~
~
LA CO~QEcircTR DR IIlFAL136
ccrmer croilre ct flcurlr mngnlflqncmcnt le grnnd
allire de vic
le veux repousser tout acle qui naccroit pas snshychant que lilutile est nuisible je veux savoir rompre avec roulage les ehaicircncs cntravantcs les prrjureacutes stushypides etrechelcher avec ardeur il raide de mon ineacuteshyhrnnlable appui la vraie vocalion de mon acircme ln plus haule et sa veacuterilnblc utiliteacute cal laquo nous naissons parshyleurs dun pli cnchcleacute raquo quil faut apprendre il ouvrir
pour y lire noire mission terrestre
o Jeunes filles mes sœurs l lc voudrais vous ouvrir ume porte sur la vic heureuse du mieux de mon pouvoir le voudrais vous dire combien lorsque lon entrevoit la reacutealiteacute haute on contemple avec un regret triste le vide et lagitation infructueuse du monde ininshy
tellectualiseacute f
Je voudrais vous dire quel immense bonheur on trouve il seacutelancer hors de lexistence banale jusquau lihre horizon de la conduite unifieacutee toute entiegravere tendue vers un but conscient puis apercevant les eacutetoiles de
lumiegravere il seacutelever vers elles en poursuivant son individushy
el ideacuteal r Car si les premiers pas sont arides en quittant
les distractions mondaines ou les habitudes que lon aime et qui prennent en soi tant de place faussement remplie lorsque lon commence il gravir la belle roushytc naturelle on y reacutecolte Ics fruits rares et exquis de ln joie dl vivre sur celle loule III sinceacuteriteacute et lashy
rnour Ilr-urlsse n t
Il Iant cultiver rn soi dabord les forces que lon
rl1fl(he et qlle 1011 d(isire trouver pour son han heur car c-s fOIClS dtvriorrrrl ntlircn il elles pnr affinileacute
LA CONQUlhE DR LIDEacuteAL f37
les forces semblables il faut avoir au moins en posshysibilileacute cc que lon veut recevoir dautrui le courage si lon veut sentir le courage des autres la sinceacuteriteacute qui attire la droiture lamour qui appelle lamour
Et ainsi naturellement fncilemenl la vic de noshyblesse ardente et volontaire incarne lideacuteal vers lequel
elle tend
Ilier soir un instant Il est monteacute jusque dans ma chambre Nous sentions que lheure passait rapide et quelle allait sonner la lin de ces premiers beaux jours
O mon hien aimeacute quand lu vins aupregraves de
moi ton front eacutetait soucieux ct chargeacute de meacutelancolie
Alors jai poseacute mes deux mains sur ta pauvre tecircte lourde et puis je lai caresseacutee doucemen l c 11 Ill celle
dlin tout petit enfant Et il me semblait que tu eacutetais vraime-nt mon petit enfant et que mes mains eacutelaien t
celles dune megravere
Peu agrave pen les plis de ton front se dissipegraverent et tu me souris longuement
Puis tu me pris III main tu la portas il tes legravevres ct tu la baisas avec tant de tendresse quun grand eacutelan
parcourucirct tout mon ecirctre 1
Alors - tout dun COllp - il me sembla quagrave mon 10111 jeacutetais un tout petit enfant dans les bras de son pegravere
Et je lnissai tomber ma tecircte sur ton eacutepaule et je me mis il pleurer de douces larmes de joie
Ce matin lorsque lu partis tu eacutetais si pucircle que jaurais voulu pouvoir de suite tout quitter pour te suivre
J
138 IA OONQUl~TE OK LWtAL
Mais tu mas dit avec force - Michegravele rien mainshyteuaul nest capable de nous seacuteparer Nous sommes deux en un il tout jamais Sois heureuse sois en paix ne laisse den le troubler Bienlocirct nous troushyverons dans la preacutesence de toules les heures le repos qui apaiseacute lharmonie qui fait eacuteclore la joie qui vishyvifie leacutelan victorieux qui dans l action feacuteconde affirshyme lindividualiteacute croissante parmi les champs infinis que lamour eacutetendra comme un ciel sans limites aushytour de nous Et je fais miennes les vieilles paroles
dont leacutecho nous a berceacutes
laquo Dans les journeacutees douces ou dans les jours amers Cl Dans les luttes ou dans les espoirs c Pregraves de toi ou tregraves lointainement laquo Toute ma vie et Au-delagrave raquo
31 Juillet
Quel bonheur Une lettre de Jean-Reneacute que je
relis mille et mille fois et dont le chant damour imshymense jaillit meacutelodieusement vers moi en cascades
protectrices et irradiantes
laquo0 bien-aimeacutee bieu -aimeacutee l Soyons unis dans lushyniteacute de lamour je laime ocirc lys ocirc rose dont le parshy
fum est de jasmin
Tu es douce tu ~s vaste ta mentaliteacute est droite et lucide tu eacutevolueras eacuteternellement en rectitude 1
Librement dans la lumiegravere tu agrandiras ton ecirctre par leacuteveil de toutes les possibiliteacutes 0 grande reine aimeacutee tu teacutelegraveveras jusquagrave toi-mecircme tu te legraveveras dans vta splendeur 1
IA CONQtl1~TE DI LIDEacuteAL 139
Tes paroles reviennent vers moi une il une tes penshyseacutees sont comme des colombes blanches
Tu me reacutevegraveles leacutequilibre agrave chaque instant aucune de tes paroles de veacuteriteacute nest perdue 0 chegravere lumiegravere damour jai taut agrave apprendre par toi
Comme tu sais eacutetreindre laction comme tu sais avancer sans cesse ta perfection sera une perfection inteacutegrale la blancheur de leacutequilibre sera autour de toi
Ta robe sera verte eacutemeraude et la vitaliteacute sen eacutemanera ton manteau sera rose ocirc indiciblement patheacutetique aimeacutee Les voiles saphirs de lin telligence seront autour de ta tecircte 1Tu teatourcras du violet de la puissance lor cie lessence parsegravemera tes echarpes
Que rlen de trouble ne puisse mrnro percevoir mon limeacutee
Je veux lui ecirctre un repos de force je veux ecirctre comme la protection de sa liberteacute 1
Tu eacuteclaires de ta preacutesence tout mon ecirctre qui sans cesse tentoure et tadmire et de tendresse iaeacutepuishysable te revecirct 1
Afin que les heures soient plus leacutegegraveres bien-aimeacutee que ta penseacutee vienne vers moi comme la mienrie est vers toi
Oh 1 combien tu embellis des rayons de ton pur et merveilleux ~mour mon agraveme deuml deacutesir et despoir1
Sois beacutenie dans leacutequilibre lamour la lumiegravere et la vie 1
Profondes sont nos profondeurs les aneacutees eumlpanoushy
__________millAlwn1itl6Mtmmiddotmiddotf bull bullbullmiddotbullrn----------------shy ~
140 LA CONQU~TE DB LIDEacuteAL
LA CONQllEgraveTE DB LIOacirc-lL 141
iront sans cesse lenivrante conscience de secirctre unis
~
il jamais 1
Unissons les trois torees en ure blanche hnrrnonie Enseigne-moi la miseacutericorde puisque ton acircme exquise
fer Aoucirct
Que la journeacutee dhier ma paru longue Comme jaurais voulu meacutechapper pour aller bien vile hien vile
L~~
~ veut accomplir partout le bien agrave faire
Tu es une fraicirccheur ombrageacutee ocirc donneuse de repos lui reacutepondre Enfin mil voici libre Il IIlC semble que toul mon cœur se reacutepand vers lui el tout Illon (llIl
que la lumiegravere en toi el en moi seacutechange est en alleacutegresse parce 1]l1C bientocirct il lira mil penseacutee
Que la force en mon ecirctre seacutelegraveve la force calme el bientocirct il tiendra en ses mains cc pnpier dans leque l
apaisante qui vivifie que toute nos penseacutees se perleeshy je veux infuser ma lendresse r~ tionnent jusquagrave leacutequilibre Teacutecrire quelle chose simple el eacutetruuge cl mCIshy
Depuis ton corps jusquagrave ta mentaliteacute et dans les veilleuse Teacutecrire eacutetats decirctre plus rareacutefieacutes tu es deacuteborJante de ta
beau leacute Je taime pour la beauteacute Michegravele je tIlimc Manoil de Ker-Noueacutel 1el Aoucirct
pour la splendeur 1 je taime pour tes recircves nobles 6 h du malin
et hauts pour ton enthousiasme sacreacute 1
o passive en qui le capable dutiliser et de
Etoile qui illumine la
Cosmos se reflegravete 0 sensitive diriger les forces bienfaisantes
terre 1
~
(( Oh elle est venue la belle lettre de mon bienshy
aimeacute elle est venue Ioule lumineuse comme un rashy
yon de soleil dans ln nuit milluminer et me reacuteshy
Jaime agrave laisser fluer vers toi lessor de mon admishylante tendresse vecirclement puissant du patheacutetisme inshy
chauffer dis apporteacutee
le malin el combien de joie elle ma
dissoluble qui conlient leacutetincelle la plus divine leacuteshy Oh Jean-Reneacute toul ce que vous me dites troushy
tincelle damour 1 ve 1Ii1 eacutecho profond dans mon cœur Parfois il Ille
Lamour f Lamour 1 Toutes les symphonies eacuteclatent 1 lous les poegravemes se reacuteveillent toutes les belles leacutegendes se legravevent 1
sem hie luc vous allez eacuteveiller louis en lui des germes tout decirctre cl parfois il me semble
des gelmes lnteuts enshyprecircts il chanter la joie
qllc cc sonl mes PlO
o musique extase ivresse ocirc Ideacuteal ocirc Recircve reacuteel 1ocirc chemin infini conjonction incessante 1 bull
ples penseacutees IC III exprimes comme eacutetant les tiennes El je lclis salis cesse cl sans cesse la chegravere messagegravere IIc Ion SOIlVCIIIcircI
Je taime et comme je taime tu maimes 1 Autour de toi avec toi en toi parmi toi agrave toi 1
A Ioule heure du jour ses phrases aimeacutees chantent en moi elles parfument les heures deacutesertes de labshy
c Jean-Reneacute _ sence elles me bercent de ta tendresse puissan le comme ~ le refrain tregraves doux dune musique exquise 1
-------lI
LA CONQUEcircTE DB LIDEacuteALH2
~
o les belles pages lant aimeacutees si remplies de toul ~
~ (1 ce que jespeacuteru is y trouver
La heau le de Ker-Nouegrave perd son charme depuis
que je suis scull il la contempler et il ln ViVlC Seule y suis-je vrnimeu] seule Non partout ougrave je suis jc sens votre pleacutesence ougrave je recircve je SCIIS votre
tendresse ougrave je pense je sens voire force ougrave jesshypegravere cc sonl OS yeux cest votre main cest votre cher visage qi mnpparaissent cl votre amour est url oland bercement dont les vagues me soulegravevent
mculrainent de bonheur en bonheur de pleacutenitude en
pleacutenitude vers un ciel dc supecircllle beauteacute
lrois jours oul passeacute avec lcnlcur depuis que nous sonunes loin lun de lnulrc Trois jours qui pegravesent
SUI moi deacutejagrave trop lourdement
Je suis hcnucoup avec Edmeacutec agrave laquelle je verse
dc Illon mieux qullllllS torees despeacuterance Je parle
aussi apregraves le dicircner i1V c glanu pegravere dans sa cham
bre L Et lors eesl vol re nom qui eacutemaille constammcnt
noire causerie inl irue
El puis le soir aV1I1 de me coucher je reste un
instant devnut ma tenegravetre grande ouverte SI)I la mel
el je pagraverle aux eacutetoiles qui mc reacutepondent Quelques
unes delles scintillent lollcmeut quelles paraissent me ~
