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Les droits individuels vs. les droits collectifs : le phénomène du harcèlement psychologique...

Date post: 04-Dec-2023
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Les droits individuels vs. les droits collectifs : le phénomène du harcèlement psychologique dans le contexte des rapports collectifs de travail Texte écrit en collaboration par Carla Bahri, Julien-Dubé-Sénécal, Kathryn Giroux et Katherine Savoie. © Avril 2016
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Les droits individuels vs. les droits collectifs : le phénomène du harcèlement psychologique dans le contexte des rapports collectifs de travail

Texte écrit en collaboration par Carla Bahri, Julien-Dubé-Sénécal, Kathryn Giroux et Katherine Savoie.

© Avril 2016

TABLE DES MATIÈRES

Les droits individuels vs. les droits collectifs : le phénomène du harcèlement psychologique dans le contexte des rapports collectifs de travail

1. Méthodologie...............................................................................................................................2

2. Le harcèlement psychologique au travail et les droits de la personne............................................3

3. Le recours de l’employé syndiqué victime de harcèlement psychologique.....................................5

3.1 État des lieux avant 2004........................................................................................................5

3.2 L’intégration des protections en matière de harcèlement psychologique dans le paysage législatif québécois et l’arrêt Parry Sound....................................................................................7

3.3 Le grief comme recours unique en cas de harcèlement psychologique.....................................9

4. Collectivisation et individualisation des rapports collectifs du travail.........................................10

4.1 Cadre théorique...................................................................................................................10

4.1.1 La logique relationnelle..................................................................................................10

4.1.2 La logique situationnelle................................................................................................11

4.1.3 La logique de la règle législative.....................................................................................11

4.2 Recensement critique...........................................................................................................12

4.2.1 Décisions classées sous la logique situationnelle..............................................................13

4.2.2 Décisions classées sous la logique relationnelle................................................................15

4.2.3 Décisions classées sous la logique de la règle législative...................................................17

5. Conclusion.................................................................................................................................18

Les droits individuels vs. les droits collectifs : le phénomène du harcèlement psychologique dans le contexte des rapports collectifs de travail

Depuis plusieurs années, la constitutionnalisation du droit du travail a un impact important sur les

façons de faire en droit du travail québécois1. De nouvelles valeurs et de nouveaux droits sont

introduits dans le milieu de travail par le biais des chartes, prépondérantes de par leur statut

constitutionnel ou quasi constitutionnel2. Dans cette perspective, la question du devoir syndical

de représentation et des droits et libertés de la personne dans le cas du harcèlement psychologique

soulève un problème de « coexistence de valeurs différentes »3. En effet, les rapports collectifs du

travail reposent sur des valeurs collectives de solidarité et d'entraide alors que les droits

fondamentaux de la personne mettent de l'avant des valeurs plutôt individuelles4. Les

articles 81.18 à 81.20 de la Loi sur les normes du travail (ci-après LNT), portant sur le

harcèlement psychologique en milieu de travail, sont réputés faire partie de toute convention

collective. Or, lorsqu’un salarié se croit victime de harcèlement psychologique au travail, le

syndicat peut déposer un grief en son nom. Dans les faits, le syndicat jouit d’une certaine

discrétion pour déposer ou non ce grief5. Celui-ci considère notamment les intérêts collectifs des

autres salariés syndiqués6.

Face à cette dichotomie opposant intérêts individuels et collectifs, comment les tribunaux,

arbitres et autres acteurs institutionnels tranchent-ils? Comment devraient-ils trancher? À cet

égard, plusieurs conceptions divergentes s'opposent sur la façon d'administrer les rapports entre

les chartes des droits et les rapports collectifs du travail7. Le présent texte s'intéresse d’un point

de vu critique aux raisonnements juridique soutenus dans les décisions rendues par les tribunaux

en vertu de l'article  47.3 C.t. : comment les tribunaux conçoivent-ils le rapport entre les chartes

1 Christian Brunelle, Michel Coutu et Gilles Trudeau, « La constitutionnalisation du droit du travail : un nouveau paradigme », (2007) 48 C de D 5 à la p 13 [Brunelle, Coutu et Trudeau]; Guylaine Vallée et Dalia Gesualdi-Fecteau, « La constitutionnalisation du droit du travail : une menace ou une opportunité pour les rapports collectifs de travail? », (2007) 48 C de D 153 aux pp 156-57.2 Michel Coutu, Laurence Léa Fontaine, Georges Marceau et Urwana Coiquaud, Le droit des rapports collectifs du travail au Québec, 2e éd., tome 1, Cowansville, Yvon Blais, 2013 au para 352; Brunelle, Coutu et Trudeau, ibid à la p 12; voir aussi Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux  c S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 RCS 157 [Parry Sound].3 Brunelle, Coutu et Trudeau, ibid à la p 40.4 Ibid.5 Noël c Société d’énergie de la Baie-James, [2001] 2 RCS 207 [Noël]; Guilde de la Marine Marchande c Gagnon, [1984] 1 RCS 509 [Guilde de la Marine Marchande].6 Noël, ibid au para 50.7 Brunelle, Coutu et Trudeau, Supra, note 1 à la p 37.

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des droits et les rapports collectifs du travail lorsqu'ils doivent déterminer si une association

accréditée a rencontré, ou non, son devoir de représentation dans les cas de harcèlement

psychologique au travail?

En première partie, nous examinons le lien entre le harcèlement psychologique et les droits

fondamentaux issus de la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après Charte

québécoise). Ensuite, un survol historique des recours possibles avant et après 2004 est présenté.

Enfin, en troisième partie, le cadre théorique retenu aux fins de cette étude est présenté, suivi du

recensement critique d’un échantillon des décisions rendues par les tribunaux en vertu de l'article

47.3 C.t.

1. Méthodologie

La présente étude se veut un recensement critique du devoir syndical de représentation et des

droits et libertés de la personne dans le cas du harcèlement psychologique au travail. L'approche

retenue dans le cadre de cette étude est essentiellement qualitative. Trois concepts sont mobilisés

afin de nous permettre de qualifier et de comparer un échantillon de décisions récentes en matière

de harcèlement psychologique au travail : (1) la logique relationnelle, (2) la logique situationnelle

et (3) la logique de la règle législative8. Ces méthodes sont abordées plus en détail dans la

troisième partie de l'étude. Les limites de cette approche sont nombreuses en raison notamment

de ressources temporelles et matérielles limitées à la disposition des auteurs. D'abord, la

jurisprudence retenue ne représente qu'un échantillon des décisions rendues par les tribunaux en

vertu de l'article  47.3 C.t.; bien que des efforts de recherches importants aient été déployés aux

fins de cette étude, il ne s'agit pas d'un recensement exhaustif de la jurisprudence. De même,

l'absence de témoignage obtenu directement auprès des juges et autres acteurs impliqués dans le

processus décisionnel des tribunaux limite dans une certaine mesure l'interprétation des

raisonnements juridiques soutenus dans les décisions rendues en vertu de l'article  47.3 C.t..

Malgré tout, l'approche retenue est efficiente et permet de poser un regard critique sur l'approche

des tribunaux relativement au devoir de représentation syndicale en situation harcèlement

psychologique.

