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Pr. Nadji Khaoua
Editions Al-Djazair
LMD
Alternative de l’éco-développement
et territoire littoral en Algérie
~ Nouveau modèle
de croissance et renouveau du
partenariat
***
Territoire littoral et partenariat avec l'Union europèenne
Alternative de l’Ecodéveloppement en Algérie
~Nouveau modèle de croissance et
renouveau du partenariat ~
Territoire littoral et partenariat avec l'Union europèenne
***
Pr Nadji KhaouaProfesseur et Maître de Recherches
Editions Al-Djazair
2
Sommaire
Introduction 3
Chapitre Un : L’Ecodéveloppement, alternative de croissance avec l’U.E. ? 6
1.1 - Croissance, coûts et transition 10
1.2 - Fiscalité écologique 20
1.3 - Eléments pour un modèle d’écodéveloppement 26
a - Indicateur de dimension économique 30
b - Indicateur de qualité environnementale 30
Chapitre Deux : Evolution du partenariat 32
2.1 - Convergences et divergences 34
2.2 - Ecodéveloppement et renouveau du partenariat 36
2.3 - L’écodéveloppement, une alternative 37
2.4 - Croissance et chemin vers l’écodéveloppement 39
Conclusion 44
Conclusion Générale : L’Ecodéveloppement, pour un partenariat
« Gagnant - Gagnant » 46
Références 50
Annexes 51
« This work has been adapted from a study coordinated by the author, financed by the Femise and entitled
« Eco-development in the light of Euro Mediterranean partnership: application to the coastal territories of
Algeria and Morocco ».
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
3
Introduction
Ce troisième volume de notre étude, intitulé « Nouveau modèle de croissance et renouveau
du partenariat », est une synthèse, pour une grande partie, des résultats obtenus dans les deux
volumes précédents (Volume 1 : « Cadre théorique », ainsi que Volume 2 :
« Ecodéveloppement et territoire littoral »). Son objet est de souligner la pertinence du
passage vers un renouveau sur de nouvelles bases, du mode actuel de croissance. Ce dernier,
comme le contenu des deux volumes cités ci-dessus le montre amplement, a consommé ses
échecs autant économiques, que sociaux et environnementaux. Les séquences de ces échecs
ne prennent pas simplement une tendance linéaire qui se développe de l’économique vers le
social ensuite l’environnemental, sans imprégner profondément le système économique et
social. Elles sont plus graves et plus profondes qu’une suite d’événements constituant une
tendance révélant un marasme, après tout assez répandu aujourd’hui de par le monde, ne peut
le montrer. Il s’agit en fait d’une crise systémique cumulative, associant l’économique, le
social et l’environnemental dans un enchainement sans fin, renforcé par une gouvernance
destructrice des ressources publiques, dont les ressources naturelles1. Cette crise systémique et
la gouvernance qui l’amplifie pratiquement chaque jour qui passe sur ce pays, évoluent en
s’approfondissant, détruisant encore plus les ressources, rejetant vers des horizons indéfinis et
lointains toute possibilité de reprise sur le chemin de la croissance et du développement. De
crise en gouvernance inefficiente, ces deux phénomènes déstructurant s’alimentent de leurs
propres évolutions au fil des années et de l’accumulation paroxystique des échecs qui se
suivent dans les principaux domaines de la vie sociale selon nous en Algérie. Notre recherche
a tenté de le montrer tout au long des deux volumes qui ont précédés, ainsi que dans le
présent travail. Cette crise systémique cumulative imprègne le devenir des générations
actuelles et futures du pays, son territoire dans ses principales diversités régionales (littoral,
hauts-plateaux et Sahara), ainsi que ses ressources naturelles souvent non renouvelables. Il
s’agit d’un état et d’une tendance, structurels, dont chacune des trois parties (l’économique, le
social et l’environnemental), participe pleinement à la génération et l’amplification des crises,
des échecs et des dommages. Cette participation s’effectue selon un processus cumulatif
caractérisé par un mouvement en allé et retour où le feed-back entre la cause et l’effet
amplifie, à travers le déroulement temporel des rapports complexes et continues d’échanges
entres ces trois éléments, les impacts non désirables enregistrés à un moment donné. Une
1 Cf. Annexes en fin de ce volume.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
4
grande part de ces impacts produit des pertes irréversibles dans les ressources matérielles et
dans le stock de celles naturelles. Ces impacts sont subis par l’économie, les territoires et la
société algérienne dans son ensemble. L’identification de la proposition de la nécessité du
renouveau sur de nouvelles bases du mode de croissance en cours, ne signifie pas que nous
estimons que les causes les plus importantes de la crise systémique et cumulative de
l’économie en Algérie soit seulement de nature interne au système économique, son
organisation, sa gestion et ses acteurs. Comme notre travail le montre amplement, les facteurs
exogènes à l’économique stricto-sensu jouent un rôle de premier plan dans l’état de crise
systémique et cumulative. Le dépassement de cette dernière passe selon nous dans ce travail,
par le renouveau du mode de croissance en ce qu’il redéfinit deux rapports déterminants :
celui de l’économique à l’environnemental, au plan interne, et celui des objectifs
économiques à réaliser, dans le cadre coopératif international des accords de partenariat signé
avec l’Union Européenne. C’est pour cela que le présent volume est consacré pour partie, à
souligner l’importance d’envisager, en même temps que le renouveau du mode de croissance
par la promotion d’un model d’écodéveloppement, également le renouveau des accords de
partenariat avec l’Union Européenne.
Ce volume s’interroge ainsi sur les contours que peut prendre un modèle
d’écodéveloppement, dans l’hypothèse d’un renouveau des accords de partenariat avec
l’Union Européenne. La prise en compte dans ce travail, des accords de partenariats liant
l’Algérie d’un côté et les pays membres de l’Union Européenne de l’autre, procède d’un
double principe de réalisme. Le premier consiste en la reconnaissance que la densité de la
crise structurelle du système économique en Algérie est telle, que la nécessité de faire appel à
la coopération internationale pour participer à sa résolution graduelle est une évidence, au-
delà de toute étroitesse d’esprit. Le deuxième découle d’une part de la proximité
géographique des deux partenaires, de l’autre de l’existence d’un cadre, ces mêmes accords en
vigueur depuis 2005, les liant. La question pertinente à ce niveau devient celle de
l’identification des limites actuelles de ce cadre, et les perspectives de croissance et de
coopération qu’offre son dépassement pour chacun des deux partenaire, par un renouveau du
contenu et des objectifs mutuels du partenariat les liant.
Le questionnement que soulève ce troisième volume de notre recherche, concerne en premier
lieu la nature de la croissance dans le cas de l’Algérie. Elle se focalise sur des objectifs de
« dimension », à caractère quantitatif, alors que l’écodéveloppement est sous-tendu par des
objectifs de « bien-être », beaucoup plus qualitatifs. Ainsi, ce troisième volume de notre étude
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
5
met en lumière la relation paradoxale entre les visés de la croissance stricto sensu et ceux de
l’écodéveloppement. Soulever ce paradoxe permet d’envisager, dans les suites de ce travail,
de tenter de tracer les grandes lignes d’un modèle basé sur l’écodéveloppement. Auparavant,
dans le premier chapitre de ce troisième volume, est tenté un approfondissement du concept
d’écodéveloppement et ses diverses implications sur le contenu de la politique économique.
La transition vers un modèle de croissance basé sur l’écodéveloppement constitue une
opportunité pour l’Algérie d’un côté, les pays formant l’Union Européenne de l’autre, pour
adopter une stratégie de coopération « Gagnant - Gagnant », où chaque partenaire pourra
trouver son intérêt, à travers l’écodéveloppement comme mode de croissance.
Concentrer la réflexion sur la pertinence de l’adoption d’un tel modèle, dans le cadre d’un
partenariat renouvelé avec l’Union Européenne, fait entrevoir un effet de « big push » sur le
taux de croissance, tout en ouvrant des créneaux d’investissements directs étrangers pour les
divers acteurs des pays de l’Union Européenne, cette fois-ci avec beaucoup plus de
possibilités de concrétisation pour l’économie de l’Algérie, au contraire des vœux pieux
déclamés durant la première décennie des années 2000.
Nous nous attachons à analyser, en particulier dans le deuxième chapitre de ce troisième
volume, l’évolution et les résultats socio-économiques des accords de partenariat avec
l’Union Européenne, depuis leur mise en œuvre en 2005 jusqu’à aujourd’hui. L’objectif ici est
de montrer que ces accords tels qu’ils sont menés actuellement, n’atteignent pas les objectifs
qui leur ont été assignés, tout au moins en ce qui concerne l’économie de l’Algérie. En fait, la
domination du commerce de produits en l’état à laquelle se résument en grande partie les dits
accords, autorise de réfléchir à leur dépassement.
La nécessité de leur évolution vers des accords plus équitables dans les effets économiques et
sociaux qu’ils génèrent, devient incontournable. L’alternative d’un nouveau modèle de
croissance basé sur l’écodéveloppement en Algérie offre une réelle opportunité stratégique
pour une telle évolution.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
6
Chapitre Un
L’Ecodéveloppement, alternative de croissance avec l’U.E. ?
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
7
L’analyse de la politique de croissance en cours, en prenant en compte les coûts des impacts
environnementaux, souvent exclus du champ de l’analyse économique stricto-sensu, permet
de mettre en lumière plusieurs résultats. Tout d’abord, il est nécessaire de caractériser ce
mode de croissance, par rapport au statut du « facteur environnemental » comparé à sa
mobilisation par les acteurs publics et privés, dans leurs projets économiques. L’analyse
macro et celle méso-économique, faites dans le deuxième volume de notre recherche,
participent à cette caractérisation. En premier lieu, elles montrent soit au niveau macro, ou
bien à celui méso, que malgré la modestie de son ampleur et de ses résultats périodiques, le
processus actuel de croissance résulte d’un modèle destructeur de ressources, en particulier de
ressources naturelles au sens large. Ces ressources naturelles sont dans leur grande partie, non
renouvelables à terme. En second lieu, les volumes des ressources naturelles mobilisées, ainsi
que ceux des ressources subissant des dommages, sont dans la plupart des cas mobilisés par
les différents acteurs hors marché. Ainsi, les différents principes de préservation de ces
ressources non renouvelables sont peu ou dans la plupart des cas, pas du tout suivis. Ces
ressources une fois mobilisées, ne sont pas valorisées à leur valeur marchande. Cette réalité
éclaire la pertinence de l’alternative d’un nouveau mode de croissance basé sur
l’écodéveloppement, qui fait l’objet de l’ensemble de cette partie. Le mode de croissance en
cours mobilise globalement trois facteurs de production : le capital, le travail (capital humain)
et la productivité de chacun des deux premiers.
Le capital s’accroît grâce aux investissements consentis, dont la plus grande part dans le cas
de l’Algérie, est publique. Le travail, du point de vue social, est déterminé dans son évolution
en même temps par l’évolution démographique et par les performances du système de
formation. Du point de vue de l’offre, le marasme économique général, l’extraversion de
l’économie, le faible nombre d’entreprises et en particulier de P.M.E., limitent la création
d’emplois nouveaux, ceux effectifs étant toujours bien en deçà du nombre des demandeurs.
Or, c’est bien la conjonction de l’élément démographique avec le faible niveau de l’offre que
manifestent les entreprises qui, dans le cas de l’Algérie, constitue une problématique
redoutable par son état actuel et ses implications à terme.
De 2008 à 2011, le taux d’évolution démographique passe de 1,98 % à 2, 04%2. Cette
évolution relative est parallèle et équivalente à celle de la croissance économique. Elle
indique une stagnation, sinon une régression du niveau de vie moyen, alors qu’en même
2 O.N.S., 2012.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
8
temps, l’écart entre la part de la population en âge de travailler [67%]3 et celle de la
population active [32%]4, renseigne sur l’élargissement social de l’inactivité et le chômage
structurels, quels que soient leurs soubassements (économiques, culturels, de genre, ressortant
de l’informalité, etc.).
Le troisième facteur, la productivité, reste structurellement faible dans le cas de l’Algérie. Elle
évolue cependant en fonction du changement technologique intégré par le système
économique dans son ensemble. La productivité pourrait cependant s’améliorer si de
nouveaux créneaux d’investissement sont imaginés et ouverts aux acteurs publics et privés, ce
qui n’a pas été le cas durant les dernières années, le système économique étant extraverti et
dominé par le commerce extérieur, en particulier l’importation à outrance de la plupart des
biens et services.