regardcr ou IIlC sourire Et je mimagine (lue ce sont les mecircmes ltfliC III contemples Jean-Reneacute lagrave-bas agrave
~ Paris au mecircme moment
Et quelles lc chantent mon nom comme clics me disent le tien et que ccsl 1011 regard leveacute vers elles
~ quelles font redescendre SUI moi
LA CONQUtTB DB LIDEacuteAL H3
Hier je pensais avoir ainsi agrave travers les horizons
loinlains eacutechangeacute avec loi pal ma fenecirctre ouverte pendant quelques instants Jeacutetais entreacutee dans ma chambre VCIS dix heures Lorsque jai refermeacute ma croiseacutee minui sonnait
Peudaul deux heures je lai parle deux heures qui avaient passeacute comme des minutes mas-tu entendue las-tu comprise
o Jcan-Reneacute Je suis heureuse Jc suis heureuse que tu sois aupregraves Je moi comshy
me je suis aupregraves de toi
le suis heureuse ( Oh tellement heureuse ) dc poumiddot vcir tapporter du bonheur
Je suis heureuse hculeusc heureuse palce que je laime
Je voudrais en teacutecrivant savoir exprimer linexshy
primable Mais ne savons-nous IHIS (IIIC le silence parle
Lorsque nOlIS eacutetions aupregraves llin de lautre aucun
moment neacutetait perdu car nous avions toujours tant
de choses il nous dire ct (1 uand nous ne parlions
pas la graviteacute ardente des silences neacutetait-elle pas plus
belle notre communion plus luupide cncorc ne
seacutecha~geait-elle pas et ne 1I0llS cornpreuions 1I0llS
pas mieux ct davantage quagrave laide des paroles qui limitent
Notre retour agrave Paris est fixeacute au 4 aoucirct Mm lorgues
ft juslement eacuteteacute inviteacutee avec ses enlauts agrave passer ln liri du mois agrave Cabourg chez ugravees amis El agrave son eacutetonshynemenl (cal clic ne voil rien de leacutetnl ducircrue actuel desa Hile) Edmeacutee la supplieacutee daccepter cette disshytraction
LA OONQUEcircTR D~ LIDEacuteAL 1H
A bientocirct donc ocirc mon ami A bientocirct Que cest doux deacutecrire cela que de promesses et despoirs et de joies et deacutemoIions enfermeacutes dans ce petit mot magique
Allons ensemble pal les lumineux sentiers toujours
plus haut toujours plus loin vers les sommets fleuris et radieux et ltIlle llin de nous Ile deacutepasse jamais lautre llue pOlr Ientruicircner plus avant
Voici que jai penseacute lfue lideacuteal de la femme cest darriver agrave incarner lideacuteal de celui quelle aime
Et toi tu maugmenteras toujours et ce que tu ajoutes agrave mon ecirctre et que je veux sans arrecirct reacuteashyliser de mieux en mieux cest bien aussi moi-megraveme dans ce que jai de plus haut et de plus fort moi toute eacuteveilleacutee pal ton amour toute embellie ltle ta tendresse
A bientocirct mon cheacuteri mon aimeacute mon soleil et mon roi A bientocirct triomphal ce mot sonne et reacutesonne en ondes vivantes qui palpitent et en myriades de lushy
miegravercs eacuteblouissantes jaillissent et irrudient jusquau fond de mon cœur miraculeusement
Que degraves maintenant SUl la mel de notre vie notre nef enthousiaste vogue de force en force vers le port lointain ct monte plus encore dans la monteacutee
~nlinie qui par de lheure du temps pOUl jusquagrave leacuteterniteacute
Voici quelques peacutetulcs des loses pourpres qlle tu pl eacutelegravercs et puis voici mon agraveme abandonneacutee
Toute agrave toi Michegravele
laquo Michegravele 1 Michegravele 1
i~~
~ -- Ir ~ middoti
tA CONQu~rRDE L~OAL
(Et je nai rien dit agrave cocircteacute de ce que je voudrais dire )~ ))
or Aoucirct 0 heures du soir
(Cest une lettre de Jane Kousta que je viens de recevoir enfin 1)
CI - As-tu un peu penseacute agrave moi qui ai si soushyvent eacuteteacute dans mes recircves aupregraves de toi Tu sais le sombre destin ougrave je me suis traicircneacutee jusquagrave maintenant agrave travers des palais leacutethargiques parmi les fausses lumiegraveres dun monde sceptique sans foi et sans ideacuteal lumiegraveres brillantes qui attirent et qui brucirclent sans eacuteclairer tu sais combien mon deacutesespoir crise fatale paroxysme redou table me fi t deacutevaler lacircchemen t vers les gouffres sans fond
Sais-tu maintenant la torture de mon cœur dont les lambeaux eacutepars se reacuteunissent uri agrave un et aggloshymegraverent aujourdhui en Ionae vcomplegravete toute leur
1puissance retrouveacutee toute leur passion belle et ardente vers le Seul qui devait le posseacuteder tout entier inteacutegral cc malheureux cœur deacutechiqueteacute 1
Je Igtleure et jespegravere je pleure et jaspire 1 El peut-ecirctre ces larmes-lagrave les premiegraveres lalmes dignes de respect et sans doute aussi de pitieacute que verse mon ecirctre douloureusement meurtri peut-egravelre ces lar~es me laveront-elles de tant de souillures
Je sais heacutelas que le deacutesespoir regravegne et que la souffrance et la plainte eacutemanent de tous les porcs de lunivers 1
i
c
------- ---
Hn LA CUQU~TE DE IIDEacuteAL
---------~---__-- - --- ---__----shy
Oh 1 ces vagues qui se tordent sur la gregraveve en geacutemissant et qui allaient mengloulir Oh ce vent qui pleure lamentablement dans la forecirct et dont la plainte me hanle ct meacutetouffe 1 Oh ces nuages deacuteshychireacutes par leacuteclair et dont la foudre meacutepouvante 1 Oh tous ces arbres qui se penchent et qui se reshylegravevent sous Iassuul de la tempecircte pom retomber encore pour plier pour ecirctre rompus et terrasseacutes
pal le poids de celle souffrance effroyable de la
reacutesistance vaincue Oh 1 tous ces spectres vivants du
deacutelire du malheur du crime des maleacutedictions du deacuteshysespoir de la deacutefaite du deacutesir inassouvissable r
JI lem crie agrave lous Arrecirctez 1 Je leur vcrie Arshyriegravere arriegravere enfin 1 enfin 1
Car enfin jai rencontreacute ma torce ma protection mon sauveur et ma foi
El je veux quil ne soil pas Irop tard Oh 1 par pitieacute pas trop lard Je veux croire que loul ce que jai amonceleacute de drarnes pal derriegravere moi que tout ce
que jai attireacute de deacutesordre autour de ma vie ne pourra
assombrir la lumiegravere si pure ne poulra taire obstacle agrave la Destineacutee nohle ct large qui seacutelegraveve devant ma
roule Enfin enfin
Te souviens-lu dans ma derniegravere lettre de lEloile lumineuse cl lcelle (lui avait eacuteclaireacute la hideur de mon
miseacuterable sol
Cette Etoile ceacutetait celui que tu appelas un jour IL la figure de lavenir celui dont tu me parlais malgreacute ]t
rnes fautes en le deacutesignant sous le nom beacuteni de laquo ton premier amour )l bullbullbull
LA COXQUEcircT DE LlD~Ar H7
Cheacuterie je viens dans lespeacuterance encore humble et timide de tout mon ecirctre cruinfil Je laul de bonheur je
viens le dire merci davoir compris ce quil ) avnit de meilleur en ruoi merci el plus (IUll merci de III avoir aideacutee sans ten douter peul-ecirctre (el Iau l aideacutee lal les bonnes derniegraveres lettres encore) agrave reconnailre ougrave eacutet aicnt les nais henuleacutes de la vic merci merci d rna rCConshy
naissance repenlnnte il toi qui sus garder pal 111 douce droiture Vestale sacreacutee la derniegravere eacutetincelle pUIC
qui vacillait au-dessus de moi au-dessus de ma vie de
deacutesordres eacutetincelle que tu proteacutegeas pieusern-nt pendant plusieurs annees qui sans toi se serait eacuteteinte et qui
fient splendidement de silluminer toute en aurore radieuse dans 111 rencontre de mon premier amou
Il est lagrave 1 Il est ici 1 El cest bien Lui 1
Oh je voudrais que tu le connaisses bientocirct mon amie
celui qui a pris tout mon ecirclrc celui qui seul peut
effacer le passeacute moindre celui qui peul trrcnnohlir en macceptant comme sienne dans la commuuion pro
fonde de nos limes ravies lune par lau Ire pour toujours
Je laime dun noble amour fidegravele infini et pOUl la premiegravere lois ce quil y a de plus pur en mon ecirctre sincline eacuteveilleacute charmeacute exalteacute en admiration devant
celle Intelligence complexe et merveilleuse devant ce
haut caractegravere de volonteacute et de rectitude
[larry Wannshield est un homme
Oh comme jai longtemps llreacute avaul de le conuailre 1
que la terre est un grallJ dSI tJIIil y a peu dhommes SUI lcrre l Et cruira is-f u ltJUl si ma rie jusquici avait lleacute plus droi llaquo nous 1l11lIumlltJflS pu nous trouver plus locirct Il ma rcncoutreacutelaquo il y il trois ans
Hg LA COlQUEcircTB DR LIDEacuteAL
ans deacutejagrave plusieurs fois agrave Paris chez Lady Baret et malgreacute une intense attraction vers moi malgreacute mecircme de reacuteelles souffrances il sest eacuteloigneacute sans me laisser le temps de le comprendre devant tous les troubles infeacuterieurs dont jeacutetais alors prisonniegravere et desquels je
na vais pas encore la force de sortir r
Degraves mon arriveacutee agrave Interlaken il ma reconnue
Nous eacutetions descendus au mecircme hocirctel et moi jai eacuteteacute dabord profondeacutement blesseacutee et malheureuse de son
meacutepris
Oh comme jai pleureacute que de regrets inextinguibles de remords brucirclants de lourde tristesse 1 Puis jai
compris
Jai comprisque ma nature violente et indompteacutee eacutetait seule cause de ma deacutetresse et que ceacutetait peut-ecirctre un avertissement salutaire que je sois ainsi arrecircteacutee agrave temps sur une pente fatale par un laquo Halle-lagraveraquo de la Destineacutee
La doulesr comme un chien mord les talons du lacircche Qui dun jour neacutegligeacute surcharge an lendemain
Oh1 que je les ai meacutediteacutes ces deux vers 1 quils sont justes 1 Et comme la douleur est bonne parfois agrave celui qui nest pas capable heacutelas deacutevoluer sans elle 1
Seulement vois-tu Michegravele il vnul mieux la devancer il faut que lintelligence humaine du sage arrive agrave preacuteshy
ceacuteder lexpeacuterience ce qui fuI impossible agrave linsenseacutee que
jeacutelais
Jai Ileaucoup reacutefleacutechi agrave tout cela
Enfin il est venu un moment ougrave jai accepteacute comme une purification et mecircme cheacuteri loceacutean de peDseacute~~ dou-
LA CO~QUEcircTE DE LIDEacuteAl 149
loureuses agrave travers lequel seulement je pouvais remonter vers lui
Alors jai brusquement rompu avec Talbrut Je savais en le faisant que celle rupture eacutetait deacutefinitivement la lin Je mes deacutesordres Et forceacutee de vivre dune faccedilon beaucoup plus simple jai ducirc quitter lhocirctel ct bullhabiter la modeste petite chambre ougrave je suis reacutefugieacutee et~ seule maintenant
Michegravele1 Miehegravele1je suis tellement sucircre de necirctre plus Of -
la mecircme et de lui apporter tout ce quil espegravere trouver en moi de nouveau de sain de bon de vrai