2. Le harcèlement psychologique au travail et les droits de la personne8 Jean Marcel Lapierre, Guy Rocher et Guylaine Vallée, « Légitimités et légitimations de l'arbitrage de griefs : la notion d'apprentissage chez Luhmann » dans Michel Coutu et Guy Rocher, dir, La légitimité de l'État et du droit, Autour de Max Weber, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2005, 355 aux pp 369-76 [Lapierre, Rocher et Vallée].

2

À travers cette partie, nous étudions le langage utilisé dans la LNT9 afin de définir le harcèlement

psychologique, ainsi que les dispositions de la Charte québécoise des droits et libertés10 (ci-après

Charte québécoise) portant sur les droits fondamentaux et la discrimination. Cette étude nous

permettra de déterminer que le harcèlement psychologique, dans certaines circonstances se

traduit comme étant une violation de ces droits.

Tout d’abord, il importe de mentionner que les articles 81.18 à 81.20 de la LNT, portant sur le

harcèlement psychologique en milieu de travail, sont réputés faire partie de toute convention

collective11. L’article 81.18 de la LNT12 définit la notion de harcèlement psychologique comme

étant « une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes

ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à

l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail

néfaste » (nous soulignons). On peut d’ailleurs retrouver ces mêmes protections dans la Charte

québécoise13. Les articles 1 à 9.1 de celle-ci garantissent à toute personne un nombre de droits

fondamentaux. Nous nous attarderons plus précisément sur les articles 1 et 4 qui prévoient

notamment que toute personne a droit à la sécurité ainsi qu’à la sauvegarde de sa dignité.

Le droit à la sécurité d’une personne comprend le droit au maintien de son intégrité physique et

psychologique. En effet, dans Rodriguez c Procureur général de la Colombie-Britannique14, le

juge Sopinka dit que « la notion de sécurité de la personne comprend [entre autres] le contrôle sur

sa propre intégrité physique et mentale, et la dignité humaine fondamentale ». Toutefois, l’arrêt

Curateur public du Québec c Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand15 vient

nuancer la notion d’intégrité en indiquant que pour que celle-ci soit atteinte, il faut qu’on puisse

identifier des séquelles (pas nécessairement physiques ou permanentes), qui, dans le cas du

harcèlement psychologique, causeraient un déséquilibre émotif ou psychologique à la personne

qui prétend avoir vu son droit violé16. Il est clair qu’être victime de harcèlement psychologique

9 Loi sur les normes du travail, LRQ c N-1.1 [Loi sur les normes].10 Charte des droits et libertés du Québec, RLRQ, c C-12 [Charte québécoise].11 Loi sur les normes, supra note 9,cc art 81.20.12 Ibid art 81.18.13 Charte québécoise, supra note 10 arts 1, 4 et 5.14 Rodriguez c Procureur général de la Colombie-Britannique, [1993] 3 RCS 519, à la p 588, Juge Sopinka [Rodriguez].15 Curateur public du Québec c Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand , [1996] 3 RCS 211 au para 97, [St-Ferdinand].16 dir., Droit public et administratif, Éditions Yvon Blais, Collection de droit 2015-2016.

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entrainerait ces effets17, un nombre de victimes mentionnant avoir souffert de diverses « formes

dépressions (situationnelles, majeurs, endogènes), [d’]angoisses sévères, [d’]épuisement

professionnel, [de] chocs émotionnels », etc. 18. Le harcèlement psychologique viole ainsi le droit

à la sécurité (intégrité psychologique) et entraine donc une violation de la Charte québécoise19.

Le droit à la sauvegarde de sa dignité protégé par l’article 4 de la Charte québécoise20

« correspond à l’idée que tout être humain doit être respecté dans ce qu’il a de plus fondamental

[...] et que personne ne saurait le traiter comme une chose, comme un animal ou comme un moyen

pratique pour atteindre des fins qui lui sont étrangères ». Dans la même veine, selon Anne-Marie

Laflamme, il y a « atteinte à la dignité d'une personne en cas de mépris, de manque de respect ou

d'humiliation »21. L’arrêt St-Ferdinand précise que, contrairement à la notion d’intégrité celle de

dignité ne requiert pas la présence de séquelles22, et donc que « l’atteinte à la dignité vise les

situations qui se situent sous le seuil de l’atteinte à l’intégrité ». Le manque de respect qu’un

employeur ou qu’un collègue de travail peut avoir à l’égard d’un autre employé, constitue donc

une atteinte à la dignité. Si cette conduite contribue à un environnement de travail néfaste, elle

constituera du harcèlement psychologique.

La Charte québécoise prévoit également que nul ne doit être victime de harcèlement

psychologique discriminatoire et que tout recours fondé sur la discrimination est soumis à la

compétence exclusive du Tribunal des droits de la personne23. La forme la plus notoire de

harcèlement discriminatoire est le harcèlement sexuel. L’arrêt Janzen24 définit la discrimination

fondée sur le sexe comme étant des « pratiques ou des attitudes qui ont pour effet de limiter les

conditions d'emploi ou les possibilités d'emploi de certains employés en raison d'une

caractéristique prêtée aux personnes de leur sexe »25. Plus loin, le juge cite un ouvrage dans lequel

17 Québec, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Étude sur la dimension psychologique dans les plaintes en harcèlement au travail, Rapport de recherche sur les plaintes résolues par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Québec, Publications du Québec, 2000 aux pp 52-54 [Étude sur la dimension psychologique des plaintes en harcèlement au travail].18 Ibid, à la p 49.19 Charte québécoise, supra note 10 à l’art 1.20 Ibid, art 4.21 Anne-Marie Laflamme, Le droit à la protection de la santé mentale au travail, 1ere éd, Cowansville, Éditions Yvon Biais, 2008 à la p 595.22 St-Ferdinand, supra note 15 au para 97.23 Charte québécoise, supra note 10, arts 10, 10.1, 49, 71.24 Janzen c Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 SCR 1252 [Janzen].25 Ibid à la p 32.

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l’auteur affirme que le harcèlement sexuel est une conduite de nature sexuelle, non sollicitée, qui

compromettrait l'emploi de la victime, ou qui contribuerait à un environnement de travail hostile26.

La Cour conclut enfin que la discrimination fondée sur le sexe comprend le harcèlement sexuel27.

Étant donné que le harcèlement sexuel laisse des séquelles importantes sur les victimes, il peut

être assimilable au harcèlement psychologique, qui serait donc, dans ce cas, discriminatoire. On

reconnaît aussi d’autres motifs de harcèlement discriminatoire, comme celui fondé sur la race28.

Les tribunaux canadiens reconnaissent aussi « la discrimination fondée sur des motifs

multiples »29, ce qui signifie qu’une personne peut être harcelée sur plusieurs motifs combinés,

comme le sexe et l’orientation sexuelle30, ou bien le sexe et l’origine ethnique31.

La définition de harcèlement psychologique consacrée par la LNT nous permet ainsi de faire un

parallèle avec la Charte québécoise. En effet, dans les cas où il y aurait une violation notamment

du droit à l'intégrité de sa personne, du droit à la sauvegarde de sa dignité ainsi que du droit au

respect de sa vie privée, ou lorsque le harcèlement est discriminatoire, celui-ci est équivalant à la

violation d’une protection accordée par une loi à valeur quasi constitutionnelle.

