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2015-09-07 Correction, Diplomatie iranienne lors du...

Date post: 29-Jan-2020
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Dynamiques Internationales ISSN 21052646 Boualem Fardjaoui Varia numéro 7 – septembre 2015 1 La presse écrite en France et la diplomatie iranienne lors du conflit à Gaza de 2008-2009 Par Boualem Fardjaoui, Université Charles de Gaulle Lille 3 * Résumé : Le corpus de presse quotidienne française étudié pour cet article issu de la recherche menée au cours de la thèse de l’auteur est composé des journaux Le Figaro, Le Monde et Libération classés respectivement 1 er , 2 e et 4 e de parts des ventes par csmpresse.fr en 2012 et représentant des tendances politiques allant de la droite à la gauche. Malgré la variété des thèmes liés au dossier du nucléaire iranien, ce corpus l’a réduit à ses dimensions géopolitique et géostratégique conventionnelles liées aux sujets de guerre, de rapports de forces, de volonté de domination régionale, de sanctions et de pressions internationales, de tensions religieuses et a négligé d'autres dimensions de la géopolitique aussi importantes liées à l'écologie, à l'économie mondiale, à la société, à l’humanitaire et à la politique interne de l’Iran. La propagation de l’arme nucléaire, si l’Iran l’acquière, est un des aspects négligés par la presse quotidienne française étudiée, car cela légitimerait l’accession à l’arme à d’autres pays la voulant comme l'Arabie Saoudite, l'Égypte et la Turquie. Globalement les opinions exprimées ne considèrent pas que le dossier du nucléaire est efficace pour que l’Iran atteigne ses objectifs réels ou supposés. Bien que le dossier du nucléaire soit avancé pour expliquer l’action iranienne, aucun n'a pu le relier à la guerre. En effet, il n'y avait aucune preuve que l'Iran utilisait le dossier du nucléaire pour soutenir le Hamas ou en faveur d’autres objectifs géopolitiques. Au contraire l'Iran avait misé sur sa diplomatie pour cela. Ce dossier reste cependant un des seuls sujets de consensus et d’unité nationale en Iran. Mots-clés : Géopolitique, Moyen-Orient, nucléaire, couverture médiatique, religions, écologie. The French daily press and Iranian diplomacy during the 2008-2009 Gaza conflict Abstract: The French daily press corpus studied for this paper comes from research led during the author’s PhD research and is composed of outlets Le Figaro, Le Monde and Libération, * Doctorant en dernière année de thèse à l’École Doctorale des Sciences de l’Homme et de la Société de Lille Nord de France et Contractuel d’Enseignement (CE) en géopolitique du MoyenOrient et en traduction à l’Université Charles de Gaulle Lille 3.
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Dynamiques  Internationales  ISSN  2105-­‐2646                                                                                                                                                       Boualem  Fardjaoui  

Varia  numéro  7  –  septembre  2015     1  

La presse écrite en France et la diplomatie iranienne lors du conflit à Gaza de 2008-2009

Par Boualem Fardjaoui, Université Charles de Gaulle Lille 3*

Résumé : Le corpus de presse quotidienne française étudié pour cet article issu de la recherche

menée au cours de la thèse de l’auteur est composé des journaux Le Figaro, Le Monde et

Libération classés respectivement 1er, 2e et 4e de parts des ventes par csmpresse.fr en 2012 et

représentant des tendances politiques allant de la droite à la gauche. Malgré la variété des thèmes

liés au dossier du nucléaire iranien, ce corpus l’a réduit à ses dimensions géopolitique et

géostratégique conventionnelles liées aux sujets de guerre, de rapports de forces, de volonté de

domination régionale, de sanctions et de pressions internationales, de tensions religieuses et a

négligé d'autres dimensions de la géopolitique aussi importantes liées à l'écologie, à l'économie

mondiale, à la société, à l’humanitaire et à la politique interne de l’Iran.

La propagation de l’arme nucléaire, si l’Iran l’acquière, est un des aspects négligés par la presse

quotidienne française étudiée, car cela légitimerait l’accession à l’arme à d’autres pays la voulant

comme l'Arabie Saoudite, l'Égypte et la Turquie. Globalement les opinions exprimées ne

considèrent pas que le dossier du nucléaire est efficace pour que l’Iran atteigne ses objectifs

réels ou supposés.

Bien que le dossier du nucléaire soit avancé pour expliquer l’action iranienne, aucun n'a pu le

relier à la guerre. En effet, il n'y avait aucune preuve que l'Iran utilisait le dossier du nucléaire

pour soutenir le Hamas ou en faveur d’autres objectifs géopolitiques. Au contraire l'Iran avait

misé sur sa diplomatie pour cela. Ce dossier reste cependant un des seuls sujets de consensus et

d’unité nationale en Iran.

Mots-clés : Géopolitique, Moyen-Orient, nucléaire, couverture médiatique, religions, écologie.

The French daily press and Iranian diplomacy during the 2008-2009 Gaza conflict

Abstract: The French daily press corpus studied for this paper comes from research led during

the author’s PhD research and is composed of outlets Le Figaro, Le Monde and Libération,

*  Doctorant  en  dernière  année  de  thèse  à  l’École  Doctorale  des  Sciences  de  l’Homme  et  de  la  Société  de  Lille  Nord  de  France  et  Contractuel  d’Enseignement  (CE)  en  géopolitique  du  Moyen-­‐Orient  et  en  traduction  à  l’Université  Charles  de  Gaulle  Lille  3.  