N’apparait pas jusqu’alors dans ce modèle courant de croissance, la contribution des
ressources naturelles et de l’environnement, pourtant jouant un rôle pouvant être assimilé à
celui d’un facteur de production, dans la poursuite de la croissance, comme l’ont relevé
plusieurs chercheurs5. Si l’environnement et les ressources naturelles participent dans le
processus de croissance en tant que « capital productif », d’une part ce facteur de production
devrait recevoir sa juste valorisation, comme les autres facteurs, d’autre part il est appelé à
l’être également dans la définition et la mise en application du mode de croissance. Cette
intégration passe selon nous par la définition d’une politique économique et environnementale
qui, tout en visant l’augmentation relative de la croissance du P.I.B. et du P.I.B.R., vise
également la minimisation des externalités environnementales négatives, par rapport à leurs
niveaux actuels, à partir de la définition et de l’adoption d’une nouvelle stratégie de
développement comprenant les volets suivants :
i - un volet conceptuel définissant un nouveau modèle de croissance basé sur
l’écodéveloppement ;
ii - un volet consacré aux actions à entreprendre et définissant une nouvelle politique
économique permettant de concrétiser le modèle choisi d’écodéveloppement ;
iii - un volet fiscal conduisant à l’orientation, à travers une nouvelle politique fiscale, les
différents acteurs économiques et sociaux vers l’écodéveloppement dans leurs choix
d’investissement et la préservation et le recyclage des ressources naturelles dans leurs
comportements de consommateurs.
3 O.N.S., 2012.
4 O.N.S., 2012.
5 Bovenberg et Smulders, 1996.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
9
C’est ainsi que se justifie selon nous le passage du mode de croissance actuel vers un
nouveau, celui basé sur l’écodéveloppement.
Les débats et controverses sur le rythme de croissance dans les économies modernes du Nord,
compte tenu des limites écologiques impactant les niveaux de bien être atteint et augmentant
les risques systémiques, sont de notre point de vue spécifiques aux économies modernes.
Ces économies et les débats qui les agitent (exemple des débats sur le maintien ou non du
nucléaire civil comme une des sources de la production d’énergie, etc.) ont déjà intégré depuis
plusieurs années (cas par exemple du Canada, de l’Allemagne, du Japon, etc.) l’économie
verte comme une composante de base de leur système socio-économique.
Cette évolution et ce débat sont encore à atteindre dans la plupart des pays Sud comme ceux
d’Afrique du Nord, comme l’Algérie.
La mise en avant de l’intégration de l’environnement et de la mobilisation des ressources
naturelles dans le modèle de croissance basé sur l’écodéveloppement, visent à atteindre deux
objectifs essentiels pour sortir des chemins traditionnels de transformation économique,
chemins qui aujourd’hui, génèrent plus de coûts que de gains en matière de croissance au Sud,
et en Algérie en particulier.
Ces deux objectifs vont au-delà de la simple considération du facteur environnemental comme
un facteur économique au même titre que le capital et le travail. L’écodéveloppement ne se
limite pas à la valorisation des ressources naturelles et de l’environnement en contrepartie de
leur intégration en tant que facteurs économiques à part entière. En fait, l’écodéveloppement,
en intégrant le facteur environnemental dans le système économique en tant que facteur de
production, vise également et surtout, par les différentes implications que cette intégration
entraîne sur tous les pans de la vie sociale, sur le système économique en transformant ses
processus et sur son architecture institutionnelle et réglementaire, la protection de la nature,
des ressources qu’elle offre, de l’environnement, et enfin de la population et de son bien-être.
C’est le premier objectif. Le deuxième, également important et indispensable, consiste à
lancer le débat sur l’environnement et les mobilisations économiques et sociales de ressources
naturelles dont les stocks tout en étant limités quelle que soit leur ampleur, sont souvent
également de nature non renouvelable à l’échelle humaine.
Ce type de débats est encore à inventer, à promouvoir et à densifier dans les pays Sud
Méditerranéens comme l’Algérie. Ce à quoi ambitionne de contribuer à lancer et initier ce
travail de recherche.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
10
1.1. - Croissance, coûts et transition
Les coûts environnementaux ne se limitent pas aux coûts des externalités générées par le
processus économique, en particulier par les activités de production industrielle, agricole et
pour certaines activités de services (tourisme, transport, …).
Ces externalités ne participent que pour une part des coûts environnementaux. Elles
surviennent en aval des activités économiques. Une autre part des coûts environnementaux,
par certains aspects, apparaît plus importante que celle générée par les externalités survenant
en aval du système de production lui-même. Elle est extérieure au système de production en
place et prend sa source en amont du processus économique, par exemple lors du choix et de
la mobilisation de certains intrants (sols, eau, hydrocarbures, phosphates, …). Elle résulte par
exemple de la politique de l’aménagement du territoire, politique qui en plus d’être considérée
par les décideurs dans l’Etat et dans le système économique, comme secondaire par rapport
aux choix économiques de tous les acteurs, ne prend pas en compte le territoire comme
réservoir de la nature et de ses ressources à préserver, mais comme un stock illimité de terres
et d’autres ressources naturelles gratuites ou peu valorisées, à exploiter pour en retirer le
maximum de valeurs marchandes au moindre coût général6. Si on voudrait analyser cette
politique d’aménagement du territoire telle qu’elle est définie, ensuite appliquée, et analyser
les objectifs que cette politique se fixe, ainsi que les moyens financiers, humains et
institutionnels qui lui sont consacrés, on aboutit au résultat que l’ensemble de cette politique
dite d’aménagement du territoire aujourd’hui en Algérie ainsi que, semble-t-il, dans
l’ensemble des pays voisins sud méditerranéens, est reléguée à un statut secondaire par
l’ensemble des acteurs se partageant le pouvoir de décision dans l’Etat, ainsi que ceux du
secteur privé.
Une autre part des coûts environnementaux, non imputables directement au système
économique en place, résulte des comportements du consommateur final, individu, ménage ou
entreprise économique et administration publique, à l’issue de la distribution et de la
consommation des produits marchands, tel que l’énergie sous ses différentes formes. Compte
tenu des prix pratiqués, maintenu à un niveau bas du fait de leur soutien par l’Etat sans
discernement parmi les catégories de consommateurs, l’énergie est gaspillée à outrance. Cette
situation entraîne l’augmentation de l’inefficience énergétique et ainsi la multiplication des
coûts énergétiques directs et indirects.
6 Coût général : cette expression souligne, pour nous, la somme des coûts directs et des coûts indirects.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
11
L’exemple de cette part des coûts résultant du comportement du consommateur réside
également et de manière plus directe dans les déchets divers et distincts dans leurs natures et
leurs effets, leur gestion, leurs impacts directs et indirects sur l’environnement, les coûts de
leur traitement et recyclage.
Parmi les implications de ces coûts environnementaux sur le processus de croissance, deux en
particulier peuvent être relevés :
1- Les coûts des dommages environnementaux sont plus élevés que les taux de croissance
réalisés. Dans des estimations basses, ces coûts sont estimés à au moins 4 % en moyenne par
an d’un P.I.B. qui n’évolue lui qu’à hauteur de 2,5 % en moyenne annuelle, selon la Banque
Mondiale et l’O.N.S. pour la période de 2000 à 2011.
2 - La politique économique durant la période indiquée et jusqu’à 2014, parce qu’elle conduit
chaque année à la persistance de dommages environnementaux importants, s’ampute elle-
même de ses propres possibilités d’atteindre les résultats qu’elle se fixe en matière de
croissance, d’emplois créés et de revenus.
Dans l’étude éco-environnementale de la région littorale du Grand Annaba, il est apparu que
les coûts des dommages et inefficiences ont atteint presque le tiers du P.I.B.R. Ainsi, le coût
des dommages environnementaux induits par l’actuel mode de croissance, égale au moins le
tiers de la production annuelle de valeurs ajoutées pour le Grand Annaba. En d’autres termes,
la production de valeurs ajoutées sur le court terme (une année, temps de mesure de
l’évolution relative du P.I.B. et du P.I.B.R.), est annihilée sur le moyen et le long terme, par
l’importance des dommages qui s’accumulent d’année en année et de gaspillages de
ressources naturelles dont, par ailleurs, le caractère non renouvelable (tout au moins à
l’échelle humaine), est certain.
Au niveau macro-économique, les données disponibles indiquent que jusqu’en 2011, le coût
de ces dommages et inefficiences est estimé à au moins 4 % du P.I.B., en moyenne, si on
considère uniquement l’économie organisée. La prise en compte de celle informelle fait
augmenter ce taux moyen à au moins 6 % par an. Ce taux concerne l’ensemble de l’économie
d’un territoire national dont plus de 85 % sont désertiques en Algérie. En revanche, ces coûts
relatifs, au niveau régional ou au niveau national, restent chaque année, depuis les années
2000 et jusqu’en 2014, plus élevés que les taux de croissance du P.I.B.R au niveau régional et
du P.I.B.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
12
La conclusion s’impose d’elle-même : Le mode de croissance en court détruit à moyen et long
terme plus de valeurs en ressources naturelles, qu’il ne crée de valeurs matérielles chaque
année.
Ces destructions de ressources naturelles, par les caractéristiques non ou peu renouvelables de
ces ressources, s’accumulent et s’ajoutent l’une à l’autre année après année. Ainsi, les effets
négatifs sur le processus de croissance et son degré d’efficience à plus long terme, ainsi que
plus généralement leurs implications en matière de niveaux de vie et de bien-être des
populations, maintiennent et la croissance et les niveaux de vie et de bien-être dans des états
de stagnation structurelle et systématique.
Les possibilités de recherche d’un mode alternatif de croissance, doivent en conséquence
s’articuler autour de l’émergence d’un P.I.B. Vert , au niveau du territoire qui, tout en étant le
plus vulnérable, contient plus de 40 % de l’ensemble des activités économiques, le territoire
littoral, car c’est sur ce territoire que se pratiquent le plus les atteintes à l’environnement et les
destructions des ressources naturelles, du fait des pressions sociales et économiques qu’il
subit.
L’analyse éco-environnementale menée ci-dessus et focalisée sur le cas national et celui
régional, a montré que les plus forts dommages environnementaux induisent les coûts les plus
élevés relativement. Ces dommages surviennent à un niveau régional, là où s’exercent le plus
directement et intensément les pressions conjuguées des concentrations de population et des
activités économiques.
De l’estimation du P.I.B. du territoire littoral et du P.I.B.R. de chacune des quatorze régions
formant le territoire littoral de l’Algérie, il se dégage une forte corrélation du niveau du
P.I.B.R. avec d’un côté le nombre d’entreprises dans la région concernée et de l’autre le
volume de la population résidente dans cette même région.
Cette corrélation (niveau du P.I.B.R. - nombre d’habitants - nombre d’entreprises) éclaire
également le niveau de concentration (élevé - moyen - faible) de la population et des activités
économiques, dans chacune des quatorze régions du territoire littoral. Ainsi, peut-on avancer,
au vu du cas du Grand Annaba, que plus la population et surtout les activités économiques, se
concentrent dans une des quatorze régions mentionnées, plus élevé est le coût relatif des
dommages et des inefficiences environnementales, par rapport au P.I.B.R. de la région.
Cependant, l’estimation du niveau du P.I.B.R., à elle seule, ne nous semble pas décisive dans
l’analyse de l’économie du territoire littoral en Algérie (cette « économie » étant éclatée dans
sa structuration entre les entités administratives qui gèrent, au nom de l’Etat, ce territoire).
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
13
Les facteurs mentionnés, conjugués avec l’ensemble des autres données mises en exergue sur
les questions éco-environnementales en rapport avec les spécificités du territoire vulnérable,
convergent vers la mise en avant d’un « triptyque explicatif » de la situation éco
environnementale, exprimée par le taux des coûts environnementaux par rapport au P.I.B.
Ce triptyque explicatif lie trois éléments :
A - Le territoire littoral, vulnérable et étriqué ;
B - La concentration de population sur ce territoire ;
C - La concentration des activités économiques sur le même territoire vulnérable.
Les estimations du P.I.B.R., indiquent qu’au-delà des résultats quantifiés, c’est l’adjonction de
certains éléments, considérés dans leur imbrication, qui éclaire la donne éco environnementale
en termes de coûts par rapport au niveau de la croissance. L’estimation du P.I.B.R. pour
2010, aboutissant à l’évaluer à 40 % du P.I.B., nous permet, grâce à l’application des
principes de la méso-analyse7, d’élargir ce niveau relatif annuel à chacune des années formant
la période considérée dans ce travail (2006. 2007, 2008, 2009, 2010, et 2011).
On obtient ainsi le tableau récapitulatif n° 10 et reproduit ci-dessous.
Tableau 10 : P.I.B.R. et dynamisme territorial
Unité : Milliard de DZ
Année Entreprises P.I.B. P.I.B.R.
2005
2006
2007
2008
2009
2010
1 036 708
1 123 415
1 209 277
1 291 178
1 411 865
1 482 595
7 499 000
8 512 000
9 410 100
11 043 000
10 212 463
11 859 031
1 036 708
3 404 800
3 764 040
4 417 200
4 084 985
4 743 612
Source : Khaoua N.
7 Pillet G., 2005.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
14
La question centrale qui se pose à ce niveau consiste en la signification économique, sociale
et environnementale, tout au long de la période, que représente ce niveau relatif du P.I.B.R.
par rapport au P.I.B.
Comment interpréter ce résultat qui montre que 40 % du P.I.B. en Algérie sont produit par
des activités économiques localisées sur le territoire littoral ?
