Examensarbete La politesse linguistique dans le français ivoirien
Une étude sur le terrain Linguistic Politeness in Ivorian French: a Minor Field Study
Författare: Linnéa Gunnarsdotter Handledare: Charlotte Lindgren Examinator: Monika Stridfeldt Ämne: Franska Kurs: Magisterexamensarbete FR3010 Poäng: 15 Betygsdatum: 2014-09-09
Högskolan Dalarna
791 88 Falun Sweden Tel 023-77 80 00
Résumé
Peu étudiée jusqu’à présent, la politesse linguistique en français de Côte d’Ivoire constitue
une nouvelle piste de découverte dans le domaine de la sociolinguistique interactionnelle. La
présente étude porte sur la langue orale authentique, enregistrée dans une pâtisserie à Abidjan
en Côte d’Ivoire. Deux catégories d’analyse sont examinées : les formes d’adresse et la
formulation de requêtes. Les résultats montrent que la politesse linguistique dans le corpus
relève de la proximité sociale et du respect de la hiérarchie. Par ailleurs, en comparant la
politesse linguistique à la pâtisserie ivoirienne en question à celle d’un corpus enregistré en
France, nous pouvons constater que les règles de politesse ne sont pas les mêmes dans ces
deux communautés discursives, même si elles partagent la même langue.
Abstract
Since little has been written about linguistic politeness in Ivory Coast French so far, this is a
new subject to explore in interactional sociolinguistics. This study is based on a corpus of
authentic oral language, recorded in a bakery in Abidjan, Ivory Coast. Two main categories
are studied: forms of address and the formulation of requests. The results show that politeness
at the Ivorian bakery is closely linked to social closeness as well as respect for the hierarchy.
Furthermore, by comparing politeness in the Ivorian material to a corpus recorded in France,
we can see that the rules of politeness are not the same in these two speech communities, even
though the same language is used.
Remerciements
Le fait de remercier les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce travail devient une
impossibilité dans une culture telle que la culture ivoirienne, où l’hospitalité n’a pas de
limites, où l’assistance n’est jamais loin et où le voisin est ton premier parent. Il faut donc
remercier Abidjan, le plus doux au monde !
Or, je tiens, malgré tout, à mentionner les noms de quelques personnes qui ont rendu ce
mémoire possible. D’abord, mon frère bien-aimé Guy Mermoz Amadou pour l’énorme
confiance qu’il m’a accordée et pour l’un des plus beaux cadeaux que l’on puisse donner : une
famille.
Ensuite, mon tuteur, grand-frère, « vieux-père » même, Drissa Komenan, et Liliane Komenan,
qui m’ont tellement gâtée de toutes les manières pour que je puisse me concentrer sur mon
travail. Je suis tombée dans de très bonnes mains.
Merci à toutes les personnes engagées dans le programme Minor Field Studies, entre autres
Susanne Corrigox et Alex Muigai. Et je suis reconnaissante d’avoir une directrice de mémoire
aussi compétente et gentille que Charlotte Lindgren et un professeur comme André Leblanc,
qui m’a encouragée à réaliser ce projet depuis que j’en ai eu l’idée, en août 2013.
Il n’aurait pas été possible d’écrire ce mémoire sans le contact et le soutien de Monsieur le
Doyen de l’UFR LLC à l’université Houphouët-Boigny, Professeur Kouadio N’Guessan, qui
m’a mise en contact avec ses assistants spécialistes en mon domaine : Docteur Aboa et
Professeur Yoro. On garde le contact ! Je suis également chanceuse d’avoir un ami comme le
doctorant Jean-Claude Dodo. L’assistance d’un linguiste spécialiste en français ivoirien et en
nouchi est beaucoup plus précieuse que tous les manuels de français que l’on peut trouver.
Je suis très très reconnaissante au patron du supermarché où j’ai eu la permission de faire
l’enregistrement du corpus, qui est anonyme pour des raisons d’éthique de recherche. Je
voudrais également donner un grand merci aux trois pâtissiers qui ont participé à
l’enregistrement, « Guillaume », « Lassiné » et « Roger ».
Merci mille fois au « corridor », mon gbonhy jusqu’à lass kalass !
Et, avant tout, après tout et surtout, merci à mon général Gbessai, pour m’avoir appris le
nouchi depuis le hamac sous le manguier.
À Brännö, le 14 août 2014. Linnéa Gunnarsdotter
Table des matières
1. Introduction .......................................................................................................................1
2. Considérations théoriques ..................................................................................................2
2.1 Études antérieures sur la politesse dans le français ivoirien ..........................................2
2.2 Le français en Côte d’Ivoire .........................................................................................3
2.3 La politesse linguistique – le reflet des mœurs dans le langage .....................................5
2.3.1 Les faces et les stratégies pour les préserver ..........................................................5
2.3.2 Formes d’adresse...................................................................................................6
2.3.3 Requêtes ...............................................................................................................7
2.4 Hypothèse ....................................................................................................................8
3. Corpus et méthodologie ......................................................................................................9
3.1 Recueil d’un corpus d’interactions verbales .................................................................9
3.1.1 Quel français à la pâtisserie ? .............................................................................. 11
3.2 Méthode d’analyse ..................................................................................................... 11
3.3 Méthode de transcription ............................................................................................ 12
3.4 Entretiens pour interpréter les données ....................................................................... 13
4. Analyse ........................................................................................................................... 14
4.1 Formes d’adresse ....................................................................................................... 14
4.1.1 Interactions avec les personnes de plus de 40 ans ................................................ 16
4.1.2 Interactions avec les personnes de moins de 40 ans ............................................. 18
4.1.3 Interactions avec les enfants ................................................................................ 19
4.2 Requêtes au pâtissier .................................................................................................. 20
4.3 Discussion et comparaison avec un corpus enregistré en France ................................. 25
5. Conclusion....................................................................................................................... 29
Bibliographie ........................................................................................................................ 30
1
1. Introduction
Dans ce mémoire sur la politesse dans la langue parlée, nous nous proposons d’inclure des
aspects sociaux et culturels de la linguistique, ce qui donne une dimension riche et fascinante
à l’analyse des faits de langage. La variété de langue étudiée sera le français ivoirien, et
comme il s’agit d’une étude sur le terrain (ang. minor field study), nous avons enregistré des
données authentiques sur place, à Abidjan, la plus grande ville de Côte d’Ivoire.
En ce qui concerne le champ de recherche de la politesse linguistique, on s’accorde
souvent sur le fait que la politesse est un phénomène universel, bien qu’elle se manifeste de
manière diversifiée à travers les cultures (cf. par exemple Brown & Levinson, 1987 : 56, 59).
Étant donné le peu d’études réalisées sur la politesse linguistique dans le français de Côte
d’Ivoire (cf. 2.1), il serait intéressant de voir comment la politesse se traduit dans le discours
des locuteurs de cette communauté discursive en particulier. En fait, il est possible de
considérer la politesse comme le reflet des valeurs qui sous-tendent la société. Ainsi, le but de
la présente étude est-il de rendre compte des manifestations de ces valeurs dans les pratiques
linguistiques en français des Ivoiriens.
Dans cette introduction, nous situons notre mémoire dans son contexte, avant de présenter,
dans la deuxième partie, le cadre théorique. Vu que l’enregistrement du corpus est étroitement
lié à la méthodologie, nous présentons ces deux aspects du travail ensemble, dans la troisième
partie. La quatrième partie porte sur l’analyse des données enregistrées et la discussion des
résultats, tandis que la cinquième partie conclut le mémoire.
La présente étude est réalisée grâce au soutien de l’Asdi, c’est-à-dire l'Agence suédoise de
coopération internationale au développement1, dont l’objectif est de contribuer à réduire la
pauvreté dans le monde, non seulement par l’aide humanitaire, mais aussi par la coopération
qui favorise le développement (Département de communication de l’Asdi, 2013). En fait, une
étape pour atteindre ce but pourrait être de tenir compte de la culture, des mœurs et de la
langue en Côte d’Ivoire, dans le processus économique. Par conséquent, l’objectif du présent
mémoire est de mettre en lumière quelques aspects sociaux du français ivoirien, langue
imposée au début par le colonialisme (Kouadio, 2007 : 69), mais qui a fini par imprégner
toutes les couches sociales en tant que langue ivoirienne, appropriée aux besoins de cette
1 La traduction officielle de Sida, Styrelsen för internationellt utvecklingssamarbete est Asdi, l’Agence suédoise
de coopération internationale au développement (Utrikesdepartementet 2013 : 28).
2
communauté linguistique (Kouamé, 2012 : 5, 13). En bref, le français a acquis au fil du temps
une fonction de « porte-voix de la société ivoirienne » (idem : 13).
2. Considérations théoriques
2.1 Études antérieures sur la politesse dans le français ivoirien
Il se trouve que peu d’études se sont intéressées à la politesse linguistique ivoirienne. C’est
d’ailleurs une des raisons pour lesquelles nous avons choisi de traiter de cette question dans ce
mémoire. À notre connaissance, il existe trois recherches antérieures, celle de Brou & Barbier
(2003), celle de Kouamé (2012) et la nôtre, Gunnarsdotter (2013).