Oh il faut quil le sache il faut quil ait confiance fout agrave fait il faut quil soit sucircr de moi
Je lespegravere si intenseacutement et je le crois Je sens quil plaint le cocircteacute sauvage avide bondissant et deacuteseacutequilibreacute de mon ecirctre comme il comprend mes aspiralions proshyfondes et belles
Il maime ma petite Michegravele il maime Oh1 ces mots 1 Mon cœur brucircle en les eacutecrivant Des larmes tombent de mes yeuxi Cest mon agraveme qui se fond El je pleure davoir trop pleureacute 1
Je suis tantocirct dans lextase calme et espeacuterante du vrai bonheur enlin cornpris enfin trouveacute Dans ees mornenls-lagrave cest en tendresse reconnaissante eacuteleveacutee respectueuse vibrante dune eacutemotion douce et profonde que je meacutelance vers lui et tantocirct un poignant sentiment de deacutecouragement mabat ct me terrasse
Jai peur mysteacuterieusement de souffrir de souffrir encore
Mais toi cheacuterie toi que penses- tu de ta Jane
110- - ______________________ _ bullbull _ bullbull __ 0 __ bullbull bullbullbullbull _ ~u ~ fl~ n JJJIIIIIII
HiO lA CON(~UlhR DR LmEacuteAt
Iliconlc-moi cc quclic doil Iaire Et puis parle donc un p~1I Je toi aussi Jai cru sentir dans la derniegravere lettre 1In souffle dalleacutegresse lellemeul parfumeacute despoir que je voudrais de les nouvelles plus preacutecises Me suis-je trompeacutee Ai-je lu seulement dans tes lignes affectueuses
et for-les le reflet de ma proplc espeacuterance Pari Micaeumlla1 Et pense agrave la pauvre acircme tourmenteacutee en laquelle
viennent deacutemerger impreacutevues et superbes tant de possishyLilileacutes enfin joyeuses et sereines
Doloregraves raquo 2 Aoucirct
Tout-agrave lheure une amicale discussion eut lieu encore SUI cc sujet qui lanl de fois fut abordeacute indirectement
pendant notre seacutejour ici et qui fut preacuteciseacute davantage
aujourdhui Mme Torguegraves seacutetonne agrave chaque inslanl du systegraveme
deducation trop large agrave son greacute avec lequel je suis eacuteleveacutee cl mentendant causer de Jane avec Edmeacutee elle dit agrave grand-pegravere - Javoue lue je ne vous comprends pas M Vnzanne de luisser ainsi Michegravele se lie l Jc plus en plus avec ~11Umiddot Kousla Cal elle a une conduite plus qucxtrnordinaire et toutes ses amies de pension comme Edmeacutee cl lanl dautres ont ducirc dabord espaCCI puis inlerrom pre les rela lions avec elle
- Par quelle loi Madame me suis-je eacutecrieacutee aurait-on le soi-disant devoir Je mentir agrave ses sentimenls reacuteels Cest agrave-dire pour quelles raisons dcvrnis-je eacuteteindre en moi laucircectiou sincegravere el profonde qui me lie agrave un ecirctre
Pourquoi retrancher quelque chose de vrai et dintense que nous apportc la vic J-~-Qn jamais trop deacutechanges
gt
LA CONQUEcircTE DR LIDF-AL 15t
veacuterltables raffineacutes et intelligents Amiddott-on jamais trop damitieacutes vraies A-t-on donc jamais trop de tout ce qui embellilla vie de lhomme par la preacutesence de lhomme
- Vous ne savez pas le tort que peut vous faire dans le monde cl pour votre avenir Michegravele reprit Mnbull Torguegraves lintimiteacute que vous avez avec une Jane Kousla
- Du tort aupregraves de qui repris-je doucement Ceux qui me connaissent ne peuvent se laisser influencer par rien de cela je pense
Oh t je vous assure Madame nont agrave redouter les opinions du monde que ceux qui reacuteellement veulent lui cacher quelque chose lEt nous nous coupons davantage les chemins de lavenir par tout ce que nous retranchons de lexistence craignant les preacute]ugeumls ou les jugemenls seacutevegraveres que par ce que nous faisons geacuteneacutereusement fleurir et eacutepanouir de ce que la vie libre forte et complexe nous oflre de reacuteelt
- 11 est certain comme le disaient les Latins quune amitieacute nest vraiment solide que si elle est baseacutee sur lintelligence interrompit Edmeacutee
- Cependant lintelligence nest pas tout reprit Mm Torguegraves
Et jai continueacute
- Jai foi en le relegravevement possible de Jane el je crois que je peux souvent lui faire un peu de bienEt puis jadmire les somptuositeacutes de sa nature sincegravere chaud et douloureuse
Jane souffre personne ne sail combien elle souffre1 Elle-mecircme lignore peut-ecirctre encore car il y a souvent
middot middot middot~-~V111V1l1-)middot tlbullbullrl~IY~~middotfmiddot~imiddottril1f~lrVljmiddot7i11~~fmiddotI mAr~~~rHI(fCcedilr~1riTT11-1111~V1((lI~~nnT(IonrVINnwfVampGVr u-__bull ~ _ _
1 LA COQll~m DI LlD 1
dans un cœur aussi vnsle des larmes verseacutees par une pari inconsciente de Iegravelre donl la conscience plus complegravete ne sent (Iur plus larel toule lamertume
Et la souffrance de ma pauvre et tragique amie deacutepasse tellement ses excegraves lt]Ui1 ne seruit pas charitable de lui jcler la pierre
- La seule chose quon puisse lui reprocher agrave mon sens dit grand-pegraverr cest que parfois ellc a fait souffrir le ne suis ni eacutetroit ni piniluin III le sais Michegravele mais
je nai jamais pu admettre la morale de ceux qui
foulent sans scrupules sous leurs pas orgueilleux les
bonheurs d~utrui
Lhomme a en lui une notion du juste et de linjuste et ce qui est injuste el coupahle surtout pOUl une intel shyligence cest le mal fait agrave dautres raquo
Comme M Torguegraves semparait aussitocirct de lideacutee de
grand-pegravere pour laccentuer encore jai de nouveau
reacutepondu
-- Bien entendu je ne veux pas deacutefendre les deacutetauls de mon amie mais seulement ses vertus
Elle est malgreacute ses torts un ornement de valeur et de
beauteacute dans ces landes arides qui forment ln terre landes qui pourraient devenir un merveilleux jardin de richesses feacutecondes si les ecirctres qui composent lhumaniteacute eacutetaient plus souvent de preacutecieux ornements de valeur ct de beauteacute Jase a une acircme vaste une acircme pleine de posslhilileacutes pleine de gClmes et de treacutesors J~lIe peut passer Cil heacuteroiumlne dans la vic au milieu des foules amorphes ougrave clic resplendit comme un phare dans 1i4 nuit comme un diamant parmi du silex
LA CONQJ~TE DI LmFAL Jr)3
Pourquoi nc pas admirer ce que son ecirctre a de supeacuterieur et de royal malgreacute les deacutesordres dont elle soul1re el quelle arrivera sans doute agrave dominer
Et puis mecircme agrave Paris qui esl cependant un centre de lumiegravere reacuteelle la plupart de ceux qui deacutepassent la moyenne des ecirc lres par une belle et noble in1lividualiteacute
son t pris - eu x aUS5~ - da ns lous les capriees ct les plaisirs qui agitent les inutiles existences de tant de Iutiles creacuteatures ils vivent trop en parade et ne sentent
que peu profondement ce qui nest pas leur inteacuterecirct immeacutediat ou linteacuterecirct des quelques oersonnes famille
ou amis auxquelles i1s_ ont dor aeuml de leur affection
Jane elle a une intelligence extlnordinailement vibrante pour tout ce (lui est geacuteneacuterositeacute P()UI lout ce qui est vie progregraves efforts volonteacute de transformer volonteacute de Iairo de faire mieux de faire plus de lclisel
un peu de tout cc que lhomme endormi peut eacuteveiller en lui agrave certains momenls dnspilntions haules el volonlaires despeacuterances de justice plus noble de bonleacute plus grande de bonheurs plus harmonieux Elle est une
de ces trop rares natures qui osenl qui cherchent qui
palpitent qui franchissent hardiment les vieilles ideacutees dhier pour sans cesse recircver plus haut
1shy
AJlIcircl
Il pleut La Bretagne est grise Ker-Nouheumll est morne
Temps de deacutepart Nous quiltols le M1noir demain malin lous ensemhle cl jen suis bien heureuse lIII
pour moi lacircme de cc pays est partie
__
t5~ LA CONQr~TR DE (rDecirclL
Tout me semble ville deacutecoloreacute le preacutesent me paraicirct deacutejagrave dans le passeacute Je hacircle les preacuteparatifs et voudrais
pouvoir hacircter lheure
) AoucircL au sail
Une nouvelle messagegravere de mon Bien-Aimeacute qui me reacutechauffe le cœur dans un grand eacutelan damour
Paris 2 Aoucirct
Ma toute Cheacuterie mon Etoile de Bonheur Je reccedilois agrave
linstant la douce lettre dhier la lettre exquisement douce agrave tout mon cœur et je teacutecris tout de suite afin que tu aies un peu plus de moi eucore avanl la merveilleuse rencontre degraves apregraves-dcman soir nest-ce pas ma rose -~
aimeacutee
Et je tenvoie louLe ma penseacutee tout mon merci eacutemu et glorifieacute des lignes a-lor-ables ct magnifiques qui chantent en moi les hymnes de la conjonction eacuteternelle 1
Si vous saviez ma Michegravele adoreacutee comme voIre eacutecriture votre style lous -cs mouvements de votre ecirctre si beau sont ceux que je comprends que je peacutenegravetre que je reccedilois quc jadmire que jaime
Ce fut pour moi un tel enchantement de YOUS lire 1 un tel eacutemerveillemen t un~ telle extase 1
Depuis que je suis ft Paris je me promegravene tous les matins ail RanclaglI cl je passe reacuteguliegraverement avenue Raphaeumll devant vulre joli home cc deacutelicieux hocirctel enfoui dans la verdure
Et hier ce me fut UIlC grande joie dapercevoir les volets ouverts les domestiques preacuteparant la maison pour
___~A~__
LA coxcuugravera DR LiDEacuteAL 155
votre retour le jardinier dehors toute la vie revenue tou t orgnnisan t votre proche arr veacutee
Si vous quittez KermiddotNollhiH apregraves-dematn matin vous serez sans doule gare Saint-Lazare agrave onze heures et demie du soil Je nose aller vous y chercher malgreacute len vie ardente que jen ai
Mais voici ce que je compte faire si M Vazanne ny voit pas dinconveacutenient jatlendrai vers minuit devant la porte du jardin avenue Raphaeumll Je vous aiderai agrave descendre
de voilure je vous souhaiterai 1 le bonsoir et si votre gland-pegravere me II permet si ma preacutesence ne doit pas vous gecircner si vous necirctes pas trop faligueacutee du long voyage bull jentrerai avec VOliS dans votre demeure ougrave nous passerons de suile les premiers les deacutelicieux instants f
Ne trouvez-vous pas que voilagrave une combinaison hellleuse
Ainsi en tous les cas je vous aurai vite degraves apregravesshydemain je vous aurai parleacute je vous aurai entendue ocirc ma cheacuterie cheacutelIcirce1
Quel bonheur Que de choses agrave se dire Ecirclre pregraves 1 tout pregraves de toi ma Michegravele approfondir sans cesse notre harmonie 1 Aimer 1 el ecirctre aimecirc Jai un besoin infini de tendresse de compreacutehension de libre sinceacuteriteacute de coopeacuteration et de Ion serait impossible dalleudre Je suis tellement insatiable incessanle Cil Comment