Essayer de répondre à cette importante question, nécessite d’observer au préalable que l’autre
part, la plus importante puisque estimée à 60 % du P.I.B., en moyenne et durant la même
période, est produite en dehors du territoire littoral. Cette part, la plus importante, est ainsi
nécessairement produite dans les territoires intérieurs, les plus pauvres. Dans la mesure où ces
territoires ne contiennent pratiquement aucune activité économique de production industrielle,
agricole ou de services à haute valeur ajoutée, cette part ne peut résulter que de l’extraction et
l’exportation des matières premières, en l’occurrence les hydrocarbures liquides et gazeux.
Pour apprécier cette réalité, il s’agit de revenir à la configuration géographique du pays, selon
ses principales composantes territoriales.
Le territoire de l’Algérie est formé de trois ensembles distincts :
a - Un territoire littoral : son étendue équivaut à environ 4 % de l’ensemble ;
b - Un territoire de Hauts-plateaux, qui s’étend sur 7 % environ ;
c - Enfin, le territoire désertique du Sud, qui couvre 89 % de la superficie du pays.
L’ensemble géographique des Hauts-Plateaux, situé au Sud du territoire littoral et
parallèlement à ce dernier, renferme essentiellement des agglomérations urbaines de moyenne
et petites tailles, tel que les villes de Saïda à l’Ouest, M’sila au Centre, et Sédrata à l’Est.
Les activités dominantes dans cet ensemble au climat contrasté et rigoureux (étés chauds et
arides, hivers froids et secs), sont modestes en termes économiques et essentiellement des
activités de type rural : productions céréalières, élevages, etc. Cette modestie des activités
dans le territoire des Hauts-Plateaux se retrouve au niveau de tout le secteur agricole. En effet,
cette agriculture ne participe que peu au P.I.B. (6 % en moyenne par an), et sans réussir à
atteindre un objectif économico-social longtemps mis en avant par l’Etat : assurer
l’autosuffisance alimentaire. Dans ce même ordre d’idée, on peut considérer que l’état actuel
de l’agriculture démontre l’échec des politiques agricoles, puisque l’Algérie est un des
principaux pays importateurs pour les produits agro-alimentaires les plus importants, soit les
intrants (machinisme agricole) pour la production agricole locale, et les produits de
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
15
consommation finale pour les besoins de la population, tels que les céréales, les produits
laitiers, le sucre, …
L’ensemble des activités agricoles, ainsi que celles de la pêche, ne participent au P.I.B. en
2010 qu’à hauteur de 6 %. Ce niveau est pratiquement constant depuis au moins 2006 jusqu’à
2012, avec une tendance structurelle baissière sur le long terme. Les rares années de la
décennie 2000 où la production céréalière a connue une augmentation sensible, cette dernière
serait due essentiellement à une pluviométrie plus importante. Les inextricables problèmes du
secteur agricole (régimes de propriété des terres, spécialisation des usages, protection des
terres agricoles par rapport à l’urbanisation et au détournement des usages productifs des
terres arables, régulation des circuits de distribution des produits de l’agriculture, disponibilité
des intrants, …) en Algérie n’ont toujours pas trouvé des solutions pérennes qui puissent
mobiliser les différents acteurs du secteur agricole sur le long terme.
Cette inextricable situation de l’agriculture a sa part dans la perte de ressources naturelles, tel
que les sols, le couvert végétal, les eaux de surface et les nappes phréatiques, endommagées
par les pollutions et les rejets liquides divers. En même temps, elle entraîne l’augmentation
inexorable du recours aux importations pour couvrir les besoins nationaux en produits
alimentaires les plus divers et ainsi ponctionner encore plus les ressources financières du
pays.
En matière industrielle, peu d’entreprises d’envergure sont localisées sur le territoire des
Hauts-Plateaux. Pratiquement toute la demande en biens industriels de cet ensemble
géographique est satisfaite à partir des offres issues d’acteurs (producteurs, mais surtout
importateurs et distributeurs formels et informels) localisés pour la majorité d’entre eux dans
les grandes villes du territoire littoral.
En fin de compte, comme nous l’avons déjà souligné et comme l’indiquent également les
données du tableau n° 11 ci-dessous, seuls 6 % environ du P.I.B. sont produits sur le
territoire des Hauts-Plateaux, le reste du P.I.B. est produit en dehors des deux territoires,
littoral et des Hauts Plateaux, soit 54 % en 2010. Cette part supérieure à la moitié du P.I.B.
résulte de l’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, et leurs dérivés. Ces dérivés,
produits énergétiques approvisionnant l’industrie locale, sont issus des premières phases de
transformation industrielle des hydrocarbures, menées localement dans certaines zones du
territoire littoral (Arzew, Alger, Béjaïa et Skikda), ainsi que dans certaines autres zones
localisées dans le territoire du Sud (Sahara), essentiellement dans les environs des villes
pétrolières et gazières de Hassi Messaoud et de Hassi Rmel. Les contributions des activités
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
16
d’extraction et de production des matières premières énergétiques (hydrocarbures liquides,
gazeux et leurs dérivés industriels produits localement) participent ainsi, pour plus de la
moitié, au P.I.B. du pays. En dehors d’une petite part de la production d’hydrocarbures de
l’Algérie qui alimente l’industrie locale pour certains de ses besoins et dans des volumes
limités bien inférieurs aux volumes d’importation des mêmes produits pour satisfaire la
demande interne, ces matières sont valorisées à plus de 80 % en l’état sur les marchés
internationaux y afférant. A travers ces éléments, pouvant être aisément approfondis et
détaillés, ce n’est pas seulement le coût environnemental (pertes de terres arables, pollutions
diverses, déchets, inefficiences,…) qui est à souligner, mais la connexion de ce coût avec la
stérilité du mode de croissance en termes de production de valeur nouvelle, d’emplois et de
revenus, conjuguée à un élargissement social et économique des activités informelles, dont la
plus grande part est constituée d’activités de survie, et non pas de croissance.
Tableau 11 : Contributions territoriales au P.I.B.
Territoire Contribution
Littoral 40 %
Hauts - Plateaux 06 %
Sahara 54 %
P.I.B. Algérie 100 %
Source : Khaoua N.
Compte tenu de cette situation économique par rapport à la configuration territoriale, où les
activités productrices de valeur sont concentrées sur le territoire le plus étriqué, celui littoral,
et où les territoires les plus vastes (ceux des Hauts Plateaux et du Sahara), sont
économiquement marginalisés, et considérés uniquement comme des lieux soit d’activités
agricoles de subsistance, soit d’activités primaires d’extraction de matières premières, le mode
de croissance basé sur l’écodéveloppement se doit de viser à changer cette logique de
mobilisation économique de chacun des principaux territoires du pays dans son ensemble.
Changer cette mobilisation économique territoriale (Littoral, Hauts Plateaux, Sud), implique
de définir, en même temps qu’un nouveau mode de croissance structuré autour de nouveaux
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
17
objectifs économiques et de nouveaux créneaux d’investissement vers lesquels seront incités
les acteurs publics et privés et les partenaires internationaux, également un nouveau Schéma
National d’Aménagement du Territoire visant à une intégration nouvelle des trois types de
territoires, selon des objectifs à atteindre fixés à partir des analyses sur les résultats
économiques et environnementaux du mode de croissance en cours.
De ce qui précède, émerge un premier résultat : En particulier dans le cas d’économie en
développement comme cela est le cas au Sud de la Méditerranée, comme en Algérie, le
système économique ne peut évoluer vers la réalisation de la croissance, qu’en synergie avec
une politique d’aménagement du territoire.
En d’autres termes, le mode de croissance en cours trouve une de ses principales limites dans
la localisation des activités sur le territoire littoral. L’attractivité de ce territoire étriqué et
vulnérable se doit d’être réguler, par de nouvelles politiques d’aménagement des territoires,
de tel sorte que les incitations économiques et institutionnelles décidées en direction des
acteurs soient encouragées dans les autres types de territoire du même pays, à un niveau plus
attractif que celles existantes pour le territoire littoral. Cette attractivité se doit d’être cadrée
institutionnellement par les pouvoirs publics, et non pas le fait résultant, tel qu’actuellement,
de situations de fait.
Car le mode de croissance, pour le cas de l’Algérie et de plusieurs autres pays Sud
Méditerranéens, est arrivé à des limites telles que la nécessité de son redéploiement intérieur
vers les autres types de territoire, est une urgence, si l’objectif serait d’améliorer le niveau de
cette croissance.
Dans le cas d’une économie en développement comme celle de l’Algérie, où tout est à penser
et à construire, le renouveau du mode de croissance, la définition de nouveaux créneaux
d’investissement, ainsi que la définition d’une nouvelle politique d’aménagement du
territoire, ne peuvent être ni le résultat du hasard ni résultant du jeu du marché. Seul l’Etat, à
travers ses diverses institutions, peut en être l’initiateur tout autant que l’accompagnateur,
veillant à la fixation périodique des objectifs, impulsant et orientant l’action des intervenants
publics, privés et internationaux, créant les conditions institutionnelles, fiscales et générales
pour leurs réalisations.
Ainsi s’éclaire le deuxième résultat : Cette symbiose entre une politique d’aménagement du
territoire en rapport avec la concrétisation d’une politique de croissance ne peut se définir et
se mener qu’avec un pilotage public, orientant les acteurs publics et privés du marché, en
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
18
même temps que pour une localisation des investissements vers des territoires choisis, leur
orientation vers des créneaux d’investissements écologiques.
Par exemple, en matière de choix de créneaux d’investissement, les pouvoirs publics peuvent
initier une tendance de destination des efforts publics vers des créneaux écologiques, qui tout
en permettant des créations d’emplois plus nombreux, viseraient à diminuer les dommages
environnementaux lesquels constituent actuellement plus de 4 % du P.I.B.
Cet effort nouveau des pouvoirs publics, au même titre que leurs efforts en matière
d’infrastructure de services depuis 2004/2005, (construction de l’autoroute Est - Ouest, projet
d’une autre autoroute des Hauts - Plateaux à lancer en principe vers le quatrième trimestre de
2014, construction de nouvelles infrastructures hydrauliques et d’habitats, …), vise à orienter
les acteurs du marché (investisseurs potentiels privés et publics locaux et étrangers), vers les
investissements de type écologique, considérés aujourd’hui dans le monde comme des
gisements d’emplois et de valeurs nouvelles améliorant les niveaux de bien-être, par rapport à
leur situation actuelle.
Le champ de ces nouveaux créneaux d’investissements écologiques, serait très large dans
l’économie algérienne.
Du traitement des eaux, des déchets solides ménagers, des déchets industriels et électroniques,
des déchets hospitaliers, ces nouveaux créneaux peuvent s’élargir aux procédés et produits
favorisant les économies d’énergie, à l’énergie solaire, thermique, éolienne, et jusqu’aux
produits concourant à de nouveaux procédés de production dans les activités de motorisation
relevant des différents modes de transport, de la construction de bâtiments et habitats, en
passant par de nouveaux procédés de productions agricoles et d’exploitation marchande des
terres. Ces nouveaux créneaux d’investissements économiques, en se destinant vers la
récupération , le traitement et le recyclage des déchets dans leur diversité et sous toutes leurs
formes, autoriseraient l’émergence d’industries de récupération et de recyclage, permettant
ainsi la diminution, à terme, des pressions économiques sur les stocks de ressources
naturelles.
Les données disponibles sur l’épargne véritable (ou épargne verte) et concernant un panel de
pays en voie de développement, pour l’année 2004 et selon les estimations de la Banque
Mondiale, montrent que pour le cas des pays M.E.N.A. dont l’Algérie, exportateurs de
matières premières minérales, comme les hydrocarbures à l’état brut, il n’y a à proprement
parler quasiment pas d’épargne véritable, au sens qu’en donne la Banque Mondiale.
La figure suivante le montre.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
19
Figure 13 : Epargne véritable et exportationsde matières premières minérales
Source: Dietz S. et al, 2007.
Selon la figure n° 13 ci-dessus, il y aurait comme une relation de causalité inverse, liant
l’exportation de matières premières minérales à l’état brute et l’épargne véritable :
Plus cette exportation est importante par rapport au total des exportations du pays concerné,
moins l’épargne véritable s’accroit. Dans le cas de l’Algérie, l’extraversion de l’économie, à
partir des exportations, essentiellement des hydrocarbures, dont les revenus financent l’entière
économie et en particulier des importations s’élargissant à tous les types de produits, y
compris les plus basiques, annihile toute possibilité concrète d’épargne verte.
La figure n° 13 le montre clairement.
La plupart des pays en voie de développement exportant principalement des matières
premières minérales à l’état brute ont une épargne véritable soit carrément négative, soit
proche de zéro, comme c’est le cas de l’Algérie, tout au moins jusqu’en 2004 et selon les
estimations de la Banque Mondiale, données sur lesquelles se sont basés Dietz S. et ses co-
auteurs dans leur article cité en référence et publié en 2007.