3. Le recours de l’employé syndiqué victime de harcèlement psychologique

3.1 État des lieux avant 2004

Historiquement, lorsque leur convention collective ne fournissait pas de protection explicite

contre le harcèlement psychologique, les travailleurs syndiqués n’étaient que très peu protégés

puisqu’il n’existait aucun recours spécifique en cas de harcèlement psychologique32. Ils

disposaient de recours en vertu de la Charte québécoise, notamment lorsque le harcèlement

psychologique constitue une forme de discrimination ou en vertu de la Loi sur les accidents du

travail et les maladies professionnelles (ci-après LATMP) lorsque celui-ci engendre une lésion

professionnelle33. 26 Ibid à la p 36.27 Ibid aux pp 39-44.28 Étude sur la dimension psychologique des plaintes en harcèlement au travail, supra note 17. 29 Ibid. 30 Crozier c Alsselstine (1994) 22 C.H.R.R. D/244 (Commission d’enquête de l’Ontario).31 Olarte c De Filippis and Commodore Business Machines Ltd, (1983), 4 C.H.R.R. D/1705 (Commission d’enquête de l’Ontario).32 Katherine Lippel, Rachel Cox et Isabelle Aubé, « Interdiction du harcèlement et protection de la vie privée et des droits fondamentaux » dans Guylaine Vallée et Katherine Lippel, dir, JurisClasseur Québec : Rapports individuels et collectifs de travail, LexisNexis, au para 160 [Lippel].33 Lippel, ibid aux para 161, 162; Julie Bourgault, Le harcèlement psychologique au travail, Montréal, Wilson & Lafleur, 2006 à la p 89 [Bourgault].

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Toute personne victime de harcèlement psychologique qui contrevient à son droit à la sûreté et à

l’intégrité de sa personne ou qui contrevient à son droit à la dignité peut exercer un recours en

vertu de la Charte québécoise et obtenir cessation de l’atteinte ainsi qu’une réparation monétaire

en cas de préjudice34. Ce type de recours ne relève toutefois pas du pouvoir d’enquête de la

Commission des droits de la personne et s’exerce devant les tribunaux de droit commun, aux frais

du salarié victime de harcèlement psychologique35. Par ailleurs, un climat de travail devenu

néfaste pour le plaignant puisqu’il est empreint de harcèlement psychologique contrevient

également à la Charte québécoise, puisque toute personne qui travaille a droit à des conditions de

travail justes et raisonnables qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité36.

Nous rappelons que la Charte québécoise prévoit également que nul ne doit être victime de

harcèlement psychologique discriminatoire et que tout recours fondé sur la discrimination est

soumis à la compétence exclusive du Tribunal des droits de la personne37. Toutefois, pour qu’il y

ait ouverture à un recours en cas de harcèlement psychologique, la présumée victime doit faire la

preuve du caractère discriminatoire de celui-ci38. Elle a également un lourd fardeau de preuve,

soit celui de démontrer l’existence d’une faute commise par le harceleur causal d’un préjudice

qu’elle a subi, puisque la Cour suprême du Canada a reconnu que les recours fondés sur la Charte

québécoise reposent sur les mêmes principes que la responsabilité civile39.

Un travailleur victime de harcèlement psychologique lui ayant causé une lésion professionnelle

peut exercer un recours devant la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la

sécurité au travail (CNESST)40. Pour ce faire, le travailleur doit démontrer qu’il a subi une lésion

professionnelle, soit une « maladie qui survient par le fait ou l’occasion d’un accident de travail,

34 Charte québecoise, supra note 10, arts 1, 4, 49.35 Québec, Ministère du travail, Rapport du comité interministériel sur le harcèlement psychologique au travail, Québec, Publications du Québec, 2001 à la p 77 [Le rapport]. 36 Charte québécoise, supra note 10, art 46; Bourgault, supra note 33, à la p 105; Fernand Morin, Jean-Yves Brière, Dominic Roux et Jean-Pierre Villaggi, Le droit de l’emploi au Québec , 4e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2010 à la p 620.37 Charte québécoise, supra note 10, arts 10, 10.1, 49, 71.38

Québec (Commision des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Provigo distribution Inc., 2002 CanLII 36232 (QC TDP) au para 98. 39

Béliveau St-Jacques c Fédération des employées et employés, [1996] 2 RCS 345, 1996 CanLII 208 (CSC) au para 120.40 Loi regroupant la Commission de l’équité salariale, la Commission des normes du travail et la Commission de la santé et la sécurité du travail et instituant le Tribunal administratif du travail, LQ 2015 c 15.

6

ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l’aggravation »41. Il ne peut

bénéficier de la présomption selon laquelle une blessure ou une maladie professionnelle subie à

l’occasion de son travail est réputée être une lésion professionnelle42. Donc, le travailleur doit

faire la preuve d’une maladie professionnelle qui résulte du harcèlement psychologique subi au

travail et du caractère imprévu et soudain de celui-ci43. Il doit impérativement faire la preuve d’un

lien causal entre le harcèlement et la lésion professionnelle et que « le travail [est] la cause

prépondérante de l’apparition de la lésion »44.

Finalement, un travailleur victime de harcèlement psychologique a le droit de refuser, en vertu de

l’article 12 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (ci-après LSST), d’exécuter son travail

s’il a des raisons de croire que se faire l’expose à un danger pour sa santé, sa sécurité et son

intégrité physique45. Il a été reconnu que le terme « santé » de cette disposition ne se limite

aucunement à la santé physique; la santé mentale est donc visée par la LSST46. Pour exercer un

recours en vertu de cette loi, le plaignant syndiqué doit porter plainte à la CNESST et démontrer

l’existence d’un réel danger pour sa santé afin que la CLP puisse se prononcer sur la probabilité

que celui-ci s’actualise47.

3.2 L’intégration des protections en matière de harcèlement psychologique dans le paysage

législatif québécois et l’arrêt Parry Sound

Il a été reconnu dans le Rapport du comité interministériel sur le harcèlement psychologique au

travail que le harcèlement psychologique est une notion à portée large, dont la manifestation se

caractérise par une atteinte aux droits de la personne qui en est la victime48. Le comité a été

mandaté en 1999 par la ministre du Travail afin d’étudier le phénomène et de formuler des

recommandations, puisqu’à l’époque, il n’existait pas de recours spécifique en cas de

harcèlement psychologique (non discriminatoire) en milieu de travail et qu’aucune convention

collective n’interdisait toute forme de harcèlement psychologique49.

41 Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ c A-3.001, art 2 s.v. « lesion professionnelle »; « maladie professionnelle » [Latmp]. 42 Latmp, ibid, art 28. 43 Bourgault, supra, note 33 à la p 112. 44 Ibid, à la p 114.45 Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ c S-2.1, art 12.46 Forget-Chagnon et Marché Bel-Air Inc., [2000] CLP 388 au para 301.47 Ibid, au para 32248 Le rapport, supra note 95, à la p 55. 49 Ibid, à la page 45.

