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LE SIÈCLE DE FRANÇOIS Ier

Du roi guerrier au roi mécène

Préface de Marc Fumaroli

ÉDITIONS CERCLE D ’ART

Roi emblématique pour les Français, François Ier a pourtant été battu politiquement et militairement, contrairement à un certain nombre d’idées reçues. Il prendra pourtant

une revanche artistique et culturelle d’une ampleur inédite, comme le révèlent l’exposition consacrée par le Domaine de Chantilly au « Siècle de François Ier » et ce livre.

François Ier est un roi mécène, pionnier de la Renaissance. En son temps, les chefs-d’œuvre contemporains, les tableaux de Clouet ou les dessins de Primatice, les livres enluminés par les plus grands artistes, les pièces d’orfèvrerie et de mobilier, brillent de mille feux pour illustrer la beauté et la magnificence de son règne.

Premier monarque véritablement collectionneur, François Ier fait naître une tradition qui lui survivra. Chantilly offre les plus beaux emblèmes de cette institution qui s’illustre remarquablement dans le domaine du livre. Enfant du siècle, le roi est contemporain de toutes les grandes découvertes savantes et géographiques. Le livre imprimé qui fleurit sous son règne est une conquête que le roi saura capter à son profit. La création littéraire prospère alors. Rien d’étonnant donc à ce que François Ier ait laissé le dernier mot aux écrivains.

LE SIÈCLE DE FRANÇOIS Ier

Du roi guerrier au roi mécène

ÉDITIONS

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Diodore de SicileLes troys premiers livres […] des antiquitez d’Egipte,

Ethiopie et autres pays d’Asie et d’AffriqueDétail. Traduction par Antoine Macault

Paris, 1534 ; enluminé par Noël Bellemare et le Maître de François de RohanChantilly, bibliothèque et archives du château, ms. 721

35 €

LE SIÈCLE DE FRANÇOIS Ier

Du Roi guerrier au Roi mécène

Cet ouvrage a été publié à l’occasion de l’exposition qui se tient au Jeu de paume du domaine de Chantilly du 7 septembre au 7 décembre 2015

Gabriel de Broglie,Chancelier de l’Institut de France

Son Altesse l’Aga Khan,Président de la Fondation pour la sauvegarde et le développement du domaine de Chantilly

Commissariat généralOlivier Bosc

conservateur en chef de la bibliothèque et des archives du château de Chantilly

Maxence Hermantconservateur au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France

assistés de Léa Ferrez-Le Guet,bibliothécaire assistante spécialisée

Commissaires associésLouise Amazan-Comberousse, professeur agrégée de lettres modernes

Nicole Garnier-Pelle, conservateur général du Patrimoine chargée du musée CondéFabienne Le Bars, conservateur en chef à la Réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale de France

Marcello Simonetta, historien, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris et à l’American University of Paris

Institut de FranceGénéral de corps d’armée (2S) Jérôme Millet, administrateur

du domaine de Chantilly – Institut de France

Collège des conservateursMarc Fumaroli, de l’Académie française, présidentYves Boiret de l’Académie des beaux-arts, membre

Bertrand Collomb de l’Académie des sciences morales et politiques, membre

Musée CondéNicole Garnier-Pelle, conservateur général du patrimoine,

chargée du musée CondéAstrid Grange, assistante de conservation

Marina Rouyer, assistante chargée de la numérisation

Bibliothèque et archives du château de ChantillyOlivier Bosc, conservateur en chef de la bibliothèque et des archives

Léa Ferrez-Le Guet, bibliothécaire assistante spécialiséeFlorent Picouleau, accueil des chercheurs

Fondation pour la sauvegarde et le développement du Domaine de Chantilly

Cameron Rashti, délégué du présidentCharles-Henri Diriart, directeur exécutif

Relations presseAgnès Renoult, Éléonore Grau

Agence Heymann & Renoult

RemerciementsNous tenons à exprimer toute notre gratitude à Marc Fumaroli et à Bruno Racine pour l’implication

tout à la fois institutionnelle et personnelle qui fut la leur dans ce projet.

Nous remercions l’ensemble des équipes du domaine de Chantilly qui ont contribué à la réalisation de l’exposition et à la conception de cet ouvrage.

Merci également à tous ceux qui ont contribué à cette exposition :

Restauration : Ève Menei et Émilie Diné ont participé à la restauration des collectionsScénographie : Pascal Rodriguez

Éclairage : Sarah ScouarzecGraphisme : Laurent Aouizerate

Construction : Volume international

Éditions Cercle d’ArtAymeric Mantoux, Bernard Champeau, Camille Delahousse, Sylvie Poignet, François Meunier

Nous tenons aussi à remercier pour la préparation scientifique de l’ouvrage :Marie-Pierre Laffitte, Cécile Scailliérez, Concha Herrero Carretero, Michel Hochmann

Auteurs du catalogue par ordre alphabétique :Ilaria Andreoli, Louise Amazan, Olivier Bosc, Maxence Hermant, Nicole Garnier, Fabienne Le Bars,

Guy-Michel Leproux, Audrey Nassieu Maurepas, Marcello Simonetta

Prêteurs : Cette exposition n’aurait pu avoir lieu sans les généreux prêts accordés par :Anvers, Koninklijk Museum voor schone Kunsten

Antwerpen (KMSKA) : Dr. Paul Huvenne, Fleur Van Passen, Veerle de Meester

Bayonne, musée Bonnat-Helleu : Sophie HarentEcouen, Musée national de la Renaissance :

Thierry Crépin-Leblond, Chantal BorFontainebleau, Musée national du Château :

Jean-François HébertLeyde, Bibliothèque universitaire : Kurt De BelderMadrid, Bibliothèque nationale d’Espagne :

Ana Santos Aramburo, Amalia Jimenez MoralesMadrid, Patrimoine national : Concha Herrero CarreteroParis, Bibliothèque nationale de France : Bruno Racine,

Sylvie Aubenas, Bruno Blasselle, Isabelle le Masne de Chermont, Jean-Marc Châtelain, Jean-Yves Sarrazin, Geneviève Guilleminot, Cyril Chazal, Laurent Héricher

Paris, Deyrolle : Adèle Phelouzat-LombardoParis, Imprimerie nationale, Atelier du livre d’art

et de l’estampe : Serge Fressier, Nelly Gable

Paris, musée du Louvre : Jean-Luc Martinez, Jannic Durand, Sébastien Allard, Sophie Jugie, Cécile Scailliérez

Paris, Petit Palais, Musée des Beaux-arts de Paris : Christophe Leribault, Cécilie Champy-Vinas

Rome, Bibliothèque Casanatense : Rita Fioravanti, Margherita Palumbo

Sully-sur-loire, Château : Benjamin Fendler

Mécènes :Cette exposition n’aurait pu avoir lieu sans le soutien de Richard Mille, à qui nous exprimons toute notre reconnaissance.