La conclusion qui peut être soulignée à ce niveau, est que l’épargne véritable ne peut
s’accroitre, dans le cas de l’Algérie, que sous la condition d’une diversification des
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
20
exportations, entrainant le recul relatif de la part des exportations de matières minérales à
l’état brute et l’accroissement dans la composante de ces exportations, des autres types de
biens, d’origine industrielle, de services et agricole. Cette condition simple dans son énoncé
revient en fait à réformer, transformer l’ensemble de l’économie du pays, considérer son
rapport à un nouveau système d’aménagement du territoire qui prendrait en compte la
situation économique et environnementale des trois principaux types de territoires. Le but
principal de cette transformation serait ainsi la mise en place d’un nouveau mode de
croissance basé sur l’écodéveloppement, seule alternative économique pouvant ambitionner
d’atteindre des résultats concrets en matière de croissance durable. Cette alternative au mode
de croissance actuel pourrait, tout en atteignant les seuils nécessaires en matière d’évolution
du P.I.B., préserver l’environnement et les stocks des ressources naturelles, par rapport aux
niveaux actuels de dommages irréversibles qu’ils subissent, innover des produits de
substitution aux ressources naturelles actuellement exploitées (cas de l’énergie, etc.). Les
analyses et présentations sur les aspects strictement économiques et mentionnées dans les
paragraphes ci-dessus, montrent clairement que malgré des investissements, en particulier
publics, soutenus et croissants au fil des ans depuis 2005, le taux de croissance à l’échelle
nationale reste modeste, pour ne pas dire marginal, quand bien même la crédibilité des
données publiées par les organismes institutionnels spécialisés n’est pas souvent assurée.
Se pose alors une question rarement mise en avant par les chercheurs et autres analystes :
Quels seraient les coûts successifs de cette stérilité ou plus exactement de cette inefficience,
en termes de croissance économique perdue, des capitaux investis et prélevés des ressources
collectives ?
1.2 - Fiscalité écologique
Parmi les instruments de politique à la disposition des pouvoirs publics en vue de transformer
le mode de croissance en cours en mode de croissance basé sur l’écodéveloppement, la
fiscalité en est un essentiel, si au préalable cette dernière est elle-même redéfinit en une
fiscalité écologique. Ainsi, la réforme fiscale est une action préalable à la mise en place d’un
modèle d’écodéveloppement, en ce qu’elle réoriente et redéfinit les incitations fiscales en
direction des acteurs pour promouvoir l’écodéveloppement.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
21
Pillet G. écrit : «Une réforme fiscale écologique répond à un mécanisme simple qui lui permet
de réaliser un double bénéfice, ou « double dividende ». Le mécanisme s’exerce en deux
temps qui peuvent être résumés de la manière suivante :
* taxation des nuisances que l’on désire diminuer et/ou des ressources naturelles que l’on
veut préserver ; cette taxation s’opère par l’intermédiaire d’une combinaison d’instruments
économiques et d’instruments juridiques de protection de l’environnement ;
** utilisation des revenus procurés par ces instruments afin d’abaisser d’autres prélèvements
fiscaux (ce qui revient à une redistribution des revenus au sein du système fiscal - et à
réformer celui-ci en ce sens). »8
La fiscalité écologique est entendue dans cette recherche comme un des outils de
concrétisation d’une politique économique intégrant l’environnement, ainsi que
responsabilisant les acteurs quant aux impacts de leurs comportements économiques, dans le
cadre d’un modèle d’écodéveloppement, appliqué à partir du territoire littoral.
Cet outil permettra :
i - la traduction fiscale des objectifs de politique d’écodéveloppement ;
ii - l’orientation des investisseurs potentiels vers les éco-activités considérées comme
primordiales pour la concrétisation de cette politique ;
iii - la mise en avant des coûts environnementaux précédemment non pris en compte par les
activités économiques polluantes et destructrices des ressources naturelles.
Le modèle suivant schématisé par la figure n° 14 reproduite ci-dessous, synthétise les
différents éléments relevés jusqu’ici, et qui concernent les aspects fiscaux d’une politique
économique basée sur l’écodéveloppement. Ce schéma trace les contours préliminaires d’un
système fiscal écologique qui pourrait s’appliquer au cas de l’Algérie. Il vise à montrer que le
contenu du modèle en termes strictement économiques, ne peut avoir une portée pratique,
quelle que soit le degré de volontarisme politique et économique dont pourraient faire preuve
les pouvoirs publics et les principaux acteurs du changement, que si deux conditions
préalables sont intégrées dans la nouvelle politique économique et environnementale à
conduire.
8 Pillet G., 2006.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
22
-i- La première condition est celle d’une nouvelle politique fiscale, qui tout en étant dissuasive
dans les cas d’atteinte avérée à l’environnement et aux ressources naturelles, serait un outil
de réorientation des choix économiques et sociaux des acteurs. Cette réorientation visera le
changement des comportements des acteurs en vue de la préservation de l’environnement et
des ressources naturelles, que ces comportements soient économiques (production de valeurs
nouvelles), ou sociaux (consommations finales).
-ii- La seconde condition consiste essentiellement à appliquer une fiscalité dont la finalité
n’est pas seulement répressive en cas de dommages environnementaux, mais également une
fiscalité écologique qui, par des mécanismes appropriés, serait incitative quant à l’aide à
l’émergence d’une économie verte.
Figure 14 : Système fiscal écologique
Objectif fiscal Objectif d’orientation des
comportements
Sa
ns
con
trep
art
ieSa
ns
con
dit
ion- Impôts ordinaires
(directs et indirects)
- Prélèvements sur
rentes liées aux
ressources naturelles
Impôts écologiques purs (Incitations
pures : CO2, …)
C
on
trep
arti
e
Co
uve
rtu
re
coû
ts
- Emoluments
- Redevances (eau)
- Charges d’usage
(routes, autoroutes)
Taxes écologiques pures (Bruits, trafic
aérien, …)
Taxes Ecologiques
(Charges d’usages et redevances sur la pollution de l’air, les eaux
usées, les déchets, les transports, …)
Source : Pillet G. & Stéphani E., 2004.
La politique fiscale écologique en Algérie, bien qu’elle soit encore dans ses premiers
balbutiements, aussi bien en matière d’incitation des acteurs à s’orienter vers des activités
d’écodéveloppement que de sanctions des externalités et dommages encourues par
l’environnement du fait des activités économiques exercées, semble avoir adopté, dans les
réglementations en vigueur et tout au moins dans sa forme apparente, le système reproduit ci-
dessus. La question, qui se pose à ce niveau, concerne les modalités d’application de cette
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
23
politique fiscale écologique ainsi que la détermination de ses principales limites qui
l’empêchent d’atteindre ses objectifs d’orientation et d’incitation des acteurs vers un modèle
de croissance basé sur l’écodéveloppement.
Un exemple concret de ses limites sera analysé plus loin, concernant la fiscalité appliquée en
matière de consommation d’eau potable par les ménages. Par sa nature même, la fiscalité
écologique est destinée à faire supporter les dommages subis par l’environnement et les
ressources naturelles à leurs auteurs, en fonction d’une part de la nature de leurs activités, et
d’autre part des rejets que ces activités suscitent. Elle s’oriente vers la taxation des activités
économiques polluantes, et en second lieu vers les ménages et leurs lieux de vie
(habitations,…), en ciblant leur comportement de consommateur.
Au-delà de l’aspect « sanction financière » des activités économiques plus polluantes que
d’autres, elle a surtout, mise dans le cadre d’un modèle d’écodéveloppement, un caractère
d’orientation et d’incitation des entreprises et des investisseurs, vers des activités
économiques plus respectueuses de l’environnement et de la nature au sens large.
Si elle reste cantonnée dans la taxation du capital, la fiscalité écologique ne produirait que des
effets d’incitation ne pouvant s’exprimer qu’à long terme et maintiendrait indirectement, pour
peu que l’inefficacité coutumière des administrations continue, un attrait certain pour
l’économie informelle pour certains acteurs économiques cherchant coûte que coûte à fuir
leurs obligations fiscales et sociales. Cette situation est celle qui domine aujourd’hui, malgré
la batterie de textes de loi et réglementations diverses visant la protection des ressources
naturelles et l’environnement, mais pas ou peu suivi d’applications.
Ces raisons soulignent que, selon nous, toute fiscalité écologique nouvelle en direction des
entreprises et des ménages doit être compléter dans le même temps par des mesures
d’application concrète, même si les différences de revenus entre catégories sociales et entre
acteurs localisés dans les différents territoires, mériteraient d’être prises en compte.
La figure n° 15 ci-après représente une facture bimensuelle d’eau que reçoivent les ménages.
Elle indique les mesures fiscales appliquées au prorata des quantités consommées, ainsi
qu’une participation proche d’une participation symbolique de chaque ménage, par une taxe
précise dont le niveau relatif est fixé au prorata du prix global des volumes d’eau consommée,
aux coûts de traitement et d’assainissement des volumes d’eau polluée rejetée par les
ménages-consommateurs.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
24
Ainsi, elle indique clairement qu’au niveau réglementaire et organisationnel, des mesures
concernant une taxation incitative et responsabilisant les consommateurs quant à leurs usages
de la ressource « eau » sont bien prises et appliquées.
Figure 15 : Fiscalité écologique et consommation d’eau (ménages)
Source : S.E.A.T.A.
Le document reproduit ci-dessus représente une facture trimestrielle de distribution d’eau
potable à un ménage moyen, datée du troisième trimestre 2011. L’analyse de son contenu, par
rapport à la prise en charge, par la fiscalité en vigueur, des dommages environnementaux que
subit la ressource naturelle « eau », est très instructive, de notre point de vue.
Ainsi, ce document mentionne deux taxes liées à l’usage (consommation) de l’eau potable :
-a- Une taxe sur l’économie des quantités d’eau potable consommée. Elle est fixée à 4 % du
prix hors taxes facturé au ménage pour les quantités d’eau consommée durant la période
facturée, soit un bimestre.
-b- Une taxe dite de « qualité de l’eau ». Elle couvre la participation de chaque ménage aux
coûts globaux de traitement et d’assainissement des eaux usées. Elle est également fixée,
selon le document ci-dessus, à 4 % du prix hors taxe du volume d’eau consommée durant la
période facturée.
L’analyse de ce document permet d’identifier quelques éléments qui renseignent sur la
concrétisation d’une politique fiscale écologique aujourd’hui en Algérie.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
25
1 - Le niveau des taxes perçues est proportionnel au prix des consommations facturées,
comme l’indique le document reproduit plus haut, sans dépasser un niveau symbolique (4 %).
Comment, par quel mécanisme, ce niveau a été fixé ? Recouvre-t-il une réalité quelconque,
garantissant son objectif visé ? Pourquoi est-il uniforme pour toutes les catégories de ménages
selon le revenu ? Ne faudrait-il pas le moduler en fonction des diverses catégories de
consommateurs, définies par exemple par rapport à ce critère objectif, le revenu ?
2 - La destination des fonds ainsi collectés est inconnue. Aucune source, ni locale (entreprises
de gestion et de distribution de l’eau potable, administration communale), ni nationale
(Ministère de l’Aménagement du Territoire, de la Ville et de l’Environnement, Ministère des
Finances)9, n’informe publiquement sur la destination de ces fonds. Quels sont leurs
montants ? Quels seraient leurs usages ? A quel niveau ces fonds participent-ils à l’objectif
pour lequel ils ont été levés ? Quelle est leur efficience par rapport au niveau de réalisation
des objectifs pour lesquels ils ont été levés ? Toutes ces questions pertinentes restent sans
réponses précises de la part des organismes, administrations et institutions concernées, et
auprès desquels nous avons mené longuement notre enquête dans le cadre de cette recherche.
3 - Cette fiscalité écologique partielle, concerne uniquement la consommation de l’eau
potable distribuée aux ménages. Elle semble avoir un caractère limité en matière d’incitation à
une rationalité dans la consommation de la ressource par la population et dans le contrôle des
volumes d’eaux usées rejetées, du fait même du niveau symbolique de la taxation adoptée et
de son application à un taux unique pour tous les ménages, sans distinction entre eux, en
dehors des volumes d’eau consommée par chacun d’eux. En revanche, cette fiscalité partielle
et symbolique concernant les ménages, autorise de s’interroger sur ses implications sur les
consommateurs industriels de cette ressource en raréfaction constante, comme l’indiquent les
diverses données indiquées précédemment dans ce travail.
4 - D’un côté, on observe que les éléments obtenus ci-dessus semblent concourir à indiquer
que les pouvoirs publics sont acquis à la définition d’une politique fiscale écologique, sans
pour autant la définir de manière précise.
5 - De l’autre, l’application de cette politique semble dépendre de paramètres extra
économiques, qui ne paraissent pas avoir atteint un degré de maturité sociale, et donc
politique, suffisant pour permettre une application réelle de cette politique.
9 La dénomination de l’ex M.A.T.E. a changée en M.A.T.V.E. [Ministère de l’Aménagement du Territoire, de la
Ville et de l’Environnement], en 2012, à l’occasion d’un changement de gouvernement. Il est encore trop tôt
pour analyser la politique et l’action de cette institution en ce qui a trait à ses attributions en rapport avec cette
recherche.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
26
1.3 - Eléments pour un modèle d’écodéveloppement
Tracer les grandes lignes, même sous forme d’ébauche, d’un modèle économique qui intègre
à la fois les principes de la durabilité écologique et environnementale du processus
économique de croissance, tout en visant l’efficience quantitative et qualitative de cette
croissance dans un pays, certes doté de ressources humaines, matérielles et naturelles, mais
structurellement en développement, n’est pas chose aisée. Les controverses et débats
concernant les rythmes de croissance écologiquement soutenables dans l’économie moderne,
depuis le Rapport Meadows et jusqu’au Rapport Stern, sont loin de refléter l’état de
l’économie réelle dans les pays Sud, structurellement en développement, n’ayant donc pas
atteint un niveau de modernisation tel que ces débats et controverses puissent s’y appliquer.
