Date post: | 21-Jul-2015 |
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Des métropoles et de leur gouvernance.
Perspectives internationales
Gilles Pinson
Professeur de science politique
Sciences Po Bordeaux, Centre Emile Durkheim
EHESS Marseille – Bibliothèque départementale des Bouches-du-Rhône – 14 janvier 2015
Introduction
• « L’agitation métropolitaine » en France…• La loi MAPTAM
• Création au 1er janvier 2015 de la Métropole de Lyon (collectivité locale à statut spéciale) et des métropoles de Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes et Strasbourg (anciennes CU) et de Grenoble, Rennes, Rouen, Montpellier et Brest (anciennes CA)
• Crispations et report au 1er janvier 2016 de la création des métropoles de Paris et de Marseille
• Aboutissement d’une silencieuse « révolution intercommunale » commencée dans les années 1990
• …et ailleurs • Relance de la création des « città metropolitane » en Italie• Débat lancinant au Royaume-Uni autour de la recréation des « metropolitan
counties »
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Introduction
• Une question ancienne• Les cités de l’âge classique à l’étroit dans leurs enceintes médiévales• Les annexions du 19e et 20e siècle• Les « métropoles d’équilibre », les OREAM et les SDAM des années 1960• Une succession de phases de réforme et de pause rythmée par l’ampleur du
processus d’urbanisation
• Pourquoi la relance actuelle ?• Un nouveau moment urbain : métropolisation, retours en villes et étalement
urbain• L’urbanisation du développement économique• La métropolisation comme politique : les métropoles comme nouveaux
champions économiques des Etats (Crouch et Le Galès)
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Introduction
• « Métropoliser », pour quoi faire ? • Rationaliser ?
• Redistribuer ?
• Rayonner ?
• « Métropoliser », comment ?• Avec des institutions métropolitaines ?
• Avec des arrangements intergouvernementaux souples ?
• Avec des projets ?
• Avec de la participation ?
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Introduction
•Plan
• 1. Une préhistoire de la métropolisation
• 2. Les formes actuelles de la métropolisation
• 3. Gouvernement et gouvernance des métropoles : 3 modèles
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1. Une préhistoire de la métropolisation
• 1.1 Desserrer• La question de la taille se pose
déjà pour la ville antique, médiévale puis classique enserrée dans ses enceintes
• Paris obligé de se débarrasser consécutivement des enceintes de la cité gallo-romaine, puis celle de Philippe Auguste, puis de celle de Charles V, puis de celles de Louis XIII, puis de celle des fermiers généraux, puis de celles de Thiers (les « fortifs » remplacées par le « périph »)
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1. Une préhistoire de la métropolisation
• 1.2 Annexer• 1850-1950 : des villes-centres annexent des communes périphériques à
l’initiative soit à leur initiative soit à l’initiative de l’Etat central• En France :
• Paris : Montmartre, La Chapelle, Grenelle• Nantes : Chantenay, Doulon• Lyon : la Guillotière, Vaise
• Ailleurs : • New York, Berlin, Vienne, Rome, Milan, etc.• Des exceptions : Londres
• La consolidation des régimes démocratiques et de la démocratie municipale enrayent le mouvement
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1. Une préhistoire de la métropolisation
• 1.3 Fusionner• 1950s-1970s : des réformes drastiques de réduction du nombre de
communes par fusion dans les pays du Nord de l’Europe
• Suède : de 2500 à 288 communes
• Danemark : suppression d’une commune sur deux
• Allemagne : de 25 000 à 8 500 communes (avant la réunification) ; repasser à 15 000 avec la réunification ; aujourd’hui 12 104 ; même phénomène pour les Kreise
• Belgique : suppression de 3 communes sur 4
• Pays-Bas : suppression d’un tiers des communes
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1. Une préhistoire de la métropolisation
• 1.3 Fusionner• 1950s-1970s : au Sud de
l’Europe, le statu quo
• Un enjeu moins saillant en Italie ou en Espagne
• Le cas français : un degré de fragmentation municipale sans équivalent au monde• L’échec de la Loi Marcellin
(1971) : 800 cas de fusions impliquant 1 900 communes
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Etat Nb communes Pop. moyenne
Taille moyenne (en km²)
Belgique 589 18 320 52
Danemark 98 56 345 440
France 36682 1 760 17
Italie 8094 7 445 37
Allemagne 12104 6 765 29
Pays-Bas 430 38 435 97
Espagne 8116 5 660 62
Suède 290 32 210 1 552
RU 406 152 200 601
1. Une préhistoire de la métropolisation
• 1.3 Fusionner• A l’origine des différences Nord-Sud
• L’héritage des conflits centre / périphéries : un enjeux moins présent au Nord ; un enjeu plus prégnant au Sud du fait d’une intégration nationale conflictuelle
• La présence des élus locaux au centre : l’opposition diamétrale entre la France (cumul des mandats, rôle du Sénat) et le Royaume-Uni (séparation nette entre les classes politiques nationale et locales)
• B. Smith : « efficiency » vs. « democracy »• Au Nord, les collectivités de base sont conçues avant tout comme des outils de
production de services > nombreuses compétences > réformes facilitées > nombre réduit d’unités
• Au Sud, les collectivités de base sont conçues comme des outils de représentation de communautés locales ou de défense contre le centre > compétences réduites > difficulté de réforme > unités nombreuses
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2. Les formes actuelles de la métropolisation
• 2.1 Des processus spatiaux
• 2.2 Une dynamique économique
• 2.3 Des configurations sociales
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2. Les formes actuelles de la métropolisation
• 2.1 Des processus spatiaux• « Métropole » : un terme utile ?