bercement fidegravele Il me encore pour le rt~v~r de loi el de ta preacutesence
pourrnis-jn patienle jusshyquliu Iendemaln de Ion relum- eacutetant si pregraves apregraves si longtemps
Lorsque tu arriveras je ne saurai peut-ecirctre que me
bull
1f) L cO(~lJlhE 08 LIDEacuteAL
taire ct te regarder et prendre la main mais nous aurons la cerfilude que les immensiteacutes de nos acircmes el de tout notre egravelre seacutelancent ct se confondent ct en silence ou en paroles banales dans lesquelles eacutetincellcron l les g-emme~ damour ou en mols enlaceacutes nous senti rons lextase de la rencontre ideacuteale
Mon cœur vers loi sen va sen va deacutelicieusement
Et toi tu viens agrave moi li mon royal treacutesor 1
Viens viens je taltends A toujours cl il toujours sois couronneacutee de mon amour sans fin ct snus limites
Jean-Reneacute
gt1shy Paris 5 AoIcircrt
Lomnibus du chemin de fer snrregravea devant notre porte
Une eacutemotion profonde metreignait Dans le SOli deacuteteacute la haute silhouette attendue sapprocha
Et tandis que gland-pfre descendait Je voilure nous nous serracircmes la main intenseacutement
Les dome~ti(IUeS accouraient chercher les bagages
Et nous sommes entreacutes tous les trois agrave la maison une exquise surprise my attendait
Dans le salon ougrave les lumiegraveres beaucoup (le lumiegraveres
toutes allumeacutees brillaient gaiemenl une abondance prodigieuse de fleurs blanches envahissaient les meubles et en profusion garnissaient les potiches et les vases samoncelaient en gerbes Ieacuteeacuteriques seacutelululcnt en bouquets eacuteparses
gt sur les lapis ou piqueacutees autour de palmiers et
de plantes vertes
LA COXQV~TE DE LWKAL 157
Des lilas blancs et des lys surtout et des roses et des arorncs ct des jasmius ct des aneacutemones et des orchideacutees teinteacutees de mauve et des tubeacutereuses enivrantes
TOlite une recircverie de fleurs damour
Jean-Reneacute sexcusait preslue aupregraves de grand-pegravere de la Iiberl(~ prise de cet envoi laquo mais comment ne pas mateacuteriiJlisel lin peu disait-il tous les chants dattente cl
de bienvenue qui milluminent ct quexhale en ondes si puissantes mon ecirctre profond raquo
Etle bon vieillard linterlOmpit doucement
- Vous avez bien fait mon ami de transformer ce salon en un jardin damour pousseacute et fleuri pour ma
petite Michegravele don t les yeux brillants me disent toute la joie eacutemue et douce
Vous avez raison de laimer comme VOliS laimez et je suis heureux lIegraves heureux croyezmoi bien de donner
son avenir et sa jeune vie si riche agrave votre grand ct noble CŒlII
Aimez-la bien aimez-la chaque jour davantage
Dans peu danneacutees peut-ecirctre VOliS serez son seul protecteur son seul appui dans lexistence et je voushy
drais que vous VOliS appliquiez agrave deacutecouvrir toujours
mieux tous les treacutesors enfouis dans sa vaillante nature tous les treacutesors que vous pourrez y eacuteveiller encore et y faire naicirctre par votre amour
Cal lamour vral comme celui qui vous unit mes enfants est le plus merveilleux creacuteateur deacutepanouisseshymen t con lin uel de transformatlons et de progregraves incessants D
Alors grand-pegravere passa le bras de mon bien-aimeacute aulour de ma ceinture et seacuteloigna agrave pas rapides
bull_
11
_
158 LAgrave COQUEcircTR DR LIDEacuteAL
Jean-Reneacute avec une force passionneacutee mallira vers lui et notre longue etreinte fut radieuse
Comment deacutecr-ire linexprimable Comment limiter par des mots Iimmcsurnb le
Ou mieux pourquoi mecircme deacutevoiler en moi jusquagrave vouloir me les deacutepeindre consciemment toutes les eacutemotions ressenties si profondes teus les bonheurs les plus sacreacutes toutes les secregravetes espeacuterances
Non je veux me taire je ne veux pas amoindrir en lexprimant la beauleacute des sphegraveres cacheacutees les plus hautes et les plus lumineuses de notre eacutechange et de notre communion
El mon acircme a son sanctuaire que Lui seul peut peacuteneacutetrer
- Merci mon Jean-Reneacute disais-je de celle symshyphonie de fleurs el de parfums qui entoure notre tenshydresse de son alleacutegresse de gragraveceet de torce de son charme meacutelodieux de son mystegravere peacuteneacutetrant
Les fleurs sont si bien laites ponr bercer lamour et latmosphegravere toute lemplie delles est si douce si extasieacutee pour envelopper cette heure inoubliable de notre rencontre eacuteternelle
Et ce fut le grand bercement des paroles
- Il Y a si longtemps si longtemps Michegravele que je luis seul tregraves seul si peu compris
Il y a beaucoup plus que des anneacutees il y a lanl de penseacutees1 il Ya lant de deacutesirs tant despeacuterances deacuteccedilues t
Mais ln es venue el te voilagrave1 El comme il est vrai que lon grandit quand 01 aime un ecirctre nouveau il est bien vrai que ln vic ne commence que Iorsquelle se
LA aONQueacuteTR DE LlDEacuteAL 159
retrouve Se peacutenegravetre sexalte cl seacutemerveille dans 14me droite lidegravele tendre de celle qui ltun geste lent et sucircr
dune ligne volonlaire vient en feacutee des jours anciens nous eacuteveiller agrave notre recircve mecircme
Vous changez ma nuit en IllIniegravere cl le flambeau de votre ideacuteal qui nous illuminera sans cesse est auss] haut et pur quune eacuteloile de infini Merci de renoncer par amour agrave la vie brillanle joyeuse eacuteclatanle que vous pourlIumlez avoir si taciement dans le monde et de libreshymenl accepter ma voie de rcaiiteacutes seacutevegraveres de disciplines incessantes el de classification de LOIILes choses en vue de lŒuvre agrave accomplir
- En choisissant ainsi lui aimiddotje reacutepondu j~chilDge le meacutetal clinquanl pour de lor pur et le simple cristal pour du diamant sans prix
Et puis si noIre chemin na pas le faux eacuteclat des vaniteacutes mondaines nesli1 pas eacuteclaireacute des lumiegraveres si douces de la paix de lharmonie nesl-il pas beacuteni dans ses espeacuterances merveilleuses JI
Longtemps nous avons eacuteoqlleacute ensemble les projels dun avenir de lIavai et de tcnuresse longlemps les imiges de nos recircves dresseacutees au Iour de nous nous ont entoureacutes et nous ont berceacutes dans un grand souille denthousiasme
Et les heures senfuyaient leacutegegraveles pleine ef adrables
Il ma parleacute de la bague de fia1iccedilailles bull et ensemble nous avons convenu ltun beau rubis cllneacute qui est la pieTe damour lIl toureacute ugravee peliles eacutemelaudes
- Bientocirct me dit-il je vous passerai 8U doigf cet lInneau symbolique en signe de la prolection et de
_~1 )~Inl~~i ~~~~ ~~i~~WSj ())i~Iii(tiiiii~rTxW ~~ X Y )~ r~)ji~ ~i i li) ~X~gi~ i i)1gt1)gtmiddotiI~ ~ f l ll bullbullbullbullbull _ bull
161
1GU LA CONQUI1TE DE LIDEacuteAL
lamour dont je vous entoure et vous enveloppe cela sera le sceau visible de nOS merveilleuses flanccedilaillesi
Michegravele je te confie mon bonheur je te confie mon espoir cl mes ar-lents deacutesirs pOUl toute la vie Jai en toi une confiance infinie que tu feras fleurir ce quil y a de meilleur en moi ct que je te donne avec toute la foi pure et haute de mon amour enivreacute
Michegravele 1 Michegravele 1 laisse-moi agrave toute heure vivre aupregraves de toi deacutesormais les minutes qui nous seacuteparent sont des amoindrissements de seacutereacuteniteacute et de vie
Et sois radieuse et belle Ocirc ma cheacuterie et sois toute baigneacutee damour el aspire vers tout ce qui augmente et vivifie notre ecirctre
Sois eacutepanouie dans ta beauteacute teacuteerlque sois rayonnante de notre joie raquo
Lorsque grand-pegravere enIra nous preacutevenir de lheure tregraves tardive dans la nuit deacutejagrave avanceacutee Jean-Reneacute lui demanda sil pourrait bientocirct venir nous voir avec s~
megravere qui a si grande envie de me connaicirctre
Il fut alors deacutecideacute quapregraves demain malin Mme Formant et son fils deacutejeuneraient avec nous
Je le reconduisis jusquagrave la porte au boul du jardin ougrave longuemeat encore sous la nuit molle et chaude qui seacutetalait autour de nous comme on boit le parfum des fleurs deacutelicieuses nous avons eacuteehangeacute et confondu la douceur de notre extase
tA bONQU~TB bE LIDtUuml il
xx UAoucirct
r ute io baigneacute des grande~ co~v~rsafioris ~ui ~Jllt
pendant ces que(lues jours illunUgraveneacutee et c6mme g~ndie jeacutecouteacute nies penseacutees ea eacutecho
Tout ce qui naugmente pas Jecirctre le diaHilue Tout ce qui ne grandit pas abalsse Tout ce qui nembellit pasabIcircme Rienmiddot nesl indiffeacuterent Rien
Pas une penseacutee pas un acte pas une paroJe pas un ~este pas Une heure
Leacutechange moindre la conversatidn banaJe eutraven t celui qui veut monter
Pour reacutealiser un grand id~al il faut que toute Ja ie tout ce qui Ja tait tout ce qui JJanime tout ce qui rapproche tendent vers cet ideumlal Il ny a pas de demi mesurs Linit~eacute a horreur des tiegravedes et comme la dit Nielzche li il faut ecirctre dur JI pour lIdeacutee Cenest pas eh acceptant les habitudes ordinaires te nest pas en parshy
Iicipant aux mœurs dUne Civilisation deacutecadegte agrave ce point ce nest pas en se nieacutelangeant au monde tel quil est quon peut former le monde futur
Daucuns crient laquoNotre eacutepoque est feacuteconde admirable supeacutelIcirceure raquoEn veacuteliteacute leur ideacuteal nest pas eacuteleveacute et ceuxshylagrave nont pas complis ce que pourrait ecirctre la vie les posshysibiliteacutes admirables qui sont en elle et (luels effroyable gasplUages on tail du temps
1 Cest un grand piegravege que celui de Jamitieacute Lecirctre qui aime mais qui refuse de suivre celui qui va plus Joln
versla sagesse sait se plain1re et apitoyer autrui nest-il pas abandandonneacute par lami hautaiD orgueilshy
_ ---shy
162 L~ CONQU~Tll DB LIDhi
Leux infidegravele qui pour une ideacutee supeacuterieure ou soi-disant telle a le cœur doublier laffection la tendresse le deacutevouement lamour peut-ecirctre de celui qui leste le niegraveme
Mais toi qui aspires agrave monter suis ton chemin Ne te laisse pas fixer par celui qui veut rester le mecircme Essaye de lentraicircner lagrave ougrave te portent tes pail hardis explique-lui ta penseacutee et console-toi de ce que Ion incompreacutehension fait pleurer en toi en essayant
de lui euvrir la porte du Sentier
Sil laime assez il comprendra ou alors cest quil est trop loin de toi et tu nas plus le droit darrecircter la vie et le progregraves en toi pour rester proche de lui en arriegravere