Ces débats et controverses concordent avec une économie réelle moderne, productive et
structurée, ce qui est loin d’être le cas d’une économie en devenir comme celle de l’Algérie.
Cela implique une définition non pas d’un modèle économique standard, basé sur les mêmes
éléments quantifiés et quantifiables d’une économie moderne, mais un modèle global
indiquant la tendance souhaitée pour le changement des structures du mode de croissance vers
un modèle basé sur l’écodéveloppement.
La tâche est encore plus ardue tout en étant spécifique au cas étudié, celui de l’Algérie où, et
cette recherche espère l’avoir montré, le souci d’aménagement des territoires n’a eu aucune
priorité significative, ni aucune rationalité en fonction d’objectifs privilégiant l’efficience
dans la mobilisation des ressources selon les caractéristiques territoriales et l’équité dans la
répartition sociale des actions de développement et de croissance. L’intégration de
l’environnement et des ressources naturelles dans les projets de croissance, continue d’être
négligée. Les dommages que l’acte économique, privé et/ou public, dans les étapes
successives de son déroulement, fait supporter à ces ressources, ne sont pas l’objet d’intérêt
pour les acteurs institutionnels et économiques. Pour la plupart de ces acteurs, l’économie en
développement du pays a d’autres priorités, comme la création d’emplois, la distribution de
revenus, la lutte contre la pauvreté, pour s’encombrer des questions environnementales,
considérées par ces mêmes acteurs comme des questions secondaires, et en tant que tel, leurs
résolutions rejetées vers des horizons lointains et indéfinis.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
27
En revanche, la notion même d’ « écodéveloppement » sous tend l’existence de rapports
particuliers et étroits, de la part de tous les intervenants, entre « écologie » et « croissance ».
La compréhension de l’écodéveloppement ne s’arrête pas à l’objectif nécessaire de limitation
des dommages environnementaux, mais s’étend, dans son sens large, en particulier dans le cas
des pays Sud Méditerranéens comme l’Algérie, en son amont à une politique d’aménagement
des territoires qui vise à diffuser la croissance sous un principe triple :
A - équité de répartition des ressources entre les régions et leurs populations ;
B - efficience dans la mobilisation des ressources, naturelles, matérielles et humaines ;
C - Valoriser les ressources mobilisées à leur juste prix de marché.
Ce cadre, tel qu’ébauché ci-dessus, ne se limite pas à un modèle de croissance économique
intrinsèque. Le limité à ce strict objectif le vide de son sens, dans la mesure où tout mode
d’évolution purement économique, est surdéterminé, en particulier dans les économies en
construction tel que celle de l’Algérie, par des facteurs exogènes à l’acte économique lui-
même, et qui en orientent et l’action et ses résultats.
Le cadre tracé ci-dessus indique la nature de gouvernance idoine nécessaire pour le
changement, celle où la participation, la coopération et le contrat, définiraient les principes
qui guideraient un modèle d’écodéveloppement, en lui assurant des conditions de faisabilité.
C’est pour cela que, de notre point de vue, proposer, dans le cas de l’Algérie, une ébauche
d’un « Modèle d’Ecodéveloppement », doit tenir compte des conditions générales lui ouvrant
des perspectives d’application.
Cela conduit à définir les principes qui soutiennent ce modèle pour le cas étudié.
Ces principes visent des objectifs, dont la régulation équitable de la répartition et de la
mobilisation des ressources publiques, ainsi que le dépassement des conflits d’intérêts entre
les acteurs.
Ces principes seraient :
-a- La participation ;
-b- La coopération :
-c- Le contrat.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
28
Ils s’appliqueraient à l’ensemble des acteurs, qui seraient selon nous :
-1- Les institutions de régulation ;
-2- La société civile ;
-3- Les acteurs économiques.
Le modèle d’écodéveloppement vise à concrétiser trois objectifs liés :
i - Transformer les activités économiques visant la croissance en des activités moins
destructrices de ressources naturelles tout en réalisant leurs objectifs d’efficience
économique et sociale ;
ii - Diminuer les pressions économiques et sociales sur le territoire littoral, en orientant les
activités et les populations vers les deux autres territoires, non littoraux ;
iii - Diminuer les dommages environnementaux.
Les éléments de cette tentative de définition d’un modèle d’écodéveloppement, qui auront été
un des résultats de l’analyse du cas du territoire littoral de l’Algérie, sont proposés à travers la
figure suivante.
Auparavant, il s’agit de souligner les conditions préalables que nécessite la considération
concrète de l’opérabilité de ce modèle basé sur l’écodéveloppement et visant l’augmentation
d’une croissance telle qu’elle permettrait d’envisager l’émergence de l’économie du pays. Ces
conditions, au moins deux d’entre elles et mentionnées ci-dessous, découlent des résultats de
cette contribution.
-1- La première serait l’intégration d’une politique d’aménagement du territoire, basée sur une
affectation plus adaptée des territoires, en fonction en particulier du niveau respectif de
saturation, ou de pressions sociales, économiques et environnementales auxquelles ce
territoire fait face. La croissance s’effectuant dans un territoire concret, il s’agit d’intégrer
cette notion, et la politique du territoire, dans le modèle strictement économique.
-2- La seconde consisterai à valoriser les ressources naturelles selon leurs prix de marché,
ainsi qu’appliquer, à travers différents mécanismes, fiscaux et économiques, les principes de
préservation de l’environnement et des ressources naturelles.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
29
Figure 16 : Ebauche d’un Modèle d’Eco Développement en Algérie (M.E.D.A.)
Source : Khaoua N.
Comme nous l’avons montré auparavant, il ne s’agit pas de présenter un modèle quantitatif,
qui serait la mise en rapport de facteurs, mesurant des stimulations quelconques pour en
déduire des résultats techniques allant dans un sens ou dans l’autre. Cet exercice utile, n’est
fructueux qu’aux conditions d’une réelle économie moderne et structurée, où le marché et ses
acteurs ont une existence décisive dans l’évolution de l’économie et où le système d’enquêtes
quantitatives et de génération de données statistiques se caractérisent par un minimum
d’objectivité et de crédibilité.
Réaménagement
des Territoires
-a- Orienté vers l’intérieur du pays ;
-b- Arrêt des extensions urbaines sur
le territoire littoral.
Investissements Publics
- Localisés dans les territoires intérieurs,
dans des secteurs choisis, tels que :
-a- Infrastructures
-b- Energies renouvelables
-c- Eaux
Modèle Economique Basé sur l’Ecodéveloppement
-a- Activités prioritaires pour le soutien à l’investissement (crédits)
et l’imposition fiscale ;
-b- Activités localisées dans les territoires des Hauts Plateaux et du
Sahara
-c- Politique Fiscale dissuasive pour les dommages
environnementaux et les inefficiences dans les usages des
ressources naturelles
-d- Incitations nouvelles pour les I.D.E. destinés aux territoires et
activités prioritaires.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
30
Dans le cas cité, l’économie et ses acteurs n’ont pas encore atteint cette évolution structurée.
L’économie est, dans ce cas sud méditerranéen, encore en construction. Elle est
surdéterminée par les pouvoirs politiques.
L’ébauche de ce modèle pour améliorer les objectifs de croissance tout en préservant les
ressources naturelles et l’environnement, de notre point de vue, se doit d’être compléter par
des indicateurs choisis en fonction des deux principaux objectifs à atteindre, l’objectif
économique et celui environnemental.
Ces indicateurs seraient considérés comme des « indicateurs de transition » vers
l’écodéveloppement.
Ce travail de recherche nous a permis d’identifier deux de ces indicateurs de transition qui
peuvent satisfaire aux objectifs attendus.
A - Indicateur de dimension économique :
L’utilité de cet indicateur est de vérifier le degré d’efficience des actions économiques, par
rapport à des objectifs fixés au préalable en matière de croissance intrinsèque, aux niveaux
macro (taux de croissance du P.I.B.) et micro économiques (taux de croissance du P.I.B.R.).
Il vise à évaluer les performances, au niveau macro-économique, mais surtout aussi aux
niveaux sectorielles des activités, du système économique et de ses principaux acteurs directs
que sont les entreprises. Ces évaluations permettent de connaitre, d’un côté, les niveaux
macro et micro de la croissance globale et sectorielle de l’économie, et permettent ensuite
d’en estimer les participations des facteurs, ainsi que les parts des ressources naturelles
mobilisées et leurs valeurs. De l’autre, ces mesures peuvent donnent lieu à une synthèse
quantitative macro économique, ensuite sectorielle, autorisant l’élaboration et les calculs d’un
indicateur de dimension économique appliqué au système en place dans son évolution réelle.
B - Indicateur de qualité environnementale :
Il concerne l’évaluation des dommages environnementaux et des ressources naturelles et
estime leurs coûts économiques et financiers. Les résultats quantifiés obtenus périodiquement
et régulièrement permettront de mettre en rapport des proportions en fonction d’une part des
stocks connus de ces ressources, des niveaux fixés par les institutions internationales quant
aux limites dans lesquelles doivent se maintenir les pollutions et dommages
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
31
environnementaux, et d’autre part les niveaux des coûts relatifs ainsi obtenus en les
comparant au taux de croissance de l’économie.
Ces évaluations concernant les volumes ainsi que les valeurs en termes économiques et
financières, ainsi qu’en termes relatifs, des différents rejets du système économique,
s’effectuent également, comme pour l’indicateur de dimension économique, aux deux niveaux
macro économique et sectoriel. Les mesures précédentes effectuées dans l’objectif de cerner
l’indicateur de dimension économique, permettent de faire les comparaisons ainsi que les
interprétations économiques nécessaires des calculs effectués pour préconiser cet indicateur-ci
concernant la qualité environnementale du système économique dans son évolution concrète.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
33
Cette recherche s’est inscrite dès le départ dans le cadre du partenariat en cours entre un pays
Sud Méditerranéen, l’Algérie d’un côté, et les pays formant l’Union Européenne de l’autre.
La recherche d’un mode alternatif de croissance, basé sur l’écodéveloppement, de par les
contenus même du concept d’« écodéveloppement », ou en d’autres termes, de « croissance
verte », a des implications systémiques sur les processus de production, sur les étapes de cette
production, dès les choix des matières premières, les choix de l’énergie à utiliser et la manière
dont cette énergie a été produite, jusqu’aux processus techniques eux-mêmes de génération
des produits, les qualités environnementales de ces produits, ainsi que la nature des déchets et
leurs résorption à l’issue de la consommation de ces produits.
Ce cadre d’évolution de l’écodéveloppement souligne clairement que ce dernier dépend pour
sa mise en œuvre effective, de différents acteurs (institutions de régulation, investisseurs,
producteurs, consommateurs, populations, …) dont certains se situent soit en amont soit en
aval du processus économique et du marché.
Dans le même temps, le modèle d’écodéveloppement, tout en intégrant l’aménagement du
territoire en tant que condition préalable d’effectivité, dépend également des capacités
d’innovation et d’inventivité de l’ensemble des acteurs. A ce titre, il implique les structures
d’enseignement universitaire et de recherche scientifique.
Toutes ces étapes ne peuvent être réalisées par un seul pays, surtout si son système
économique est en construction comme en Algérie.
Leurs implications sur les plans technologiques, financiers et techniques les désignent comme
un horizon à conquérir, par la coopération entre les différents pays du monde avec lesquels
une coopération est ou sera engagée, comme celle qu’impliquent les Accords de Partenariats
signés avec l’Union Européenne. Cet horizon à conquérir ouvre de nouvelles perspectives à
un partenariat plus équitable dans ses modalités, ses moyens et ses résultats, avec l’Union
européenne.
Dans son « Rapport 2012 sur le Partenariat Euro-méditerranéen »10
, le Femise indique : « Un
des objectifs de la croissance inclusive est de réduire les inégalités d’accès aux opportunités,
pour les populations pauvres, et plus largement pour les populations qui en sont exclues. »11
10 FEMISE, 2012.
11 FEMISE, 2012.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
34
Les accords de partenariat de l’Algérie avec l’Union Européenne, une fois revus et réorientés
vers l’écodéveloppement, qui peut être considérer comme un mode de croissance visant par
essence une croissance inclusive, ont là une possibilité de redynamisation dans un sens qui
serait, non seulement plus équitable pour chacun des partenaires, mais également prometteur
en termes de gains pour chacun d’eux.
C’est dans cette perspective que les deux paragraphes suivants de ce chapitre tentent de faire
le point sur la situation actuelle découlant au jour d’aujourd’hui, de l’application de ces
accords dans le cas de l’Algérie.