• Des usages politiques, marketing, juridiques qui privent le terme de son pouvoir descriptif et analytique
• Métropoles d’hier ; métropoles d’aujourd’hui• Des points communs
• Poids démographique• Rayonnement
• Des différences majeures• La métropole antique, classique, industrielle : dense, continue, monocentrique,
pleine, distincte de son pourtour rural, structurée par des flux massifs, des conditions d’implantation contraignantes, etc.
• La métropole contemporaine : dilatée, discontinue, polycentrique, « pleine de vides », diffuse
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2. Les formes actuelles de la métropolisation
• 2.1 Des processus spatiaux• La métropolisation entre homogénéisation et différenciation
• Homogénéisation : achèvement de l’urbanisation, dilution de l’urbain, « mort de la ville, règne de l’urbain » (Choay)
• Différenciation : logiques de polarisation, d’étirement de la hiérarchie urbaine
• Métropolisation, hypermobilité et problèmes de représentation• Laurent Devisme : « L’une des questions géographiques majeures des dernières années
renvoie au décalage qui semble de plus en plus avéré entre dynamiques des flux et capacités des formes »
• Une crise des outils de représentation graphique (et de régulation) des phénomènes spatiaux
• Une crise des outils de représentation politique classiques fondés sur l’idée de territorialité et de fixité (J. Viard : les limites de la « démocratie du sommeil)
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2. Les formes actuelles de la métropolisation
• 2.2 Une dynamique économique• Pourquoi la métropolisation alors que les moyens de s’affranchir des
distances et de la promiscuité n’ont jamais été aussi performants ?
• Globalisation, redéploiement à l’échelle mondiale de l’appareil industriel • Concentration parallèle des dispositifs de coordination dans les villes globales (S. Sassen)
• La désintégration verticale, externalisation• Des entreprises de plus en plus dépendantes des aménités et services que leur offre leur
environnement
• Les métropoles comme « assurance flexibilité » (Pierre Veltz)
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2. Les formes actuelles de la métropolisation
• 2.2 Une dynamique économique• Réduction des coûts et logistique des firmes (zéro stock, « just in time »)
• Refonte des organisations logistiques favorables aux grands « hubs »
• Logique cumulative : concentration de l’emploi dans les métropoles qui deviennent aussi des centres de consommation
• « Le paradigme relationnel » et territorial de la nouvelle économie• Post-fordisme, spécialisation flexible, séries courtes, produits différenciés
• Importance accrue de l’innovation, de l’accès à l’information, de la capacité de répondre rapidement à une demande changeante
• Rôle nouveau du face-à-face, des réseaux professionnels, des liens d’interconnaissance et de coopération (Veltz : « L’économie moderne s’appuie sur les communautés »)
• Les facteurs de compétitivité résident autant dans le territoire que dans la firme
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2. Les formes actuelles de la métropolisation
• 2.3 Des configurations sociales• La « légende sombre » de la métropolisation : éviction, dualisation, fragmentation,
enclaves…• Saskia Sassen et la société duale des « global cities » : étirement des structures des revenus,
emballement des logiques de rentes foncières, hyper-gentrification des centres• Des métropoles composées d’enclaves :
• Accroissement des inégalité de revenus + non-systématicité de la mobilité sociale ascendante + peur du déclassement + investissement symbolique dans le bien logement (et dans l’école) + climat sécuritaire + ethnicisation des rapports sociaux
• = logiques d’entre-soi ; = clubbisation (Eric Charmes) ; = « ecology of fear » (Mike Davis)
• La « légende dorée » de la métropolisation : opportunités et politiques de redistribution• Un espace d’opportunités pour les populations les moins dotées• Métropolisation et déségrégation : le cas de Bordeaux• Métropolisation et politiques de redistribution : le cas de Lyon
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3. Gouvernement et gouvernance des métropoles
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• 3.1 La solution « gouvernement » ou « Gargantua »
• 3.2 La solution « marché » ou « public choice »
• 3.3 La solution « gouvernance » ou « new regionalism »
3. Gouvernement et gouvernance des métropoles
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• 3.1 La solution « gouvernement » ou « Gargantua »• Créer des institutions métropolitaines se substituant aux collectivités de base
dans les domaines stratégiques