Cherche leacutechange de celui qui teacutelegraveve (lui tapporte qui teacutevolue
Donne agrave ceux qui suivent ton chemin et que tu peux aider agrave marcher vers la lumiegravere Ne te limite pas agrave ceux t1ui refusent daimer son eacuteclat ou (lui nient sa reacutealiteacute
Si tu en souffres deviens-en plus fort Nobscurcis jamai~ ce que tu ~s compris en le meacutelangeant et en le teintant de la penseacutee qui lamoindrait Il Garde toa cœur pius que toute chose quon garde raquo Et comme la dit lApocirctre ~e divise pas en toi le corps unifieacutebull
Souviens-toi du Lekhlekha (i) Biblique Avant de donner agrave Abraham sa haute mission agrave remplir lEternel dit agrave Abraham laquo Tu quitteras ton pays et le lieu de ton parentage raquo
Et pourtant Abraham eacutetait neacute il Or (Lumiegravere) en ClutIcleacutee Et la lumiegravere chaldeacuteenne (Aor) eacutetait deacutejagrave pro fonde
(t) Abandol1ne
tA dONQU~TE illt LIDEacuteAL 163
Mais On ne peut servir Dieu et le monde On ne doit poin t entraver en soi la malche de lideacutee Sois fort sois courageux La sentimentaliti ambiante tassume de toutes parts Ne confonds plIS sensibiIiteacuteavec affection ou bonteacute ou miseacutericorde Ln vraie miseacutericorde est une avec III Justice et il est juste avant toutes choses que tu protegraveges en toi le Divin que si peu reccediloivent et comshyprennent
Entretiens-toi sans cesse de la Sagesse qui es] lagrave science de la vie Refuse les paroles flivoles Fuis lentretien quelconque eacuteloigne-tot toujours plus de ceux qui acceptent le monde tel quil est ou qui douten t de ta mission
Sois fidegravele agrave ta mission par dessus tout
Sois le serviteur de lideacutee
En agissant ainsi tu deacutelivres lideacutee tului frayes uri gland chemin de respect et de seacuterieux tu la gardes
agraveplus pure et ceux qui riennent elle la comprendront plus nettement et oseront parce que tu lauras oseacute Se seacuteparer des ideacutees confuses et obscures se Seacuteparer des mœurs du monde
Ainsi un peu du monde futur pourra se ormel
4tbull
12 Aoucirct minuit
Oh 1 dramatique destin June pa uvre acirclDegrave si forte arrecircteacutee en plein eSSOr pal le reacuteseau dinextlicables obstacles quelle a elle-mecircme dresseacutes sur sa route
_-__-_-------------shy
tamp C()NQU~TE DR LroEAgraveLiucirc4
Pourquoi oh pourltJuoi Quand jc suis au milieu des recircves les plus beaux quand la vie magnlflque eomme un oceacutean prodigieux toule en ses flots puissants toutes les splendeurs dun udmirable eacuteteacute toutes les feacuteconditeacutes tou tes les richesses de la na ture lJuand les journeacutees ltIue nous vivons mon bien-aimeacute et moi sont tellement hautes intenses joyeusement sereines et remplies que je nai plus le deacutesir den exprimer les rythmes tant il est vrai que les profondeurs du bonheur sont silencieuses quand toute la lumiegravere pourrait devenir eacuteblouissante pourquoi oh pourquoi le soleil sarrecircte-t-il de luire soudainement sur cette miseacuterable
)
vie deacuteserte qui allait eumlnfin fleurit dans sa merveilleuse
pleacutenitude
Combien cela mattristc et je sens seulement mainshytenant agrave quel point je laime
Pauvre pauvre chegravere Jane Lexistence tc fut au fond toujours cruelle malgreacute les apparences brillantes dont elle tavait orneacutee et qui saura jamais tout ce que
lu as souffert
Moi-mecircme ai-je eacuteteacute pour toi ce quc jaurais ducirc ecirctre Peut-ecirctre si javais su parfois mieux tentourer aurais-lu eacuteteacute moins malheureuse moins heacutesitante moins troubleacutee
Je ne puis croire agrave cette reacutesolution eacutetrange deacutesesshypeacutereacutee Et lamentablement la silhouette douloureuse de Iane me hante Image tragique sans cesse preacutesente dans mon cœur elle syntheacutetise son Passeacute mysteacuterieux deacuteseacutequilibreacute et dont la reacuteaction Inexorable lencercle et
leacutetreint
Mais non cela nest pas possible 1 Elle est trop belle trop jeunc trop ardente pour renoncer agrave toutes joies
LA OONQm~TE DE LIDfAL 165
pour abandonner lespeacuterance au moment mecircme ougrave le bonhcur lui apparaissait si proche ougrave lnltcnte dc III reacutedemption irrndiuil tout son ecirctre
Cependant qua done cclie soireacutee cette nuit de si lourd de si trlstc
Et je lelis encore la lettre deacutechirnnle quelle a crieacutee vers moi
laquo Ma ltllch61e cheacuterie
laquo Au milieu des ruines de mon acircme je cherche pour un mornen t la force de te dire ma deacutetresse parce que tu as le droit de savoir parce que je veux Ique tu comprennes
laquo Trop tard ~ Trop tard l Tout trop tard 1 1
laquo( Trop tard venu lavertissement qui arrecircta ma course folle
laquo llOp lard la rencontre merveilleuse Trop tard ma rupture des indignes chaicircnes
laquo Trop tard tout leffort de ma volonteacute tendue pour reacutepare l Ics fau tes des truel rices
En avaut quand jo regarde au loin je naperccedilois plus quune route en Ieu des ponts qui secroulent des torrents qui ravagent et qui brisent
En arriegravero si je regarde je ne vois quun marais brumeux sordide miseacuterable slins une fie III de beauteacute
sans une lumiegravere damour sans une icircle de recircve Hien rien seulement langoisse du laquo cela alraillu ecirctre )
Je ne peux pas lutter Cest trop Je mentuierai loin loin
Je ne peux pas revoir ecmonde ce piegravege Ma lettreacute
u t
fifi LA CONQU~TR DB LIDEAL
est un adieu Si tu maimes ne cherche jamais agrave rien lavoir de moi
Jeacutetals freacutemissante despoir et de reacutesolution jc me sentais capable de remuer des montagnes jeacutetais eertaine de maffranchir de me relever Ile me purifier Oh 1 jeacutetais sucircre de resplendir
Mais voilagrave Lui il cst marieacute
Ah 1 il r a Irais ans Quand il maimait quand je lai deccedilu quand je ne lai pas reconnu quand jai ignoreacute lia souffrance quand jai joui de sa souffrance - comme 1
de celles des autres - alors il eacutetait libre
Cest bien moi qui nai pas su qui nai pas voulu Loo
La reacutealiteacute lagrave veacuteriteacute la vie tout sest offert1Moi je neacutetais pas precircte - Maintenant je pleure
Lui if est droit il est noble il a un foyer une femme des enfants - sa droiture est c onlregrave moi Il maime et toute sa vie aussi sera marteleacutee de mon souvenir il maime dans un regard dans un mot au fond de son agraveme voileacutee la lueur dUne eacutetoile au lieu de la clarteacute sans limites du soleil
Ah 1 je serais resteacutee jau~ais dompteacute lassoiffement de mon corps Jaunis domineacute le tumulte des vagues de ma tendresse impuissante jaurais veacutecu des mieIles de bonheur qui me seraient venIles de lui agrave travers lespace comme se nourrissent les oiseaux familiers 1
Cela mecircme est impossible Le fauve sest deacutechaicircneacute la colegravere la jalousie lorgueil ont allumeacute la farouche passhysion dUD homme qui se croit le droit de me garder par
Ia menace pal la violence pal la haine
s veageance plane oh 1 ras sur moi sur Lui
LA CONQutTE DB LIDEacuteAL 167
- _
Comprends-tu Michegravele
Sur Lui il est comme un otage qui reacutepond pour moi 1
Chacun de mes gestes est eacutepieacute par celui qui fut mon amant Talbrut 1 ne reculerait devant rien
Et lagrave cest linexorable Cet homme est en fer Je ne peux ni rester avec lui que jabhorre ni approcher Wanneshield dont la preacutesence est mon tout une parole une rencontre serait le duel peut-ecirctre le guet-apens 1
Alan je pars je menfuis Ne me demande pas ougrave je vais Le nuage informe quentraicircne louragan sait-il co quil sera demain
Ne me regarde plus
Tout est fini Ce soir je ne serai pas ici
Quelques-uns seacutetonneront Dautres me chercheront peut-ecirctre Iais nul ne me verra plus jamais jamais
Et la vie est ainsi laite quil faut que je leacutecrive mon adieu au moment ougrave tu mapprends la chegravere nouvelle de tes fianccedilailles
Dans ma douleur sans fond je taime pourtant assez Ocirc
ma cheacuterie pOUl sentir une eacutemotion p~ofonde et douce qui me pousse vers toi si tendrement
Michegravele bien aimeacutee je comprends en ce moment tant de choses nouvelles qui entrent brusqusmen t en moi par la grande blessure de mon cœur 1
Ah les plus hauts despsychologues qui nous peignent en tableaux admirables les passions les sensations les actes et les deacutesirs de lhomme ne vivent que dans un domaine infeacuterieur et au-delagrave de cette sphegravere active il y ~ tous les eacutelans plus protonds de lecirctre et toute la
_
(68 LA OONQUtTB DB L~DtAT-
ie reacuteelle - celle que je nai pas veacutecue - cette vie ineacuteshypuisable infinie mysteacuterieuse (lui nous frocircle de ses crandel ailes aux seuls moments heacutelas ougrave la douleur bat ~urnous
Pourquoi attendons-nous les heures si graves pour penser plus gravement
Pourquoi lacircme profonde ne seacuteveille-t-elle dans les ecirctres ou dans les peuples que lorsquun drame les eacutetreint
Bientocirct je serai loin tregraves loin et je sens seulement agrave cel instant terrible ougrave ma reacutesolution inexorable doit laccomplir - comme si je voyais deacutejagrave ma vie dici avec beaucoupde recul ou de ti egraves haul - je sens seulement mainlenant combien lexistence humaine est remplie dheures vaines steacuteriles superficielles distraites pal tout linutile et combien elle pourrait devenir splendide si chacun roulait comprendre 1 Le grand ennemi de lhomo megrave heacutelas cest lhomme lui-mecircme Et moi javais peutshyecirctre reccedilu plus de forces quil nen doit ecirctre accordeacute aux humains pour aimer
Lacircme profonde ~veut nous parler mais sa voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffent
Michegravele cheacuterie je sais que celui avec lequel tu vas vivre la vie a compris deacutejagrave plus que je ne sens encore Ecouleshyle suis-le comme tu laimes Il est de ces rares (lui cherchent agrave ouvrir les portes scelleacutees par ougrave notre espeacuteshyrance monte vers En-Haut et par ougrave un peu de la grande lumiegravere du ciel pourra descendre sur les hommes
Oh Iloyez heureux soyez beacutenis 1 Vous deux qui vivrez P9ur fair lavenir meilleur Je VQuS comprends et je
L CONQU~TB DE LIDEacuteAL Hm
vous regarde je vous comprends et je vous admire Oh Vous Deux soyez heureux 1
Et ce vœu est la seule eacutetincelle ardente qui seacutechappe de la Douloureuse qui sen va nemportant avec elle que remords deacutetresse regrets et renoncement
Car jai enfin renonceacute agrave Tout
Jane
16 Aoucirct
Nul ne sait ce quest devenue ma pauvre grande amie
A Interlakenon ne la pas revue depuis le 11 Aoucirct