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respectively 1st, 2nd and 4th sale shares in 2012 according to csmpresse.fr et representing political

tendencies ranging from the right to the left. Notwithstanding a variety of themes linked to the

Iranian nuclear case, this corpus has used a limited approach, reduced to conventional

geopolitical and geostrategic dimensions related to topics such as war, power balance, regional

domination will, international sanctions and pressure, religious tensions, and has neglected other

geopolitical dimensions just as important related to the environment, the global economy,

society, humanitarian and domestic policy of Iran.

The spread of nuclear weapons, if Iran acquires it, is an aspect neglected by the daily French

press studies as this would legitimate other countries legitimation of acquiring this weapon like

Saudi Arabia, Egypt and Turkey. Globally, expressed opinions do not consider the nuclear the

nuclear case is effective for Iran to reach its real or alleged goals.

Though the nuclear case has been cited for explaining the actions of Iran, it was never

successfully linked to war. Indeed there is no proof Iran has used the nuclear case in support of

Hamas or to foster other geopolitical goals. On the contrary Iran has relied on its diplomacy for

those. This case however remains one of the few consensual and national unity topics in Iran.

Keywords: Geopolitics, Middle East, nuclear, media coverage, religion, environment.

Le 27 décembre 2008, l'Etat-major de l'armée israélienne décide le bombardement de la bande

de Gaza. Les raisons officielles avancées par Israël sont : la destruction des tunnels clandestins

qui servaient, entre autre, à l’acheminement des armes de l’Egypte à Gaza et la rupture par le

Hamas de la trêve conclue le 19 juin 2008 par l’entremise de l’Egypte, en refusant de prolonger

le cessez le feu, arrivée à son terme le 19 décembre 2008. Le Hamas avait repris les tirs de

roquettes après l’incursion militaire israélienne le 5 novembre de la même année. Le conflit a

suscité diverses réactions internationales, dont celles des pays moyen-orientaux, européens et

américains.

Il s’agit dans cet article1 de décrypter l’activité diplomatique iranienne telle qu’une partie de la

presse française la concevait dans son contexte géopolitique régional et mondial, sachant

d'emblée que dans le corpus étudié qui est composé des articles des journaux français : Le

Monde, Le Figaro et Libération2 entre le 24 décembre 2008 et 25 janvier 2009, la couverture de la

question diplomatique, comme le sujet « Iran », a été très peu mise en avant, mis à part par Le

Figaro qui l’a traité dans treize articles (dont quatre éditoriaux et trois tribunes libres) et dans une

1  Cet  article  est  issu  des  résultats  de  la  recherche  effectuée    lors  du  travail  de  thèse  de  l’auteur.    2  Les  trois  journaux  sont  classés  respectivement  premier,  deuxième  et  quatrième  de  parts  leurs  ventes  par  http://www.csmpresse.fr  en  2012  et   représentants  des   tendances  politiques  allant  de   la  droite  à   la  gauche.   Le  Figaro   consacre  deux  cents  un    papiers  au  conflit  à  Gaza,  Le  Monde  cent  quatre-­‐vingt  et  Libération  cent  cinquante-­‐trois.  

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« Une ». Le journal Le Monde a mis en avant le sujet dans deux papiers et Libération une seule fois

dans un éditorial.

L’étude de la presse française lors du conflit à Gaza du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009

nous mène à faire une double analyse, médiatique et géopolitique. En effet, la presse adopte une

approche dualiste du conflit, une informative et une analytique axés sur plusieurs domaines,

dont la géopolitique et les relations internationales sont les plus fréquents.

L’importance donnée au sujet « Iran » et plus particulièrement à sa diplomatie est déterminée

par les liens conflictuels du pays avec Israël et avec une partie de ladite communauté

internationale, notamment l’Union européenne, les États-Unis et des pays arabes, et par son

implication dans le conflit du fait d’une intense activité diplomatique.

Le discours politique traditionnel de l’Iran, si on croit l’hypothèse de M. Feki en 2007, n’est «

qu’une simple rhétorique, une surenchère qui masque une politique traditionnelle d’influence régionale. Dans les

territoires palestiniens, où il n’y a pas de chiites, l’Iran était en train de devenir le champion de la cause

palestinienne » ((M. Feki, 2007, p. 26, 27).. L’Iran ne pouvant pas ou ne pouvant pas étendre son

influence sur l’Irak pour arrêter les tensions entre sunnites et chiites, trouve en Israël une cible

relativement consensuelle dans le monde musulman (Y. Richard, 2006, p. 325).

Mais cet objectif fait face à une résistance acharnée de la part de ses rivaux traditionnels dans la

région, la Turquie, l’Égypte, mais surtout l’Arabie saoudite en conflit avec l’Iran sur deux plans :

premièrement, la concurrence sur le contrôle du Golfe arabo-persique et deuxièmement, la

rivalité sur le leadership du monde musulman se traduisant par le clivage entre le chiisme et le

sunnisme, particulièrement la branche wahhabite du dernier ((M. Feki, 2007, p. 26, 27).

Diplomatie iranienne lors du conflit à Gaza : l’Iran nécessaire pour la résolution des conflits du Moyen-Orient, mais isolé

Le rôle diplomatique iranien est une question épineuse pour les puissances occidentales. Les

gouvernements européens et américains se posent toujours la question d’inclure l’Iran dans des

négociations sur tous les conflits régionaux au risque de le rendre incontournable.