Nous remercions aussi Robert et Dany Decaie et la société Serdis qui ont soutenu la réalisation de ce catalogue.

Le Domaine de Chantilly exprime également sa gratitude au Cercle des entreprises mécènes du Domaine de Chantilly pour leur soutien à cette exposition.

LE SIÈCLE DE FRANÇOIS Ier

Du Roi guerrier au Roi mécène

sous la direction de Olivier Bosc et Maxence Hermant

ÉDITIONS CERCLE D’ART

AVANT-PROPOS

Marc Fumaroli . . . . . . . . . . . . . . . .11

Bruno Racine . . . . . . . . . . . . . . . . .13

INTRODUCTION

François I er, la mémoire recomposée Olivier Bosc . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

LISTE DES ABRÉVIATIONS

Ms. Mss manuscrit(s) Fr. français Coll. collection Inv. Inventaire BnF Bibliothèque nationale de France RLR Réserve des livres rares

NB. Les références bibliographiques citées dans les notices sont délibérément succinctes.

© 2015 Fondation pour la sauvegarde et le développementdu domaine de Chantilly, musée Condé, Chantilly© 2015 Éditions Cercle d’Art, Paris

ISBN 978 2 7022 1041 3

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5d’une part, que « les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et d’autre part, sous réserve que soient indiqués clairementl’auteur et la source, « les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique,pédagogique, scientifique ou d’information de l’ouvrage auquel elles sont incorporées », toute reproduction intégrale ou partielle, toute traduction adaptation ou transformation opérée sans le consentement des auteurs ou de leurs ayants droit est interdite. Il en va de même des reproductions et enregistrements opérés sur supports numériques ainsi que de leur diffusion notamment par hébergement sur un site accessible par Internet. Ces infractions constituent les délits prévus et réprimés par les dispositions de l’article L.335 – 3 du Code de la propriété intellectuelle.

PRÉSENCE DU ROI

De Marignan à Pavie . . . . . . . 30

Le Roi et l’Italie : l’attraction fatale Marcello Simonetta . . . . . . . . . . . . . . 31

Les femmes et le Roi . . . . . . . 56

Les femmes et le Roi : mère, sœur, épouses, maîtresses Olivier Bosc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

François Ier mécène . . . . . . . . 72

François Ier mécène : dans l’œil du duc d’AumaleOlivier Bosc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

Les Primatice de Chantilly Maxence Hermant / Olivier Bosc . . .86

BIBLIOTHÈQUE ROYALE ET DÉPENDANCES

Les livres du Roi . . . . . . . . . . . 94

Le duc d’Aumale et les livres de François Ier Maxence Hermant . . . . . . . . . . . . . . .95

Deux artistes anversois au service de François Ier et de son entourage : Godefroy le Batave et Noël BellemareGuy-Michel Leproux . . . . . . . . . . . .100

Reliures françaises aux armes et emblèmes de François Ier Fabienne Le Bars . . . . . . . . . . . . . . . 136

Des livres

pour les princes captifs . . 152

Les livres des enfants Olivier Bosc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

FRANÇOIS Ier

ET LES HUMANISTES

Cabinet de curiosités . . . . . 176

Le Cabinet de curiosités evanouy de François Ier Olivier Bosc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177

Le livre imprimé

au temps de François Ier . .190

De l’étal du libraire aux rayonnages du duc d’AumaleLouise Amazan-Comberousse . . . . 191

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE . . .234

LOUISE AMAZAN- COMBEROUSSELouise Amazan, ancienne élève de l’École normale supérieure (Lyon) et agrégée de lettres modernes, travaille à une thèse sur la mise en livre des recueils de narrations facétieuses (1520-1560). Elle a été pendant quatre ans chargée de recherches documen-taires à la bibliothèque du château de Chantilly et entame une formation menant au métier de conservateur des bibliothèques.

OLIVIER BOSCOlivier Bosc est né en 1969. Docteur en science politique, conservateur en chef des bibliothèques, il a été conseiller du ministre de la Culture et de la Communication de 2004 à 2007. Il est en charge de la bibliothèque et des archives du château de Chantilly depuis 2009. Sociologue et historien, spécialiste de l’histoire des idées et de la connaissance, il est Maître de conférences à Sciences Po Paris.

NICOLE GARNIERArchiviste paléographe, ancienne élève de l’École du Louvre, titulaire d’un D.E.A. d’histoire de l’art, après un séjour de deux ans à l’Académie de France à Rome (Villa Médicis) et une formation professionnelle au musée du Louvre et au musée d’Orsay, Nicole Garnier est conservateur général du Patrimoine, en charge du musée Condé de Chantilly. Elle a consacré sa thèse à Antoine Coypel (1661-1722), publiée chez Arthena, 1989, et est l’auteur de nombreuses publications ou catalogues d’expositions sur les collections du musée Condé.

MAXENCE HERMANTArchiviste paléographe, Maxence Hermant est docteur en histoire de l’art et conservateur au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, service des manuscrits médiévaux. Spécialiste de l’enluminure et des arts du livre aux XVe et XVIe siècles, il a été commissaire scientifique de l’exposition « Trésors royaux. La bibliothèque de François Ier » (château royal de Blois, 2015). Il prépare actuellement l’inventaire raisonné des manuscrits napolitains enluminés du XVe siècle conservés à la Bibliothèque nationale de France.

FABIENNE LE BARSConservatrice à la Réserve des livres rares de la Bibliothèque nationale de France, Fabienne Le Bars est spécialiste de l’histoire de la reliure et chef de projet du site <reliures.bnf.fr> consacré à la description et à la valorisation des collections de reliures de la Bibliothèque nationale de France.