Kouamé (2012 : 14–15) montre qu’en Côte d’Ivoire, le français est utilisé comme un outil
pour décrire la réalité sociale du pays, ce qui se manifeste, entre autres, dans les paroles de
civilité. Un exemple d’une telle expression est bonne arrivée, couramment adressée aux
visiteurs pour montrer que la porte leur est toujours ouverte. De même, les termes de parenté
en tant que formes d’adresse, par exemple Maman, Papa, Tonton ou Tantie, ne désignent pas
uniquement des personnes avec lesquelles on a un lien biologique, mais des personnes pour
qui on a du respect, ce qui correspond, d’ailleurs, aux résultats de Mulo Farenkia (2006)
concernant le français au Cameroun. Ce chercheur constate que « le locuteur camerounais
tend à traiter tout interlocuteur familier ou étranger comme un membre de la ‘famille’ » (Mulo
Farenkia, 2006). Il se peut donc qu’il y ait une certaine similitude dans l’emploi des formes
d’adresse entre la culture ivoirienne et camerounaise.
Par ailleurs, Kouamé (2012 : 15–16) donne des exemples de manifestations de la proximité
sociale, ainsi que de la déférence, au niveau des formes d’adresse. En fait, d’après
Gunnarsdotter (2013 : 51–52), il semble que ces deux valeurs se reflètent également au niveau
des formes d’adresse employées dans le langage de la télévision. À titre d’exemple, dans une
émission ivoirienne de débat, il est possible de combiner un titre respectueux avec un
prénom : Monsieur Lassiné est une telle forme (idem). En outre, il semble que la hiérarchie
sociétale se manifeste dans les stratégies discursives pour complimenter l’interlocuteur dans
les émissions étudiées. Le corpus ivoirien a été comparé à un corpus français, et il s’avère que
les locuteurs dans les émissions ivoiriennes font moins de compliments que les locuteurs dans
les émissions françaises. En même temps, ils acceptent un peu plus souvent les compliments
3
qu’on leur fait2 (idem : 56–57). Selon la théorie appliquée, ces deux phénomènes relèvent
d’un ethos, c’est-á-dire style communicatif, hiérarchique (ibid. : 18).
À cet aperçu de recherches antérieures, nous pouvons, avec Brou & Barbier (2003 : 41),
ajouter deux exemples de formules de politesse qui sont courantes en Côte d’Ivoire, à savoir
Comment ça va ? et Ça va un peu ?. Cette dernière expression est notamment appropriée non
seulement aux lois de modestie (idem) mais aussi, à notre sens, à la dure réalité de la Côte
d’Ivoire, un pays à bas revenus où il faut chaque jour trouver un moyen de continuer à vivre.
2.2 Le français en Côte d’Ivoire
Le français a été imposé en Côte d’Ivoire à l’époque coloniale, 1893–1960, et il est difficile
de nier que cette unification linguistique a été fondée sur l’idée de la supériorité de la langue
française vis-à-vis d’autres langues (Kouadio, 2007 : 70). Ainsi, pour les Ivoiriens, le français
est-il devenu un moyen « d’obtenir une place dans la société coloniale » (Aboa, 2009 : 6).
Pourtant, au fur et à mesure, cette langue a connu un processus d’ivoirisation, ce qui évoque
un sentiment de fierté chez de nombreux Ivoiriens (idem : 2).
Comme la Côte d’Ivoire est au carrefour d’une soixantaine de langues, la communauté
linguistique est fortement hétérogène (Jabet 2005 : 33). En d’autres termes, les locuteurs
ivoiriens proviennent d’une multitude d’environnements sociolinguistiques (Aboa 2013 : 13).
Ces nombreuses langues peuvent être classées en quatre grands groupes linguistiques : kwa,
kru, mandé et gur (Jabet 2005 : 34). Pourtant, aucune langue locale ne domine en tant que
langue véhiculaire, et le français a donc pris ce rôle d’outil de communication interethnique
(Aboa 2013 : 7).
Même si l’époque coloniale fait partie du passé, certaines structures coloniales ne lâchent
pas prise, par exemple les normes linguistiques selon lesquelles le français de France serait le
« bon français », tandis qui le français ivoirien serait moins bon, voire fautif. On a donc raison
de parler d’une norme exogène en Afrique francophone, c’est-à-dire la variété enseignée à
l’école qui est proche du français de France. La norme exogène s’oppose à la norme
endogène, c’est-à-dire l’usage de la plupart des locuteurs d’un pays donné (Lafage, 1999).
Ainsi peut-on, en Côte d’Ivoire, distinguer l’ivoirien cultivé comme variété exogène, du
2 En ce qui concerne les réponses aux compliments dans le corpus français : elles impliquent plus souvent un
évitement de l’auto-éloge (par exemple l’absence de réponse) que les réponses dans le corpus ivoirien, ce qui
pourrait relever d’un style communicatif égalitaire.
4
français populaire ivoirien (désormais FPI), c’est-à-dire la variété endogène (Simard, 1994 :
20). Kouadio (2007 : 79) emploie le terme français de Côte d’Ivoire pour désigner l’ensemble
des deux variétés. En Côte d’Ivoire spécifiquement, on peut aussi constater l’apparition du
phénomène nouchi, une forme d’argot créée par les jeunes déscolarisés (Kouadio, 2007 : 81).
Ces trois formes de français ont fait l’objet de plusieurs recherches, par exemple Hattiger
& Simard (1982), Simard (1994) et Kouadio (2006), pour n’en mentionner que quelques-unes.
Toutefois, dans le présent mémoire, nous ne ferons qu’une description très brève de quelques
caractéristiques des trois parlers, qui existent d’ailleurs dans un continuum (Ploog 2001 : 425),
c’est-à-dire qu’il est difficile de déterminer des critères qui distinguent nettement une variété
d’une autre.
Le FPI connaît des formes créolisées, c’est-à-dire de nouvelles règles par rapport à la
grammaire du français standard (Simard 1994 : 28), ainsi que des formes pidginisées « où le
locuteur évacue les morphèmes grammaticaux du français pour ne conserver que ses éléments
lexicaux » (idem : 27). Un exemple d’une forme pidginisée dans le FPI est l’absence de
déterminant, comme dans les exemples envoie-moi assiette creuse-là ou qui va attraper petit-
là ?3.
L’ivoirien cultivé se rapproche de la norme exogène, c’est-à-dire un français plutôt
hexagonal, tout en ayant des traits particuliers, entre autres la courbe mélodique (Simard,
1994 : 31), l’utilisation de morphèmes tonaux, c’est-à-dire des voyelles hautes et longues4
(idem : 32–33) et, à de rares occasions, l’absence de l’article défini, « à savoir que LE est
présent pour l’expression d’un contenu ‘scientifique’ et objectif et qu’il ne l’est pas pour
l’expression de son affectivité » (ibid. : 33). Dans une émission ivoirienne de débat par
exemple, il semble que l’article défini soit le plus souvent présent devant les substantifs, mais
quelques rares fois, surtout lorsqu’il s’agit d’une expression d’affectivité, il peut être absent,
comme dans les industriels seront obligés de mettre la clé sous paillasson (Gunnarsdotter,
2013 : 6).
Quant au nouchi, un phénomène qui est apparu dans les années 1980, il s’agit surtout d’un
lexique particulier, inspiré par des langues africaines (Kouadio, 2007 : 81–82), par exemple
dédja = ouvrir ou une go = une fille (Kouadio, 2006 : 181).
3 Ces exemples de l’omission de l’article défini dans le FPI viennent du cadre de notre famille. Les énoncés en
question ont été produits par des femmes pour s’adresser à plusieurs interlocuteurs à la fois. 4 Il est assez problématique de transcrire ces voyelles hautes et longues que sont les morphèmes tonaux
puisqu’un morphème « n’est pas forcément segmental, il peut consister en une intonation » (Forest, 1993 : 22).
Cette intonation est donc difficile à rendre à l’écrit dans un exemple. Toutefois, nous rendons ici l’exemple de
Simard (1994 : 33) : d’un énoncé où le morphème tonal est présent, à savoir il faut voir + c’est suicidai :re --.
Malheureusement, nous ignorons son système de transcription, malgré maintes recherches pour le trouver.
5
Ces trois formes de français ivoirien fonctionnent comme des registres, c’est-à-dire qu’un
locuteur peut maîtriser les trois registres et changer sa manière de parler selon la situation de
communication, par exemple utiliser l’ivoirien cultivé au travail, le FPI à la maison et un peu
de nouchi avec les amis, lorsqu’il se trouve dans un restaurant par exemple. À notre sens, il
est possible de considérer ces différentes variétés du français ivoirien comme des manières de
s’habiller, c’est-à-dire que pour chaque activité, il y a une tenue appropriée : par exemple le
costume de travail, la tenue de maison et la tenue de sport.
2.3 La politesse linguistique – le reflet des mœurs dans le langage
2.3.1 Les faces et les stratégies pour les préserver
Pour tous ceux qui s'intéressent à la politesse linguistique, il est presque incontournable
d'envisager la théorie de Brown & Levinson (1987), qui est la théorie dominante dans ce
domaine (Kerbrat-Oreccioni, 2000 : 21). Aussi constitue-t-elle la base de notre étude. Dans
cet ouvrage novateur, Brown & Levinson (1987) ont présenté un outil pour décrire la politesse
linguistique : une hypothèse selon laquelle toute personne est munie d’une face positive et
d’une face négative (1987 : 59). La face positive est le désir d’être aimé par les autres, tandis
que la face négative est le désir de ne pas être dérangé et d’être libre d’agir comme on le
souhaite (1987 : 61). Or, la communication verbale implique de nombreux actes de langage
qui menacent aussi bien la face positive que la face négative des interlocuteurs, entre autres la
critique, l’insulte, la requête, l’offre et la mention d’un sujet tabou (1987 : 65–67). On appelle
ces actes des Face Threatening Acts, désormais FTAs (Kerbrat-Orecchioni 2000 : 22).