La presse note en général, qu’en plus de l’aide militaire et financière au Hamas3, l’Iran met

l’accent sur une dynamique diplomatique pour demander des comptes aux pays arabes dits «

modérés » (principalement l’Égypte et l’Arabie saoudite) au sujet de leur manque de soutien aux

Gazaouis et au Hamas. Lors de cette offensive diplomatique ont lieu des discussions» menées

par le président du Parlement iranien A. Larijani en Turquie ; Le Président M. Ahmadinejad est

3  Marie-­‐Claude  Decamps,  «  Mahmoud  Ahmadinejad     se   pose   en    «   leader  de    la   rue     arabe  »  »,  Le  Monde,  20/01/2009.  

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allé lui-même au Qatar4 et des émissaires iraniens sont envoyés dans plusieurs pays du monde

pour soutenir le Hamas selon M-C. Decamps du Monde.

Les autorités iraniennes, qui adoptent dès le début de l’offensive israélienne une position de

principe, sont isolées dans la région. Mais, elles trouvent dans la Syrie un relais diplomatique à

leurs requêtes internationales et régionales.

Cette activité diplomatique iranienne se heurte aux Américains qui privilégient l’axe Riyad - le

Caire - Washington pour mener les négociations. Parallèlement, le Qatar et la Turquie se veulent

de nouveaux acteurs forts dans la résolution des conflits régionaux. Aspirant à assurer une

médiation, la Turquie maintient jusqu’alors des relations diplomatiques anciennes avec Israël

d’un côté, notamment grâce aux accords de coopération de 1958, 1966 et 1997, et nouvelles

avec l’Iran de l’autre.

Alors que la plus grande partie de la presse étudiée décrit une forte activité diplomatique

iranienne, une autre partie de la presse évoque le non réactivisme iranien. En effet, si la presse

française du corpus étudié considère généralement que ce pays est très actif diplomatiquement,

une partie de celle-ci juge que l’Iran doit faire plus et ne pas se contenter de la seule

condamnation verbale des attaques israéliennes et des positions des pays arabes « modérés ». En

somme, malgré son soutien au Hamas, l’Iran faillit, selon cette presse, à son devoir d’allié pour

préserver ses propres intérêts stratégiques dans de futures négociations de paix, pour ne pas

s’opposer de trop aux intérêts américains et ouvrir des canaux de négociations pour infléchir les

sanctions internationales.

Pour la France de N. Sarkozy, qui veut « apparaître [aujourd'hui] comme le champion du dialogue tous

azimuts sur la scène internationale »5, il faut négocier avec tout le monde y compris avec les deux

alliés du Hamas, la Syrie et l’Iran. Le président français prend ainsi le contrepied de son

prédécesseur J. Chirac, qui a « ostracisé »6 la Syrie, et du président américain G-W. Bush

s’appliquant à isoler l’Iran7.

Le Figaro est le journal français qui soutient le plus la position de N. Sarkozy. Même s’il

reconnaît l’âpreté de la mission, le quotidien considère la politique du président français comme

une alternative à celle de G-W. Bush, jugée trop clivante et manichéenne. Dans son éditorial du

2 janvier 2009, Y. Threard, écrit à propos du dirigeant français : « Promoteur de l’Union pour la

Méditerranée, chantre de la politique de civilisation, Nicolas Sarkozy compte sur son énergie et sa bonne volonté

pour « changer le monde ». Louable et belle ambition. Elle avait sa chance comme alternative à une doctrine

4   Ibid.  5  Yves  Thréard,  «  Que  peut  Sarkozy  au  Proche-­‐Orient  ?  »,  Le  Figaro,  02/01/2009.  6  Ibid.  7  Ibid.  

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Bush planétairement rejetée »8. Selon Le Figaro, l’alternative française est plus équilibrée, car elle ne

donne pas la préférence à un camp au détriment de l’autre. Son objectif premier est d’arriver à

une solution du conflit la plus rapide et la plus juste possible. Pour atteindre ce but, la France

n’exclut aucun État de la région. Elle discute avec tous les acteurs y compris l’Iran, soit

directement ou indirectement. Mais pour N. Sarkozy, toujours selon Y. Threard, les États-Unis

« restent maîtres du jeu » au Moyen-Orient. Et l’arrivée du nouveau président américain B. Obama,

estime-il, risque de lui « faire de l’ombre ». On comprend bien ici que la détermination américaine

d’exclure l’Iran de toute négociation est plus forte que la volonté européenne exprimée par la

France de l’y inclure.

Le dialogue irano-américain, un impératif pour résoudre les conflits moyen-orientaux

Le dialogue entre les Etats-Unis et l’Iran est un des sujets abordés par la presse lors de son

traitement du conflit à Gaza. Les journaux l’abordent dans la perspective de négociations

globales qui touchent à tous les conflits du Moyen-Orient. L’histoire des relations diplomatiques

irano-américaines est marquée par des tensions. Les États-Unis de l’ère de G-W. Bush placent

l’Iran dans « l’axe du mal »9 au même titre que l’Irak de Saddam Hussein et la Corée du Nord. Sur

la scène régionale, ils mènent alors une politique favorable aux intérêts israéliens.

Compte tenu de ces relations difficiles, comment la presse en France, voit-elle l’éventualité et la

perspective d’un dialogue entre Iraniens et Américains ?