GUY-MICHEL LEPROUXArchiviste paléographe, membre de la Commission du vieux Paris et ancien chargé de recherche au CNRS, Guy-Michel Leproux est aujourd’hui directeur d’études à l’EPHE, section des sciences historiques et philologiques, ainsi que directeur de la revue Documents d’histoire parisienne et secrétaire de l’Institut d’histoire de Paris. Ses travaux sur la capitale l’ont, entre autres, amené à publier La peinture à Paris sous le règne de François Ier (Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2001).

MARCELLO SIMONETTAMarcello Simonetta est historien et auteur de plusieurs livres sur la Renaissance italienne et les Médicis (L’enigma Montefeltro, 2008, et Volpi e Leoni. I Medici, Machiavelli e la rovina d’Italia, 2014) et d’une biographie de Lucien Bonaparte (Il fratello ribelle di Napoleone, 2011, avec Noga Arikha). Il enseigne à Sciences Po et à l’American University of Paris.

Avec les collaborations de :

AUDREY NASSIEU MAUPAS

Maître de conférences à l’École pratique des Hautes Études.

ILARIA ANDREONI

Docteur en histoire de l’art, ITEM-CNRS, Paris.

1 PRÉSENCEDU ROI

De Marignan à Pavie

31

François d’Angoulême n’était pas né héritier à la couronne. Le choix de son nom, selon la tradition, était un hommage à

François de Paule, l’ermite venu de la Calabre pour exercer son pouvoir thau-maturgique en faveur des rois de France. Sa mère, Louise de Savoie, à moitié ita-lienne, avait apparemment consulté le saint homme calabrais ; il lui transmit non seulement l’espoir en sa fertilité mais aussi la croyance en sa « propre prédes-tination terrestre », comme l’écrit Marc Fumaroli1. Restée veuve en 1496, quand le petit François n’avait que treize mois, elle savait qu’elle devrait ne compter que sur elle-même pour braver la cour et atteindre le but suprême de poser une couronne sur la tête de son fils. Le formidable mélange de détermination et de superstition qui la caractérisait est incarné dans une devise en italien gravée sur une médaille de 1504, Notrisco al buono, stingo el reo (Je me nourris du bon [feu] et éteins le mauvais) (ill. 1)2. Le choix de la salamandre comme emblème du roi François Ier est donc une invention de la mère pour son fils.Louise engagea François Demoulins comme précepteur chargé de veiller à l’éducation morale du petit prince.

Comme en témoigne son Dialogue sur le jeu (1505) (ill. 3)3, son style pédagogique était plutôt direct — l’enluminure figure à la table de jeu un roi, un cardinal et un gros moine entourés par les vices capitaux. Le jeune élève absorba les leçons du bon maître, mais il comprit aussi dès son plus jeune âge qu’il allait jouer avec le hasard de la politique et de la vie.Monsieur d’Angoulême se fiança avec la fille de Louis, Claude de France, mais le mariage fut retardé par Anne de Bretagne, qui espérait encore donner naissance à un héritier. En 1512, Louise nota dans son Journal, impitoyable : « Anne reyne de France à Blois le jour sainte Agnès 21 janvier eut un Filz, mais il ne pouvoit retarder l’exalta-tion de mon César, car il avoit faute de vie4. » Le fidèle Demoulins célébra le macabre triomphe dans son Ode monocolos (ill. 2) en représentant le jeune François en prière devant le Christ en croix, protégé par une sainte Agnès ressemblant à Louise.En 1512, Louis XII perdit Milan, qu’il avait conquis en 1499 en écrasant le duc Ludovic « le Maure » Sforza. Machiavel, dans le chapitre IV du Prince, analyse les cinq erreurs du roi (à Chantilly est conservée la copie de ses Discours don-née par Montmorency à François Ier) (93)

Les Florentins furent les premiers à deviner les ambitions du dauphin. L’ambas- sadeur florentin Roberto Acciaiuoli écrit à Julien de Médicis, frère du pape Léon X, que monsieur François l’assure que « s’il parvient à la position où la providence l’appelle, il montrera son obéissance et sa dévotion à la Sainte Église5. »

De Marignan à Pavie

1. Lecoq 1987, p. 12 ; voir aussi p. 436 ; Knecht 1998, p. 14.

2. Knecht 1998, p. 19, BnF 2015, p. 80, fig. 33.3. Lecoq 1987 p. 80 et suiv. ; Bonnet 2012.

4. Knecht 1998, p. 22.5. Roberto Acciaiuoli à Julien de Médicis,

Étampes, 20 mars 1514 (Archive de Florence, MAP CX 4 ; Knecht 1998, p. 23).

LE ROI ET L’ITALIE : L’ATTRACTION FATALE

ill. 1 Médaille gravée « Notrisco al buono, stingo el reo », 1504. Paris, BnF, Monnaies, médailles et antiques

ill. 2 François Demoulins, Sainte Agnès présentant François de Valois au Christ en croix. Ode monocolos, 1512. Paris, BnF, Mss, Lat. 8936 1v

ill. 3 François Demoulins Dialogue sur le jeu, 1505

Paris, BnF, Mss, Fr. 1863 f.2

32 De Marignan à Pavie

La mort de Louis XII fut annoncée le 1er janvier 1515. Louise nota dans son Journal que le même jour, dix-neuf ans auparavant, elle avait perdu son mari. La prophétie de François de Paule et son propre rêve s’étaient réalisés. François Ier fut couronné le 25 janvier et se prépara sans attendre à s’occuper du gouver- nement – et à faire la guerre. Claude de Seyssel, le conseiller de Louis, rédigea en grande hâte la Monarchie de France, une œuvre qui comme le Prince de Machiavel examinait la « raison politique6 » en action. Le nouveau roi s’élança aussitôt à la reconquête de Milan. Alors qu’il était encore à Lyon, Demoulins, malade, lui envoya une épître pour l’encourager à s’emparer de la « rose entre les épines » (ill. 4)7.La bataille de Marignan fut en effet très sanglante. Le 13 septembre, les Suisses eurent raison des troupes françaises qui arrivaient aux portes de Milan, mais celles-ci furent ensuite secourues par les Vénitiens commandés par Bartolomeo d’Alviano, et la furia francese finit par avoir le dessus. Plus de 16 000 hommes périrent en deux jours.