Les locuteurs dits « rationnels » ont souvent recours à des stratégies de politesse qui
adoucissent les FTAs. D’un côté, nous avons les stratégies de politesse positive qui servent à
montrer que l’interlocuteur est aimé : on manifeste son approbation, on tient compte des
désirs de celui-ci et on cherche l’accord, entre autres. (Brown & Levinson, 1987 : 68, 101 ;
Kerbrat-Orecchioni, 1992 : 174–175). Un exemple d’une telle stratégie est l’utilisation de
formes d’adresse qui montrent que l’interlocuteur fait partie du même « groupe », par
exemple sister ou sweetheart (Brown & Levinson, 1987 : 107).
De l’autre côté, les stratégies de politesse négative consistent à chercher à ne pas déranger
l’interlocuteur et à le respecter. L’énoncé tu pourrais me passer le sel ? relève de la politesse
6
négative, car il est formulé de manière indirecte – la formulation directe serait passe(z)-moi le
sel (Brown & Levinson 1987 : 129 ; Kerbrat-Orecchioni 1992 : 175).
Si l’on généralise de façon extrême, on pourrait théoriquement, d’après Brown & Levinson
(1987 : 245), faire une distinction entre les cultures à politesse négative, telles que la culture
anglaise, et les cultures à politesse positive, par exemple certaines communautés en Nouvelle-
Guinée. Pourtant, les différences culturelles de comportement verbal sont des phénomènes
très complexes.
2.3.2 Formes d’adresse
Il se peut que les formes d’adresse employées dans une communauté linguistique donnée nous
fournissent des indices sur l’identité culturelle des locuteurs de cette communauté. D’abord, il
y a le choix de pronoms d’adresse, notamment le T (tu) ou le V (vous). Bien que la valeur de
ces pronoms dépende de la situation en question (et chaque situation de communication est
unique), le T peut souvent être la manifestation d’une solidarité avec l’interlocuteur, c’est-à-
dire une politesse positive (Brown & Levinson, 1987 : 107), tandis que le V serait, en général,
une manifestation de la distance interpersonnelle, ce qui implique une politesse négative
(idem : 198). En outre, un phénomène répandu à travers les cultures et les langues est que le V
adressé à une seule personne est souvent une manière de montrer le respect et les relations
hiérarchiques (Brown & Levinson, 1987 : 198 ; voir également Brown & Gilman, 1960).
Pour s’adresser à autrui, on emploie non seulement des pronoms d’adresse, mais aussi des
formes nominales d’adresse (désormais FNA), par exemple Madame, Docteur ou chéri(e). À
cet égard, Kerbrat-Orecchioni (2010 : 9–11) fait remarquer une distinction pertinente : d’une
part les cultures où l’on préfère l’égalité et la distance (par exemple en France), et d’autre part
les cultures où dominent la hiérarchie et la proximité/l’affectivité (par exemple en Tunisie, au
Liban et en Syrie). Dans ce premier contexte culturel, il y a une préférence pour l’emploi
symétrique des FNA, par exemple Madame/Monsieur réciproque, alors que l’emploi
dissymétrique est fréquent dans les cultures de hiérarchie. Le contexte arabophone en question
connaît également des termes qui expriment la solidarité et la familiarité, par exemple mon
frère, Maman ou ami de toujours (idem : 10).
7
2.3.3 Requêtes
Par requête, nous entendons une « demande », verbale ou écrite, c’est-à-dire le fait de faire
connaître à l’interlocuteur ce que l’on veut obtenir de lui (Grand Robert, sous requête et
demande), par exemple que celui-ci rende un service à quelqu’un, ou qu’il donne quelque
chose à quelqu’un. La requête est « un acte de langage particulièrement intéressant par la
variété de ses réalisations, et la richesse de ses implications sociales » (Kerbrat-Orecchioni,
1994 : 40). En fait, Brown & Levinson (1987 : 65–66) considèrent la requête comme un FTA
(cf. 2.3.1). Toutefois, il semble que cet acte de langage soit moins menaçant dans certaines
cultures, par exemple chez l’ethnie igbo au Nigeria :
Like notions of face, notions of imposition are culture-specific. In a culture where individuals are seen as isolated islands, where the primary goal of every individual is to satisfy his/her personal needs and to maximize his/her personal comfort (with little regard to other people except to avoid infringing on their rights!), every act that brings one in contact with other people might be regarded as an imposition, an invasion of alter’s [sic] private world or domain. However, in the Igbo culture, where gregariousness rather than atomistic individualism is the norm, where people are still to a large extent their ‘brother’s keepers’, very few acts are considered as impositions. Igbo hospitality and regard for the collective good rather than for the self make such acts as requests [nos italiques], offers, thanking and criticisms, which elsewhere might be regarded as imposing on either the speaker or the hearer, routine occurrences bereft of any imposition. (Nwoye, 1992 : 316)
En d’autres termes, dans cette communauté ouest-africaine, la requête n’est pas généralement
considérée comme une menace.
Selon la terminologie de Traverso (2001 : 25), nous distinguons six catégories de requêtes :
1. Impératif non adouci, par exemple donnez-moi une baguette.
2. Impératif adouci, comme donnez-moi une baguette s’il vous plaît.
3. Formulation elliptique non adoucie, par exemple une baguette.
4. Formulation elliptique adoucie : une baguette s’il vous plaît.
5. Formulation indirecte : l’assertion d’un désir : je veux/voulais/voudrais/aurais voulu
une baguette, ou bien je vais prendre une baguette.
6. Formulation indirecte : question sur la possibilité de réussite de l’acte de langage :
vous avez des baguettes ?.
De plus, nous ajoutons, avec Brown & Levinson (1987 : 191), une septième catégorie, à
savoir :
7. Le discours impersonnel : (il) faut donner une baguette.
8
2.4 Hypothèse
Bien que la politesse en Côte d’Ivoire soit un sujet encore peu étudié (cf. 2.1), il semble
probable que la société ivoirienne fasse partie des cultures de hiérarchie et de proximité
sociale (cf. 2.1, 2.3.2 et 2.3.3). Notre hypothèse est également que cette hiérarchie s’est
établie en fonction de l’âge, du sexe et du statut socioprofessionnel des individus, de la même
manière que la hiérarchie au Cameroun (cf. Mulo Farenkia, 2007 : 14 ; Burrow, 2007 : 69).
Ainsi est-il probable que le respect se reflète dans le comportement verbal de notre corpus. En
même temps, nous pouvons prévoir que les valeurs de solidarité et de familiarité se
manifesteront dans le choix des formes d’adresse, ainsi que dans les formulations des
requêtes. En effet, en ce qui concerne le fonctionnement des requêtes, il se peut qu’il y ait des
similitudes entre la culture igbo (cf. 2.3.3) et la culture ivoirienne. En bref, il y a un proverbe
africain qui pourrait résumer notre hypothèse, à savoir : certes, « [l]es moutons se promènent
ensemble mais ils n’ont pas le même prix » (Kouamé 2012 : 22).
9
3. Corpus et méthodologie
3.1 Recueil d’un corpus d’interactions verbales
Afin d’entamer cette étude sur le terrain, nous avons choisi de faire un enregistrement de la
langue authentique en situation de communication. Cette méthode permet effectivement de
rendre compte de l’utilisation réelle de la langue, ce qui pourrait être un avantage par rapport
aux méthodes telles que l’enquête par questionnaire par exemple, qui est un outil pour
connaître ce que les locuteurs imaginent dire dans différentes situations (cf. Isosävi, 2010 :
10). En fait, il se peut que ce que l’on imagine dire ne corresponde pas toujours à ce que l’on
dit réellement dans la situation de communication (Kerbrat-Orecchioni, 2005 : 29).
Étant donné que l’hypothèse de la présente étude est que la manière de s’adresser à autrui
varie selon l’âge, le sexe et le statut socio-économique des locuteurs (cf. 2.4), nous avons
choisi la pâtisserie comme lieu d’enregistrement du corpus. En effet, les clients de la
pâtisserie sont de couches sociales différentes : un directeur de bureau de Poste peut y venir
pour faire des achats aussi bien qu’une jeune vendeuse, ou un enfant. Par conséquent, les
interactions verbales à la pâtisserie constituent, à notre sens, un échantillon convenable pour
étudier la politesse linguistique, qui est probablement un phénomène qui relève de la
hiérarchie sociale, du moins dans une société telle que la société ivoirienne. À cause du cadre
restreint du présent travail, notre corpus se limite à 50 interactions dans une pâtisserie à
Abidjan, enregistrées en mars 2014 dans la commune de Yopougon. En effet, Yopougon nous
semble être un bon choix de lieu d’enregistrement, vu que cette commune est connue pour sa
propagation du FPI (cf. Kouakou, 1997 ; Ilupeju, 2012). Le fait de travailler sur un corpus
homogène et délimité (mais hétérogène en ce qui concerne la clientèle) peut nous permettre
d’analyser les données de manière quantitative, tout en intégrant certains éléments qualitatifs.