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Le syndicat a pour mission d’assurer des conditions de travail qui soient convenables; il doit se

préoccuper des situations de harcèlement psychologique en milieu de travail pour remplir sa

mission. Le modèle français a donc servi d’inspiration en ce qui concerne l’intégration de

l’obligation de l’employeur de fournir un environnement de travail exempt de harcèlement

psychologique ainsi que des recours spécifiques en cas de harcèlement psychologique au travail50.

Suivant les recommandations du comité, les articles 81.18 et suivants concernant le harcèlement

psychologique ont été intégrés à la LNT en 2002 et sont entrées en vigueur en 2004, imposant

une obligation positive à l’employeur de fournir un milieu de travail exempt de harcèlement

psychologique assorti de recours pour l’employé en cas de manquement à cette obligation51.

L’article 47.3 du Code du travail a également été modifié pour étendre le devoir de juste

représentation du syndicat prévu à l’article 47.2 aux cas de harcèlement psychologique

conformément aux articles 81.18 à 81.20 de la LNT52. Comme nous l’avons mentionné, la

définition de ce que constitue du harcèlement psychologique ainsi que la protection garantie par

la LNT sont désormais réputées faire partie de toute convention collective53.

À cette modification législative déterminante concernant les droits des travailleurs en matière de

harcèlement psychologique s’ajoute la décision de la Cour suprême dans l’affaire Parry Sound.

La Cour suprême a reconnu que les droits et obligations substantiels prévus par les lois sur

l’emploi ainsi que les lois concernant les droits et libertés de la personne sont contenus

implicitement dans chaque convention collective à l’égard de laquelle l’arbitre de grief exerce

une compétence exclusive54. La convention collective peut donc élargir les droits et recours

reconnus aux employés par la loi, mais ne peut prévoir un régime moins avantageux55. Le juge

Iacobucci conclut :

Toute conclusion contraire affaiblirait la protection des droits de la personne en milieu syndiqué en permettant aux employeurs et aux syndicats de traiter cette

50 Ibid, à la page 47.51 Loi modifiant la loi sur les normes du travail et autres dispositions législatives, LQ 2002, c 80.52 Ibid, art 77.53 Loi sur les normes du travail, supra note 9, art 81.20. 54

Code du travail, RLRQ c C-27, art 100 [C.t], Parry Sound (District), Conseil d'administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, [2003] 2 RCS 157, au para 26 [Parry Sound], Section locale 50057, Syndicat des approvisionnements et services de l’Alliance de la fonction publique du Canada c Gendron, [1990] 1 RCS 1298, Weber c Ontario Hydro , [1995] 2 RCS 929 [Weber ]; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Québec (Procureur général), [2004] 2 R.C.S. 185 [ Morin ].55 Parry Sound, ibid, au para 29.

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protection comme si elle était optionnelle, ce qui ne laisserait comme seul recours qu’une action en matière de droits de la personne56.

Depuis 2004, les salariés syndiqués disposent de protections en matière de harcèlement

psychologique ou d’atteinte à leurs droits à même leurs conventions collectives donnant

ouverture à la procédure de grief, et ce, sans qu’il ne soit nécessaire de recourir aux procédures

internes fournies par l’employeur au préalable57.

3.3 Le grief comme recours unique en cas de harcèlement psychologique

Le seul recours d’un salarié syndiqué en cas de harcèlement psychologique est de s’adresser à son

syndicat, puisque la procédure de grief lui appartient58. Le syndicat dispose cependant d’un large

pouvoir discrétionnaire : il peut choisir de ne pas déposer de grief dans la mesure où il n’agit pas

« de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire » ni ne fait preuve de « négligence

grave » dans l’exécution de son devoir de juste représentation59. Toutefois, le devoir de juste

représentation du syndicat en cas de harcèlement psychologique est accru, compte tenu des

graves conséquences que peut entraîner le harcèlement psychologique sur la victime60.

Depuis 2004, la Commission des relations du travail, remplacée par le Tribunal administratif du

travail (TAT) depuis le 1er janvier 201661, possède une compétence exclusive en matière de

violation du devoir de représentation du syndicat dans les cas de harcèlement psychologique62. Si

le syndicat choisit de ne pas déposer de grief et qu’une plainte pour manquement au devoir de

juste représentation auprès du TAT démontre que le syndicat n’a pas fait preuve de mauvaise foi,

le salarié syndiqué ne dispose d’aucun autre recours pour faire valoir son droit.

4. Collectivisation et individualisation des rapports collectifs du travail

4.1 Cadre théorique

56 Ibid, au para 36.57 Syndicat des enseignants de Beauce-Appalaches et Collège de Beauce-Appalaches (Claire-Nadeau), [2006] RJDT 1314.58 Lippel, supra, note 32 au para 163.59 Code du travail, RLRQ c C-27, art 47.2. 60 Dérosema et Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada, [2009] QCCRT 0051. 61 Loi regroupant la Commission de l’équité salariale, la Commission des normes du travail et la Commission de la santé et la sécurité du travail et instituant le Tribunal administratif du travail, supra note 40. 62 Code du travail, supra note 59, art 47.2; Touri c Boileau, [2008] QCCS 3277; Bériault c Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 143, [2008] QCCS 5212.

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Cette section établit les bases théoriques sur lesquelles s’appuie l'analyse critique proposée par

cette étude. Plus spécifiquement, l'étude tente de répondre à la question suivante : comment les

tribunaux conçoivent-ils le rapport entre les chartes des droits et les rapports collectifs du travail

lorsqu'ils doivent déterminer si une association accréditée a rencontré, ou non, son devoir de

représentation dans les cas de harcèlement psychologique au travail? Afin de répondre à cette

question, trois concepts sont mobilisés : (1) la logique relationnelle, (2) la logique situationnelle

et (3) la logique de la règle législative63. Ces “logiques”, identifiées par les auteurs Lapierre,

Rocher et Vallée dans une étude portant sur le processus décisionnel des arbitres de griefs au

Québec, sont des types idéaux qui facilitent l'interprétation et la comparaison des jugements

recensés tout en permettant la formulation d'une critique constructive.

4.1.1 La logique relationnelle

Suivant cette logique : “[l]e recours à la Charte, en dépit de son statut hiérarchique fondamental,

doit passer par les parties à la convention collective »64. Autrement dit, la volonté des parties

exprimée dans la convention collective prime sur la prépondérance de principe reconnue par le

législateur aux droits et libertés garantis par la Charte québécoise65. Un arbitre ou un juge

s'appuyant sur cette logique n'appliquera pas la Charte québécoise uniquement en fonction de son

statut hiérarchique dans l'ordre juridique étatique; il s'assurera d'abord de son acceptabilité pour

les parties, qu'elle soit communiquée implicitement ou explicitement. Par exemple, l'accord des

parties avec l'application de la Charte québécoise sera présumé lorsque la convention collective y

réfère directement ou lorsqu'elle est soulevée en plaidoirie66. De manière générale, le juge ou

l'arbitre qui s'appuie sur la logique relationnelle “conçoit la nature de son intervention, sa

compétence, ses pouvoirs, ainsi que les effets de sa décision sous l'angle de l'insertion dans un

ensemble complexe de relations vivantes et diverses »67.