Ni la mise en scène de la glorieuse bataille (13), ni l’image symbolique de la victoire du roi — « l’éternité » du lion dans le ms. 682 de Chantilly (12) — ne donnent une véritable idée du carnage perpétré durant ces deux journées.Le vainqueur royal de ce que Trivulce qualifia de « bataille de géants » était un géant de presque deux mètres alors âgé de vingt-et-un ans et doté d’une énorme énergie physique et d’une fine intelligence politique. Un ambassadeur des Gonzague (de Mantoue) à Milan nous décrit François Ier jouant au ballon — en des termes qui rappellent le rugby d’aujourd’hui :

« il heurtait l’un et l’autre, se moquant de montrer du respect pour les autres, tout comme les autres n’en montraient aucun pour lui... il reçut un coup au nez si violent qu’il en avait les larmes aux yeux, mais Sa Majesté se moucha un coup et se replongea dans la mêlée… il courait, bousculant les joueurs à terre tout en riant fort.8 »

Image peu royale mais pourtant bien réelle – et presque rabelaisienne – qui sera corri-gée par des humanistes complaisants tels Demoulins qui, dans les très riches Commentaires sur les guerres galliques, imagine une entrevue imaginaire avec Jules César (62)9, ou Guillaume Budé dans son Institution du Prince10.En ces jours de l’automne 1515, le roi ren-contra un autre jeune membre insouciant de la jeunesse dorée auquel Machiavel avait dédié le Prince : Laurent de Médicis, neveu du pape Léon X, affirmait en grand secret qu’il allait « dépendre en tout de Sa Majesté » et révélait que les négocia-tions secrètes du légat pontifical n’étaient pas de son goût11. Sa loyauté envers le roi fut bien appréciée : gratifié d’un don de 4 000 ducats, il en perdit 2 000 en jouant au ballon contre sa majesté et ses cour-tiers. Les jeunes nobles s’amusaient à Milan (comme en témoigne le catalogue des plus belles femmes dans la biblio-thèque Trivulziana 2159) (ill. 5, 6) sous les regards complices de l’ambassadeur Francesco Vettori et du banquier Filippo Strozzi, beau-frère de Laurent.

ill. 4 François Demoulins “Ut rosa de spinis”, 1515Paris, BnF, Mss, Fr. 2364 f. 1v

ill. 5, 6 Page concernant Jullia del Maino, de l’ouvrage Tutte le dame del re : ritratti di dame milanesi per Francesco I re di Francia

Milan, bibliothèque Trivulziana , 2159

33De Marignan à Pavie

6. Fournel 2010.7. Bonnet 2014.8. Luzio 1901, p. 166 (31 octobre 1515).9. Lecoq 1987, p. 229 et suiv.10. Budé – Bénévent 2016/à paraître*.

11. Lorenzo de’ Medici à Giovanni da Poppi, Reggio, 6 octobre 151513 (MAP CXIV 159, c. 163 dans le chiffre de Francesco Vettori, déchiffrement à c. 160).

12. Le cardinal Bibbiena à Louise de Savoie, Rome, 18 février 1520 (BnF, Fr. 2964, c. 22 ; Molini I 75, Moncallero II 212).

13. Marguerite de Navarre au Roi prisonnier, Lyon, fin de mars ou commencement

d’avril 1525 (Nouvelles lettres 1842, p. 27).14. Lecoq 1987 p. 85 et suiv.15. Champollion 1847, p. 123 ; voir aussi

la Lettre missive, ibid. p. 224.16. Le Gall 2015, p. 126.

Tous ces divertissements ne furent que le prélude à la rencontre de Bologne, où en décembre 1515 fut signé le concordat avec Léon X. Le lien avec les Médicis se renforça au cours des années sui-vantes et en 1518 le baptême du dauphin François fournit aussi une occasion pour le mariage de Laurent — qui avait gagné au prix de lourdes dépenses le titre de duc d’Urbin — avec Madeleine de la Tour d’Auvergne, épouse choisie personnel-lement par le roi. Parmi les précieux cadeaux figurèrent d’anciens bijoux de la collection Médicis et de nouveaux tableaux de Raphaël comme la Sainte Famille aujourd’hui au Louvre. Personne n’aurait imaginé que leur fille Catherine, orpheline peu après sa naissance en 1519, était appelée à régner de nom-breuses années sur la France.Un autre Toscan alors à la cour royale, le cardinal Bibbiena, exprimait sa dévo-tion à la « trinité » du roi, sa mère et sa sœur12 déjà célébrée dans le Libellum Enigmatum de Demoulins (11). Mais cette dévotion lui coûta cher ; en effet, le pape se méfia de lui après son retour de France, et quand il mourut en novembre 1520, Paris soupçonna for- tement l’empoisonnement. Léon X avait changé de camp pour se rallier au jeune empereur Charles Quint. Aussi se réjouit-il énormément quand, un an plus tard, les Français connurent la défaite à Milan (c’était la fin de l’effet Marignan). Mais cela fut aussi sa dernière célébration : le pape mourut en décembre 1521. Cette fois encore, on parla de poison.

L’élection au pontificat d’Adrien VI, l’ancien précepteur de Charles Quint, introduisit dans le partage du pouvoir en Europe un déséquilibre qui perdurera au-delà de son règne et se traduira par de violentes hostilités entre Habsbourgs et Valois.Lorsque les troupes impériales atta-quèrent Marseille en 1524, les Français les repoussèrent mais échouèrent ensuite dans leur tentative d’assiéger Pavie, en Lombardie. Le roi avait la possibilité d’attendre que le vent tourne en sa faveur : l’Empereur n’arrivait plus à payer ses mercenaires, qui se seraient dispersés s’ils avaient été libres de fuir. Mais il s’entêta ; aucun roi de France n’avait jamais abandonné un siège. Ce puntiglio d’onore lui fit perdre tout « hors l’honneur », comme il l’écrivait à sa mère après la catastrophique défaite du 24 février 1525. Heureux anniversaire pour Charles Quint, dont le fier adversaire tomba entre ses mains le jour même de ses vingt-cinq ans.L’aigle impériale avait capturé le coq, mais le cygne (Marguerite de Navarre, sœur du roi, qui le joignit en Espagne) et l’aigle royale (leur mère Louise) ne fléchirent pas. Ils formaient ensemble une « tri- nité » indivisible, et dans ce moment dramatique, l’énergie des femmes de la famille redoubla. La sœur écrivait à son frère que leur mère « senty si grant redou-blement de force que […] il n’y a minute perdue pour vos affaires13. » En tant que régente, Louise démontra prudence et force, vertus célébrées par Demoulins dans son Traité des vertus, de leur excellence, et comment on les peut acquérir (ill. 7)14.