Comme toute méthode, l’enregistrement de données authentiques présente non seulement
des avantages, mais aussi des inconvénients. Il faut notamment prendre en compte le
phénomène que Labov (1972 : 209) décrit comme le paradoxe de l’observateur, c’est-à-dire
que le but de la recherche en linguistique est de décrire comment les locuteurs s’expriment
lorsqu’ils ne sont pas observés – cependant, la seule manière de faire cette description est de
les observer. Par ailleurs, il est important de respecter les principes d’éthique pour la conduite
de la recherche, c’est-à-dire qu’il faut obtenir le consentement des locuteurs afin d’utiliser
10
l’enregistrement, même s’ils sont anonymes, et il faut également les informer de l’objectif du
projet de recherche (Patel & Davidson, 2011 : 63).
Dans le but de surmonter ces problèmes méthodologiques, nous avons pris le rôle
d’observateur non participant (cf. Patel & Davidson, 2011 : 99), bien visible à côté du
microphone de l’enregistreur. Nous avons d’abord informé les locuteurs par une notification
écrite qu’il y avait un enregistrement en cours pour une étude en linguistique. Cependant, à
l’instar de Jabet (2005 : 64), nous n’avons pas révélé que le sujet de l’étude était
spécifiquement la politesse linguistique, afin de ne pas trop interférer avec le comportement
verbal des locuteurs (cf. Patel & Davidson, 2011 : 99). Après chaque échange, c’est-à-dire
chaque achat de pain ou de pâtisseries, nous avons donné au locuteur en question des
informations plus précises sur l’étude. Quelques-uns n’ont pas voulu participer, ce que nous
avons évidemment respecté, mais la grande majorité des locuteurs nous a donné leur
consentement à une participation. Nous avons alors demandé leur tranche d’âge, leur métier,
leur ethnie et leur relation interpersonnelle avec le pâtissier (c’est-à-dire s’ils étaient des
clients habitués ou non).
Certes, nous avons participé à la situation sociale en général lors de l’enregistrement, mais
nous n’avons pas participé en tant que locutrice aux interactions verbales entre les clients et le
pâtissier. Dans le cas où le client a posé des questions sur le sujet spécifique de l’étude avant
l’échange commercial, nous l’avons encouragé à faire son achat d’abord, et nous avons
expliqué les détails concernant l’étude après l’interaction. En effet, il se pourrait que cette
méthode permette, d’une certaine mesure, d’échapper au paradoxe de l’observateur. De plus,
il est évident que pour les locuteurs, le but principal des interactions était de faire des achats
dans un contexte social, plutôt que de faire un enregistrement pour une étude en linguistique.
Or, en même temps, il est possible que le langage des locuteurs de notre corpus soit plus ou
moins perturbé par le fait que nous étions présente dans la situation sociale, en tant
qu’Européenne. En effet, certains linguistes ivoiriens ont remarqué, en écoutant notre
enregistrement, que plusieurs locuteurs enregistrés ont utilisé un français plus hexagonal que
ce qui serait « normal » dans la situation de communication, sans doute à cause de notre
présence. Ce phénomène relève aussi de la politesse : on ne cherche pas normalement à
exclure l’étranger de la conversation. Quoi qu’il en soit, cette perturbation n’est pas
nécessairement un désavantage, car cela nous permet d’étudier les stratégies de politesse
typiquement ivoiriennes/africaines qui perdurent malgré cette influence interculturelle.
Les locuteurs sont anonymes, et les trois pâtissiers enregistrés ont donc des noms fictifs
dans ce mémoire : « Guillaume », 26 ans, « Lassiné », 35 ans, et « Roger », 34 ans. Pendant
11
les enregistrements, le pâtissier était toujours seul derrière le comptoir. Comme nous l’avons
vu sous 3.1, nous connaissons également la tranche d’âge, le sexe, le métier et l’ethnie5 de
chaque client.
3.1.1 Quel français à la pâtisserie ?
Comme nous l’avons vu sous la section 2.2.3, les différentes variétés du français ivoirien
existent dans un continuum, et par conséquent, le langage employé à la pâtisserie est
probablement influencé par plusieurs variétés du français de Côte d’Ivoire, surtout le FPI. À
titre d’exemple, un énoncé d’un dirigeant de bureau de poste pour s’adresser au pâtissier est
donne pain au raisin-là (interaction 8), c’est-à-dire sans le déterminant le, ce qui est typique
pour le FPI (cf. 2.2.3). À notre sens, cet énoncé est un bon exemple d’un locuteur qui maîtrise
sans aucun doute l’ivoirien cultivé, mais qui choisit de s’adresser au pâtissier en FPI, parce
que ce langage est convenable dans la situation de communication.
3.2 Méthode d’analyse
Comme point de départ pour analyser le corpus, nous retenons certains procédés
méthodologiques du Groupe de Recherche sur les Interactions Communicatives à Lyon (cf.
Kerbrat-Orecchioni, 2000 ; Traverso, 2001), qui a travaillé sur les interactions dans de petits
commerces. Ainsi nous intéressons-nous aux « rôles contractuels » des clients et des vendeurs
(cf. Traverso, 2001), ce qui présuppose l’existence d’un script6 (2001 : 13), qui influence la
réalisation des requêtes (2001 : 24), ainsi que les formes d’adresse (Kerbrat-Orecchioni 2010 :
13).
Toutefois, dans la méthode proposée par Traverso (2001), le statut socio-économique des
clients et des vendeurs n’est pas pris en compte de manière spécifique, ce qui poserait des
problèmes lors de l’interprétation de la politesse dans le contexte culturel ivoirien, où il est
5 Un locuteur a évité de préciser son ethnie, car selon lui, le fait de focaliser sur l’ethnie pourrait créer de
mauvaises tensions dans la société. 6 Dans le cadre de l’analyse interactionnelle, on emploie le terme script pour désigner les règles tacites du
déroulement d’un certain genre de l’oral. Ce terme est surtout utilisé pour décrire les interactions « de service »,
par exemple le script du restaurant (Kerbrat-Orecchioni & Traverso, 2004 : 47).
12
probable que la manière de s’adresser à quelqu’un dépend fortement de sa place dans la
hiérarchie sociale. Par conséquent, afin de tester notre hypothèse (cf. 2.4), les échanges seront
classés en différentes catégories d’analyse selon l’âge et le sexe des locuteurs, selon une
approche sociolinguistique (cf. Lagerholm, 2005 : 66). Le métier du client sera pris en compte
de manière qualitative dans certains exemples où cet aspect semble pertinent, mais non pas de
manière quantitative, à cause des délimitations du présent travail.
3.3 Méthode de transcription
L’objectif de la transcription étant d’analyser la politesse linguistique, nous trouvons
convenable d’utiliser une transcription orthographique, c’est-à-dire une transcription qui ne
s’éloigne pas beaucoup de l’écriture usuelle (Gadet, 1997 : 30). Pourtant, la transcription suit
également certaines conventions proposées par Traverso (2001 : 14) :
- Nous n’indiquons pas le début et la fin des phrases syntaxiques avec des majuscules
ou des points.
- Les rires et d’autres productions vocales apparaissent entre parenthèses, par exemple
(rire) ou (raclement de gorge).
- Les chevauchements sont encadrés par des crochets [ ] dans les deux tours.
- Une pause courte d’un locuteur, de moins d’une seconde environ, est indiquée par un
point (.), tandis qu’une pause longue, par exemple le temps que le pâtissier met pour
donner la monnaie au client, est indiquée par (pause).
- L’allongement d’un son est marqué par deux points (:) (cf. Traverso 2001 : 14). Ainsi
y a-t-il une distinction entre l’interjection hein, sans allongement, et le hein: prolongé.
Il se peut que cette dernière interjection soit typiquement ivoirienne/africaine,
exprimant l’accord (plus ou moins comme un oui), par exemple A : vous voulez deux
croissants ? B : hein:.
- D’autres interjections sont transcrites, à l’instar du groupe ICOR (2013), de manière
suivante : ah, bè, ben, eh, euh, hum, mm, oh et oh la la.
- Lorsque l’intonation et le contexte indiquent qu’un énoncé est une question, cet
énoncé est suivi d’un point d’interrogation, par exemple vous voulez deux baguettes ?
(cf. Kerbrat-Orecchioni, 2000 : 31).
- Le discours inaudible est marqué par (inaud.).
13
- Les segments dont la transcription est incertaine apparaissent entre parenthèses
simples (cf. Groupe ICOR 2013).
3.4 Entretiens pour interpréter les données
Après avoir analysé notre corpus, il est nécessaire d’interpréter les résultats, pour ainsi tester
l’hypothèse présentée sous la section 2.4. Cependant, en tant qu’étudiante suédoise, nous
venons d’une culture qui est très différente de la culture ivoirienne, et ainsi nous a-t-il fallu de
l’aide pour comprendre la conception de la politesse dans ce pays. En effet, une formule qui
est conçue comme polie en Côte d’Ivoire pourrait être impolie en Suède, ou bien en France, et
inversement.
Par conséquent, nous avons mené des entretiens avec le linguiste ivoirien Jean-Claude
Dodo, doctorant, 32 ans, ainsi qu’avec les deux pâtissiers « Guillaume » et « Lassiné »,
présentés sous la section 3.1.2, car ces derniers ont été des locuteurs dans la plupart des
échanges du corpus. Ils nous ont expliqué leur représentation de la politesse « à l’ivoirienne »
en général, et nous leur avons également montré des exemples spécifiques tirés de
l’enregistrement, afin de poser des questions sur l’interprétation des formes d’adresse (cf.
2.3.2) et des requêtes (cf. 2.3.3), par exemple « la formulation de la requête X/la forme
d’adresse X dans tel et tel contexte, est-ce que c’est poli, neutre ou impoli ? ».