4.1.2 La logique situationnelle

63 Jean Marcel Lapierre, Guy Rocher et Guylaine Vallée, “Légitimités et légitimations de l'arbitrage de griefs : la notion d'apprentissage chez Luhmann” dans Michel Coutu et Guy Rocher, dir, La légitimité de l'État et du droit, Autour de Max Weber, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2005, 355 aux pp 369-76 [Lapierre, Rocher et Vallée].64 Ibid à la p 370.65 Brunelle, Coutu et Trudeau, supra note 1 à la p 37.66 Lapierre, Rocher et Vallée, supra note 63 à la p 370.67 Ibid à la p 373.

10

L'arbitre ou le juge qui raisonne en fonction de cette logique “semble privilégier par-dessus tout

une solution pragmatique, ''fondée d'abord sur une justification interne issue du milieu'', à une

solution purement juridique axée sur une ''justification externe'' »68. Ainsi, les fondements d'une

décision rendue suivant cette logique émanent du milieu de travail. L'état des rapports entre le

syndicat et l'employeur dans l'entreprise est prépondérant dans l'analyse du juge ou de l'arbitre

chargé de trancher le litige69. En pratique, une décision rendue sur la base de cette logique est

d'abord fondée sur une justification interne issue du milieu et ensuite appuyée par une

justification externe d'origine législative, règlementaire ou jurisprudentielle70.

4.1.3 La logique de la règle législative

Enfin, suivant cette logique, “[l]a convention collective est subordonnée à la Charte québécoise,

laquelle s'impose inexorablement aux parties en raison de son statut quasi constitutionnel

proéminent »71. Cette logique se distingue des précédentes dans la mesure où la Charte

québécoise, un facteur externe, joue un rôle prépondérant dans le processus décisionnel des juges

et arbitres qui l'emploient72. Les juges et les arbitres qui raisonnent en fonction de cette logique

sont dirigés par une vision plus hiérarchique de la Charte québécoise : s'agissant d'une loi d'ordre

public, elle prime sur la convention collective et doit être appliquée même si les parties ne l'ont

pas soulevée73.

Ces trois “logiques” sont des types idéaux, des catégories abstraites dont les caractéristiques ne se

retrouvent pas telles quelles dans les phénomènes observés74. Ainsi, il est peu probable qu'un juge

qui rend une décision en vertu de l'article 47.3 C.t. raisonne en fonction d'une logique purement

relationnelle par exemple. Ces logiques coexistent plutôt dans des combinaisons variées75. La

présente étude s'intéresse à ces combinaisons et propose, dans les pages suivantes, une analyse

critique du raisonnement juridique soutenu dans les décisions rendues par les tribunaux en vertu

de l'article 47.3 C.t.

4.2 Recensement critique

68 Ibid à la p 374; Brunelle, Coutu et Trudeau, supra note 1 à la p 37.69 Lapierre, Rocher et Vallée, ibid.70 Ibid aux pp 374-75.71 Brunelle, Coutu et Trudeau, supra note 1 à la p 37.72 Lapierre, Rocher et Vallée, supra note 63 à la p 375.73 Ibid aux pp 375-76.74 Ibid à la p 370.75 Ibid.

11

Certains jugements de la Cour suprême reconnaissent la recrudescence des droits individuels des

salariés syndiqués, notamment en matière de droits et libertés de la personne76. À la lumière de la

jurisprudence récente, nous constatons que la Cour a effectivement reconnu une compétence

renouvelée77 à l’arbitre qui englobe les droits individuels78. Comme le laisse entendre le

professeur de droit et arbitre Denis Nadeau, la charge des syndicats s’en trouve alors transformée,

les arbitres ayant maintenant l’obligation de jauger entre un type d’arbitrage qui respecte les

exigences de protection des droits individuels, ainsi que les droits collectifs des syndiqués 79. Bien

que certains auteurs80 soutiennent que dans le contexte syndical, la protection des droits

individuels est venue atténuer le rapport de force que peuvent exercer les syndicats en matière de

droits collectifs vis-à-vis un employeur, à l’opposé, il est intéressant de constater qu’un salarié

peut se faire refuser la réparation lorsque l’un de ses droits fondamentaux individuels a été violé.

Nous constatons qu’en effet, le droit à la procédure de grief n’est pas absolu. À cet égard, nous

rappelons que le salarié qui se dit victime de harcèlement psychologique par son employeur ne

peut que demander à son syndicat de déposer un grief pour se faire dédommager. En revanche, la

décision de déposer ou non le grief appartient en grande partie au syndicat, qui, comme nous

l’avions vu, possède un pouvoir discrétionnaire important81, permettant ainsi au droit individuel

d’un salarié qui se dit victime de s’éteindre. Face à ce constat et afin de déterminer si

l’individualisation des droits supplante la collectivisation des droits collectifs des salariés

76 Parry Sound, supra note 54, Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) c. Québec (PG), 2010 CSC 28, [2010] 2 R.C.S 61 [SFPQ], Denis Nadeau, « Monopole de représentation syndicale et droits individuels des salariés : L'incontournable défi de la diversité! » (2012) 53:1 C de D 139 [Nadeau].77 Diane Veilleux, « L’arbitre de grief face à une compétence renouvelée » (2004) 64 R du B 217;78 Ibid, Parry Sound, supra note 54, Weber c. Ontario Hydro, supra note 54.79 Nadeau, supra note 76, à la p 141. 80 Denis Nadeau, « L’arrêt Morin et le monopole de représentation des syndicats : Assises d’une fragmentation » (2004) 64 R du B 161; Denis Nadeau, « Le Tribunal des droits de la personne du Québec et le principe de l’exclusivité de l’arbitrage de grief ou l’histoire d’une usurpation progressive de compétence » (2000) 60 R du B 387; Diane L. Demers, « Les tribunaux des droits de la personne : Quel rôle et quelle place "leur" réserve-t-on? » dans Tribunal des droits de la personne et le Barreau du Québec, dir, La Charte des droits et libertés de la personne : Pour qui et jusqu’où? Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, 175; Dominic Roux et Anne-Marie Laflamme, dir, Rapports hiérarchiques ou anarchiques des règles en droit du travail : Chartes, normes d’ordre public, convention collective, contrat de travail, etc. ,Actes du colloque tenu à l’Université Laval / 8 novembre 2007, Montréal, Wilson & Lafleur, 2008, Guylaine Vallée et Dalia Gesualdi-Fecteau, « La constitutionnalisation du droit du travail : Une menace ou une opportunité pour les rapports collectifs de travail » (2007) 48:1 C de D 153; Marc Mancini, « Les droits et libertés de la personne en milieu syndical : L’arbitre de grief ou le Tribunal des droits de la personne, quel est le forum compétent? » (2009) 68 R du B 329 ; 81 Noël c Société d’énergie de la Baie-James, supra note 5, Guilde de la marine marchande du Canada c Gagnon, supra note 5.

12

syndiqués, négociés dans le cadre d’une convention collective, nous proposons de passer en revue

un échantillon de décisions faisant l’objet d’une plainte en vertu de l’article 47.3 C.t.