De son côté, le roi, dépourvu de pouvoir, se fit poète d’occasion. Le ms. Chantilly 520 (43) contient l’épître poétique à sa maî-tresse Anne de Pisseleu sur la défaite de Pavie, un document exceptionnel qui nous donne un aperçu du débat intérieur du prisonnier face au destin de ses soldats :

Et à ceulx-là confortay sans doubtanceDe demourer plustost en esperanceD’honneste mort ou de prise en effect,Qu’envers honneur de nous fust rien meffaict.15

La « posture de Roi-Chevalier » rend paradoxalement possible « la propa-gande de glorification16 ». À titre d’exemple Les Gestes, ensemble la vie du preulx chevalier Bayard (14) où on lit

ill. 7 François Demoulins Traité des vertus, de leur excellence, et comment on les peut acquérir, ca. 1509. BnF, Mss

34 De Marignan à Pavie

pour la première fois le récit de l’adoube-ment par le chevalier Bayard, inventé pour glorifier le roi prisonnier et célébré encore dans la veine « troubadour » pendant la Restauration par Fragonard. Il faut aussi noter que la belle enluminure montrant le roi qui se jette dans la mêlée de la bataille (16) fut aussi produite non après Marignan, mais quelques années après Pavie.La réalité historique était différente : dans la lettre patente pour faire couron-ner le dauphin, datée de novembre 152517, le roi captif affirmait que les troupes impériales avaient envahi « son » royaume : il considérait l’Italie ainsi que la Provence comme relevant de sa propre souveraineté.En dépit du risque d’être perçu comme un « homme méchant et lâche18 », comme l’écrivait l’auteur du Livre du Courtisan, Baldassarre Castiglione, nonce aposto-lique en Espagne, le roi ne respecta pas les clauses du traité de Madrid du début 1526 garantissant sa libération contre négociation, et après son retour dans sa patrie il fit distribuer une Apologie dont la seule copie imprimée se trouve à Chantilly (26). Les arguments légaux et politiques étaient prévisibles : même si un véritable caballero ne devait jamais en-freindre un jurement formel19, François Ier n’avait accepté le déshonneur de la signature du traité que pour regagner sa puissance perdue et revenir auprès de son peuple souffrant. Le traité signé à Cognac, ville natale du roi, en mai 1526, inaugura la Sainte Ligue de toutes les plus importantes puis-sances d’Italie et d’Europe contre l’Empereur, lequel, exaspéré, déchaîna ses mercenaires en Italie : la première mise à sac du Vatican par les Colonna (septembre 1526) que le Pape aurait pu facilement éviter s’il avait écouté les conseils de l’ambassadeur français20, fut suivie du terrible Sac de Rome (mai 1527).

Les lansquenets, féroces mercenaires allemands, et les piquiers espagnols, ayant perdu leur capitaine Charles de Bourbon lors de l’attaque initiale contre la Città eterna, s’abandonnèrent à une orgie de violence inouïe. Les hostilités en Italie qui se prolongèrent après la mort du Maréchal de Lautrec en août 1528 ne s’interrompirent qu’avec le traité de Cambrai du 5 août 1529, dit aussi « paix des dames » fortement voulue par Louise de Savoie. Ce chef-d’œuvre diplomatique maintint le calme jusqu’à la mort de la reine mère le 22 septembre 1531. Le roi se trouvait à Chantilly avec Montmorency (ill. 8) et commanda alors de :

« faire donner ordre à ce que ses obseques et funerailles soient honnora-blement faictes ainsi que à telle Dame plaine de si grand bonté et vertus apar-tient, dont vous pourrez advertir nostre Sainct Père [Clément VII] combien que je sache que telle nouvelle luy sera fort desplaisante, mais c’est grand soulage-ment à gens affliges de descouvrir leur dueil à leurs amys affin d’en recouvrer quelque consolation21 ».

En l’absence de la reine mère, les ambi-tions de la famille royale se matérialisent dans les Horoscopes du roi et de ses fils (97) et dans la représentation de la cour (65) au sommet de sa splendeur : on y reconnaît Montmorency (68, 69) parmi les conseillers à la droite du roi, et Budé (60) parmi les humanistes à sa gauche. Mais la sagesse courtisane le céda encore une fois à la colère : le roi avait permis à l’empereur de contrôler toutes les plus belles villes d’Italie22 et lui promettait une nouvelle guerre plus terrible que jamais si Milan ne lui était rendue après la mort du dernier duc Sforza. Ses menaces étaient réelles puisque François était prêt à conclure l’alliance impie avec le Grand Turc Soliman,

comme en témoigne la monumentale – au sens propre du terme – lettre que lui adressa ce dernier (19)23.Même si dans un courrier de 153624 à son frère, la combative Marguerite persistait à louer la force de son armée et la bonne discipline de son camp, la confrontation entre les deux grandes monarchies devait finalement se résoudre dans la paix de Nice, suivie par l’entrevue d’Aigues-Mortes le 15 juillet 1538, où elles pro-mirent, grâce à la médiation du pape Paul III Farnèse, de s’unir face au danger protestant. La trêve entre le roi et l’empereur fut interrompue à cause des assassinats des deux diplomates au service de la France, Antonio Rincon et Cesare Gonzaga, tués près de Pavie par des soldats espagnols pendant l’été 1541 (21). L’Italie fut encore une fois le lieu où naissaient les tensions les plus violentes, et les deux souverains cherchèrent l’arbitrage du pape (23). À partir des années 30, le roi commença à se consacrer aux beaux-arts avec un enthousiasme grandissant.

ill. 8 Lettre du Roi sur la mort de sa mère Louise de Savoie, Chantilly, 22 septembre 1531 Paris, BnF, Mss, Dupuy 547 f 21

35

17. BnF, Fr. 20433, ff. 21-27 (Champollion 1847, p. 416-425).

18. Baldassarre Castiglione à Nikolaus von Schomberg, Madrid, 24 mars 1526 (Serassi 1771, p. 31).

19. Le Gall 2015, p. 377 et suiv.20. Bourrilly 1901, p. 227 ;

l’ambassadeur français était Alberto Pio da Carpi (Fr. 2984, ff. 47 et suiv.)