Plusieurs preacutetendent quelle est partie par Je train du soir qui rejoint IExpress-Orlent Russie Sibeacuterie Chine - qui sait
Je lui avais teacuteleacutegraphieacute aussitocirct apregraves le reccedilu de sa lettre
La deacutepecircche nela plus trouveacutee heacutelas et mest reve~ue
TOIlI le pays est en eacutemoi de cette disparition subite ct complegravete
Sans doute celui pour lequel elle a tout abandonneacute a-t-il eu tille derniegravere leltre delle
Mais elle Ile lui aura padeacute qlle de lamour qui aurait pu ecirctre son relegravevemeu t et (fui est devcnu la cause de sa deacuteroute
Peut-ecirctre recevrat-je un JOUI lin mot delle venu le cel Orient lointain qui la toujours attireacutee Et je Jeacutevoque
je la revois si belle avec ses grands yeux de vertige
__________bull ~ ~ ~ t _ lt bullbullbullbull ~ ~ - j ~1middotbull11 nmiddotv 1 1 I~ IN H l~ Il~ Z 1Jl~~~f 1middot~~yv ~ l~ ( Ii l i l(gtgtmiddot~middot ~ ~ I~ ~r-r~ 1iI l~ l~ iuml~~llll~i) ~fi gt~~ 1 l)) iygt~middotg ~ 1~l 1 ~ 1lt ~i 1~S lt1 ~ iFS~W1~~~Icircmiddot~r(tmiddot~~~1~~ ~~n~~~(Fmiddot1
l70 LA CONQUI~TE Dn LIDEacuteAL
quand elle me prenait sur ses genoux et quelle me serrait contre son CŒlUI vibrant et passionneacute
Pauvre Jane 1 Nentends-tu pas lappel de ma tendresse qui seacutelance vors toi et qui voudrait si Iortemen t te sou tenir et te bercer
Il Y a dei moments ougrave la vie touche linsondable
Et malgreacute la consolation terme et douce de mon grand soutien je ne puis deacutetourner ma penseacutee de ce drame eacutetrange
Jean-Reneacute aurait eacuteteacute si capable de comprendre et daider Jane 1
Il a aimeacute la fin de sa lettre laquo Lacircme profonde veut 1
nous parler mais Sl voix est lointaine encore et de mauvais bruits la recouvrent et leacutetouffentraquo
- laquo Cela est vrai memiddot disait-il tout-agrave -lheure Ta
pauvre amie Michegravele a compris de nouvelles veacuteriteacutes
dans Sil lourde souffrance
Auxlleures tragiques qui sonnent dans la vie soudain son cocircteacute seacuterieux apparaicirct et lecirclre est tout precirct alors agrave
seo tir les progregraves agrave reacutealiser les ameacuteliorations agrave accomshyplir les efforts reacuteels il faire en soi et autour de soi pour abolir ce que lon peut des souffrances humaines
Mais heacutelas trop souvent presque toujours (lue le soleil ~u bonheur reacutechauffe lecirctre meurtri que la vie seacutepashynouisse de nouveau et avec la paix qui revient renaicirct lindiffeacuterence de lecirctre son inertie sa Irivoliteacute mecircme
Voilagrave une des immenses reacutealiteacutes symboliques de lAnshycien Testament chaque fois que le peuple dIsraeumll tombe en deacutetresse il se tourne vers ion Dieu pour limplorer j
~~
tA CONQuecircTB DE L~DacircAL 171
Dais degraves que la prospeacuteriteacute lui sourit de nouveau il deacute tourne ses pas des sentiers de la justice et il adore les idoles impures du monde profane D 1 Nous eacutetions dans un courant de penseacutee ougrave Jean-Reneacute est ineacutepuisahle Il continua Ionguement
-- laquo Tant ltflle la vie reste veacutegeacutetative inconsciente elle est heureuse telle quelle est parce quelle nexiste que dans le preacutesen t En geacuteneacuteral elle se conten te de ce quelle est puisquelle ne conccediloit pas le mieux-ecirctre
laquo iIais degraves que la conscience seacuteveille et que lintelligence
compare se souvient espegravere il ny a plus aucun bonheur possihle dans les conditions de la vie primaire classifieacutee alors comme insuffisante douloureuse instahle
laquo Lorsque la vic nest plus satisfaite par II sensation la sensualiteacute leacutepanouissement naturel et ltflle lintellishygence commence il formel des modes nouveaux de jouisshysance -les plaisirs intellectuels ou intellectualiseacutes - cest que la conscience est eacuteveilleacutee et par conseacutequent lhomme
qui touche cette phase ne peut plus sauf par un effort daveuglement volontaire se deacutetourner de la recherche constante du mieux-vivre
laquo Deacutesormais toute la sphegravere de laction possible appashyraicirct sous deux aspects llin constructeur lantre destrucshyteur lun (lui tend il ameacuteliorer lautre agrave deacuteteacuteriorer les conditions deacutejagrave acquises
laquo Sous cet angle les jouissances naturelles qui furent toute la vie primaire restent neacutecessairement la base de la vie intellectualiseacutee mais comme Iinlellectualisatten de ces jouissances est susceptible de les fausser il y a agrave
deacutevelopper une volonteacute de na tm-alisme balanceacute Iortifian t ~aiQ
-
-
1
_
173 112 LA CONqUlhE ns LIDEacuteAL
bull ci De plus pregraves encore il faut passer au crible les plaisirs intellectuels (lui si facilement peuvent devenir des excitants ruineux des stupeacutefiants des eacutepuisants
laquoAutrefois la saugraveuetlaquo de la vie consistait reacuteellemen 1
dans celte balance celle hieacuterarchie harmonieuse dc toutes les faculteacutes
CI La destruction vient de lexcegraves cest pourquoi Iasceacutetisaie nest quune caricature de la vie sainte parce quil cherche agrave saper la base fondamentale et naturelle
laquo Lorsquon a compris ces choses lorsquon sait que lintelligence peut transformer lorsquon sent tout ce qui manqlle que deviennent les plaisirs futiles les gasshypillages de forees les tempecirctes passionnelles et toutes ces distractions vaines tout ce (lui deacutesagregravege ce que nous voulons ce que nous devons organiser
laquo Les mots contiennent de grands enseignementsmiddot parshyce que lantiquiteacute savante les a formeacutes syntheacutetiquement selon les lois reacuteelles de lecirctre eacutetymologiquement distracshytion laquo distrahere raquo veut dire laquo tirer-hors raquo nous tirer hors de nous-mecircmes hors de notre preacuteoccupation de notre responsabiliteacute de notre espeacuterance nous faire oushyblier les choses seacuterieuses
laquo Et croyez-moi Michegravelesi la tlistraction peut ecirctre leacutegitime dans certains CfJS il certains moments 0 elle est ponr ainsi dire neacuteceSSaire combien elle est illeacutegitime et neacutefaste pOUl ceuz qui sen serveltt dans linsttuuuml Olt
pleins de [oree ils pourraient trtniailler agrave JeacuteaLiser lideacuteal cest-agrave-dire agrave mateacuterialiser dans la vie ambiante la conshyception in tellectuelle du mieux 1
laquo Que les homaes depuis si longtemps quils souffrent
tl CONQUEcircTE DB LIDEacuteAL
et se deacutebattent entre le Jardin de lInconscience et lacirc Terre Promise soient si pcu nombreux agrave prendre virileshyment la route qui les megravenera vers le bonheur intellectuel cest lagrave leacutetonnant mystegravere que la complexiteacute de lhistoire politique du genre humain explique en partie
laquo La frivoliteacute la leacutegegravereteacute inouiumle larrivisme eacutegoiumlste lindilTeacuterence cultiveacutee de la plupart des intelligences est comme un voile qui cache la graviteacute de la vie la proshyfondeur merveilleuse des possibiliteacutes quelle contient 1raquo
Une lettre dAndreacute Calvis
Florence 18 Aoucirct
Vous sentez tout ce que jeacuteprouve en apprenant vos fianccedilailles Michegravele 1 Par-dessus el au-dessuslife tous les sentiments divers et complexes que celle rande neuvelle
eacuteveille si profondeacuteœent en moi mes vœux seacutelancent ardents graves fervents et conscients de tout ce quils impliquent 1 Soyez heureuse chegravere Michegravele vous et celui que vous avez trouveacute digne de vous
Plus tard un peu plus tard quand VOliS serez mariee et lorsque je me sentirai plus fort je viendrai vers vous deux et jespegravere que vous maccueillerez comme je vienshydrai en ami et en fregravere Car je me souviens de vos paroles du dernier soir CI quil faut garGler comme des clioses tregraves preacutecieuses les liens reacuteels neacutes dans nos vies D
bullbullbullbullbullbulll lt~) ~~middot 1 bullbull~ bullbull bullbull ~Il~lt bullbull ~ _~ bullbull __ 0
__ __ __ _ _
174 LA CONQu~rE DK ~IDeacuteAL
Oui nous deacutetruisons parfois inconsideacutereacuterneul pal inconsshycience ou pHI fuihlesse ces lieus qui soa l en reacutealiteacute cl
en essence de la vic mecircme de la beauteacute de lamour dans le sens le plus eacuteleveacute du mol Nous tuons ainsi en nous de la vie en nous diminuant en veacuteriteacute nous-mecircmes
Parmi les ruines des souvenirs somplueux que vous mavez laisseacutes il esl neacute un nouveau poegraveme tel un jeune arbre plein de vigueur Je llais quen lachevant jaushyrai triompheacute de mon chagrin Michegravele El quoique ce puisse sembler choquant que jose encore aujourdhui Iait-e une allusion au passeacute il me Iait lanl de hien de POUVOil agrave cause de vos fianccedilailles mecircme vous redire ma respectueuse affection raon deacutevouement inalteacuterable Dites agrave velre fiasceacute combien deacutejagrave je laime puisquil vous rend heureuse Et sachez lous les deux quen ces heures inlenses lue vous vivez ougrave tanl davenirs ~erlllent parmi linconnu mysteacuterieux des destins (lui se nouent et se peacutenegraveshy
trent nul plus que moi nappelle vers vous le bonheur le gTand lunique hsnheur qui illumine la vie 1
SUl la terrasse dougrave je VOliS ecris le parfum intense des loses dItalie se reacutepand III moule dans lair du soir Quainsi montent jUS(IUagrave vous respectueux et profonds les neux de celui (lui meure un ami
hdreacute Calvis
Andreacute Calvis 1 Edmeacutee Torguegraves 1
Tons deux sc sonl trompeacutes dabord SUI leur veacuteritable chemin
Comme il esl facile de se tromper degraves quon ne parle
LA CONQUEcircTE DE LIDEAL 175
pa~ en soi un sens indeacutefinissable de la direction el de leacuteloile Les nuuges te lil seatiuieataliteacute tendre romashynesque el faible comme les voiles de 1 serrtiurenluliteacute somptueuse lyrique el dramatique suffisent 1 enteacuteneacutebrer la reute lour ceux-lagrave il faut ne main secourable qui tosse luire un rayon de veacuteriteacute Il me semble que de ces deux erreurs uae belle reacutealiteacute pourrait surgir Edmeacutee 1
Acircndleacute Ils Ile savent pas combien leurs natures se reacutepondent 1
Linterpeumlneumltratien cest lillimiteacute linfini 1
Mal~reacute lintensiteacute te leur ecirctre et sa valeur selon SI
propre loi tous deux furent agrave nous deux limiteacutes et finis parce que leur monde neacutetait pas notre monde parce (lue leur attente neacutetait pas notre attente 1
)Iais jai liatuilioa certaine quen se rencontrant ils se retrouveront et quen se trouvant ils vibreront eux I1Issi leur accord infini
~
20 Aoucirct