Nous commençons d’abord par des décisions qui sous-tendent l’idée que les droits individuels

des salariés n’ont pas préséance sur les droits négociés dans le cadre d’une convention collective.

Nous catégorisons ces décisions soit sous la logique situationnelle ou la logique relationnelle.

4.2.1 Décisions classées sous la logique situationnelle

Dans l’affaire Noël82, et l’affaire Guilde de la Marine Marchande du Canada c Gagnon83, la Cour

détermine qu’un syndicat doit prendre en considération les ressources de l’association et les

intérêts de l’ensemble de l’unité de négociation. En fait, la Cour affirme qu’en présence d’une

violation alléguée, le salarié n’a pas nécessairement droit à l’enquête la plus complète, compte

tenu les ressources de l’association. Cela est réaffirmé par la Cour dans l'arrêt Tremblay et

Syndicat des enseignants du Séminaire Marie-Reine-du-Clergé84, lorsqu’elle dit que « [l]e salarié

n’a pas un droit absolu à l’arbitrage; par ailleurs, s’il demande le dépôt d’un grief pour

harcèlement psychologique, il doit diriger le syndicat dans l’étude du dossier ». À défaut, le

salarié qui n’offre pas sa collaboration au syndicat peut voir sa demande rejetée, selon les

enseignements de l’arrêt Vigeant c Syndicat de professionnelles et professionnels du

gouvernement du Québec (SPGQ)85 ainsi que plusieurs autres décisions86.

En deuxième lieu, dans l’arrêt Syndicat national des employé(e)s du Centre des soins prolongés

Grace Dart (CSN) c  Holligin-Richards87, la Cour explique qu’elle n’a pas à se positionner sur

l’objet d’une plainte en matière d’harcèlement psychologique, puisque son rôle est de statuer sur

le caractère raisonnable ou non d’un refus de la part du syndicat de déposer un grief, en vertu de

82 Noel, Ibid par 50.83 Guilde de la Marine Marchande du Canada c Gagnon, supra note 5. 84 Tremblay et Syndicat des enseignants du Séminaire Marie-Reine-du-Clergé (C.R.T., 2008-01-03), 2008 QCCRT 0001, SOQUIJ AZ-50466999, D.T.E. 2008T-81, au résumé.85 Vigeant c Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), SOQUIJ AZ-50468461 (C.A.)86 Paradis c Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, local 922 (FTQ-CTC), 2007 QCCRT 104, [2007] D.C.R.T.Q. no 104 ; Houde c Syndicat des travailleurs du centre de distribution Multi-Marques Québec (CSN), 2005 QCCRT 440, [2005] D.C.R.T.Q. no 440 ; Maréchal c Syndicat international des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, confiserie, tabac et meunerie, Section locale 234T, 2004 QCCRT 484, [2004] D.C.R.T.Q. no 484 (requête en révision interne rejetée, 2005 QCCRT 253, [2005] D.C.R.T.Q. no 253); Létourneau c Syndicat des travailleuses et travailleurs d'Onyx Industries-CSN, 2004 QCCRT 363, [2004] D.C.R.T.Q. no 363.87 Syndicat national des employé(e)s du Centre des soins prolongés Grace Dart (CSN) c  Holligin-Richards, 2006 QCC

13

son pouvoir discrétionnaire. Faisant référence à son rôle, elle explique qu’il ne s’agit pas de

« substituer sa propre opinion à la décision syndicale ou de siéger en place de celle-ci, mais

simplement de s'assurer que, compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, le choix par le

syndicat de ne pas procéder à l'arbitrage a été le résultat d'un examen sérieux et non d'un acte

arbitraire, de mauvaise foi, de discrimination ou de négligence grave »88[nous soulignons]. À cet

effet, mentionnons qu’au final, les ressources utilisées pour le traitement de telles plaintes

individuelles sont dans les faits, des ressources rendues indisponibles pour l’ensemble des

syndiqués. Quant au pouvoir discrétionnaire qu’exerce le syndicat, confirmé dans plusieurs

arrêts, notamment l’arrêt Centre hospitalier Régina Ltée c Tribunal du Travail89 ainsi que l’arrêt

Noel mentionné ci-haut, la Cour fait une mise au point dans l’arrêt Guilde de la Marine

lorsqu’elle dit que le pouvoir discrétionnaire du syndicat n’est pas infini. Le syndicat doit agir de

bonne foi, sans discrimination et sans commettre de négligence grave, non seulement vis-à-vis le

plaignant, mais aussi vis-à-vis les autres salariés.

Par ailleurs, un syndicat peut ne pas devoir agir dans toutes les circonstances, de la même façon

pour tous, car « la véritable égalité commande parfois de faire des distinctions », notion soulevée

dans l’arrêt Clavet c Syndicat des Métallos, section locale 242390. À cet effet, la Cour soulève

dans l’arrêt Central Okanagan School District No. 23 que « le syndicat doit aussi être prudent en

matière d'accommodement raisonnable lorsque les intérêts d'un salarié sont opposés à ceux du

salarié à accommoder ». Elle ajoute que

[l]a principale crainte que soulèvent les conséquences des mesures d'accommodement concerne non pas, comme dans le cas de l'employeur, les coûts ou l'interruption qui peuvent en résulter pour l'entreprise du syndicat, mais plutôt l'effet sur d'autres employés. L'obligation d'accommodement ne devrait pas substituer la discrimination envers d'autres employés à la discrimination subie par le plaignant. Toute atteinte importante aux droits d'autrui justifiera normalement le refus du syndicat de consentir à une mesure qui aurait cet effet. Quoique le critère de la contrainte excessive s'applique au syndicat, on y satisfera souvent en démontrant que l'adoption des mesures d'accommodement proposées causera un préjudice à d'autres employés […]. [Nous soulignons]91.

Au final, dans Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres

travailleuses et travailleurs du Canada, la Cour estime que pour conclure à un manquement de la

88 Ibid.89 Centre hospitalier Régina Ltée c Tribunal du Travail, [1990] 1 RCS 1330, 1349.90 Clavet c Syndicat des Métallos, section locale 2423,  2008 QCCRT 335,  [2008] D.C.R.T.Q. no 335, aux para 46-47.91 Central Okanagan School District No. 23 c Renaud,  [1992] 2RCS 970, au para 38.

14

part du syndicat à son devoir de représentation qu’il doit s’agir d’un « manquement assez

grossier » 92.

Comme nous l’avons décrit, l'arbitre ou le juge qui raisonne en fonction de la logique

situationnelle « semble privilégier par-dessus tout une solution pragmatique, ''fondée d'abord sur

une justification interne issue du milieu'', à une solution purement juridique axée sur une

''justification externe ». À la lumière des décisions consultées, nous constatons que les droits des

autres salariés syndiqués ainsi que les ressources du syndicat pèsent lourdement dans la décision

du syndicat de porter ou non, à l’arbitrage, une plainte de harcèlement. Ce courant tend à

reconnaître davantage les droits collectifs eu égard aux droits individuels, et les ressources, étant

un élément purement interne au cadre décisionnel, nous permettent de classer ces décisions qui

s’y attardent, aisément sous la logique situationnelle.