21. Lettre du Roi à François de Dinteville, Chantilly, 23 septembre 1531 (BnF, Dupuy 547, f. 21) ; Knecht 1998, p. 286.

22. Rodolfo Pio à Ambrogio Ricalcati, Chalon-sur-Saône, 31 décembre 1535 (Nunziatura in Francia di Rodolfo Pio (1535-1537), a cura di G. Baroni, Bologna 1962, p. 339-340).

23. Garnier 2008.

24. Marguerite de Navarre, Avignon (BnF, Fr. 3021, fol. 55).

25. Scailliérez 1992.26. Knecht 1998, p. 403.27. Elam 1993 ; Knecht 1998, p. 442 et suiv. 28. Potter 2011, p. 544.29. Reid 2011, passim.

De Marignan à Pavie

La conquête militaire ayant échoué, il recherchait à travers le mécénat25 un autre type de triomphe, en invitant à sa cour les meilleurs artistes italiens. La chute de la République florentine en août contraignit des artistes à migrer vers la France : le poète Luigi Alamanni (201, 202) vint y célébrer le roi et des peintres comme Rosso Fiorentino décorer ses châteaux et ses palais tandis que le Bolonais Primatice (52-59) retrouvait son rival Cellini à Fontainebleau.Lorsque Charles Quint visita la France à la fin de 1539, François, dissimulant une certaine ironie, lui offrit un Hercule en argent, « l’œuvre d’art la plus affreuse qu’il ait jamais vue26 », comme il l’avoua à Cellini. Ce symbole de la force extrême dépourvue de grâce n’était pas sans évoquer l’Hercule en marbre par Michel-Ange qui avait appartenu à Filippo Strozzi, puis fut envoyé en France par l’entremise du républicain florentin Battista della Palla27. Cette statue du grand maître disparut malheureusement, comme le Jupiter du même Cellini. On ne sait pas si cette douloureuse perte devait être attribuée à la malice du temps ou à l’hostilité envers l’artiste de la toute-puissante maîtresse du roi, Madame d’Étampes (42), à laquelle la sœur du roi, Marguerite reine de Navarre, ressentit elle-même le besoin de dédier son poème religieux La Coche (30)28.Marguerite ne dissimula guère ses sym-pathies pour l’évangélisme spirituel29 et essaya subtilement d’éloigner son frère de Rome, mais la lutte contre les protestants

du Roi très Chrétien, célébrée par exemple dans le Panegyricus christianissimo Francisco Francorum regi dictus (24), n’était pas vraiment négociable pour la cou-ronne française, comme elle l’était pour l’empereur ou le roi d’Angleterre, Henri VIII le pluri-divorcé.De son côté, François Ier continua de manifester sa volonté de marier armes, lettres et arts, conformément aux souhaits de Castiglione énoncés dans une page « prophétique » du Cortegiano (I 42, ici dans la première traduction française de 1537 par Jacques Colin) :

« Lors le magnificque Julian [de Médicis] : vous dictes vray (dist il) que cest erreur il a ja long temps regne entre les Francoys, mais si la bonne fortune veult que François Ier, ainsi quon espere succede a la couronne, j’estime que si come la gloire des armes florist, & resplandist en France, celle des lettres y doibve aussi florir en souve-raine reputation. Car il n’y a pas long temps que me trouvant a la court, je veiz ledict seigneur qui me sembla oultre la disposition de sa personne & beaulte de visaige. Avoir au regard une telle majesté conjoincte avecques une certaine gracieuse humanité que le royaulme de France luy deust sembler tousjours estre peu de chose. J’enten-dz apres beaucoup de gentilz hommes Francoys, & Italiens, ung tresbon rapport de ses nobles, & vertueuses conditions de la grandeur de son couraige, de sa valleur, & liberalité.

Et oultre aultres choses me fut dict qu’il aymoit souverainement, & estimoit les lettres, & avoit en singuliere recomman-dation, & reverence tous les litterez, & blasmoit les mesmes Francoys d’estre si estrangez de ceste profession, aiant mesmement en leur pays une noble université, comme celle de Paris, ou le monde accourt de toutes pars. »

En conclusion, il semble que l’Italie en-gendra, telle une « femme fatale », sur François Ier une forte attraction qui fut source de sa relative infortune politique autant que de la longévité du succès culturel de ce géant gracieux.

Marcello Simonetta

42

14.

Symphorien Champier (1472 ?-1539 ?)

Les Gestes, ensemble la vie du preux chevalier Bayard, avec sa généalogie ; comparaisons aux anciens preux chevaliers, gentilx, israélitiques et chrestiens. Oraisons, lamentations et épitaphes dudit chevalier Bayard, contenant plusieurs victoyres des roys de France Charles VIII, Loys XII et Francoys premier[Lyon, Gilbert de Viliers, 1525]In-4°, 182 x 121 mm, figures sur boisReliure française, XIXe siècle, signée par Duru (1845), maroquin bleu, filets estampés à froid, tranches dorées et marbréesChantilly, bibliothèque et archives du château, III-F-096

Prov. François-Victor Masséna, prince d’Essling, duc de Rivoli ; Armand Cigongne ; duc d’Aumale, acquis de la vente Cigongne (1859) Biblio. MC (H) p. 223-224 ; Delisle 402 ; Le Gall 2015, p. 68, 119

43

Pierre III Terrail, seigneur de Bayard (1476-1524), intégra à l’âge de dix-sept ans

la compagnie du comte de Ligny. Il se distingua dans de nombreux affrontements

liés aux guerres d’Italie, sous Charles VIII et Louis XII participa à la bataille de

Fornoue le 6 juillet 1495 et à celle du Garigliano fin 1503 pendant la retraite des

troupes françaises du royaume de Naples. En 1508, « il monta le premier au

bastillon » de Gênes, en conquérant la ville rebelle. Le 14 mai 1509, Bayard s’illus-

tra à la victoire d’Agnadel contre les Vénitiens, et le 11 avril 1512 à Ravenne, contre

les Espagnols. Mais la légende de sa bravoure s’unit à celle de François Ier lors

de la bataille de Marignan, le 14 septembre 1515.