14
4. Analyse
En ce qui concerne les relations sociales entre les locuteurs du corpus en général, la grande
majorité des clients viennent souvent à la pâtisserie en question ; ils sont donc des habitués.
Par conséquent, ils rencontrent certes le pâtissier régulièrement, pourtant dans le cadre de
l’échange commercial, ce qui prescrit certains rôles relatifs à ce cadre en particulier, ainsi
qu’un certain script (cf. 3.2).
4.1 Formes d’adresse
L’analyse des formes d’adresse du corpus nous permet de présenter les résultats globaux dans
le tableau 1 ci-dessous, où l’âge et le sexe de chaque client sont indiqués, de même que les
formes d’adresse employées pendant l’interaction verbale. Une tendance qui concerne tous les
groupes d’âge est que les formes nominales d’adresse sont plus importantes lorsque le
pâtissier s’adresse au client mais non pas à l’envers, car celui-ci utilise une FNA dans 60 %
des échanges, tandis que le client ne l’utilise que dans 12 % des interactions du corpus. Il
semble donc que le script oblige le pâtissier à utiliser une FNA plus souvent que le client. Les
pâtissiers confirment dans les entretiens que dans cette situation de service, « le client est le
roi » et par conséquent, c’est surtout à lui qu’il faut manifester de l’attention et du respect, et
non pas vice versa.
Par ailleurs, nous pouvons noter que les locuteurs n’ont pas toujours besoin d’employer des
pronoms d’adresse lors des échanges. Pourtant, le plus souvent, du moins l’un des
interlocuteurs utilise quelque forme d’adresse dans l’interaction.
15
Numéro
de
l’exemple
Âge Sexe Pronom
d’adresse
au client
Pronom
d’adresse
au pâtissier
FNA au
client
FNA au
pâtissier
1 74 F V T Maman -
2 62 F - T Maman chéri
3 60+ F - - Madame -
4 50+ F - T Madame -
5 42 F - - Madame -
6 78 M - - Papa -
7 70+ M - T Monsieur -
8 50+ M - T Papa -
9 56 M - - Monsieur -
10 52 M - T Monsieur -
11 40+ M - T Monsieur -
12 40+ M - - Monsieur -
13 40+ M - T - mon frère
14 40+ M - V pluriel Monsieur -
15 30+ F - - Madame -
16 31 F V - Madame -
17 34 F - - Madame -
18 35 F - - Madame -
19 38 F - - Madame -
20 34 F - T - -
21 30+ F - - Madame Monsieur
22 32 F V - Madame -
23 35 F - - Madame -
24 30+ F T T - -
25 25 F - - - -
26 27 F - T - -
27 20+ F V T - -
28 23 F - T - Monsieur
29 25 F - V - -
30 23 F V - Madame -
31 26 F - - - -
32 27 F V pluriel - - -
33 22 F - - - -
16
34 26 F - - - -
35 18 F - - chérie -
36 34 M - - - -
37 32 M - T Monsieur -
38 30+ M - - Monsieur -
39 35 M - T Monsieur -
40 36 M V T - -
41 34 M - - Monsieur Monsieur
42 35 M - - - -
43 35 M V T - -
44 30+ M V - Monsieur -
45 30+ M - - Monsieur -
46 28 M - V Monsieur -
47 21 M - T - -
48 28 M T V pluriel - -
49 enfant M - - - -
50 enfant F - - Tonton
Tableau 1. Emploi de formes d’adresse dans le corpus. Le symbole (-) indique qu’il n’y a aucune occurrence de la forme en question. Le symbole (+) concerne l’âge des locuteurs et indique, par exemple dans le cas de 30+, que le locuteur a entre 30 et 40 ans.
4.1.1 Interactions avec les personnes de plus de 40 ans
Les locuteurs dans les exemples (1) à (14) dans le tableau 1 ont tous plus de 40 ans. Si nous
examinons ce tableau, il s’avère que le pâtissier emploie plus souvent une FNA lorsque le
client a plus de 40 ans que lorsque celui-ci a moins de 40 ans : effectivement, les FNA
adressées aux clients sont présentes dans 93 % des conversations avec les personnes de plus
de 40 ans, mais seulement dans 50 % des conversations avec les adultes qui ont moins de 40
ans. En fait, les FNA comme Monsieur peuvent être utilisées dans le but de montrer que
l’interlocuteur est hiérarchiquement supérieur au locuteur (Perret 1970 : 113), et
effectivement, les pâtissiers « Guillaume » et « Lassiné » confirment dans les entretiens que
les FNA sont importantes pour être poli envers les personnes d’un certain âge. Selon eux, il
serait par exemple impoli de saluer un homme d’environ 50 ans, dirigeant de bureau de Poste,
17
par un bonsoir simplement. Dans le corpus, ce client en question est adressé par bonsoir Papa
(interaction 8). Les mots des pâtissiers eux-mêmes expliquent bien le fonctionnement de cette
politesse :
Guillaume : « bonsoir » c’est ce sera impoli (.) une personne plus âgée
Lassiné : « bonsoir Monsieur »
Guillaume : ouais ce sera impoli (.) « bonsoir Monsieur » se serait pas impoli (.) mais le fait de
dire « bonsoir Papa » chez nous c’est c’est une manière de le respecter encore doublement (.)
c’est-à-dire lui montrer à quel point euh je le considère un peu (Entretien C 02:34 –02:49)
En d’autres termes, les FNA comme Papa fonctionnent comme des stratégies de politesse
pour s’adresser aux personnes de plus de 40 ans. L’importance de l’emploi d’une FNA
augmente avec l’âge et peut-être aussi avec le statut social du client. En outre, comme le
remarque Kouamé (2012 : 15), les FNA Maman et Papa sont une marque de déférence, non
seulement lorsqu’elles sont adressées aux parents biologiques, mais aussi adressées à toute
personne qui pourrait avoir l’âge des parents du locuteur. Cette marque de déférence est
présente dans l’interaction suivante, avec une femme de 62 ans (interaction 2 dans le tableau
1) :
(2) P : bonjour Maman C : bonjour (.) je veux mes deux pains mais j’ai dix mille P : pardon ? C : deux pains au chocolat mais j’ai dix mille P : (rire) C : (rire) (inaud.) y a rien dans ta caisse-là y a rien dans ta caisse-là (pause) oh c’est parti le vent-là7 eh (rire) le vent-là merci (pause) C : voilà merci chéri P : ouais de rien (5 mars matin 2, 00:27–01:21)
Ici, la cliente emploie la FNA chéri, tandis que le pâtissier appelle la cliente Maman. Notons
en outre que le pâtissier évite les pronoms d’adresse pour parler avec la cliente, mais celle-ci
le tutoie à son tour. En effet, lorsque les interactions contiennent des pronoms d’adresse, le
pâtissier est toujours tutoyé par les locuteurs qui ont plus de 40 ans, tandis que lui-même évite
systématiquement les pronoms d’adresse aux personnes de cet âge, sauf dans l’interaction (1)
(cf. le tableau 1).
7 Le vent fait tomber le billet de la cliente.
18
4.1.2 Interactions avec les personnes de moins de 40 ans
Comme le montre le tableau 1 qui se trouve au début de cette section 4.1, la majorité des
clients sont des adultes de moins de 40 ans, dans les interactions (15) à (48). Nous avons déjà
mentionné, sous 4.1.1, que le pâtissier utilise une FNA pour s’adresser à ces personnes dans
50 % des cas. De ce fait, nous pouvons constater que certes, les FNA comme Madame ne
constituent pas un élément indispensable dans les conversations avec ceux qui ont moins de
40 ans de notre corpus, mais ils sont très souvent présents malgré tout, même à un homme qui
n’a que 28 ans, adressé par Monsieur dans l’interaction (46), ce qui est présenté dans le
tableau 1.
Quant aux pronoms d’adresse, et aux formes d’adresse en général d’ailleurs, il est difficile
de remarquer suffisamment de fois que chaque situation de communication est unique et que
de nombreux facteurs jouent un rôle dans le choix de formes d’adresse. Prenons l’exemple de
l’interaction (27) où la cliente n’a certes qu’environ 20 ans, mais elle n’a pas fait un achat à la
pâtisserie depuis longtemps, ce qui augmente le facteur distance. La distance interpersonnelle
pourrait être une des raisons pour lesquelles la cliente est vouvoyée (cf. 2.3.2) dans cette
conversation. Encore un facteur qui devrait influencer les pronoms d’adresse dans
l’interaction (27) est le principe que « le client est le roi » (cf. 4.1), car la cliente qui est
vouvoyée tutoie le pâtissier à son tour. Voici l’interaction en question ci-dessous, qui est aussi
un exemple de l’importance de plaisanteries et d’ambiance joviale dans la culture ivoirienne :
(27) C : la baguette est maintenant à cent cinquante ? P : ouais c’est qu’il y a longtemps que vous n’avez pas fait un achat chez nous C : (rire) tourne j’vais voir P : y a y a pain complet deux cent hein ça c’est bon [aussi] C : [non] je veux pas pain complet P : ah bon vous n’aimez pas ça ? C : mais je veux une baguette y a monnaie P : à cause de tout ça j’ai dit de prendre pain complet-là8
C : t’as pas monnaie mais j’ai deux cent je vais te donner deux cent or demain matin pour faire la quête ça va chauffer P : mais faut donner cinq cent ça fait quoi ? C : tu vas faire monnaie (.) ah à la quête quoi ? P : oui C : hum Dieu même sais que ça va pas (.) attends j’vais voir (.) oui (.) faut le casser en deux est trop long (4 mars soir 20, 01:35–02:16)
La « quête » dont il s’agit dans cet extrait est la quête à l’église, ce qui montre comment
l’humour peut jouer un rôle dans le fonctionnement de la politesse. La cliente plaisante en
8 En effet, le pâtissier n’a pas suffisamment de monnaie.
19
effet en disant qu’elle utilisera la monnaie collectée à la quête pour faire de la monnaie au
pâtissier.