li Y a tnt de choses (IUC jaurais voulu pouveir eacutecrire de tout ce que me dit Jean-Reneacute Les coavershysatieas degraves quelles se dirigent vers les hauteurs deacuteroushyleat tes livres entiers Et je ne rappelle agrave la surface de ma meacutemoire que des fragments infiniment petits
laquoLa vie est ce que nous la faisons Or la vie de lhomme actuel nest pas encore consciente ni reacuteellement
Tbull yumiddot lxcv l7_Vf l rimiddot lt~~ li i i ili f v~l ~middoti1 middotmiddotGmiddot middotI~i~ ~WYINiumlW llPt 1 V)Ilt1tnJ~bull bullbull _ u bullbull bullbull on u
1
1iuml6 LA CONQUEcircTE DE il~tlU
formeacutee Lhomme dont les cinq sens ordinaires sont seushyIement eacuteveilleacutes veacutegegravete dans un eacutetat dinconscience grus~
siegravere et de leacutevolution de ses sens latents deacutepend le raffishynement et le progregraves veacuteritable de la vit
Quelques-uns conccediloivent mal comme quoi ce que Pdn appelle communeacutement de ce mot mal choisi loccullisshyme (mot qui ue veut rien dire en veacuteriteacute puisque tout est occulte jusquau jour ougrave cela devient objet de science cest-agrave-dire dexpeacuterience el de connaissance ce qui est preacuteciseacutement le cas actuel pour ce que lon appelleocculshytisme) quelques-uns conccediloivent donc mal que ce que lon appelle plus justement les sciences psychiques puissent aider par leur progregraves le honheur humain et la reacutealisashy
tioa dune vie plus haute et plus noble Comment ne pas comprendre cependant qlle si nous
voyons tous la vie agrave travers nos propres yeux que si nous n~ voyons que ce que nos orglInes actuels sont capables dapercevoir notre champ dinvestigation dintelligence de compreacutehension et de connaissances augmentera proshygressivement au fur et il mesure du deacuteveloppement de lhomme lui-mecircme et des sens supeacuterieurs quil possegravede latents Comment ne pas deacutesirer eacutevoluer au plus haut de son individualiteacute dans toutes les directions possibles
Comment ne pas mecircme essayer sincegraverement et avec perseacuteveacuterance leacuteveil de ces faculteacutes psychiques traditionshynellemenl connues et qui enrichissant lecirctre en profonshydeur et en reacutealileacute lui permellent de sentir Iil vie agrave un
eacutechelon quil ne soupccedilonnait pas encore auparavant de soulever un voile sur le mystegravere de linvisible et daccroicircshytre infini~ent la connaissance humaine en lui permetshytant de peacuteneacutetrer dans ce que lon pourrait appeler laquo lenshyvers ou lautre cocircteacute des choses D
LA CONQU~TE DR LIDEacuteAL i77
Alors lhomme eacutevolueacute ainsigt peut comprendre non seulement ce que paraissent les actes les paroles les penseacutees mais ce quelles Salit AlOlS sil cherche agrave trashyvailler au bonheur humain son effort raffineacute et compreacuteshyhensif visera juste et aura chance daider la vie en sa reacutealiteacute ct en Son essence mecircme en sa ~randeur en sa diviniteacute
Cal lhomme actuel ne se meut et nagit en geacuteneacuteral que dans lapparence primaire dun mouvement inslincshytit et suractiiuml quil prend pour la vie et qui est ocirc Comshybien loin dela reacutealiteacute des choses 1
laquo Lhomme ne vit que lorsquil est au plus haut de ses possibiliteacutes D a dit un poegravete Lorsque lon songe agrave cette penseacutee avec quelle meacutelancolie on constate corablen peu decirctres vivants vivent et combien rarement ceux-lagrave aussi qui savent monter au plus haut deux-mecircmes se maintienshynent sur ces cimes lumineuses 1
Toule lorganisa lion des socieacuteteacutes Con temporaines tend agrave ramener lhomme vers en bas Les habitudes les Conshyversa lions les usages les foules les fecirctes les reacuteunions mondainas amicales 011 familiales les eacutechanges les mœurs les amitieacutes les relalions rien nest fait en vue de leacuteleacutevation spirituelle de lindividu en vue de Son eacutevolution profonde et tout au contraire cherche agrave le faire descendre vers le niveau moyen - du Tout-leshyMonde ordinaire
l Comment ne pas voir que le progregraves de la vie ne peut
ecirctre quen mesure du progregraves de lhomme qui forme cette vie Comment ne pas sentir ce que la connaissance de la vie vi~~lIte et la peacuteneacutetration du soi-disant invisible ajoute il la conscience humaine Comment ne pas comshy
Ibullbullbullbullbullbullbullbull middotmiddot~~middotllt~ lt~ L Il
bull 1
li9 l bull
LA CONQU~TE DE LlOiAL
Mal nos doles eacutetreintes siIIumi~aient lune par lautre i 1 ) 1 r
DOS lents baisers sapprofondissaient lamour descendait sur nous nous baiaant de ses vagues envel~ppantes
Amollir seule reacutealiteacute que mon etre conccediloive hor~ de tespace et hors da temps amour unique loi de vie orishygine des choses et suprecircmebut de toutes lecircs choses
Puis comme ties profondeurs dun lac montent peu agrave peu et seacutepanouissent les fieurs du neacutenupbar lentement du profond de nos ecirctres seacutelevegraverent les paroles i
- Il fait eacuteternel murmura Jeaa-Beneuml
Et ioucement il eacutevoqua lavenir
- Dans quelques semaines Michegravele cheacuterie le cadre de notre solitude sera plus vaste et plus solitaire lorsque nous partirons quelques jours apregraves notre mariage dans ma petite maison deacuteteacute ougrave Octobre nous sera si beau
Dans ce pays de montagnes et de forecircts les automnes sont feacuteeriques et lagrave nous nous peacuteneacutetreacuterons chaque heure davantage ~t nous eacutetablirons une vie noble et haute sur cette base physique lI1erveilleuie la nature 1
Avec leacutechange constant de nos ecirctres les jotJis~IDeacutee5 clviendrent exquises et nous apprendrons de mieux en mieux agrave aimer les richesse que nous offre la terre la beaateacute des grands arbres la splendeur des champs les lointains des montagnes mauves les torrents dargent qui sautent si librement et qui forment les claires cascades voisines de notre home ougrave le murmure des chutes deau et de la brise dans les feuillllge~ enchanteront de leur musique notre alJloulmiddot recueilli Puis cc sera lheule Oi1
le soir tombe et ougrave DOS promesses seront si tendres dans chaque mot pronccedilnceuml tout bas t ce sera lheure ougrave les
LA CONQU~TE DE LIDEacuteAL
24 aoucirct
bull
o belle soireacutee dhier si intime el si douce atmosphegravere deacutelicieuse-de ma chambre alourdie pal les fumeacutees du haut brucircle-parfum et des odeurs mielleuses de toutes les gerbes de fianccedilailles qui remplissen t les vases les potiches et les cruchons de cuivrebull
Oh 1 charme de ces heures intenses deacutelices de vivre eacutechange abondant de tendlesse silencieuse bercement de bonheur eacuteclosion despoirs richesse de deacutesirs infiai
merveilleux
Nous ne nous parlions pas trop perdus dans loceacutean de notre regraveve
bullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullbullirr
prendre que tous les grands geacutenies qui formegraverent en veacuterileacute la civilisation actuelle furent des initieacutes des proshyphegravetes ou des occullisles El quc les penseurs de second rang ne veacutecurent que de ce quils pr-irent agrave ceuxshylagrave El pourquoi ne pas aller jusquau fond des choses 1
Toutes les civilisations qui anoblissent lhumaniteacute sont uniquement formeacutees sous linfluence des anciens livres sacreacutes la Chine intellectuelle est tout entiegravere contenue dans Confucius et LaoTseu lInde a ses Veacutedas les lois de Manou la reacuteforme de Siddharta Ce qui leste de Parsis garde lAvestha et limmensiteacute musulmane prend ses racishy
nes dans la Bible par Mahomet
Enfin notre penseacutee occidentale est davantage encore
fil~~ de la Bible ce splendide livre de sciences profondes que comprennent si peu ceux-lagrave mecircme (lui le veacutenegraverentraquo
178
gR A
HW LA CONQUEcircTE DE Lwh
eacutetoiles montent dans Ic ciel (lIi vient de seacuteteindre et ougrave nos penseacutees aussi libres (lIC linfini des cieux sans limites
chercheront de nouveaux horizons ~
Car nous voulons nest-ce pas ma Michegravellaquo mainlenir
nos legards vers toujours plus loin
Nous sen tons en neus un moi supeacuterieur (lIi demande
ft se manifester el qui cherche il seacutepanlllllir Et il ne faut pas encombrer nos vies de banaliteacutes doccupations quelshy
conques ou dideacutees mesquines si nous voulons progressishyvement chercher agrave monter vers ces crecirctes eacuteleveacutees ougrave
lhomme ne sait pas assez se maintenir
La spiritualiteacute nesl pas une qualiteacute mysi ique irnpreacuteshycise et vague de seacuteveacuteriteacute ou de pm-ilnnisme cesl la plus sage et la plus meacutethodique volonteacute dl reclvoir et dutiliser
toujours mieux nos capaciteacutes ces] la Iorcc de progregraves et deacutevolu lion que doi t deacutevelopper con1in uellemen t en elle
toute intelligence veacuteritable
Si chaque homme appliquait ses efforts de perfeclionshy
nement sur lui-mecircme si chacun cherchait avant tout agrave se construire sans cesse un corps plus sain et plus robuste
un caruclegravere plus souple el plus ouvert une volonteacute plus ferme une mentaliteacute plus savante el plus forle combien
toute la vie serail vite changeacutec-
Cest lagrave la a seule chose neacutecessaire raquo mais 011 a si peu
cempns 1
Il faut aussi -vouloir laquoatteiRdre raquo il la seacutereacuteniteacute il laut ~trecalme joyeux espeacuterant sans heur et sans trouble Tout trouble est nuisible surtout aux heures de danger et dangoisse ougrave il fait perdre III luciditeacute la clairvoyance
et la deacutecision deacutesirables
JA CONQU~TE DE LIDEacuteAL 1Rl
-----------------------shy
Il faut ecirctre comme un grand arbre majestueux dont les racines sont profondes don la cime monte vers la lushymiegravere et dont les branches souples ct flexibles savent en se balanccedilant mollement reacutesisler agrave la tempecircte
Et si cet arbre porte des fruits agrave la maturiteacute ce fruit sc deacutetachera pal la loi naturelle de mecircme si lecirctre arrive
agrave ecirctre riche de puissances vitales et de dons spirituels il devra les manifester el reacutepandre SUI autrui la vision plus pure de son in lelligence
On ne doit ct lon ne peut rien garder jalousement pour soi si lon veul faire croicirctre la richesse de son ecirctre
Mais il faut seulement donner agrave ceux qui sont capahles de recevoir Et il nous faudra Iormer Michegravele degraves que nous reviendrons agrave Paris tout un milieu sympathique et raffineacute don] les tendances seront semhlahles dont les eacutechanges seront ha rmonieux don t la volon teacute sera intelshylectuelle ~eacuteneacuteleusegt eacuteleacutegante et pure