F. Géré, dans Le Figaro, voit l’Iran comme « le centre de gravité politique » du Moyen-Orient. Il

considère que son soutien au Hezbollah est plus dangereux pour Israël que l’acquisition de

l’arme nucléaire. Mais tout en étant un vecteur de tension, l’Iran peut également être un facteur

essentiel dans la résolution des tensions au Liban, en Irak et en Afghanistan. Pour cette raison,

F. Géré estime que la présence de l’Iran est vitale dans le dialogue de paix avec les États-Unis.

Le dialogue bilatéral entre ces deux pays doit être renforcé par un « concert des puissances » incluant

la Russie, la Chine, l’ONU et l’OTAN. Il doit donc être global « dans une perspective de redistribution

équitable des intérêts et de l’influence de chacun ». Quant au rôle des États-Unis, voulu par le

journaliste, celui-ci doit être de rester un élément primordial dans ce processus de négociation,

épaulé par l’Union européenne en « œuvrant à une stratégie cohérente à l’égard de la Russie »10.

Les crispations irano-américaines des époques de G-W. Bush (20 janvier 2001 - 20 janvier 2009)

et de M. Ahmadinejad (3 août 2005 - 3 août 2013) et la radicalité idéologique des positions des

8  Ibid.  9  Cette  expression  est  utilisée  par  le  Président  américain    George  W.  Bush  lors  du  discours  sur  l'état  de  l'Union  le  29  janvier  2002.    10  François  Géré,  «Le  Dialogue  américano-­‐iranien,  un  impératif  pour  résoudre  les  conflits  au  Moyen-­‐Orient  »,  Le  Figaro,  09/01/2009.  

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deux leaders permettent l’extension des théâtres de guérilla, principalement en Irak et au

Yémen. Elles poussent l’Iran dans la voie de la bombe atomique.

Dans cette atmosphère de tension et par crainte des États-Unis, de leurs alliés et de leurs visées

hégémoniques régionales, l’Iran noue des alliances, notamment en Irak où le dialogue irano-

américain aboutit à un apaisement relatif après la chute de H. Saddam et la gestion du pouvoir

irakien par la majorité chiite. Sur la question irakienne, le dialogue entre Washington et Téhéran

s’avère alors, ponctuellement plus bénéfique que leur affrontement. Par conséquent, F. Géré

acquiert la conviction qu’aucune paix durable n’est possible au Moyen-Orient sans la

participation des principaux acteurs étatiques de la région, au premier rang desquels l’Iran11. En

témoignent les propos, après l’élection de B. Obama le 4 novembre 200812, de la secrétaire

d’État H. Clinton sur la volonté de son pays de dialoguer avec « cet ennemi plus stratégique pour les

États-Unis qu’est l’Iran »13. B. Obama déclare à son tour : « nous devons le diriger [le monde] par les

actes et l'exemple ». Il exclut les menaces et intègre la coopération (B. Badie, D. Vidal, 2009, p. 32).

Mais cela n’empêche pas la prudence des deux États14.

Le rôle européen dans le conflit à Gaza : privilégier l’OLP comme acteur

La question de la politique européenne face au conflit de l’hiver 2008 est largement traitée par la

presse française. D’un point de vue stratégique, le Moyen-Orient est un enjeu important pour

l’Europe qui doit faire face aux intérêts, à l’influence et aux intentions d’autres États comme la

Russie, Israël, la Turquie, l’Iran et les États-Unis considérés comme le principal intervenant

extrarégional (A-A. Ardavan, 2009, p. 14). L’Union européenne, malgré sa volonté d’influencer

le processus de paix, se heurte aux réticentes israéliennes et à ses propres divisions internes au

sujet du conflit israélo-palestinien et des relations avec les États-Unis (D. Moïsi, 2003).

En décembre 2008, l’action de l’Union européenne menée par la diplomatie française à l’époque

du président N. Sarkozy (la France assumait la Présidence tournante de l’UE) est à la pointe de

la diplomatie internationale lors du conflit à Gaza. Plusieurs rencontres, réunions et voyages

sont entrepris par des personnalités politiques et par le président français lui-même, comme sa

tournée moyen-orientale du 5 et 6 janvier 2009, précédée par une délégation européenne15, ou

encore sa réunion avec des dirigeants arabes, à Charm El- Cheikh en Egypte le 18 janvier pour

11  Ibid.      12  La  guerre  à  Gaza  est  située  chronologiquement  entre  l’élection  de  Obama  le  4  novembre  2008  et  son  investiture  le  20  janvier  2009.    13  Gilles  Paris,  «  Les  Conflits  qui  attendent  Barack  Obama,  le  bourbier  israélo-­‐palestinien  »,  Le  Monde,  20/01/2009.  14   Non   signé,   «  Devant   l’ONU,   Obama   se   veut   ferme   sur   la   Syrie   et   ouvert   sur   l’Iran  »,   Le   Monde.fr,   AFP   et   Reuters,   24/09/2013,  http://www.leMonde.fr/proche-­‐orient/article/2013/09/24/devant-­‐l-­‐onu-­‐obama-­‐se-­‐veut-­‐ferme-­‐sur-­‐la-­‐syrie-­‐et-­‐ouvert-­‐sur-­‐l-­‐iran_3483791_3218.html,  consulté  le  16/11/2013.  15  Thierry  OBERLE,  «  Nicolas  Sarkozy  prépare  une  tournée  à  risque  au  Proche-­‐Orient  »,  Le  Figaro,  03/01/2009.  

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consolider le plan de cessez-le-feu franco-égyptien16. Dans ce conflit, l’action française se

confond alors avec l’action européenne.