Notons également l’absence de FNA dans l’interaction. En effet, les deux locuteurs sont
jeunes, dans leur vingtaine, ce qui contribue sans doute d’une certaine mesure à l’absence de
FNA. De plus, le pâtissier évite le pronom d’adresse dans l’énoncé à cause de tout ça j’ai dit
de prendre pain complet-là. Ceci pourrait s’expliquer par les nombreux facteurs
contradictoires qui ont une influence sur le choix de pronom d’adresse. D’abord, il y a
longtemps que la cliente n’est pas venue à la pâtisserie, ce qui augmente le facteur de distance
(cf. 2.3.2). Ensuite, comme nous l’avons mentionné, les locuteurs sont jeunes tous les deux, et
il se pourrait que les jeunes locuteurs aient tendance à se tutoyer dans une plus grande mesure
que les locuteurs plus âgés (Clyne et alii, 2009 : 40). Enfin, dans ce contexte en particulier, le
pâtissier est en fait « au service » de la cliente, ce qui pourrait augmenter le facteur de
hiérarchie (cf. 2.3.2). D’autres facteurs pourraient également influer les pronoms d’adresse
employés. En bref, le choix de pronom d’adresse n’est pas évident, ce qui pourrait motiver
l’évitement de pronom d’adresse de la part du pâtissier.
Il arrive 2 fois sur 34 que le pâtissier est vouvoyé par un locuteur de moins de 40 ans ; les
deux fois il s’agit de « Lassiné » qui a 35 ans et non pas « Guillaume » qui a 26 ans. Les
clients, de leur côté, sont vouvoyés plus souvent qu’ils sont tutoyés (cf. tableau 1).
4.1.3 Interactions avec les enfants
Certes, dans la culture ivoirienne, il est important de bien s’occuper des enfants, mais en
même temps, il faut que les enfants sachent quelle est leur place, c’est-à-dire en bas de la
hiérarchie. Il semble que ces conditions créent une culture verbale où l’on a tendance à
montrer à tout enfant qu’il est aimé, mais que c’est lui qui doit le respect à la personne adulte,
et non pas à l’inverse. Dans deux interactions de notre corpus, (49) et (50), le client est un
enfant, et dans ces deux cas, le pâtissier ne le salue pas par un bonjour/bonsoir, mais par un
oui. Effectivement, ce n’est pas le pâtissier qui doit manifester sa déférence à l’enfant : la
relation contraire s’applique ici. Ceci n’empêche pas que l’on puisse s’adresser à l’enfant de
manière chaleureuse et aimable, par exemple en demandant comment l’enfant va ou en
utilisant des FNA comme chéri(e). L’extrait suivant illustre ces faits.
20
(50) C : bonsoir Tonton P : oui comment tu vas ? C : ah Tonton (.) où est le pain cinquante cinquante là ? P : non non c’est fini C : j’veux pain cent francs Autre cliente : bonsoir P : c’est cent cinquante [À l’autre cliente :] bonsoir Madame L’autre cliente : je veux un pain P : une baguette (pause) L’autre cliente : merci bonne soirée (11 mars soir 22, 00:00–00:30)
La relations hiérarchiques sont non seulement exprimées par la salutation (bonsoir versus oui)
et par la FNA Tonton, mais aussi par le comportement en général, car l’interaction ci-dessus
est interrompue lorsqu’une cliente adulte vient au guichet. Quand ce client adulte arrive,
l’enfant, hiérarchiquement inférieur, est obligé d’attendre son tour d’être servi. Traverso
(2001) explique ce fonctionnement de la « file d’attente » dans la citation ci-dessous, au sujet
de commerces tunisiens.
Lorsque ce n’est pas le principe, admis sinon respecté, de la file d’attente qui régit l’ordre de passage des clients, différents facteurs sont susceptibles d’expliquer son fonctionnement, parmi lesquels on pourrait s’attacher à observer par exemple la prééminence de l’âge de la relation interpersonnelle entre le client et le vendeur, de la position sociale du client [...] (Traverso, 2001 : 15)
En résumé, nous pouvons constater que dans les matériaux examinés, les formes d’adresse
et la manière de s’adresser à autrui dépendent de l’âge et du sexe de l’interlocuteur. À titre
d’exemple, les pâtissiers accordent beaucoup plus de respect aux personnes âgées qu’aux
enfants. Les FNA Madame/Monsieur ou Papa/Maman aux clients les plus âgés apparaissent
le plus souvent lorsque le client a plus de 40 ans. En outre, le pâtissier est tutoyé dans la
majorité des échanges, tandis que les clients sont vouvoyés dans la majorité des cas, ce qui
pourrait également être dû à la situation de service en question, où « le client est le roi ». De
plus, les relations hiérarchiques se manifestent clairement dans les deux interactions avec des
enfants dans notre corpus.
4.2 Requêtes au pâtissier
Il n’est guère étonnant que la plupart des requêtes soient adressées au pâtissier et non pas aux
clients dans ces interactions de service, où le script interactionnel (cf. 3.2) prescrit que le
client demande au vendeur de lui donner quelque chose. Certes, le pâtissier réclame
également de l’argent pour son produit, mais les prix sont fixes et affichés sur des pancartes.
21
De plus, la plupart des clients sont des habitués qui connaissent les prix (cf. 4 infra). Par
conséquent, il arrive souvent que le client paie sans que le pâtissier ait besoin de formuler une
requête. Nous nous concentrons donc sur les requêtes adressées au pâtissier dans cette section
du mémoire.
Au vu du cadre théorique (cf. 2.3) et de la méthode d’analyse (cf. 3.2) nous avons classé
toutes les requêtes du corpus adressées au pâtissier (99 requêtes) selon les sept catégories
présentées sous 2.3.3. Commençons par une vue d’ensemble de ces requêtes, dans le tableau 2
ci-dessous.
Catégorie Nombre d’occurrences
1. Impératif non adouci 15
2. Impératif adouci 0
3. Formulation elliptique non adoucie 29
4. Formulation elliptique adoucie 2
5. Formulation indirecte : l’assertion d’un désir 28
6. Formulation indirecte : question sur la
possibilité de réussite
14
7. Discours impersonnel 11
Au total : 99 Tableau 2. Formulation des requêtes au pâtissier, selon le modèle présenté sous 2.3.3. Il n’est pas nécessaire d’indiquer le pourcentage de chaque catégorie ici, puisque le nombre de requêtes s’élève à 99 (par hasard). Le nombre d’occurrences correspond donc à peu près au pourcentage.
La formulation la plus courante est donc l’ellipse non adoucie, telle que l’énoncé une
baguette. L’interaction (30) nous fournit un exemple de ce type de requête.
(30) C : bonsoir P : bonsoir Madame C : deux pains au chocolat P : c’est pas encore prêt pour l’instant c’est raisin et croissant que est C : mais y a un qui est déjà prêt non ? P : ça c’est pour compléter pour C : ah pour compléter (.) bon faut donner deux croissants (pause) P : votre reçu (5 mars soir 15, 01:18–01:51)
L’énoncé deux pains au chocolat, qui appartient à la troisième catégorie de requêtes (cf.
tableau 2) est un FTA selon la théorie brown-levinsonienne, puisque cet acte est une requête
(cf. 2.3.3). Cependant, ce FTA n’est pas atténué par le biais de stratégies de politesse, comme
par exemple la formule s’il vous plaît. Le fait que cette formulation elliptique non adoucie est
la plus fréquente dans notre corpus soutient l’hypothèse de la présente étude (cf. 2.4), c’est-à-
dire que le comportement verbal par rapport aux requêtes dans la culture ivoirienne ressemble
22
au comportement verbal dans la culture igbo (cf. 2.3.3). Ainsi semble-t-il que les requêtes ne
soient pas très menaçants dans la communauté discursive qui fait l’objet de notre étude, du
moins pas à la pâtisserie où nous avons fait l’enregistrement. En effet, dans une culture où
prédominent la solidarité et la vie en groupe, les requêtes ne sont pas toujours considérées
comme des impositions (cf. Nwoye, 1992 : 316).
Par contre, le tableau 2 montre également que les requêtes sous forme d’assertions d’un
désir, par exemple je veux une baguette, sont presque aussi importantes que les ellipses non
adoucies. Pourtant, nous avons remarqué que cette formulation est plus fréquente chez les
femmes que chez les hommes, ce que les tableaux 3 et 4 ci-dessous indiquent. Le tableau 3
concerne les hommes adultes et le tableau 4 concerne les femmes adultes.
Catégorie Nombre d’occurrences %
1. Impératif non adouci 11 24%
2. Impératif adouci 0 0%
3. Formulation elliptique non adoucie
12 26%
4. Formulation elliptique
adoucie
0 0%
5. Formulation indirecte : l’assertion d’un désir
8 18%
6. Formulation indirecte :
question sur la possibilité de réussite
9 20%
7. Discours impersonnel 5 11%
Au total : 45 Tableau 3. Formulation des requêtes au pâtissier par les hommes adultes, selon le modèle présenté sous 2.3.3. Pour faciliter l’intelligibilité, nous avons arrondi les pourcentages aux nombres entiers.