4.2.2 Décisions classées sous la logique relationnelle

Comme nous le mentionnons précédemment, pour conclure au manquement du syndicat dans son

devoir de juste représentation, le plaignant doit prouver « la mauvaise foi, de l’arbitraire ou de la

négligence grave », ce qui peut constituer un fardeau assez lourd pour ce dernier93. Néanmoins,

du côté syndical, la Cour confirme dans l’affaire Mcleod c Egan, que « [l]es droits de gestion

doivent être exercés non seulement conformément aux dispositions expresses de la convention

collective, mais aussi conformément aux droits conférés à l’employé par la loi »94. Or, selon

certains arrêts, on constate que malgré la violation d’un droit d’un plaignant, pour conclure au

défaut du syndicat, celui-ci doit avoir manqué à une obligation procédurale prévue dans la

convention collective du syndicat.

Dans l’affaire Dupuis c Polyone Canada Inc., la Commission reconnaît qu’il y a négligence

grave lorsqu’un syndicat fait défaut de suivre les étapes ou les délais de la procédure de grief

établie à la convention collective. Dans la même veine, la Cour reconnaît dans l’arrêt Renaud et

Syndicat des professionnels des CLSC-CHSLD de Québec et de Chaudière-Appalaches (CSN)95,

qu’un syndicat « fait preuve de négligence grave en omettant de respecter la procédure de grief 92 Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleuses et travailleurs du Canada (TCA-Canada), sections locales 187, 728, 1163 c Brideau, 2007 QCCA 805, au para 56.93 Jean-Yves Brière, « L'obligation d'une juste et loyale représentation : Analyse, perspective et prospective » dans Développements récents en droit du travail, Cowansville (Qc), Éditions Yvon Blais, 2005, 153 [Brière], à la p 173. 94 Mcleod c Egan, [1975] 1 RCS 517.95 Renaud et Syndicat des professionnèles des CLSC-CHSLD de Québec et de Chaudière-Appalaches (CSN), SOQUIJ AZ-50416054.

15

prévue dans une convention qui lui était moins familière ». Au même titre, dans l’affaire Maltais,

un syndicat a choisi de ne pas déposer un grief et n’a pas fait un examen sérieux de la situation,

selon la procédure prévue dans la convention. De ce fait, on considère que le syndicat « n’avait

rempli son obligation d'accommodement raisonnable; il a agi de façon arbitraire et négligente »96.

Enfin, on peut conclure à de la négligence grave lorsqu’un syndicat omet d’expédier l’avis

d’arbitrage, lorsqu’il l’expédie en retard, ou lorsqu’il est passif. Pour renchérir, dans Verdieu c

Association des employés d'industries C.P.S.97, la Commission est d’avis que le concept de

conduite arbitraire est aussi étroitement lié à celui de la négligence grave. Autrement dit, une

enquête sommaire et incomplète des faits peut constituer de la négligence grave et arbitraire.

À la lumière de ces décisions, nous constatons que la logique utilisée par la Commission ou le

tribunal dans son raisonnement, se limite à savoir si le syndicat a appliqué adéquatement ou non

les mécanismes prévus dans la convention collective des salariés, tel que dans un contrat privé.

Compte tenu du lourd fardeau de preuve dont le plaignant doit se décharger pour faire valoir ses

droits et à la lumière des décisions illustrées, nous pouvons conclure que la Commission semble

parfois réticente lorsque vient le temps de statuer sur un manquement au devoir de juste

représentation des syndicats en matière de harcèlement psychologique. À moins qu’il soit

démontré que le syndicat n’a pas respecté les procédures de griefs prévues dans les conventions

collectives, la Commission tend à considérer que le syndicat s’est déchargé de son devoir de juste

représentation. Nous supposons que de donner raison aux plaignants sans toutefois prouver une

rupture avec les mécanismes prévus, peut avoir pour effet d’accorder une plus grande importance

aux plaignants individuels, au détriment des droits collectifs des salariés, pouvant ainsi affaiblir le

régime des droits collectifs du travail.

Avant d’en arriver à cette conclusion finale cependant, nous devons toutefois poser un regard sur

l’obligation accrue qu’ont les syndicats en matière de représentation des salariés envers la

personne plaignante. Nous classifions ainsi les décisions qui suivent sous le chapeau de la logique

de la règle législative.

4.2.3 Décisions classées sous la logique de la règle législative

96 Maltais c Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, section locale 22 (SCEP), 2006 QCCRT 316, [2006] D.C.R.T.Q. no 316 ; requête en révision administrative rejetée, 2007 QCCRT 257, [2007] D.C.R.T.Q. no 257, Beauchamp et Rassemblement des employés techniciens ambulanciers du Québec (CSN), (CRT., 2007-07-03), 2007 QCCRT 0326, SOQUIJ AZ-50440193, D.T.E. 2007T-612, au résumé.97 Verdieu c Association des employés d'industries C.P.S.,  2004 QCCRT 559,  [2004] D.C.R.T.Q. no 559

16

D’entrée de jeu, nous réaffirmons que la Cour a reconnu l’existence d’une compétence

renouvelée à l’arbitre qui englobe les droits individuels dans les arrêts Parry Sound et Syndicat de

la fonction publique du Québec (SFPQ) c Québec (PG)98. De ce fait, certaines décisions tendent

maintenant à accorder plus d’importance au caractère « d’ordre public » des dispositions en

matière de harcèlement psychologique.

Dans V. A. c Syndicat des enseignantes et enseignants du CEGEP de la Pocatière99, la CRT

conclue au manquement du syndicat à son devoir de représentation, à la lumière du caractère

d’ordre public des dispositions en matière de harcèlement psychologique. Dans l’arrêt Saint-

Amand c Alliance des syndiquées interprofessionnelles du CHUQ (FIQ)100, la CRT fait un rappel

sur l’importance des dispositions en matière de harcèlement psychologique et sur le fait qu’elles

constituent un régime de protection exigeant, « qui impose à l’association accréditée d’être active

et vigilante »101. Les commentaires du commissaire sont repris dans Syndicat des fonctionnaires

municipaux de Québec (FISA) c Commission des relations du travail102.

De plus, dans l’arrêt Maltais103 , tout comme dans l’arrêt Roy c Syndicat de la fonction publique du

Québec inc.104, la Cour soutient que dans « un cas d'atteinte aux droits fondamentaux d'un salarié, un

syndicat doit, entre autres, s'assurer que l'employeur a assumé son obligation d'accommodement

raisonnable. Il ne peut se satisfaire de la stricte application d'une disposition de la convention

collective à l'égard du salarié dont les droits sont affectés. Le syndicat doit alors orienter ses actions

de manière à faire respecter les droits fondamentaux du salarié ».

Dans l’affaire Chuon c Association des employés du Groupe Holiday Inc., la CRT évoque le

caractère « particulièrement délicat et contraignant » du devoir de représentation du syndicat :

[…]Lorsque les dispositions d’une loi sur les droits de la personne ou d’une loi du travail sont concernées par un conflit opposant un salarié à son employeur, il incombe à l’association d’intervenir, d’être proactive, de déployer des efforts additionnels et d’offrir un supplément de sensibilité au cas soulevé par le salarié qu’il représente »105.