Pourtant, d’après le Hamas, l’Union européenne ne joue pas le rôle qui lui incombe : elle est

focalisée sur l’Iran et ses relations avec le Hamas, qui tout en reconnaissant l’aide iranienne,

refuse d’être un satellite de Téhéran. Sur le plan diplomatique, le Hamas soutient la position

iranienne pour l’obtention de la paix17. Il appelle les pays européens, notamment les plus grands

d’entre eux, la France, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni à peser de tout leur poids pour

obtenir la « justice pour les Palestiniens »18. Le message est clair : l’Union européenne n’use pas de

toute son influence au Moyen-Orient pour la résolution du conflit israélo-palestinien. Cette

absence d’influence de l’Union est due, soit au manque de volonté ou de moyens, soit aux

divergences entre ses membres ou aux pressions d’autres puissances plus influentes sur ce

conflit.

Il existe une différence entre les politiques américaine et européenne après l’arrivée de B.

Obama et de sa secrétaire d’État H. Clinton le 20 janvier 2009. Plus pragmatiques, les

américains n’excluent pas le dialogue avec l’Iran (mais pas avec le Hamas). Vu comme un

adversaire stratégique, l’État iranien leur est nécessaire pour préserver et étendre leurs propres

intérêts dans la région19. À l’inverse, les États européens se choisissent l’Égypte comme

interlocuteur20 au lieu du Hamas et de l’Iran. Ils souhaitent accroître leurs sanctions contre ce

dernier en dehors du cadre des sanctions de l’ONU21, (dans le cadre des tensions liées au dossier

du nucléaire).

Le choix européen de l’Égypte s’explique par les bonnes relations de cet État avec M. Abbas et

l’OLP. Il ne peut donc influencer les décisions du Hamas. De plus, ce n’est pas l’OLP qui est

visée par Israël en décembre 2008, mais le Hamas. Miser sur l’Égypte a ainsi pour objectif de

renforcer l’OLP et son président affaiblis aux yeux des Palestiniens, notamment à cause de ce

conflit22. C’est l’interprétation proposée par B. Barthes dans un article du Monde en janvier 2009.

Dans les faits, ceci reste théorique car la pression faite sur le Hamas par la guerre, les pertes qu’il

subit et l’incapacité (ou le manque de volonté) de l’Iran de l’aider davantage le poussent à

accepter le plan de cessez-le-feu égypto-européen en fin de compte. Celui-ci prévoit, en plus du

cessez-le-feu et du retrait israélien de Gaza, entre autres la réouverture des points de passage

vers l’enclave palestinienne et la relance des négociations entre le Hamas et le Fatah.

16  Philippe  Bolopion,  «  L'Europe  veut  aider  l'Egypte  à  jouer  les  médiateurs  »,  Le  Monde,  20/01/2009.  17  Marie-­‐Claude  Decamps,  «  Mahmoud  Ahmadinejad    se  pose  en    «  leader  de    la  rue    arabe  »  »,  Le  Monde,  20/01/2009.  18  Ibid.  19  Gilles  Paris,  «  Les  Conflits  qui  attendent  Barack  Obama,  le  bourbier  israélo-­‐palestinien  »,  Le  Monde,  20/01/2009.  20  Philippe  Bolopion,  «  L’Europe  veut  aider  l’Égypte  à  jouer  les  médiateurs  »,  Le  Monde,  20/01/2009.  21  Non  signé,  «  Paris  et  Londres  veulent  accroître  les  sanctions  européennes  contre  l’Iran  »,  chronologie  »,  Le  Monde,    20/01/2009.  22  Benjamin  Barthe,  «  L’Offensive  israélienne  a  renforcé  la  crise  d’identité  des  cadres  du  Fatah  »,  Le  Monde,  19/01/2009.  

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Le rôle arabe dans le conflit à Gaza selon l’Iran

Les représentants du Hamas en Iran, même s’ils reconnaissent recevoir de l’aide d’Arabes du

monde entier, demandent, selon M-C. Decamps du Monde, le soutien des États arabes. Ils

réclament, comme l’Iran, une négociation globale incluant les volets libanais et syrien, en

somme tous les territoires arabes occupés par Israël. Ils exigent aussi le « cessez-le-feu, le retrait

militaire, la fin des restrictions et l’ouverture de tous les points de passage ». Dans le même temps, le Hamas

reste prudent dans ses déclarations sur les pays arabes dits « modérés ». Malgré les différends, il

ne les considère pas, du moins dans les déclarations officielles, comme ayant trahi les

Palestiniens. Il estime cependant qu’ils sont responsables moralement et historiquement de la

situation que connaît Gaza. Il rejoint ainsi l’Iran dans sa critique de la passivité des États arabes.

23 À la différence de ces derniers, d’autres États de la région tels que l’Iran bien sûr, le Qatar, la

Turquie et la Syrie se sont opposés à la guerre prenant le parti des Palestiniens de Gaza.

Les journaux Le Figaro et Le Monde relayent les déclarations du ministre des Affaires étrangères

iranien qui critique les pays arabes et l’ONU pour leur « inaction ». Dans Le Figaro, ces

déclarations rejoignent l’opinion palestinienne qui considère que « certains pays arabes les ont

trahis »24. Elles visent principalement l’Égypte qui avait donné aux Palestiniens « l’assurance

qu’Israël n’attaquerait pas Gaza »25. Alors que Libération ne donne pas de visibilité aux déclarations

de personnalités iraniennes, mais juge que l’Iran, par le biais du Hezbollah libanais, mène une

campagne de dénonciations contre les régimes arabes, principalement l'Egypte accusée « de

collusion avec Israël », dans le but de les déstabiliser26.