Comme l’indique le tableau 3, les hommes dans notre enregistrement formulent le plus
souvent leur requête comme une ellipse non adouci, par exemple deux pains (interaction 47).
La catégorie de l’impératif non adouci, comme l’énoncé donne-moi ce qui est mou là hein
(interaction 7) est également très important. En revanche, le tableau ci-dessous montre que les
femmes utilisent plus souvent d’autres stratégies de politesse pour énoncer les requêtes :
23
Catégorie Nombre d’occurrences %
1. Impératif non adouci 4 8%
2. Impératif adouci 0 0%
3. Formulation elliptique non adoucie
16 31%
4. Formulation elliptique
adoucie
2 4%
5. Formulation indirecte : l’assertion d’un désir
19 37%
6. Formulation indirecte :
question sur la possibilité de
réussite
4 8%
7. Discours impersonnel 6 11%
Au total : 51
Tableau 4. Formulation des requêtes au pâtissier par les femmes adultes, selon le modèle présenté sous 2.3.3. Pour faciliter l’intelligibilité, nous avons arrondi les pourcentages aux nombres entiers.
Au terme de ce qui précède, constatons que la stratégie la plus fréquente des hommes est la
formulation elliptique non adoucie, tandis que les femmes ont le plus souvent recours aux
formulations indirectes d’un désir. Les interactions suivantes, (38) et (20), contiennent des
exemples de ces différentes stratégies ; commençons par un exemple d’un homme qui fait son
achat :
(38) P : bonjour Monsieur C : euh euh pain au chocolat (pause) non pain au raisin mm P : pain au raisin c’est trois cent cinquante (pause) C : faut donner trois P : pains au raisin ? C : hein: (pause) P : c’est mille cinquante francs C : hum ? P : mille cinquante (5 mars matin 15, 04:44–05:30)
Les requêtes énoncées sous forme d’ellipses non adoucies, c’est-à-dire la troisième catégorie
de requêtes, sont euh euh pain au chocolat ainsi que non pain au raisin mm. Dans cet
échantillon, le pâtissier a également recours à l’ellipse non adoucie, lorsqu’il dit c’est mille
cinquante francs et mille cinquante, sans ajouter quelque « mitigateur » comme par exemple
s’il vous (te) plaît. De plus, l’interaction (38) présente un exemple de la septième catégorie de
requêtes, à savoir le discours impersonnel, dans l’énoncé faut donner trois.
Il est à noter que l’interaction (38) est un bon exemple d’un locuteur qui semble prononcer
son français de manière hexagonale, sans doute à cause de notre présence dans la situation
24
sociale (Dodo, communication personnelle ; cf. 3.1 infra). Néanmoins, il semble que sa
manière d’énoncer les requêtes (dans le contexte de la pâtisserie) soit plus ivoirienne que
française ; nous revenons à cette question sous la section 4.3 où notre corpus est comparé au
corpus de Kerbrat-Orecchioni (2000, 2005) qui a été enregistré dans une boulangerie en
France.
Le prochain exemple est une interaction avec une femme, qui adoucit ses requêtes en
comparaison avec l’homme dans l’extrait (38), notamment sous forme d’assertion d’un désir
qui est la stratégie la plus fréquente chez les femmes du corpus.
(20) C : s’il te plaît je veux deux (pause) P : deux baguettes (.) ou bien deux croissants ? C : deux croissants L’amie de la cliente : pain au chocolat C : je veux deux pains au chocolat P : deux pains au chocolat C : (bien) (pause) C : merci (5 mars matin 28, 00:53–01:15)
Dans cet extrait, les requêtes du cinquième type, c’est-à-dire l’assertion d’un désir (cf. tableau
4), apparaissent deux fois : s’il te plaît je veux deux et je veux deux pains au chocolat. En fait,
les interactions (38) et (20) peuvent servir à illustrer la différence entre les hommes et les
femmes du corpus, dans leur manière de formuler les requêtes ; le première requête de
l’homme dans l’interaction (38) est en effet euh euh pain au chocolat alors que la première
requête de la femme dans l’interaction (20) est s’il te plaît je veux deux. En d’autres termes, la
femme adoucit son FTA (cf. 2.3.1) plus que l’homme, non seulement en l’annonçant sous
forme d’assertion d’un désir, mais aussi encore une fois par le biais de l’expression s’il te
plaît. L’homme et la femme dans ces interactions sont tous les deux dans la trentaine, ce qui
pourrait exclure l’âge comme facteur décisif concernant la formulation des requêtes. Par
contre, il n’est pas exclu que le métier en tant que statut social joue un rôle dans le langage
des locuteurs : en effet, le client dans l’interaction (38) est enseignant, tandis que la cliente
dans l’interaction (20) est étudiante. En conséquence, il se pourrait que cette différence de
statut social soit un facteur qui contribue à mener la femme à adoucir ses FTAs plus qui
l’homme dans ce contexte, puisque la cliente en question a sans doute une autre place dans la
hiérarchie sociale que le client dans l’interaction (38).
Quoi qu’il en soit, au vu de cette différence entre le langage des femmes et des hommes, la
question se pose si les femmes sont plus polies que les hommes, puisqu’elles ont tendance à
adoucir davantage leurs requêtes. En fait, de nombreuses recherches antérieures associent les
25
stratégies de politesse avec le langage féminin (Takam, 2007 : 75). D’un côté, il se pourrait
que les requêtes adoucies énoncées par les femmes de notre corpus révèlent un style
communicatif qui est plus poli que celui des hommes. De l’autre côté, il est sans doute
problématique de tirer des conclusions simples sur un sujet aussi complexe que la politesse
linguistique. Il s’avère que les pâtissiers remarquent, dans les entretiens sur la représentation
de la politesse chez les Ivoiriens, que l’énoncé je veux un pain n’est pas automatiquement plus
poli que donne-moi un pain. Pour eux, le degré de politesse dans un énoncé tel que je veux un
pain dépend du style communicatif dans l’interaction en général. En effet, cet énoncé sera
interprété comme poli s’il est précédé par une salutation, un ton de voix agréable et une
attitude gentille, entre autres. Selon les pâtissiers, la requête je veux un pain serait même
perçue comme impolie s’il n’était pas précédée pas une salutation (Entretien D 06:34–07:43,
10:10–10:36). Donc, le fait de dire que les femmes du corpus sont plus polies que les hommes
pourrait être un constat simpliste, même si les données des tableaux 3 et 4 parlent d’elles-
mêmes – les femmes nuancent plus souvent leurs requêtes que les hommes.
Pour conclure cette section sur les requêtes, retenons d’abord que le plus grand nombre de
celles qui sont adressées au pâtissier sont formulées comme des ellipses non adoucies, par
exemple une baguette. L’assertion d’un désir, par exemple je veux une baguette est aussi une
catégorie fréquente dans notre corpus (cf. tableau 2). Ensuite, nous pouvons noter que
l’assertion d’un désir, c’est-à-dire l’adoucissement du FTA, est une formulation qui est plus
fréquente chez les femmes (cf. les tableaux 3 et 4), et que ce fait pourrait indiquer que les
femmes sont plus polies que les hommes, même si le contexte de la requête joue en très grand
rôle à cet égard, du moins selon les pâtissiers eux-mêmes.
4.3 Discussion et comparaison avec un corpus enregistré en France
Dans cette section du mémoire, nous mettons les résultats de la présente étude en relation
avec l’hypothèse formulée sous 2.4, selon laquelle le comportement verbal ivoirien serait
marqué pas la hiérarchie et la proximité sociale. Il s’avère, en effet, que la hiérarchie se
manifeste dans notre corpus entre autres dans les formes d’adresse respectueuses, c’est-à-dire
Monsieur, Madame, Maman et Papa, surtout envers les personnes d’un certain âge. Dans les
entretiens, les pâtissiers confirment le caractère respectueux de ces formes dans le contexte en
question (cf. 4.1.1). De même, dans notre corpus, il semble que la FNA Tonton fonctionne
26
comme un moyen pour un enfant de montrer du respect envers un adulte, ce qui relève
également d’une relation hiérarchique entre les interlocuteurs. En outre, la hiérarchie est
visible dans l’emploi de pronoms d’adresse, c’est-à-dire vous versus tu (cf. tableau 1 et la
section 2.3.2). C’est ainsi que nos résultats soutiennent la partie de l’hypothèse que porte sur
la hiérarchie.
En ce qui concerne l’autre partie de l’hypothèse, portant sur la proximité sociale, il semble
que cette proximité se révèle dans les formes d’adresse, non seulement dans les FNA telles
que chéri(e) et mon frère (cf. tableau 1), mais aussi dans les formes Maman/Papa (qui
relèvent d’ailleurs, comme nous l’avons vu, de la hiérarchie), puisque ce comportement verbal
crée une illusion d’appartenance à la même famille. En effet, de même que les locuteurs
Camerounais, il se peut que les locuteurs Ivoiriens vivent dans une culture « où les liens
familiaux sont si dynamiques et ouverts qu’ils intègrent aussi les ‘étrangers’. Ainsi, les
relations sociales et interpersonnelles sont marquées par un élan collectiviste » (Mulo
Farenkia, 2006). Ces résultats confirment d’ailleurs ceux de Kouamé (2012 : 15), mentionnés
sous la section 2.1.