98 Parry Sound, supra note 54, Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) c Québec (PG), 2010 CSC 28, [2010] 2 R.C.S 61 [SFPQ].99 V. A. c Syndicat des enseignantes et enseignants du CEGEP de la Pocatière, 2008 QCCRT 0198.100 Saint-Amand c Alliance des syndiquées interprofessionnelles du CHUQ (FIQ), 2010 QCCRT 0342, au para 198101 Ibid.102 Syndicat des fonctionnaires municipaux de Québec (FISA) c Commission des relations du travail, 2011 QCCS 6377, AZ-50810221, au para 34103 Maltais, supra note 96.104 Roy c Syndicat de la fonction publique du Québec inc., 2004 QCCRT 359, [2004] D.C.R.T.Q. no359.105 Chuon c Association des employés du Groupe Holiday Inc., 2005 QCCRT 0115, aux para 45-46.

17

Enfin, plusieurs décisions viennent confirmer l’importance accrue du devoir de représentation du

syndicat, compte tenu le caractère d’ordre public du droit à un milieu exempt de harcèlement

psychologique106. Le manquement à ce devoir peut être lourd de conséquences107. Par exemple, la

Cour peut ordonner à ce que les honoraires engagés par le plaignant soient payés par le syndicat,

et ce, en vertu de l’article 47.3 C.t. Lorsqu’une telle décision est rendue, la logique de la règle

législative vient rejoindre la logique situationnelle selon laquelle les décisions rendues prennent

en considération l’impact que peut avoir le dépôt d’un grief sur l’ensemble des ressources du

syndicat. Or, ne pas remplir son devoir de juste représentation pour des motifs de ressources

insuffisantes peut avoir un impact aussi significatif pour un syndicat s’il devait débourser les

honoraires du plaignant.

5. Conclusion

La présente étude tente de répondre à la question suivante : comment les tribunaux conçoivent-ils

le rapport entre les chartes des droits et les rapports collectifs du travail lorsqu'ils doivent

déterminer si une association accréditée a rencontré, ou non, son devoir de représentation dans les

cas de harcèlement psychologique au travail?

À la lumière de ce qui précède, nous constatons que l'approche privilégiée par les tribunaux dans

les décisions rendues en vertu de l'article  47.3 C.t. varie. Dans certains cas, la cour adopte une

logique situationnelle, considérant notamment les ressources à la disposition du syndicat auquel

on reproche d'avoir violé son devoir de juste représentation et les intérêts des autres salariés

syndiqués. En ce sens, sans nécessairement « privilégier » les intérêts collectifs des travailleurs

syndiqués aux dépens de l'intérêt individuel du travailleur plaignant, la cour accorde une

importance marquée aux valeurs collectives qui sous-tendent les rapports collectifs du travail. De

même, les tribunaux adoptent parfois une logique relationnelle, accordant une grande importance

à l'état des relations entre les parties, établies principalement dans la convention collective. La

Cour qui raisonne selon cette logique fonde principalement sa décision sur le respect des

procédures établies dans la convention collective. Enfin, certains tribunaux adoptent une logique 106 V. A. c Syndicat des enseignantes et enseignants du CEGEP de la Pocatière, 2008 QCCRT 0198, aux para 189-192, Vallières c APTS - Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (CPS et APTMQ), 2008 QCCRT 0544, au para 52, requête en révision judiciaire accueillie 2009 QCCS 3839, appel accueilli AZ-50737307, 2011 QCCA 588; Chuon c Association des employés du Groupe Holiday inc., 2005 QCCRT 115, au para 45; Dérosema c Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs (euses) du Canada (TCA-Canada), 2009 QCCRT 0051, au par. 73.107 Métallurgistes unis d'Amérique, section locale 9414 c Castonguay (C.A., 2007-12-14), 2007 QCCA 1766, SOQUIJ AZ-50463423, J.E. 2008-145, D.T.E. 2008T-39.

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plus hiérarchique, accordant une importance prépondérante au caractère d’ordre public des

dispositions en matière de harcèlement psychologique.

Bref, une seule conclusion s'impose : l'absence de consensus quant à la façon d'administrer les

rapports entre les dispositions en matière de harcèlement psychologique et les rapports collectifs

du travail. La question du devoir syndical de représentation et des droits et liberté de la personne

dans le cas du harcèlement psychologique soulève un problème de « coexistence de valeurs

différentes »108. Bien qu'il existe une démarche consacrée par la jurisprudence pour déterminer si

un syndicat a contrevenu, ou non, à son devoir de juste représentation, les juges chargés de

trancher les litiges fondés sur l'article  47.3 C.t. n'ont pas tous recours à la même logique.

Certains privilégient les valeurs collectives qui sous-tendent les rapports collectifs du travail alors

que d'autres accordent une importance prépondérante aux valeurs individuelles à la base des

dispositions en matière de harcèlement psychologique. Cette conclusion soulève en elle-même

plusieurs questions. Par exemple, quels sont les impacts de cette absence de consensus? Le rejet

d'une plainte fondée sur l'article  47.3 C.t. au nom de l'intérêt collectif des travailleurs a-t-il un

effet dissuasif sur le dépôt de plaintes pour harcèlement par les travailleurs? Évidemment, la

présente étude s'avère insuffisante pour répondre à ces questions. Enfin, une recherche

quantitative, impliquant un recensement exhaustif de la jurisprudence, permettrait d'observer

l'évolution des logiques employées par les juges au cours des années et, peut-être, de déceler une

tendance démontrant l'atteinte d'un consensus prochain. De même, une étude auprès des syndicats

et des travailleurs permettrait d'en apprendre davantage sur les perceptions et les conséquences de

ces jugements sur les façons de faire en droit du travail québécois.

Bibliographie

Législation

Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c C-21.Code du travail, LRQ, c C-27.Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ c A-3.001.Loi modifiant la loi sur les normes du travail et autres dispositions législatives, LQ 2002, c 80.Loi sur les normes du travail, LRQ, c N-1.1.Loi regroupant la Commission de l’équité salariale, la Commission des normes du travail et la Commission de la santé et la sécurité du travail et instituant le Tribunal administratif du travail, LQ 2015 c 15. Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ c S-2.1.108 Brunelle, Coutu et Trudeau, supra note 1, à la p 40.

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Jurisprudence

Beauchamp et Rassemblement des employés techniciens ambulanciers du Québec (CSN), (C.R.T., 2007-07-03), 2007 QCCRT 0326, SOQUIJ AZ-50440193, D.T.E. 2007T-612, au résumé.

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Similien c Syndicat des travailleurs et travailleuses de Cobra Fixations, 2008 QCCRT 405, [2008] D.C.R.T.Q. no 405.

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Vigeant c Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), SOQUIJ AZ-50468461 (C.A.)

V.A. c Syndicat des enseignantes et des enseignants du Cégep de La Pocatière, 2008 QCCRT 198, [2008] D.C.R.T.Q. no 198.

Verdieu c Association des employés d'industries C.P.S., 2004 QCCRT 559, [2004] D.C.R.T.Q. no 559.

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Autres documents

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