La biographie épique célèbre la « merveille d’armes » de Bayard et décrit pour

la première fois l’adoubement du roi que le « noble capitaine » a fait chevalier

au lendemain du triomphe. L’épisode fut probablement inventé pour glorifier

le roi prisonnier. L’indication du colophon : « Imprimé à Lyon sur le Rosne,

par Gilbert de Viliers, l’an de grace MCCCCCXXV, le XXIIII de novembre »

confirme sa publication au moment des intenses négociations pour la libéra-

tion de François.

L’auteur de cette œuvre, Symphorien Champier (1471-1538), humaniste et

médecin, avait affirmé dans son Tropheum gallorum (Liber de quadruplici vitae,

1507) que le seul terme de Gaulois avait toujours terrifié les Romains. Le récit

de la vie glorieuse de Bayard insiste sur l’orgueil dont il témoigna alors qu’il

était mortellement blessé le 29 avril 1524 dans le Piémont. Approché pendant

son agonie par le connétable de Bourbon, qui compatit à son état, il trouve

cependant la force d’adresser à celui qui s’était retourné contre le roi de France

une cinglante réplique : « je n’ay aulcune desplaisance ny regret a mourir,

fors que je ne puis faire service aulcun pour l’advenir au roy mon souverain

et qu’il le me fault delaisser a ses plus grands affaires, dont je suys très dolent

et desplaisant, je prie a dieu le souverain qu’apres mon trespas il ayez tels

serviteurs que je vouldroye estre. »

Cette précieuse copie des Gestes avait appartenu au général napoléonien

François-Victor Masséna, prince d’Essling et duc de Rivoli (1799-1863) avant

d’entrer dans la collection du duc d’Aumale en 1859. MS De Marignan à Pavie

47

Le pape Léon X (1475-1521) est un Médicis,

fils de Laurent le Magnifique. Ami des arts,

protecteur de Raphaël et de Michel-Ange, il

est aussi un enjeu de la politique italienne

de la France impulsée par François Ier. La

Pragmatique sanction, premier jalon d’un

gallicanisme qui ira s’affirmant, empoisonne

les relations entre le Vatican et le royaume

de France. Léon X ne laissera pas de cher-

cher à atténuer ses effets. Contre toute

attente, les victoires de François Ier en Italie

lui en donnent l’occasion en débouchant sur

le Concordat de Bologne de 1519. Le roi

de France et le pape s’entendent sur les

modalités de nomination dans la hiérarchie

ecclésiastique et le partage des recettes

fiscales. Ce rapprochement n’empêchera

pourtant pas le pape de se rallier ultérieure-

ment à Charles Quint et de précipiter ainsi

les déboires de François Ier en Italie.

Cette gravure a été exécutée au XIXe siècle

d’après le célèbre tableau de Raphaël

conservé à Florence à la Galerie des Offices.

À gauche, à l’arrière-plan, on reconnaît le

visage du jeune cardinal Jules de Médicis,

futur pape Clément VII (1523-1534), qui

s’allia avec François Ier dans la Sainte

Ligue de Cognac en 1526. OB

18.

Samuel Jesi (Corrège, 1788-Florence, 1853) d’après RaphaëlPortrait du pape Léon X (1475-1521) avec deux cardinaux Giulio de’ Médici et Luigi de Rossi, 1840

Taille-douce ; H. 88 cm ; L. 62,5 cm (feuille) ; H. 62 cm ; L. 47 cm (cuvette) ; H. 49,5 cm ; L. 38,5 cm (trait carré)Signé à la plume en bas au centre : JesiChantilly, musée Condé, EST-P-1494

De Marignan à Pavie

20.

Ordonnances de la guerre nouvellement faictes par le Roy nostre sire touchant les légions des gens de pied par luy ordonnez & mis sur les provinces pour la tuition & deffence du royaulme, lesquelles il veult estre observées et gardéesRouen : Jehan Lhomme, 1543In-8°, 130 x 76 mmReliure française, XIXe siècle, signée par Niédrée, maroquin bleu, décor doré, tranches doréesChantilly, bibliothèque et archives du château, IV-B-078-(4)

Prov. Jean-Louis-Antoine Coste ; duc d’Aumale, acquis de la vente Coste (Paris, mai 1854) Biblio. MC (H) p. 336-337 ; Delisle 779

21.

La Desclaration de la guerre, faicte par le très chrestian Roy de France contre l’Empereur et tous ces subjectz tant par mer que par terre[Rouen] : Imprimé par Jehan Lhomme, 1542In-8°, 133 x 82 mmReliure française, XIXe siècle, signé par Bauzonnet-Trautz, maroquin vert, tranches doréesChantilly, bibliothèque et archives du château, IV-B-072

Prov. Léon Cailhava ; Aimé Martin ; Jean-Louis-Antoine Coste ; Armand Cigongne ; duc d’Aumale, acquis de la vente Cigongne (1859) Biblio. MC (H) p. 158-159 ; Delisle 776 ; Seguin n° 170

La Desclaration de la guerre interrompit la trêve entre le roi et l’empereur signée à

Nice en 1538. Les dissensions entre les deux souverains étaient toujours très aiguës,

mais dissimulées dans les démarches diplomatiques. L’« injure si grande, si exe-

crable » des assassinats des deux diplomates au service de la France, Antonio Rincon

et Cesare Fregoso, tués près de Pavie par des soldats espagnols le 3 juillet 1541,

fut l’une des raisons (ou prétextes) pour reprendre la guerre. Le texte révèle que le

double meurtre avait été perpétré « ces jours passez », mais en fait la découverte

de cadavres était intervenue quelques mois avant. La version officielle mentionnait

que les victimes, « allant à Venise pour noz affaires », alors qu’en réalité Rincon était

envoyé à Constantinople pour traiter avec le Sultan (il avait maintenu des relations

secrètes avec le souverain turc depuis 1530). On relève également avec intérêt que

la Desclaration est reliée avec La Préparation de l’armée du Grant Turcq contre le Sophie roy de Perse (1535).

Les Ordonnances participent des mesures prises par le roi pour défendre le royaume.

Il voulait utiliser les légions, chacune composée de 6 000 soldats, créées le 23 juillet

1534. En dépit des défaites de 1536, François Ier décida de les rappeler pour

participer à la guerre de 1542-1543. Les deux plaquettes furent publiées par Jehan

Lhomme. MS

51De Marignan à Pavie

23.