De plus, il nous semble que la proximité sociale se manifeste dans les requêtes de notre
corpus, vu que la manière la plus fréquente de les formuler est l’impératif non adouci, par
exemple deux pains au chocolat (cf. 4.2). À notre sens, il serait plausible que ces requêtes
directes et non adoucies soient une manière de montrer à l’interlocuteur qu’il fait partie de la
même « famille » que le locuteur. En effet, selon une certaine logique, on pourrait supposer
que les requêtes dans une famille ne sont pas souvent adoucies, puisque les membres se
connaissent tellement bien qu’ils ne sont pas obligés de sauver les faces les uns les autres dans
la même mesure que deux étrangers. Outre cette explication du fonctionnement des requêtes
dans les cultures de proximité sociale, nous pouvons ajouter celle de Nwoye (1992 : 314, 327)
par rapport à la culture igbo. Celui-ci souligne, en fait, que dans une société où les
interlocuteurs se préoccupent plus de la « face collective » que de la « face individuelle », la
requête n’est pas généralement considérée comme une charge, mais plutôt comme une forme
d’assurance sociale qui protège les membres du groupe, grâce au contrat social (implicite) de
solidarité. Par conséquent, l’acte de la requête n’est ni polie, ni impolie, mais tout simplement
le comportement normal, inhérent à la bonne éducation.
Il convient, en outre, de noter que la formulation indirecte sous forme d’assertion d’un
désir, par exemple je veux deux pains au chocolat, est également une stratégie courant pour
énoncer les requêtes dans nos matériaux (cf. 4.2). Pourtant, cette stratégie est plus fréquente
chez les femmes que chez les hommes. Le comportement verbal étant un phénomène
27
complexe, l’hypothèse de Nwoye (1992) ne suffit pas entièrement pour décrire le
fonctionnement de la politesse linguistique à la pâtisserie abidjanaise qui fait l’objet de la
présente étude.
Il se trouve que Kerbrat-Orecchioni (2000, 2005, 2010), de même que Traverso (2001), ont
travaillé sur la politesse linguistique dans un corpus d’interactions verbales enregistrées dans
des boulangeries en France, et il est donc intéressant de comparer ses résultats aux nôtres.
Commençons par les formes d’adresse, où nous trouvons d’abord une similitude entre les
deux corpus : la catégorie dominante de formes nominales d’adresse est Monsieur/Madame, et
le commerçant produit généralement plus de ces formes d’adresse que le client (Kerbrat-
Orecchioni, 2010 : 7 ; cf. tableau 1 sous la section 4.1). En revanche, aux formes
Madame/Monsieur s’ajoutent, dans notre corpus ivoirien, les termes affectifs et les termes de
parenté, c’est-à-dire Maman, Papa, chéri(e), mon frère et Tonton (cf. tableau 1), ce qui est
donc une différence par rapport au corpus français.
S’agissant de requêtes, il y a d’importantes différences entre le corpus français et le corpus
ivoirien. Dans ce dernier, la formulation elliptique non adoucie, par exemple une baguette, est
la manière la plus fréquente de formuler la requête (cf. tableau 2), alors que cette formulation
elliptique est très rare en France (Traverso, 2001 : 25) et en plus, systématiquement
accompagnée de l’adoucisseur s’il vous plaît, lorsqu’elle apparaît malgré tout (Kerbrat-
Orecchioni, 2000 : 28). En effet, « la requête est quasiment toujours formulée de façon
adoucie » (Kerbrat-Orecchioni, 2000 : 31, italiques dans l’original) dans le corpus enregistré
en France.
De surcroît, « la requête à l’impératif est rarissime » (Traverso 2001 : 25) dans les
commerces français. Pourtant, cette catégorie est importante à la pâtisserie abidjanaise (cf.
tableau 2), voire très importante chez les hommes (cf. tableau 3).
L’aphorisme « tout est relatif » devient pertinent lorsqu’on examine les requêtes adoucies,
qui apparaissent le plus souvent sous forme d’assertion d’un désir dans le corpus ivoirien. En
fait, ces requêtes sont rarement adoucies au conditionnel (je voudrais), mais au présent (je
veux) : 24 sur les 28 assertions d’un désir sont au présent, mais seulement une au
conditionnel. Kerbrat-Orecchioni (2000 : 32) souligne que l’énoncé je veux une baguette est
impoli à la boulangerie française, tandis que je voudrais une baguette, s’il vous plaît est la
formulation polie.
En bref, la politesse à la boulangerie en France se caractérise par les formes d’adresse
Monsieur/Madame, de même que le conditionnel et les minimisateurs d’imposition, ce qui
relève souvent d’une politesse négative, de distance (Kerbrat-Orecchioni, 2000 : 30 ; cf.
28
également 2.3.1). Par contre, il se peut que les interactions de notre corpus ivoirien relèvent
davantage de la politesse positive : non seulement les termes affectifs comme Maman ou mon
frère (cf. Brown & Levinson, 1987 : 123), mais aussi, à notre sens, les nombreuses requêtes
non adoucies, car elles présupposent une certaine familiarité avec l’interlocuteur selon la
logique « si je te connais bien, il n’est pas nécessaire de compliquer la conversation des
adoucisseurs linguistiques et des formules de politesse » (cf. également 2.3.2).
Comme nous l’avons vu, la politesse routinière à la pâtisserie ivoirienne est tellement
différente de la politesse à la boulangerie en France que même les requêtes relativement
adoucies dans le corpus ivoirien, par exemple je veux un pain (interaction 31) seraient
considérées comme impoliment formulées dans le contexte français. Ces résultats signifient-
ils que les Français sont plus polis que les Ivoiriens ? À notre sens, la réponse à cette question
est bien entendu négative, car la politesse, c’est le comportement normal dans une certaine
situation de communication, c’est-à-dire les règles en vigueur dans une communauté
discursive donnée (Fraser & Nolen, 1981 : 96). Et si la manière la plus courante de s’adresser
à un pâtissier à Abidjan est de dire deux baguettes sans ajouter s’il vous plaît (cf. tableau 2),
cet énoncé est une formulation polie. Chaque culture a sa manière d’exprimer la politesse : en
d’autres termes, son propre ethos.
Pour ce qui est de la méthode utilisée dans le cadre de cette étude (cf. la section 3), il nous
semble qu’elle a été un outil efficace pour entamer notre recherche, suffisamment similaire à
la méthode employée par Kerbrat-Orecchioni (2000, 2005, 2010) pour permettre une
comparaison des résultats. Pourtant, la connaissance de l’âge, du sexe et du métier de chaque
client, ainsi que leur relation interpersonnelle avec le pâtissier s’est avéré indispensable pour
l’interprétation du fonctionnement de la politesse à l’ivoirienne, car ces facteurs jouent un
grand rôle dans les interactions de notre corpus. En revanche, il ne semble pas que l’ethnie
des locuteurs ait beaucoup influée les stratégies de politesse dans nos matériaux. En effet, les
locuteurs de notre corpus sont de 18 ethnies différentes, (le baoulé étant l’ethnie qui regroupe
le plus grand nombre de locuteurs) et tous les locuteurs s’expriment en français uniquement.
Certes, dans le cadre d’une autre étude, il se pourrait que l’on trouve des différences
langagières entre par exemple un locuteur baoulé et un locuteur bété, mais à notre sens, ces
différences ne semblent pas avoir de l’importance pour la politesse linguistique à la pâtisserie
abidjanaise où nous avons fait l’enregistrement du corpus.
29
5. Conclusion
Cette étude nous a permis de cerner certains principes qui semblent régir les rituels de la
politesse linguistique à la pâtisserie abidjanaise où nous avons enregistré notre corpus. Avant
tout, les mots de Bujon (2008) peuvent décrire le principe qui sous-tend tous les autres :
« [o]n ne dit pas n’importe quoi n’importe comment à n’importe qui » (Bujon, 2008 : 312).
Dans nos matériaux, la manière de s’adresser à autrui dépend de l’âge, du sexe et des statuts
socio-économique et contextuel (c’est-à-dire les rôles pâtissier/client) des interlocuteurs.
Pourtant, il ne semble pas que les ethnies aient joué un grand rôle dans notre corpus (cf. 4.3).
Le premier principe important se traduit par les manifestations de proximité sociale,
notamment les termes affectifs/de parenté comme Papa, chéri(e) ou mon frère. Il est
également possible que le grand nombre de requêtes non adoucies soient une expression
verbale de cette proximité (cf. 4.3).
Le deuxième principe se définit comme le respect de la hiérarchie sociale. L’emploi de
formes telles que Maman ou Tonton, qui apparaissent le plus souvent lorsque le locuteur a
plus de 40 ans (cf. tableau 1), peut illustrer ce respect de la hiérarchie. De même, les hommes
utilisent plus souvent l’impératif non adouci que les femmes (cf. les tableaux 3 et 4), ce qui
pourrait être une manière de montrer que l’on se trouve à un haut niveau hiérarchique et que
ce n’est pas nécessaire d’adoucir ces FTAs pour ménager la face d’un interlocuteur
hiérarchiquement inférieur (c’est-à-dire un petit, en français ivoirien).
Les résultats de la présente étude, qui indiquent donc essentiellement que la proximité et la
déférence sont des principes importants pour la politesse en français ivoirien, confirment les
résultats de Kouamé (2012) et de Gunnarsdotter (2013), mentionnés sous 2.1. Néanmoins, la
politesse linguistique à l’ivoirienne est toujours un sujet relativement inexploré, ce qui ouvre
la voie à de nombreuses possibilités de recherche dans ce domaine.
30
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