2.1 - Convergences et divergences
Envisager des perspectives pour un renouveau du partenariat dans ses volets économiques
avec les pays formant l’Union Européenne, suppose certaines conditions préalables.
Une de ces conditions, serait à notre avis de dépasser le cadre actuel en identifiant
précisément ses limites. Ces dernières ne sont pas seulement dues aux pratiques commerciales
et économiques dans les échanges effectuées suite à l’application des accords. Elles découlent
également, selon nous, des conceptions ne correspondant pas à la nature différente, aux plans
institutionnels, organisationnels et économiques entre les partenaires Méditerranéens, tels que
l’économie de l’Algérie d’un côté, et l’ensemble de celles des pays membres de l’Union
Européenne de l’autre. La libéralisation, même graduelle, des échanges commerciaux entre
l’Algérie et l’Union Européenne, n’a conduit et ne peut conduire, qu’à l’augmentation rapide
des importations de biens et services originaires de l’U.E., en la quasi absence de biens
produits en Algérie et pouvant satisfaire aux diverses conditions de pénétration des marchés
de l’U.E., ainsi qu’à la perte sèche de ressources fiscales pour l’Algérie du fait du
démantèlement de sa politique fiscale face aux importations originaires de l’U.E.
Dans un de ses derniers ouvrages, J. E. Stiglitz12
écrit à ce sujet : « La libération des échanges
est censée bénéficier à un pays parce qu’elle opère un transfert de ressources, de secteurs
protégés où ce pays n’a pas d’avantage comparatif vers d’autres branches où il est plus
efficace et peut exporter avec plus de succès. Mais, dans les pays en développement, la
contrainte qui empêche la croissance de nouveaux secteurs exportateurs n’est pas, en
général, le manque de ressources (main-d’œuvre et autres intrants nécessaires à la
production) disponibles pour des activités nouvelles. Ces pays ont de vastes réserves de
12 Stiglitz J. E. et Charlton A., 2007.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
35
ressources, en particulier humaines, inutilisées ou sous-utilisées. La libéralisation des
échanges n’est donc pas nécessaire pour les « libérer » afin de pouvoir les affecter à de
nouveaux usages. Sans mesures complémentaires pour alléger les autres contraintes qui
entravent le développement des secteurs exportateurs, la libéralisation du commerce, en
supprimant la protection des industries nationales qui servent le marché intérieur, pourrait
simplement mettre hors jeu les travailleurs et les autres ressources qu’utilisaient ces branches
jusque là protégées : dans l’immédiat, ils resteront inemployés. »13
Le cas de l’Algérie est un cas des plus exemplaire d’une économie en développement dont les
dotations et les disponibilités internes en matière de ressources diverses, dont les ressources
humaines, pour la croissance, sont plus que suffisantes. Dans le sillage de la citation ci-
dessus, l’efficience attendue de la mobilisation de ces ressources ne peut être conditionnée par
le degré d’ouverture de l’économie de ce pays, mais beaucoup plus par un accompagnement
en amont et en aval des acteurs publics et privés du marché algérien stricto sensu.
Les chercheurs qui ont tracé, dans le cadre du F.E.M.I.S.E.14
, le profil de l’économie de
l’Algérie en 2006 déjà, écrivent dès les premières pages de leur étude :
« Il existe un accord sur le diagnostic et certaines grandes directions :
- L’Algérie a longtemps souffert du « syndrome hollandais » et de son exposition à la
volatilité du cours du pétrole, sa principale ressource.
- L’économie n’est pas assez diversifiée, ce dont témoignent tout autant les sources de
recettes fiscales que le contenu des échanges extérieurs et souffre socialement d’un fort taux
de chômage, qui pèse fortement sur la paix sociale et, en conséquence, sur les capacités des
gouvernements à réformer. »15
Ces deux citations mentionnées ci-dessus, montrent clairement les particularités, en termes de
niveau d’achèvement des structures des économies en développement tel que celle de
l’Algérie. Cette expérience nationale est certes un cas spécifique. Cependant, en matière
d’effets de croissance de son économie comme conséquences concrètes des accords de
partenariat que ce pays a engagé avec l’Union Européenne, il demeure qu’ils sont, à cette
date, en 2013/2014,loin de correspondre aux attentes annoncées.
13 Stiglitz J. E. et Charlton A., 2007.
14 FEMISE, 2006.
15 FEMISE, 2006.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
36
2.2 - Ecodéveloppement et renouveau du partenariat
L’Algérie n’a pas encore adhéré, en 2012/2013, au « Programme Européen de Voisinage »
(P.E.V.), institué dès le début des années 2000 par l’U.E. pour ses voisins de l’Est et du Sud.
Plusieurs années après que la ratification des accords de partenariat a été faite, et que leur
application avance au bénéfice d’un seuil des deux partenaires, c’est-à-dire les économies des
pays membres de l’U.E., on peut dès à présent en apprécier les premiers résultats
économiques et les effets sociaux directs. Force est de constater que ces résultats, du point de
vue de la croissance économique en Algérie et de leur participation à la résorption du
chômage structurel à travers la création d’emplois nouveaux, sont plutôt très décevants, sinon
franchement négatifs. En effet, ces accords ont conduit à un démantèlement tarifaire qui, tout
en augmentant le manque à gagner financier pour les recettes fiscales du pays, étrangle les
rares entreprises algériennes qui veulent encore produire, vendre et subsister, dans un marché
local où le moindre produit importé se négocie à des prix défiant toute concurrence du produit
similaire local. Ne parlons pas d’exportation des produits d’origine algérienne. Le producteur
local est ainsi contraint soit de ce transformer en importateur et distributeur local des biens et
services produits à l’étranger et mettre au chômage le surplus de salariés dans son entreprise,
soit acculé à disparaitre du marché, et peut exercer son activité dans les circuits opaques de
l’économie informelle. Manifestement, et quelles que soient les volontés des institutions de
permettre à cette situation de perdurer, ses coûts économiques et ses implications sociales sur
le marché du travail et le système productif en Algérie, ne pourront éternellement être niés.
De 2012 à 2018, les pertes fiscales résultant du démantèlement tarifaire dans les échanges
commerciaux suite aux accords de partenariat avec l’Union Européenne, ont été estimé à
environ 7 milliards de dollars américains, soit environ 42 milliards de dollars, équivalents à
plus de 20 % du P.I.B. de l’Algérie en 2013.
Au vu de cette situation intenable à terme, la redéfinition de ces accords, dans le cadre d’un
nouveau mode de croissance reposant sur l’écodéveloppement, peut s’envisager en partageant
les gains éventuels entre tous les partenaires dans un esprit d’équité.
La figure n° 13 ci-dessus vise à montrer les tendances nouvelles que peut prendre ce mode de
croissance basé sur l’écodéveloppement, pour le cas étudié. Ce cas, celui de l’Algérie, se
caractérise jusqu’à maintenant sans aucun signe d’infléchissement de cette tendance, par
l’intense exploitation de son territoire le plus vulnérable, celui littoral, tout en négligeant ses
territoires intérieurs plus vastes et moins vulnérables.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
37
2.3 - L’écodéveloppement, une alternative
Face aux observations des résultats économiques, sociaux et environnementaux qu’offrent
l’analyse éco-environnementale du système économique en cours en Algérie, quelle
alternative peut, en même temps dynamiser la croissance tout en préservant les ressources
naturelles et l’environnement ? Des analyses similaires ont été menées pour les cas des pays
voisins, et ont abouti aux mêmes résultats. Un de ces travaux concerne la situation éco-
environnementale au Maroc.
Dans un document intitulé « Gestion des Ressources Naturelles et Biodiversité au Maroc,
Propspective Maroc 2030 »16
, il est mentionné : « L'exploitation des ressources naturelles
assure une large part de l'économie et conditionne le développement du monde agricole et
rural. L'érosion des sols coûte très cher à la collectivité et la lutte antiérosive ne peut devenir
réellement efficace que par le développement des montagnes et la gestion patrimoniale des
forêts et des autres ressources des bassins versants. Les parcours d’altitude et les parcours
steppiques représentent un bien inestimable dont la surexploitation peut conduire à une crise
économique et sociale à brève échéance. Il est donc nécessaire de sauvegarder ces ressources
par une politique d’aménagement spatial où l’espèce précieuse et le milieu protégé sont à
intégrer en tant qu’éléments dynamiseurs de la conception globale. La mobilisation de
moyens humains à l’occasion d’une action de conservation crée une dynamique locale qui
influe sur l'ensemble des secteurs. »17
Cette analyse de la situation dans un pays frontalier s’adapte complètement à celle en cours en
Algérie, tellement les similarités économiques et environnementales sont partagées entre les
pays Sud Méditerranéens d’Afrique du Nord. Le même document ajoute : « Les ressources
naturelles et écologiques constituent une richesse, dont la dégradation peut représenter une
contrainte au développement humain et économique et souvent une menace pour l’équilibre
social. La prise de conscience est effective de la part des responsables, des opérateurs
économiques et de la population en général, du caractère épuisable des ressources et de la
dégradation, source d’appauvrissement. Mais la recherche ne s’est pas suffisamment orientée
vers l’analyse des secteurs porteurs d’une nouvelle dynamique de développement, en étudiant
la contribution possible de la valorisation de l’environnement et du patrimoine, dans l’effort
16 Laouina A., 2006.
17 Laouina A., 2006.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
38
de développement humain et territorial. Ainsi, la protection des ressources naturelles et de la
biodiversité doit aller de pair avec la valorisation des sites d’intérêt écologique par diverses
activités comme l’écotourisme ou avec la production agricole biologique et labellisée dans
des espaces circonscrits hautement productifs. La composante écologique doit donc être
conçue comme base de développement, soutien du développement et non plus comme entrave
au développement. »18
C’est, selon notre avis, précisé par les résultats auxquels notre recherche sur le cas éco-
environnemental de l’Algérie a aboutit, vers de nouveaux créneaux porteurs d’une nouvelle
dynamique de développement et similaires à ceux cités dans le paragraphe ci-dessus et
concernant le cas marocain, nouveaux créneaux d’activités économiques respectant
l’impératif écologique, que doivent tendre et la politique de croissance, et les accords de
partenariat qui lient ce pays dans une relation de coopération multiple avec l’Union
Européenne. Au-delà des marchés conjoncturels où seuls quelques acteurs du Nord et du Sud
méditerranéens trouvent leurs seuls intérêts financiers immédiats, les objectifs des pays et
institutions Nord et Sud doivent tendre vers des objectifs associant le plus grand nombre, sur
des générations, du Sud et du Nord. Envisagé dans un cadre pareil, l’écodéveloppement ne se
limiterait plus à une simple stratégie économique, mais s’élargirait, à partir de son modèle
économique, vers une politique de développement des territoires du Sud méditerranéen qui
ouvrirai de nouvelles perspectives de coopération et d’échanges multiples avec les économies
de l’Union Européenne.
C’est en ce sens qu’il serait une alternative au partenariat en vigueur.
Après l’analyse du cas de l’Algérie, on peut relever que la maîtrise des impacts
environnementaux et la diminution des coûts que ces impacts entraînent, à travers l’adoption
d’un modèle d’écodéveloppement, est beaucoup plus réalisable dans les pays Sud
Méditerranéens d’Afrique du Nord, tels que l’Algérie, que dans les autres pays MENA. Un
des indices qui pourraient confirmé ce résultat, est celui de l’indicateur de l’efficience
énergétique par rapport au PIB. Cet indicateur, même s’il reste modeste dans ce pays, est plus
élevée que dans la plupart des pays MENA, selon plusieurs études.
Enfin, il faut relever que d’une manière générale, la nécessité du changement du modèle de
croissance en cours vers un autre basé sur l’écodéveloppement pour les pays MENA,
particulièrement ceux Sud Méditerranéens d’Afrique du Nord, commence à émerger dans les
18 Laouina A., 2006.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
39
travaux actuels menés aux niveau international. Le récent « 2012 Med Report »19
publié par la
Banque Mondiale et le Centre d’Intégration Méditerranéenne en est un exemple récent.
Il y est relevé : « Dans les pays Sud et Est Méditerranéens, la demande [émerge] d’un
nouveau paradigme pour la croissance et le développement. La croissance verte offre
l’opportunité d’augmenter simultanément la croissance, la création d’emplois et l’équité
sociale. »20
2.4 - Croissance et chemin vers l’écodéveloppement
Le coût énergétique, apprécié à travers l’efficience par unité d’énergie mobilisée, représente
une part importante des coûts environnementaux qui impactent directement le rythme de
croissance. Pour l’économie de l’Algérie, et en élargissant les résultats obtenus à partir de
l’analyse du cas régional du Grand Annaba, il s’avère que l’efficience énergétique selon le
mode actuellement en cours, reste appréciable et son niveau relatif s’améliore par rapport aux
années antérieures ainsi que par rapport à certaines économies de la région M.E.N.A.