• Le débat étatsunien• R. Wood, 1400 Governments (1961) : l’urban sprawl a engendré une inadéquation entre
territoire fonctionnel et territoires institutionnels ; le white flight a engendré des disparités de richesses entre municipalités
• La quête du « truly bounded » (Bennett, 1989), du « correctement administré parce qu’adapté territorialement »
• La fragmentation institutionnelle, voilà l’ennemi !
3. Gouvernement et gouvernance des métropoles
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• 3.1 La solution « gouvernement » ou « Gargantua »• Des gouvernements métropolitains (Gargantuas)
• Dotés d’assemblées élues au suffrage universel direct
• Dotés d’exécutifs auxquels sont transférés les compétences stratégiques (planification, transports, réseaux, développement économique)
• Bénéficiant de ressources fiscales propres
• Les applications: un bilan maigre• Des réformes en réforme en régime autoritaire : les corporations métropolitaines de
Barcelone, Valence et Bilbao imposées par Franco
• Les villes-états ou villes-régions : Berlin, Hambourg, Brème (All), Vienne (Autriche), Bruxelles-capitale, Communauté autonome de Madrid
3. Gouvernement et gouvernance des métropoles
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• 3.1 La solution « gouvernement » ou « Gargantua »• Les applications: un bilan maigre
• Les gouvernements métropolitains directement élus : • Etats-Unis :Portland (OR), Minneapolis-Saint-Paul
• Canada : Toronto (1988 – 1998), Montréal
• Roy. Uni : Greater London Council/Authority (1965-1986 et depuis 2000) ; les 6 Metropolitan Counties (1972-86)
• Allemagne : Stuttgart (Verband Regio Stuttgart)
• Portugal : les autorités métropolitaines de Lisbonne et Porto
• Pays-Bas : création des villes-provinces par le gouvernement central
• Des difficultés dans l’application• Des réformes parfois rejetées par référendum
• Des institutions souvent sans beaucoup de compétences, confrontées aux vetos des communes
3. Gouvernement et gouvernance des métropoles
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• 3.2 La solution « marché » ou « Public Choice »• Les vertus de la fragmentation institutionnelle
• Le débat étatsunien (Tietbout, Ostrom, Warren)• Les métropoles constituent des marchés de services urbains au sein desquels les
municipalités se font concurrence
• Les « clients » (ménages, entreprises) sont mobiles et choisissent en fonction du panier de service offerts et du « best value for money »
• Les gouvernements métropolitains engendrent la gabegie et privent les clients de leur liberté de choix
3. Gouvernement et gouvernance des métropoles
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• 3.2 La solution « marché » ou « Public Choice »• Les « applications »
• La solution qui prévaut par défaut !• Le reflux des solutions « gouvernement »
dans les 1980-90’s, ère de « contre-réforme »
• Sécessionnisme municipal et « défusions »• L.A., Montréal
• L’abolition des Metropolitan Counties et du Greater London Council par le gouvernement Thatcher en 1986 et la prise en charge des enjeux de coordination par des Quangos
• L’abolition des corporations métropolitaines par la nouvelle démocratie espagnole (la pression des régions)
3. Gouvernement et gouvernance des métropoles
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• 3.2 La solution « marché » ou « Public Choice »• Des objections « qui font mal »
• Les « Gargantuas » engendrent des déséconomies d’échelle
• L’éloignement entre clients et fournisseurs de services peut engendrer une dégradation des prestations
• Les besoins de coordination peuvent être pris en charge par les fournisseurs de services
• L’éloignement des « Gargantuas » risquent de détourner les citoyens/clients de la participation
3. Gouvernement et gouvernance des métropoles
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• 3.3 La solution « gouvernance » ou « New Regionalism »• Entre le « gouvernement » et le « marché », les « réseaux », la coopération
à géométrie variable, les négociations intergouvernementales• Une critique des « Gargantuas »: technocratisme, opacité démocratique, résistance
des élus municipaux, l’illusion de l’optimum territorial
• Une critique du « Public Choice »: la négation des inégalités sociales face au « choix » et à la mobilité, la non-prise en compte des externalités négatives de la concurrence entre communes
• Des conseils, des exécutifs, des technostructures métropolitains, des ressources fiscales propres, de nombreuses compétences… mais pas de transfert de la légitimité élective des communes à la métropole• Elections des conseils métropolitains au second degré, rôle des maires dans la
décision, pas de groupes politiques au sein des conseils, etc.