Au centre et au sommet de cc groupe nos Maicirctres shyaupregraves desquels jaurai tant de joie agrave vous conduire hienshy
tocirct en cet Oasis eugrave jai appris agrave penser - seront notre
lumiegravere ct le grand abri protecteur lArche sain le qui conlient les germes dun monde futurgt malgreacute la confushy
sion cl les chaos exteacuterieurs
J)jI ils me demandent de prnser i cet entourage eacuteleveacute (lui VOliS conviendra puisque nous aUlOIlS agrave voir beau cou p di ndividuali leacutes not re travail tan t avec les homshyeacute
mes Il faul vivre intenseacutement il Iaul entendre le plus possible les grandes symphonies eacuteternelles que chantent les mondes et comprendre toujours mieux les splendeurs de lart de la science de la vie prodigieusement infinie Mais er veillant agrave la mise en forme progressive ltte tout
~rlt~~middot~~ y ~ ~r~ middot~lt~middot~middot ~(tlt ~ 11-~ ~ ~~ JFf~~frY~ ~ N~middot~middotmiddot~~~~middot~i(~middot~~ ~~y~~)~ 1bull- bullbull rf bull H ~Il f r r 1 ~ r1H~n 1~~ (1 e ~ l v~~~~~~~lV~ V~middot-~l~~~~in~~ ~~ tmiddotR~middot ~V~I r~~ ~ Y~~~~~00~ ~ gt~ ~ ri~~gt~middot~middot~middot~middot~~ ~(1 imiddotmiddotmiddot~middotmiddot~ ~ ~
i8tmiddot LA OONQUTB DB LIDEacuteAr
lecirctre ct se mettre en lorme Cest se maicirctriser se discibull plinerbull
Il faut former eacutegalement lamhianee amicale et cher cher les affiniteacutes reacuteelles ascendantes
Ce groupe nous sera preacutecieux et nous aidera agrave surshymonter les niveaux infeacuterieurs dexistence qui se meacutelanshy~ent trop dans la civilisation actuelle et dans lorganisashytion de lactiviteacute des grandes villes nous ne pouvons savolr agrave quel point nOU5 ahsorbons les deacutefauts dautrui et surtout ce qui ne nous paraicirct pas un mal en lui-mecircme (et qui nen est peut-ecirctre en effet pas un pour lautre personne mais qui devient mauvais pour nous si nous voulons tendre plus haut) Nous ne pouvons savoir agrave quel point dans une seule conversation nous pouvons absorshyber de deacutecouragement e futiliteacutes dinertie de vulgariteacute de frivoliteacute dideacutees inutiles et banales quimiddot rempliront de longs jours et agrave tort les espaces de notre acircme
Je voudrais ma Michegravele pouvoir tentourer dun corshytegravege damis nobles et enthousiastes qui chercheraient agrave gravir avec nous les sentiers abrupts de la connaissance les sentiers fleuris de laffiniteacute reacutealisatrice et dont la
plastique intelligence sornptueuse vibrante eacutechangeacutee ferait une harmonie vivante et deacutelicieuse un grand coushylan t de formes joyeuses dans lequel nous eacutepanouirons doucement notre action au sein duquel nous voilerons meacutelodieusement notre bonheur raquo
Malgreacute moi une tristesse menvahit je voyais une tache sombre au tableau de lumiegravere la place vide de Jane parmi ce groupe ideacuteal ougrave sa belle intelligence aurait ai bien pu se spiritualiser
Mon bjeJ-oilJleacute ~~fltit lOIlllgtre qui venait de paner sur
JA CONQun DE L~IQEacute4L J83
moi Il mattira vers lui et il menlaccedila de toute sa tenshydresse forte et protectrice
--- Tu es dans mes bras mainlenan t cheacuterie et lagrave il ne doit plus rien y avoir pour toi que la paix la joie lespeacuterance
- Et il ny a que tout cela en effet Jean-Reneacute avec aussi lamour le plus profond que mon cœur puisse renfermer
Je lui ai dit eneore - Il faudrait que notre bonheur solt un forma leur
dautres bonheurs quil soit un eacutepanouisseur de vie un (acteur deacutechanges plus intenses et plus complets
Dans lentourage dont nous parlons et que nous espeacuteshyrons attirer autour de nous il faudra chercher agrave taire eacutetinceler sans cesse de nouvelles sympathies de noushyvelles amitieacutes de nouvelles amours l
Il faudrait y faire naicirctre toules les eacuteclosions des possihishyliteacutes y relever les fleurs pencheacutees comme ma petite amie Edmeacutee Torguegraves y deacutevelopper les faculteacutes les talents enshycourager les nobles essais et surtout taire de lavie middotmeilmiddot leure par ce geacuteneacuterateur admirableacute de la force humaine les eacutechanges en affiniteacutes reacuteelles
Car lexistence comprise et reacutealiseacutee volontairement par lunion profonde et laide spontaneacutee dintelligences qui comprennent qui veulent ensemble qui se suromhrent et sencouragent les unes les autres deviendrait comme un splendide feu dartifice aux bouquets ininterrompus alors quaujourdhui nous ne voyons que de pacircles fuseacutees sillonner de loin en loin la nuit
- Plus de vic plus de beauteacute plus damour mur mura Reneacute
egrave ~vrmv(~middot~~middotmiddotmiddot v lt1middotmiddotmiddotmiddot~middot~ 1 bull lt(~ii~)~1~~Wry)gmiddotr~~l~W~m_~
ilH LA CONQUlhn DR LIDEacuteAL
Vivre chaque heure eR beauteacute 1 A notre eacutepoque lart nest que limmense inassouvissement des acircmes qui voushydraient plus de libc~l plus dessor plus deacutepanouisseshyment plus de naturalisme plus de splendeur plus dideacuteal el qui sont forceacutees de chercher cela en dehors de la vic
Lart actuel nest pas une certaine partie dun tout magniflque il est leacutetincelle lumineuse seacutepareacutee solitaire vers laquelle se legraveve enivreacute le regard des egravetres de deacutesirs et de recircve 1
Et pourquoi ne pas reacutealiser toute lexistence en ltCIIVIe da rt pourquoi ne IHIS chercher il rendre plastiques
chacun de nos gestes chacune Ugravec nos altitudes chacune de nos penseacutees
Pour cela il faudrait que tout homme aille aussi loin que possible sur la route quil poursuit
Leacutevolution constante voulue ucircpremcnt avec une pelmiddot seacuteveacuterance inlassnbic est la Ta ride transforma triee
Penser aimer agir Penser de plus en plus prolondeacuteshyment aimer de plus en plus intenseacutement agir de plus en
plus activement
Et aire croicirctre en chaque ecirctre son moi le plus eacuteleveacute
laquo La philosophie a dit Novalis est lexcitation du moi reacuteel par le moi ideacuteal raquo
tA CoNQUEcircTB DE LIDEacuteAL
~--------------------
des dignorance sources des erreurs et des preacutejugeacutes les veacuteriteacutes illuminatriccs (lui libegraverent des impulsions et des passions et conduisent agrave lactivilegrave constante de notre ecirctre divin dougrave reacutesulte le regravegnc de lharmonie SUI les terres cela seul est un but digne de lintelligence une œuvre de sagesse et de reacutealisation solaire
Sous le regravegne de la raison et de la science plus haute quelle est apte agrave manifester la science intuitive il ny a plus de place pour les obstacles que lhumaniteacute instincshytive jette continuellement sur sa propre route il ny a
plus de place pour lobscure tyrannie des peuples sur les peuples pour les haines teacuteneacutebreuses des sectes contre les sectes pour les narcotiques empoisonneacutes qlle versent les
fausses morales eacutet les croya~ces eacutetroites
foutes ces entraves tontes ces laideurs seffondrent
se dissolvent disparaissen t et lcu 1 peu surgit lHumaniteacute nouvelle comme en un jardin comme en un temple eacutepanouie miseacutelicordieuse eacutepureacutee lHumaniteacute llormoshynieuse qui du sommet de la pyramide jusquagrave sa hase innomhrahle agit en union pour eacutetreindre en chaque heure lagrave heacuteatilude de lEternel Preacutesent
Je conternplais le deacuteroulcment des visions ct aperceshyvant dans le passeacute tant de snmhrcs trageacutedies faites au
nom du progregraves et de la spiritualisation des masses Ce moi supeacuterieur Ile seacuteveille que dans le calme de la
meacuteditation et il est un fait dun orQIC plus eacuteleveacute que lhomme eacuteleveacute saisira seul Mais lous peuvent sefforcer de le taire naicirctre en eux et cest la seconde naissance
Comme Spinoza le montre dune faccedilon si simple et si noble cultiver en nous-mecircmes et dans les autres hommes leacuteclosion de la raison substituer aux ideacutees confusesJourshy
iuml jajoutai comme une affirmation cl comme un deacutesir
_ Oui Guider lhumaniteacute la transformcr mais par
la joie
Loin de nous le fouet de la crainte et laiguillon de la terreur attirons- par un foyer de pleacutenitude vers le perlecuumlonuement de tentes choses
middotI
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Jshy
f liltMt limiddotW~middot(~~~f~~~nmiddot~lr(~1)~~~~Iuml ~ ~ - raquo~ ~~i~r~ Y~i ~i~ ~ imiddot~t ~I ~ ~ylt 1~ i~ lI~ (~ 1 gt(i~~~_ Y~~i~ ~ ~ 1~ ~ t l~~~~t~~ ~1 Sr ~~ ~ - ~~Y I~ ~~~ ~~
________
18u LA CONQUEcircTE DE ~II)eacute4~
Te souviens-tu lean-Reneacute de ces beaux vers philososhyphiques et propheacutetiques
laquo Profonde est la douleur bull Plus profonde est la joie r
La deuleur dit Passe el finis laquo Mais la joie veut leacuteterniteacute laquo Veut la profonde eacuteterniteacute gt
Je meacutetais leveacutee devant lui el je passai mes bras autour de son COll
- Et jaspire de tout mon ecirctre et je suis dans la pleacutenishytude du bonheur lui dis-je car maintenant jai trouveacute mon Ideacuteal
- Ma chi rie reacutepondit Jean-Reneacute en membrassant il y aune vieille parole laquo Lhomme nest jamais heureux mais il va toujours lecirctre raquo Cette parole est bien vraie car le bonheur Jeacuted cest lasoiralion et le bonheur ne
consiste pas dans lacquisition dune chose deacutesireacutee mais (( dans la poursuile dun recircve avec espoir raisonnable de succegraves D
LIdeacuteal est le maximum deacutenergie dharmonie deuml beauteacute quil soit donneacute agrave noire faiblesse actuelle denshytrevoir
LIdeacuteal le Bonheur lAmour sont les sommets dune route infinie les sommets lointains qui seacutelegravevent sans cesse li mesure que la route monte
raquo Mais lIdeacuteal nest pas la Chimegravere il est le but voulu et espeacutereacute reacutealisable Le conqueacuterir cest le graver dans son acircme dans Ion corps dans sa vie Le conqueacuterir cest avoir trouveacute un chemin de progregraves constants cest avoir comshypris que lIdeacuteal comme lAmour ne sont les cimes radieushyses de la vie que parce quils appartiennent agrave lillimiteacute
Iuiu-Uctobre 1908
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1rIl ~Imiddotlmiddot l fIl n-Iln l1il1 ilnn-11ln i ~l ~ YI)jjit 1 ~lS 1ilmiddot~~)~i~iiII~middoti IYi~ ~ 11 ~lmiddotimiddotimiddot~ ~Il~~~ 1 1~ ~ Itmiddot~~ ) j(X~~~ ~~~~middotiuml~i~ ~l~H~middot~~~gt~middot~~ ~ ~y~ ~Smiddot~~S~Y~~~middotmiddot~~rf ~-~~middot~8middot T1tmiddots~middotmiddot~middot ~~~~1~ ~~(~~~X~middot~~W~~(~~i~~~1NilWS~_t(~~~i~S