L’importance des coûts environnementaux supportés par le collectivité nationale dans son
aspect intergénérationnelle, plaide pour accompagner les changements introduits au niveau
des secteurs d’activité, du fait de l’adoption d’un modèle d’écodéveloppement, par une
réforme fiscale écologique, qui ne visera pas seulement à sanctionner les dommages
environnementaux et les inefficiences dans les usages des ressources naturelles dont l’énergie,
mais créerait les conditions fiscales et financières d’incitation des investisseurs vers le choix
des secteurs d’activités écologiques et vers l’introduction de nouveaux procédés techniques
permettant l’élévation du niveau d’efficience par unité de ressources naturelles mobilisées.
Nous avons déjà abordé ci-dessus la problématique que pose la fiscalité environnementale,
dans le cas de l’Algérie.
L’O.C.D.E. dans une récente étude consacré à ce thème, définit la Réforme Fiscale
Ecologique en ces termes : « La réforme fiscale écologique » (R.F.E.) recouvre un ensemble
de mesures fiscales et de tarification permettant d’obtenir des recettes budgétaires tout en
contribuant à atteindre les objectifs environnementaux. La communauté internationale s’est
engagée à atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (O.M.D.), et en
19 W.B & C.M.I., 2012.
20 Traduction de Khaoua N.; Texte original: “In Southern and Eastern Mediterranean Countries (SEMCs),
demand is growing for a new paradigm of growth and development. Green growth provides an opportunity
simultaneously to foster economic growth, job creation, and social equity ».
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
40
particulier celui d’ordre général consistant à réduire de moitié l’extrême pauvreté d’ici
l’année 2015. Pour aider à atteindre les O.M.D., les gouvernements des pays en
développement doivent mobiliser des ressources pour les investir dans les écoles, les soins de
santé, les infrastructures et l’environnement. »21
A partir de cette nouvelle politique fiscale,
orientant les acteurs vers la préservation de l’environnement et des ressources naturelles, peut
s’envisager une autre politique d’intégration de l’aménagement du territoire en tant que
facteur nécessaire au mode de croissance basé sur l’écodéveloppement, en fournissant ainsi
une part des ressources financières indispensables à cette nouvelle politique. En effet, un des
résultats de cette analyse éco-environnementale, est que les pressions économiques et sociales
que subis le territoire littoral, prennent leur source dans l’organisation urbaine existante sur ce
territoire. L’ébauche d’un modèle basé sur l’écodéveloppement et proposée ci-dessus, est sous
tendue par la recherche, tout autant que d’une croissance économique réelle, de la
préservation des ressources naturelles dans un cadre permettant le dépassement des conflits
d’intérêts prévisibles entre les différents acteurs impliqués. Plusieurs travaux de recherche
tendent à confirmer la tendance qui se dégage de notre présente étude. Cette tendance vise en
premier lieu à mettre en lumière les potentialités économiques nouvelles qu’offre
l’écodéveloppement. Elle vise à montrer également que le mode de croissance basé sur
l’écodéveloppement dans les territoires les plus porteurs de la croissance économique en
Algérie, peut être le point nodal de la transition économique vers une croissance écologique
permettant de dépasser la crise structurelle en matière de croissance et de développement dans
ce pays.
Malgré les investissements engagés jusqu’à maintenant en Algérie, un gap structurel demeure
entre les taux de croissance enregistrés et les niveaux de ceux-ci, nécessaires pour répondre
aux besoins d’emplois, de revenus et de sortie de la pauvreté du plus grand nombre dans ce
pays Sud Méditerranéen. En même temps, la faible croissance relative de cette économie en
développement, ne se déroule pas sans dommages environnementaux significatifs et sans
destruction des stocks en ressources naturelles, par essence non renouvelables. Ainsi, le mode
de croissance en cours dans ce pays, peut être résumé dans ses grandes lignes.
Tels qu’ils se dégagent de ce travail, les éléments formant les grandes lignes du mode de
croissance en cours sont :
21 O.C.D.E., 2005.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
41
-a- Une valorisation internationale de certaines ressources naturelles à fort potentiel
marchand : les hydrocarbures ;
-b- Une réponse extravertie à la demande interne pour la plus grande partie des biens et
services par l’accroissement et l’élargissement du spectre des importations ;
-c- Une concentration des populations et des investissements économiques dans le territoire
Littoral, qui représente seulement 4 % de la superficie totale du pays.
C’est dans la poursuite continue de ce modèle depuis des décennies, que les spécificités
propres à ce pays apparaissent, soit :
-d- une ouverture débridée sur les importations, au détriment des possibilités de productions
locales ;
-e un interventionnisme public bureaucratique et pénalisant pour la production locale.
Les résultats économiques et environnementaux de cette situation évoluent de manière
opposés, tant la croissance stagne et les dommages environnementaux prennent plus
d’ampleur :
-A- le taux de croissance du P.I.B. est en deçà des niveaux nécessaires pour correspondre aux
attentes sociales, en matière de création d’emploi, d’amélioration des niveaux de revenus
distribués et plus généralement d’élévation des niveaux de vie,
-B- les stocks de ressources exploitées s’épuisent, car par nature non renouvelables ;
-C- les coûts des dommages sont plus élevés, que les niveaux de croissance enregistrée.
Les coûts des dommages en Algérie sont aussi élevés que ceux de beaucoup de pays
M.E.N.A., alors que la plupart de ces derniers disposent de moins d’opportunités que
l’Algérie, à plusieurs niveaux, pour envisager une politique éco-environnementale
systémique.
Les données figurant dans la figure n° 17 suivante, élaborée par le M.E.T.A.P.22
le
confirment.
22 M.E.T.A.P., 2004.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
42
Figure 17 : Coûts par domaine environnemental
- Pays M.E.N.A. -
Source : M.E.T.A.P., 2004.
Par comparaison avec les autres économies en développement de la région M.E.N.A., les
coûts environnementaux qu’entraîne le mode de croissance suivi en Algérie, se rejoignent de
manière globale, puisque selon la figure ci-dessus, ces coûts oscillent dans une fourchette
relativement restreinte, de 2,1 % du P.I.B (Tunisie, 1999), à 4,8 % (Egypte, 1999), l’Algérie
enregistrant 3,7 % pour la même année 1999.
Cependant, dans le cas de ce pays, ces coûts sont relativement plus élevés, et donc les
dommages environnementaux plus profonds, dans certains domaines plus que dans d’autres.
Les domaines où ces coûts sont dans le cas algérien les plus élevés sont dans l’ordre :
-a- les sols ;
-b- l’air ;
-c- les eaux ;
-d- les zones côtières ;
-e- les déchets, dont la part des coûts dans le P.I.B. en 1999, est relativement la plus faible. Ce
niveau relatif très bas des coûts environnementaux des déchets par rapport au P.I.B. de
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
43
l’Algérie en 1999, ne signifie cependant pas, qu’à un niveau micro-économique, la question
des déchets et des coûts environnementaux qu’elle entraîne, n’est pas un frein à la croissance.
La transition vers un autre mode de croissance, celui basé sur l’écodéveloppement, visant en
même temps l’amélioration des performances économiques et la diminution de leurs coûts
environnementaux, devient un objectif primordial.
Cette transition vers l’écodéveloppement constitue un tel effort à tous les niveaux que son
inscription dans un cadre de coopération internationale, avec en particulier les partenaires
Nord Méditerranéens, est un gage de réussite future à atteindre les objectifs visés.
L’écodéveloppement peut s’intégrer dans des accords de partenariat renouvelé entre l’Union
Européenne et l’Algérie.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
44
Conclusion
Dans ce troisième volume de notre étude, nous avons voulu nous interroger dans le premier
chapitre, sur la possibilité que peut avoir l’écodéveloppement, en tant que mode de croissance
plus durable, visant la réalisation de l’équité éco-environnementale intra et inter
générationnelle.
Cette question n’est pas simple, et de son éclaircissement dépendent les choix qui peuvent être
pris en matière de croissance économique pour le moyen et le long terme, en Algérie.
En effet, les deux caractéristiques de l’état actuel du système économique dans ce pays
plaident pour une autre voie à prendre, une alternative au mode actuel de croissance.
La première de ces caractéristiques, que soulignent les taux de croissance effectivement
réalisés depuis une décennie, est celle d’une stagnation structurelle, sinon une crise
systémique de l’économie de ce pays, dont la manifestation la plus partagée est celle des
différentes formes que prend l’inégalité entre les territoires, les acteurs économiques et les
populations, selon qu’ils sont localisés dans l’un ou l’autre des trois principaux territoires du
pays. Un aspect des coûts en augmentation de cette situation, bloquant ou freinant toute
croissance, est celui des coûts environnementaux qu’entraîne les dommages ainsi subit par les
ressources naturelles dans leur diversité, et l’environnement en général.
La deuxième caractéristique, que dévoilent l’estimation des dommages environnementaux et
les destructions de ressources naturelles, souligne que ces coûts environnementaux surpassent
en termes relatifs par rapport au P.I.B. enregistré, les résultats de la croissance. Non seulement
le système économique actuel crée peu de valeurs nouvelles pour répondre aux demandes
sociales, mais dans le même temps il détruit une part des ressources naturelles collectives.
La nécessité d’une alternative se dessine ainsi vers un modèle qui puisse impulser l’économie
et la croissance, tout en augmentant la préservation des ressources naturelles et de
l’environnement. Au changement économique dans ses choix d’investissement, s’intègre
également la nécessité d’un autre type d’aménagement du territoire qui prenne en compte les
spécificités de chaque partie du territoire du pays, en particulier l’état actuel de la partie la
plus vulnérable du point de vue économique, social et environnemental, le territoire littoral.
Ce nouveau mode de croissance basé ainsi sur l’écodéveloppement est esquissé à travers une
ébauche dans ce premier chapitre.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
45
Dans le deuxième chapitre de ce travail, l’objectif est de montrer que d’une part les résultats
de l’application des accords de partenariat avec l’Union européenne sont loin des attentes
espérées, et que d’autre part leur mise en œuvre ne bénéficie pas de manière équitable aux
acteurs Sud et Nord méditerranéens impliqués.
La nécessaire refondation sur de nouvelles bases de ces accords trouve dans la recherche d’un
nouveau mode de croissance basé sur l’écodéveloppement, une opportunité réelle pour
l’établissement d’un réel partenariat international entre l’Algérie et l’U.E., où chacun des
deux partenaires peut espérer un gain établi sur de nouvelles bases plus efficientes, à moyen et
long terme.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
46
Conclusion Générale
L’Ecodéveloppement : pour un Partenariat « Gagnant - Gagnant »
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
47
Les principaux résultats qui se sont dégagés tout au long de cette recherche sont résumés dans
les éléments suivants. Ces éléments tendent à approfondir la conception qui considère que
l’écodéveloppement, en visant l’alignement de l’économie sur l’écologie, vise à atteindre une
situation éco-environnementale nouvelle, où l’ensemble des acteurs de la croissance réalise un
gain, tout en améliorant le degré de réalisation des objectifs de cette croissance et ceux de la
nécessaire préservation de l’environnement et des ressources naturelles.
Le territoire littoral, en Algérie, est par nature en même temps qu’un territoire riche de
ressources naturelles diversifiées, un territoire fragile du fait de ses limites relatives par
rapport au reste des deux autres types de territoires dans ce pays. Ces limites sont celles
qu’entrainent les pressions multiples, dont en particulier celles conduisant à des dommages
environnementaux, qu’il subit continuellement. Ces pressions le saturent, surtout en ce qui
concerne la disponibilité de certaines de ses ressources naturelles, tels que les sols, l’eau, la
végétation, la flore et la faune.
Ces dommages environnementaux sont souvent irréversibles. En termes économiques et
financiers, ces pertes entraînent un coût, orientant à la baisse en fait les résultats déjà faibles
de la croissance, soit au niveau du P.I.B. du pays, soit à celui du P.I.B.R. de chaque région.
Poser la question des causes de ces dommages, revient à interroger le système économique en
cours dans ce pays. Ce système se base depuis plusieurs décennies, sur la valorisation
extérieure de matières premières minérales. Il ne présente que peu d’alternatives à une
exploitation plus rationnelle de l’ensemble des territoires du pays. Le peu d’activités de
production matérielle qu’il maintient n’est pas conçu pour un usage valorisé et économe des
ressources naturelles et de l’environnement. Il n’intègre pas également les coûts des
dommages qu’il provoque et les fait supporter, non pas par la source ou acteur qui les a
produit, mais par la collectivité dans son ensemble.
Dans les conditions décrites ci-dessus, « l’écodéveloppement » se présente comme une
alternative économique pertinente et durable au système économique en place. L’adoption
d’un modèle d’écodéveloppement, tout en réalisant un « big push » en termes de croissance,
par rapport aux niveaux actuels en élargissant les choix possibles en matière de créneaux
d‘investissement dans des activités productives nouvelles (récupération, traitement, recyclage,
innovation, etc.), augmentera et diversifiera la production matérielle intérieure et les créations
d’emplois, redynamisera sur de nouvelles bases mutuellement bénéfiques aux partenaires, les
accords de partenariat de ce pays avec l’Union Européenne.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
48
L’alternative de l’écodéveloppement peut s’envisager à partir de la disponibilité de vastes
territoires intérieurs : plus de 80 % du territoire de l’Algérie sont encore relativement vierge
de toutes concentrations urbaines significatives et d’activités économiques importantes. Ces
territoires peuvent constituer, dans le cadre général d’un modèle de croissance, basé sur
l’écodéveloppement, un horizon géographique pour l’orientation nouvelle des implantations
urbaines et d’entités de production économiques.