Au contraire de ces déclarations, F. Oz-Salzberger (chroniqueuse, historienne et écrivaine

israélienne) voit, dans une tribune dans le Figaro, une « lueur d’espoir » 27 dans la position prise par

les dirigeants des « pays arabes modérés » et principalement l’Égypte qui, selon elle, déclare

ouvertement que le Hamas est responsable de ce conflit. Comme l’Égypte, l’Arabie saoudite et

la Jordanie sont perçus positivement par l’auteur grâce à leur volonté de servir de médiateurs de

paix et de « sauver les Palestiniens de leurs pires responsables ».

Parallèlement, la journaliste estime que pour la première fois d’éminentes voix arabes disculpent

Israël des « grossiers reproches » que certains en Occident lui lancent « paresseusement ». Elle pense

que les esprits évoluent parmi les dirigeants des pays arabes « modérés » dont les responsables

passent de la volonté de destruction d’Israël à sa disculpation et accusent le Hamas et ses

23  Marie-­‐Claude   Decamps,   «  Mahmoud   Ahmadinejad     se   pose   en     «   leader   de     la   rue     arabe   »  »,   Le   Monde,  20/01/2009.  24  Georges  Malbrunot,  «  Téhéran  exige  l’arrêt  des  attaques  israéliennes  »,  Le  Figaro,  03/01/2009.  25  Ibid.  26  Claude  Guibal,  «  L’Egypte  sous  le  feu  des  critiques  »,  Libération,  30/12/2008.  27  Fania  Oz-­‐Salzberger,  «  Le  Match  nul  du  Hamas  »,  Le  Figaro,  05/01/2009.  

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soutiens. Ce changement est, aux yeux de la journaliste, une évolution positive à encourager et à

soutenir. Ce point de vue, publié dans le journal de sensibilité de droite, est en accord avec la

position du président français N. Sarkozy qui soutient les efforts égyptiens et fait porter la

responsabilité du déclenchement du conflit au Hamas. Le futur gouvernement israélien, élu en

février 2009, doit, selon la journaliste, « relever le défi des Arabes modérés »28 et s’adresser

directement à la Ligue arabe, dont le plan de paix exige d’Israël « certes d’âpres négociations, mais qui

constitue un sage début pour éviter les guerres à venir, y compris les guerres justes »29.

Les limites de la diplomatie pan-islamiste de l’Iran

Face à « l’embarras » des pays arabes « modérés » qui affrontent une opinion publique hostile à

leur position sur la scène régionale concernant le conflit à Gaza, le président iranien agite « la

solidarité islamique » en se positionnant comme « leader de la rue arabe »30.

La presse française décrypte cette stratégie selon la grille de lecture connue du sunnisme et du

chiisme. Dans Le Monde, M-C. Decamps considère que l’Iran chiite, en instrumentalisant le

Hamas sunnite, a pour objectif de sensibiliser « la rue arabe »31. Ce soutien au Hamas, qui reste

seulement diplomatique pendant le conflit, est difficile à justifier auprès de la population

iranienne chiite, autrement que par le discours. A. Sfeir, dans Le Figaro, pense que le

gouvernement iranien « aurait du mal à justifier un engagement [auprès du Hamas] autre que verbal

auprès de sa propre population, sachant que les populations chiites se font massacrer par les sunnites au

Pakistan, en Inde, en Irak et ont failli l’être au Liban »32. Mais le soutien politique de l’Iran revêt un

intérêt autre que la simple solidarité islamique et est loin de créer « une internationale islamiste », la

politique régionale de l’Iran « fige le vieux clivage entre sunnites et chiites » (M. Feki, 2007, p. 41).

En outre, la méfiance est grande envers l’Iran, dans les pays arabes du Moyen-Orient,

essentiellement les monarchies sunnites conservatrices du Golfe craignant le modèle

révolutionnaire iranien chiite. C’est particulièrement vrai pour l’Arabie saoudite qui a, elle aussi,

un modèle orthodoxe à exporter, le wahhabisme.

L’axe irano-vénézuélien, alliance effective ou alliance de circonstances ?

Les relations et l’action diplomatique de l’Iran lors du conflit à Gaza s’étendent hors du Moyen-

Orient pour se fixer notamment en Amérique du Sud auprès d’États « anti-impérialistes »

28  Ibid.  29  Ibid.  30  Marie-­‐Claude  Decamps,  «  Mahmoud  Ahmadinejad    se  pose  en    «  leader  de    la  rue    arabe  »  »,  Le  Monde,  20/01/2009.  31  Antoine  Sfeir,  «  Le  Hamas  veut-­‐il  se  suicider  ?  »,  Le  Figaro,  02/01/2009.  32  Ibid.  

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comme le Venezuela et la Bolivie. En réaction à l’offensive israélienne contre Gaza, ces deux

pays rompent leurs relations diplomatiques avec Israël.

Le Moyen-Orient est soumis à une modification continue des alliances. Celles-ci changent au

gré des intérêts des États de la région et de l’influence des grandes puissances (C. Leray, G. Piet,

S. Wintgens et D. Stans, 2011). Dans un objectif de contestation idéologique, l’alliance entre

l’Iran et le Venezuela se fait dans une logique d’influence. Son objectif est d’affaiblir

l’hégémonie américaine, maintenue malgré le discours de B. Obama au Caire le 4 juin 200933.

Cette association de circonstances a d'autres enjeux, notamment d'ordre économique. Elle

rentre dans la perspective de création et de développement par des acteurs étatiques « de

nouveaux réseaux interrégionaux », […] « tentant par-là de court-circuiter les États occidentaux

traditionnellement influents » au Moyen-Orient et en Amérique du Sud34. Avec le conflit à Gaza,

l’alliance entre l’Iran et le Venezuela se fait « l’écho des intérêts stratégiques de l’Iran »35.