Translation de l’épistre du roy très chrestien François premier de ce nom à nostre Sainct Père Paul troisiesme ; Par laquelle est respondu aux calomnies contenues en deux lettres envoyées au dict Sainct Père, par Charles cinquiesme, Empereur, l’une du XXV jour d’aoust, l’autre du XVIII octobre MDXLIParis, Robert Estienne, 1543In-8°, 162 x 102 mmReliure française, XIXe siècle, signée par Niédrée, maroquin bleu, décor doré, tranches doréesChantilly, bibliothèque et archives du château, V-F-030

Prov. «J G (?) Vandevelde » ; Johann Conrad Feuerlein ; François Borluut-de-Noortdonck ; librairie Boone ; duc d’Aumale, acquis de la librairie Boone (1859) Biblio. MC (H) p. 336 ; Delisle 780 ; Renouard (Estienne) 1543 n° 13

Il s’agit de la rare copie de la traduction de l’œuvre suivante : Pauli tertii, pont. max., ad Carolum V, imperatorem, Epistola hortatoria ad pacem (die XXVI augusti 1542). Ipsius Caroli, tum ad eam, tum ad alias ejusdem concilii convocatorias responsio (die XXV augusti et die XVIII octobris 1542). Francisci, christianiss. Francorum regis, adversus ipsius Caroli calumnias, epistola apologetica, ad Paulum III, pont. max., scripta (VI idus mart. 1542), Paris ex officina R. Stefani, 1543.

La version latine de la lettre de François Ier, datée de Fontainebleau le 10 mars 1543,

peut être attribuée au cardinal Jean du Bellay. La traduction française est probable-

ment due à Pierre du Chastel, lecteur du roi depuis 1537. Encore une fois, la guerre

de propagande précédait l’éclat militaire. Dans ce long pamphlet s’adressant au pape

Paul III Farnèse, le roi lui rappelait toutes les exactions commises par son adversaire

Charles V, à partir du Sac de Rome (« Les temples de Dieu immortel, l’eglise de sainct

Pierre Apostre, arrosées de sang Chrestien…  »). D’un autre côté, il se défendait

de l’accusation d’avoir lui-même voulu tuer l’empereur en dépit de la « tressaincte

hospitalité » dont il avait bénéficié lors de leur rencontre à Aigues-Mortes en 1538.

D’autres sources de controverse incluaient la cession manquée du duché de Milan,

mais le point plus délicat concernait l’alliance avec le Turc, « le plus fort boulevard

de son accusation ». François Ier répondait avoir toujours agi dans l’intérêt de la

République chrétienne en refusant « l’amitié du seigneur Soliman présentée par tant

de fois » ; d’où sa profonde « douleur, laquelle, si je ne la puis dissimuler dans ceste

oraison, il n’est point inconvenant a vostra Sainctete de le me pardonner  ». Alors

que si tout le monde avait accepté la trêve avec le Turc, « la paix de l’eglise, le salut

public, la maieste de nostre religion, la liberté du peuple Chrestien ne fust arrestee

et confermee ». MS

25.

Apologia Madriciae conventionis, inter cristianissimum Francorum regem, et Carolum electum imperatorem, dissuasoria…Paris, Galliot du Pré, Pierre Vidoue, 1526 In-4°, 194 x 129 mmDemi-reliure française, XIXe siècle, parchemin Chantilly, bibliothèque et archives du château, XXIX-B-026

Prov. duc d’Aumale, acquis de la librairie Damascène Morgand Biblio. MC (H) p. 333 ; Delisle 110

26.

Apologie contre le traicté de Madrid d’entre le très chrestien Roy de France & Charles esleu EmpereurParis, Galliot Du Pré, [1526] In-4°, 202 x 140 mmReliure française, XIXe siècle, signée par Chambolle-Duru, maroquin bleu, armes du duc d’Aumale (OHR 2588 n° 2)Chantilly, bibliothèque et archives du château, IV-E-024

Prov. librairie Jacques-Joseph Techener ; duc d’Aumale, acquis de la librairie Techener Biblio. MC (H) p. 332 ; Delisle 110 bis ; Moreau III n° 1106

Signé début 1526, le traité de Madrid, garantissait la libération du roi après

sa capture l’année précédente à Pavie mais à de rudes conditions lon-

guement négociées : la plus douloureuse était la promesse de céder la

Bourgogne, parce que « publicquement par les rues et quarefourctz un

chacung détestoit ladicte aliénation ».

Après son retour en France, le roi fit distribuer une Apologie en français dont

Chantilly conserve la seule copie imprimée. Les arguments légaux et

politiques sont prévisibles : François n’avait accepté le déshonneur de la

signature du traité que pour tenter de regagner sa puissance perdue et de

rejoindre son peuple souffrant. En effet, face à un péril de mort ou de prison

perpétuelle, « on ne doist avoir égard à la foy ». Machiavel lui-même ne

s’étonnait-il pas, dans un courrier à son ami Francesco Guicciardini

[Guichardin] de mars 1526, de la crédulité de l’empereur quant au fait que

le roi tienne effectivement sa promesse. Un des aspects les plus drama-

tiques de l’Apologie est la conscience de la situation paradoxale par laquelle

le roi avait « acquis sa liberté par la captivité de ses enfants ». Cette formu-

lation révèle un choix royal à la fois stoïcien et héroïque autant que cynique

pour satisfaire à la raison d’État. À travers la captivité de ses fils, le roi conti-

nuait de se sentir lui-même prisonnier et, furieux, se révoltait par conséquent

en niant la légitimité du traité léonin.

Nous présentons ici le texte officiel du mémoire publié sur ordre de François Ier

contre le traité de Madrid. On trouve dans un recueil publié par les soins du

chancelier de Charles Quint, Mercurino Gattinara (Response du pouissant et invinct empereur sur les lettres du Roy de France…, Anvers, G. Voesterman,

1527), un texte très différent de celui-ci sans doute retraduit en français

à partir de l’original latin (Pro Divo Carolo… Libri apologetici duo, Mainz,

J. Schoeffer, 1527).

La diffusion du message royal ne fut pas limitée à la France puisque dans

la Rome du pape Clément VII, fut imprimée par Calvo une Defensio pro christianissimo francorum rege adversus calumniantes qui reprenait tous

les arguments de l’Apologie. MS

55De Marignan à Pavie