3. Gouvernement et gouvernance des métropoles
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• 3.3 La solution « gouvernance » ou « New Regionalism »• Ne pas priver les composantes de base de leur souveraineté
• Assumer le caractère intergouvernemental, négocié, bricolé de la gouvernance des métropoles
• Privilégier des formes souples de coopération et de coordination qui permettent de : • Changer d’échelle en fonction des problèmes
• Ne pas léser les intérêts légitimes des parties prenantes (les communes)
• Activer des processus d’apprentissage
• Privilégier des formes délibératives de décision• Elster : « le but est d’arriver à une approximation qui marche plutôt qu’à une vérité »…
qui risque d’échouer
3. Gouvernement et gouvernance des métropoles
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• 3.3 La solution « gouvernance » ou « New Regionalism »• Ne pas faire de la question institutionnelle un préalable…
• Mobiliser au-delà de la corporation des élus : la société civile , les intérêts économiques, les organismes consulaires
• Mobiliser autour de grands projets métropolitains -projets d’aménagement d’intérêt métropolitains, grands événements- ou dans le cadre de dispositifs de prospective ou de planification stratégique (conférences métropolitaines)
• Activer des processus de recadrage cognitif et d’apprentissage
• … mais la consolidation institutionnelle reste l’objectif
3. Gouvernement et gouvernance des métropoles
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• 3.3 La solution « gouvernance » ou « New Regionalism »• Une forme-limite de gouvernance métropolitaine : la coopération
intercommunale à la française• Une forme souple de coopération qui a souvent mieux marché que les Gargantuas !
• L’origine en 1966 ; le coup d’accélérateur de la loi Chevénement (1999)
• Les EPCI ne sont pas des collectivités
• Néanmoins, ils prennent aujourd’hui en charge les compétences les plus stratégiques
• Des logiques d’apprentissage dans un cadre basé sur le volontariat
• Les points positifs : la question de la fragmentation municipale partiellement réglée, des effets d’apprentissage, l’émergence de visions collectives, des politiques de redistribution
• Les points négatifs : l’opacité démocratique, la dérive technocratique, des territoires étriqués
3. Gouvernement et gouvernance des métropoles
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• 3.3 La solution « gouvernance » ou « New Regionalism »
Conclusion
• Les effets de l’intégration métropolitaine• Faire émerger une capacité à atténuer les effets de ségrégation
• Faire émerger un projet métropolitaine permettant d’exister dans la compétition territoriale
• Les conditions de l’intégration métropolitaine• Le poids politique des intérêts de la réforme (élus nouveaux, technocratie
autonome, intérêts organisés mobilisés)
• Des alliances politiques et territoriales
• Des sociétés peu polarisées
• Des dispositifs et projets permettant l’apprentissage
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Conclusion
• Que faire lorsque ces ingrédients n’existent pas ?• Choc externe ?
• Approche évolutive ?
• La loi MAPTAM dans l’entre-deux• Le choc externe : l’imposition par l’Etat du périmètre et du calendrier
• L’approche évolutive : • L’Etat a « respecté la temporalité nécessairement longue du processus de construction
métropolitaine » (Lefèvre et al, 2013)
• La concession des « territoires »
• La loi et la métropole comme jalons parmi d’autres dans le processus de construction métropolitain
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