La presse française propose une interprétation des déterminants du rapprochement entre l’Iran

et le Venezuela. D. Minoui du Figaro, rapporte, au sujet de cette alliance, les déclarations de P.

Haeni, chercheur à l’institut Religioscopie : « cette alliance de circonstance reste néanmoins fragile […]. Il

y a une solidarité sur le contenu, mais sans consensus ». La faiblesse de cette alliance est due aux

objectifs politiques des deux pays. Le « combat contre un même ennemi » n’est qu’une « coïncidence »,

déclare D. Leal, député vénézuélien. Au départ, cette association a pour but, selon lui, de « faire

face à l’impérialisme et au sionisme »36. Mais le conflit à Gaza renforce cet « axe du non » au point que

des pays d’Amérique latine, le Venezuela et la Bolivie, rompent leurs relations diplomatiques

avec Israël. Ce conflit a non seulement fédéré des régimes politiques différents, mais a dissipé

les divergences entre les sunnites et les chiites dans le monde musulman37.

Ainsi, les disparités idéologiques entre le Venezuela de H. Chavez et l’Iran de M. Ahmadinejad

n’empêchent pas un rapprochement pragmatique. Ce dernier met en évidence la force tout

comme les limites des politiques Sud-Sud promues par le gouvernement vénézuélien (G. PIET,

S. Wintgens et D. Stans, 2010, p. 199, 200). L’alliance des deux pays n’est qu’une association de

circonstance générée par l’hostilité envers l’impérialisme américain et le sionisme. Elle est

consolidée par le soutien aux Palestiniens et plus généralement aux « peuples opprimés ».

Le conflit à Gaza ne transforme pas profondément l’alliance entre l’Iran et le Venezuela. Il

cristallise juste les positions et les objectifs traditionnels des deux pays. Si, pour l’Iran, la

solidarité islamique prime lors de ce conflit, pour le Venezuela c’est l’anti-mondialisme qui

33  Ce  discours  aborde  les  sujets  suivants  :  la  lutte  contre  le  terrorisme,  le  conflit  israélo-­‐palestinien,  le  nucléaire,  la  démocratie,  la  liberté  religieuse,  les  droits  des  femmes  et  le  développement  économique.    34  Ibid.  35  Delphine  Minoui,  «  L’Offensive  israélienne  renforce  «  l’axe  du  non  »  de  Téhéran  à  Caracas  »,  Le  Figaro,  22/01/2009.  36  Ibid.  37  Ibid.  

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définit sa politique étrangère et son soutien aux Palestiniens. En effet, la question palestinienne,

emblématique, occupe une place importante pour les altermondialistes.

Les objectifs du discours officiel iranien hostile à Israël

L’offensive israélienne à Gaza est l’occasion pour l’Iran de mobiliser un argumentaire, dont se

saisit la presse française afin de l’analyser. Parmi les objectifs du discours iranien hostile à Israël

se trouve l’instrumentalisation par M. Ahmadinedjad de la ferveur populaire iranienne, du fort

sentiment de solidarité avec les Palestiniens à Gaza, ainsi la surenchère des appels à la

destruction d’Israël pour faire taire l’opposition38.

Parallèlement à ces objectifs sur la scène interne, le président iranien veut influencer avec son

discours les autres peuples de la région. Pour ce faire, il doit se conformer aux positions

populaires dans les pays majoritairement sunnites qui craignent traditionnellement une

expansion du chiisme. Son but ultime est de faire accepter l’Iran comme un acteur majeur dans

le monde arabe et musulman. Il faut signaler que l’Iran est conscient de son incapacité de

destruction de l’État israélien, à la fois puissance nucléaire et plus grande puissance militaire de

la région. D’autant plus que si une agression contre Israël avait lieu, l’Iran ferait certainement

face, à la puissance mondiale américaine, voire à d’autres pays occidentaux.

Enfin, d’autres thèmes sont également abordés par la presse en liens avec le sujet de la menace

que constitue l’Iran pour Israël et ses alliés : les appels au boycott des sociétés liées à ce pays,

l’utilisation de l’arme du pétrole, mais surtout le danger que représente le nucléaire iranien.

Différentes opinions se sont exprimées dans la presse au sujet de l’existence de cette dernière

menace. Par exemple, S. Denis, en décrivant les menaces contre Israël dans le Figaro, suppose

l’existence de l’arme nucléaire en Iran39. Un autre courant d’opinion, également relayé par la

presse quotidienne, affirme l’absence de l’arme et d’une réelle menace iranienne contre Israël.

Ceci expliquerait l’existence d’une volonté pragmatique, de la part du gouvernement iranien, de

trouver une issue pacifique au dossier du nucléaire et au conflit à Gaza40. En dehors des

chroniqueurs, seul le journal Le Figaro donne de l’importance au dossier nucléaire iranien dans le

conflit.

Conclusion

Le conflit israélo-palestinien est perçu par la presse française comme un conflit régional et

international. Les acteurs ne sont pas seulement israéliens et palestiniens, mais aussi régionaux

38  Marie-­‐Claude   Decamps,   «   L'Indignation   suscitée   en   Iran   par   les   événements   de   Gaza   renforce   le   président  Ahmadinejad  »,  Le  Monde,  08  janvier  2009.  39  Stéphane  Denis,  «  La  Guerre  à  la  proportionnelle  »,  Le  Figaro,  08/01/2009.  40  Alexandre  Adler,  «  L’Iran,  clé  de  l’issue  du  conflit  au  Moyen-­‐Orient  »,  Le  Figaro,  10/01/2009.  