Cette alternative est conditionnée par la définition et la mise en place au préalable d’un
nouveau système d’aménagement des territoires, orienté vers l’intérieur du pays, couplé à des
mesures empêchant l’élargissement et la poursuite de l’urbanisation et de tout projet
d’artificialisation du territoire littoral.
Cette conditionnalité est interne au système économique.
Elle ne saurait être à elle seule déterminante, en l’absence d’une reconfiguration politique des
pouvoirs de l’Etat, reconfiguration basée sur une plus grande régionalisation des structures de
décision, en lieu et place de la centralisation politique actuelle datant de plusieurs décennies.
Ces mesures à court (1 à 3 ans) et moyen termes (3 à 5 ans), dépendent d’une volonté qui ne
peut être que celle de l’Etat, susceptible de placer le territoire littoral au centre d’un modèle
d’écodéveloppement.
Ce préalable de la volonté politique est un élément externe à l’analyse économique et
environnementale proprement dite. C’est, en d’autres termes plus techniques, le « facteur
exogène P » identifié déjà par Solow R.23
Ensuite, il s’agira de mettre en place d’abord les moyens d’une connaissance pour une
réflexion conduisant à une action adaptée, dotée de moyens adéquats et d’objectifs précis et
datés. Ces moyens de connaissance et de réflexion pour l’action, peuvent être envisagés sous
la forme d’un Institut National d’Etudes du Territoire Littoral. L’Union Européenne peut être
consultée et sollicitée pour aider à définir les programmes d’études et de recherche dont
pourrait se charger un tel Institut.
Une deuxième mesure pourrait permettre de disposer de ressources fiscales pour le
financement d’une part des investissements nécessaires dans le cadre d’un modèle
d’écodéveloppement, tout en luttant contre le chômage et l’élargissement social de
l’économie informelle.
23 Solow R., 1956.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
49
Elle consisterait en l’innovation d’un mécanisme liant ouverture du marché à l’extérieur et
gains à l’exportation des produits locaux.
Car, l’ouverture économique a entrainé en relativement peu d’années, un coût fiscal,
économique et social énorme et continu. Ce coût est constitué de pertes en droits et taxes dues
au démantèlement tarifaire progressif, condition de l’ouverture libérale du marché intérieur,
de la faillite de centaines d’unités de production publiques et aussi privées n’ayant aucune
possibilité d’élever la compétitivité de leurs productions face à l’importation des produits
étrangers, et de pertes emplois par centaines de milliers.
Dans le cas de l’Algérie24
, les moyens financiers d’engager un tel effort de renouvellement du
mode de croissance, existent. Ils résident dans l’amélioration de l’état des ressources
financières mobilisables par l’Etat depuis 2005, comme conséquence à la bonne tenue des
prix internationaux des hydrocarbures, dont la valorisation internationale forme 98 % des
revenus des exportations25
. Ces ressources sont régulées à travers le fonds de régulation des
recettes et qui contiens le surplus budgétaire estimé à plus de 4 000 milliards de dinars, fin
2012. Quant aux réserves de change, elles ont atteint, en fin d’année 2012, près de 190
milliards de dollars américains. Enfin, le déficit budgétaire de l’Etat reste dans des limites
acceptables, estimé qu’il est à environ 1 400 milliards de dinars, soit près de 9 % du P.I.B.
24 Khaoua N., 2010.
25 C.N.I.S., 2012.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
50
Références
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Endogenous Growth Model”, International Economic Review, Vol. 37, n° 4, 1996.
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Development Economics, Cambridge University Press, 2007.
Femise, Profil Pays Algérie 2005, Femise, Marseille, 2006.
J.O.R.A., Loi n° 03-10, 19 Juillet 2003, Alger.
Khaoua N., “The Sonatrach Oil Company, Algeria: development lever or Instrument of
power?” In Beltran A., “A comparative history of national oil companies”, P. Lang, Paris,
2010.
Laouina A., « Gestion des ressources naturelles et biodiversité au Maroc, prospective Maroc
2030 », Rabat, 2006.
O.C.D.E., « La réforme fiscale écologique axée sur la réduction de la pauvreté », Paris, 2005.
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Pillet G. et al, “Meso Environment - Economic Analyses, Methodology and Main Results -
Industry and Urban Communities in the Arab Countries”, SMIA, Genève, 2005.
Pillet G., Economie de l’environnement, Ecologie de l’économie, Heilbing & Lichtenhahn,
Bâle, Munich, Genève, 2006.
Pillet G., Stéphani E., « Réforme Fiscale Ecologique, Eléments d’ordre méthodologique »,
Ecosys, Genève, 2004.
Solow, R. M., “A contribution to the theory of economy growth”, Quarterly Journal of
Economics, 1956.
Stiglitz J.E., Charlton A, Pour un commerce mondial plus juste, A. Fayard, Paris, 2007.
W.B., Inclusive Green Growth: The Pathway to Sustainable Development, The World Bank,
Washington, 2012.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
52
Annexe 1
Plusieurs éléments caractérisant la situation actuelle du système sociale de l’Algérie, depuis
au moins l’an 2000 jusqu’à aujourd’hui en 2014, permettent de considérer la gouvernance
existante dans ce pays en tant que « gouvernance » destructrice de ressources, dont les
ressources naturelles et l’environnement. Ainsi, peuvent être relevées ici les questions de
l’économie informelle et de la politique fiscale en cours.
De phénomène marginal contenu dans des proportions maîtrisées, les activités économiques
informelles se sont déployées et élargies durant la décennie des années quatre-vingt, avec la
restructuration - démantèlement des entreprises nationales publiques. L’outil de production
publique, en particulier industriel (secteurs de la sidérurgie, de la métallurgie, de la
mécanique, de l’électronique, de l’informatique, etc.), dominant à plus de 90 % en 1980, a été
démantelé, ses unités dispersées et dépecées, sans pour autant qu’il y est existence d’acteurs
économiques privés ayant les capacités financières et productives pour prétendre prendre le
relai en matière de production industrielle et plus largement de croissance.
Si on considère la relativement longue période allant de 1980 jusqu’en 2012/2013, on observe
les tendances économiques principales suivantes :
-a- L’évolution relative du P.I.B., a été en moyenne de 2 % par an sur la période ;
-b- Par contre, le poids relatif de l’économie informelle, d’environ 10 % du P.I.B. en début de
période, représente en fin de période au moins 50 % de ce même P.I.B. ;
-c- Durant la même période, la production industrielle et celle agricole, qui participaient pour
environ 30 % du P.I.B., avec 18 % pour la production industrielle, ne participent plus dans la
formation du P.I.B. en 2013 que pour moins de 14 %, avec moins de 4 % pour la production
industrielle et environ 9 % pour la production agricole.
Ces données relatives montrent clairement le recul du système de production du pays, au
profit de l’importation tous azimut, tous produits confondus, avec un élargissement général
des activités économiques informelles, soit monopolisant de manière sournoise une partie du
commerce extérieur d’importation, soit activant dans les activités de distribution et de survie.
Les effets globaux sur les ressources naturelles et l’environnement, dans les conditions et
l’évolution décrites ci-dessus, sont surtout représentés par l’accroissement des dommages et
des pertes irréversibles des diverses ressources.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
53
Annexe 2
En matière fiscale, et compte tenu de la promulgation de certaines réglementations visant la
protection des ressources naturelles et de l’environnement, dès le début des années 200026
,
l’observateur serait tenté de considérer que ces lois et réglementations sont appliquées. Dans
le même ordre d’idée, on pourrait également être tenté de penser que les aspects de politique
fiscale en rapport avec les objectifs de préservation de l’environnement et des ressources
naturelles, sont également pris en charge concrètement, depuis maintenant plus d’une
décennies27
où les premières mesures fiscales en ce sens ont été promulguées.
Dans les faits, les lois et textes réglementaires concernant l’environnement ne sont pas encore
suivis d’une application rigoureuse. Leurs prolongements en matière fiscale pâtissent
également de nombreuses limites. L’exemple cité ci-dessus et concernant la taxation en
rapport avec la consommation d’eau par les ménages et les rejets d’eau polluée qui en
résultent, en indique certaines.
Annexe 3
Jusqu’à maintenant, l’environnement, les ressources naturelles, à l’exclusion de celles
valorisées à l’international (hydrocarbures), les impacts de leurs dégradation et les dommages
environnementaux en général, bien que coûtant des parts plus élevées chaque année en termes
de P.I.B. et de croissance, de postes d’emplois, de journées de travail perdues, etc., sont le
parent pauvre de l’architecture institutionnelle en Algérie. Bien qu’à première vue, les
quarante huit [48] Wilayas du pays disposent chacune d’une « Direction de
l’environnement », et qu’ainsi la problématique environnementale est bien prise en charge, la
réalité est toute autre, ces structures au niveau des Wilayas n’ayant aucune efficacité ni
possibilité d’influer sur l’état concret des dommages soutenus de l’environnement et des
ressources naturelles. Dans la plupart de ces structures administratives régionales, aucun
fonctionnaire, quel que soit sa tâche et sa responsabilité dans la dite structure, n’a suivi une
formation universitaire sanctionnée par un diplôme en économie de l’environnement.
26 Loi n° 03-10 du 19 Juillet 2003.
27 Loi n° 03-10 du 19 Juillet 2003.
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
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Structures administratives sans compétences réelles pour appréhendant les liens directs entre
les activités et l’objectif de préserver ce bien collectif inter générationnel que représentent les
ressources naturelles et l’environnement, leur existence et leurs fonctions se limitent à une
application routinière d’une réglementation légale et fiscale inadaptée en matière de
préservation de l’environnement et de sanctions fiscales en deçà des coûts réels résultant des
atteintes à cet environnement. Ces administrations régionales inefficientes par rapport à leur
objet, contribuent à la bureaucratisation stérile du pays et de son économie.
Plus généralement, les questions environnementales et d’aménagement des territoires,
dorénavant cruciales pour toute politique de croissance et de développement, sont dévolues à
un Ministère qui se charge formellement (selon sa dénomination officielle) en premier « de
l’Aménagement du Territoire », et seulement ensuite « de l’Environnement » et
accessoirement « de la Ville », (terme ajouté à cette dénomination lors du remaniement
gouvernemental effectué en fin d’année 2012). Le dernier remaniement gouvernemental a
encore renvoyé ce terme « Ville » du ministère cité vers d’autres horizons que seuls ceux qui
décident sans aucun débat public, ni avis autorisé indépendant, peuvent connaître.
Les impacts environnementaux, tels que les pollutions, pertes et gaspillages de ressources
naturelles comme l’eau, les sols, les forêts, la biomasse, etc., les pathologies humaines que
ces pollutions provoquent, les freins que ces impacts entraînent sur l’évolution du taux de
croissance du P.I.B. et plus généralement sur l’économie, sont reléguées loin des priorités par
la sphère politique en Algérie.
Les études, enquêtes et autres rapports élaborés sur ces questions cruciales sont :
1 - Rendues publiques très parcimonieusement, leur diffusion est le plus souvent confinée
dans les cercles très restreints de l’administration centrale.
2 - Ces documents ne sont jamais mis à la disposition de l’opinion publique, ni à celle des
structures d’enseignement et de recherche universitaires, pour leur exploitation par les
chercheurs, associations idoines, etc.
3 - Les rares documents distribués en dehors des cercles restreints des institutions
gouvernementales, le sont paradoxalement en direction des organismes internationaux,
comme l’U.N.E.P., la Banque Mondiale, le P.N.U.D., les cabinets d’expertises étrangers
auxquels il est systématiquement fait appel par les institutions, ignorant ainsi volontairement
l’existence des capacités d’expertises universitaires locales, même si ces dernières sont
Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat
55
insuffisantes et peuvent être moins productives en termes de publications scientifiques dans ce
domaine encore ignoré par l’Université en Algérie, qu’est l’économie de l’environnement et
des ressources naturelles.
4 - Pour ce documenter sur ces questions, le chercheur intéressé à plus intérêt à contacter et
visiter les sites web de ces organismes internationaux, que ceux de son propre pays, qui sont
dans beaucoup de cas, des pages web sans des contenus significatifs, encore moins actualisés.
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présentes sans l’autorisation écrite expresse des Editions El-Djazair Les actes ci-dessus sont des infractions sanctionnées par le Code de la propriété intellectuelle Algérienne.
Titres du même auteur :
- Alternative de l’éco-développement en Algérie ~ Cas Théoriques ~ Pr Khaoua Nadji ~ Editions Al-Djazair ~ Parution Novembre 2014-Alternative de l’éco-développement en Algérie ~ Eco-développement et territoire littoral ~ Pr Khaoua Nadji ~ Editions Al-Djazair ~ Parution Novembre 2014-Alternative de l’éco-développement en Algérie ~ Nouveau modèle de croissance et renouveau du partenariat ~ Pr Khaoua Nadji ~ Editions Al-Djazair ~ Parution Novembre 2014-