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et internationaux (Iraniens, Égyptiens, Arabes, Turcs, Européens, Américains, Sud-Américains

et Asiatiques). Au point de considérer que la solution à ce conflit ne peut venir que d’acteurs

extérieurs, comme l’ONU, l’Égypte et l’Europe, parfois en collaboration avec des pays arabes,

ou même avec l’Iran et la Turquie. Cependant, la plus grande certitude pour la presse est que

l’issue finale du conflit entre Israéliens et Palestiniens ne peut venir que de la puissance

américaine qui reste à l’écart, attentiste et partiale. Tout comme Israël, elle est hostile, à l’époque

de G-W. Bush, à toute implication de l’Iran dans la résolution du conflit. Elle dénie ainsi à l’Iran

le rôle régional auquel il aspire.

Du point de vue de la théorie des relations internationales, l'action iranienne selon la presse, lors

du conflit à Gaza, est dictée par deux approches des relations internationales : une réaliste qui

privilégie le dialogue entre États et une autre idéaliste vue comme une posture idéologique et

rigide poussant l’Iran à la confrontation avec les acteurs étatiques régionaux et internationaux.

Ceci dans un contexte international privé d'autorité suprême (donc anarchique) qui impose

l'ordre, l'ONU n'ayant qu'un rôle humanitaire lors de ce conflit.

De même que chez les acteurs régionaux, la presse française reflète un clivage sur le rôle à

accorder à l’Iran suite à la guerre de décembre 2008. La logique nationale et panislamiste

(instrumentalisation des opinions publiques iranienne et musulmanes) l’emporte sur la logique

de paix selon la partie de la presse hostile à l’intégration de l’Iran dans la résolution du conflit à

Gaza et des conflits au Moyen-Orient. À l’inverse, les partisans d’une participation iranienne à la

pacification régionale voient l’Iran comme un moyen d’influencer les mouvements islamistes

pour qu’ils acceptent la logique de négociation et de paix.

L’Iran bien que n’ayant qu’un rôle mineur dans la résolution de ce conflit, en comparaison avec

d’autres acteurs comme l’Égypte et la France, trouve une place importante par la couverture des

événements faite par Le Figaro qui avait une position le plus souvent hostile à ce pays tout

comme les opinions exprimées par ses auteurs de tribunes libres. Les deux autres journaux, bien

que n’ayant pas couvert ce sujet avec la même fréquence que Le Figaro, exprime une méfiance et

une hostilité à l’encontre des intentions du gouvernement iranien. Les opinions exprimées dans

la presse au sujet du rôle diplomatique iranien (journalistes partisans ou hostiles) n’évoluent pas

au cours de l’évolution du conflit à Gaza.

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Corpus de presse

Le corpus de presse étudié pour cet article s’étend sur un mois entre le 24 décembre 2008 et le

25 janvier 2009, couvrant ainsi la totalité du conflit à Gaza de l’hiver 2008-2009. Cette recherche

est fondée principalement sur les articles qui abordent la question de la diplomatie iranienne.

ADLER Alexandre, « L’Iran, clé de l’issue du conflit au Moyen-Orient », Le Figaro, 10/01/2009. BARTHE Benjamin, « L’Offensive israélienne a renforcé la crise d’identité des cadres du Fatah », Le Monde, 19/01/2009. BOLOPION Philippe, « L’Europe veut aider l’Egypte à jouer les médiateurs », Le Monde, 20/01/2009. DECAMPS Marie-Claude, « L'Indignation suscitée en Iran par les événements de Gaza renforce le président Ahmadinejad », Le Monde, 08 janvier 2009. DECAMPS Marie-Claude, « Mahmoud AHMADINEJAD se pose en « leader de la rue arabe » », Le Monde, 20 Janvier 2009. DENIS Stéphane, « La Guerre à la proportionnelle », Le Figaro, 08/01/2009. GERE François, «Le Dialogue américano-iranien, un impératif pour résoudre les conflits au Moyen-Orient », Le Figaro, 09/01/2009. GUIBAL Claude, « L’Egypte sous le feu des critiques », Libération, 30/12/2008. MALBRUNOT Georges, « Téhéran exige l’arrêt des attaques israéliennes », Le Figaro, 03/01/2009. MINOUI Delphine, « L’Offensive israélienne renforce « l’axe du non » de Téhéran à Caracas », Le Figaro, 22/01/2009. Non signé, « Devant l’ONU, Obama se veut ferme sur la Syrie et ouvert sur l’Iran », Le Monde.fr, AFP et Reuters, 24/09/2013, http://www.leMonde.fr/proche-orient/article/2013/09/24/devant-l-onu-obama-se-veut-ferme-sur-la-syrie-et-ouvert-sur-l-iran_3483791_3218.html, consulté le 16/11/2013. Non signé, « Paris et Londres veulent accroître les sanctions européennes contre l’Iran », chronologie », Le Monde, 20/01/2009. OBERLE Thierry, « Nicolas Sarkozy prépare une tournée à risque au Proche-Orient », Le Figaro, 03/01/2009. OZ-SALZBERGER Fania, « Le Match nul du Hamas », Le Figaro, 05/01/2009. PARIS Gilles, « Les Conflits qui attendent Barack OBAMA, le bourbier israélo-palestinien », Le Monde, 20/01/2009. SFEIR Antoine, « Le Hamas veut-il se suicider ? », Le Figaro, 02/01/2009. THREARD Yves, « Que peut Sarkozy au Proche-Orient ? », Le Figaro, 02/01/2009.

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Bibliographie

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